L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») modifiée ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») modifiée ;
Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») modifiée ;
Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (« lignes directrices ») ;
Vu la recommandation C(2003)2647 de la Commission des Communautés européennes du 23 juillet 2003 concernant les notifications, délais et consultations prévus par l'article 7 de la directive « cadre » (recommandation « notification ») ;
Vu la recommandation C(2007)5406 de la Commission des Communautés européennes du 17 décembre 2007 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;
Vu la recommandation 2009/396/CE de la Commission européenne du 7 mai 2009 sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaisons d'appels fixe et mobile dans l'Union européenne ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (« CPCE »), et notamment ses articles L. 36-7, L. 37-1 à L. 37-3, L. 38, L. 38-1 et D. 301 à D. 315 ;
Vu le décret n° 96-1225 modifié du 27 décembre 1996 portant approbation du cahier des charges d'Orange, et notamment l'article 18 de ce cahier des charges annexé audit décret ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société Orange (anciennement France Télécom), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, et dont le siège social est situé au 78, rue Olivier-de-Serres, 75505 Paris cedex 15, à établir et exploiter un réseau de téléphonie ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, ci-après dénommée « Orange » ;
Vu la décision n° 99-490 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 9 juin 1999 portant adoption des lignes directrices relatives aux procédures opérationnelles de la présélection ;
Vu la décision n° 99-1077 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 8 décembre 1999 précisant les conditions et les délais de mise en œuvre de la sélection du transporteur appel par appel et de la présélection ;
Vu la décision n° 00-0030 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 5 janvier 2000 portant sur un différend entre Télécom Développement et Orange relatif à la sécurisation des interconnexions aux commutateurs d'abonnés du réseau d'Orange ;
Vu la décision n° 01-691 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juillet 2001 précisant les conditions et les délais de mise en œuvre de la sélection du transporteur pour les appels locaux internes aux zones locales de tri ;
Vu la décision n° 05-0571 modifiée de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la décision n° 05-1085 modifiée de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 15 décembre 2005 fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation ;
Vu la décision n° 06-0162 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 4 mai 2006 spécifiant les modalités techniques et tarifaires de l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique ;
Vu la décision n° 06-1007 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 7 décembre 2006 portant sur les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à Orange ;
Vu l'arrêté du 24 avril 2007 homologuant la décision n° 2007-0213 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 16 avril 2007 portant sur les obligations imposées aux opérateurs qui contrôlent l'accès à l'utilisateur final pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée ;
Vu la consultation publique de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes relative à l'évolution des prestations techniques de la sélection du transporteur publiée le 11 avril 2008 et clôturée le 9 mai 2008 et les réponses à cette consultation publique ;
Vu la consultation publique de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes relative aux référentiels de coûts et autres éléments pertinents pour la mise en œuvre des obligations de contrôle tarifaire sur les prestations de terminaison d'appel et de départ d'appel sur les réseaux fixes publiée le 20 mai 2008 et clôturée le 20 juin 2008 et les réponses à cette consultation publique ;
Vu le courrier d'Orange en date du 6 juin 2008 ;
Vu la décision n° 2008-0896 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la décision n° 2010-1351 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 14 décembre 2010 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Orange et SFR ;
Vu la décision n° 2011-0926 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 juillet 2011 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la décision n° 2012-0856 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 17 juillet 2012 modifiant l'organisation des tranches de numéros commençant par 08 et des numéros courts prévue par la décision n° 2005-1085 du 15 décembre 2005 ;
Vu la consultation publique de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes relative à l'analyse des marchés de la téléphonie fixe menée du 20 février 2014 au 21 mars 2014 et les réponses à cette consultation publique ;
Vu les recommandations portant sur le marché de gros de l'interconnexion SVA du 20 mars 2014 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;
Vu la demande d'avis, en date du 13 mai 2014, de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à l'Autorité de la concurrence, portant sur l'analyse des marchés de la téléphonie fixe, en application de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques ;
Vu l'avis n° 14-A-08 de l'Autorité de la concurrence du 20 juin 2014 relatif à la demande d'avis susvisée ;
Vu la consultation publique de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes relative au projet de décision précité, menée du 15 mai 2014 au 18 juin 2014 et les réponses à cette consultation publique ;
Vu le projet de décision portant sur la définition des marchés pertinents de l'accès au service téléphonique et du départ d'appel en position déterminée, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative et les obligations imposées à ce titre, notifié à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 19 août 2014 ;
Vu les observations de la Commission européenne et des autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne reçues le 19 septembre 2014 ;
Après en avoir délibéré le 30 septembre 2014,
L'Autorité a effectué sa première analyse des marchés de la téléphonie fixe en 2005. Cette analyse a fait l'objet de la décision n° 05-0571 en date du 27 septembre 2005, portant sur les marchés pertinents de la téléphonie fixe. Une deuxième analyse des marchés de la téléphonie fixe a été réalisée en 2008 : elle a fait l'objet de la décision n° 2008-0896 en date du 29 juillet 2008. Enfin, une troisième analyse des marchés de la téléphonie fixe a été réalisée en 2011 et a fait l'objet de la décision n° 2011-0926 en date du 26 juillet 2011 (1). Le présent document s'inscrit dans le cadre du quatrième cycle d'analyse des marchés de la téléphonie fixe.
L'analyse des marchés de la téléphonie fixe effectuée en 2005 avait identifié six marchés de détail et trois marchés de gros pertinents. L'ensemble de ces marchés pertinents faisait alors partie des marchés susceptibles d'être régulés ex ante tels que définis dans la recommandation sur les marchés pertinents publiée en 2003 par la Commission européenne.
Une partie de ces marchés - marchés de détail des communications et marchés de gros du transit - a été retirée de la liste figurant dans la recommandation révisée de la Commission européenne sur les marchés pertinents, en date du 17 décembre 2007. L'analyse des marchés de la téléphonie fixe effectuée en 2008 a confirmé que ces marchés n'étaient effectivement plus pertinents pour une régulation ex ante sur une base nationale.
Partant du bilan présenté supra sur la régulation appliquée lors des trois premiers cycles et la situation concurrentielle observable sur les marchés concernés, l'Autorité effectue ci-après sa nouvelle analyse des marchés de la téléphonie fixe reconnus pertinents par la Commission européenne dans sa recommandation révisée sur les marchés pertinents, susmentionnée.
Les marchés en question sont les marchés de détail de l'accès fixe à un service téléphonique au public et le marché de gros du départ d'appel en position déterminée. L'Autorité rappelle que, contrairement aux cycles précédents, les marchés de la terminaison d'appel fixe sont désormais traités dans une décision séparée, élaborée au terme d'une analyse conjointe des marchés de la terminaison d'appel voix fixe, voix mobile et SMS.
I. - DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE LA TÉLÉPHONIE FIXE DÉFINIS DANS LA RECOMMANDATION RÉVISÉE
I.1. Introduction sur la délimitation des marchés
L'exercice de délimitation des marchés a pour but de définir le contour, en termes de produits et de services puis en termes géographiques, des marchés susceptibles d'être régulés par une autorité sectorielle. Cet exercice est, en application des dispositions de la directive européenne « cadre », effectué au regard des principes issus du droit de la concurrence.
I.1.1. Définitions importantes
Les définitions suivantes sont importantes dans le cadre de ce document :
Communication téléphonique (ou appel) : on entend par « communication téléphonique » ou « appel » une communication en temps réel établie par un utilisateur final à destination d'un autre utilisateur final via un numéro du plan national de numérotation (2) ;
Interconnexion directe : modalité d'interconnexion dans laquelle un opérateur achemine à partir d'un point d'interconnexion à son réseau, jusqu'à l'un de ses abonnés, le trafic provenant d'un client de l'opérateur interconnecté. Dans la plupart des cas, cette modalité implique l'achat d'une prestation de gros de terminaison d'appel à l'opérateur contrôlant l'accès au service téléphonique de l'utilisateur final appelé ;
Interconnexion indirecte : modalité d'interconnexion qui implique pour l'opérateur qui contrôle l'accès l'acheminement du trafic de l'un de ses abonnés au point d'interconnexion pour que ce trafic puisse être collecté par un autre opérateur. Dans la plupart des cas, l'interconnexion indirecte requiert l'achat d'une prestation de gros de départ d'appel à l'opérateur contrôlant l'accès au service téléphonique de l'utilisateur final appelant ;
Poste fixe : on entend par « poste fixe » tout équipement terminal, connecté à un point de terminaison d'un réseau ouvert au public en position déterminée et permettant d'accéder au service téléphonique, à l'exclusion des publiphones ;
Services associés à l'accès : on entend par « services associés à l'accès » les fonctionnalités complémentaires à la fourniture d'un accès qui sont mises à la disposition des utilisateurs finals pour gérer leurs communications. Elles comprennent notamment le signal d'appel, l'affichage du numéro ou du nom des appelants, le renvoi d'appels, le rappel du dernier appelant, la restriction de la présentation du numéro, le double appel, la conférence téléphonique, la messagerie vocale, le répertoire téléphonique, le suivi de consommation, la restriction d'appels et la sélection directe à l'arrivée ;
Service téléphonique au public : le 7° de l'article L. 32 du CPCE définit actuellement un « service téléphonique au public » comme un service « permettant au public de passer et de recevoir, directement ou indirectement, des appels nationaux et internationaux en composant un ou plusieurs numéros du plan national ou international de numérotation téléphonique».
Afin de faciliter la compréhension du lecteur, un glossaire technique est fourni à l'annexe E du présent document.
I.1.2. Délimitation des marchés en termes de produits et services
Le périmètre des marchés du point de vue des produits et services repose principalement sur l'analyse des éléments suivants :
- les caractéristiques objectives, le prix et l'usage des services : ces éléments, cités par les lignes directrices n° 2002/C165/03 de la Commission européenne du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (ci-après « lignes directrices »), permettent de définir l'ensemble des services qui peuvent appartenir à un même marché, en particulier sur les marchés de détail ;
- la substituabilité du côté de la demande : deux produits ou services appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment interchangeables pour leurs utilisateurs, du point de vue de l'usage qui en est fait, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de migration d'un produit vers l'autre, etc. Afin d'apprécier cette notion d'interchangeabilité, l'analyse doit en particulier prouver que la substitution entre les deux produits est rapide et prendre en compte les coûts d'adaptation qui en découlent ;
- la substituabilité du côté de l'offre : un produit B peut appartenir au même marché que le produit A en cas de substituabilité du côté de l'offre, c'est-à-dire lorsque les fournisseurs du produit B peuvent commencer à produire le produit A en cas de hausse du prix de marché de ce produit, sans qu'ils aient à subir des coûts importants de modification de leur appareil de production.
Pour établir l'existence d'une substituabilité éventuelle entre services du point de vue de la demande ou de l'offre, l'analyse peut également impliquer la mise en œuvre de la méthode dite du « monopoleur hypothétique » ainsi que le suggèrent les « lignes directrices » de la Commission européenne. Du point de vue de la demande, ce test consiste à étudier qualitativement les effets sur la demande d'une augmentation légère, 5 à 10 % par exemple, mais réelle et durable, du prix pratiqué par un hypothétique monopoleur sur un service donné, de manière à déterminer s'il existe des services considérés comme substituables par les demandeurs, vers lesquels ils seraient susceptibles de s'orienter. Du point de vue de l'offre, il s'agit de savoir si, face à une telle hausse de prix, des entreprises commercialisant d'autres services seraient en mesure de fournir, rapidement et facilement, un service équivalent à celui du monopoleur hypothétique. Ainsi que le mentionnent les « lignes directrices », l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en œuvre n'implique pas une étude économétrique.
I.1.3. Délimitation des marchés en termes géographiques
Il est rappelé dans les « lignes directrices » susvisées (point 56) que « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».
Concrètement, deux principaux critères permettent de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : le territoire effectivement couvert par les réseaux, d'une part, et l'existence d'instruments de nature juridique conduisant en pratique à distinguer des zones géographiques ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale, d'autre part.
I.2. Délimitation des marchés de détail de l'accès fixe à un service téléphonique au public
Parmi les marchés de détail de la téléphonie fixe, seul le marché de détail de l'accès à un service téléphonique fixe au public a été maintenu dans la recommandation « marchés pertinents » révisée de la Commission européenne. Cette partie traite de la délimitation de ce marché et de sa subdivision en deux sous-marchés, l'un résidentiel et l'autre non résidentiel.
I.2.1. Délimitation des marchés en termes de produits et de services
Afin de définir le périmètre des marchés de l'accès en termes de produits et services, l'Autorité présente ci-après les différentes prestations existantes d'accès fixe à un service téléphonique au public (I.2.1.1) avant d'effectuer différentes analyses de substituabilité (I.2.1.2 à I.2.1.7).
I.2.1.1. Les différentes prestations existantes d'accès fixe à un service téléphonique au public
Avant de déterminer les prestations faisant partie du marché pertinent de l'accès fixe à un service téléphonique au public, il convient de décrire l'ensemble des prestations d'accès disponibles sur le marché. Il est possible de distinguer trois types de prestations d'accès fixe, définis selon leur rapport avec la téléphonie :
- les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie ;
- les accès utilisés principalement pour la téléphonie ;
- les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie.
L'abonnement de base à un accès fixe au service téléphonique, quand il n'est utilisé pour aucun autre service que la téléphonie, correspond de façon évidente à un accès utilisé exclusivement pour la téléphonie.
Mais dès lors que l'accès en question est dégroupé partiellement, son usage n'est plus strictement limité à la téléphonie. En effet, l'abonnement à un accès fixe au service téléphonique permet également dans ce cas de souscrire par ailleurs un service d'accès à l'internet (3). Néanmoins son usage principal reste le service téléphonique.
Une offre multiservices en dégroupage total ou DSL nu en revanche n'est pas utilisée principalement pour la téléphonie puisque ce type d'offre permet à la fois l'accès à l'internet, l'accès à un service téléphonique de voix sur large bande et l'accès à un service de télévision sur IP. Il s'agit par conséquent d'un exemple d'offre dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie.
D'autres types de produits d'accès au réseau (par fibre optique, par câble, etc.) permettent également l'accès à un service téléphonique. Selon les cas, leur usage peut se limiter ou non à la téléphonie.
Les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie font évidemment partie du marché pertinent de l'accès au service téléphonique. Afin de délimiter ce marché, il convient ensuite d'analyser la substituabilité de ce type de prestations avec les autres types d'accès au service téléphonique. L'analyse qui suit démontre la substituabilité entre les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie et les accès utilisés principalement pour la téléphonie (I.2.1.2) et la non substituabilité entre les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à l'accès au service téléphonique (I.2.1.3).
Par ailleurs, l'Autorité note que, historiquement, les offres d'accès fixe à un service téléphonique au public couplaient systématiquement l'accès au réseau et l'accès au service téléphonique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : en effet, les réseaux multiservices de nouvelle génération permettent de décorréler la fourniture de l'accès au réseau et la fourniture de l'accès au service téléphonique, qui peuvent même être réalisées par deux opérateurs distincts. Les deux composantes restent toutefois nécessaires pour offrir un service téléphonique fonctionnel au client final. L'analyse qui suit montre la non-substituabilité des accès au service téléphonique vendus conjointement et séparément de l'accès au réseau (I.2.1.4).
Enfin, l'Autorité montre qu'il n'y a pas substituabilité entre accès mobiles et accès fixes (I.2.1.5). Puis elle classe les offres d'accès au service téléphonique fixe et les offres de communications téléphoniques dans des marchés distincts (I.2.1.6), avant de démontrer que les clientèles résidentielle et non résidentielle continuent également, en France, de délimiter deux marchés différents (I.2.1.7).
I.2.1.2. Les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie et les accès utilisés principalement pour la téléphonie sont substituables
Les offres d'abonnement analogiques d'Orange permettent à leurs clients de souscrire un accès haut débit à l'internet auprès d'Orange ou d'un autre fournisseur d'accès à internet (FAI) via le dégroupage partiel ou le bitstream. L'ensemble des produits commercialisés aujourd'hui pour donner accès à un service téléphonique au public permettent également d'accéder à l'internet en bas débit, bien que ce service soit en voie d'extinction. Les offres d'abonnement analogiques ne sont ainsi pas toujours utilisées exclusivement pour accéder à un service téléphonique au public. Par ailleurs, l'offre d'accès de base RNIS (4) comprend deux canaux B utilisés principalement pour la voix ainsi qu'un canal D utilisé pour la signalisation et le transport de données.
Même s'ils permettent des usages annexes, tous ces produits sont commercialisés principalement pour permettre d'accéder au service téléphonique et sont vendus dans une gamme de prix qui reflète principalement l'usage de l'accès au service téléphonique. Il existe donc une substituabilité du côté de la demande. Ces produits doivent par conséquent être considérés dans les mêmes marchés, y compris les prestations annexes incluses dans ces offres, dans la mesure où l'ensemble de ces services est commercialisable en bouquet indissociable.
Conformément à l'article L. 32-1 (II, 13)° du CPCE, l'analyse de l'Autorité doit être la plus neutre possible technologiquement. Ainsi, bien qu'il n'en existe plus sur le marché français, si un opérateur commercialisait un produit d'accès pour la voix fondé sur d'autres technologies que celles utilisées aujourd'hui (analogique, RNIS), par exemple de la voix sur large bande sur un accès en cuivre, câblé ou en fibre optique, qui serait principalement utilisé pour accéder à un service téléphonique au public et qui serait vendu dans une même gamme de prix que l'abonnement principal d'Orange, un tel produit serait inclus dans le même marché que les autres accès principalement dédiés au service téléphonique. A titre d'exemple, le câblo-opérateur Numericable a longtemps commercialisé une offre d'accès exclusivement dédiée à la téléphonie, qui faisait partie du même marché que l'abonnement principal d'Orange.
On observe ce cas de figure sur le marché spécifique entreprises, lorsqu'un opérateur alternatif construit, pour un site non résidentiel présentant des besoins significatifs en nombre de canaux téléphoniques (généralement à partir de 6 à 8 canaux), une offre de téléphonie reposant sur une liaison louée à interface traditionnelle ou alternative (5), dans une gamme de prix comparable à celle d'une offre d'accès primaire RNIS d'Orange (pouvant comporter jusqu'à 30 canaux voix). Dans ce cas, l'Autorité estime que ces deux types d'offres sont substituables et doivent donc être inclus dans le même marché.
Dans la suite de ce document, on qualifie de « principalement téléphoniques » les accès utilisés exclusivement ou principalement pour la téléphonie.
I.2.1.3. Les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie ne sont pas substituables
Les produits qui ne sont pas principalement utilisés pour accéder à un service téléphonique au public ne peuvent pas être considérés comme substituables aux produits analysés dans la section précédente. Certaines offres d'accès physique, que le raccordement sous-jacent soit effectué par câble, par paire de cuivre ou par fibre optique, permettent d'accéder à un service téléphonique au public mais fournissent de manière conjointe d'autres services tels qu'un réseau privé virtuel, l'accès haut débit à l'internet ou l'accès à un bouquet de chaînes de télévision. Dès lors que ces offres ne sont pas choisies par le client final principalement pour la prestation de téléphonie mais également, voire principalement, pour leur caractère multiservices (notamment l'accès à l'internet à haut débit ou à des services audiovisuels), elles ne répondent pas à la même demande que celles destinées principalement à l'accès téléphonique. Il n'existe donc pas de substituabilité du côté de la demande.
En outre, le positionnement commercial et le développement des offres multiservices d'accès haut débit, auxquelles un utilisateur s'abonne pour des services qui peuvent inclure le service téléphonique mais sans en constituer l'élément principal, les distinguent des offres dont cet accès est le principal usage. Le premier élément distinguant les accès principalement téléphonique des autres est le tarif. En effet, le tarif de détail des accès haut débit, s'il a connu une décroissance continue à un débit donné, reste sensiblement plus élevé que celui d'un accès dédié au service téléphonique.
A titre d'exemple, sur le segment résidentiel, les offres les plus vendues par les opérateurs alternatifs sont les offres multiservices, en dégroupage total, incluant la téléphonie illimitée et comprenant à la fois l'accès à internet en haut débit, un service téléphonique sur large bande avec un forfait illimité de communications vers les numéros géographiques métropolitains et de nombreuses destinations internationales, ainsi qu'un bouquet de chaînes de télévision. Or, ces offres font généralement l'objet d'un abonnement mensuel démarrant à environ 30 € TTC par mois. Ce montant est à mettre en regard des forfaits mensuels associés aux offres d'accès exclusivement dédiés à la téléphonie. A titre d'exemple, l'abonnement mensuel au service téléphonique analogique d'Orange s'élève à 16,96 € TTC par mois et celui de SFR, reposant sur la vente en gros de l'accès au service téléphonique (ci-après « VGAST »), à 15,90 € TTC par mois. Ces différences substantielles de niveaux de prix démontrent l'absence de substituabilité de ces différents types d'offres.
L'ARCEP observe cependant l'apparition d'offres résidentielles dites « dual-play » couplant un service d'accès à l'internet et de téléphonie en voix sur large bande (VLB) et proposées à des tarifs (6) comparables à ceux des offres principalement téléphoniques. Néanmoins, l'éligibilité de ces offres se limite à des zones géographiques restreintes (zone arrière des NRA dégroupés les plus gros), jugées suffisamment rentables par les opérateurs concernés. A ce titre, et plus généralement, l'Autorité note que pour des raisons économiques les offres principalement téléphoniques ne sont pas reproductibles en VLB au niveau national, à ce jour.
Au vu de ce qui précède, en ce qui concerne le segment résidentiel, l'Autorité estime que les offres principalement et non principalement téléphoniques ne sont pas substituables.
Cette analyse est identique pour le marché non résidentiel : les produits dont l'usage principal n'est pas limité à l'accès à un service téléphonique au public ne sont pas substituables à ceux qui sont utilisés principalement pour accéder à un service téléphonique au public.
