5.2. Obligation de non-discrimination
Le 2° du I de l'article L. 38 du CPCE prévoit, conformément à l'article 10 de la directive « Accès » susvisée, la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.
Les obligations de non-discrimination impliquent que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres entreprises fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.
Comme le présente le considérant 17 de la directive « Accès » susvisée, l'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.
La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée pour un opérateur puissant l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.
Par ailleurs, la terminaison d'appel SMS ayant le caractère de facilité essentielle, des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail faisant intervenir de la terminaison SMS.
L'obligation de non-discrimination vise principalement dans ce cas à éviter que les opérateurs mobiles n'augmentent leurs charges vis-à-vis d'opérateurs acheteurs dont le pouvoir de négociation serait moindre, ou qu'ils n'avantagent leurs partenaires ou leurs filiales en concurrence avec les autres acheteurs de terminaison SMS. De telles pratiques auraient pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre les opérateurs sur les marchés de détail.
Il est donc justifié et proportionné d'imposer une obligation de non-discrimination, d'une part, entre clients, et, d'autre part, entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ».
Cette obligation signifie en particulier que les opérateurs qui y sont soumis doivent tarifer leurs offres sur le marché de détail mobile en tenant compte, pour l'envoi de SMS on-net, d'un coût interne de terminaison d'appel SMS sur leur réseau égal au prix externe fait aux opérateurs tiers.
Elle signifie également que les opérateurs qui y sont soumis doivent tarifer leurs offres de SMS Push de détail aux éditeurs de services en tenant compte d'un coût interne du SMS-MT égal au prix externe fait aux agrégateurs de SMS pour cette prestation, et ne doivent pas proposer de modalités ou fonctionnalités techniques aux éditeurs de services sur le marché de détail qui ne seraient pas disponibles sur le marché de gros aux agrégateurs de SMS. Il importe par ailleurs que les tarifs des prestations connexes à l'acheminement des SMS-MT, qui peuvent être inclues dans l'offre d'accès et d'interconnexion faite aux agrégateurs de SMS, ne constituent pas des barrières à l'entrée artificielles à l'égard de ces acteurs.
L'obligation de non-discrimination n'exclut toutefois pas la possibilité, pour un opérateur, de différencier ses prestations en fonction de critères objectifs, notamment d'ordre technique, liés à la nature des réseaux considérés.
Compte tenu des dispositions des articles L. 32-1 et L. 33-1-II du CPCE, l'obligation de non-discrimination n'exclut pas non plus la possibilité, pour un opérateur faisant l'objet des obligations tarifaires prévues par la présente décision, de conditionner son offre tarifaire à l'octroi en retour, par des opérateurs mobiles autres que ceux régulés au titre de la présente décision et qui lui feraient une demande d'interconnexion, de conditions tarifaires équivalentes. L'Autorité précise que cette réserve de réciprocité tarifaire ne saurait être justifiée, en particulier dans deux cas :
― celui où l'opérateur mobile acheteur proposerait en retour un tarif de terminaison d'appel SMS sur son propre réseau inférieur au plafond tarifaire défini dans la présente décision pour la terminaison d'appel SMS sur le réseau de l'opérateur mobile français régulé ;
― celui où l'opérateur mobile acheteur serait lui-même régulé pour la prestation de terminaison d'appel SMS sur son propre réseau, quel que soit le niveau tarifaire en résultant.
L'Autorité estime que cette réserve de réciprocité répond à l'objectif de proportionnalité de la régulation qu'elle met en œuvre et qu'elle n'a pas lieu de s'appliquer entre opérateurs métropolitains et d'outre-mer, au regard de l'encadrement réglementaire posé par l'Autorité sur les marchés français, mais porte sur les relations entre les opérateurs mobiles français régulés et les opérateurs mobiles non régulés au titre de cette prestation de terminaison d'appel SMS. L'Autorité tient cependant à préciser qu'elle estime comme déraisonnables les pratiques de contournement et d'arbitrages tarifaires qui pourraient être mises en œuvre par des opérateurs, dans la mesure où elles seraient de nature à affecter le fonctionnement efficace du marché.
Dans sa réponse à la consultation publique de l'automne 2009, Bouygues Telecom ne voit pas d'obstacle à l'obligation de non-discrimination en cas de régulation du marché.
