JORF n°0045 du 22 février 2014

Décret n°2014-187 du 20 février 2014

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'intérieur,

Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 12 à 14 ;

Vu le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 235-1 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment les II et IV de son article 26 ;

Vu l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés du 14 février 2013 ;

Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,

Décrète :

Article 1

Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale, direction générale de la gendarmerie nationale et préfecture de police) est autorisé à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel appelés "Diffusion et partage de l'information opérationnelle".

Ces traitements ont pour finalité de faciliter la diffusion et le partage d'informations opérationnelles détenues par les différents services ou unités de la police et de la gendarmerie nationales investis de missions de police judiciaire, sur les enquêtes en cours ou les personnes qui en font l'objet ainsi que l'activité judiciaire de ces services ou unités.

Les traitements peuvent recueillir des données à caractère personnel collectées au cours :

― des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime, délit ou contravention connexe à ce crime ou délit ;

― des procédures de recherche des causes de la mort ou d'une disparition prévues aux articles 74 et 74-1 du code de procédure pénale ;

― des procédures de recherche des personnes en fuite ou des actes visant à assurer l'exécution d'une peine diligentés en application des articles 74-2 et 709 du code de procédure pénale.

Les traitements peuvent contenir des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, dans les seuls cas où ces données résultent de la nature ou des circonstances de l'infraction ou se rapportent à des signes physiques particuliers, objectifs et permanents, en tant qu'éléments de signalement des personnes, dès lors que ces éléments sont nécessaires à la recherche et à l'identification des auteurs d'infractions ou des personnes recherchées mentionnées au présent article.

Il est interdit de sélectionner dans le traitement une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules données.

Article 2

Les catégories de données à caractère personnel et les informations enregistrées dans le traitement sont définies en annexe au présent décret.
Ces traitements ne comportent pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.

Article 3

Les données enregistrées dans les traitements ne peuvent pas concerner des mineurs de dix ans, sauf s'ils sont victimes ou font l'objet d'une procédure de recherche des causes de la mort ou d'une disparition prévues aux articles 74 et 74-1 du code de procédure pénale.

Article 4

1° Les données mentionnées en annexe ne peuvent être conservées, à compter de leur date d'enregistrement dans les traitements, plus de :

― six ans pour les délits ;

― dix ans pour les crimes et les procédures de recherche des causes de la mort ou d'une disparition prévues aux articles 74 et 74-1 du code de procédure pénale.

2° Les données sont supprimées avant les délais mentionnés au 1° du présent article si leur conservation n'est plus nécessaire à la finalité des traitements.

Article 5

I. ― Ont accès, dans la limite du besoin d'en connaître et à raison de leurs attributions légales, aux données enregistrées dans les présents traitements, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale individuellement désignés, spécialement habilités par leur supérieur hiérarchique et affectés dans les services ou unités de la police et de la gendarmerie nationales chargés de missions de police judiciaire.

II. - Peuvent être destinataires, de tout ou partie de ces données, dans la limite du besoin d'en connaître, à raison de leurs attributions légales et sur demande expresse :

1° Les agents de la police nationale, pour les missions de police judiciaire qui leur sont confiées ;

2° Les militaires de la gendarmerie nationale, pour les missions de police judiciaire qui leur sont confiées ;

3° Les agents des douanes, pour les missions de police judiciaire qui leur sont confiées ;

4° Les autres personnels de l'Etat investis par la loi d'attributions de police judiciaire ou de lutte contre la fraude, pour les recherches relatives aux infractions dont ils ont à connaître ;

5° Les magistrats du parquet ou les magistrats instructeurs ;

6° Les organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire et les services de police étrangers, dans les conditions prévues à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure et aux articles 695-9-31 à 695-9-49 du code de procédure pénale ;

7° Les agents de police municipale, à l'initiative des agents des services de la police nationale ou des militaires des unités de la gendarmerie nationale dans le cadre des recherches des personnes disparues et des véhicules volés.

Afin de parer à un danger pour la population, les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale peuvent, à titre exceptionnel, transmettre oralement aux agents de police municipale certaines informations relatives à une personne inscrite dans les traitements de diffusion de l'information opérationnelle.

Article 6

I. - Le droit d'opposition prévu à l'article 110 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ne s'applique pas aux présents traitements.

II. - Conformément aux articles 105 à 106 de la même loi, les droits d'accès, de rectification, d'effacement et à la limitation des données s'exercent directement auprès du responsable du traitement.

Afin d'éviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires ou d'éviter de nuire à la prévention ou à la détection d'infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou à l'exécution de sanctions pénales ou de protéger la sécurité publique, les droits d'accès, de rectification, d'effacement et à la limitation des données peuvent faire l'objet de restrictions en application des 2° et 3° du II et du III de l'article 107 de la même loi.

La personne concernée par ces restrictions exerce ses droits auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans les conditions prévues à l'article 108 de la même loi.

Article 7

Les opérations de collecte, de modification, de consultation, de communication et d'effacement des données à caractère personnel et informations font l'objet d'un enregistrement. Les opérations de consultation et de communication enregistrées établissent l'identifiant de l'auteur, la date, l'heure, le motif de l'opération et, le cas échéant, les destinataires des données. Ces informations sont conservées pendant un délai de trois ans.

Article 8

La mise en œuvre des traitements par les services ou les unités de la police et de la gendarmerie nationales est subordonnée à l'envoi préalable à la Commission nationale de l'informatique et les libertés, en application du IV de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, d'un engagement de conformité, accompagné d'un dossier technique de présentation, faisant référence au présent décret.

Article 9

Le présent décret dans sa rédaction résultant du décret n° 2024-354 du 16 avril 2024, est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des dispositions suivantes :

1° Pour son application dans les îles Wallis et Futuna, le 7° de l'article 5 est supprimé ;

2° (Abrogé) ;

3° Pour l'application dans les Terres australes et antarctiques françaises de l'article 5, au 6°, les mots : "à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure et" sont supprimés, pour l'application de l'annexe, au dernier alinéa, les mots : “à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure ou” sont supprimés, et le 7° est supprimé ;

4° Pour l'application de l'annexe, la référence au numéro de SIRET est remplacée, en tant que de besoin, par la référence au numéro du répertoire des entreprises applicable dans les îles Wallis et Futuna, au numéro du répertoire TAHITI en Polynésie française ou au numéro du répertoire RIDET en Nouvelle-Calédonie.

Article 10

La garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur et le ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 20 février 2014.

Jean-Marc Ayrault

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'intérieur,

Manuel Valls

La garde des sceaux,

ministre de la justice,

Christiane Taubira

Le ministre des outre-mer,

Victorin Lurel