JORF n°0003 du 5 janvier 2011

CHAPITRE 4 : PROBLEMES CONCURRENTIELS ET PERTINENCE DES MARCHES POUR UNE REGULATION EX ANTE

Ce chapitre expose dans un premier temps les problèmes concurrentiels rencontrés sur les marchés de gros de la terminaison d'appel SMS et les marchés de détail sous-jacents, en métropole et en outre-mer. Par la suite, il détermine en quoi les trois critères de :
― l'existence de barrières à l'entrée ou d'entraves au développement de la concurrence ;
― l'absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective ;
― l'efficacité relative du droit de la concurrence et utilité d'une régulation ex ante complémentaire,
sont bien vérifiés pour les marchés métropolitains et ultramarins de la terminaison d'appel SMS et, partant, en quoi ces derniers sont pertinents pour une régulation ex ante.

4.1. Problèmes concurrentiels sur les marchés de gros et de détail

Tout d'abord, l'Autorité estime qu'en l'absence de régulation les opérateurs de réseau métropolitains ne subiraient aucune pression à la baisse de leurs charges de terminaison d'appel SMS, lesquelles procèdent d'un équilibre de marché non coordonné, statique et sous-optimal. Ce phénomène conduirait notamment à la fixation de tarifs éloignés des niveaux qui seraient atteints si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective (section 4.1.1).
Un problème concurrentiel pourrait également résulter d'une situation de régulation partielle, ne portant que sur certains opérateurs du secteur. Un opérateur non régulé serait dans un tel cas de figure en mesure de pratiquer une terminaison d'appel significativement plus élevée que celles fixées par ses concurrents. Il existerait alors un écart significatif entre les tarifs de gros de terminaison d'appel. L'opérateur non régulé parviendrait alors à percevoir auprès d'eux d'importants revenus d'interconnexion grâce auxquels il pratiquerait en contrepartie des prix plus faibles au détail, lui permettant ainsi de conquérir des clients (section 4.1.2).
Par ailleurs, un autre risque concurrentiel lié aux marchés de gros peut être identifié au titre de la persistance de charges de terminaison SMS largement supérieures aux coûts sous-jacents, laquelle engendre des distorsions de concurrence en présence de déséquilibres de flux d'interconnexion entre opérateurs. Ces distorsions sont aggravées par la multiplication d'offres tarifaires illimitées mises en place sur le marché de détail. Constituant une tendance générale du secteur aujourd'hui, ces pratiques se présentent sous la forme d'offres dites « d'abondance » permettant d'envoyer des SMS pour un prix forfaitaire indépendant de leur nombre. Ces pratiques soulèvent un certain nombre de questions concurrentielles, traitées dans la section 4.1.3.
Enfin, l'Autorité relève des problèmes concurrentiels relatifs aux relations entre opérateurs mobiles et agrégateurs de SMS. Ces biais concurrentiels sont abordés dans la section 4.1.4.

4.1.1. Absence de pression concurrentielle sur les niveaux de terminaison d'appel SMS
conduisant, en l'absence de régulation, à la fixation de niveaux naturellement élevés

L'objectif de chaque opérateur pris isolément est d'imposer une terminaison d'appel élevée pour les SMS entrants, de façon à augmenter ses revenus d'interconnexion, tout en payant une terminaison d'appel basse pour les SMS sortants (off-net), de façon à minimiser ses charges d'interconnexion, voire à déséquilibrer les soldes d'interconnexion existant entre les opérateurs pris deux à deux. Dans ce dernier cas, l'opérateur vise à faire encourir à un concurrent des charges d'interconnexion SMS significativement plus élevées que celles que lui-même supporte, tirant ainsi sur le marché de gros des revenus auprès de ses concurrents qui lui permettent, le cas échéant, de pratiquer, par exemple, au détail des tarifs moins chers par rapport aux tarifs des autres opérateurs.
En ce sens, dans un marché dynamique, si un opérateur augmente unilatéralement son tarif d'interconnexion SMS, les autres opérateurs auront intérêt à répliquer immédiatement en procédant à une hausse du même ordre de manière à équilibrer globalement les flux financiers d'interconnexion SMS entrants et sortants. Inversement, si un opérateur décide de diminuer unilatéralement sa charge d'interconnexion SMS, les autres opérateurs n'ont aucun intérêt à diminuer la leur dans la mesure où leurs coûts d'interconnexion SMS diminuent sans que leurs revenus ne soient affectés. Dans ces conditions, un opérateur qui ne serait pas soumis à une régulation ex ante et qui souhaiterait augmenter son tarif d'interconnexion SMS à partir d'un niveau correspondant aux coûts de fourniture du service pourrait le fixer à un niveau arbitrairement élevé, sans que ce mouvement n'entraîne d'autre mouvement qu'une hausse des tarifs de terminaison d'appel SMS des autres opérateurs.
Il en résulte, en dehors de toute action du régulateur, qu'il n'existe intrinsèquement que peu ou pas d'incitation économique, pour les opérateurs, à fixer leur tarif de terminaison d'appel SMS à des « niveaux concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
Cela est vérifié en métropole où les tarifs de terminaison d'appel SMS se sont situés au cours du premier cycle de manière invariante au niveau des plafonds régulés, alors même que l'explosion des volumes sur la période avait fait chuter les coûts désormais encourus pour la fourniture de cette prestation et que les opérateurs avaient la possibilité de pratiquer un tarif inférieur au plafond régulé. Les accords récents entre opérateurs mobiles métropolitains de baisse progressive des tarifs de terminaison d'appel SMS ne remettent pas en cause l'absence ou du moins la faiblesse de l'incitation économique des opérateurs à fixer des tarifs à des niveaux concurrentiels en dehors de toute action du régulateur. En effet, sans préjudice de l'examen des niveaux auxquels ils ont abouti, ces accords sont intervenus dans un contexte de perspective de nouveau cycle de régulation et ne profitent pas par ailleurs à l'ensemble des opérateurs mobiles nationaux.
C'est également le cas en outre-mer où la charge de terminaison d'appel SMS n'a jamais été abaissée depuis la mise en place des premiers accords d'interopérabilité, malgré le fort développement du service et la diminution conséquente des coûts.

4.1.2. Un risque de distorsion concurrentielle
introduit par un acteur non régulé

La situation dans laquelle un opérateur mobile pratique une terminaison d'appel SMS significativement plus élevée que celle fixée par ses concurrents peut induire une distorsion concurrentielle sur le marché de détail mobile. Cela peut notamment être le cas lorsqu'un opérateur n'est pas régulé sur son marché de terminaison d'appel SMS, alors que tous ses concurrents le sont. En effet, l'opérateur mobile considéré peut alors parvenir à percevoir auprès d'eux d'importants revenus d'interconnexion grâce auxquels il pratique en contrepartie des prix plus faibles au détail, lui permettant ainsi de conquérir des clients.
Certes, tant que la part de marché de l'opérateur pratiquant une terminaison d'appel SMS élevée reste faible, il ne générera qu'un trafic limité entrant sur son réseau en provenance de ses concurrents : l'achat d'interconnexion SMS auprès de cet acteur représentera alors pour ses concurrents un coût n'affectant que peu leurs structures de coûts respectives. En revanche, la situation dans laquelle cet opérateur non soumis à une régulation continue de bénéficier d'un tarif de terminaison d'appel SMS élevé, alors que sa part de marché connaît une croissance soutenue, peut conduire à déstabiliser artificiellement le positionnement des offres de détail mises en place par ses concurrents par rapport à celles qu'il offre sur le même segment de marché. Cela est d'autant plus vrai que ces derniers seront à terme contraints de renchérir le prix de leurs SMS vers l'opérateur tiers, alors même que ce dernier continuera à faire bénéficier son client final de prix inchangés vers ces opérateurs.