I.2.1.4. Les accès au service téléphonique vendus séparément de l'accès au réseau ne sont pas substituables aux accès au service téléphonique vendus conjointement à l'accès au réseau
L'Autorité constate qu'existe aujourd'hui un modèle économique sur les réseaux IP reposant sur la décorrélation entre la fourniture de l'accès et la fourniture du service téléphonique - les deux pouvant être assurées par des opérateurs différents. Des opérateurs comme OVH (7) proposent ainsi des services téléphoniques à l'utilisateur final sans pour autant contrôler l'accès physique haut débit à celui-ci. Ces opérateurs disposent de plates-formes de services de VoIP et d'un réseau interconnecté avec le réseau des opérateurs fournisseurs d'accès haut débit contrôlant l'accès physique à leurs clients finals ainsi qu'avec les autres opérateurs fournisseurs de services téléphoniques au public. Ils détiennent également leurs propres ressources de numérotation ouvertes à l'interconnexion.
L'Autorité souligne qu'il reste indispensable, pour que le client final dispose d'un service téléphonique fonctionnel, qu'il ait souscrit préalablement à une offre d'accès physique à un réseau haut débit qui puisse supporter l'accès au service téléphonique. Or, ces offres d'accès physique sont à ce jour majoritairement des offres d'accès à l'internet haut débit, dont les tarifs d'entrée de gamme sont significativement supérieurs à ceux des accès principalement téléphoniques, comme expliqué supra. Quand bien même le tarif de l'accès au service téléphonique vendu séparément sur cet accès physique serait nul (par exemple si le fournisseur choisit de se rémunérer via les communications uniquement), le coût global pour le client final d'une solution reposant sur l'achat séparé à deux prestataires d'un accès physique à un réseau haut débit et d'un accès au service téléphonique est significativement supérieur à celui d'un accès principalement téléphonique combinant accès au réseau et accès au service téléphonique.
Par conséquent, les accès au service téléphonique vendus séparément de l'accès au réseau ne sont pas substituables aux accès au service téléphonique vendus conjointement à l'accès au réseau.
I.2.1.5. Les accès mobiles à un service téléphonique au public ne sont pas substituables aux accès fixes
Un accès mobile est caractérisé par le fait de permettre à l'utilisateur d'avoir recours à un service indépendamment de sa localisation. Cette propriété de mobilité conduit par nature à ce que l'utilisateur perçoive ces services comme différents des services « en position déterminée », ou « services fixes ». En outre, le mobile revêt un caractère individuel. A l'inverse, en pratique, un foyer ou une entreprise, même lorsque certains de ses membres ou employés disposent d'un téléphone mobile, se dispense rarement d'un accès fixe au service téléphonique, de caractère partagé. L'Autorité constate d'ailleurs en pratique que le nombre d'accès aux services de téléphonie fixe n'a pas réellement diminué du fait de la pénétration des services mobiles. A ce jour, la grande majorité des clients finals disposent ainsi à la fois d'un accès mobile et d'un accès fixe au service téléphonique. Les accès mobiles ne sont donc pas substituables à leurs équivalents fixes.
On observe néanmoins des effets de substituabilité limités entre les deux types d'accès à un service téléphonique au public. Un utilisateur final peut ainsi utiliser un accès mobile sur le lieu où il dispose de son accès fixe, la réciproque étant généralement fausse.
L'Autorité remarque ainsi la multiplication des offres de convergence entre les réseaux fixes et mobiles. Ces offres sont proposées principalement aujourd'hui par des acteurs intégrés horizontalement sur les marchés fixe et mobile, mais pourraient l'être également par des opérateurs fixe et mobile ayant établi un partenariat pour proposer une offre conjointement. Il s'agit :
- de convergence commerciale avec l'émergence d'offres couplant les services fixes de téléphonie, d'accès à l'internet et de télévision sur IP à un forfait de téléphonie mobile. Ce type d'offres, qui a émergé en mai 2009 avec le lancement d'Ideo par Bouygues Telecom, a rapidement été suivi par les autres opérateurs. L'impact de ces offres dites « quadruple play » a essentiellement été d'ordre tarifaire, avec des réductions octroyées pouvant atteindre 20 % par rapport aux offres fixes et mobiles vendues séparément ;
- de convergence technique, d'abord avec le lancement par Orange France à l'automne 2006 (8) de l'offre convergente Unik reposant sur un terminal ad hoc (GSM/Wifi) permettant des communications illimitées vers les fixes et vers les mobiles Orange France depuis le domicile et connecté à la Livebox grâce à la technologie UMA, puis par le lancement de l'offre femtocell Home 3G par SFR en novembre 2009, une offre rapidement proposée par les opérateurs intégrés fixe-mobile. L'offre consiste à raccorder un boîtier à la connexion haut débit fixe de l'utilisateur final afin de passer des communications mobiles (voix, SMS ou data), sans passer par la boucle locale radio. Le boîtier permet de fournir une couverture mobile de qualité au domicile de l'utilisateur final et contribue à décharger la boucle locale radio, étant donné que les communications passées depuis le domicile atteignent alors le réseau cœur de l'opérateur mobile en passant par un accès fixe.
Ce type d'offres conduit à penser que les accès fixes et mobiles à un service téléphonique au public pourraient, à long terme, constituer un unique marché. Mais il ne s'agit à ce jour que d'une tendance potentielle puisque la très grande majorité des consommateurs continue d'utiliser les accès fixes, d'une part, et les accès mobiles, d'autre part, de façon distincte et non interchangeable. L'Autorité suivra les développements de ces offres et pourra être amenée, le cas échéant, à revoir son analyse.
I.2.1.6. Les accès fixes à un service téléphonique au public et les communications téléphoniques constituent des marchés distincts
Du point de vue historique, les prestations d'accès à un service téléphonique au public ont toujours été proposées séparément des prestations de communications téléphoniques. Bien qu'aujourd'hui une majorité d'offres couplent accès et communications, une part non négligeable des clients résidentiels et non résidentiels continue de distinguer l'abonnement des communications dans leurs choix d'achats et dans le contrôle de leur budget (notamment parce qu'un nombre important de clients continue à bénéficier d'offres découplées (9), pour des raisons historiques).
En outre, le mécanisme de sélection du transporteur, introduit à partir de 1997, repose sur la séparation entre l'accès et les communications et maintient cette distinction. Historiquement, la sélection du transporteur a été mise en œuvre pour développer la concurrence entre les opérateurs fournissant l'acheminement des appels, indépendamment des conditions de concurrence qui pouvaient être observées sur le marché de l'accès à un service téléphonique au public. De fait, la souscription à un abonnement de téléphonie fixe et la souscription à un service de communications fixes, appel par appel ou en présélection, sont effectuées auprès d'opérateurs distincts. Sous le coup du développement d'offres de communications fondées sur la sélection du transporteur, l'intensité concurrentielle est sensiblement différente entre les marchés des communications et ceux de l'accès, bien que l'écart se resserre.
En effet, depuis 2006 et la mise en œuvre de l'offre de VGAST, les opérateurs alternatifs ont la possibilité de proposer des offres couplant accès et communications aux clients titulaires d'un accès chez Orange en évitant que soit maintenu un lien commercial entre Orange et ledit client. De même, Orange commercialise une gamme d'offres « Optimale » couplant accès et communications. Ces offres unifiées, qui simplifient l'expérience client, avec notamment une facture unique au lieu de deux dans le cas de la sélection du transporteur, se multiplient. Ainsi on observe que l'utilisation des offres de sélection du transporteur sèche (i.e. hors VGAST), notamment la sélection appel par appel est en forte baisse, au profit de l'utilisation de la VGAST pour la fourniture d'offres de détail principalement téléphoniques et d'accès haut ou très haut débit pour fournir des offres de détail multiservices qui incluent quasi systématiquement un forfait téléphonique d'abondance couplé avec l'accès.
Toutefois, au vu des volumes restants, l'Autorité estime que, pour ce cycle, les marchés de l'accès et des communications ne sont pas encore substituables et continuent à constituer des marchés distincts. Cette analyse est conforme à la recommandation « marchés pertinents » de la Commission européenne de 2007 (note explicative). La Commission européenne y indique en effet que, bien que les services téléphoniques soient généralement fournis sous forme d'offres couplant accès et communications, et que des options et formules diverses soient proposées aux utilisateurs finals en fonction de leurs habitudes de consommation ou de leur profil d'appel, de nombreux utilisateurs finals semblent préférer acheter tout ou partie des appels sortants chez un opérateur distinct de celui fournissant l'accès (et la réception d'appels). Ainsi, un opérateur qui tenterait d'augmenter le prix des appels sortants au-dessus du prix concurrentiel de marché serait confronté à la perspective que ses utilisateurs finals choisissent des fournisseurs de services alternatifs. En effet, par le biais de préfixes courts ou d'une présélection du transporteur, les utilisateurs finals peuvent choisir relativement facilement des fournisseurs alternatifs. De surcroît, il ne semble pas que les opérateurs qui ne fournissent que les appels sortants, via la sélection ou la présélection du transporteur, entreraient systématiquement sur le marché de l'accès en réponse à une augmentation faible, mais non transitoire et significative des prix de l'accès. En conséquence, il est possible d'identifier des marchés de détail séparés pour l'accès et pour les appels sortants (10).
Néanmoins, l'Autorité pourrait envisager, au vu des développements actuellement observés sur le marché de détail, de confondre les marchés de l'accès et des communications en un unique marché des services téléphoniques, à l'occasion du prochain cycle d'analyse des marchés de la téléphonie fixe. L'ORECE propose d'ailleurs, dans sa réponse de janvier 2013 à la consultation publique menée par la Commission européenne sur la révision de sa recommandation « marchés pertinents », d'envisager l'unification des deux marchés.
I.2.1.7. Les clientèles résidentielle et non résidentielle délimitent des marchés distincts
Dans la note explicative de sa recommandation « marchés pertinents » de 2007, la Commission européenne a considéré que les clientèles résidentielle et non résidentielle pouvaient être regroupées au sein d'un même marché pertinent, estimant que les conditions d'accès ne différaient pas substantiellement d'un segment de clientèle à l'autre, et que cette similitude entre ces deux profils d'utilisateurs n'encourageait pas les opérateurs à différencier leurs offres et à comptabiliser différemment les clients en fonction de leurs segments (11).
La Commission européenne précise toutefois dans le même document que les Autorités de régulation nationales ont la possibilité de décider, si les circonstances nationales le justifient, de continuer de considérer des marchés distincts pour les clientèles résidentielle et non résidentielle.
Dans la continuité de la segmentation effectuée lors du précédent cycle d'analyse, l'Autorité considère que la distinction entre les marchés de détail résidentiels et non résidentiels demeure pertinente en France. En effet, s'il existe un certain degré de substituabilité, notamment en matière de demande, celle-ci n'est pas totale.
Tout d'abord en ce qui concerne les besoins des utilisateurs, les produits d'accès fixe ainsi que les contrats associés à ces produits, achetés par la clientèle non résidentielle diffèrent souvent de ceux achetés sur le marché résidentiel. A titre d'exemple, les accès de base (ainsi que les groupements d'accès de base) et les accès primaires (ainsi que les groupements d'accès primaire) sont quasi exclusivement achetés sur le marché non résidentiel. De plus, même si certains accès sont à la fois achetés par la clientèle résidentielle et non résidentielle (par exemple les accès analogiques), les caractéristiques associées à ces produits différent fortement d'un marché à l'autre. Notamment, s'agissant des utilisateurs finals du marché non résidentiel, les commandes d'accès sont souvent centralisées, les dates de livraisons des commandes harmonisées et, en cas de conservation des numéros, celles-ci se font souvent par bloc de numéros. En outre, ces utilisateurs finals tendent à solliciter davantage de services associés ou avancés (présentation du nom, transfert d'appel, statistiques d'usage, etc.), et à acheter leurs accès via des appels d'offres (les processus d'achat sur les marchés résidentiels étant en général moins complexes). L'Autorité tient à souligner, toujours concernant les caractéristiques des usages sur les deux marchés de l'accès fixe identifiés, que les clients non résidentiels présentent une demande nettement supérieure en termes de qualité de service (disponibilité, temps de rétablissement, service après-vente, etc.), une interruption de services pouvant porter préjudice au fonctionnement d'une entreprise notamment en ce qui concerne la relation avec ses partenaires externes. Enfin, les profils d'usages diffèrent sensiblement sur les deux marchés et les clients non résidentiels utilisent les services de communications électroniques principalement durant les heures et jours ouvrables, au contraire des résidentiels. Les offres de détail achetées par ces deux catégories de clients ne sont en conséquence pas identiques (mode de tarification, remises accordées, etc.).
Les besoins spécifiques des clients non résidentiels présentés supra ont un impact important sur la façon dont sont construites les offres sur ces deux marchés mais aussi sur la structure concurrentielle des marchés concernés. En particulier, l'Autorité note qu'en fonction de la clientèle adressée, les opérateurs proposent des offres tarifaires différentes. L'Autorité note également que les canaux de distribution et de commercialisation, et plus généralement les politiques commerciales (notamment la cible des offres) des opérateurs, sont distincts entre les deux clientèles : certains opérateurs sont d'ailleurs uniquement actifs sur le marché généraliste (Free) ou spécifique entreprises (Colt, Verizon, etc.). Certains petits clients non résidentiels, dont les usages sont particulièrement proches de ceux des clients résidentiels, peuvent toutefois opter pour des offres conçues pour les résidentiels, mais ce chevauchement entre les deux franges de clientèles identifiées reste marginal.
Enfin, la plus grande complexité des offres destinées au marché non résidentiel impose des contraintes particulières aux opérateurs désirant adresser ce marché. Ces derniers doivent par exemple être en mesure d'offrir des garanties de qualité de service adaptées aux besoins des clients non résidentiels (garanties de temps de rétablissement plus élevées que sur les marchés résidentiels) ou encore collaborer avec des installateurs et intégrateurs pour le déploiement des infrastructures d'accès. A titre illustratif, du fait de la plus grande complexité des offres destinées à la clientèle du marché non résidentiel (et notamment de la qualité de service à fournir), l'utilisation de l'offre VGAST a été plus rapide et répandue sur le marché résidentiel (dès 2007). Sur le marché non résidentiel, les opérateurs alternatifs ont estimé nécessaire de procéder au préalable à des expérimentations plus élaborées. Les ventes sur ce segment ne sont devenues significatives qu'à partir de 2008 mais tirent, depuis, la croissance du parc d'accès VGAST.
Au vu de ces éléments, l'Autorité estime justifié de segmenter les types de clientèle sur lesquels porte la délimitation des marchés et d'analyser la clientèle résidentielle d'une part, et la clientèle non résidentielle d'autre part.
I.2.2. Délimitation des marchés en termes géographiques
Après avoir délimité les marchés de détail de l'accès en termes de produits, il est nécessaire d'établir leur délimitation géographique.
Le groupe Orange est présent, tant pour les prestations de détail que pour les prestations de gros, sur un territoire comprenant la métropole, les départements d'outre-mer ainsi que les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. L'Autorité estime que les conditions de concurrence sont suffisamment proches en métropole, dans les départements d'outre-mer et à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon pour les intégrer dans les mêmes marchés, dans la mesure où la présence et la pratique d'une politique commerciale et, notamment, tarifaire, uniforme sur l'ensemble de ce territoire de l'opérateur Orange y structurent le jeu concurrentiel de manière suffisamment homogène.
Par conséquent, la délimitation géographique retenue dans la présente analyse pour les marchés de détail de l'accès correspond à la métropole, aux départements d'outre-mer, et aux collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
I.2.3. Conclusion
La délimitation des marchés de détail de l'accès, pour la clientèle résidentielle d'une part, et pour la clientèle non résidentielle d'autre part, reste inchangée par rapport aux analyses effectuées par l'Autorité en 2005, 2008 et 2011. Ces marchés comprennent les produits d'accès utilisés principalement ou exclusivement pour l'accès au service téléphonique et incluant l'accès physique au réseau, sur l'ensemble du territoire d'analyse :
- le marché de détail de l'accès à un service téléphonique au public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle résidentielle principalement pour accéder à un service téléphonique au public ;
- le marché de détail de l'accès à un service téléphonique au public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle non résidentielle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle non résidentielle principalement pour accéder à un service téléphonique au public.
I.3. Délimitation du marché de gros du départ d'appel en position déterminée
I.3.1. Préambule relatif aux architectures des réseaux
Le document « Bilan et perspectives » mis en consultation entre le 20 février et le 21 mars 2014 décrit les évolutions générales des architectures et des technologies utilisées par les opérateurs fixes. Cette partie se concentre plus précisément sur l'organisation de l'interconnexion.
I.3.1.1. Architecture des réseaux téléphoniques
Le schéma ci-après présente l'architecture générique d'une communication téléphonique, qui est indépendante du type de réseau la supportant.
Figure 1. - Architecture générique d'une communication téléphonique
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
Deux principaux types de réseaux coexistent aujourd'hui, dont l'architecture est fondamentalement différente : les réseaux téléphoniques commutés, présentés sur la figure 2 et expliqué dans ce qui suit, et les réseaux IP-NGN multiservices. Ces types de réseaux sont interconnectables, mais présentent des spécificités en termes d'architecture d'interconnexion.
Figure 2. - Architecture du réseau téléphonique commuté d'Orange
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
I.3.1.1.1. Cas des réseaux téléphoniques commutés.
Le réseau historique d'Orange est un réseau téléphonique commuté RTC, représenté sur la figure 2. Celui-ci est organisé hiérarchiquement. En effet, compte tenu des structures de coûts des réseaux RTC et de la dimension locale d'une partie importante du trafic voix, le réseau RTC d'Orange est établi suivant une architecture à plusieurs niveaux de commutation, afin de réduire les distances d'acheminement du trafic entre deux points (mais aussi, par ailleurs, pour gérer le nombre important d'utilisateurs).
Au niveau bas, les commutateurs raccordant les utilisateurs finals sont appelés « commutateurs d'abonnés » (CA) ou « commutateurs à autonomie d'acheminement » (CAA). Au niveau haut, un « commutateur de transit » (CT) raccorde plusieurs commutateurs d'abonnés et achemine le trafic qui leur est destiné ou qu'ils génèrent. La métropole est divisée en 18 zones de transit (ZT), comprenant chacune un commutateur de transit (12) auquel sont connectés plusieurs commutateurs d'abonnés. Les réseaux commutés des autres opérateurs sont d'envergure moindre que celui d'Orange et ne possèdent généralement qu'un seul niveau hiérarchique pouvant assurer simultanément des fonctions de transit et de commutation.
I.3.1.1.2. Cas des réseaux « NGN ».
Depuis plusieurs années, Orange a déployé en parallèle un « réseau de nouvelle génération » (NGN ou « Next Generation Networks » en anglais) multiservices, qui lui permet de proposer des services complémentaires aux services téléphoniques, comme l'accès à l'internet haut débit ou la télévision sur IP. Ce réseau permet également l'acheminement de la voix sur large bande dite VLB. Deux réseaux, RTC et IP-NGN, coexistent ainsi.
Les autres opérateurs ont également déployé des réseaux IP-NGN, qui présentent l'avantage de pouvoir transporter simultanément des flux de voix et de données à des débits importants, sur une unique infrastructure de transport utilisant le protocole IP (aussi appelés pour cette raison réseaux « tout-IP »). De plus, ces réseaux permettent de concentrer et de centraliser les équipements de gestion des appels. En effet, les équipements NGN gèrent généralement un plus grand nombre d'utilisateurs finals que les équipements de commutation et ne sont pas organisés de façon pyramidale, chaque équipement étant relié à un ou plusieurs autres équipements de même niveau. Les communications peuvent emprunter plusieurs routes différentes pour relier deux utilisateurs finals entre eux, de même que la signalisation d'une communication peut emprunter une route différente du contenu lui-même.
Les réseaux NGN peuvent servir comme réseaux de transit, y compris pour du trafic émis ou reçu par des clients raccordés au réseau téléphonique commuté. Dans ce cas, les appels passent par une passerelle TDM/IP qui convertit le trafic commuté en trafic IP. Pour les clients VLB - raccordés au réseau IP, des interconnexions IP-IP entre deux opérateurs NGN ont vu le jour en 2012, permettant de s'affranchir d'une double conversion IP/TDM/IP.
Les réseaux NGN acheminent depuis 2009 la majorité les communications émises par les clients finals, à partir d'accès large bande notamment. Ainsi en 2012, environ 71 % du trafic émis depuis les lignes fixes en France l'a été en VLB.
I.3.1.2. Architecture d'interconnexion
Pour s'interconnecter avec les autres réseaux et permettre à ses utilisateurs finals de joindre et d'être joints par les utilisateurs finals des autres réseaux, chaque opérateur doit mettre en place une architecture d'interconnexion.
Cette architecture d'interconnexion est généralement calquée sur l'architecture générale du réseau de l'opérateur, dans la mesure où chaque opérateur a intérêt à échanger les appels entrants et sortants de son réseau près de ses équipements de commutation et/ou de routage, dans un souci d'efficacité. L'architecture d'interconnexion la plus pertinente pour un réseau est généralement définie par l'opérateur de ce réseau et peut dépendre de la taille de son réseau, de la localisation géographique de ses clients et de la technologie utilisée dans le réseau. Elle dépend également des contraintes des opérateurs qui souhaitent s'interconnecter et peut évoluer selon les rapports bilatéraux entre opérateurs.
Jusqu'au deuxième cycle d'analyse de marché, achevé en 2011, l'interconnexion des réseaux était systématiquement réalisée en utilisant la technologie TDM. Les flux IP arrivant à un point d'interconnexion étaient convertis en flux TDM, préalablement à leur livraison à l'opérateur tiers.
Dans le cas d'Orange, l'interconnexion était principalement réalisée au niveau des CA (au nombre de 347, à mi-2014), aussi bien pour les prestations de départ d'appel que de terminaison d'appel.
Les opérateurs alternatifs, compte tenu de la diminution notable des coûts de transit dans les réseaux tout-IP, proposent en comparaison, pour ce type de réseaux, un nombre de points d'interconnexion pertinents considérablement réduit par rapport au réseau RTC d'Orange : généralement entre un et cinq points.
C'est pourquoi Orange a entamé une démarche de réduction significative de son nombre de points d'interconnexion pertinents. Une première modalité alternative a été proposée par Orange pour la livraison des appels à destination de ses utilisateurs finals qui accèdent au service téléphonique en VLB et qui utilisent des numéros non géographiques (et les numéros géographiques portés entrants). Orange a ainsi mis en place une architecture d'interconnexion resserrée autour de vingt-trois points d'interconnexion (PRV).
