5.6.2. Réponses de l'Autorité
Sur l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès et d'interconnexion des opérateurs non mobiles
L'Autorité n'entend pas préjuger des modalités techniques d'interconnexion entre opérateurs mobiles et opérateurs non mobiles, le CPCE définissant l'« interconnexion » selon une approche technologiquement neutre, i.e. n'étant pas par définition synonyme d'un raccordement en SS7 mais désignant le raccordement entre deux exploitants de réseaux ouverts au public.
En particulier, l'Autorité n'est a priori pas opposée au maintien des architectures techniques de raccordement actuelles entre opérateurs mobiles et agrégateurs de SMS, sous réserve que les conditions techniques et contractuelles assorties permettent de répondre aux problématiques soulevées par l'Autorité dans la présente analyse.
L'Autorité considère par ailleurs qu'une demande d'interconnexion de type SS7 qui serait formulée par un opérateur non mobile ne devrait pas être refusée de facto mais étudiée de bonne foi au titre de la présente obligation et dûment justifiée en cas de refus, comme le précise l'article L. 34-8 du CPCE.
Suite au commentaire de BJT Partners, l'Autorité précise également que les frais fixes facturés par les opérateurs mobiles au titre de la mise en place de l'interconnexion ne doivent pas ériger de barrières à l'entrée qui seraient disproportionnées.
Sur la contribution de Dauphin Telecom tenant à sa demande d'une interconnexion directe sous protocole SIP avec Orange Caraïbe, l'Autorité, sans préjuger des conditions notamment techniques au cas d'espèce, rappelle qu'au titre de l'article L. 34-8 du CPCE, « les exploitants de réseaux ouverts au public font droit aux demandes d'interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public [...]. La demande d'interconnexion ne peut être refusée si elle est justifiée au regard, d'une part, des besoins du demandeur, d'autre part, des capacités de l'exploitant à la satisfaire. Tout refus d'interconnexion opposé par l'exploitant est motivé ».
Sur l'obligation de transparence
L'Autorité estime que la publication d'une offre de référence est justifiée et proportionnée et renvoie Orange aux arguments mentionnés précédemment.
Sur l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts
Sur le commentaire du groupe France Télécom-Orange mettant en avant le risque de spam induit par un niveau de terminaison d'appel SMS entre opérateurs mobiles à 1 c€, l'Autorité ne partage pas cette analyse et renvoie aux analyses des sources de spam mentionnée au 5.4.4.
Sur les commentaires de l'Association des utilisateurs du radiotéléphone et de Dauphin Telecom tenant à la tarification des SMS entre la métropole et l'outre-mer, l'Autorité entend effectivement, par la présente décision, créer des conditions de gros incitant au développement d'offres de SMS attractives entre la métropole et l'outre-mer, notamment au départ de la métropole. Par ailleurs, l'Autorité maintient sa position sur l'asymétrie transitoire de Bouygues Telecom jusqu'au 1er juillet 2011 et renvoie l'Association des utilisateurs du radiotéléphone aux arguments qu'elle a exposés plus haut.
Par ailleurs, l'Autorité rappelle que l'obligation d'orientation vers les coûts a vocation à s'appliquer à l'ensemble des offres d'interconnexion SMS, quelle que soit la qualification de l'acheteur. Toutefois, l'Autorité précise à l'agrégateur Atos Worldline que la signification de cette obligation n'est précisée en matière de plafonds tarifaires que pour les offres d'interconnexion SMS à destination des opérateurs mobiles tiers. Autrement dit, les niveaux tarifaires apparaissant dans la présente décision concernent la terminaison d'appel SMS entre opérateurs mobiles.
En réponse au commentaire d'Ocito, l'Autorité n'entend pas préciser les plafonds tarifaires s'appliquant aux offres d'interconnexion SMS à destination des opérateurs non mobiles (agrégateurs de SMS, opérateurs fixes, etc.), ces plafonds dépendant en particulier des modalités techniques retenues et des développements mis en place.
Sur le sujet de la lutte contre le spam
L'Autorité considère, comme Netsize, que l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur SMS, et en particulier les agrégateurs de SMS, doivent pouvoir contribuer aux réflexions sur la lutte contre le spam, de même que les éditeurs de services. L'Autorité pourra s'associer aux travaux de réflexion sectoriels, tout comme la CNIL.
En réponse au commentaire d'Ocito, l'Autorité précise que la présente décision n'emporte aucun effet sur la pratique actuelle des opérateurs mobiles consistant à sanctionner les agrégateurs indélicats.