4.1.3. Le maintien de charges de terminaison SMS supérieures aux coûts
emporte des risques de distorsions concurrentielles

A ce jour, les tarifs de terminaison d'appel SMS sont supérieurs aux coûts sous-jacents pour leur fourniture. La baisse intervenue entre opérateurs métropolitains au 1er février 2010 suite à une renégociation ne remet pas en cause ce fait. Cette persistance d'une marge importante dans la terminaison d'appel SMS facturée engendre une perte nette pour un opérateur achetant davantage de terminaison qu'il n'en vend. Afin d'éviter un tel transfert de marge, les opérateurs sont incités à ne pas commercialiser d'offres susceptibles de créer un solde négatif d'interconnexion avec leurs concurrents. Cela implique une liberté commerciale contrainte, dans la mesure où les opérateurs doivent lancer des offres générant un comportement de client strictement équivalent à celui de leurs concurrents. Au regard de cette interdépendance, la persistance de charges de terminaison à un niveau élevé et supérieur aux coûts fait obstacle au plein exercice de la concurrence sur les marchés de détail de métropole et d'outre-mer.

4.1.3.1. Des tarifs de terminaison d'appel SMS
significativement supérieurs aux coûts

Les données de coûts en possession de l'Autorité, provenant des comptes réglementaires audités des opérateurs et de la modélisation technico-économique, montrent que les charges de terminaison SMS actuellement pratiquées entre les trois opérateurs mobiles de métropole (2 c€ pour Orange France et SFR et 2,17 c€ pour Bouygues Telecom depuis le 1er février 2010) restent plus élevées que les coûts complets d'un opérateur mobile générique efficace correspondants pour cette prestation.
Certes les tarifs actuels, issus des accords récemment conclus entre opérateurs mobiles métropolitains, sont désormais inférieurs aux plafonds imposés par l'Autorité lors du premier cycle. Ceux-ci intégraient en effet une marge d'erreur liée à l'incertitude en 2006 sur les niveaux de coûts effectivement encourus par les opérateurs de réseau pour la fourniture de cette prestation. Toutefois, les tarifs actuels restent supérieurs aux coûts, la très forte croissance des usages SMS constatée sur le marché de détail au cours de ce cycle de régulation (27) ayant fortement réduit le coût complet unitaire de la terminaison d'appel SMS.
L'Autorité prend cependant note que les accords récents entre opérateurs métropolitains prévoient une seconde baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS à 1,5 c€ au 1er juillet 2011. Néanmoins cette baisse supplémentaire ne semble pas suffisante pour réduire significativement l'écart vis-à-vis des coûts.
En ce qui concerne l'outre-mer, les estimations de coûts de l'Autorité pour la terminaison d'appel SMS, issues de la modélisation technico-économique, montrent un écart très important entre le tarif actuel de la terminaison d'appel en outre-mer (5,336 c€, non renégocié) et les coûts complets correspondant à la prestation, qui seraient du même ordre de grandeur qu'en métropole.
Or le maintien de charges de terminaison d'appel SMS significativement plus élevées que les coûts correspondants emporte des risques de distorsions concurrentielles.

(27) Cf. Document de l'Autorité portant notamment sur le bilan de la régulation de la terminaison d'appel en métropole, joint en annexe.

4.1.3.2. Des distorsions concurrentielles en cas de déséquilibres
des flux d'interconnexion SMS, qui freinent l'innovation

L'écart significatif entre les tarifs de terminaison d'appel SMS et les coûts sous-jacents défavorise les opérateurs lorsqu'ils supportent un solde d'interconnexion SMS négatif, en accroissant indûment leurs coûts. Cet écart emporte un risque de distorsion concurrentielle, par le transfert de marge auquel il conduit de l'opérateur présentant des offres de détail induisant une consommation plus élevée vers ses concurrents. L'Autorité détaille ce point ci-après.
Des soldes d'interconnexion SMS faibles en volume mais sensibles aux offres de détail des opérateurs
En première analyse, les soldes d'interconnexion SMS entre opérateurs mobiles pris deux à deux sont par nature équilibrés en volume. Il n'y aurait donc pas de risque de solde d'interconnexion très négatif en volume à cet égard. Les opérateurs seraient de ce fait insensibles au niveau de la charge de terminaison d'appel SMS et aux risques concurrentiels s'y attachant.
Cet équilibre macroscopique des échanges de SMS tiendrait au fait que les consommateurs adopteraient un comportement consistant à renvoyer un SMS de réponse à tout SMS reçu.
L'Autorité constate effectivement que les soldes d'interconnexion SMS en volume des opérateurs mobiles français restent réduits au niveau macroscopique (28), notamment en comparaison de la voix.
Cependant, d'un point de vue microscopique (c'est-à-dire sur chaque offre d'un opérateur prise individuellement), il existe des différences de comportements selon la catégorie de consommateurs, le segment de clientèle ou l'offre considérés. Or un opérateur appréhende très souvent offre de détail par offre de détail les flux d'interconnexion résultant des trafics entrant et sortant.
Ainsi, l'Autorité constate que le taux de rebond d'un SMS (29) est très proche de 1 chez les jeunes disposant d'offres d'abondance en SMS, ceux-ci communiquant avec des abonnés mobiles au même profil de consommation et utilisant souvent le SMS comme un service de messagerie instantanée. Cependant, ce comportement ne saurait être généralisé à l'ensemble des classes d'usagers.
D'autre part, l'équilibre des soldes d'interconnexion SMS en volumes apparaît en tout état de cause conditionné au fait que ces opérateurs disposent concomitamment d'offres similaires. Or rien ne garantit de constater cet équilibre en flux offre par offre, dans la mesure où peuvent apparaître des comportements différenciés selon les offres ou entre consommateurs à profil distinct.
En métropole, l'Autorité relève ainsi que les soldes d'interconnexion en volume présentent une volatilité croissante sur la période 2006-2008. Cette volatilité s'explique notamment par l'explosion des usages constatée depuis 2006 sur le marché de détail métropolitain. Cette hausse marquée des volumes consommés déséquilibre de manière significative les soldes d'interconnexion entre opérateurs dès lors que les clients des opérateurs respectifs n'ont pas les mêmes niveaux d'usages d'un opérateur à un autre. Un tel cas de figure se rencontre notamment lorsque les opérateurs lancent des offres d'abondance de manière décalée dans le temps, ou que leurs offres respectives génèrent des niveaux de consommation distincts, par exemple par le biais des profils de consommation de leurs clients ou par les caractéristiques des offres.
Ainsi, le fait que Bouygues Telecom ait lancé des offres d'abondance SMS all-net dès fin 2006 (gammes Universal Music Mobile et avantages jeunes sur l'ensemble de ses offres) sans équivalent commercial concomitant chez Orange France et SFR a fortement dégradé son solde d'interconnexion en volume en 2007 par rapport à 2006. La commercialisation d'offres d'abondance SMS all-net par SFR à partir de Noël 2007 (gamme Illimythics et forfaits bloqués) a permis de redresser le solde d'interconnexion SMS en volume entre SFR et Bouygues Telecom en 2008. Cependant, le solde d'interconnexion SMS en volume entre SFR et Orange France s'est fortement dégradé sur la période, Orange France n'ayant répliqué que tardivement (au second semestre 2008 avec les gammes Origami, les forfaits bloqués Zap et M6 Mobile).
L'impact de ce décalage commercial en matière d'offres d'abondance s'est observé également à La Réunion, où SRR a fortement dégradé son solde d'interconnexion SMS vis-à-vis des autres opérateurs en lançant les nouvelles offres NRJ Mobile au printemps 2008.
En conclusion, les soldes d'interconnexion SMS en volume sont sensibles au caractère homogène ou non des offres sur le marché de détail sous-jacent.
L'écart significatif entre la terminaison d'appel SMS et les coûts sous-jacents est ainsi de nature à créer une distorsion de concurrence envers un opérateur souhaitant lancer des offres innovantes créant un usage de SMS sortant supérieur à celui de ses concurrents.
Aujourd'hui, l'Autorité estime que les offres d'abondance commercialisées sur tous les territoires (métropole, Réunion, Antilles-Guyane) ne sont pas encore totalement homogènes entre opérateurs, en termes de contraintes associées à l'usage SMS (all-net à certaines tranches horaires, all-net 24h/24) ou de segments de clientèle touchés (prépayé, postpayé). Dès lors, les soldes d'interconnexion SMS en volume entre opérateurs devraient rester volatiles dans les prochains mois dans un processus de convergence progressive des offres actuellement proposées sur le marché.