Puis, à la suite de travaux multilatéraux menés sous l'égide de l'ARCEP, Orange propose, depuis début 2013, une nouvelle modalité d'interconnexion en mode IP natif, limitée à cinq points redondés (dits points de raccordement NGN « PRN ») pour la terminaison du trafic sur sa boucle locale IP.
Aujourd'hui, cette solution étant opérationnelle pour le trafic de terminaison d'appel (13) entrant sur la boucle locale IP d'Orange, l'Autorité estime nécessaire la poursuite des travaux de normalisation afin de généraliser l'interconnexion en mode IP natif au trafic de départ d'appel livré par Orange et ce, dans l'optique d'une harmonisation de l'ensemble des points d'interconnexion pertinents et des modalités d'interconnexion (14).
I.3.2. Délimitation du marché en termes de produits et de services
Le départ d'appel fixe désigne la prestation d'acheminement d'appels, fournie par un opérateur, en provenance des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur son réseau jusqu'au(x) point(s) d'interconnexion pertinent(s). Cette prestation permet aux opérateurs acheteurs d'établir, via l'interconnexion de leur réseau au réseau de l'opérateur vendeur, des communications téléphoniques au départ des utilisateurs finals d'un service téléphonique au public auxquels ces numéros ont été affectés. Par commodité, on dit de l'opérateur qui achète une telle prestation qu'il « collecte » les appels en provenance de ces numéros ou de ces utilisateurs finals. Cela signifie qu'il « récupère » le trafic pour en assurer l'acheminement ultérieur sur son propre réseau (ou éventuellement sur celui d'autres opérateurs auprès desquels il sollicite d'autres prestations de gros).
Les points d'interconnexion pertinents sont définis comme ceux en deçà desquels seul cet opérateur, qui contrôle l'accès au service téléphonique des utilisateurs finals auxquels sont affectés lesdits numéros, peut acheminer de manière efficace les appels qu'ils ont émis.
L'Autorité démontre ci-après que les prestations de gros de départ d'appel produites selon différents modes techniques sont substituables (I.3.2.1), puis que l'origine des communications (résidentielle ou non résidentielle) ne délimite pas de marchés de gros distincts (I.3.2.2) et que les prestations connexes aux prestations de gros de départ d'appel sont incluses dans le même marché (I.3.2.3).
Elle s'attache enfin à établir que les prestations de gros de départ d'appel à destination de numéros SVA ne doivent pas être incluses dans le même marché (I.3.2.4), de même que les prestations couplant départ d'appel et transit (I.3.2.5).
I.3.2.1. Les prestations de gros de départ d'appel produites selon différents modes techniques sont substituables
Les opérateurs qui s'échangent aujourd'hui des prestations de gros d'acheminement de trafic se livrent ce trafic en mode commuté sur des interfaces d'interconnexion utilisant principalement des protocoles de signalisation de type « signalisation sémaphore n° 7 » (SS7). Avant livraison sur l'interface d'interconnexion, les opérateurs interconnectés acheminent le trafic sur leur réseau respectif.
Les produits inclus dans les marchés de gros analysés ici désignent des prestations d'acheminement de trafic offertes par certains opérateurs pour le compte d'autres opérateurs. Conformément au principe de neutralité technologique, les prestations commercialisées ne se définissent pas par le mode de production ou la technologie utilisée, mais par leur fonction et leurs caractéristiques visibles pour l'acheteur.
En particulier, le fait que le trafic soit transporté, avant livraison sur l'interface d'interconnexion, en mode commuté, en mode IP ou selon tout autre mode reste neutre sur la définition du produit du point de vue de l'acheteur, qui n'est d'ailleurs pas toujours en mesure de savoir quelle sera la technologie de transport utilisé par l'opérateur vendeur de la prestation. De fait, si les nouvelles prestations de gros basées sur des interfaces d'interconnexion SIP - en mode IP pur - aujourd'hui fonctionnelles pour le trafic de terminaison venaient à être étendues au trafic de départ d'appel et que celles-ci permettaient aux opérateurs y ayant recours de proposer sur les marchés de détail des produits similaires à ceux qui s'appuient sur les prestations de gros existantes, ces prestations seraient de fait incluses dans les marchés pertinents correspondants.
I.3.2.2. Les prestations de gros d'acheminement de trafic issu des utilisateurs finals résidentiels et non résidentiels sont substituables
Si la structure de la demande des clients finals sur le marché de détail est différente pour les communications résidentielles et les communications non résidentielles, les deux types de prestations utilisent les mêmes éléments de réseau. Par conséquent, elles présentent un degré de substituabilité du côté de l'offre qui justifie leur inclusion dans un même marché de produits.
I.3.2.3. Les prestations connexes à la prestation de départ d'appel sont incluses dans le même marché
La prestation d'acheminement du trafic de départ d'appel n'est fournie qu'à condition d'avoir mis en place une interconnexion physique et logique des réseaux. Cette interconnexion nécessite le recours à différentes prestations connexes comme la création d'un faisceau, la location d'un espace de colocalisation, la sécurisation de l'interconnexion, etc. En particulier, les prestations d'accès aux sites d'interconnexion et de sécurisation du trafic sont essentielles pour la fourniture de la prestation d'acheminement du trafic.
Ces prestations connexes ne font sens que dans l'objectif de recourir aux prestations principales d'acheminement de trafic et, inversement, ces dernières ne sont pas réalisables sans ces prestations connexes. Par conséquent, le marché de gros d'acheminement du trafic de départ d'appel inclut les prestations connexes qui lui sont associées.
I.3.2.4. Les prestations de gros de départ d'appel à destination de numéros SVA ne doivent pas être incluses dans le même marché
Les prestations d'acheminement de trafic de départ d'appel permettent de fournir trois services de détail aval distincts :
- des communications interpersonnelles, via la sélection du transporteur ;
- l'accès à l'internet bas débit ;
- des communications à destination de numéros SVA.
S'agissant des prestations de gros d'acheminement de trafic de départ d'appel sous-jacentes aux deux premiers types de services de détail, l'Autorité considère qu'elles doivent être incluses dans un même marché, notamment parce qu'elles utilisent les mêmes éléments du réseau RTC d'Orange (substituabilité du côté de l'offre).
En revanche, le départ d'appel à destination de numéros SVA présente des spécificités structurelles qui conduisent désormais l'Autorité à le différencier des deux autres prestations de départ d'appel précédemment mentionnées. Ces spécificités, relevées par l'Autorité de la concurrence dans son avis du 27 mai 2011 (15), sont les suivantes.
Tout d'abord, la chaîne de valeur qui s'est structurée autour de cette prestation (services à valeur ajoutée téléphoniques) diffère fortement de celles qui se sont structurées autour des deux autres (communications interpersonnelles, d'une part, et accès à l'internet bas débit, d'autre part). En particulier, les opérateurs achetant la prestation de départ d'appel à destination de numéros SVA, dits opérateurs de collecte, ont pour clients les éditeurs de services à valeur ajoutée (ou leur opérateur hôte), dont l'objectif principal est de commercialiser leurs services par voie téléphonique ; à l'inverse, les opérateurs achetant les prestations de départ d'appel de sélection du transporteur ou pour l'accès à internet bas débit ont pour clients des utilisateurs finals résidentiels ou non résidentiels, dont l'objectif principal est de communiquer entre eux ou d'accéder à des informations.
De plus, contrairement aux départs d'appel de sélection du transporteur et d'accès à l'internet bas débit, qui sont des produits spécifiques à la technologie RTC et qui sont fournis exclusivement par Orange, le départ d'appel à destination de numéros SVA est désormais fourni par tous les opérateurs départ (y compris au départ des accès mobiles) aussi bien en VLB que sur RTC.
Il apparaît ainsi que le départ d'appel à destination des numéros SVA ne doit plus être inclus dans le marché de gros du départ d'appel en position déterminée.
A cet égard, il convient de relever que chaque opérateur de départ détient, structurellement, un monopole sur la fourniture du départ d'appel à destination de numéros SVA au départ des accès téléphoniques de ses clients. A ce titre, constatant notamment des « difficultés pour contracter » un accès et des conditions de reversement satisfaisantes entre les éditeurs de services (potentiellement via leur opérateur de collecte) et les opérateurs de départ, l'Autorité a adopté la décision symétrique n° 2007-0213 du 16 avril 2007 (16) qui prévoit notamment :
- article 2 : « tout opérateur contrôlant l'accès aux utilisateurs finals appelants fait droit aux demandes raisonnables des opérateurs visant à rendre les numéros accessibles par ces utilisateurs. L'opérateur fait droit à ces demandes dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires […] » ;
- article 3 : « tout opérateur contrôlant l'accès aux utilisateurs finals appelants fait droit aux demandes raisonnables d'autres opérateurs de reversement d'une partie des sommes facturées à l'utilisateur final appelant au titre des communications à destination des numéros, dans des conditions objectives et non discriminatoires ».
La portée de ces dispositions réglementaires a été précisée par l'Autorité, d'une part, dans ses décisions n° 2010-1351 se prononçant sur un différend opposant les sociétés Orange et SFR (17) et n° 2014-0812 se prononçant sur un différend entre les sociétés Orange et Free Mobile (18) et, d'autre part, dans la recommandation qu'elle a adoptée en mars 2014 (19) sur le marché de gros de l'interconnexion SVA. Dans cette recommandation, l'Autorité a rappelé les principes de régulation symétrique applicables au marché de gros et préparé l'entrée en vigueur de la réforme de détail introduite par la décision n° 2012-0856 (20).
Ce cadre, ainsi précisé, apparaît aujourd'hui suffisant pour garantir les conditions d'une concurrence effective sur le marché, au bénéfice des utilisateurs finals de la chaîne de valeur des services à valeur ajoutée téléphonique. L'Autorité estime en conséquence qu'il n'est pas justifié de continuer à soumettre Orange à une régulation ex ante spécifique en application des dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, alors même que l'opérateur est par ailleurs soumis au respect du cadre réglementaire symétrique issu de la décision précitée n° 2007-0213 (principe de la modified greenfield approach) et que la part, en volume, du départ d'appel à destination de numéros SVA émis par ses clients a diminué pour atteindre un taux désormais inférieur à 50 %.
De même, compte tenu des dispositions en vigueur dans le cadre réglementaire symétrique (principe de la modified greenfield approach), l'Autorité estime à ce stade ni justifié, ni proportionné de soumettre à une régulation asymétrique chaque opérateur de départ (21).
Au vu de ces considérations, l'Autorité estime que les éléments sont aujourd'hui réunis pour lever la régulation asymétrique de la prestation du départ d'appel à destination des numéros SVA et que s'achève, par conséquent, la transition entamée, dans le cadre du précédent cycle d'analyse de marché, vers un mode de régulation symétrique de cette prestation.
Interrogés, dans le cadre de la consultation publique menée du 20 février au 21 mars 2014 sur le document bilan et perspectives et sur la première version du projet de décision, au sujet du développement de la concurrence sur le marché du départ d'appel SVA et sur l'opportunité du recours au seul cadre symétrique fixé par la décision de 2007, tous les contributeurs à la consultation ont dit partager une telle analyse.
En réponse à la deuxième consultation publique, deux éditeurs de services SVA ont suggéré des évolutions de la décision de 2007 visant à préciser les obligations que cette décision impose aux opérateurs de boucle locale consistant à faire droit aux demandes raisonnables d'accès aux numéros SVA depuis leur réseau et de reversement d'une partie des sommes facturées à l'utilisateur final appelant au titre des communications à destination de ces numéros.
L'Autorité souligne à cet égard que la publication de la recommandation précitée de mars 2014 a précisément eu pour objet d'apporter les clarifications nécessaires, en rappelant aux acteurs concernés leurs obligations réglementaires et les conditions d'application du cadre actuellement en vigueur relatif à la régulation symétrique du marché de l'interconnexion SVA, afin de permettre à l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur des SVA de préparer, sur les plans techniques et commerciaux, la mise en œuvre de la réforme du marché de détail résultant de la décision précitée n° 2012-0856. Cette recommandation est en particulier destinée à faciliter les négociations commerciales entre opérateurs de départ et éditeurs SVA en ce qui concerne notamment les conditions de reversement dans le cas d'appels à destination de numéros à tarification majorée.
Il convient par ailleurs d'indiquer que l'Autorité peut également être amenée à se prononcer sur des litiges relatifs aux conditions techniques et financières d'interconnexion des communications à destination des services à valeur ajoutée dans le cadre d'une saisine en règlement de différend en application de l'article L. 36-8 du CPCE.
Au vu de ce qui précède, l'Autorité estime justifiée et proportionnée la levée de la régulation asymétrique jusqu'alors imposée à Orange sur le marché de gros du départ d'appel à destination des numéros SVA en position déterminée et le recours exclusif au cadre symétrique instauré par la décision n°2007-0213.
I.3.2.5. Les prestations couplant départ d'appel et transit ne doivent pas être incluses dans le même marché
Le service de départ d'appel considéré ici est associé à plusieurs services de détail : les communications voix au départ des postes téléphoniques en position déterminée, qu'elles soient à destination des fixes (nationales ou internationales) ou à destination des mobiles (nationales ou internationales) et les communications vers internet (accès bas débit). L'Autorité a déjà montré que les prestations de gros sous-jacentes à ces différents trafics sont substituables sur les marchés de gros.
Un opérateur B devant collecter un appel au départ d'un numéro d'un opérateur fixe A pourrait théoriquement solliciter une prestation de départ d'appel en plusieurs points d'interconnexion, de niveau hiérarchique plus ou moins élevé dans le réseau, le cas échéant.
En particulier, pour collecter du trafic au départ d'un utilisateur final appelant dont l'accès au service téléphonique est contrôlé par l'opérateur A, l'opérateur B a le choix entre :
- l'offre d'interconnexion de l'opérateur A, au niveau d'un point d'interconnexion pertinent du réseau de l'opérateur A ;
- l'offre d'interconnexion de l'opérateur A ou d'un opérateur tiers, au niveau d'un autre point d'interconnexion du réseau de l'opérateur A.
L'Autorité considère que la deuxième offre inclut une prestation complémentaire de transit entre le point d'interconnexion pertinent du réseau de l'opérateur de départ et un autre point d'interconnexion de son réseau. Or, les opérateurs acheteurs de départ d'appel sont a priori en mesure de connaître soit au regard de la localisation du numéro appelant, soit par une information fournie par l'opérateur appelant, le point d'interconnexion techniquement et économiquement le plus pertinent offert par l'opérateur départ sur lequel collecter l'appel en provenance dudit numéro. Ils peuvent par conséquent choisir de s'interconnecter directement à cet équipement, ou de collecter plutôt l'appel à un niveau supérieur ou simplement à un autre équipement d'interconnexion, sollicitant par là même une prestation complémentaire de transit.
L'Autorité estime que les offres de départ d'appel incluant le transit ne peuvent être considérées comme des substituts au départ d'appel vendu au niveau des éléments de commutation ou de routage les plus pertinents pour l'interconnexion et qu'elles offrent seulement un couplage entre deux prestations de deux marchés distincts, à savoir le marché du départ d'appel et le marché du transit. La pertinence de ce choix de délimitation entre les marchés du départ d'appel et du transit s'explique principalement par le fait que le départ d'appel, au contraire du transit, ne peut être fourni que par l'opérateur contrôlant l'accès à l'utilisateur final appelant, ainsi que par les différences significatives de niveaux tarifaires entre les prestations de départ d'appel et les prestations de transit incluant le départ d'appel.
Par conséquent, les offres couplant départ d'appel et transit (redirection du trafic par l'opérateur départ entre le point d'interconnexion utilisé par l'opérateur acheteur et le point d'interconnexion pertinent) seront réputées comme n'appartenant pas au marché pertinent des offres se limitant au départ d'appel.
I.3.3. Délimitation du marché en termes géographiques
L'Autorité estime que les conditions concurrentielles de fourniture du départ d'appel en position déterminée sont homogènes sur l'ensemble du territoire d'analyse.
L'Autorité considère donc que le marché géographique du départ d'appel en position déterminée correspond au territoire d'analyse, à savoir la métropole, les départements d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
I.3.4. Conclusion
L'Autorité identifie donc le marché du départ d'appel en position déterminée comme étant le marché de gros sur le territoire d'analyse des prestations nécessaires à l'acheminement d'appels en provenance des numéros fixes ouverts à l'interconnexion sur un réseau de communications électroniques ouvert au public, depuis un point de terminaison du réseau jusqu'au(x) point(s) d'interconnexion pertinent(s), en dehors des appels à destination de numéros SVA. Les points d'interconnexion pertinents sont définis comme ceux en deçà desquels seul cet opérateur qui contrôle l'accès au service téléphonique des utilisateurs finals auxquels sont affectés lesdits numéros peut acheminer de manière efficace les appels qu'ils ont émis.
II. - PERTINENCE DES MARCHÉS POUR UNE RÉGULATION EX ANTE
II.1. Introduction sur la pertinence des marchés
L'article L. 37-1 du CPCE dispose que l'Autorité doit déterminer les marchés du secteur des communications électroniques pertinents pour l'application d'une régulation ex ante sur ces marchés, « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ». Pour estimer le caractère pertinent d'un marché, il revient à l'Autorité de mener une analyse concurrentielle de ce marché.
Les analyses concurrentielles relatives aux différents marchés du secteur des communications électroniques doivent s'inspirer des travaux menés, au niveau européen, par la Commission.
En premier lieu, la Commission européenne a adopté, à ce jour, deux recommandations portant sur les « marchés pertinents » du secteur des communications électroniques. La première d'entre elles, en 2003, définissait une liste de dix-huit marchés susceptibles d'être pertinents pour une régulation sectorielle. En 2007, une nouvelle recommandation « marchés pertinents » a ramené à sept le nombre de marchés de cette liste. L'Autorité a tenu le plus grand compte de ces documents dans l'élaboration de son analyse de marché.
En second lieu, en application des directives susvisées, des « lignes directrices » relatives au processus d'analyse de marché ont été publiées par la Commission européenne.
Pour définir les marchés de la téléphonie fixe pouvant être considérés pertinents pour une régulation sectorielle, les recommandations « marchés pertinents » de 2003 et de 2007 de la Commission européenne préconisaient de démontrer la présence de trois critères :
- la présence de barrières à l'entrée élevées et non provisoires ;
- l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective ;
- l'efficacité insuffisante du droit de la concurrence.
L'Autorité considère que, conformément au paragraphe 36 des lignes directrices de la Commission européenne susvisées, s'agissant d'un marché recensé par la Commission européenne, il ne lui est pas nécessaire de démontrer à nouveau les éléments qui ont déjà été pris en compte par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents » et sur lesquels l'Autorité porte la même appréciation. La note explicative de la Commission portant sur sa recommandation « marchés pertinents » révisée précise en effet : « […] for those markets listed, the Recommendation creates a presumption for the NRA that the three criteria are met and therefore NRAs do not need to reconsider the three criteria. […] » (22).
Toutefois, conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, elle s'attachera, dans le cadre de la présente analyse, à démontrer les obstacles au développement effectif de la concurrence.
II.2. Pertinence des marchés de détail de l'accès
II.2.1. Dans la recommandation révisée de la Commission européenne
Le marché de détail de l'accès figure dans la recommandation « marchés pertinents » révisée du 17 décembre 2007 en tant que marché susceptible d'être régulé ex ante. Dans sa recommandation, la Commission européenne estime que la seule régulation de gros pouvant influer sur le contexte concurrentiel de ce marché de détail est la régulation des infrastructures d'accès, notamment le dégroupage. Or, en pratique, aucun opérateur en France (pas même l'opérateur historique) ne s'appuie sur l'offre de dégroupage pour proposer des services principalement téléphoniques, particulièrement en raison de l'absence d'un modèle économique viable pour cela. La régulation appliquée sur les infrastructures ne permet ainsi pas de supprimer les barrières à l'entrée, importantes et durables, existant sur le marché de l'accès au service téléphonique, qui est donc susceptible d'être régulé ex ante.
Dans la note explicative de sa recommandation révisée sur les marchés pertinents, la Commission européenne explique ainsi : « […] Regarding retail access to the public telephone network at a fixed location, the only wholesale regulation that could impact on competition in this market is the regulation of the wholesale infrastructure access market, which enables new entrants to provide narrowband access services to retail customers. However, exploiting wholesale infrastructure access requires time and significant investments, a large portion of which are sunk. Moreover, new entrants in principle do not lease infrastructure access to provide narrowband access only. Wholesale infrastructure access therefore does not remove the high and non-transitory barriers to enter the retail access market at a fixed location, nor does it make this market tend towards effective competition. Even in combination with the development of other infrastructures such as cable or fibre-to-the-home etc., such a tendency is not observed yet at the European level. Therefore, even in the presence of wholesale regulation, the retail market for access to the public telephone network at a fixed location remains susceptible to ex ante regulation. […] » (23).
L'Autorité montre dans la partie suivante que l'analyse de la Commission européenne s'applique bien au cas français et que, comme imposé par l'article L. 37-1 du CPCE, l'analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective confirme sa pertinence.
II.2.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France
Orange continue à bénéficier en France d'une part de marché de détail très élevée sur les accès au service téléphonique, sur les segments résidentiel et non résidentiel.
Pour la clientèle résidentielle, les opérateurs alternatifs ont pu développer des offres d'accès concurrentes grâce aux offres d'accès haut et très haut débit, d'une part, et à la vente en gros de l'accès au service téléphonique, d'autre part. Mais les offres téléphoniques reposant sur les offres d'accès haut et très haut débit sont des offres multiservices, dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie et qui ne font donc pas partie du marché de l'accès résidentiel délimité dans la partie I.2. Actuellement, les seules offres d'accès au service téléphonique alternatives sont donc celles reposant sur l'offre de VGAST d'Orange. Comme détaillé dans la partie suivante, la part de marché en parc d'Orange sur le marché résidentiel de l'accès (principalement téléphonique) était à fin 2012 proche de 95 %. Sans prise en compte des offres basées sur la VGAST, cette part de marché égale 100 %. Les déploiements actuels de boucle locale en fibre optique par les opérateurs alternatifs pourraient permettre à ces opérateurs d'augmenter leur part de marché de l'accès ; toutefois, il n'est pas évident que ce nouveau type de boucle locale leur permette de proposer des offres d'accès principalement téléphonique compétitives compte tenu de l'extension encore limitée et des coûts de déploiement à amortir de cette boucle locale.