5.3. Obligation de transparence
L'article L. 38-I (1°) du CPCE prévoit, conformément à l'article 9 de la directive « Accès », que l'Autorité peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès.
Cette obligation de transparence s'entend pour toutes les offres d'accès et d'interconnexion de l'opérateur mobile, quels que soient les acheteurs auxquelles elles sont destinées (autres opérateurs mobiles, agrégateurs de SMS, etc.).
Les modalités définies à la suite précisent la nature de l'obligation de transparence envisagée. Ces modalités diffèrent en fonction de l'opérateur mobile concerné, les opérateurs de métropole étant soumis à des modalités plus contraignantes, compte tenu du fait qu'ils sont interconnectés avec un grand nombre d'acteurs.
5.3.1. Conventions d'interconnexion
S'agissant des conventions d'interconnexion ou d'accès, l'article L. 34-8 du CPCE prévoit que toute convention doit être transmise à l'ARCEP à sa demande. Afin de donner la pleine mesure à cette disposition et d'être en mesure de vérifier le respect de l'obligation de non-discrimination, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'informer l'Autorité de la signature d'une nouvelle convention d'interconnexion ou d'accès, ou d'un avenant à une convention existante, dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.
5.3.2. Information préalable des modifications contractuelles
Les bénéficiaires d'offres d'accès et d'interconnexion SMS ont besoin de visibilité sur cet élément essentiel de leur plan d'affaires. Conformément à l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité impose donc à chaque opérateur identifié comme exerçant une influence significative sur le marché de sa terminaison d'appel SMS de prévenir dans un délai raisonnable les opérateurs acheteurs d'interconnexion SMS des modifications des conditions techniques et tarifaires qui leur sont faites.
Le caractère raisonnable du délai doit s'apprécier au regard des conséquences techniques, économiques, commerciales ou juridiques sur l'opérateur interconnecté ou bénéficiant d'un accès et de la nécessité pour ce dernier d'assurer la continuité de son service. Par exemple, les délais ne seront pas nécessairement identiques selon qu'il s'agisse d'une baisse ou d'une hausse des tarifs intervenant dans la fourniture de la terminaison d'appel SMS.
L'Autorité considère qu'il n'est pas nécessaire de fixer a priori ces délais, mais que, pour assurer la transparence nécessaire, chaque opérateur mobile déclaré puissant doit mettre en œuvre ce principe dans ses conventions.
5.3.3. Offre de référence
Seuls les opérateurs Bouygues Telecom, Orange France et SFR sont concernés par cette section.
L'Autorité envisage d'étendre à l'ensemble des prestations d'accès et d'interconnexion SMS les obligations auxquelles Bouygues Telecom, Orange France et SFR sont actuellement soumis sur la prestation de terminaison d'appel vocal en matière de transparence et de non-discrimination, en particulier la publication d'une offre de référence.
Une offre technique et tarifaire, ou offre de référence, poursuit quatre objectifs :
― concourir à la mise en place de processus transparents, pour limiter la capacité de l'opérateur exerçant une influence significative à déstabiliser ses concurrents ou favoriser ses filiales ;
― donner de la visibilité aux acteurs sur les termes et les conditions dans lesquelles ils s'interconnectent avec l'opérateur sur qui pèse l'obligation ;
― pallier au déficit de pouvoir de négociation des opérateurs acheteurs ;
― permettre l'élaboration d'une offre cohérente de prestations aussi découplées que possible les unes des autres pour permettre à chaque opérateur de n'acheter que les prestations dont il a besoin.
L'offre de référence contribue ainsi grandement à la stabilité du marché, et permet aux opérateurs acheteurs (opérateurs mobiles, agrégateurs de SMS, etc.) de développer un plan d'affaires et de programmer leurs investissements avec une visibilité suffisante sur des paramètres (architecture, tarification) qui conditionnent fortement leur structure de coûts.
En particulier, cette offre devra contenir des informations suffisamment détaillées aux opérateurs acheteurs auprès de Bouygues Telecom, Orange France et SFR sur les conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS, afin de garantir que les opérateurs acheteurs disposent de l'information nécessaire à leur choix et ne sont pas tenus de payer pour des ressources qui ne sont pas nécessaires pour le service demandé. En particulier, les normes des interfaces et les modes de facturation seront spécifiées dans l'offre de référence.