(28) C'est-à-dire sur l'ensemble des offres de l'opérateur. (29) Le taux de rebond d'un SMS est défini comme la probabilité de recevoir un SMS en retour pour un SMS envoyé.

Des distorsions concurrentielles accentuées par la décorrélation actuelle entre charges de gros et revenus de détail en métropole et à La Réunion
On observe notamment en métropole et à La Réunion un décalage croissant entre les niveaux de charges de terminaison d'appel et les revenus moyens générés par chaque SMS sur le marché de détail, en raison de l'essor des offres d'abondance SMS. Sur ces deux marchés, le chiffre d'affaires moyen par SMS est désormais très proche voire inférieur pour certains opérateurs au coût de gros de la terminaison d'appel SMS.
Aussi relève-t-on que les offres d'abondance en SMS semblent difficilement réplicables par des tiers et sont susceptibles de générer des effets de ciseau dès lors que le revenu moyen afférent à ces offres devient inférieur à la charge de terminaison encourue majorée des coûts additionnels de production du SMS consommé, et abstraction faite du comportement en retour des appelés (taux de rebond).

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 3 du 05/01/2011 texte numéro 88

Evolution du ratio entre chiffres d'affaire SMS et volume global de SMS envoyés depuis 2001 en France. Le trait vertical rouge marque l'instauration de la régulation de la terminaison d'appel SMS. Source : ARCEP, Observatoire des marchés, Enquête trimestrielle

Or il ne semble pas sain que se développent massivement sur les marchés de détail des offres dont l'équilibre économique est construit sur le comportement en retour des destinataires des SMS, entendu comme devant être proche de celui des contacts appelants.
Un frein à l'innovation
Cette dépendance de l'équilibre économique d'offres de détail sur le comportement en retour des appelés peut brider l'innovation, dans la mesure où il désincite les opérateurs à lancer des offres innovantes à taux de rebond faible ou inexistant (par exemple des services de convergence comme Twitter, qui s'appuie dans certains pays comme les Etats-Unis et l'Inde sur l'envoi de SMS). Inversement, il incite les opérateurs à faire converger les profils d'appel de leurs clients avec ceux des clients appelés, et ce alors même que le SMS, notamment par son caractère asynchrone, pourrait générer des usages bien plus innovants.
On relève plus particulièrement que les petits opérateurs prendraient un risque financier important au regard de leur taille dès lors qu'ils souhaiteraient lancer des offres innovantes. En particulier, tout lancement d'une offre de détail engendrant un fort volume de SMS off net rehausse, au moins provisoirement en attendant une éventuelle réplique des concurrents, le besoin en fonds de roulement de l'opérateur la pratiquant (de manière parfaitement exogène).
Ces distorsions de concurrence sont exacerbées en outre-mer, territoires caractérisés par de fortes asymétries de parts de marché, une terminaison d'appel SMS parmi les plus élevées en Europe et la prépondérance des jeunes, avides de SMS, dans la population.
Ainsi, sur l'île de La Réunion, l'Autorité relève que SRR, fort des deux tiers du marché, est le seul opérateur à proposer actuellement de l'abondance SMS sur le segment prépayé, qui constitue le cœur du marché. Orange Réunion et Outremer Telecom, de taille plus modeste, ne semblent pas en mesure de répliquer sur ce segment en raison du niveau actuel de la terminaison d'appel SMS.
Des charges de terminaison d'appel SMS qui font obstacle au plein exercice de la concurrence sur la zone Antilles-Guyane
Sur la zone Antilles-Guyane, le niveau actuel de la terminaison d'appel SMS semble constituer un obstacle au plein exercice de la concurrence au niveau du détail, et notamment à la baisse des prix de détail, et conduit à une sous-performance concurrentielle et économique des marchés de détail sous-jacents.
En l'absence de dynamique commerciale forte en faveur d'offres de détail comprenant des prestations de SMS vendus en abondance, ces offres restent en nombre limité sur le marché, en comparaison de la métropole et de La Réunion. Une baisse de la terminaison d'appel SMS pourrait permettre, comme cela a été le cas en métropole, l'essor de ces offres à des prix attractifs et la levée des contraintes d'usage associées.

4.1.3.3. Prise en compte des contributions à la consultation publique de l'automne 2009
relatives aux distorsions concurrentielles liées à l'écart entre les tarifs et les coûts

Sur la situation métropolitaine
Dans leurs réponses respectives à la consultation publique de l'automne 2009, les trois opérateurs mobiles métropolitains sont en désaccord avec l'analyse des problèmes concurrentiels exposée par l'Autorité.
Les trois opérateurs mobiles estiment que le marché de détail métropolitain est dynamique, concurrentiel et en forte croissance, au bénéfice des consommateurs qui profitent d'une baisse des prix des SMS. En particulier, les trois opérateurs rejettent le bilan fait par l'Autorité joint en annexe et mentionnant une stagnation des prix pour les consommateurs occasionnels de SMS.
Sur ce point, l'UFC-Que Choisir estime au contraire, dans sa réponse à la consultation publique de l'automne 2009, que le SMS à l'unité ou en petites quantités reste relativement onéreux, ce qui n'est pas représentatif d'un marché de détail concurrentiel.
Selon les trois opérateurs mobiles métropolitains, le risque de limitation de l'innovation commerciale n'est pas opérant en métropole comme le prouve l'essor des offres d'abondance tous réseaux. Selon Orange France, l'équilibre économique des offres n'est pas lié à la terminaison d'appel SMS du fait de l'égalité des flux entrants et sortants, de même que le développement des usages SMS n'est en rien corrélé au niveau de la terminaison d'appel SMS, comme le montrent les analyses comparatives européennes.
Par ailleurs, les trois opérateurs mobiles métropolitains font valoir que les accords récents de baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS en deux étapes auxquels ils sont parvenus rapprochent désormais les prix de gros des coûts sous-jacents, résolvant donc à terme le risque de distorsion concurrentielle s'il en était.
De son côté, l'UFC-Que Choisir estime que des tarifs de terminaison d'appel SMS élevés pénalisent les petits opérateurs, qui sont les plus susceptibles de faire baisser les prix de détail, ainsi que les MVNO, dont les conditions tarifaires d'hébergement intègrent la terminaison d'appel SMS et qui ne semblent pas en mesure de négocier des prix de gros intéressants sur les SMS hors offres d'abondance. De plus, selon l'association, des tarifs de terminaison d'appel SMS élevés peuvent également limiter la marge de manœuvre du nouvel entrant sur le marché de détail, alors même que « les consommateurs attendent beaucoup de son arrivée sur le marché ».
Sur la situation sur la zone Réunion-Mayotte
Les réponses respectives d'Orange Réunion et Outremer Telecom à la consultation publique de l'automne 2009 divergent sur l'analyse des distorsions concurrentielles liées à l'écart entre les tarifs et les coûts, en particulier sur la réplicabilité des offres d'abondance en SMS proposées par SRR à La Réunion.
Orange Réunion estime que le niveau actuel de la terminaison d'appel SMS lui permet de proposer des offres d'abondance dans des conditions satisfaisantes, son choix de ne pas répliquer sur le segment prépayé étant un choix économique et de marketing. Pour l'opérateur, il appartient à SRR et à l'Autorité de la concurrence de s'assurer que ces offres sont réplicables.
Outremer Telecom considère en revanche que l'offre d'abondance de SRR sur le segment prépayé n'est pas réplicable en raison du tarif élevé de terminaison d'appel SMS et de l'asymétrie des parts de marché.
Néanmoins, la nécessité d'une baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS est approuvée par l'ensemble des opérateurs mobiles de la zone dans leurs réponses à la consultation publique de l'automne 2009. Orange Réunion estime en particulier qu'elle permettrait d'améliorer la cohérence entre marché de gros et marché de détail.
De son côté, l'UFC-Que Choisir considère qu'une baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS sur la zone pourrait impulser une dynamique concurrentielle au bénéfice des consommateurs, les prix à l'unité des SMS étant aujourd'hui particulièrement élevés, sans justification économique.
Sur la situation sur la zone Antilles-Guyane
Si Orange Caraïbe ne relève pas de problème concurrentiel sur le marché antillo-guyanais, Outremer Telecom approuve au contraire l'analyse de l'Autorité selon laquelle l'écart significatif entre le prix de gros et le coût sous-jacent de la terminaison d'appel SMS crée une distorsion de concurrence envers un opérateur souhaitant lancer des offres innovantes engendrant un usage de SMS supérieur aux offres de ses concurrents. Ainsi, Outremer Telecom souligne la vive dégradation de son solde d'interconnexion SMS vis-à-vis d'Orange Caraïbe suite au lancement de ses offres d'abondance en SMS, qui constituent pourtant un outil de différenciation commerciale pour l'opérateur en troisième position sur le marché.
De son côté, l'UFC-Que Choisir relève les prix particulièrement élevés des SMS à l'unité, sans justification économique.
Outremer Telecom et l'UFC-Que Choisir estiment comme l'Autorité qu'une baisse du tarif de la terminaison d'appel SMS entraînerait une dynamique concurrentielle sur le marché antillo-guyanais, au bénéfice des consommateurs.