Pour la clientèle non résidentielle, les opérateurs alternatifs bénéficient d'une option de fourniture supplémentaire, reposant sur l'utilisation de produits de gros de services de capacité du segment terminal, à interface traditionnelle ou alternative. Elle permet de desservir les sites dont les besoins en nombre de canaux dépassent 6 à 8 canaux sur un même accès, dans des conditions économiques viables. Comme détaillé dans la partie suivante, la part de marché en parc d'Orange sur le marché de l'accès non résidentiel (principalement téléphonique) est, de ce fait, inférieure à fin 2012 à celle observée sur le marché résidentiel : elle atteint 83 %. Cette part de marché est proche de 95 % sans prise en compte des offres de détail reposant sur la VGAST.
Les marchés de détail de l'accès ne connaissent donc pas encore une situation de concurrence effective. En outre, la régulation appliquée sur les marchés de gros et pouvant influer sur cette situation concurrentielle (dégroupage, services de capacité, etc.) ne suffit pas à permettre à elle seule, et à un horizon raisonnable, l'avènement d'un contexte de concurrence effective. Ces solutions, qui supposent des investissements importants, ne permettent pas aux opérateurs alternatifs de concurrencer Orange sur tous les segments de marché. Pour les clients résidentiels, les opérateurs alternatifs ne proposent ainsi que des offres couplées, destinées aux clients les plus demandeurs de services de communications électroniques. Sur les marchés non résidentiels, ils ne sont en mesure de raccorder que les sites clients présentant de forts besoins en nombre de canaux ou situés dans les zones les plus denses du territoire.
Il résulte de ce qui précède que les seuls remèdes imposés au titre de la régulation des marchés de gros du haut et très haut débit (24) ne suffisent pas à supprimer d'importantes barrières à l'entrée sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique résidentiel et non résidentiels et qu'il demeure, malgré leur existence, d'importants obstacles au développement d'une situation de concurrence effective. Le seul droit de la concurrence apparaît donc insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché.
En conséquence, les marchés de détail de l'accès au service téléphonique sont considérés pertinents pour l'application d'une régulation ex ante.
II.3. Pertinence du marché de gros du départ d'appel
II.3.1. Dans la recommandation révisée de la Commission européenne
Le marché du départ d'appel en position déterminée figure dans la recommandation « marchés pertinents » révisée du 17 décembre 2007 en tant que marché susceptible d'être régulé ex ante.
Dans sa recommandation, la Commission européenne estime que l'alternative à l'achat d'une prestation de départ d'appel réside dans l'établissement d'un réseau d'accès alternatif ou l'achat ou la location d'un réseau d'accès existant. La Commission européenne relève que ces deux alternatives demandent un temps et des investissements considérables, dont une large proportion est irrécupérable (25). La Commission européenne estime donc que le marché du départ d'appel fixe présente des barrières à l'entrée élevées et durables et est pertinent pour une régulation ex ante.
L'Autorité montre ci-après que l'analyse de la Commission européenne, s'agissant du marché du départ d'appel en position déterminée précédemment délimité (cf. I.3.4), s'applique bien au cas français et que, comme prévu par l'article L. 37-1 du CPCE, l'analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective confirme la pertinence d'une régulation ex ante de ce marché (II.3.2).
II.3.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France
L'Autorité considère que l'analyse du marché du départ d'appel fixe présentée par la Commission européenne dans sa recommandation révisée est, s'agissant du marché précédemment délimité, pertinente dans le contexte français. En particulier, il convient de constater que la fourniture de la prestation de départ d'appel repose sur le contrôle d'un réseau en propre. En pratique aujourd'hui, cela signifie pour un opérateur alternatif essentiellement d'avoir recours à l'infrastructure de la boucle locale de l'opérateur historique, via les offres de gros passives, dans la mesure où celle-ci constitue une facilité essentielle qu'il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer. La location même de la boucle locale d'Orange (via le dégroupage notamment) demande des investissements importants pour les opérateurs sans leur permettre de bénéficier des mêmes économies d'échelle et de densité que celles dont bénéficie l'opérateur historique.
Ce marché présente donc de fortes barrières à l'entrée. Elles ont nécessairement pour effet, en l'absence de régulation ex ante, d'empêcher le développement d'une concurrence effective à l'horizon de la présente analyse, dans la mesure où Orange dispose du réseau historique le plus capillaire sur le territoire d'analyse, qui rend l'accès aux clients qu'il raccorde indispensable pour l'activité de tout opérateur de communications électroniques.
Pour ce marché, la régulation sectorielle ex ante dispose d'outils adaptés, comme notamment les obligations d'accès, les obligations tarifaires ou encore la mise en place et le suivi d'obligations comptables. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Le seul droit de la concurrence apparaît comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments et en application de l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité considère que le marché du départ d'appel en position déterminée tels que défini en partie I.3.4 doit être déclaré pertinent pour la régulation sectorielle ex ante des communications électroniques.
III. - INFLUENCE SIGNIFICATIVE
L'analyse d'un marché pertinent permet d'évaluer le niveau de développement de la concurrence et d'identifier les éventuels opérateurs y disposant d'une influence significative, c'est-à-dire se trouvant dans une situation équivalente à une position dominante au sens du droit de la concurrence.
III.1. Introduction à l'analyse de l'influence significative sur les marchés pertinents
Aux termes de l'article L. 37-1 du CPCE, « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ». L'analyse des marchés pertinents permet d'identifier les situations d'influence significative.
L'observation des parts de marché des acteurs constitue la première étape de l'analyse de l'existence d'une influence significative. Concernant les parts de marchés, la Commission européenne identifie, dans ses « lignes directrices » susvisées, trois chiffres-clés :
- une entreprise ayant moins de 25 % de parts de marché est peu susceptible de se révéler puissante, même si cela n'est pas totalement exclu ;
- au-delà de 40 % de parts de marché, il est peu probable qu'une entreprise ne soit pas en situation d'exercer une influence significative ;
- au contraire, une présence supérieure à 50 % du marché « suffit, sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante ».
L'analyse des parts de marché, même prospective, ne suffit pas à démontrer l'exercice d'une éventuelle influence significative des acteurs présents sur un marché. Pour une analyse complète du développement de la concurrence sur les marchés pertinents, les « lignes directrices » recommandent en effet de « procéder à une analyse approfondie et exhaustive des caractéristiques économiques du marché pertinent avant de conclure à l'existence d'une puissance sur le marché ». A cet égard, la Commission européenne recommande d'utiliser notamment les critères suivants :
- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;
- les avancées ou la supériorité technologiques ;
- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;
- l'accès facile ou privilégié aux marchés des capitaux et aux ressources financières ;
- la diversification des produits et/ou des services ;
- la présence d'économies d'échelle et de gamme ;
- l'intégration verticale ;
- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;
- l'absence de concurrence potentielle ;
- des entraves à l'expansion.
III.2. Influence significative d'Orange sur les marchés de détail de l'accès
L'Autorité a défini deux marchés de détail pertinents pour une régulation ex ante : les marchés de détail de l'accès au service téléphonique résidentiel, d'une part, et non résidentiel, d'autre part. Sur chacun de ces deux marchés, l'Autorité avait démontré en 2005, en 2008, puis en 2011, qu'Orange exerçait une influence significative. Dans cette partie, l'Autorité analyse la nouvelle situation concurrentielle en vigueur sur les marchés de l'accès. Elle analyse dans un premier temps les parts de marché (III.2.1), puis prend en compte des éléments concurrentiels qualitatifs (III.2.2), avant de conclure sur l'influence significative d'Orange (III.2.3).
III.2.1. En termes de parts de marché
III.2.1.1. Taille des marchés pertinents de l'accès
III.2.1.1.1. La taille du marché pertinent de l'accès résidentiel.
Le nombre d'accès résidentiels exclusivement ou principalement dédiés à la téléphonie décroît du fait notamment du passage de certains usagers vers des offres de type multiservices, en dégroupage total ou ADSL nu. Il a baissé de 22,5 millions d'accès à 9,2 millions d'accès entre 2005 et 2012, soit d'environ 12 % par an sur sept ans.
Figure 3. - Evolution du nombre d'accès résidentiels exclusivement ou principalement dédiés au service téléphonique
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
Le chiffre d'affaires associé à ces accès résidentiels est également en repli, mais avec un décalage temporel dû principalement aux hausses successives appliquées par Orange au montant mensuel de son abonnement principal entre 2005 et 2007. Celui-ci a en effet été augmenté trois fois d'un euro TTC, en mars 2005, puis en juillet 2006 et enfin en juillet 2007. Les dernières hausses de ce tarif (0,9 € TTC/mois puis 0,06 € TTC/mois) remontent aux mois de juin 2013 et janvier 2014 (26).
Le chiffre d'affaires de l'accès résidentiel principalement téléphonique est ainsi resté pratiquement stable entre 2003 et 2007. En revanche, depuis 2007, celui-ci décroît au rythme du nombre d'accès correspondants : - 12 % par an entre 2007 et 2012.
Figure 4. - Evolution du chiffre d'affaires associé aux accès résidentiels exclusivement ou principalement dédiés au service téléphonique
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
III.2.1.1.2. La taille du marché pertinent de l'accès non résidentiel.
La taille du marché non résidentiel est mesurée en nombre de canaux dédiés à la voix. Un accès analogique correspond à un canal, tandis que les accès numériques de base et primaires correspondent respectivement à deux canaux et trente canaux au maximum.
Le nombre de canaux téléphoniques non résidentiels est en diminution depuis 2003, pour deux raisons principales. La première, bien que moins marquée que sur le marché résidentiel, est le développement de la VLB au détriment des accès classiques principalement téléphoniques. La seconde est l'adéquation croissante des offres multiservices résidentielles aux besoins du bas de marché non résidentiel (professionnels et TPE), qui conduit à une désaffection des offres non résidentielles par ce segment de clientèle.
Figure 5. - Evolution du nombre d'accès non résidentiels exclusivement ou principalement dédiés au service téléphonique
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
III.2.1.2. Fonctionnement des marchés pertinents de l'accès
Les marchés pertinents de détail de l'accès principalement téléphonique, résidentiel et non résidentiel, ont été définis dans la partie I.2.1 comme comprenant l'ensemble des accès dédiés exclusivement ou principalement à la téléphonie.
III.2.1.2.1. Sur le segment résidentiel.
Sur le marché résidentiel, une partie des offres de communications téléphoniques des opérateurs alternatifs est fondée sur la sélection du transporteur ou la vente en gros de l'accès au service téléphonique. La plupart des autres offres de téléphonie résidentielles sont des offres de VLB fondées sur l'achat de dégroupage total, de dégroupage partiel, d'ADSL nu par l'opérateur alternatif ou encore via le raccordement en fibre optique de l'opérateur. Enfin, quelques petits acteurs proposent d'autres types d'offres (par exemple sur des accès WiMAX), mais sur des parcs de taille négligeable en comparaison.
Les offres de sélection du transporteur ne constituent pas des offres d'accès puisqu'elles ne sont accessibles qu'aux usagers achetant par ailleurs un accès téléphonique auprès d'Orange.
La VGAST permet en revanche aux opérateurs de commercialiser des offres couplant accès et communications qui constituent en cela des offres concurrentes des offres d'accès d'Orange. Techniquement toutefois, en VGAST, l'accès continue à être géré par Orange. Pour mettre en œuvre des offres reposant sur la VGAST, les opérateurs ne sont pas tenus de déployer des infrastructures mais doivent bénéficier d'une interconnexion avec l'opérateur historique. Dès lors, si cette offre de gros disparaissait, les opérateurs l'ayant mise en œuvre ne seraient plus en mesure de commercialiser d'offres d'accès auprès de leur clientèle finale. Par ailleurs, la création et la commercialisation de la VGAST ayant été imposées à Orange au titre de la régulation des marchés de détail dans le cadre des précédentes analyses des marchés de la téléphonie, il convient d'analyser les parts de marché sans prise en compte de la VGAST et des offres de détail sous-jacentes. Cette approche est en cohérence avec la « modified greenfield approach » présentée par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents » révisée.
III.2.1.2.2. Sur le segment non résidentiel.
L'offre est bien plus variée sur le segment non résidentiel. Il est donc plus complexe de définir une liste d'offres ou de catégories d'offres. Comme sur le marché résidentiel, de nombreuses offres alternatives sont, bien qu'en décroissance, fondées sur la sélection du transporteur et la VGAST analogique et numérique. D'autres sont basées sur l'achat d'offres de gros telles que le dégroupage, DSLE ou des services de capacité. Enfin, certains opérateurs alternatifs raccordent leurs clients en propre, en fibre optique dans la grande majorité des cas.
Comme expliqué dans la partie précédente, la sélection du transporteur ne permet pas d'offrir l'accès ; quant à la VGAST, si elle permet la commercialisation de l'accès par les opérateurs alternatifs, elle n'est cependant pas à prendre en compte pour l'analyse de l'influence significative.
Il convient en revanche de considérer les offres des opérateurs alternatifs reposant sur l'achat de dégroupage et de services de capacité dans la mesure où les offres de gros en question ont été mises en place sur des marchés amont. Il s'agit là encore de l'approche recommandée par la Commission européenne : « […] In general, the market to be analysed first is that market which is most upstream in the vertical supply chain. Taking into account the ex ante regulation imposed on that market (if any), an assessment should be made as to whether there still is SMP on a forward-looking basis on the related downstream market(s). This methodology has become known as the “modified greenfield approach”. Thus the NRA should work its way along the vertical supply chain until it reaches the stage of the retail market(s). A downstream market should only be subject to direct regulation if competition on that downstream market still exhibits SMP in the presence of wholesale regulation on the related upstream market(s) […] » (27)
Parmi les offres commercialisées par les opérateurs alternatifs auprès de la clientèle non résidentielle et s'appuyant sur une offre de gros haut ou très haut débit, une offre de gros de service de capacité ou via un raccordement en propre, seules font partie du marché pertinent de l'accès celles dont l'usage principal se limite à la téléphonie. L'offre étant très diversifiée, notamment sur le haut de marché où les offres sur mesure sont courantes, l'analyse quantitative du marché est rendue particulièrement complexe.
III.2.1.2.3. Liste des opérateurs d'accès résidentiel et non résidentiel.
Les principaux acteurs présents sur le marché pertinent de l'accès résidentiel sont :
- Orange ;
- SFR ;
- ACN ;
- Outremer Telecom.
A la connaissance de l'Autorité, SFR, ACN et Outremer Telecom ne proposent des offres relevant du marché pertinent de l'accès au service téléphonique résidentiel que via la VGAST.
Les principaux acteurs présents sur le marché pertinent de l'accès non résidentiel sont :
- Orange ;
- SFR ;
- Bouygues Telecom ;
- Paritel ;
- Colt ;
- Completel ;
- Verizon ;
- Hub One ;
- Outremer Telecom.
Ces opérateurs proposent des offres téléphoniques relevant du marché pertinent de l'accès non résidentiel soit commutées, en s'appuyant sur la VGAST, soit en VLB, en s'appuyant sur le dégroupage ou sur des services de capacité du segment terminal à interface traditionnelle ou alternative.
III.2.1.3. Analyse des parts de marché
III.2.1.3.1. Les parts de marché de détail de l'accès résidentiel.
La part de marché d'Orange sur le marché de détail résidentiel des accès principalement ou exclusivement dédiés à la téléphonie était supérieure à 99 % jusqu'à fin 2006, en volume comme en valeur. Elle est passée à moins de 95 % entre 2009 et 2010, en valeur et en volume (28), sous l'effet du développement de la VGAST. En 2012, la part de marché des opérateurs alternatifs sur l'accès principalement téléphonique ne dépassait pas les 6,5 %.
En outre, en excluant la VGAST du périmètre, comme le recommande la Commission européenne (cf. supra), la part de marché cumulée des opérateurs alternatifs est quasiment nulle.
Figure 6. - Evolution du nombre d'abonnements résidentiels en France, ventilés par type, et de la part de marché des opérateurs alternatifs sur l'accès principalement téléphonique
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JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
III.2.1.3.2. Les parts de marché de détail de l'accès non résidentiel.
La part de marché d'Orange sur le marché de détail non résidentiel des accès principalement ou exclusivement dédiés à la téléphonie était supérieure à 97 % jusqu'à fin 2006, en volume comme en valeur. Elle est passée à moins de 90 % en volume en 2011, grâce à la VGAST et continue sa baisse en 2012 à près de 83 %.
En excluant la VGAST du périmètre, comme le recommande la Commission européenne, la part de marché cumulée des opérateurs alternatifs est estimée à environ 5 % en 2012.
Figure 7. - Evolution du nombre d'abonnements non résidentiels en France, ventilés par type, et de la part de marché des opérateurs alternatifs sur l'accès principalement téléphonique
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
III.2.2. Autres facteurs d'analyse
III.2.2.1. Contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer
Il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer le réseau d'accès (boucle locale) d'Orange. De plus, la présence d'importants coûts irrécupérables, notamment de génie civil et de transmission, a pour effet de limiter l'entrée d'opérateurs concurrents sur ces marchés. A titre d'illustration, l'évaluation du coût de reconstruction à neuf de la boucle locale d'Orange est de l'ordre de quelques dizaines de milliards d'euros. C'est pourquoi l'entrée d'opérateurs concurrents sur le marché de l'accès n'est généralement envisagée que dans deux cas principaux : dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires, ou en ayant recours aux offres de gros de l'opérateur historique.
Les déploiements actuels d'infrastructures d'accès en propre sur boucle locale optique mutualisée, compte tenu des investissements très importants qu'elles imposent, ne permettent pas un retour sur investissements sur la seule base d'offres principalement téléphoniques, sauf dans certains cas ponctuels sur le segment non résidentiel. Ainsi, aucun opérateur ne propose aujourd'hui d'offre principalement téléphonique sur un accès fibre optique en propre à destination de la clientèle résidentielle. Par ailleurs, de par l'ampleur des investissements qu'ils impliquent, ces déploiements n'ont qu'un caractère progressif et n'offrent que des perspectives de moyen terme.
III.2.2.2. Présence d'importantes économies d'échelle et de gamme
Les produits d'accès à un service téléphonique au public sont caractérisés par d'importants coûts fixes (notamment de génie civil), en particulier en France où la dispersion des habitations est très importante dans certaines zones.
Orange bénéficie de fortes économies d'échelle. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à l'importance de son volume de production. Ces économies d'échelle sont identifiables dans l'activité d'Orange par le nombre très important de clients pour chaque réseau local, qui permet à l'opérateur historique un amortissement particulièrement rapide de ses investissements. A l'inverse, un opérateur souhaitant être compétitif par rapport à l'opérateur historique sur les marchés de l'accès devra limiter ses tarifs de détail, ce qui rendra d'autant plus difficile l'amortissement de ses coûts et la couverture à terme des coûts irrécupérables. Cela augmentera son profil de risque financier en allongeant la période de rentabilisation de ses investissements.
En outre, Orange bénéficie d'économies de gamme. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à une gamme de services plus étendue. De fortes économies de gamme sont permises à Orange par le partage des coûts fixes du réseau d'accès entre les différents segments de clientèle mais aussi entre les différentes offres de détail et de gros.
III.2.2.3. Evolution prospective du marché
Sans intervention sur ces marchés, et notamment sans l'imposition à Orange de proposer une offre de VGAST, la situation concurrentielle et la position de l'opérateur historique ne devraient pas sensiblement évoluer sur les marchés de détail résidentiel et non résidentiel de l'accès au service téléphonique. En outre, en l'absence d'obligation pour Orange de proposer l'offre de VGAST, l'opérateur historique pourrait récupérer la totalité des parts sur le marché de l'accès principalement téléphonique.
III.2.3. Conclusion
L'Autorité conclut que l'opérateur Orange exerce une influence significative sur les marchés de détail de l'accès à un service téléphonique au public depuis un poste fixe du territoire d'analyse permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et pour la clientèle non résidentielle, d'autre part, pour la période d'analyse.
III.3. Influence significative d'Orange sur le marché de gros du départ d'appel
L'Autorité a défini le marché du départ d'appel pertinent pour une régulation ex ante et avait démontré en 2005, en 2008, puis en 2011, qu'Orange exerçait une influence significative sur ce marché. Dans cette partie, l'Autorité analyse les évolutions de la situation concurrentielle en vigueur sur le marché du départ d'appel.
III.3.1. Analyse des parts de marché
Orange est en monopole sur les prestations de départ d'appel en position déterminée incluses dans le marché pertinent délimité au I.3 (pour la sélection du transporteur et l'accès à l'internet bas débit), qu'il est le seul à fournir.
Par conséquent, l'Autorité estime que sur le marché du départ d'appel tel que défini en I.3.2, Orange exerce bien une influence significative. Il est toutefois nécessaire de procéder à l'examen des autres critères pour en évaluer la portée.
III.3.2. Contrôle d'infrastructures difficiles à dupliquer
Les parts de marché précédemment exposées illustrent le fait qu'Orange possède encore le contrôle de la grande majorité des infrastructures de boucle locale sur l'ensemble du territoire, infrastructures sur lesquelles reposent en partie les prestations de départ d'appel.
Comme cela a déjà été exposé pour le marché de l'accès, cette infrastructure, qui permet de raccorder les utilisateurs finals, est difficile à dupliquer en l'absence d'économies d'échelle considérables dont ne disposent pas, à l'heure actuelle, les opérateurs alternatifs et dont ils ne pourront disposer, à l'horizon de l'analyse, sauf dans les zones de population très denses.
Par ailleurs, Orange met à disposition des autres opérateurs ses infrastructures d'accès, notamment via les offres de dégroupage. Cette possibilité permet théoriquement à un opérateur alternatif de concurrencer Orange sur le marché du départ d'appel mais demande également un temps et des investissements importants qui ne pourraient pas être rentabilisés par la seule fourniture de prestations de départ d'appel. De plus, le développement actuel des raccordements directs et de dégroupage reste aujourd'hui limité à certaines zones géographiques et certains segments du marché.
A l'horizon de la présente analyse, l'Autorité considère donc que les infrastructures détenues par Orange ne seront pas duplicables par des opérateurs alternatifs.
