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Avis de l'Autorité sur l'exécution des contrats d'objectifs et de moyens des médias audiovisuels publics 2020-2022
Préambule
Les contrats d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, conclus pour la période 2020-2022, sont articulés autour d'un cadre commun aux trois sociétés et d'objectifs propres à chacune d'entre elles. L'Autorité, comme l'an passé, a fait le choix de rendre compte de l'exécution de ces contrats dans un avis unique. Cet avis est alimenté par les rapports d'exécution remis par les trois sociétés et par des échanges avec les représentants de ces dernières.
Plusieurs éléments ont marqué l'activité des médias de l'audiovisuel public en 2021 et au cours de l'année 2022 :
- la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, annoncée par le Président de la République le 7 mars 2022, a été votée par la représentation nationale dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2022. En substitution, une fraction du produit de la TVA a été affectée au financement des sociétés publiques. Une prolongation d'un an de la durée des COM actuels a également été annoncée à cette occasion. L'Autorité rappelle son attachement à ce que les sociétés publiques disposent d'une trajectoire financière pluriannuelle prévisible et garante de leur indépendance ;
- l'accélération de l'évolution des usages, constatée en 2020 à la faveur du confinement, s'est confirmée en 2021. Les acteurs audiovisuels historiques doivent cohabiter avec des acteurs globaux désormais bien installés sur le marché français et ainsi opérer dans un environnement concurrentiel renouvelé. Ces évolutions structurelles, également à l'œuvre chez nos voisins européens, ont modifié en profondeur les relations entre les acteurs et les modèles économiques de chacun d'entre eux. Elles ont conduit les opérateurs historiques à se transformer pour s'adapter aux nouveaux modes de consommation et à aller chercher de nouveaux relais de croissance. Ainsi, le service public doit poursuivre ses efforts pour investir massivement, tant sur le plan technologique pour rendre son offre la plus largement accessible, que sur celui des programmes pour accroître encore l'attractivité de ses contenus aptes à toucher tous les publics ;
- la guerre en Ukraine a mis en avant les enjeux liés à la promotion de l'Europe et de ses valeurs, à la lutte contre la désinformation et à la mise en perspective des tensions internationales, enjeux qui concernent particulièrement l'audiovisuel public.
- Synthèse
Le nombre d'objectifs atteints en 2021, bien que très majoritaire, est en retrait par rapport à l'année précédente.
L'état de la réalisation des objectifs de l'année 2020 avait été très satisfaisant avec, pour les trois sociétés, 26 objectifs majoritairement ou totalement remplis, sur 31. Il s'agissait cependant d'un exercice particulier car, comme l'avait relevé le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans son avis, ces objectifs avaient été définitivement arrêtés alors que l'année était déjà très avancée. De surcroît, la crise sanitaire avait dynamisé les audiences et contribué favorablement au respect de certains indicateurs.
L'année 2021 constitue donc la première année de pleine application des COM. Le nombre d'objectifs totalement ou majoritairement atteints a diminué (23 sur 31, pour les trois sociétés). Notamment, la plupart des indicateurs d'audience numérique des trois groupes ont reculé. Toutefois, des engagements majeurs ont été respectés puisque les trois groupes sont à l'équilibre d'exploitation et ont réalisé de très bonnes audiences linéaires.
Les engagements pris par les opérateurs publics pour soutenir le secteur de la création ont été respectés.
Conformément au plan de relance mis en place par le Gouvernement, les entreprises ont accru leurs commandes auprès du secteur de la création. L'indicateur du COM de Radio France trace ainsi une augmentation de 25 % du nombre d'œuvres commandées en 2021 (contre seulement + 4 % en 2020) pour s'établir à 327 unités (dépassant largement l'objectif de 250). La direction de la musique et de la création a doublé son budget de commandes (300 000 € en 2021), même s'il semble englober des commandes de montants parfois modestes. Cet effort doit être poursuivi afin notamment d'augmenter en 2022 le nombre de concerts accueillis par la Maison de la Radio et de la Musique et de consacrer en conséquence un budget plus important aux commandes.
Quant à France Télévisions, ses investissements dans la création audiovisuelle et cinématographique sont passés de 482 M€ en 2020 à 500 M€ (+ 3,7 %), à la suite du relèvement de son engagement annuel inscrit dans le COM. La création de la chaîne Culturebox en février 2021, diffusée en soirée sur France 4 à partir de mai 2021, a par ailleurs conduit à une augmentation des captations de spectacles vivants du groupe (diffusion de 48 spectacles inédits en 2021).
Une masse salariale maîtrisée et des réformes structurelles et organisationnelles à poursuivre.
