JORF n°0146 du 25 juin 2022

Décision n°01-40-20 du 19 mai 2022

Le comité de règlement des différends et des sanctions (« le comité »),
Une saisine, introduite par le président de la Commission de régulation de l'énergie (« la CRE »), a été enregistrée le 25 février 2020, sous le numéro 01-40-20, à l'encontre de la société Engie.
Elle est relative au non-respect par la société Engie du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (ci-après le « règlement REMIT »).

  1. Procédure suivie par la Commission de régulation de l'énergie

Le 12 avril 2017, la CRE a reçu une déclaration de suspicion (« Suspicious Transaction Report » ou « STR ») concernant le comportement de la société Engie le 23 janvier 2017 et portant sur des produits infra-journaliers. A la suite de cette STR, la CRE a exercé sa mission de surveillance des marchés de gros de l'énergie.

1.1. Demande d'informations de la Commission de régulation de l'énergie dans le cadre de sa mission de surveillance des marchés de gros

Par lettre du 11 décembre 2017, la Commission de régulation de l'énergie a adressé à la société Engie une première demande d'informations en application des dispositions de l'article L. 134-18 du code de l'énergie.
La CRE demandait à la société Engie de lui fournir, dans les vingt jours à compter de la réception de cette lettre, notamment les ordres émis et les transactions réalisées pour livraison en France le 23 janvier 2017 via les marchés intermédiés et de gré à gré, des explications concernant certains ordres d'achat et transactions effectués sur le marché infra-journalier d'EPEX SPOT pour livraison en France le 23 janvier 2017 ainsi que des informations sur les communications téléphoniques et/ou écrites qui ont eu lieu entre les équipes concernées par les programmes de production des unités Cycofos et Combigolfe et les équipes en charge du trading, lors de cette même journée.
Par courrier électronique du 12 décembre 2017, la société Engie a demandé un délai supplémentaire pour sa réponse, qui lui a été accordé par courrier électronique du 14 décembre 2017 des services de la CRE.
Par courrier électronique du 22 décembre 2017, la société Engie a demandé des précisions sur la portée de la demande relative aux ordres émis et aux transactions réalisées pour livraison en France le 23 janvier 2017 via les marchés intermédiés et de gré à gré. Les services de la CRE lui ont répondu par courrier électronique du 9 janvier 2018, en lui confirmant que la demande portait, comme la société Engie le comprenait, sur tous les produits pour livraison en France le 23 janvier 2017 (tous horizons confondus, y compris crossborders et quel que soit le pays d'origine).
Par lettre du 30 janvier 2018, la société Engie a apporté les éléments en réponse à la première demande d'informations du 11 décembre 2017.
Par lettre du 5 septembre 2018, la CRE a adressé à la société Engie une seconde demande d'informations, portant notamment sur les communications écrites et téléphoniques entre les équipes en charge des opérations de marché (Trading), celles en charge de l'optimisation des actifs de production (Dispatch) et celles en charge de la production (Generation) lors de la journée du 23 janvier 2017 ainsi que sur les procédures internes encadrant les modalités d'interactions entre les équipe Dispatch et Trading au sein de la société Engie.
Par lettre du 5 octobre 2018, la société Engie a fourni les éléments en réponse à la seconde demande d'information du 5 septembre 2018. A l'occasion de cette réponse, la société Engie a également précisé que l'horodatage des enregistrements téléphoniques adressés à la CRE le 30 janvier 2018 était décalé d'environ 1 minute et 25 secondes en moins par rapport à l'heure réelle, du fait de l'absence de synchronisation automatique de la plateforme d'enregistrement des conversations téléphoniques Etrali avec l'heure atomique. Elle a, alors, fourni une liste des conversations téléphoniques avec l'horodatage rectifié.

1.2. Ouverture d'une enquête en application des dispositions de l'article L. 135-3 du code de l'énergie

A la suite de ces échanges, le 28 octobre 2019, en application des dispositions de l'article L. 135-3 du code de l'énergie (1), le président de la CRE a établi un ordre de mission désignant Monsieur Ouili Nana, chargé de mission habilité par décision du 8 octobre 2019 et en fonction au sein du département de la surveillance approfondie et des enquêtes, aux fins de procéder à l'enquête visant à établir si la société Engie s'était livrée, le 23 janvier 2017, à des pratiques susceptibles de constituer un manquement à l'article 3 du règlement REMIT.
L'ouverture de l'enquête, son objet ainsi que l'identité de l'agent chargé de procéder à cette enquête, (l'« agent enquêteur »), ont été notifiés à la directrice générale de la société Engie par une lettre du président de la CRE du 28 octobre 2019.

(1) Le premier alinéa de l'article L. 135-3 du code de l'énergie dispose : « Les agents de la Commission de régulation de l'énergie habilités à cet effet par le président procèdent aux enquêtes nécessaires pour l'accomplissement des missions confiées à la commission. »

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Engie: Procédure de sanction pour manquement au règlement REMIT

Résumé Engie est accusé d'avoir donné une information privilégiée à son équipe de trading avant sa diffusion publique, violant ainsi le règlement REMIT. Des mesures ont été prises pour améliorer la gestion des informations privilégiées et éviter de futures violations. La procédure de sanction est en cours d'instruction.