III.3.3. Economies d'échelle et de gamme
La position d'Orange sur l'ensemble des marchés de détail de l'accès et des communications lui permet de bénéficier d'économies d'échelle et de gamme importantes sur le départ d'appel. En effet, l'activité d'Orange couvre l'ensemble des produits proposés sur le marché des communications électroniques et l'ensemble du territoire national sur lequel elle peut compter sur une densité de clients importante, équilibrée et durable.
Aucun opérateur alternatif présent sur le marché ou nouvel entrant ne pourrait bénéficier d'une structure de coûts équivalente à celle d'Orange.
III.3.4. Absence de contre-pouvoir d'acheteurs
Pour intervenir sur les marchés de détail des communications, les opérateurs tiers peuvent soit acheter des prestations d'accès à la boucle locale d'Orange (dégroupage, bitstream), soit s'appuyer sur la prestation de départ d'appel d'Orange notamment via la sélection du transporteur. En cas de hausse unilatérale par Orange de ses tarifs de départ d'appel, les opérateurs acheteurs ne disposeraient d'aucun contre-pouvoir si ce n'est l'achat de prestations de gros d'accès à la boucle locale d'Orange, prestations qui demandent un temps et des investissements sans commune mesure avec les conditions d'achat des prestations de départ d'appel. Cette possibilité ne constitue donc pas un contre-pouvoir d'acheteur de nature à contrebalancer la position d'Orange sur le départ d'appel.
La situation est identique concernant l'accès à l'internet bas débit.
III.3.5. Evolution prospective du marché
Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime pouvoir établir qu'Orange continue à exercer une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée tel que défini ci-avant.
Toutefois, bien qu'Orange reste, pour les raisons structurelles exposées ci-avant, en position de monopole sur ce marché, l'Autorité constate que les prestations concernées ont fortement décliné au cours du précédent cycle, que ce soit en parc, en volume ou en chiffre d'affaires.
En particulier, les volumes associés au service d'accès à l'internet bas débit se sont effondrés avec le développement du haut et très haut débit, et l'Autorité anticipe que ce service pourrait avoir quasiment disparu au cours du présent cycle d'analyse de marché.
De même, les prestations de sélection du transporteur sèche, à savoir la présélection hors VGAST et la sélection appel par appel, voient leur parc et leurs volumes de trafic s'éroder régulièrement, depuis plusieurs années. L'Autorité anticipe la poursuite de ce déclin et estime souhaitable que la régulation évolue pour accompagner la transition de ces prestations vers la VGAST qui elle, par contraste, continue sa progression au cours du présent cycle d'analyse. Cette transition constitue, en effet, la modalité complète de fourniture d'une offre principalement téléphonique incluant à la fois l'accès et les communications.
III.3.6. Conclusion
Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime qu'Orange détient une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée tel que défini ci-avant, sur le territoire d'analyse et pour la période d'analyse.
IV. - OBLIGATIONS
L'Autorité ayant délimité des marchés, démontré leur pertinence pour une régulation sectorielle ex ante, puis établi l'existence sur chacun d'eux d'un opérateur exerçant une influence significative, il convient de définir les remèdes à appliquer afin de permettre le développement d'une concurrence effective.
IV.1. Objectifs de l'action réglementaire
Si l'analyse du niveau de développement de la concurrence conclut qu'un marché est effectivement concurrentiel, l'Autorité peut proposer la suppression des éventuelles obligations qui s'y appliquaient jusqu'alors. Dans le cas contraire, l'Autorité impose aux entreprises identifiées comme exerçant une influence significative les obligations spécifiques appropriées, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE.
Les remèdes disponibles (transparence, non-discrimination, contrôle tarifaire, comptabilisation des coûts, séparation comptable, etc.) que peut imposer l'Autorité peuvent concerner les marchés de gros comme les marchés de détail.
Conformément à l'article L. 38-1 du CPCE, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros et n'envisage une régulation via les marchés de détail que lorsque l'imposition d'obligations de gros ne suffit pas à atteindre l'objectif poursuivi. Les obligations imposées ci-après sont donc majoritairement des obligations portant sur les marchés de gros. Cas particuliers, la fourniture d'une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique et la fourniture d'une offre de sélection du transporteur sont des obligations de gros imposées au titre de l'influence significative exercée par Orange sur les marchés de détail de l'accès.
IV.2. Obligations non tarifaires d'interconnexion et d'accès imposées à Orange
L'influence significative qu'exerce Orange sur certains marchés de gros et de détail de la téléphonie fixe rend nécessaire l'imposition de remèdes sur ces marchés.
L'Autorité justifie dans cette partie la nécessité et la proportionnalité des obligations non tarifaires qu'elle lui impose sur les marchés de gros.
Ces obligations sont imposées à Orange pour la durée de validité de cette analyse, sans préjudice de l'éventuel réexamen que l'Autorité pourrait être amenée à anticiper conformément à l'article D. 303 du CPCE.
IV.2.1. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
IV.2.1.1. Cadre applicable
L'Autorité rappelle qu'au titre de l'article L. 34-8 II du CPCE, « les opérateurs de réseaux ouverts au public font droit aux demandes d'interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public ». Cette disposition de portée générale est essentielle dans le cas d'Orange qui, comme cela a été démontré précédemment, exerce une influence significative sur l'ensemble des marchés pertinents de détail et de gros de la téléphonie fixe identifiés dans la recommandation « marchés pertinents » révisée de la Commission européenne et concernés par la présente décision.
Afin de permettre aux opérateurs d'intervenir dans des conditions équivalentes sur les marchés de détail situés en aval, il est par conséquent nécessaire d'imposer à Orange une obligation de fournir, en réponse aux demandes raisonnables des opérateurs alternatifs, des prestations d'accès relatives aux marchés de gros sur lesquels elle exerce une influence significative. Conformément aux dispositions de l'article L. 38 IV du CPCE, le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour Orange et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou, plus généralement, pour le bon fonctionnement d'un des marchés de gros ou de détail de la téléphonie fixe.
IV.2.1.2. Implication des conditions générales d'accès portant sur les prestations principales de départ d'appel
En premier lieu, compte tenu des investissements consentis par les opérateurs pour raccorder l'un ou l'autre des équipements d'interconnexion d'Orange et conformément à l'article D. 310 (3°)du CPCE, l'Autorité considère qu'il est proportionné d'imposer à Orange de ne pas retirer un accès déjà accordé à un opérateur, sauf accord préalable exprès de l'Autorité, conformément à l'objectif de l'investissement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du CPCE précité.
Orange doit en particulier continuer à fournir les prestations d'accès de départ d'appel basées sur des protocoles de type « signalisation par canal sémaphore CCITT n° 7 » (dit protocole « SS7 »), encore largement majoritaire aux interfaces d'interconnexion avec Orange.
Par ailleurs, Orange étant une entreprise verticalement intégrée fournissant un éventail très large de prestations de détail et de gros, l'Autorité estime qu'il est également nécessaire et proportionné que l'opérateur présente les prestations qu'il offre de façon suffisamment claire et détaillée, et qu'il ne subordonne pas l'octroi d'une prestation à une autre, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.
Enfin, Orange devra, conformément à l'article D. 310 (2°) du CPCE, négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent des prestations d'accès relatives à ces marchés, afin, d'une part, de minimiser les cas de litige et, d'autre part, de ne pas abuser de l'influence significative qu'il exerce sur ces marchés.
Dans un environnement technologique en évolution rapide, il est également nécessaire qu'Orange fasse droit aux demandes raisonnables d'accès émanant des opérateurs tiers relatives à ces nouvelles architectures d'interconnexion, afin de ne pas fausser le jeu concurrentiel.
En effet, les choix d'architecture d'interconnexion d'un opérateur, en particulier ceux d'Orange de par sa taille, génèrent des externalités pour les autres opérateurs qui sont amenés à investir en fonction des choix faits par cet opérateur, notamment pour raccorder un maximum de points d'interconnexion pertinents (29) et dimensionner leur propre réseau de façon à gérer la répartition de charge aux interfaces. Par conséquent, l'Autorité étudiera attentivement le caractère raisonnable des choix d'architecture d'interconnexion effectués par les différents opérateurs fixes : notamment, la modalité technique (SS7 ou IP), le nombre et la localisation des points d'interconnexion pertinents.
S'agissant de l'architecture d'interconnexion d'Orange, l'interconnexion en mode IP (au niveau des PRN) n'est ouverte, dans des conditions tarifaires régulées, qu'à la livraison du trafic de terminaison d'appel et uniquement pour les appels à destination de la boucle locale IP d'Orange (depuis début 2013). En ce qui concerne le trafic de départ d'appel, Orange impose aux opérateurs clients de raccorder :
- près de 350 commutateurs d'abonnés (CA) pour bénéficier du tarif régulé sur les appels au départ de ses clients RTC utilisant un numéro géographique pour tout type de départ d'appel ;
- un maximum de cinq points de raccordement opérateur (30) (PRO), au niveau de ses commutateurs de transit, pour bénéficier du tarif régulé sur les appels au départ de ses clients VLB et au départ de ses clients RTC utilisant un numéro non géographique.
Au vu notamment de la réduction significative du nombre de points d'interconnexion pour la prestation de terminaison d'appel grâce à la nouvelle modalité d'interconnexion IP, l'Autorité estime opportun de généraliser ce mode d'interconnexion au trafic de départ d'appel livré par Orange, afin d'harmoniser les points d'interconnexion pertinents pour tous les scenarii d'appel, indépendamment du support technologique de ces derniers, et ainsi de générer des gains d'efficacité pour l'ensemble du secteur. La Fédération française des télécoms (FFT) a d'ailleurs prévu, sans échéance précise pour l'instant, d'étendre au départ d'appel les travaux réalisés en 2011 et 2012 ayant abouti à la normalisation de l'interconnexion en mode IP pour la terminaison d'appel.
L'Autorité suivra avec attention l'avancée de cette nouvelle phase des travaux de normalisation, relative au départ d'appel. En particulier, elle veillera à ce que soit établi rapidement et communiqué largement un calendrier de travail précis. Elle réunira à cet effet, dès l'adoption de la présente décision, les opérateurs concernés dans un cadre multilatéral, afin de vérifier l'adéquation du périmètre et des objectifs de ces travaux aux besoins exprimés, puis, régulièrement, afin de s'assurer de leur progression dans le respect du calendrier établi.
Enfin, l'Autorité souligne que, si une telle modalité était mise en œuvre, les coûts supportés par Orange pour acheminer le trafic de départ d'appel jusqu'à un point situé plus haut dans son réseau et, si besoin, en effectuer la conversion en IP, auraient vocation à être pris en compte dans sa comptabilité analytique et recouvrés via les tarifs de gros appropriés.
IV.2.2. Obligation de fournir une offre de sélection et présélection du transporteur
IV.2.2.1. Historique
En 1998, Orange a introduit une prestation de sélection du transporteur qui permettait aux utilisateurs finals raccordés à son réseau de sélectionner l'opérateur de son choix pour ses communications sortantes, appel par appel. Cette offre initiale ne comprenait pas les appels locaux ni les appels vers les numéros mobiles et nécessitait que l'utilisateur compose un préfixe de sélection du transporteur (à la place de E=0) lorsqu'il souhaitait utiliser un autre opérateur qu'Orange. Ce préfixe, différent d'un opérateur à l'autre, est du type E≠0 ou 16XY. Les modalités d'attribution de ces préfixes sont définies dans le cadre de la décision n° 05-1085 de l'Autorité fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation.
Par la suite, Orange s'est vu imposer une obligation de fournir une offre de présélection, qui permet aux opérateurs alternatifs de proposer l'acheminement de leurs communications aux clients finals sans que ceux-ci aient besoin de modifier le préfixe lors de la composition du numéro. L'Autorité a décrit les procédures opérationnelles relatives à la présélection dans sa décision n° 99-0490.
Dans sa décision n° 99-1077, l'Autorité a précisé les conditions et les délais de mise en œuvre de la sélection appel par appel et de la présélection. Elle a en outre inclus les appels à destination des numéros mobiles dans le champ de la sélection du transporteur.
Puis, notamment du fait du déploiement par les opérateurs alternatifs de leur réseau au niveau des commutateurs d'abonnés d'Orange, l'Autorité a estimé en 2001 que la sélection du transporteur devait dorénavant pouvoir être étendue afin d'inclure les appels internes à une zone locale de tri (ZLT), c'est-à-dire les communications locales. Chaque opérateur de transport devant être en mesure de décider s'il souhaitait proposer une offre sur le marché des communications locales, l'Autorité a de plus estimé nécessaire de créer une nouvelle modalité de sélection du transporteur incluant les appels locaux tout en maintenant une modalité les excluant (modalité appelée par la suite modalité « hors ZLT & 09AB »). Ces évolutions ont été précisées dans la décision n° 01-0691. Les opérateurs qui souhaitaient conserver deux modalités distinctes (une incluant les appels locaux et l'autre les excluant) devaient donc se voir attribuer un préfixe de sélection du transporteur supplémentaire.
Les numéros non géographiques fixes commençant par 09AB ont vocation, depuis leur création, à faire partie de l'offre de sélection du transporteur, comme le précise la décision n° 05-1085 fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation (31) qui les a introduits. Il est en effet justifié que les opérateurs alternatifs soient en mesure de prendre en charge ces numéros de communications interpersonnelles afin de pouvoir proposer une offre globale à leurs clients.
A la suite de travaux multilatéraux avec le secteur et d'une consultation publique sur l'évolution des prestations techniques de la sélection du transporteur (avril 2008), l'Autorité a estimé plus raisonnable que la mise en place de cette modalité soit assurée dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er février 2009 (32).
A l'inverse, du fait du mode d'interconnexion particulier utilisé pour les communications à destination des numéros spéciaux (08AB, 3BPQ, 10YT et 118XYZ notamment), les communications vers ces services et les services de données continuent à être systématiquement acheminées par Orange. L'Autorité considère que ces numéros n'ont pas vocation à entrer dans le champ de la sélection du transporteur.
La modalité « hors ZLT & 09AB » et la modalité de sélection du transporteur excluant les appels à destination des numéros de la tranche 09AB (modalité « hors 09AB ») ont respectivement été fermées le 1er juin 2010 et le 1er avril 2013. Ne subsiste plus depuis lors qu'une unique modalité de sélection du transporteur comprenant l'ensemble des numéros reposant sur un modèle d'interconnexion directe (hors numéros spéciaux et services de données).
Lors de la transition vers cette modalité unifiée, l'Autorité a veillé à ce que les opérateurs et leurs clients bénéficient de suffisamment de temps pour pouvoir gérer tant les aspects opérationnels que les aspects contractuels et légaux qui s'imposent à eux.
A cette fin, l'Autorité avait jugé nécessaire, dans sa décision n° 2011-0926, de prévoir des demandes groupées qui permettent aux opérateurs d'activer sur la nouvelle modalité tout ou partie de leurs clients « en masse » et de manière simultanée, afin de mutualiser les opérations à réaliser au niveau du réseau d'Orange et ainsi de réduire les coûts induits par opération et de permettre aux opérateurs de bénéficier d'une offre tarifaire forfaitaire par demande groupée.
L'Autorité avait également estimé qu'un délai raisonnable de fermeture de la modalité « hors 09AB » devrait notamment prendre en considération la durée de validité d'un marché public pour un lot de communications téléphoniques. Ce type de contrat n'excédant pas quatre ans, l'Autorité a fixé, en accord avec le secteur, un tel délai entre la fin des activations (fermeture commerciale) qui devait intervenir au 1er avril 2009 et la fermeture technique définitive de l'offre, au 1er avril 2013. Cependant, l'Autorité a précisé qu'au cas où ces modalités ne seraient plus utilisées par aucun opérateur avant leur date de fermeture programmée il serait légitime qu'Orange puisse fermer ces modalités de manière anticipée et libérer les ressources associées dans son réseau, après information préalable de son intention à l'ensemble des opérateurs utilisateurs de l'offre de sélection du transporteur, recueil de leurs commentaires et après accord de l'Autorité.
IV.2.2.2. Evolution des cadres législatifs européen et interne
Lors de ses précédentes analyses des marchés de la téléphonie fixe (33), l'Autorité a confirmé qu'il était justifié d'imposer à Orange de permettre à ses utilisateurs finals de bénéficier de la sélection appel par appel et de la présélection d'un autre opérateur, prolongeant ainsi l'obligation de mise à disposition de ces offres depuis 1998 pour la sélection appel par appel et depuis 2000 pour la présélection. Ces prestations devaient en particulier être accessibles au niveau de tous les points d'interconnexion pertinents du réseau d'Orange et accompagnées d'une offre de sécurisation de la collecte du trafic, via une offre d'accès à ses commutateurs de transit.
Ces obligations étaient un remède imposé au titre de l'ancien article L. 38 II du CPCE, au regard de l'influence significative exercée par Orange sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique.
Toutefois, la directive n° 2009/136/CE du 25 novembre 2009 a modifié la directive « service universel », notamment en supprimant l'article 19 à l'origine de l'ancien article L. 38 II du CPCE. Au considérant 20 de la nouvelle directive, il est ainsi indiqué que « le fait de continuer à imposer la sélection et la présélection des transporteurs directement dans la législation communautaire risque d'entraver le progrès technologique. Ces mesures correctives devraient plutôt être imposées par les autorités réglementaires nationales, à la suite d'une analyse de marché effectuée conformément aux procédures prévues dans la directive 2002/21/CE (directive “cadre”), et par le biais des obligations visées à l'article 12 de la directive 2002/19/CE (directive “accès”) ». Cette modification, transposée en droit interne par l'ordonnance du 24 août 2011, a pour effet de rendre non obligatoire le prononcé par l'Autorité d'obligations imposées à Orange liées à la sélection appel par appel et à la présélection.
IV.2.2.3. Allégement de la régulation des prestations de sélection du transporteur vendues hors VGAST
Orange est tenu, en application des obligations imposées par les décisions successives d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, de fournir une offre de VGAST, d'une part, et une offre de sélection du transporteur (appel par appel ou en présélection), d'autre part. Depuis 2005, ces décisions prévoient la fourniture de l'offre de sélection du transporteur sous deux formes : soit dissociée de la prestation d'accès au service téléphonique (sous forme « sèche »), soit associée à elle (dans le cadre de l'offre de VGAST).
Or, l'offre de VGAST, associée à la présélection, représente la modalité complète - intégrant l'accès et les communications - de l'offre de gros principalement téléphonique d'Orange. Du fait des obligations y afférant, imposées à Orange dans le cadre de la décision n° 06-0162, cette offre permet aux opérateurs tiers de répondre, sur le marché de détail, à l'ensemble des besoins exprimés par les clients finals de services principalement téléphoniques.
De plus, depuis plusieurs années, on observe en France un fort déclin des modalités de sélection du transporteur sèches (i.e. vendues hors VGAST). La sélection appel par appel a ainsi vu son nombre de clients divisé par 30 entre 2003 et 2012 (34), tandis que la présélection, même si elle résiste davantage (35), s'érode également à mesure que les opérateurs alternatifs convertissent leurs clients à d'autres offres, basées notamment sur l'offre de VGAST.
Au vu de ces considérations et en ce qui concerne les marchés régulés au titre de la présente décision, l'ARCEP estime que les modalités sèches de sélection du transporteur ne devraient plus être considérées comme nécessaires à moyen terme, en particulier compte tenu de la possibilité de recourir à l'offre de VGAST. Par conséquent, l'Autorité estime proportionné et justifié d'entamer, dès le présent cycle d'analyse de marché, l'allégement progressif des obligations imposées à Orange sur ces modalités (36).
Néanmoins, afin d'éviter un choc trop brutal pour les opérateurs qui recourent actuellement à ces modalités sèches de sélection du transporteur et leur laisser un délai suffisant pour adapter les offres de gros sur lesquelles ils construisent leurs offres de détail, il apparaît nécessaire de lever ces obligations de manière progressive.
Pour ce cycle d'analyse de marché, l'Autorité estime ainsi justifié et proportionné de remplacer l'obligation d'orientation vers les coûts des tarifs de ces prestations par l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs, à compter du 1er janvier 2017.
En contrepartie, Orange devra, d'ici au 1er janvier 2015, communiquer à l'Autorité et aux opérateurs clients la liste des mesures d'accompagnement envisagées pour faciliter la migration vers son offre de VGAST (mise à disposition d'un chef de projet dédié, processus de migration groupée à un tarif raisonnable reflétant les gains d'efficacité dégagés, non facturation des FAS,…). En particulier, Orange devra s'assurer qu'il n'existe pas d'obstacle technique, économique ou opérationnel à ce qu'un opérateur tiers reprenne en VGAST l'accès supportant le service téléphonique fourni par un opérateur en présélection sèche, non client VGAST. Le cas échéant, Orange prendra les mesures nécessaires pour adapter son offre de référence. Toutes les mesures précitées devront être mises en œuvre dans les meilleurs délais.
L'Autorité rappelle à cet effet que les réunions multilatérales VGAST organisées sous son égide constituent le cadre adéquat pour la coordination des travaux et processus interopérateurs relatifs à cette offre. Elle invite donc Orange et les opérateurs alternatifs concernés à y engager au plus tôt les travaux qui s'imposent.
Enfin, en ce qui concerne les opérateurs souhaitant maintenir la commercialisation d'offres de détail basée sur une sélection de transporteur sèche, l'Autorité souligne que la levée de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts au 1er janvier 2017 pourrait être suivie, dans le cadre du prochain cycle d'analyse de marché, de nouvelles mesures d'allégement des obligations pesant sur Orange.
IV.2.2.4. Maintien des prestations d'interconnexion et d'accès associées à la sélection du transporteur
Au vu des délais de préavis susmentionnés, la levée de la régulation sur les prestations de sélection du transporteur n'interviendra pas au cours du quatrième cycle d'analyse. Orange, qui continue à exercer une influence significative sur le marché de l'accès au service téléphonique, se doit donc de maintenir, sur l'ensemble du territoire, les prestations d'interconnexion et d'accès nécessaires à la sélection du transporteur. Ces prestations devront rester fournies dans des conditions similaires à celles imposées lors du précédent cycle : elles devront être accessibles au niveau de tous les points d'interconnexion pertinents et une offre de sécurisation de la collecte du trafic via une offre d'accès à ses commutateurs de transit devra être proposée.
IV.2.2.5. Règles applicables à la présélection du transporteur
Orange fournit son offre de présélection du transporteur suivant les modalités précisées à l'annexe B.