L'offre de référence devra également contenir des engagements et des indicateurs de qualité de service pertinents, partagés avec les opérateurs acheteurs, et décrire les modalités correspondantes en cas de non-respect de ces engagements.
De manière générale, l'élaboration du contenu détaillé de cette offre de référence devra faire l'objet de discussions en réunions multilatérales préalables avec l'ensemble des acheteurs, sous l'égide de l'Autorité, le cas échéant.
L'offre de référence devra être disponible dans les six mois suivant l'application de la présente décision.
L'Autorité considère que l'imposition de cette obligation est nécessaire afin de limiter l'effet de la puissance de marché de ces trois opérateurs, et notamment de prévenir d'éventuelles pratiques discriminatoires.
Cette obligation doit en outre permettre de faciliter les négociations en vue de la mise en œuvre de l'interconnexion.
Cette obligation paraît justifiée et proportionnée, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ».
Dans sa réponse à la consultation publique de l'automne 2009, Orange France juge au contraire que l'obligation de publication d'une offre de référence est une modalité disproportionnée au regard de l'absence de problèmes concurrentiels en métropole.
Comme évoqué plus haut dans ce document, l'Autorité ne partage pas l'analyse d'Orange France sur l'absence de problèmes concurrentiels dans les relations des opérateurs mobiles avec l'ensemble des acheteurs potentiels d'interconnexion SMS. Elle juge donc que cette obligation est justifiée. Elle rappelle que les opérateurs mobiles de métropole publient déjà une offre de référence pour la terminaison d'appel vocal et estime l'obligation proportionnée, dans la mesure où il s'agit d'une version allégée par rapport au document correspondant à la terminaison d'appel vocal qui pourra être définie à l'issue des travaux qui devront être engagés entre les opérateurs mobiles et les agrégateurs de SMS.
5.3.4. Publication des principaux tarifs
Seuls les opérateurs Dauphin Telecom, Digicel, Orange Caraïbe, Orange Réunion, Outremer Télécom, SPM Telecom, SRR et UTS Caraïbe sont concernés par cette section.
L'Autorité considère en revanche qu'il n'est pas nécessaire d'imposer la publication d'une offre de référence aux opérateurs mobiles d'outre-mer déclarés puissants, de même qu'ils ne sont pas aujourd'hui soumis à une telle publication sur la terminaison d'appel vocal (contrairement aux opérateurs métropolitains).
En revanche, conformément à l'article D. 307-III du CPCE, il est justifié et proportionné que ces opérateurs publient sur leur site internet leurs principaux tarifs relatifs à la terminaison d'appel SMS, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ».
L'imposition de cette obligation permet ainsi de vérifier le respect de l'obligation de non-discrimination ou, en tout état de cause, de dissuader les opérateurs mobiles de mettre en œuvre des pratiques discriminatoires.
Cette obligation doit en outre permettre de faciliter les négociations en vue de la mise en œuvre de l'interconnexion.
5.4. Obligation de contrôle tarifaire
5.4.1. Tarifs de gros reflétant les coûts correspondants
Le 4° du I de l'article L. 38 (4°) du CPCE prévoit, conformément à l'article 13 de la directive « Accès », que l'Autorité peut imposer « de ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ».
Chacun des opérateurs mobiles métropolitains et ultramarins dispose d'une position durable de puissance sur leur marché correspondant, compte tenu de leur position monopolistique quant à leurs clients (ou ceux des MVNO utilisant leur réseau).
L'analyse de la puissance sur ces marchés a montré que ces prestations sont incontournables pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques souhaitant développer un service SMS, qui ne disposent dès lors d'aucun contre-pouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont dispose chacun des opérateurs mobiles.
L'Autorité note que l'absence d'obligation de contrôle tarifaire permettrait aux opérateurs mobiles métropolitains et ultramarins de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique, ce qui soulève de nombreux problèmes concurrentiels exposés au chapitre 4.
L'Autorité estime donc que les tarifs de l'ensemble des offres d'interconnexion SMS d'un opérateur mobile à destination des exploitants de réseau ouvert au public (opérateurs mobiles, agrégateurs de SMS, etc.) doivent refléter les coûts pertinents.
En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du CPCE, et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».