4.1.4. Problèmes concurrentiels
vis-à-vis des agrégateurs de SMS
4.1.4.1. La terminaison de SMS auprès des trois opérateurs de réseau mobile
est une infrastructure essentielle pour les agrégateurs de SMS

Les agrégateurs de SMS souhaitant fournir des prestations de SMS Push à des clients finaux tels que des éditeurs de services ou des grands comptes se trouvent dans l'obligation d'acquérir des prestations de terminaison de SMS auprès des opérateurs de réseaux mobiles. A cet égard, la terminaison de SMS constitue une infrastructure essentielle pour les agrégateurs en vue de fournir des services sur le marché de détail aux clients finaux.
Notons que, ces clients éditeurs demandant à pouvoir joindre la totalité du parc mobile, les agrégateurs doivent obtenir une offre de terminaison de SMS auprès de chacun des opérateurs mobiles. De plus, toute fonctionnalité technique qui n'est pas proposée par la totalité des opérateurs mobiles est inexploitable.

4.1.4.2. Des risques de distorsion concurrentielle
induits par l'intégration verticale des opérateurs mobiles

Les agrégateurs achètent sur le marché amont une prestation de terminaison de SMS aux opérateurs mobiles afin de proposer sur le marché aval des services de SMS Push de détail à des éditeurs de services, marché sur lequel les opérateurs de réseaux mobiles sont également présents. Un éditeur de services peut en effet contracter avec un agrégateur de SMS ou avec chacun des opérateurs de réseaux mobiles séparément.
Cette situation emporte des risques de distorsion concurrentielle. Les agrégateurs de SMS peuvent être en effet dans l'impossibilité de répliquer par leurs propres moyens des offres de SMS Push de détail commercialisées directement par l'opérateur mobile aux éditeurs de service et s'appuyant sur des éléments techniques maîtrisés par ce dernier.
De manière plus générale, la qualité d'infrastructure essentielle que représente la terminaison d'appel SMS pour les agrégateurs nécessite que les opérateurs de réseau pratiquent envers eux des offres qui soient compatibles avec les conditions qu'ils font en interne aux éditeurs de services. De manière constante et universellement reconnue, la fourniture d'une prestation de terminaison d'appel par un opérateur verticalement intégré sur le marché de détail relève de l'exploitation d'une infrastructure essentielle. A cet égard, les conditions de fourniture de cette prestation doivent se voir opposer le régime d'accès à une infrastructure essentielle, au titre d'une application du droit de la concurrence ou, le cas échéant, d'une régulation ex ante. Ce régime comprend un principe de non-discrimination interne/externe, visant à prévenir les distorsions de concurrence sur le marché de détail sous-jacent, dans la mesure où il impose à l'opérateur bénéficiaire de l'infrastructure essentielle de se fournir l'accès à cette infrastructure dans des conditions identiques à celles qu'il accorde à des tiers. En matière de terminaison d'appel SMS, cela a pour conséquence que l'opérateur intégré doit proposer des offres de détail compatibles avec la prestation, par sa branche amont à sa branche aval, d'une terminaison d'appel SMS dans les mêmes conditions que celles facturées à un agrégateur de SMS.

4.1.4.3. Des contrats parfois identiques aux contrats proposés
sur le marché de détail à des éditeurs de services

L'Autorité relève que Bouygues Telecom depuis 2007 et Orange France depuis mars 2010 ont lancé des offres de SMS Push de gros dédiées aux acheteurs ayant le statut d'opérateur, qui se distinguent techniquement et/ou contractuellement des offres destinées sur le marché de détail à des éditeurs de services. Cependant, les agrégateurs achètent toujours chez certains opérateurs mobiles les mêmes offres que celles destinées sur le marché de détail à des éditeurs de services. Or ces acteurs peuvent légitimement bénéficier de conditions techniques, tarifaires et contractuelles particulières au regard de leur statut d'opérateur.
L'Autorité note cependant l'annonce récente par SFR, postérieure au lancement de l'analyse de marché, de la disponibilité prochaine d'une offre de terminaison de SMS dédiée aux acheteurs ayant le statut d'opérateur.

4.1.4.4. Une autonomie technique et commerciale fortement contrainte

Que les agrégateurs achètent aux opérateurs mobiles une offre de détail ou une offre de gros dédiée, l'architecture de ces offres, reposant sur une prestation de SMS Push, contraint leur autonomie commerciale, technique et financière sur le marché de détail associé et emporte des risques de distorsions concurrentielles sur ledit marché aval de prestations aux éditeurs de services sur lequel sont également présents les opérateurs mobiles.
En effet, les agrégateurs n'accèdent pas aux prestations de SMS-MT seules. Comme mentionné précédemment, les prestations de SMS Push vont au-delà de la fourniture d'une simple terminaison d'appel SMS correspondant à l'utilisation des ressources radio nécessaires à la réception du SMS par le client final. Le SMS Push joint en effet à cette terminaison la fourniture de prestations de cœur de réseau correspondant au départ technique du SMS. Ainsi, la fourniture de terminaison d'appel SMS est vendue liée à la fourniture d'un accès au SMS-C et l'opérateur mobile conserve l'exclusivité de l'accès à toute information portant de manière plus générale sur le statut du SMS envoyé (reçu ou non...) ou sur le client appelé. En d'autres termes, l'opérateur mobile n'assure pas que la terminaison du message entrant, il conserve une mainmise sur la prestation de départ, de diffusion et de terminaison du SMS non interpersonnel. Les agrégateurs se trouvent dès lors dans une situation de dépendance technique vis-à-vis de l'opérateur de terminaison.
Cette dépendance notamment technique génère par elle-même une faible autonomie commerciale, au sens où l'agrégateur souhaitant procéder à la commercialisation d'une offre de détail impliquant des développements techniques particuliers doit nécessairement communiquer préalablement ses projets à l'opérateur de terminaison.
Si ces principes techniques ne doivent pas nécessairement être remis en question, il importe, d'une part, que la demande éventuelle d'agrégateurs de SMS qui souhaiteraient investir davantage sur le plan technique (en exploitant par exemple leur propre SMS-C) et gagner en autonomie soit entendue (30) et, d'autre part, que les opérateurs mobiles n'exploitent pas leur maîtrise technique de manière indue et fassent droit aux demandes raisonnables des agrégateurs qui permettent le développement de leur activité dans le respect de la déontologie.
Sur ce second point, la situation ne semble pas satisfaisante, comme explicité ci-après.