IV.2.3. Levée de l'obligation de fournir une offre d'interconnexion forfaitaire pour l'accès à l'internet bas débit
Orange fournit, depuis l'année 2002, une offre de départ d'appel spécifique pour l'internet tarifée à la capacité, dénommée « Interconnexion forfaitaire à internet » ou « IFI ». Permettant aux opérateurs tiers de collecter forfaitairement du trafic internet, cette offre visait l'émergence d'offres innovantes d'accès à l'internet bas débit, forfaitaires voire illimitées, sur les marchés de détail.
L'offre d'interconnexion forfaitaire est rapidement devenue une brique essentielle à la pénétration des services d'accès à l'internet bas débit et au développement d'une concurrence effective sur le marché de détail correspondant. Toutefois, avec l'avénement de l'accès à l'internet haut et très haut débit, le nombre de BPN (37) vendus sous cette modalité forfaitaire est passé de plus de 500 en 2007 à moins de 50 en 2010, puis à zéro en 2012.
C'est pourquoi l'Autorité estime légitime qu'Orange puisse fermer cette modalité, pour ne maintenir que la modalité standard (présentant une structure tarifaire identique au départ d'appel de sélection du transporteur), désormais suffisante pour garantir l'accès des opérateurs alternatifs au marché de détail. Elle souligne d'ailleurs qu'aucun contributeur à la première consultation publique ne s'est déclaré opposé à cette fermeture.
Ainsi, sans modifier le mode de contrôle tarifaire actuel du départ d'appel pour l'accès à l'internet bas débit, à savoir l'orientation vers les coûts (cf. IV.3.1), l'Autorité autorisera Orange à fermer techniquement la modalité IFI dès l'adoption de la présente décision et sans délai de préavis.
IV.2.4. Obligation de fournir une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique
IV.2.4.1. Contexte
Dans sa décision d'analyse des marchés n° 05-0571, au vu des objectifs mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 32-1 et conformément à l'article D. 310 (4°) du CPCE, l'Autorité a décidé d'imposer à Orange « de faire droit aux demandes raisonnables d'accès permettant aux opérateurs alternatifs de proposer des offres compétitives et globales de service téléphonique, englobant une offre d'accès analogique ou numérique de base (accès isolés ou groupements d'accès) au service téléphonique et une offre de communications à destination de l'ensemble des numéros du plan national de numérotation ». Cette obligation faisait suite notamment à un engagement pris par Orange de proposer une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique.
En 2006, dans sa décision n° 06-0162, l'Autorité a défini les modalités techniques et tarifaires de l'offre VGAST, qui a été créée la même année.
IV.2.4.2. Nécessité d'une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique
En 2005, l'Autorité avait estimé que l'existence d'une offre de vente de l'accès au service téléphonique était nécessaire pour deux raisons principales : l'insuffisance des offres de gros de dégroupage et de bitstream régional, d'une part, et la nécessité d'un remède complémentaire à la sélection du transporteur, d'autre part.
Concernant les offres de gros haut débit, il apparaît aujourd'hui que de nombreux opérateurs alternatifs tentent de concurrencer les services de l'opérateur historique en proposant des offres composées de plusieurs services, dites « multiple play ». Toutefois, l'Autorité a démontré dans la partie relative à la délimitation des marchés que de telles offres n'étaient pas substituables à une offre principalement dédiée à la téléphonie, tel l'abonnement principal d'Orange. Ainsi, sur le segment résidentiel et le bas de segment non résidentiel (comprenant les petites entreprises et les petits sites des entreprises plus grandes), les opérateurs ne proposant à ce jour pas d'offres principalement dédiées à la téléphonie via l'achat d'offres de gros haut débit, seule l'offre VGAST permet aux opérateurs alternatifs de concurrencer les offres d'abonnement d'Orange auprès de la clientèle ne désirant pas souscrire d'offres de type multiservices.
Ensuite, si la sélection du transporteur permet aux opérateurs de concurrencer les offres de communications d'Orange, le fait pour Orange de vendre par ailleurs l'accès constitue un avantage concurrentiel indéniable. En tant qu'opérateur d'accès, Orange bénéficie en effet d'un accès privilégié à l'information sur les clients potentiels, ce qui lui facilite la conservation ou la reconquête de clients. De plus, les clients en sélection du transporteur reçoivent forcément au moins deux factures, l'une d'Orange, les autres des opérateurs sélectionnés, ce qui peut rebuter certains clients. Enfin, les opérateurs en sélection du transporteur ne sont pas en mesure de proposer des offres forfaitisées couplant accès et communications. Or ce type d'offre semble correspondre à une véritable tendance du marché puisque l'ensemble des opérateurs ayant mis en œuvre la VGAST ainsi qu'Orange proposent désormais de tels couplages.
L'offre VGAST a connu une croissance significative depuis sa création en 2006, tel qu'illustré sur le graphique suivant. Elle compte environ 1,52 million d'abonnements à fin 2012. Après un démarrage quasi exclusivement dû à la clientèle résidentielle, la croissance est désormais tirée par la clientèle non résidentielle. L'Autorité souligne en outre la bonne performance de la version numérique de l'offre VGAST, quasi exclusivement utilisée par les entreprises et qui, depuis 2011, assure à elle seule la croissance du parc VGAST.
Figure 8. - Evolution du parc de VGAST en France, depuis sa création
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0019 du 23/01/2015, texte nº 82
Ces évolutions illustrent l'attachement du segment non résidentiel aux lignes RTC dites « classiques ». Comme expliqué en II.2.2, cet attachement est en partie lié à la crainte des entreprises de subir des interruptions de services ou de dégradation de la qualité qui pourraient survenir dans un processus de migration technologique, en particulier si ce dernier est de surcroît accompagné d'un changement de prestataire.
En conséquence, l'Autorité estime qu'il convient de continuer d'imposer à Orange de faire droit aux demandes raisonnables d'accès permettant aux opérateurs alternatifs de proposer des offres compétitives et globales de service téléphonique, englobant une offre d'accès analogique ou numérique de base (accès isolés ou groupements d'accès) au service téléphonique et une offre de communications à destination de l'ensemble des numéros du plan national de numérotation (y compris les numéros SVA).
Cette obligation est un remède d'interconnexion et d'accès imposé au titre de l'influence significative exercée par Orange sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique et sur le marché de gros du départ d'appel.
La décision n° 06-0162 précise les conditions techniques et tarifaires dans lesquelles Orange propose son offre de VGAST. Ces modalités pourront être modifiées par l'Autorité, conformément aux articles D. 303 et D. 310 du CPCE.
Dans les zones où Orange n'est ni propriétaire ni gestionnaire de la boucle locale (zones aéroportuaires de Paris par exemple), une demande d'accès au service téléphonique formulée auprès d'Orange ne saurait être considérée comme raisonnable. Orange n'est donc pas soumis sur ces zones à l'obligation de fournir une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique.
En pratique toutefois, si les propriétaires ou gestionnaires de la boucle locale dans ces zones ne proposaient pas des offres d'accès à un service téléphonique public dans des conditions équivalentes à celles fournies par Orange sur le reste du territoire, l'Autorité pourrait être amenée à examiner cette situation dans le cadre d'une procédure de règlement de différend.
IV.2.4.3. Enrichissement continu de l'offre : chantiers passés et en cours
De nombreuses difficultés opérationnelles concernant les offres de gros d'Orange, en particulier l'offre de VGAST, ont été soulevées, lors du précédent cycle d'analyse de marché, par les opérateurs alternatifs, notamment au sein du comité de suivi multilatéral institué par l'Autorité. Ces difficultés ont en grande partie été résolues et l'Autorité a constaté un apaisement global des échanges.
L'Autorité souligne néanmoins l'importance de la poursuite des réunions régulières de ce comité, en ce qu'elles lui permettent de se tenir informée des préoccupations des acteurs et de l'avancement des chantiers opérationnels en cours.
L'Autorité rappelle par ailleurs que c'est en particulier en contrepartie de niveaux de qualité de service satisfaisants sur les marchés de gros que les obligations appliquées concernant les offres de détail ont été levées. L'Autorité restera donc vigilante à ce qu'Orange fasse droit, dans les meilleurs délais, aux demandes raisonnables et étayées qui seront formulées au cours du 4e cycle d'analyse de marché et visant à apporter des améliorations à l'offre de VGAST. Tout refus éventuel qu'Orange serait amené à opposer devra être justifié de manière détaillée, notamment au regard de sa capacité à satisfaire une telle demande. Le cas échéant, un tel refus devra être assorti de solutions alternatives permettant in fine d'atteindre les objectifs établis.
IV.2.4.3.1. Chantiers passés.
Comme expliqué supra, le 3e cycle d'analyse de marché a vu émerger un nombre important de demandes d'enrichissement et d'amélioration de l'offre de VGAST auxquelles Orange a pu apporter, dans une majorité de cas, une réponse satisfaisante. Les principales évolutions suivantes ont été mises en œuvre par Orange :
- l'outil « e-RDV » qui permet aux opérateurs alternatifs d'accéder au planning de charge des techniciens d'Orange, apportant ainsi une plus grande fiabilité dans la prise de rendez-vous en construction de ligne mais aussi une meilleure maîtrise par l'opérateur alternatif de sa relation avec le client final (38) ;
- l'enrichissement progressif de la page d'informations centralisée (dite « WebOp ») à destination des opérateurs alternatifs, au gré des demandes de chaque opérateur ;
- la séparation de la livraison de l'accès physique et de l'accès au service téléphonique, aussi bien sur les lignes analogiques que numériques, permettant ainsi aux opérateurs alternatifs de mieux maîtriser la relation client ;
- la modification des flux d'information et de facturation concernant les communications à destination de numéros SVA ;
- l'élaboration d'un processus de portabilité d'un numéro IP d'Orange vers un accès VGA.
IV.2.4.3.2. Chantiers prioritaires en cours.
Plusieurs axes d'amélioration de l'offre VGAST font actuellement l'objet de travaux multilatéraux au sein du comité de suivi, dont notamment ceux exposés ci-après.
a) La mise en œuvre du processus de reversement lié à la réforme SVA :
La réforme SVA introduite par la décision n° 2012-0856 modifiée de l'Autorité va avoir un impact significatif sur les processus interopérateurs en VGAST, notamment pour tenir compte du changement de structure tarifaire des communications SVA, dont le modèle qui entrera en vigueur au 1er octobre 2015 sera dit « C + S », où « C » est le montant d'une communication banalisée vers les fixes et « S » le prix du service (indépendant de l'opérateur de départ comme de l'offre souscrite).
Il a donc été demandé à Orange de communiquer des propositions de modification du processus de reversement existant compatibles avec cette réforme ainsi que les nouvelles spécifications techniques associées. De plus, afin que les opérateurs clients puissent raisonnablement anticiper le coût des développements SI liés à cette réforme, il a été demandé à Orange de communiquer de façon suffisamment anticipée un calendrier précis de mise en œuvre de ces nouvelles modalités.
Ainsi, Orange a proposé un nouveau processus de reversement et de facturation du départ d'appel SVA, devant accompagner l'entrée en vigueur de la réforme précitée. Il a été convenu dans le cadre du comité de suivi VGAST que ce nouveau processus fasse l'objet de spécifications techniques détaillées, à communiquer par Orange suffisamment en amont.
Compte tenu de leur impact, un suivi opérationnel de ces travaux sera nécessaire. A ce titre, la phase d'expérimentation qui devra impérativement précéder l'entrée en vigueur effective de la réforme sera l'occasion pour l'Autorité de s'assurer du bon fonctionnement de la solution retenue.
b) La reprise des offres couplées :
Les offres de détail couplées (incluant un service d'accès à l'internet et un service de voix fixe, voire un service mobile) connaissent une forte croissance sur le marché spécifique entreprises. Au cours du cycle précédent, plusieurs opérateurs alternatifs ont été confrontés à l'impossibilité de reprendre de manière satisfaisante certaines de ces offres couplées. En effet, bien que toutes les briques élémentaires existent sur les différents marchés de gros régulés, l'ordonnancement des processus opérationnels de reprise de chaque brique peut générer une coupure de service d'une durée inacceptable pour un client entreprise, dont l'activité risque ainsi de se trouver gravement perturbée (39).
De telles coupures de service peuvent, en effet, affecter de manière importante les clients entreprises et sont par conséquent l'un des principaux freins à la reprise de ces offres couplées par les opérateurs alternatifs, constituant ainsi un obstacle sérieux à la fluidité du marché de détail et à l'exercice d'une concurrence loyale entre les opérateurs.
Afin de permettre la reprise d'offres couplées dans des conditions satisfaisantes et non discriminatoires, il ne suffit donc pas de garantir l'accès à chacune des briques élémentaires de l'offre couplée sur les différents marchés de gros.
Les travaux interopérateurs ont permis la mise en place d'un processus de reprise de l'offre Optimale pro d'Orange par les opérateurs clients, grâce à la coordination des commandes de dégroupage partiel (pour reprendre l'accès à internet haut débit) et de VGAST (pour reprendre la ligne RTC). Afin de garantir plus de flexibilité aux opérateurs clients, il a été demandé à Orange de permettre la reprise de l'offre indépendamment de l'ordre choisi pour effectuer les différentes commandes. La phase d'expérimentation s'étant montrée concluante, Orange a industrialisé ce processus afin de pouvoir traiter d'importants volumes de commandes et en a désormais entrepris l'automatisation.
Ces travaux ont également permis d'identifier une difficulté relative à la synchronisation de la reprise de l'accès avec la commande de portabilité du numéro : une solution doit lui être apportée par un groupe de travail spécifique, réunissant les experts de la portabilité.
De manière générale, il apparaît légitime qu'Orange permette la reprise des différentes composantes d'une offre en proposant un processus synchronisé de commande des produits de gros régulés. L'Autorité estime néanmoins qu'imposer à Orange une telle exigence ferait peser sur l'opérateur des contraintes disproportionnées dès lors qu'une telle obligation serait extrêmement lourde, voire impossible dans une majorité de cas, à satisfaire. En revanche, l'Autorité estime justifié et proportionné d'imposer à Orange l'obligation de s'assurer que, lorsqu'un opérateur commande plusieurs offres de gros régulées (ainsi que la conservation de numéros, le cas échéant), la fourniture de ces différentes prestations de gros intervienne de façon coordonnée, dans un délai raisonnable et à une date fixée avec l'opérateur client, afin que ce dernier puisse proposer à ses clients entreprises une reprise sans interruption de service excessive (i.e. d'une durée cumulée inférieure à 4 heures) et, le cas échéant, sans perte de numéro de téléphone.
Compte tenu de l'influence significative exercée par Orange sur les différents marchés concernés, et conformément à l'obligation de non-discrimination imposée à Orange au titre de la présente décision (développée en IV.2.6) et des décisions d'analyse de marché n° 2014-0733 (marché 4), n° 2014-0734 (marché 5) et n° 2014-0735 (marché 6), il appartient à Orange de s'assurer que les conditions techniques et opérationnelles de fourniture coordonnée des différentes offres de gros régulées ainsi que, le cas échéant, les conditions techniques et opérationnelles de mise en œuvre du processus de conservation des numéros ne font pas obstacle à ce que ses offres de détail couplées puissent être effectivement reproduites et concurrencées par un opérateur sur la base des offres de gros qu'Orange est tenu de proposer. Orange devra à ce titre être en mesure de justifier, à la demande de l'Autorité, qu'il existe, pour toute offre de détail qu'il commercialise et qui combine plusieurs intrants de gros régulés au titre des décisions d'analyse de marché précitées, un processus garantissant la reproductibilité précédemment décrite. Orange devra pour cela fournir à l'Autorité les éléments permettant de démontrer l'existence d'un tel processus dans un délai de quinze jours à compter de la demande de celle-ci.
Il ressort de l'ensemble de ce qui précède qu'une telle obligation est nécessaire pour assurer l'effectivité des obligations d'accès et de non-discrimination imposées à Orange. En l'absence de mesure moins contraignante permettant d'atteindre le but poursuivi, elle est proportionnée au regard notamment des objectifs prévus aux alinéas 2°, 3° et 4° du II de l'article L. 32-1 du CPCE.
IV.2.4.3.3. Suivi opérationnel.
Afin de mieux comprendre et anticiper les évolutions (développements SI, nouveaux processus, nouvelles fonctionnalités, etc.) de l'offre de VGAST, nécessaires à la disparition progressive des différences pouvant subsister entre l'offre de détail et l'offre de gros (obligation de non-discrimination, cf. section IV.2.6), l'Autorité estime approprié de disposer d'outils complémentaires de suivi opérationnel. A ce titre, il paraît justifié et proportionné qu'Orange continue de remettre à l'Autorité, au début de chaque année N, les documents suivants :
- une note de synthèse des évolutions réalisées par Orange sur son offre de VGAST en année N-1, comparées aux évolutions initialement prévues, et des évolutions envisagées pour l'année N ;
- un calendrier des évolutions susmentionnées, couvrant deux années (N-1 et N) et de précision mensuelle ;
- un tableur détaillant, pour chacun des évolutions susmentionnées, le montant des investissements consentis dans l'année (réalisés pour l'année N-1, prévisionnels pour l'année N). Dans le cas où lesdits investissements concernent des évolutions portant sur plusieurs offres de gros et/ou de détail, Orange précisera le périmètre des offres (par exemple : évolution utile à tous les produits d'accès, mais uniquement de gros).
La note de synthèse et le calendrier seront transmis aux opérateurs participants au sein du comité de suivi VGAST et discutés lors de la première réunion de l'année dudit comité.
En revanche, le tableur sera traité de manière strictement confidentielle par l'Autorité, et ne sera pas communiqué, sauf accord explicite préalable d'Orange, auxdits opérateurs.
IV.2.4.4. Avenir de l'offre de vente en gros d'accès au service téléphonique
Comme expliqué en IV.2.4.2, l'Autorité estime qu'il convient de continuer à imposer à Orange de faire droit aux demandes raisonnables d'accès permettant aux opérateurs alternatifs de proposer des offres compétitives et globales de service téléphonique, englobant à la fois une offre d'accès et de communications.
Ainsi, l'Autorité entend maintenir les obligations imposées à Orange de fourniture d'une offre de VGAST, associée à la présélection, a minima pour le quatrième cycle d'analyse des marchés de la téléphonie fixe et, au-delà, aussi longtemps qu'Orange souhaitera continuer à proposer des offres principalement téléphoniques reposant sur le RTC sur le marché de détail et que ces offres ne pourront être reproduites dans des conditions économiquement viables par un opérateur alternatif avec une autre technologie.
A cet égard, il est important de sensibiliser l'ensemble des acteurs à la pérennité de cette offre, qui est intimement liée à celle du réseau RTC. En effet, l'Autorité ne s'opposera pas, le moment venu, à la volonté d'Orange de rationaliser son réseau téléphonique historique, par exemple en fermant le RTC sur tout ou partie du territoire. En cohérence avec la fermeture commerciale et technique de ses propres services de détail, Orange sera alors autorisé à ne plus fournir d'offre de VGAST, moyennant un préavis suffisant, d'une durée minimale de cinq ans, compte tenu du bouleversement qui pourrait en résulter pour l'ensemble du secteur.
IV.2.5. Obligations relatives aux prestations de raccordement des sites d'interconnexion et d'accès
Les offres d'accès et d'interconnexion incluent un ensemble de prestations élémentaires dont la fourniture est nécessaire au bon acheminement des communications des opérateurs alternatifs et à leur activité. Ces prestations associées comprennent notamment les prestations de raccordement aux sites d'interconnexion et d'accès.
L'utilisation effective de prestations d'acheminement suppose le raccordement physique des réseaux de communications électroniques entre eux. Ainsi, les offres de gros d'accès au réseau d'Orange ne peuvent être opérationnelles que si elles sont accompagnées de prestations connexes adaptées, nécessaires à leur utilisation par les opérateurs alternatifs. Il est donc nécessaire que l'opérateur historique propose aux opérateurs alternatifs une offre de raccordement de leurs équipements dans ses propres sites.
En l'absence d'une telle offre, l'obligation de fournir un accès aux prestations de départ d'appel serait vidée de son sens. L'Autorité estime que les obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès précitées doivent dès lors s'accompagner d'obligations connexes concernant l'accès aux sites d'interconnexion.
Orange propose actuellement les solutions de raccordement suivantes :
- une offre de colocalisation qui permet à un opérateur d'accéder au site de l'opérateur en installant ses équipements de transmission directement dans les locaux d'Orange. C'est la solution la plus directe pour un opérateur alternatif, mais elle représente des frais d'investissement importants : un tel investissement ne se justifie donc qu'au-delà d'un certain seuil de trafic ;
- une offre de liaisons de raccordement qui permet à un opérateur de collecter (40) son trafic au niveau de son point de présence, l'acheminement du trafic entre ce point et le point d'interconnexion se faisant sur un lien pris en charge par un opérateur tiers. Elle représente des coûts variables et récurrents et se prête à des volumes de trafic plus faibles. Elle peut être fournie par Orange ou par un autre opérateur colocalisé dans le site de l'opérateur ;
- une offre d'interconnexion en ligne dite « in-span », qui est une solution intermédiaire où l'interconnexion physique des réseaux se fait non pas dans les locaux d'Orange mais dans un lieu proche de ces derniers.
Tous ces moyens d'accès sont nécessaires au développement de la concurrence sur les marchés de gros de la téléphonie fixe en ce qu'ils permettent à un opérateur de disposer de flexibilité dans ses options de déploiement et de pouvoir se déployer au niveau d'un site d'interconnexion même avec des volumes relativement faibles.
Il est donc nécessaire qu'Orange continue à fournir ces prestations. En effet, leur suppression ou modification aurait pour conséquence de déstabiliser le marché et les plans d'affaires des opérateurs alternatifs. Dans la mesure où ces prestations sont déjà offertes aujourd'hui et sont nécessaires à l'activité des opérateurs tiers, leur imposition répond aux critères de l'article L. 38 IV du CPCE, en particulier les a, b, c et d.
Par ailleurs, avec le développement du dégroupage, de nombreux sites utilisés pour l'interconnexion sont également utilisés pour l'accès aux équipements de la boucle locale d'Orange. Plusieurs opérateurs alternatifs ont donc demandé la possibilité de mutualiser les ressources dédiées à l'interconnexion avec celles dédiées au haut débit. L'Autorité a constaté au cours du cycle précédent une continuité dans les efforts de mutualisation des ressources entamés par Orange durant le deuxième cycle d'analyse de marché et souhaite une poursuite de ce mouvement, en collaboration avec les autres opérateurs, au cours du quatrième cycle d'analyse de marché.