Sur l'encadrement tarifaire imposé sur la zone Antilles-Guyane
L'Autorité comprend que les coûts mis en avant par Dauphin Telecom correspondent à des coûts de transit. Ils sont donc supportés par Dauphin Telecom pour les SMS sortants, en plus de la terminaison d'appel SMS facturée par l'opérateur de destination. Autrement dit, ces coûts ne sont pas encourus par Dauphin Telecom pour la terminaison d'appel SMS sur son réseau mais supportés, dans ce cas-là, par l'opérateur de départ du SMS.
Il n'y a donc pas lieu de les inclure dans le périmètre des coûts sous-jacents à la fourniture de la prestation de terminaison d'appel SMS de Dauphin Telecom, et donc dans le tarif de cette prestation, ce qui reviendrait à les faire payer deux fois par l'opérateur de l'appelant.
L'Autorité maintient donc l'encadrement tarifaire envisagé pour la terminaison d'appel SMS sur le réseau de Dauphin Telecom.
Sur l'encadrement tarifaire imposé sur la zone Réunion-Mayotte
L'Autorité précise à SRR que le principe selon lequel les opérateurs mobiles doivent s'assurer du respect de l'obligation de non-discrimination interne-externe dans l'exercice de tarification de leurs offres de détail a portée générale et s'applique à l'ensemble des opérateurs.
Sur le caractère inadapté du contrôle tarifaire envisagé par l'Autorité sur la zone et la possibilité selon SRR d'abaisser immédiatement les plafonds tarifaires au niveau des coûts en raison de l'absence de risque de déstabilisation des opérateurs, l'Autorité relève que, contrairement à SRR, la totalité des opérateurs mobiles qu'elle a interrogés, y compris SFR, ont mis en avant la nécessité de mettre en place une période de transition. Dès lors, l'Autorité maintient le contrôle tarifaire envisagé et précise qu'elle a néanmoins retenu une transition plus courte sur la zone Réunion-Mayotte que sur la zone Antilles-Guyane, compte tenu du fort développement du service SMS sur cette première zone.
Sur l'obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts
En réponse à la contribution de SRR à la consultation publique, l'Autorité estime que l'imposition de l'obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts est nécessaire et proportionnée pour SRR, mais également pour Orange Caraïbe, sur lequel elle pèse également, notamment afin de donner à l'Autorité les moyens de vérifier la mise en œuvre de l'obligation de non-discrimination en outre-mer.
5.7. Prise en compte des observations de la Commission européenne
sur les obligations envisagées
5.7.1. Observation de la Commission européenne sur les remèdes envisagés
L'Autorité relève que la Commission européenne n'a pas de commentaires sur les remèdes envisagés, à l'exception de l'obligation de non-discrimination, comme évoqués ci-après. En particulier, la Commission européenne n'émet pas de commentaires sur les plafonds tarifaires envisagés par l'Autorité pour la terminaison d'appel SMS entre opérateurs mobiles.
La Commission européenne émet en revanche une observation sur l'obligation de non-discrimination, plus particulièrement sur la réserve de réciprocité tarifaire envisagée par l'Autorité vis-à-vis des opérateurs mobiles tiers non régulés, qu'elle juge non conforme au droit européen, en soulignant que « l'ARCEP n'a pas correctement justifié la clause de réciprocité proposée ni expliqué comment celle-ci résoudrait le problème des tarifs excessifs de terminaison de SMS, promouvrait la concurrence sur le marché des services SMS, bénéficierait à l'utilisateur final et contribuerait au développement du marché intérieur. La Commission est d'avis que l'ARCEP devrait analyser de façon approfondie la question de savoir si la clause de réciprocité ne serait pas préjudiciable à l'utilisateur final, étant donné que, à défaut d'obligation stricte de non-discrimination, les ORM français et d'autres pays de l'UE peuvent avoir intérêt à ignorer les tarifs régulés et à augmenter leur tarifs de terminaison aux dépens des abonnés situés en France et dans d'autres pays de l'UE.
De plus, l'ARCEP aurait dû étudier plus en profondeur la question de savoir si la réglementation proposée ne faussera pas la concurrence aux dépens d'autres opérateurs de l'UE dès lors que ceux-ci sont soumis à des conditions différentes, empêchant ainsi le développement du marché intérieur des services SMS.