L'Autorité tient ici à préciser que l'orientation vers les coûts de l'ensemble des offres d'interconnexion SMS d'un opérateur mobile n'implique pas nécessairement que ces différentes offres devront se voir appliquer les mêmes conditions tarifaires. En effet, ainsi qu'il a déjà été indiqué, ces offres peuvent être différenciées en fonction de critères objectifs relatifs à l'acheteur (opérateur mobile, agrégateur de SMS, etc.), notamment d'ordre technique, liés à la nature des réseaux considérés, et des objectifs d'efficacité dans l'utilisation des réseaux ou la protection des consommateurs. Ainsi, les tarifs associés peuvent également être différenciés en fonction de critères de coûts objectivement différents de ces différentes prestations techniques.
5.4.2. Les coûts complets d'un opérateur générique
comme référence de coûts pertinente
Le standard de coût qui semble devoir être retenu par l'Autorité aux fins de régulation de la terminaison d'appel SMS est le standard de coûts complets distribués d'un opérateur mobile générique efficace pour la prestation de terminaison d'appel SMS.
Les coûts considérés recouvrent les seuls coûts de réseau liés à l'offre d'interconnexion SMS, augmentés d'une contribution équitable aux coûts communs de l'opérateur, à l'exclusion, en particulier, des charges liées à une activité commerciale autre que celles spécifiques à l'interconnexion SMS.
Ainsi, l'Autorité n'envisage pas de retenir les coûts incrémentaux de long terme comme référence de coûts pertinente, référence utilisée pour la régulation de la terminaison d'appel vocal. En effet, ces deux prestations n'ont pas les mêmes spécificités. Le SMS se caractérise en particulier par le fait qu'il n'est pas nécessairement sollicité par l'usager le recevant. Dans un tel cas de figure, ce dernier ne bénéficie pas nécessairement de cette réception. Or, contrairement à un appel vocal où l'appelé peut à tout moment raccrocher, voire même ne pas décrocher, notamment en faisant usage de la reconnaissance du numéro, le destinataire d'un SMS ne peut s'opposer à la réception du message. Cette particularité du service SMS justifie que l'opérateur de l'appelant supporte l'intégralité des coûts associés à l'envoi du SMS sur la ligne mobile appelée, envoi dont il a pris seul l'initiative et auquel l'appelé ne peut s'opposer.
La référence à un opérateur générique efficace répond par ailleurs à l'objectif de ne pas refléter d'éventuelles spécificités de déploiement de réseau, et plus largement de structure de coûts, d'un des opérateurs en place et de correspondre à une utilisation de la technologie dans des conditions optimales de déploiement.
Dans sa réponse à la consultation publique de l'automne 2009, Bouygues Telecom juge effectivement pertinent de retenir les coûts, complets comme référence de coût mais s'oppose à la notion d'opérateur générique, dont il juge la définition arbitraire et pénalisante à son égard.
A l'opposé, Free estime que les coûts pertinents pour la tarification de la terminaison d'appel SMS sont les coûts incrémentaux de long terme.
Sur le caractère arbitraire de la notion d'opérateur générique efficace, l'Autorité n'entend pas reprendre ici l'ensemble des échanges intervenus depuis trois ans avec les opérateurs mobiles sur ce sujet et renvoie Bouygues Telecom aux arguments et précisions exposés lors de l'élaboration et la mise à jour du modèle technico-économique de coûts d'un opérateur générique efficace en métropole ainsi que dans les décisions du cycle d'analyse de marché de la terminaison d'appel vocal. L'Autorité note également que la notion d'opérateur générique efficace est retenue par la Commission européenne dans sa recommandation 2009/396/CE en date du 7 mai 2009 sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appels fixe et mobile dans l'Union européenne.
Sur la pertinence des coûts incrémentaux de long terme, l'Autorité ne partage pas l'analyse de Free et renvoie à son argumentation ci-dessus.
En conséquence, l'Autorité ne modifie pas son analyse et considère que les coûts complets distribués d'un opérateur mobile générique efficace constituent la référence de coûts pertinente pour la mise en œuvre de l'obligation d'orientation des tarifs des offres d'interconnexion SMS vers les coûts.
5.4.3. Précision de l'obligation de reflet des coûts pour les offres d'interconnexion SMS
destinées aux opérateurs mobiles tiers
En vertu du I de l'article D. 311 du CPCE, l'Autorité peut, dans le cadre de ses obligations de contrôle tarifaire, « demander à ces opérateurs de respecter un encadrement pluriannuel des tarifs ».