Enfin, l'Autorité constate que de nombreux opérateurs utilisent des interconnexions au niveau des centres de transit d'Orange pour sécuriser les acheminements de trafic qui devraient être livrés aux commutateurs d'abonnés reliés à ces centres de transit. Ce dispositif de sécurisation est souhaitable dans la mesure où il garantit l'acheminement et la qualité des communications, comme l'Autorité l'avait précisé dans sa décision n° 00-0030 du 5 janvier 2000 réglant un différend entre Télécom Développement et Orange. L'Autorité rappelle toutefois que, comme le précise encore ladite décision, ce dispositif de sécurisation ne doit pas être utilisé par un opérateur interconnecté avec Orange pour gérer ses pointes de trafic, par débordement automatique au niveau du centre de transit (41).
C'est pourquoi l'Autorité considère que les prestations de raccordement des sites d'interconnexion et d'accès au niveau des centres de transit sont également des offres associées aux prestations d'interconnexion au niveau des commutateurs d'abonnés.
De manière générale, l'Autorité considère que toute offre de sécurisation du trafic pour une prestation d'acheminement de trafic est une prestation associée à cette dernière.
Conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1 II du CPCE, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné qu'Orange propose au titre de l'article D. 310 (1° et 3°) du CPCE, une offre de raccordement des équipements des autres opérateurs, adaptée à chaque type de site, comprenant a minima les trois modalités précitées.
IV.2.6. Obligation de non-discrimination
L'article L. 38, (I, 2°) du CPCE prévoit la possibilité d'imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative sur un marché une obligation de non-discrimination.
Comme indiqué précédemment, l'article D. 309 du CPCE précise que l'obligation de non-discrimination fait notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».
Orange, opérateur intégré verticalement, intervient sur l'ensemble des marchés de gros d'acheminement de trafic et sur l'ensemble des marchés de détail sous-jacents. Il exerce en outre une influence significative sur une partie de ces marchés de gros et de détail. Il est par conséquent nécessaire de garantir qu'Orange n'avantagera pas ses propres services de détail par les moyens qu'il leur fournit. Il est de même nécessaire qu'Orange n'avantage pas certains opérateurs - en particulier ses filiales ou ses partenaires - en leur proposant des offres de gros dans des conditions privilégiées, dans le but d'exclure ses concurrents les plus directs des marchés de détail et de gros sous-jacents.
Une obligation de non-discrimination est donc imposée à Orange sur l'ensemble des marchés de gros où il exerce une influence significative. Cette obligation s'applique à toutes les prestations d'accès et d'interconnexion, y compris les prestations qui leur sont associées et notamment aux conditions techniques et tarifaires offertes par voie contractuelle, aux contenus et à la qualité des informations fournies dans les processus mis en œuvre pour l'accès et l'interconnexion, aux délais de fourniture des offres de gros ou encore à la qualité de service offerte.
En particulier, cette obligation de non-discrimination implique qu'Orange s'assure du caractère reproductible de ses offres de détail, sur la base des produits de gros qu'il lui est imposé de fournir au titre de sa puissance significative sur les marchés visés. A cet égard, dans sa réponse à la deuxième consultation publique, SFR semble mettre en doute le caractère reproductible de l'offre de détail d'Orange dite « résidence secondaire ». L'Autorité se montrera donc attentive à ce que cette reproductibilité soit effectivement garantie, notamment en veillant à ce qu'Orange apporte à l'offre de VGAST les évolutions nécessaires, si une demande raisonnable étayée d'éléments factuels et d'engagements précis venait à lui être communiquée.
IV.2.7. Obligations relatives à la qualité de service
IV.2.7.1. Obligation de fournir une qualité de service satisfaisante
Au-delà du bénéfice qu'en retirent naturellement les clients de détail, un niveau satisfaisant de qualité de service est une condition essentielle du bon fonctionnement concurrentiel du marché.
En effet, si la qualité de service des offres aval commercialisées par les opérateurs alternatifs dépend en partie de la qualité de leurs propres prestations, elle est également fonction de la qualité des offres de gros achetées auprès d'Orange, briques élémentaires à partir desquelles elles sont construites.
La qualité de service associée aux offres de gros fournies par Orange doit donc être suffisante pour permettre aux opérateurs alternatifs de répondre, notamment, aux besoins élevés de qualité de service du marché de détail spécifique entreprises, dans des conditions au moins équivalentes à celles d'Orange pour les offres de détail correspondantes. En effet, lorsque l'ensemble des acteurs (Orange comme les opérateurs alternatifs) ne sont pas en mesure de proposer un tel niveau de qualité de service en raison des caractéristiques des offres de gros sous-jacentes, il existe un fort risque que cette situation avantage, sur le marché de détail, l'opérateur disposant de la base clients la plus importante, à savoir l'opérateur historique. En particulier, un client final entreprise sera réticent à migrer vers un autre opérateur s'il perçoit un risque associé à la migration, situation d'autant plus fréquente que la qualité des processus avant-vente et de livraison est mauvaise.
Par ailleurs, l'article D. 309 du CPCE précise que les obligations de non-discrimination (prévues au 2° de l'article L. 38 du même code) font notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires […] ». Ainsi, une situation dans laquelle Orange offrirait sur le marché de gros aux opérateurs alternatifs une qualité de service inférieure à celle qu'il assure pour ses propres services sur le marché de détail risquerait de conduire à une distorsion de concurrence sur le marché de détail.
En outre, les objectifs fixés à l'article L. 32-1 du CPCE (42) invitent l'Autorité à veiller à l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale, et à la définition de conditions d'accès aux réseaux qui garantissent l'égalité des conditions de concurrence.
Enfin, en application de ces dispositions, l'Autorité peut imposer à Orange de publier des informations concernant les conditions de fourniture des prestations d'accès.
Dans sa réponse à la deuxième consultation publique, Dauphin Telecom déplore la faible qualité de service associée, outremer, à l'offre de VGAST, rendant selon lui cette modalité peu fiable et peu attractive pour les opérateurs alternatifs. L'Autorité reconnaît qu'il est nécessaire que la qualité de service de l'offre de VGAST dans les départements et collectivités d'outre-mer conserve un niveau satisfaisant et qu'il n'y ait pas de discrimination entre les prestations de gros fournies aux opérateurs tiers, d'une part, et la branche de détail d'Orange, d'autre part. Il est également rappelé que les niveaux de qualité de service constatés doivent être satisfaisants, non seulement en moyenne, mais également en tout point (zone géographique de taille statistiquement pertinente) du territoire. L'Autorité veillera donc à s'en assurer dans la durée, notamment dans le cadre du comité de suivi VGAST précité.
IV.2.7.2. Obligation de prendre des engagements de niveau de qualité de service
Afin de refléter l'importance particulière de la qualité de service comme facteur de compétitivité, notamment sur le segment non résidentiel, et permettre la reproduction des engagements de qualité de service (« service level agreement ») couramment pratiqués sur le marché de détail, en particulier par Orange, il est justifié et proportionné de demander des engagements contractuels renforcés de la part d'Orange, incluant un système de pénalités, notamment financières, suffisamment incitatifs à la fourniture d'une qualité de service satisfaisante. Ce système de pénalités doit également être équilibré et juste au regard de celui appliqué aux opérateurs clients en cas de manquement à leurs propres engagements contractuels auprès de leurs clients de détail.
De tels engagements devront porter sur toutes les prestations fournies au titre de l'offre de référence et dont le délai de fourniture peut avoir un impact significatif sur la qualité de service fournie à l'opérateur tiers. C'est en particulier le cas de l'offre de VGAST, en ce qu'elle est utilisée pour fournir in fine des services sur le marché aval pour une clientèle non résidentielle.
IV.2.7.3. Obligation de publier des indicateurs de qualité de service
Au regard des développements précédents, la publication d'un ensemble d'indicateurs relatifs aux prestations déterminantes pour la capacité des opérateurs alternatifs à reproduire les offres de détail d'Orange s'analyse comme une obligation proportionnée pour Orange. Cette obligation vise en effet à permettre de s'assurer de l'absence de discriminations entre le niveau de service de l'offre de gros et le niveau de service des prestations équivalentes qu'Orange met en œuvre pour le compte de sa branche de détail.
De plus, la réalisation de mesures et la publication périodique de plusieurs indicateurs de suivi sont des pratiques courantes ; elles constituent le remède le moins contraignant pour permettre de s'assurer de l'absence de pratiques discriminatoires et donner la possibilité, notamment au client final, de discerner les responsabilités respectives d'Orange, d'une part, et de l'opérateur alternatif, d'autre part, dans la qualité de service des offres de détail.
En particulier, s'agissant de l'offre de VGAST, Orange est tenu de publier chaque mois des indicateurs de qualité de service concernant son offre de VGAST. Ces indicateurs permettent de suivre l'évolution absolue de la qualité de service de l'offre de VGAST (efficacité des processus mis en place), mais également de la comparer avec celle des offres de détail fournies directement par Orange sur le marché aval (respect de l'obligation de non-discrimination). Pour permettre à l'Autorité d'auditer (ou faire auditer) lesdits indicateurs de qualité de service, il apparaît raisonnable et proportionné d'imposer à Orange de transmettre à l'Autorité, à sa demande, la totalité des données brutes nécessaires à la vérification régulière de ces indicateurs. A la suite de travaux menés avec l'Autorité, Orange publie déjà régulièrement sur son site internet (43), en application des obligations qui lui ont été imposées au cours des précédents cycles, des indicateurs de qualité de service pour ses prestations de gros d'interconnexion et d'accès au service téléphonique. A l'avenir, l'Autorité pourrait être amenée, en tant que de besoin et de manière proportionnée, à modifier, enrichir ou réduire la liste des indicateurs pertinents, au regard notamment des indicateurs qu'Orange élabore déjà pour son propre suivi.
IV.2.8. Obligation de transparence
L'article L. 38 (I, 1°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès.
L'influence significative d'Orange sur les marchés de gros du départ d'appel rend les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent s'interconnecter avec elle structurantes pour la viabilité des services qu'ils peuvent proposer.
Il est donc nécessaire que les opérateurs disposent d'une bonne visibilité sur l'architecture technique, économique et tarifaire des offres de gros d'Orange, afin de garantir l'exercice d'une concurrence effective et loyale dans la fourniture des services de communications électroniques, au bénéfice des utilisateurs, ainsi qu'à l'égalité des conditions de concurrence. Cette obligation est d'autant plus nécessaire que des transformations technologiques du réseau de l'opérateur historique sont prévues au cours de cette période. A ce titre, Orange est tenu de transmettre à l'Autorité, de manière trimestrielle, l'ensemble des informations relatives à ses offres de sélection du transporteur et de vente au gros de l'accès au service téléphonique ainsi qu'aux prestations de départ d'appel rendues à des tiers dont la liste est précisée à l'annexe D.
Par ailleurs, l'obligation de transparence apparaît indispensable pour permettre le contrôle de l'obligation de non-discrimination et ainsi permettre aux opérateurs négociant l'accès avec Orange de s'appuyer sur des données de référence publiques. L'obligation de transparence imposée à Orange est ainsi nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE et notamment à ceux cités aux 2°, 4° et 9° de cet article. A cet effet, l'Autorité impose à Orange une obligation de transparence au moyen de trois dispositifs : la publication d'une offre de référence (IV.2.8.1), l'information sur les conventions de l'interconnexion et d'accès (IV.2.8.2) et les informations données aux acteurs bénéficiant de prestations d'accès (IV.2.8.3).
Enfin, il apparaît plus généralement que la présente décision peut impliquer des modifications des offres de référence et des conventions en cours d'exécution, afin d'assurer leur conformité aux obligations imposées à Orange au titre du quatrième cycle d'analyse de marché. En particulier, lorsque les travaux menés par les opérateurs sous l'égide de l'Autorité conduisent à définir ou à préciser les modalités de mise en œuvre des obligations imposées à Orange au titre de l'analyse de marché, ces modalités doivent être intégrées à l'offre de référence et pouvoir s'appliquer à l'ensemble des opérateurs alternatifs dans un délai raisonnable à compter de la modification de l'offre de référence.
Cependant, l'entrée en vigueur de ces modifications ne peut être subordonnée à l'acceptation par l'opérateur alternatif d'autres évolutions contractuelles qui ne seraient pas nécessaires pour assurer la conformité des offres de référence et conventions en cours d'exécution aux obligations imposées à Orange et aux modalités définies de façon concertée pour en assurer la mise en œuvre.
IV.2.8.1. Publication d'une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion et d'accès dite « Téléphonie fixe »
En application de l'article L. 38 I du CPCE, l'Autorité estime justifié de maintenir l'obligation de publication d'une offre de référence par Orange, en application de ses obligations de non-discrimination et de transparence.
Une offre technique et tarifaire (ou « offre de référence ») poursuit quatre objectifs :
- concourir à la mise en place de processus transparents, pour limiter la capacité de l'opérateur exerçant une influence significative à déstabiliser ses concurrents ou favoriser ses filiales ;
- donner de la visibilité aux acteurs sur les termes et les conditions dans lesquelles ils s'interconnectent avec l'opérateur sur qui pèse l'obligation ;
- pallier le déficit de pouvoir de négociation des opérateurs acheteurs ;
- permettre l'élaboration d'une offre cohérente de prestations aussi découplées que possible les unes des autres pour permettre à chaque opérateur de n'acheter que les prestations dont il a besoin.
L'offre de référence contribue ainsi grandement à la stabilité du marché et permet aux opérateurs alternatifs de développer un plan d'affaires et de programmer leurs investissements avec une visibilité suffisante sur des paramètres qui conditionnent fortement leur structure de coûts.
L'Autorité estime donc que cette obligation est nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, notamment aux 2°, 3° et 4°, pour certaines prestations d'interconnexion particulièrement décisives pour les opérateurs, et détaillées à l'annexe A. Cette obligation doit également porter sur les prestations d'accès associées permettant l'utilisation effective de ces offres par les opérateurs pour proposer des services sur les marchés de détail : notamment les prestations d'accès aux sites d'interconnexion.
Dans un souci de lisibilité, Orange constituera une unique offre de référence comprenant a minima les prestations d'interconnexion et d'accès aujourd'hui disponibles et, en particulier, celles visées par l'actuelle décision et relatives à la sélection et la présélection du transporteur ainsi que celles relatives à l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique. Cette offre se décomposera en une partie décrivant les conditions techniques et opérationnelles de fourniture de l'offre et une partie tarifaire pour chacune desdites prestations.
En application des II et III de l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité estime justifié que cette offre comprenne outre les prestations d'accès devant y figurer, les conditions contractuelles types relatives aux tarifs, aux conditions de souscription, aux modalités d'accès à l'offre, aux engagements de qualité de service, ainsi qu'aux informations répondant à l'obligation de transparence et de non-discrimination. En particulier, tous les tarifs devront être effectivement inscrits dans l'offre de référence et non uniquement dans les conventions conclues entre les parties.
En outre, il importe que la tarification de certaines prestations « sur devis » ne soit envisagée qu'à titre exceptionnel. Le cas échéant, il reviendra à Orange de justifier des contraintes l'empêchant d'établir un tarif fixé à l'avance dans l'offre de référence.
L'Autorité précise à l'annexe A la liste minimale des prestations d'interconnexion et d'accès devant figurer à l'offre, y compris les prestations qui leur sont associées, les informations à publier, le niveau de détail requis et le mode de publication.
Concernant l'offre de VGAST, Orange détaillera notamment, dans son offre de référence « Téléphonie fixe », l'ensemble des prestations décrites dans la décision n° 06-0162, leurs conditions techniques et tarifaires et les processus de commande sous-jacents, dans une partie identifiée à cet effet.
Pour en assurer une diffusion satisfaisante, l'Autorité souhaite que l'offre de référence soit publiée sur un site internet librement et facilement accessible. Au regard de l'exigence d'accessibilité de l'offre de référence et compte tenu de l'importance critique de la bonne disponibilité de cette documentation pour les opérateurs clients, il est nécessaire que tout changement d'adresse de ce site internet s'accompagne a minima des mesures suivantes : redirection automatique de l'ancienne page vers la nouvelle pendant une durée minimale d'un an, point d'information aux opérateurs dans le cadre de toutes les multilatérales placées sous l'égide de l'Autorité et communication aux opérateurs (auprès des contacts réglementaires et opérationnels). Certaines informations pouvant être qualifiées de sensibles, concernant notamment la localisation et les caractéristiques d'équipements de réseau, pourront être mises en annexe, afin d'en limiter la diffusion aux seuls opérateurs.
Enfin, pour des raisons évidentes de protection des investissements réalisés par les opérateurs alternatifs, les évolutions qu'Orange pourrait apporter à son offre de référence « Téléphonie fixe » devront respecter un délai de préavis suffisant selon la nature de l'évolution proposée qui ne saurait être inférieur à un mois, excepté dans les cas d'évolutions des tarifs à la baisse, pour lesquelles une application immédiate peut être effectuée le cas échéant. En cas d'évolution tarifaire à la hausse, ce préavis sera de trois mois minimum, et il sera porté à douze mois en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations, sauf accord mutuel ou si l'Autorité en décide autrement. Cette condition apparaît essentielle pour garantir aux opérateurs une visibilité suffisante sur leurs investissements. Elle est donc adaptée au respect des objectifs d'égalité des conditions de la concurrence fixés à l'article L. 32-1 du CPCE, sans pour autant représenter une charge excessive pour Orange.
L'obligation de publication avec préavis pour l'entrée en vigueur des modifications apportées s'entend sauf décision contraire de l'Autorité ou de toute autre autorité ou juridiction habilitée à imposer une telle modification. Certains cas particuliers peuvent en effet nécessiter une mise en œuvre immédiate des évolutions de l'offre. Ce cas peut notamment se rencontrer à la suite d'une décision de règlement de différend ou d'une décision de modification de l'offre de référence. De même, aucun préavis ne sera nécessaire en cas de modification consistant simplement à répercuter une modification, à la hausse ou à la baisse, décidée par un autre opérateur et qui impacte directement une des conditions inscrites à l'offre.
IV.2.8.2. Conventions d'interconnexion et d'accès
Les conventions d'interconnexion et d'accès précisent les conditions techniques et tarifaires offertes par les parties. Orange devra informer l'Autorité de la signature de toutes les conventions d'interconnexion et d'accès et de tout avenant à ces conventions qu'il signe avec des tiers dans un délai de sept jours à compter de la signature du document, lorsque les prestations concernées sont fournies sur les marchés de gros pertinents de la téléphonie fixe, ou qu'elles leur sont associées.
Cette information permettra à l'Autorité de demander le cas échéant à Orange de lui transmettre ledit document, sous format électronique (version numérisée du document signé et/ou fichier source sous format exploitable), en application de l'article L. 34-8 du CPCE, afin notamment de lui permettre de contrôler le respect par Orange de l'obligation de non-discrimination.
IV.2.8.3. Informations données aux acteurs bénéficiant de prestations d'accès et d'interconnexion
Par ailleurs, afin de donner la visibilité nécessaire aux acteurs ayant signé avec lui une telle convention d'interconnexion et d'accès, Orange devra leur fournir des informations sur les caractéristiques et les évolutions de son réseau, notamment en termes d'architecture, d'interfaces et de dimensionnement.
Conformément aux dispositions de l'article D. 307 III du CPCE, il devra également informer ces acteurs, dans un préavis raisonnable, de toute évolution de ses conditions techniques et tarifaires des prestations d'interconnexion et d'accès, ainsi que de toute évolution d'architecture de son réseau, en cas de modification de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations d'interconnexion et d'accès à modifier ou adapter leurs propres installations. Le délai de préavis suffisant variera selon la nature de l'évolution proposée et ne saurait être inférieur à un mois. En cas d'évolution tarifaire, ce préavis sera de trois mois minimum (sauf en cas de baisse d'un tarif orienté vers les coûts qui pourra être immédiate, le cas échéant), et il sera porté à un an en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations.
Compte tenu des évolutions importantes qu'Orange envisage d'opérer dans son réseau et de l'importance de l'architecture du réseau d'Orange pour l'ensemble des opérateurs interconnectés, l'Autorité considère nécessaire que les opérateurs interconnectés à Orange et l'Autorité disposent d'une visibilité suffisante sur ces évolutions. En période de transition technologique rapide, comme ce sera le cas pour le réseau d'Orange au cours du prochain cycle d'analyse de marché, le préavis susmentionné est néanmoins insuffisant et il est essentiel qu'Orange fournisse des informations indicatives à plus long terme aux opérateurs interconnectés et à l'Autorité.
L'Autorité estime donc pertinent de maintenir pour Orange l'obligation de communiquer, avant le 31 janvier de chaque année, les prévisions indicatives d'évolution de son réseau sur les trois années suivantes. Les prévisions pour les années deux et trois peuvent être révisées par Orange dans des plans triennaux postérieurs. Ces prévisions incluent notamment les fermetures et ouvertures de points d'interconnexion (pertinents ou non) et la modification des trafics pouvant être collectés ou livrés sur ces points. Elles sont communiquées à l'Autorité et aux opérateurs qui ont signé une convention d'interconnexion avec Orange, ce dernier pouvant imposer une clause de confidentialité sur ces informations. Ces informations font l'objet d'une présentation annuelle par Orange au comité de l'interconnexion et de l'accès.
Par ailleurs, l'Autorité estime également pertinent qu'Orange communique par la même occasion ses prévisions concernant l'horizon de fermeture du RTC - quel que soit son terme - et les mesures qu'elle envisage pour la mener à bien, ainsi que leur impact sur les opérateurs tiers. A titre d'exemple de mesures, il apparaît indispensable que des travaux sectoriels soient conduits suffisamment en amont dans le but de normaliser pour le NGN l'ensemble des services aujourd'hui fournis sur RTC : téléalarmes, monétique, etc.
A l'initiative d'Orange en cas de révision d'ampleur significative ou à la demande de l'Autorité, une mise à jour de ces prévisions lui est communiquée entre les dates prévues à l'alinéa précédent.