(30) L'opposition actuelle des opérateurs mobiles, tenant aux problématiques de sécurité des réseaux, d'accès sensible au HLR et de risque de développement du spam, ne doit pas occulter le fait que les opérateurs mobiles permettent pourtant à tous les opérateurs mobiles étrangers d'accéder en SS7 à leur réseau, pour le compte de leurs propres clients en itinérance internationale ou pour le compte des clients de l'opérateur en cause, et qu'un tel accès dans le cadre des agrégateurs de SMS pourrait être encadré déontologiquement.

4.1.4.5. Des limites contractuelles et techniques sans réelle justification
qui pénalisent le développement de l'activité des agrégateurs

L'Autorité constate que les opérateurs de réseaux mobiles imposent aux agrégateurs de SMS un certain nombre de limites contractuelles et techniques pour la terminaison de SMS, qui n'apparaissent pas justifiées. Ces contraintes pénalisent les agrégateurs et peuvent prévenir l'émergence de nouveaux services sur le marché aval d'édition de contenus par SMS.
Il est à noter que, compte-tenu du besoin des éditeurs de contenus, clients des agrégateurs de SMS, de fournir un service accessible à la totalité des abonnés mobiles de l'ensemble des opérateurs de réseau, toute limitation contractuelle ou technique chez un seul des opérateurs de réseau mobile prive totalement les agrégateurs de SMS de répondre aux demandes de leurs clients de détail.
A titre principal, les contrats actuels des agrégateurs de SMS auprès de certains opérateurs mobiles interdisent toute modification du numéro court à cinq chiffres émetteur du SMS (champ OAdC [31]). Pourtant, il existe une réelle demande de la part des clients sur le marché de détail (banques, marques, etc.) de remplacer ce numéro par une dénomination commerciale (permettant une identification plus rapide de l'émetteur du message pour l'abonné mobile) ou un numéro de téléphone (offrant une possibilité de rappel à l'abonné mobile).
L'interdiction de cette fonctionnalité par certains opérateurs mobiles empêche donc les agrégateurs de SMS de répondre à cette demande sur le marché de détail et freine le développement de nouveaux services associés. Il est à noter que la seule interdiction de cette fonctionnalité par un unique opérateur mobile prive l'émergence du service sur l'ensemble du territoire, les clients ne développant qu'un service par SMS qui puisse s'adresser à l'ensemble des abonnés mobiles.
Cette interdiction contractuelle ne semble pas justifiée sur le plan technique. Disponible depuis plusieurs années chez un opérateur de métropole mais de facto inutilisée par les agrégateurs de SMS, cette fonctionnalité est mise en œuvre chez l'ensemble des opérateurs mobiles pour les services de renseignements par SMS et pour les SMS interpersonnels fixes vers mobiles.
Cette interdiction ne semble pas justifiée sur le plan déontologique non plus, au sens où les exigences légitimes en la matière des opérateurs mobiles peuvent faire l'objet d'un encadrement contractuel spécifique avec les agrégateurs de SMS et ne sauraient entraîner une interdiction per se.
Suite à l'analyse de marché mise en consultation publique par l'Autorité à l'automne 2009, Orange France et Bouygues Telecom ont annoncé aux agrégateurs de SMS la possibilité prochaine de modifier le champ OAdC, dans le respect de règles déontologiques spécifiques. Si cette annonce constitue une avancée, les agrégateurs de SMS estiment qu'elle n'est pas pleinement satisfaisante.
En effet, la modification du champ OAdC ne serait envisagée que pour les numéros qui ne sont pas partagés entre plusieurs éditeurs, mais dédiés à un seul client. Le coût d'un numéro dédié pour les éditeurs de services étant important, cet usage serait réservé aux plus gros clients.
Par ailleurs, cette modification ne serait envisagée que de façon statique, après enregistrement auprès de l'opérateur mobile. Outre le manque de réactivité commerciale des agrégateurs que cela induit, l'Autorité s'interroge sur les conséquences de ce préenregistrement auprès des opérateurs mobiles sur le fonctionnement de la concurrence sur le marché aval de fourniture de services aux éditeurs, où les opérateurs mobiles sont également présents.
Enfin, les agrégateurs mettent en avant des hétérogénéités entre opérateurs mobiles dans le périmètre des services éligibles à cette fonctionnalité, limitant ainsi de facto les usages au plus petit dénominateur commun entre opérateurs mobiles.
Par ailleurs, les opérateurs mobiles ne fournissent pas d'indicateurs de qualité de service (latence, taux de disponibilité...) des prestations de terminaison faites aux agrégateurs alors même que la détermination d'un véritable engagement technique serait de nature à permettre aux agrégateurs de répondre aux demandes de certains de leurs clients. Ce constat est le reflet de l'asymétrie dans la relation entre opérateurs mobiles et agrégateurs de SMS, ceux-ci devant supporter seuls le risque lié à un engagement de qualité de service éventuel auprès de leurs clients, alors qu'ils ne maîtrisent pas techniquement la prestation de terminaison du SMS vers l'utilisateur final.
De la même façon, les contrats de SMS Push ne prévoient actuellement qu'un accès extrêmement réduit des agrégateurs de SMS aux informations contextuelles pertinentes pour leur activité (terminal 3G ou non de l'appelé, compatible avec l'envoi d'URL, ou même plus simplement client actif ou passif). Or, les outils de qualification des bases d'abonnés mobiles peuvent être précieux pour certains agrégateurs de SMS en vue du développement de certains services par SMS (marketing, etc.).
D'autre part, les débits offerts par certains opérateurs mobiles semblent trop limités à certains agrégateurs de SMS.

(31) Originating Address Code.

4.1.4.6. Une asymétrie totale dans la relation entre agrégateurs de SMS
et opérateurs mobiles, qu'il convient de corriger

Les limitations techniques et contractuelles imposées aux agrégateurs de SMS exposées ci-dessus caractérisent l'asymétrie très forte de la relation entre agrégateurs de SMS et opérateurs de réseaux mobiles.
Ces derniers s'appuient sur leur détention de l'infrastructure essentielle que constitue la terminaison de SMS pour conserver la maîtrise de la totalité de la chaîne de valeur associée à la fourniture de SMS de contenu.
A ces limitations techniques et contractuelles s'ajoute l'absence de baisses significatives des prix de gros offerts aux agrégateurs de SMS au cours du premier cycle de régulation.
Ainsi, les agrégateurs de SMS ne semblent pas disposer d'un contre-pouvoir de négociation leur permettant d'obtenir des avancées techniques, tarifaires et contractuelles nécessaires au bon développement de leur activité et au lancement de nouveaux services par SMS.
L'Autorité estime qu'il est nécessaire de mettre en place un cadre permettant de corriger ce déséquilibre dans les pouvoirs de négociation. Elle entend également mener des réunions multilatérales avec les opérateurs mobiles et les agrégateurs de SMS afin de faciliter et d'améliorer leurs échanges sur les points soulevés précédemment, comme l'y a invitée Orange France.

4.2. Pertinence des marchés pour une régulation ex ante

Appliquant les trois critères en recommandation n° 2 de la Commission en date du 17 décembre 2007, l'Autorité envisage successivement l'existence de barrières à l'entrée ou d'entraves au développement de la concurrence sur le marché de la fourniture de terminaison d'appel SMS, l'absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective de ce marché et l'efficacité relative du droit de la concurrence ainsi que l'utilité d'une régulation ex ante complémentaire à cet égard. Ces développements valent tant pour la métropole que pour l'outre-mer.