Si l'obligation de reflet des coûts porte sur l'ensemble des offres d'interconnexion SMS de chacun des opérateurs mobiles, y compris les offres d'interconnexion à destination des opérateurs fixes et des agrégateurs de SMS, l'Autorité n'en précise les modalités que pour les offres d'interconnexion SMS à destination des opérateurs mobiles tiers et en fixant des plafonds tarifaires.
L'Autorité tient compte, dans la fixation de ces plafonds tarifaires, des éléments de coûts dont elle dispose, du fait du travail d'audit top-down effectué au cours du premier cycle de régulation en métropole et du fait des modélisations technico-économiques de coûts d'un opérateur mobile générique efficace développées pour la métropole et l'outre-mer.
Ces éléments, fournis en annexe, indiquent que les coûts complets d'acheminement d'un SMS-MT pour un opérateur générique efficace, prenant en compte les coûts de réseau ainsi qu'une juste contribution aux coûts commerciaux et coûts communs, sont inférieurs à un centime d'euro. Ce constat vaut pour la métropole et les différentes zones d'outre-mer.
5.4.3.1. Plafonds tarifaires de terminaison d'appel SMS en métropole
Rappel des motifs ayant conduit à l'introduction d'une différenciation tarifaire
en faveur de Bouygues Telecom en 2006 et situation présente
L'Autorité avait fixé en 2006 un plafond tarifaire de terminaison d'appel SMS asymétrique pour Bouygues Telecom (à 3,5 c€, contre 3 c€ pour Orange France et SFR), précisant que cela se justifiait, d'une part, par un surcoût estimé de l'opérateur pour cette prestation et, d'autre part, par le risque de marginalisation pesant sur la société Bouygues Telecom, dû notamment à une part de marché significativement plus faible et à l'absence d'« effet club », dans un contexte de commercialisation d'offres attractives de SMS on-net par Orange France et SFR.
L'Autorité soulignait toutefois le caractère transitoire de cet écart. En effet, elle considérait « au cas d'espèce que l'introduction d'une différenciation tarifaire en faveur de Bouygues Telecom permettra à la société de corriger les effets pervers engendrés par des niveaux de terminaison d'appel SMS élevés par rapport aux coûts, mais qu'à terme, une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer ».
Or, les éléments de coûts complets obtenus ex post et exposés en annexe n'établissent pas de différence de coût entre opérateurs pour la prestation de terminaison d'appel SMS justifiant une asymétrie tarifaire au bénéfice de Bouygues Telecom.
De plus, il n'existe pas actuellement sur le marché de détail métropolitain de différenciation tarifaire on-net/off-net sur les SMS, dont les effets « club » pénaliseraient Bouygues Telecom et le contraindraient à proposer des offres attractives d'envoi de SMS vers tous les réseaux, dégradant son solde d'interconnexion. Au contraire, les offres d'abondance SMS vers tous les réseaux correspondent à un standard de marché et sont proposées par tous les opérateurs.
L'Autorité observe que les flux d'interconnexion SMS entre opérateurs de métropole se sont stabilisés depuis plus d'un an et qu'ils sont quasiment équilibrés entre les opérateurs. En particulier, l'Autorité n'observe pas de déséquilibre de flux significatif en défaveur de Bouygues Telecom.
Dès lors, il n'apparaît pas justifié d'accorder une asymétrie tarifaire à Bouygues Telecom pour compenser partiellement l'opérateur dans la phase de transition des tarifs vers les coûts complets d'un opérateur générique.
Dans sa réponse à la consultation publique de l'automne 2009, Bouygues Telecom ne s'oppose pas à la suppression de son asymétrie tarifaire sur la terminaison d'appel SMS. L'opérateur souligne cependant qu'elle a joué un rôle majeur lors du premier cycle, en lui permettant d'être innovant. Sur ce point, Bouygues Telecom estime que l'essor des offres d'abondance en SMS tous réseaux en métropole n'est pas nécessairement lié à la baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS mais peut-être plutôt à l'instauration d'une asymétrie tarifaire au bénéfice du dernier entrant. Quoi qu'il en soit, l'opérateur juge qu'un niveau bas de terminaison d'appel SMS (1,5 c€ au 1er juillet 2011) réduit fortement les risques de distorsions vis-à-vis d'un petit acteur et ne rend pas indispensable la présence d'une asymétrie. Pour autant, il importe selon l'opérateur de lever de façon progressive cette asymétrie afin de lui permettre d'adapter ses offres de détail.