La Commission souligne que la clause de réciprocité constitue une mesure qui peut entraîner une discrimination indirecte interdite en vertu du droit de l'UE. La mesure proposée par l'ARCEP n'instaurerait pas de discrimination explicite entre les opérateurs de réseau français et ceux établis dans d'autres pays de l'UE mais elle aurait néanmoins pour effet de rendre la prestation de services uniquement à l'intérieur d'un Etat membre. En outre, la Commission est d'avis que l'ARCEP ne fournit pas de justification appropriée de la différence de traitement proposée. La différenciation de l'ARCEP, fondée sur la notion administrative d'opérateurs "régulés” et "non régulés”, manque de base rationnelle solide et est artificielle puisque tous les opérateurs établis dans d'autres pays de l'UE que la France doivent, de fait, être considérés comme "non régulés” et, par conséquent, peuvent être soumis à des conditions d'exploitation différentes, indépendamment de tout autre critère objectif concernant la fourniture de services SMS.
Enfin la Commission relève qu'il n'est pas prévu d'appliquer complètement la clause de réciprocité entre opérateurs nationaux régulés, ce qui rend le critère de différenciation encore moins évident. Ceux des ORM français régulés dont les tarifs sont bas ne peuvent donc pas exiger l'application de la même tarification par les opérateurs français régulés à des niveaux asymétriques plus hauts. Il est douteux qu'une clause de réciprocité qui n'est pas complètement appliquée au niveau national puisse être acceptée au niveau de l'UE.
Dans ce contexte, la Commission invite l'ARCEP à ne pas imposer la clause de réciprocité proposée dans la mesure finale ».
5.7.2. Réponse de l'Autorité
L'Autorité prend note de l'observation de la Commission européenne et entend, en réponse, justifier plus avant la réserve de réciprocité indiquée.
L'Autorité constate que le tarif unitaire moyen de terminaison d'appel SMS payé par les opérateurs mobiles français aux opérateurs internationaux est de 6 c€. Réciproquement, l'Autorité constate que le tarif unitaire moyen de terminaison d'appel SMS payé par les opérateurs internationaux aux opérateurs mobiles français est de 6 c€ également.
L'absence de réserve de réciprocité dans la présente décision aurait pour effet d'imposer aux opérateurs mobiles français de baisser unilatéralement leur tarif vis-à-vis des opérateurs internationaux de 6 c€ à 1 c€ à terme, sans une baisse équivalente des tarifs qui leur sont octroyés par les opérateurs internationaux. Cela aboutirait à une baisse de revenus de 80 % pour les opérateurs mobiles français, représentant au total une perte annuelle de 26 millions d'euros, non compensée par une baisse des coûts en contrepartie. L'Autorité estime que cette mesure ne serait pas proportionnée dans le cas des échanges entre opérateurs mobiles français et opérateurs mobiles internationaux compte tenu de l'importance de l'écart de tarifs qui en découlerait entre ces opérateurs. L'Autorité estime qu'elle serait, qui plus est, propre à fausser le jeu de la concurrence entre opérateurs mobiles, notamment à l'échelle européenne, au détriment des opérateurs mobiles français. En ce sens, la réserve de réciprocité apparaît justifiée compte tenu de l'objectif 2 b de l'article 8 de la directive « cadre », qui impose aux autorités réglementaires nationales de « [veiller] à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques ».
L'Autorité estime également que la réserve de réciprocité serait de nature à contribuer au développement du marché intérieur européen, en créant une incitation pour les opérateurs européens à abaisser leur propre tarif de terminaison d'appel SMS vis-à-vis des opérateurs mobiles français pour bénéficier des baisses imposées par l'ARCEP à ces derniers.
En effet, l'Autorité relève que le trafic SMS entre les opérateurs mobiles français et les opérateurs mobiles internationaux est en moyenne déséquilibré au détriment des opérateurs mobiles internationaux (rapport entrant/sortant moyen de l'ordre de 1,13 du point de vue des opérateurs mobiles français). Les niveaux élevés de terminaison d'appel SMS des opérateurs mobiles français pénalisent donc en moyenne les opérateurs mobiles internationaux, tant que le tarif de terminaison d'appel SMS n'est pas aux coûts. En conséquence, l'Autorité ne partage pas l'analyse de la Commission européenne sur le fait que « à défaut d'obligation stricte de non-discrimination, les ORM français et d'autres pays de l'UE peuvent avoir intérêt à ignorer les tarifs régulés et à augmenter leurs tarifs de terminaison aux dépens des abonnés situés en France et dans d'autres pays de l'UE ». Au contraire, l'ARCEP estime que l'incitation pour les opérateurs européens à abaisser leur propre tarif pour bénéficier des tarifs français régulés est réelle en cas de déséquilibre de trafic à leur détriment et dans le cas où les opérateurs concernés raisonnent en termes de soldes d'interconnexion et non seulement en termes de chiffre d'affaires sur l'entrant. Les obligations imposées par l'Autorité aux opérateurs mobiles français par la présente décision permettent donc de remédier à cette distorsion concurrentielle éventuelle et répondent aux objectifs, mentionnés par la Commission européenne dans son observation, de « promouvoir la concurrence sur le marché des services SMS, bénéficier à l'utilisateur final et contribuer au développement du marché intérieur ».