4.2.1. Existence de barrières à l'entrée
ou d'entraves au développement de la concurrence

La présente sous-section tend à déterminer une absence de pression concurrentielle sur les niveaux de terminaison d'appel SMS conduisant, en l'absence de régulation, à la fixation de niveaux de prix naturellement élevés sur cette prestation.
Selon la recommandation et ses considérants :
« (5) [...]. Le premier critère est la présence de barrières élevées et non provisoires à l'entrée, qu'elles soient de nature structurelle, légale ou réglementaire. Cependant, eu égard au caractère dynamique et au fonctionnement des marchés des communications électroniques, les possibilités de lever ces barrières à l'entrée dans un délai adéquat doivent également être prises en considération dans l'analyse prospective effectuée en vue de recenser les marchés pertinents susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante.
(6) En ce qui concerne les premier et deuxième critères, les principaux indicateurs à considérer lors de l'évaluation sont analogues à ceux examinés dans le contexte d'une analyse de marché prospective. Il s'agit en particulier des indicateurs concernant les barrières à l'entrée en l'absence de réglementation (notamment l'ampleur des coûts irrécupérables), la structure du marché, les performances et la dynamique du marché, notamment des indicateurs comme les parts de marché et les tendances en la matière, les prix du marché et les tendances en la matière, ainsi que l'étendue et la couverture des réseaux ou infrastructures en concurrence. Tout marché est susceptible de faire l'objet d'une réglementation ex ante s'il répond aux trois critères en l'absence de celle-ci.
(8) Deux types de barrières à l'entrée ont été retenus aux fins de la présente recommandation : les barrières structurelles et les barrières légales ou réglementaires.
(9) Les barrières structurelles découlent des caractéristiques initiales du niveau de la demande ou de la structure de coûts qui en découle créant des conditions asymétriques entre les opérateurs en place et les nouveaux arrivants, freinant ou empêchant l'entrée sur le marché de ces derniers. Ainsi, les barrières structurelles peuvent s'avérer élevées sur un marché caractérisé par des avantages de coûts absolus, des économies d'échelle et/ou de gamme massives, des contraintes de capacité et par des coûts irrécupérables importants. A l'heure actuelle, ce type de barrières entrave encore le déploiement et/ou la fourniture généralisée de réseaux d'accès local en positions déterminées. On est également en présence d'une barrière structurelle lorsque la fourniture de services requiert un élément de réseau qui ne peut être reproduit pour des raisons techniques ou seulement à un coût dissuasif pour les concurrents.
(10) Les barrières légales ou réglementaires ne résultent pas de conditions économiques mais de mesures législatives, administratives ou d'autres actes des pouvoirs publics ayant un effet direct sur les conditions d'entrée et/ou la position des opérateurs sur le marché pertinent. »
De même que pour la terminaison d'appel vocal, il y a aujourd'hui une impossibilité technique et structurelle pour un nouvel entrant de fournir la terminaison de SMS vers un client d'un certain opérateur mobile disposant d'un réseau radio (ou d'un MVNO utilisant le réseau radio de cet opérateur) : seul cet opérateur peut en effet terminer le trafic SMS à destination de l'appelé.
La prestation de terminaison SMS est ainsi incontournable. En effet, il ressort de la définition même de ces marchés, à savoir le marché de gros de la terminaison SMS sur chacun des réseaux des opérateurs mobiles, que seuls ces opérateurs peuvent fournir les prestations concernées. Pour tout autre opérateur, l'achat des prestations de terminaison SMS est nécessaire pour garantir à ses utilisateurs la possibilité de joindre les utilisateurs des réseaux mobiles.

4.2.2. Absence d'évolution possible
vers une situation de concurrence effective

Selon la recommandation précitée (considérants 11 et 12) : « L'importance des barrières à l'entrée peut être relativisée sur des marchés orientés vers l'innovation, évoluant au rythme des progrès technologiques. En effet, les pressions concurrentielles découlent souvent dans ce cas des ambitions innovatrices de concurrents potentiels qui ne sont pas encore présents sur le marché. Sur ces marchés d'innovation, une concurrence dynamique ou à plus long terme peut naître entre des entreprises qui ne sont pas nécessairement concurrentes sur un marché "statique” existant. La présente recommandation ne recense pas les marchés à l'entrée desquels les barrières ne sont pas supposées persister au-delà d'un délai prévisible. Pour déterminer si des barrières à l'entrée sont susceptibles de persister en l'absence de réglementation, il est nécessaire d'examiner si le secteur a connu des entrées fréquentes et réussies sur le marché, et si ces entrées sont suffisamment imminentes et persistantes, ou le seront probablement, pour limiter la puissance sur le marché. La portée des barrières à l'entrée dépendra entre autres du volume de production effectif minimal et des coûts irrécupérables.
(12) Même lorsqu'un marché est caractérisé par des barrières élevées à l'entrée, d'autres facteurs structurels peuvent indiquer que les entreprises présentes tendront vers un comportement effectivement concurrentiel au cours de la période visée. La dynamique du marché peut provenir par exemple d'évolutions technologiques ou de la convergence de produits et de marchés, qui peut donner lieu à des pressions concurrentielles entre opérateurs actifs sur des marchés de produits distincts. C'est aussi le cas des marchés abritant un nombre limité, mais suffisant, d'entreprises qui se distinguent par leur structure de coûts et répondent à une demande élastique par rapport au prix. Il peut également arriver qu'un excès de capacités sur un marché encourage des entreprises rivales à augmenter très rapidement leur production à chaque hausse de prix. Sur ces marchés, on peut observer une variation dans le temps des parts de marché et/ou des chutes de prix. Lorsque la dynamique du marché évolue rapidement, il convient d'apporter un soin particulier au choix du délai, afin que les évolutions pertinentes du marché soient visibles. »
La barrière technique et structurelle évoquée ci-dessus n'est pas susceptible d'évoluer. Ainsi, comme pour la terminaison d'appel vocal, le monopole structurel de chaque opérateur sur la terminaison de SMS sur son réseau va perdurer.
Par ailleurs, du fait du modèle économique dit du calling party pays qui prévaut, les conditions économiques de la vente de ces prestations influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail ainsi que sur les possibilités de développements d'offres SMS alternatives.
En effet, dans ce modèle économique, c'est l'appelant qui se voit facturer l'intégralité des charges liées à l'acheminement des SMS vers ses correspondants, y compris vers les clients d'autres réseaux.
Ainsi, l'offre des opérateurs, notamment dans sa dimension tarifaire, est contrainte par les charges de terminaison SMS qui leur sont facturées par les opérateurs mobiles, qui peuvent être en même temps leurs concurrents sur le marché de détail.
Il en résulte qu'en dehors de toute action du régulateur, il n'existe intrinsèquement pas ou peu d'incitation économique pour les opérateurs à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
De même, il n'existe intrinsèquement pas ou peu d'incitation économique pour les opérateurs à proposer aux exploitants de réseaux, notamment aux agrégateurs, des offres d'interconnexion satisfaisantes d'un point de vue technique et tarifaire et à négocier de bonne foi sans profiter de la maîtrise qu'ils exercent sur ces marchés.
Ces éléments valent tant pour la métropole que pour l'outre-mer.
Prise en compte des contributions à la consultation publique de l'automne 2009 sur ce deuxième critère :
En ce qui concerne la métropole :
Dans leurs réponses respectives à la consultation publique de l'automne 2009, les opérateurs métropolitains font valoir les accords de baisses tarifaires auxquels ils sont parvenus récemment et qui rendent le présent critère non opérant en métropole. Dès lors, selon ces trois opérateurs, la régulation de la terminaison d'appel SMS des opérateurs métropolitains n'est pas justifiée.
L'Autorité estime que les baisses issues des accords entre opérateurs mobiles métropolitains ne sont pas suffisantes et relève par ailleurs que ces niveaux ne bénéficient qu'aux opérateurs mobiles métropolitains entre eux et ne profitent pas en particulier aux opérateurs ultramarins. Par ailleurs, l'Autorité ne constate pas d'éléments nouveaux permettant de remettre en cause l'absence ou du moins la faiblesse de l'incitation économique des opérateurs mobiles métropolitains à proposer des offres d'interconnexion satisfaisantes aux autres acheteurs de terminaison d'appel SMS, les agrégateurs de SMS. Dès lors, l'Autorité maintient sa conclusion quant à la pertinence de ce deuxième critère.
En ce qui concerne l'outre-mer :
SRR fait valoir que l'ensemble des opérateurs de la zone Réunion-Mayotte partagent la nécessité de revoir les niveaux tarifaires de la terminaison d'appel SMS et qu'ils sont engagés dans un processus de négociations qui devrait aboutir rapidement. Selon SRR, la régulation ex ante n'est pas nécessaire pour parvenir à des tarifs concurrentiels.
Orange Caraïbe et Orange Réunion estiment également que la régulation ex ante n'est pas nécessaire et que les prix de gros seront progressivement mis en cohérence avec les prix de détail.
Au contraire, Outremer Telecom juge qu'il est essentiel de réguler les marchés de la terminaison d'appel SMS sur la zone Antilles-Guyane et la zone Réunion-Mayotte.
L'Autorité relève que des négociations ont été entamées ces derniers mois par l'ensemble des opérateurs mobiles ultramarins en vue d'une baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS. Toutefois, elle observe que ces négociations n'ont pas abouti en raison de profonds désaccords entre opérateurs. A ce jour, les tarifs de terminaison d'appel SMS outre-mer restent significativement élevés. Au regard de ces faits, l'Autorité maintient son analyse quant à l'absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective en outre-mer.