Dans un contexte de réduction de la ressource publique jusqu'en 2022, les sociétés de l'audiovisuel public ont entrepris de stabiliser voire de réduire leur masse salariale, notamment au moyen de plans de départs volontaires.
En outre, les trois entreprises ont, à des degrés divers, engagé des changements dans leurs modes d'organisation.
Radio France a ainsi poursuivi en 2021 le redimensionnement des effectifs du chœur et des deux orchestres (Orchestre Philharmonique de Radio France et de l'Orchestre national de France) ainsi que l'optimisation des fonctions supports des orchestres grâce à la prise en compte d'outils nouveaux ou à des modifications d'organisation. Le groupe public a par ailleurs lancé le projet Prod'Cast, qui porte sur l'évolution de la chaine de production et de diffusion radio et une approche par le biais d'expérimentation, sans réduction d'effectifs.
France Médias Monde a pour sa part renforcé les liens et les synergies au sein de ses antennes (rapprochements entre RFI et France 24 et entre Monte Carlo Doualiya et France 24). France Télévisions a poursuivi l'adaptation de son organigramme aux enjeux du numérique et la réorganisation de la filière outre-mer.
Les résultats de ces réformes, menées essentiellement à partir de 2021, ne sont pas encore mesurables dans les comptes annuels ou les indicateurs du COM. L'Autorité souligne leur importance et la nécessité pour les trois sociétés de les poursuivre.
Un bilan des coopérations toujours mitigé qui confirme l'analyse présentée par l'ARCOM dans son précédent avis sur l'exécution des COM.
Dans son avis du 15 janvier 2021 sur les projets de COM, le CSA avait regretté le manque d'ambition de ces derniers en matière de synergies au sein de l'audiovisuel public et l'absence de structure de pilotage ou de coordination des chantiers communs.
Si les retards constatés dans la mise en œuvre de ces synergies en 2020 pouvaient être imputés à la crise sanitaire, tel n'est plus le cas en 2021. De fait, la coopération au sein de l'audiovisuel public demeure limitée et la convergence TV-radio est très en-deçà de la situation d'autres services publics européens.
Ainsi, si certains partenariats inscrits dans le COM sont effectifs (par exemple la plateforme éducative Lumni), tous n'ont pas atteint, à fin 2021, l'objectif fixé par les contrats. Il en va ainsi en particulier des partenariats dans le domaine de l'information régionale, les réalisations étant en deçà des ambitions affichées, qu'il s'agisse des matinales de France Bleu diffusées sur France 3, de la plateforme numérique d'informations locales « Ici », l'ensemble de ces projets souffrant d'une absence de projet éditorial partagé. Les projets communs dans le domaine du numérique se sont traduits principalement par la juxtaposition des contenus produits par les trois sociétés publiques (Lumni, Culture Prime, Ici, etc.).
Il appartiendra à l'Etat et aux sociétés publiques de déterminer les nouveaux domaines de convergence dans les prochains COM, en s'inspirant des réflexions déjà menées sur le sujet. Des modalités efficaces de suivi et de mise en œuvre de ces chantiers communs devront également être arrêtées, qui ne peuvent reposer sur la seule initiative des entreprises.
Une place de l'Europe encore insuffisante.
L'information sur l'actualité européenne, qui constitue une des cinq missions prioritaires assignée à l'audiovisuel public par les COM (1), a enregistré en 2021 une certaine progression (2). Pour autant, un rapport parlementaire a conclu en 2021 à l'insuffisance de la place accordée à l'Europe sur les principaux médias audiovisuels d'information, notamment publics (3). Si ce rapport relève les efforts significatifs de franceinfo : et de France Télévisions pour la création d'émissions ou de grands rendez-vous, il pointe la situation plus favorable de pays voisins dont la France devrait s'inspirer et déplore les moyens insuffisants consacrés en France à ce thème.
Dans un contexte de crise aux portes de l'Union européenne, l'Autorité considère qu'il est effectivement indispensable d'accorder à l'actualité européenne et à ses institutions la place qui leur revient. Ce rôle ne peut et ne doit pas être seulement dévolu à Arte, dont les parlementaires ont relevé le travail important dans ce domaine. Il convient sans doute d'engager une réflexion pour identifier les indicateurs qui inciteraient nos services publics à davantage parler de l'Europe et à informer nos concitoyens des avancées de l'Union européenne.
(1) « Culture et création, Jeunesse et éducation, Information, Proximité, Europe et actions extérieures ».
(2) Notamment sur France Télévisions, passage en diffusion hebdomadaire de « Nous les Européens » et séquence dédiée du 13 heures, sur franceinfo :.)
(3) Rapport d'information du 20 octobre 2021 déposé par la commission des affaires européennes relatif à la prise en compte des sujets européens dans les médias audiovisuels.
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