Dans le cas contraire où le trafic SMS serait déséquilibré entre un opérateur mobile français et un opérateur mobile international au détriment de l'opérateur mobile français, le problème des « tarifs excessifs de terminaison de SMS » mentionné par la Commission européenne relève donc davantage des tarifs de l'opérateur international, que l'Autorité n'est pas compétente à réguler. Dans le cas particulier d'un opérateur mobile européen, la résolution de cette distorsion concurrentielle éventuelle induite par des tarifs excessifs et la réponse aux objectifs de promotion de la concurrence et de développement du marché intérieur ne peuvent être apportées que par la mise en place d'une régulation dans l'Etat membre de l'opérateur européen visé. Or le marché de la terminaison d'appel SMS ne fait pas partie de la liste des marchés pertinents susceptibles d'être soumis à une régulation ex ante définie par la Commission européenne dans sa recommandation du 17 décembre 2007. Dans ce contexte, une application stricte du principe de non-discrimination (et l'octroi à tout demandeur du tarif régulé, indépendamment de sa situation tarifaire objective pour la même prestation de terminaison d'appel SMS) reviendrait à accentuer la distorsion concurrentielle subie par l'opérateur mobile français. La réserve de réciprocité tarifaire mentionnée par l'Autorité permet de prévenir cet effet et apparaît justifiée et proportionnée. Cette possibilité apparaît dès lors compatible avec la jurisprudence européenne, qui reconnaît qu'une discrimination illégale peut naître de l'application uniforme d'une même règle à des acteurs dans des situations différentes (42).
Par ailleurs, la Commission européenne indique qu'« au cas où [les opérateurs établis dans d'autres pays de l'UE] n'accepteraient pas le niveau de prix régulé en France, ou ne seraient pas régulés à ce niveau de prix, un prix non régulé plus élevé serait appliqué ». En réponse à cette observation, l'Autorité précise dans la présente décision le champ d'application de cette réserve de réciprocité. Comme indiqué plus haut, cette réserve de réciprocité tarifaire ne saurait être justifiée dans le cas où l'opérateur mobile acheteur proposerait en retour un tarif de terminaison d'appel SMS sur son propre réseau inférieur au plafond tarifaire défini dans la présente décision pour la terminaison d'appel SMS sur le réseau de l'opérateur mobile français régulé. Cette réserve ne saurait pas non plus être justifiée dans le cas où l'opérateur mobile acheteur serait lui-même régulé pour la prestation de terminaison d'appel SMS sur son propre réseau, quel que soit le niveau tarifaire en résultant.
Sur ce dernier point, l'Autorité note en particulier le projet de régulation de la terminaison d'appel SMS au Danemark, mis en consultation publique au 1er juillet 2010, qui prévoit une orientation progressive vers les coûts des tarifs de terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles danois et un premier plafond tarifaire de 0,16 couronnes danoises par SMS-MT en 2010 (soit environ 2,15 c€).
Au demeurant, cette question, qui est susceptible d'impliquer des opérateurs de deux Etats membres de l'Union européenne, semble pouvoir être soulevée dans le cadre d'un règlement de différend transfrontalier. Cette procédure ― impliquant, conformément à l'article 21 de la directive « cadre » modifiée, l'ORECE et les autorités de régulation nationales des deux Etats impliqués ― apparaît adaptée pour apprécier, le cas échéant, les différences des acteurs et décider de leurs tarifs réciproques dans un souci d'harmonisation du marché intérieur européen.
Sur la non-application de la réserve de réciprocité aux échanges entre opérateurs mobiles métropolitains et ultramarins, l'Autorité estime qu'elle n'est pas nécessaire en ce que l'écart entre les tarifs régulés sur les différents territoires n'est pas du même ordre de grandeur que vis-à-vis de l'international et est transitoire, annulé au plus tard au 1er janvier 2013.
(42) Cf. notamment : décision Racke c/Hauptzollamt Mainz, 13 novembre 1984, aff. 283/83.
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