Cette obligation apparaît essentielle pour permettre aux opérateurs d'anticiper ces évolutions, et ainsi d'avoir une visibilité suffisante de leurs plans d'investissement, condition nécessaire au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures.
IV.2.9. Obligation de communication pour information
Lors des allégements de la régulation en 2006, 2007 et 2008 (44), l'Autorité a supprimé les obligations imposées à Orange sur les marchés de détail résidentiels et non résidentiels, en mettant notamment un terme à l'obligation de communication préalable des offres d'Orange pour avis de l'Autorité, avec possibilité pour elle de s'opposer à leur commercialisation.
Toutefois, si l'homologation tarifaire avait été mise en place principalement pour vérifier qu'Orange respectait bien ses obligations sur les marchés de détail, celle-ci permettait également la surveillance de plusieurs obligations imposées sur les marchés de gros. En particulier, il est nécessaire de vérifier l'adéquation de la régulation des marchés de l'accès et de l'interconnexion vis-à-vis des évolutions des marchés de détail aval et le respect par Orange des obligations de non-discrimination sur les marchés de gros.
Afin de s'assurer qu'Orange respecte bien ses obligations de non-discrimination sur les marchés de l'interconnexion et de l'accès visées par cette décision (départ d'appel, sélection du transporteur et vente en gros de l'accès au service téléphonique), l'Autorité considère nécessaire d'imposer à Orange de lui transmettre par anticipation, pour information, les offres des marchés de détail aval à ces marchés et prestations. L'Autorité estime raisonnable que cette transmission intervienne au moins huit jours avant la mise en œuvre des offres correspondantes.
L'Autorité estime qu'il convient de maintenir l'obligation de communication pour information des offres de détail de communications et d'accès d'Orange sur les marchés de détail aval des marchés de départ d'appel et des prestations de sélection du transporteur et de vente en gros de l'accès au service téléphonique.
Cette obligation de communication pour information est imposée à Orange au titre de sa puissance sur les marchés de gros du départ d'appel et sur les marchés de détail de l'accès en vue de permettre la mise en œuvre effective de ses obligations d'accès et d'interconnexion, et non à des fins de régulation des marchés de détail. Cette obligation ne permet pas à l'Autorité de s'opposer à la commercialisation d'offres de détail mais permet de modifier, le cas échéant, sa régulation des offres de gros sous-jacentes pour la mettre en cohérence avec les évolutions des offres de détail. Par ailleurs, en cas de risque concurrentiel important découlant de la commercialisation d'une offre de détail par Orange et indépendamment des obligations réglementaires imposés à celle-ci au titre de la présente analyse de marché, l'ARCEP peut saisir l'Autorité de la concurrence.
Cette obligation est une modalité de mise en œuvre des obligations de non-discrimination et de transparence imposées à Orange sur les prestations d'accès et d'interconnexion de la téléphonie fixe au titre de l'article L. 38 (I, 1º et 2º) du CPCE. Cette obligation, imposée au titre de l'article L. 38 du CPCE, est conforme et proportionnée aux objectifs de régulation définis à l'article L. 32-1 (II) du CPCE, et en particulier ceux visant à garantir l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques et l'égalité des conditions de concurrence.
IV.3. Obligations comptables et tarifaires imposées à Orange sur le marché de gros du départ d'appel fixe
IV.3.1. Obligation d'orientation vers les coûts des tarifs des prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à l'internet bas débit
La fourniture de prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à l'internet bas débit a été imposée à Orange comme remède à une position durable de puissance sur le marché de détail de l'accès. Ce remède vise à permettre à la concurrence de se développer sur les marchés de détail des communications.
Orange étant seul opérateur à fournir ces prestations, l'Autorité estime que l'absence d'obligation d'orientation vers les coûts sur ces prestations pourrait permettre à Orange de bénéficier d'une rente liée à sa position dominante sur le marché de gros du départ d'appel et à sa position sur l'ensemble des marchés de détail de la téléphonie fixe. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés. De plus, une absence d'obligation d'orientation vers les coûts aboutirait, par effet de discrimination entre ventes internes et externes, à une distorsion des conditions économiques prévalant pour Orange et les opérateurs alternatifs sur les marchés aval des communications de détail.
L'Autorité estime donc que les tarifs des prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit d'Orange doivent refléter les coûts - en dehors des cas spécifiques discutés à la section IV.3.3. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 (II) du CPCE et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Cette obligation concerne donc notamment tous les éléments de l'offre technique et tarifaire de gros « Téléphonie fixe » d'Orange relatifs aux prestations de départ d'appel.
IV.3.2. Modalités de l'obligation d'orientation vers les coûts des tarifs
L'effondrement rapide des volumes sur le départ d'appel de sélection du transporteur et d'accès à internet bas débit, qui devrait se poursuivre selon toute vraisemblance, ne permet pas de prévoir avec fiabilité l'évolution des coûts pertinents, et donc de la tarification du départ d'appel. C'est pourquoi l'Autorité n'impose pas d'encadrement tarifaire pluriannuel des tarifs de ces prestations. Conformément à l'article D. 311 (I) du CPCE, Orange devra en revanche « justifier intégralement [ses] tarifs » de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit, a minima sur une base annuelle, à partir notamment des restitutions en coûts complets issues de sa comptabilité réglementaire.
L'Autorité souligne le fait que les coûts globaux, toutes technologies confondues, d'un opérateur efficace ne sont a priori pas voués à augmenter au cours du temps. Pour autant, lorsque, faute de demande et non faute d'efficacité de la part d'un opérateur, un service connaît des baisses significatives de volume, comme c'est le cas des prestations de départ d'appel de sélection du transporteur et pour l'accès à internet bas débit, rien n'exclut une augmentation des coûts unitaires au cours du temps. Par ailleurs, les coûts pertinents pour la fixation des tarifs de ces prestations sont uniquement ceux du réseau RTC, qui ne connait plus de gains d'efficacité significatifs en termes d'achat d'équipements et pourrait a contrario connaître des hausses en matière d'entretien des équipements. Dans ces conditions, il apparaît peu probable que les coûts unitaires de cette prestation - et donc les tarifs associés - baissent significativement à l'avenir.
S'agissant des paramètres de l'encadrement tarifaire, l'Autorité avait sondé les acteurs du secteur, en 2011 lors de la précédente analyse de marché, sur l'opportunité pour Orange de réduire le nombre de composantes tarifaires de son offre de référence (alors au nombre de sept) (45). Les échanges avec le secteur avaient conduit Orange à supprimer les composantes correspondant à la plage horaire « bleu nuit » (charge d'établissement d'appel et charge à la durée), pour ne garder que cinq composantes : BPN, charge d'établissement d'appel et charge de communication en heures pleines, charge d'établissement d'appel et charge de communication en heures creuses. A l'occasion de cette nouvelle analyse de marché, Orange propose de ramener à seulement deux composantes sa structure tarifaire, à savoir une composante à l'usage et une composante capacitaire (qui incite au remplissage efficace des BPN). Au vu des positions exprimées jusque-là par les acteurs du secteur, l'Autorité se déclare a priori favorable à une telle simplification de la structure tarifaire d'Orange.
A cet égard, les nouvelles modalités de mise en œuvre de l'encadrement tarifaire sont précisées en Annexe C.
IV.3.3. Allégement progressif de l'obligation tarifaire dans le cas de la sélection du transporteur sèche à compter du 1er janvier 2017
Pour les raisons exposées en IV.2.2.3, l'Autorité entend entamer au cours de ce quatrième cycle d'analyse une transition progressive vers une dérégulation des prestations de sélection du transporteur vendues hors VGAST. Ainsi, à compter du 1er janvier 2017, l'obligation d'orientation vers les coûts des tarifs des prestations de départ d'appel vendues dans le cadre d'offres de sélection du transporteur sèches, cèdera la place à une interdiction, imposée à Orange, de pratiquer des tarifs excessifs.
Une telle évolution doit s'accompagner des mesures appropriées destinées à ce que les opérateurs clients soient à même de réviser leurs plans d'affaires, stratégies et démarches commerciales, et de faire basculer leur clientèle concernée vers d'autres types d'offres, au rythme souhaité.
D'une part, l'augmentation des tarifs appliqués par Orange (46) à compter du 1er janvier 2017 doit être progressive et raisonnable. L'Autorité estime que celle-ci ne devrait pas générer pour Orange un taux de marge excédant 5 à 10 % la première année (2017), selon l'effort consenti (notamment les investissements) dans la mise en place des mesures d'accompagnement (cf. IV.2.2.3). Dans une optique de dérégulation progressive, l'Autorité précise que de nouvelles hausses annuelles, d'un niveau au moins identique, sont à attendre au cours du cycle d'analyse de marché suivant (de mi-2017 à mi-2020) (47).
D'autre part, une visibilité suffisante doit être donnée aux opérateurs clients pour réagir de façon appropriée. A cet égard, Orange devra communiquer à l'ARCEP et aux opérateurs clients, avec un préavis minimum de 2 ans, les hausses tarifaires annuelles qu'il souhaite appliquer y compris celles prévues au-delà du cycle d'analyse couvert par la présente décision.
IV.3.4. Contrôle des tarifs des prestations associées aux prestations d'interconnexion
Un contrôle tarifaire doit être imposé sur les tarifs des prestations qui sont associées aux prestations d'interconnexion d'Orange, et de manière cohérente au contrôle tarifaire de ces mêmes prestations. Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ».
S'agissant des prestations d'accès aux sites d'interconnexion et d'accès, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur acheteur ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées, c'est-à-dire moyennant un tarif reflétant les coûts.
En particulier, la prestation de colocalisation revêt un caractère essentiel pour les opérateurs souhaitant s'interconnecter avec Orange, car ceux-ci sont dans l'obligation d'acheter cette prestation pour joindre les utilisateurs finals d'Orange (prestation de plus bas niveau). Ainsi, même les offres de liaisons d'interconnexion (LI) des opérateurs alternatifs s'appuient inter alia sur une prestation de colocalisation achetée par l'opérateur alternatif vendant la liaison d'interconnexion.
L'Autorité constate en revanche que les prestations de liaisons de raccordement (LR) et d'interconnexion en ligne (« in-span ») d'Orange sont reproductibles par les opérateurs alternatifs raccordés en colocalisation aux points d'interconnexion d'Orange, sous forme d'offres dites de LI. L'Autorité constate notamment que l'offre de colocalisation est disponible sur l'ensemble des points d'interconnexion d'Orange et en particulier à tous les commutateurs d'abonnés. Ces offres de LI exercent une pression concurrentielle suffisante et complète (en ce qu'elles peuvent être offertes pour tous les points) sur la fixation du niveau des tarifs de LR et de « in-span » d'Orange. L'Autorité estime donc suffisant de maintenir, pour ces prestations, l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs.
Enfin, pour répondre à l'obligation d'Orange de proposer une offre de sécurisation de l'acheminement des flux aux points d'interconnexion, celui-ci doit proposer une offre de raccordement à tous les sites d'interconnexion et d'accès utilisés (entre autres) pour la sécurisation, et sur laquelle pèsent les mêmes obligations que sur l'offre de raccordement aux points d'interconnexion pertinents pour les prestations d'interconnexion. En particulier, dans le cas de l'interconnexion au niveau des CA, Orange doit proposer une offre de raccordement à tous les sites d'interconnexion et d'accès de niveau hiérarchique supérieur (centres de transit).
En définitive, l'Autorité, au regard des mêmes objectifs que ceux poursuivis pour la prestation de départ d'appel, impose donc à Orange l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts pour les prestations associées (mise en œuvre de la sélection du transporteur, colocalisation, etc.), à l'exception de l'offre de liaison de raccordement et de l'offre d' « in-span » pour lesquelles elle impose l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs. Pour les mêmes raisons, Orange doit fournir les prestations nécessaires à la sélection du transporteur à des tarifs reflétant les coûts correspondants.
IV.3.5. Obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposés à Orange
Les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable sont des remèdes distincts que peut imposer l'Autorité à un opérateur déclaré puissant sur un marché donné au terme des analyses de marché menées selon la procédure déclinée dans l'article 16 de la directive « cadre ».
L'article 11 de la directive « accès » prévoit que l'autorité réglementaire nationale peut « imposer des obligations de séparation comptable en ce qui concerne certaines activités dans le domaine de l'interconnexion et/ou de l'accès », et ce dans l'objectif de contribuer à la vérification du respect des obligations de transparence et de non-discrimination. En particulier, l'ARN peut « obliger une entreprise intégrée verticalement à rendre ses prix de gros et ses prix de transferts internes transparents, entre autre pour garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue à l'article 10 ou, en cas de nécessité, pour empêcher des subventions croisées abusives. »
L'obligation de comptabilisation des coûts est prévue par l'article 13 de la directive « accès », incluant également les obligations liées à la récupération des coûts, au contrôle des prix et à l'orientation des prix en fonction des coûts. L'objectif de l'imposition de ces obligations est d'éviter que l'opérateur concerné, « en l'absence de concurrence efficace, [maintienne] des prix à un niveau excessivement élevé, ou [comprime] les prix, au détriment des utilisateurs finals ».
Le 5° du I de l'article L. 38 du CPCE précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer [l'obligation], […] [d'] isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette, y compris sur les marchés de détail associés à un marché de gros sur lequel l'opérateur est réputé exercer une influence significative, de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ».
A ce titre, l'Autorité estime donc proportionné et justifié d'imposer à Orange une obligation de comptabilisation des coûts pour vérifier le respect des obligations tarifaires imposées à Orange au titre de l'influence significative qu'il exerce sur les marchés de gros de l'accès fixe à un service téléphonique au publique et sur le marché de gros du départ d'appel en position déterminée.
En outre, le caractère intégré et le positionnement d'Orange sur les marchés de détail et de gros des communications électroniques peuvent se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros. Ces distorsions éventuelles peuvent être mises sous surveillance grâce notamment à l'imposition d'une obligation de séparation comptable.
L'obligation de séparation comptable est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier les 2°, 3° et 4°. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de subventions croisées. Elle repose sur la mise en œuvre d'un système de comptabilisation et consiste en un dispositif comptable qui permet d'assurer la transparence des prix des offres de gros et des prix de transferts internes à l'entreprise verticalement intégrée, et de ce fait de garantir le respect de l'obligation de non-discrimination lorsqu'elle s'applique, d'une part, et de prévenir les subventions croisées abusives, d'autre part.
Par ailleurs, le caractère incontournable des infrastructures de la boucle locale de cuivre et de la boucle locale optique d'Orange donne à l'opérateur un pouvoir de marché sur l'ensemble des marchés aval, dont la situation concurrentielle est conditionnée par l'accès des opérateurs alternatifs à cette infrastructure essentielle. Orange pourrait être incité à utiliser cette position en amont pour évincer des marchés aval ses concurrents par le biais de subventions croisées ou de pratiques de ciseau tarifaire, et par voie de conséquence limiter l'exercice d'une concurrence effective à la fois sur les marchés de gros et sur les marchés de détail.
Ce double aspect de la position concurrentielle d'Orange sur les marchés des communications électroniques peut se traduire par des distorsions de concurrence sur les marchés de gros et les marchés de détail, qui peuvent être mises sous surveillance grâce à l'imposition d'une obligation de séparation comptable.
Par ailleurs, Orange est tenu d'informer l'Autorité de la manière dont il construit ses offres de détail à partir des offres de gros régulées. Ainsi, pour chaque offre, Orange établit et tient à disposition de l'Autorité une « liste des protocoles de la séparation comptable » indiquant les offres (briques élémentaires) disponibles sur les marchés de gros utilisées afin d'élaborer l'offre de détail correspondante.
En application de ces dispositions, les modalités de mise en œuvre des obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts ont été précisées dans la décision n° 06-1007 en date du 7 décembre 2006 dont les dispositions s'appliqueront sur la période d'application de la présente décision. L'Autorité estime qu'il convient de maintenir les dispositions prévues par cette décision concernant les marchés de la téléphonie fixe au cours du prochain cycle d'analyse de marché, sans préjudice de toute décision ultérieure.
En particulier, l'article 18 de la décision n° 06-1007 impose à Orange « de produire un compte séparé et un état du capital immobilisé par marché de gros où l'obligation de séparation comptable s'applique et par marché de détail où [Orange] a été déclarée puissante […] ». Orange est par conséquent tenu, au titre des obligations de séparation comptable, de continuer à publier des comptes séparés correspondant à chaque gamme d'offre incluse dans chacun des deux marchés de détail de l'accès.
Par ailleurs, l'article 20 de la même décision précise que « lorsque des offres de détail de France Télécom reposent sur des protocoles d'approvisionnement en offres de gros sans toutefois appartenir à un marché de détail pertinent défini par les analyses de marché de l'Autorité et sur lequel France Télécom aurait été déclarée puissante, celle-ci doit produire un compte séparé et un état du capital immobilisé selon un périmètre permettant de vérifier le respect de l'obligation de non-discrimination et l'absence de subventions croisées abusives et cohérent avec les principes du droit de la concurrence ». L'Autorité note donc que bien que les marchés de détail des communications ne soient plus pertinents pour l'application d'une régulation ex ante, Orange reste dans l'obligation de lui fournir des comptes séparés relatifs aux prestations de ces marchés, selon des périmètres cohérents avec les principes du droit de la concurrence. En pratique, l'Autorité estime qu'il conviendrait d'effectuer cet exercice sur une partition de l'ensemble des offres de détail de communications semblable à celle définie lors des précédents cycles d'analyse des marchés : un marché des communications nationales et un marché des communications internationales, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et la clientèle non résidentielle, d'autre part. Les restitutions établies au titre de l'article 20 ne donnent pas lieu à publication, contrairement à celles prévues par l'article 18 de la décision n° 06-1007.
Enfin, il convient de rappeler qu'ainsi que le prévoit l'article D. 312 du CPCE, « les éléments pertinents du système d'information et les données comptables sont tenus, pendant cinq ans, à la disposition de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».
V. - AVIS DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'ARCEP a sollicité l'avis de l'Autorité de la concurrence, le 13 mai 2014, sur son projet de décision d'analyse des marchés de la téléphonie fixe. L'Autorité de la concurrence a ainsi fait part de ses observations dans son avis n° 14-A-08, en date du 20 juin 2014.
De manière générale, l'Autorité de la concurrence a émis un avis favorable à la mise en œuvre d'un nouveau cycle de régulation des marchés de la téléphonie fixe pour la période 2014-2017 et a invité l'ARCEP à examiner l'opportunité de reconduire cette analyse sans attendre la fin du cycle si, entre temps, les conditions venaient à évoluer.
V.1. Sur la pertinence du maintien d'une régulation ex ante des marchés visés
L'Autorité de la concurrence a souscrit à l'analyse de l'ARCEP en ce qui concerne la pertinence des marchés visés par la décision pour une régulation ex ante.
En particulier, concernant le marché de détail de l'accès au service téléphonique, l'Autorité de la concurrence a souligné que « [l'] absence de dynamique concurrentielle observée sur le segment non-résidentiel du marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public en position déterminée justifie l'intervention ex ante du régulateur sectoriel » (point 22).
V.2. Sur l'exclusion des services à valeur ajoutée du marché de gros du départ d'appel
L'Autorité de la concurrence a noté que le choix de l'ARCEP d'exclure le départ d'appel à destination des numéros SVA était conforme à son précédent avis n° 11-A-07.
L'Autorité de la concurrence a également noté que le recours au cadre symétrique de 2007 rencontre un consensus de la part de la quasi-totalité des acteurs du secteur, et en a donc pris acte, rappelant toutefois que son précédent avis, susmentionné, préconisait de mener une analyse de marché séparée (point 23).
V.3. Sur l'allégement de la régulation des modalités de sélection du transporteur vendues en dehors de la VGAST
L'Autorité de la concurrence a relevé le fort déclin des prestations de sélection du transporteur sèches, vendues en dehors du cadre de la VGAST, et a souscrit au projet de l'ARCEP d'organiser la levée progressive des obligations imposées à Orange sur ces modalités. En ce sens, elle a indiqué : « [à] l'instar de l'ARCEP, l'Autorité estime que la présélection n'est plus à moyen terme une modalité nécessaire, compte tenu de la possibilité de recourir à la VGAST qui est une modalité qui correspond mieux aux besoins des particuliers et des entreprises» (point 26).
De manière plus générale, l'Autorité de la concurrence estime l'ARCEP légitime pour accompagner les évolutions technologiques et réglementaires du secteur, notamment lorsque celles-ci sont de nature à ce que le droit sectoriel cède la place au seul droit commun de la concurrence (point 26).
VI. - AVIS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
Conformément à l'article L. 37-3 du CPCE, l'Autorité a notifié le 19 août 2014 à la Commission européenne, à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et aux autorités réglementaires nationales des autres Etats membres de la Communauté européenne son projet de décision portant sur l'analyse des marchés 1 et 2 de la téléphonie fixe.
De manière générale, l'avis rendu par la Commission le 19 septembre 2014 ne remet pas en cause l'analyse menée par l'ARCEP dans son projet de décision ainsi que les remèdes qui y sont envisagés.
En particulier, la Commission admet « que la fourniture de SVA est caractérisée par la présence d'acteurs […] et d'une dynamique de marché très particuliers […] ce qui peut amener à conclure que ces services devraient bénéficier d'un traitement différent de celui qui est accordé aux autres services de départ d'appel ». Elle en conclut que les prestations de départ d'appel à destination de numéros SVA peuvent être traitées différemment des autres prestations de départ d'appel, comme le prévoit l'ARCEP.
La Commission souligne par ailleurs « [qu'] il ne faut imposer des mesures de régulation qu'en cas de nécessité, et que ces mesures doivent être proportionnées à la défaillance du marché constatée ». A ce titre, la Commission invite l'ARCEP à réévaluer la pertinence de la décision de 2007 pour la régulation des prestations de départ d'appel à destination des numéros SVA.
Sur ce point, l'ARCEP rappelle qu'une réforme structurelle des principes tarifaires de détail des services à valeur ajoutée, déterminante pour l'avenir de ce marché, est en cours de mise en œuvre par le secteur depuis mi-2012 (décision n° 2012-0856), pour une entrée en vigueur en octobre 2015. En conséquence, une évaluation approfondie de la situation du marché (au détail comme au gros) sera menée par l'ARCEP dans le cadre du bilan de cette réforme.
Décide :
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