4.2.3. Efficacité relative du droit de la concurrence
et utilité d'une régulation ex ante complémentaire

Selon la même recommandation susvisée, il est indiqué, en considérant 13 : « Avant de décider qu'un marché est susceptible d'être soumis à une réglementation ex ante, il faut aussi déterminer si le droit de la concurrence suffit à remédier aux défaillances du marché qui résultent de la conformité avec les deux premiers critères. Les interventions du droit de la concurrence seront probablement insuffisantes si une intervention visant à remédier à une défaillance du marché doit satisfaire à un grand nombre de critères de conformité ou si des interventions fréquentes et/ou réalisées dans un délai imparti sont indispensables. »
Comme la terminaison d'appel vocal, la terminaison SMS constitue un goulot d'étranglement, passage obligé pour tout opérateur tiers souhaitant acheminer des SMS à destination des clients de l'opérateur concerné.
A cet égard, dans son avis n° 06-A-05 du 10 mars 2006 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application de l'article L. 37-1 du CPCE, portant sur l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles métropolitains, le Conseil de la concurrence a pu relever que la prestation de terminaison SMS relève bien d'une prestation d'accès à une infrastructure essentielle qui tire un bénéfice d'une régulation :
« 28. Comme cela vient d'être mentionné ci-dessus, l'absence de pression concurrentielle sur le niveau de la terminaison SMS explique que celle-ci soit restée stable pendant près de six années : seule l'intervention de l'ARCEP a provoqué une baisse en novembre 2005. S'agissant d'un tarif d'interconnexion au réseau des opérateurs mobiles, la terminaison SMS pourrait être analysée, du point de vue du droit de la concurrence, comme une charge d'accès à une infrastructure essentielle, devant répondre à des conditions de transparence, d'objectivité et de non-discrimination, et permettre l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail, sans effet de ciseau tarifaire. »
La régulation ex ante dispose, en second lieu, d'outils adaptés tels que le contrôle tarifaire ex ante ou la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable. La détermination précise et la mise en œuvre des obligations techniques et tarifaires nécessitent en effet une connaissance approfondie des pratiques techniques et des comptabilités réglementaires, une cohérence avec les mesures similaires imposées à la terminaison d'appel vocal ainsi qu'un travail récurrent de traitement, de suivi et d'évolution du dispositif. Le seul droit de la concurrence peut, sur ce plan, apparaître insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existants sur ces marchés (32).
Dans leurs réponses respectives à la consultation publique de l'automne 2009, les trois opérateurs mobiles métropolitains estiment que l'Autorité occulte des moyens de régulation ex post et mentionnent la possibilité de règlement de différend ainsi que le droit de la concurrence, afin de sanctionner de sanctionner ou de mettre fin à une pratique anticoncurrentielle. Dès lors, une intervention ex ante serait inutile selon ces opérateurs.
D'autre part, ils font valoir l'isolement de l'Autorité en Europe sur la régulation de la terminaison d'appel SMS, ce marché ne faisant pas partie de la liste des marchés pertinents recensés par la Commission européenne.
Sur le premier point, l'Autorité considère que la possibilité de règlement de différend n'est pas suffisante pour palier aux problèmes concurrentiels identifiés plus haut vis-à-vis de l'ensemble des acheteurs de la terminaison d'appel SMS et notamment vis-à-vis des agrégateurs de SMS. Il convient au contraire de mettre en place un cadre permettant l'apparition d'une concurrence effective et loyale sur les marchés sous-jacents et contrebalançant l'absence de pouvoir de négociation et la dépendance de ces acheteurs vis-à-vis des opérateurs mobiles.
Sur le second point, l'Autorité rappelle comme mentionné plus haut que la Commission européenne fait référence à la terminaison d'appel SMS dans la note explicative accompagnant sa recommandation en date du 17 décembre 2007 portant sur la liste des marchés pertinents. L'Autorité interprète ces propos comme une présomption favorable de la Commission européenne à la régulation des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS. Enfin, l'Autorité observe que d'autres régulateurs européens envisagent de réguler ces marchés. En particulier, le régulateur danois a mené du 30 octobre au 7 décembre 2009 une consultation publique à ce sujet.

(32) A ce jour, les seules décisions rendues par les autorités de concurrence en matière de SMS portent sur le marché de détail de ces prestations et prennent acte de niveaux de terminaisons d'appel SMS sous-jacentes (décision n° 09-MC-02 de l'Autorité de la concurrence du 16 septembre 2009 précitée).

4.2.4. Conclusion sur le caractère pertinent
des marchés au sens de l'article L. 37-1 du CPCE

Les obstacles au développement d'une concurrence effective relevés ci-dessus et la vérification de l'existence des trois critères justifient que l'Autorité considère comme pertinents pour une régulation ex ante les marchés de gros de la terminaison de SMS sur les réseaux mobiles individuels de métropole et d'outre-mer au sens de l'article L. 37-1 du CPCE.

4.3. Prise en compte de l'avis de l'Autorité de la concurrence
sur les problèmes concurrentiels identifiés et la pertinence d'une régulation ex ante
4.3.1. Avis de l'Autorité de la concurrence

