La loi de finances pour 2001, adoptée le 20 décembre 2000, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante sénateurs. Les requérants adressent à la loi plusieurs séries de critiques qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur l'article d'équilibre
A. - L'article 46 de la loi déférée est « l'article d'équilibre » qui clôt la première partie de la loi de finances par l'évaluation des ressources du budget, la fixation des plafonds de charges et la détermination de l'équilibre général qui en résulte.
Pour critiquer cet article, les auteurs de la saisine invoquent deux griefs.
En premier lieu, cet article contreviendrait à l'article 31 de l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en ce qu'il ne comporte pas d'évaluation du montant des ressources d'emprunt et de trésorerie.
En second lieu, l'article d'équilibre serait contraire aux principes de sincérité et d'universalité. Trois points sont mentionnés à ce titre : l'affectation de ressources fiscales au fonds de financement de la réforme de cotisations patronales de sécurité sociale et l'absence d'évaluation des dépenses de ce fonds, l'évaluation des recettes du compte d'affectation spéciale no 902-24 et la non-prise en compte de « plusieurs crédits extrabudgétaires des ministères ».
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
- S'agissant de l'évaluation des ressources d'emprunt et de trésorerie, deux observations peuvent être faites.
En premier lieu, si la mention de cette évaluation figure effectivement à l'article 31 de l'ordonnance de 1959, elle ne paraît pas être de même nature que les autres éléments de contenu de la première partie de la loi de finances que définit cet article.
En effet, dans la logique même de l'ordonnance organique de 1959, qui précise par ses articles 1er, 3, 6 et 15 les notions de ressources et de charges de l'Etat - par opposition aux opérations de trésorerie qui n'ont pas à être prises en compte par le budget - les ressources d'emprunt et de trésorerie n'entrent pas dans « les voies et moyens » qui assurent l'équilibre financier retracé par la loi de finances. Le montant de ces ressources est au demeurant déterminé par un ensemble de facteurs qui ne résultent pas uniquement du solde à financer des opérations budgétaires.
Ceci explique que, depuis l'origine, cette mention de l'article 31 ait été implicitement mais constamment interprétée comme signifiant qu'une information du Parlement était requise sur ce point, mais non un vote sur une disposition figurant dans le projet.
Or, en second lieu, il ressort clairement de divers documents que le Parlement a été informé de manière aussi rapide et précise que possible du programme des opérations d'emprunt pour l'année 2001.
On se bornera à citer, à cet égard, le rapport spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale présenté par M. Carcenac, dont les pages 32 et suivantes comportent des indications détaillées, précédées de l'appréciation suivante :
« Votre rapporteur spécial se réjouit que, comme les années précédentes, puisse être publié dans le présent rapport un tableau de financement du Trésor portant à la fois sur les résultats définitifs de l'année écoulée, sur les prévisions initiales de l'année en cours et, surtout, sur le financement prévisionnel de l'année à venir. C'est, en effet, en fonction de sa configuration que sont bâties certaines des hypothèses relatives à la détermination de la charge de la dette en 2001.
« Pour autant, le tableau de financement du Trésor pour 2001 qui est présenté en page 35 ne saurait préjuger ni des besoins qui seront effectivement constatés durant l'exécution des lois de finances en 2001 ni des modalités de couverture de ces besoins. Celles-ci seront arrêtées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la fin de l'année 2000 ou au tout début de l'année 2001. »
- S'agissant du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), les questions soulevées par les requérants ont été, pour l'essentiel, déjà évoquées et tranchées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment, à propos précisément du FOREC, dans ses décisions relatives à la loi de finances pour 2000 (no 99-424 DC du 29 décembre 1999) et à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (no 99-422 DC du 21 décembre 1999). On se bornera donc à rappeler :
- qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit d'affecter un impôt à un établissement public, qu'il s'agisse d'un impôt nouveau ou d'un impôt précédemment affecté à l'Etat (voir notamment no 82-132 DC du 16 janvier 1982, no 82-152 DC du 14 janvier 1983, no 98-403 DC du 29 juillet 1998) ;
- qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution et des dispositions de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, les lois de finances ont pour objet de déterminer les ressources et les charges de l'Etat, mais non celles des établissements publics, qui sont des personnes publiques dotées de l'autonomie financière. Dès lors que les dépenses en cause ne constituent pas des dépenses permanentes incombant par nature à l'Etat et ont pu légitimement être mises à la charge du FOREC, il n'appartient plus à la loi de finances d'en connaître, contrairement à ce que soutiennent les requérants ; sur ce point, la décision, déjà citée, du 29 décembre 1999 est parfaitement explicite.
Au demeurant, la mesure en cause, qui résulte de l'article 29 de la loi déférée, accroît les ressources fiscales affectées au FOREC sans changer la nature des interventions de celui-ci ni de son financement : il s'agit en fait de combler une insuffisance qui résulte de la montée en charge du coût des allégements de cotisations sociales, en complétant le dispositif initialement prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
- L'évaluation des ressources du compte d'affectation spéciale no 902-24, qui enregistre les produits de cession de titres, parts et droits de sociétés, a déjà été mise en cause à plusieurs reprises dans le cadre de recours contre les lois de finances, notamment celle de 1995 (no 94-351 DC du 29 décembre 1994) et celle de 1999 (no 98-405 DC du 29 décembre 1998).
Dans ces décisions, le Conseil constitutionnel a écarté des critiques tirées du caractère « irréaliste » des recettes attendues des opérations de cession de participations publiques, en soulignant que ces recettes, comme l'ensemble des ressources de l'Etat retracées dans la loi de finances, « présentent un caractère prévisionnel et doivent tenir compte des effets économiques et financiers de la politique que le Gouvernement entend mener », ainsi que de « la liste des entreprises dont la privatisation a été autorisée par la loi du 19 juillet 1993 ».
Les évaluations de recettes et de dépenses du compte no 902-24 pour 2001 répondent à cette définition. Elles correspondent globalement aux opérations prévues par le Gouvernement dans le cadre de la politique qu'il entend mener en matière d'évolution du secteur public, sachant que, bien évidemment, de telles opérations sont par nature marquées d'un fort aléa, notamment lorsqu'elles doivent être réalisées en bourse.
- S'agissant, enfin, des « crédits extrabudgétaires » mentionnés par la saisine, on observera que cette critique n'est assortie d'aucune précision ou explication qui permettrait d'en apprécier la portée.
En tout état de cause, on peut souligner qu'un effort très important de régularisation a été entrepris dans la période récente, notamment pour faire suite à des observations du Parlement et de la Cour des comptes, de façon à réintégrer dans la comptabilité budgétaire l'ensemble des recettes et dépenses qui en relèvent. Ainsi, l'exercice 2001 sera marqué par la « rebudgétisation » des fonds extrabudgétaires correspondant à l'activité bancaire et d'épargne du Trésor public ; cette mesure, significative par les montants en cause (plus d'un milliard de francs), traduit l'engagement pris par le Gouvernement, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de la loi de finances pour 1999, de parachever en 2001 le processus.
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