Niveaux et rythme de baisse
L'Autorité relève que les opérateurs de réseaux mobiles métropolitains sont parvenus à des accords prévoyant une baisse en deux paliers des tarifs de terminaison d'appel SMS qu'ils se facturent :
― au 1er février 2010, 2 c€ chez Orange France et SFR et 2,17 c€ chez Bouygues Telecom ;
― au 1er juillet 2011, 1,5 c€ chez les trois opérateurs mobiles.
Ces accords entre opérateurs prévoient en particulier le maintien transitoire d'une différenciation tarifaire en faveur de Bouygues Telecom, réduite de 17 % à 8,5 %, jusqu'au 1er juillet 2011.
L'Autorité estime que ce rythme de baisse des tarifs est globalement cohérent avec les conditions de marché actuelles et avec le caractère progressif de la levée de l'asymétrie de Bouygues Telecom associé. Il apparaît proportionné dans une phase de transition vers les coûts de terminaison d'appel SMS d'un opérateur générique efficace, en ne déstabilisant pas les opérateurs et en leur permettant d'ajuster leurs offres de détail.
L'Autorité note que l'asymétrie tarifaire de Bouygues Telecom, qui n'apparaît plus justifiée, est fortement réduite et annulée très prochainement, au 1er juillet 2011. Le maintien transitoire de cette asymétrie jusqu'au 1er juillet 2011 n'introduit pas de distorsion concurrentielle à l'égard de Free Mobile, quatrième entrant sur le marché mobile métropolitain, dont le lancement commercial ne sera pas effectif à cette date.
L'Autorité n'estime donc pas proportionné de s'opposer au caractère progressif de la levée de cette asymétrie, qui a été décidé par l'ensemble des opérateurs mobiles métropolitains.
Dès lors, l'Autorité estime qu'il ne serait pas proportionné d'imposer d'autres niveaux tarifaires sur cette période de temps pour Orange France, SFR et Bouygues Telecom que ceux issus des négociations et propose simplement de rendre accessibles ces niveaux à l'ensemble des opérateurs mobiles tiers acheteurs, sous réserve des conditions exposées plus loin.
Toutefois, au vu des éléments de coûts en sa possession et de l'horizon du présent cycle d'analyse (fin 2013), l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné de prolonger ces baisses par un dernier plafond tarifaire à 1 c€ à partir du 1er juillet 2012, intégrant une marge d'erreur liée à l'estimation des coûts.
L'Autorité entend ainsi imposer à Orange France, SFR et Bouygues Telecom les plafonds tarifaires de terminaison d'appel SMS suivants :
― à compter du 1er octobre 2010 et jusqu'au 30 juin 2011, 2 c€ par SMS-MT efficace pour Orange France et SFR ; 2,17 c€ par SMS-MT efficace pour Bouygues Telecom ;
― à compter du 1er juillet 2011 et jusqu'au 30 juin 2012, 1,5 c€ par SMS-MT efficace ;
― à compter du 1er juillet 2012, 1 c€ par SMS-MT efficace.
5.4.3.2. Plafonds tarifaires de terminaison d'appel SMS sur la zone Antilles-Guyane
Niveaux plafonds et rythme de baisse
Compte tenu des éléments de coûts en sa possession et relatifs à la prestation de SMS-MT pour un opérateur générique efficace, l'Autorité estime pertinent d'orienter les plafonds tarifaires de terminaison d'appel SMS des opérateurs mobiles antillo-guyanais vers un niveau de 1 c€, intégrant une marge d'erreur liée à l'estimation des coûts sous-jacents de la prestation.
Toutefois, il n'apparaît pas proportionné de fixer immédiatement ces plafonds à ce niveau, compte tenu des tarifs élevés actuellement pratiqués (5,336 c€) par ces opérateurs. Une période de transition semble donc nécessaire pour permettre aux opérateurs d'adapter leurs offres à cette baisse et d'apprendre progressivement à répondre aux préférences des consommateurs dans ce nouveau contexte.