En ce qui concerne les problèmes concurrentiels et la pertinence d'une régulation ex ante en métropole, l'Autorité de la concurrence indique, dans son avis n° 10-A-12 du 9 juin 2010 (points 31 à 34) :
« 31. Le Conseil a rappelé, dans ses avis précédents, que l'inscription de marchés pertinents sur la liste des marchés régulables en application des articles L. 37-1, L. 38, L. 38-1 et L. 38-2 du CPCE ne se justifie qu'au regard d'une analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective. La recommandation de la Commission du 17 décembre 2007 concernant les marchés pertinents susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante reprend d'ailleurs à cet égard, comme la précédente, trois critères cumulatifs : l'existence de barrières à l'entrée et d'entraves au développement de la concurrence, l'absence de dynamisme de la concurrence, enfin l'insuffisance du droit de la concurrence pour remédier à ces obstacles. La régulation ex ante relève, en effet, du régime de l'exception par rapport au droit commun de la concurrence et doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire.
32. En l'espèce, les barrières à l'entrée sur les marchés de la terminaison SMS restent fortes. Comme cela est mentionné plus haut, l'absence de pression concurrentielle sur le niveau de la terminaison SMS explique que celle-ci soit restée, en métropole, au niveau des plafonds régulés, malgré l'explosion des volumes sur la période conduisant désormais à une situation dans laquelle les charges de terminaison et les revenus moyens correspondants sur le marché de détail sont décorrélés.
33. Or, cette situation de charge de terminaison SMS élevée en comparaison des coûts sous-jacents est de nature à faire supporter à un petit opérateur ou un opérateur nouvel entrant une prise de risque beaucoup plus importante dans la construction d'offres de détail incluant une grande quantité de SMS sortants et peut conduire à des distorsions de concurrence envers les opérateurs dont le solde d'interconnexion SMS est négatif. Ce risque est de nature à inciter les opérateurs, y compris les nouveaux entrants, à aligner leurs politiques commerciales les unes sur les autres, ce qui est de nature à brider l'innovation sur le marché de détail.
34. Dans ces conditions, la poursuite du mouvement d'orientation des niveaux de charge de terminaison d'appel vers les coûts apparaît comme le meilleur moyen de préserver et d'intensifier une concurrence sur le marché de détail, notamment dans une perspective de dynamisation du marché par un nouvel entrant. »
En ce qui concerne plus particulièrement les problèmes concurrentiels identifiés par l'Autorité dans la relation entre opérateurs mobiles et agrégateurs de SMS, l'Autorité indique dans son avis précité (points 53 à 56) :
« 53. [...] le fait que les agrégateurs n'aient pas vu évoluer les conditions qui leur sont faites par les opérateurs mobiles, aussi bien sur le plan tarifaire que technique, de manière suffisamment significative au cours du précédent cycle d'analyse de marché reste problématique.
54. Les terminaisons SMS sont analysées, du point de vue du droit de la concurrence (cf. avis n° 06-A-05), comme une charge d'accès à une infrastructure essentielle devant répondre à des conditions de transparence, d'objectivité et de non-discrimination et permettre l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail.
55. Au vu de la structure de marché qui oppose, d'une part, les opérateurs mobiles verticalement intégrés susceptibles de traiter les demandes des éditeurs de services sur le marché de détail et, d'autre part, les agrégateurs adressant uniquement ce marché aval en se fournissant en gros auprès de ces mêmes opérateurs mobiles, des risques de discrimination ne sont pas à exclure. Sur le plan technique, tel serait le cas si la branche de détail d'un opérateur mobile était amenée à proposer certaines prestations techniques dans ses offres SMS push de détail qui ne seraient pas disponibles auprès des agrégateurs dans leurs offres de gros. Une discrimination tarifaire pourrait par ailleurs conduire à un effet de ciseau entre le tarif proposé par la branche de détail d'un opérateur mobile sur le marché aval et le tarif de gros proposé aux agrégateurs.
56. Il apparaît donc légitime que l'ARCEP puisse réguler la relation entre les opérateurs mobiles et les agrégateurs de manière à s'assurer de l'absence de discrimination technique et tarifaire. Dans le cadre de la régulation technique qu'elle est susceptible de mettre en œuvre, il est utile que l'ARCEP apporte les précisions nécessaires sur les prestations techniques accessibles aux agrégateurs dans le cadre de leur demande d'accès et d'interconnexion, sans préjudice de la possibilité pour elle, au vu des risques que pourrait présenter pour les consommateurs le développement massif de SMS publicitaires de type "spam”, de s'associer aux travaux de réflexion qui sont actuellement conduits en vue d'accroitre l'efficacité de l'encadrement déontologique actuel. »
En ce qui concerne les problèmes concurrentiels et la pertinence d'une régulation ex ante en outre-mer, l'Autorité de la concurrence indique, dans son avis précité (points 35 à 41) :
« 35. En outre-mer, les charges de terminaison d'appel SMS n'ont pas été régulées et présentent un caractère stable et très élevé, correspondant, selon l'ARCEP, à un des niveaux les plus élevés d'Europe.
36. Au-delà du niveau tarifaire, si une croissance des usages peut être relevée, elle reste cependant essentiellement imputable à une dynamique concurrentielle à La Réunion, pour laquelle les offres d'abondance SMS sont devenues en l'espace d'un an une composante importante du marché postpayé. Néanmoins, seul l'opérateur principal sur le marché commercialise ces offres sur le marché prépayé. Cette évolution ne s'est en revanche pas produite à Mayotte ni dans la zone Antilles-Guyane, où la consommation de SMS à l'unité reste le cœur de marché et les volumes consommés relativement faibles.
37. Il ressort de cette situation que le prix unitaire des SMS vendus sur la zone Antilles-Guyane ou à Mayotte est élevé et comparable à celui pratiqué en métropole antérieurement au premier cycle de régulation.
38. De la même manière qu'en métropole, cette situation de charge de terminaison SMS élevée est de nature à faire supporter à un petit opérateur une prise de risque beaucoup plus importante dans la construction d'offres de détail incluant une grande quantité de SMS sortants et peut conduire à des distorsions de concurrence envers les opérateurs dont le solde d'interconnexion SMS est négatif.
39. Ainsi, l'ARCEP considère qu'il apparaît aujourd'hui souhaitable d'étendre la présente analyse de marché aux terminaisons SMS sur les réseaux mobiles des DOM. En particulier, la mise en place d'un mouvement d'orientation des niveaux de charge de terminaison d'appel vers les coûts est de nature à apparaître dans les DOM comme un moyen d'instaurer une concurrence sur le marché de détail, notamment dans une perspective de dynamisation du marché par de petits opérateurs.
40. S'agissant de la question de l'instauration d'une asymétrie entre les charges de terminaison d'appel des différents opérateurs, l'ARCEP estime qu'aucune justification pertinente ne lui est apportée aussi bien sur d'éventuelles différences de coûts que sur les flux de trafic. Elle relève en particulier que les offres d'abondance commercialisées dans les DOM (Réunion, Antilles-Guyane) "ne sont pas encore totalement homogènes entre opérateurs, en termes de contraintes associées à l'usage SMS (all-net à certaines tranches horaires, all-net 24h/24) ou de segments de clientèle touchés (prépayé, postpayé)” et qu'en conséquence, "les soldes d'interconnexion SMS en volume entre opérateurs devraient rester volatiles dans les prochains mois dans un processus de convergence progressive des offres actuellement proposées sur le marché”.
41. Conformément à l'avis n° 06-A-05 rendu lors du premier cycle de régulation, l'instauration d'une régulation de la terminaison d'appel SMS dans ces départements est bienvenue. Elle est de nature à dynamiser le secteur des communications électroniques dans les DOM. »

4.3.2. Commentaires de l'Autorité

L'Autorité note que l'Autorité de la concurrence partage son analyse sur les problèmes concurrentiels sur les marchés de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles et la pertinence de poursuivre la régulation en métropole et de l'étendre à l'outre-mer.
En particulier, l'Autorité relève que l'Autorité de la concurrence partage son constat de problématiques concurrentielles entre agrégateurs de SMS et opérateurs mobiles.
Sur la nécessité, mentionnée par l'Autorité de la concurrence, d'apporter des précisions sur les prestations techniques accessibles aux agrégateurs dans le cadre de leur demande d'accès, l'Autorité indique dans le présent document les ouvertures techniques souhaitées actuellement par les agrégateurs de SMS et qu'elle estime relever d'une demande raisonnable. Plus généralement, et comme mentionné dans le présent document, l'Autorité entend mener des réunions multilatérales réunissant ces acteurs afin de faciliter la mise en œuvre d'ouvertures fonctionnelles.
Sur la nécessité de renforcer l'encadrement déontologique actuel, l'Autorité entend s'associer aux travaux de réflexion du secteur, comme l'y invite l'Autorité de la concurrence.

4.4. Prise en compte des observations de la Commission européenne
sur les problèmes concurrentiels identifiés et la pertinence d'une régulation ex ante

L'Autorité relève que la Commission européenne n'émet pas d'observation sur les problèmes concurrentiels identifiés ni sur la pertinence d'une régulation ex ante.