En revanche, il importe d'imposer un premier palier de baisse suffisamment important pour initier une dynamique concurrentielle sur ce service au bénéfice du consommateur, sur une zone où les usages SMS accusent un retard par rapport à la métropole et la Réunion. De plus, il convient d'adopter un rythme de baisse tarifaire suffisamment rapide pour limiter les risques financiers pesant sur les petits opérateurs mobiles qui souhaitent innover en matière de SMS, sur des marchés de détail antillo-guyanais caractérisés par des asymétries importantes de parts de marché et un poids important des jeunes, forts consommateurs de ce service.
Au regard de ces éléments, l'Autorité estime justifié et proportionné d'imposer aux opérateurs mobiles antillo-guyanais (Orange Caraïbe, Digicel, Outremer Telecom, Dauphin Telecom et UTS Caraïbe) les plafonds tarifaires de terminaison d'appel SMS suivants :
― 3 c€ par SMS-MT au 1er octobre 2010 ;
― 2 c€ par SMS-MT au 1er janvier 2012 ;
― 1 c€ par SMS-MT au 1er janvier 2013.
Non-pertinence d'asymétries dans les plafonds tarifaires
Digicel et Outremer Telecom ont exprimé le souhait d'une asymétrie tarifaire transitoire, vis-à-vis d'Orange Caraïbe, tant que les tarifs de terminaison d'appel SMS ne sont pas aux coûts, comme une mesure de soutien économique dans le contexte de la position dominante d'Orange Caraïbe estimée par ces opérateurs sur le marché de détail et de leur difficulté à gagner des parts de marché en valeur.
L'Autorité rappelle qu'une asymétrie tarifaire ne peut être accordée que pour compenser partiellement des déséquilibres de flux d'interconnexion subis par l'opérateur tant que les tarifs de terminaison d'appel SMS ne sont pas aux coûts de référence.
En l'occurrence, l'Autorité constate que Digicel et Outremer Telecom sont effectivement actuellement des payeurs nets de terminaison d'appel SMS à Orange Caraïbe. Sans préjuger du caractère subi de ces déséquilibres de trafic, l'Autorité constate qu'ils ne sont pas significatifs, et surtout qu'ils se réduisent depuis plusieurs trimestres.
Sur ce point, l'Autorité, forte de ses observations des évolutions des flux d'interconnexion SMS en métropole et à La Réunion, note que, contrairement aux soldes d'interconnexion voix, les soldes d'interconnexion SMS entre opérateurs deviennent volatils en présence d'offres d'abondance SMS sur le marché de détail et sont directement et rapidement impactés par les stratégies commerciales des opérateurs en la matière, ces offres pesant pour une part écrasante sur les volumes d'interconnexion SMS.
Ainsi, le redressement des soldes d'interconnexion SMS de Digicel et Outremer Telecom vis-à-vis d'Orange Caraïbe depuis plusieurs trimestres est le reflet direct du lancement récent par Orange Caraïbe d'offres plus attractives sur le service SMS. Cette tendance devrait s'accentuer dans les prochains mois (36).
Dans ce contexte, la fixation d'une asymétrie tarifaire en faveur de Digicel et Outremer Telecom pour compenser partiellement ces opérateurs des déséquilibres constatés à l'instant t de la prise de décision de l'Autorité, tant que les tarifs ne sont pas aux coûts, apparaît délicate. Les soldes d'interconnexion SMS étant volatils, l'asymétrie fixée sur la base des déséquilibres à l'instant t pourrait s'avérer excessive, voire injustifiée en cas d'évolution inverse des soldes d'interconnexion SMS entre opérateurs et entraîner une distorsion concurrentielle à l'égard d'Orange Caraïbe.
Dès lors, l'Autorité n'estime pas pertinent de fixer des plafonds tarifaires asymétriques au bénéfice de Digicel et Outremer Telecom sur la zone Antilles-Guyane ni au bénéfice de tout autre opérateur mobile de la zone. Adopter un rythme de baisse rapide des tarifs de terminaison d'appel SMS de l'ensemble des opérateurs vers les coûts lui semble être une mesure suffisante et proportionnée pour lever les freins à l'innovation des petits opérateurs sur ce service.
(36) Orange Caraïbe vient de refondre sa gamme de forfaits bloqués Jeune en incluant de l'abondance en SMS tous réseaux de 16 heures à minuit à partir du forfait 4 heures et en élargissant l'abondance SMS totale 24h/24, jusqu'ici réservée aux forfaits 12 heures et 16 heures, au forfait 8 heures.