1.3. Notification d'un procès-verbal pris en application des dispositions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie

Conformément aux dispositions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie, et au regard des éléments recueillis au cours de son enquête, l'agent enquêteur a établi le procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019.
Après y avoir présenté la procédure antérieure suivie par la CRE ainsi que le secteur et l'entreprise concernée, il a procédé à la description des faits ayant caractérisé le comportement suspect d'Engie à l'origine de l'ouverture de l'enquête.
L'agent enquêteur a considéré, après analyse des faits relevés, que la société Engie avait méconnu les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous a et sous b du règlement REMIT, relatives à l'interdiction des opérations d'initiés, et a conclu de la manière suivante :

  1. La communication de la prolongation de l'arrêt de l'unité de production de Combigolfe par l'équipe Dispatch à l'équipe Trading avant la publication de celle-ci sur le site de transparence d'Engie constitue un manquement aux dispositions de l'article 3(1)(b) du règlement REMIT ;
  2. Le comportement d'Engie sur le marché infra-journalier lors de la journée du 23 janvier 2017, et notamment la réalisation de cinq transactions à des fins d'équilibrage sur EPEX SPOT pour les produits H11 et H12 entre 06:01:08 et 06:01:17, constitue un manquement aux dispositions de l'article 3(1)(a) du règlement REMIT ».
    Ce procès-verbal a été notifié à la société Engie le 6 décembre 2019, cette dernière ayant été invitée, conformément à l'article L. 135-12 du code de l'énergie, à présenter ses observations dans un délai de 15 jours. Le 18 décembre 2019, l'agent enquêteur a fait droit à la demande de délai supplémentaire présentée par la société Engie et l'a invitée à adresser ses observations en réponse au plus tard le 31 janvier 2020.

1.4. Observations de la société Engie en réponse au procès-verbal

La société Engie a communiqué le 31 janvier 2020 ses observations écrites en réponse au procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019. Elle a également demandé à présenter des observations orales, demande à laquelle l'agent enquêteur a répondu le 20 février 2020 qu'une rencontre ne lui paraissait pas nécessaire.
Dans ses observations écrites, la société Engie souligne en substance qu'afin de se conformer au règlement REMIT, elle a mis en œuvre un modèle d'organisation reposant d'une part sur une stricte séparation entre les activités de production (Generation), et, d'autre part, les activités d'optimisation des actifs de production (Dispatch) et de Trading. Elle indique par ailleurs avoir mis en œuvre une procédure de traitement des informations privilégiées entre ces différentes activités, et aux termes de laquelle après communication de l'information privilégiée par Generation à Dispatch, Dispatch indique à Short Term Trading, par téléphone sur une ligne enregistrant les communications, d'arrêter toute activité de Trading en lien avec le marché concerné jusqu'à la publication de l'information privilégiée - laquelle va ainsi perdre cette nature - sur le site de transparence d'Engie (l'ordre est donné oralement par les termes « stop trading ! »). Toutefois et pour préparer les opérations de Short Term Trading à mettre en œuvre aussitôt que l'information privilégiée aura perdu cette nature par sa publication, cette procédure ne fait pas obstacle à la communication entre Dispatch (qui doit optimiser les actifs de production) et Short Term Trading des informations indispensables au rééquilibrage de la position d'Engie affectée par une indisponibilité d'un actif de production du groupe. Enfin, la société Engie relève qu'elle a mis en œuvre une politique de contrôle par des équipes de conformité du respect du traitement des informations privilégiées.
En réponse aux constats dressés dans le procès-verbal, la société Engie soutient, en premier lieu, que la communication en question de la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe par Dispatch s'inscrivait dans le cadre normal des fonctions des personnes concernées.
En effet, selon la société Engie, la communication de l'information en cause par un salarié de Dispatch à un salarié de Short Term Trading était strictement nécessaire à l'exercice de leur fonction respective pour que la société puisse se conformer à ses engagements d'équilibrage vis-à-vis de la société RTE et proportionnée à la réalisation de cet objectif : face aux indisponibilités de deux centrales, la société Engie devait envisager de racheter, par l'intermédiaire de Short Term Trading, des volumes disponibles sur le marché, dans les meilleurs délais.
La société Engie estime que cette communication a respecté le principe de proportionnalité, dans la mesure où, selon elle, l'ensemble des acteurs avaient déjà connaissance des problèmes techniques auxquels elle était confrontée pour la remise en production des deux centrales touchées et où, toujours selon elle, l'information n'a été communiquée qu'à un seul salarié, qui ne l'a pas utilisée pour agir sur le marché.
En second lieu, la société Engie affirme que les cinq transactions identifiées, effectuées entre 06:01:08 et 06:01:17 le 23 janvier 2017 par le salarié en cause de « Short Term Trading », résultent d'une erreur opérationnelle qui n'a pas eu d'impact sur le marché et a depuis été corrigée.
La société Engie fait valoir que le salarié de Short Term Trading avait, avant d'agir sur le marché, obtenu la confirmation orale du salarié de Dispatch que l'information privilégiée avait été rendue publique. Elle souligne que, compte tenu de l'attente d'une minute après le signal « stop trading ! » pour intervenir sur le marché, sa bonne foi est manifeste. La société Engie indique que le salarié de Short Term Trading n'a pas vérifié, au préalable, conformément aux procédures internes en vigueur, l'effectivité de la publication de l'information sur le site de transparence d'Engie.
La société Engie soutient que les cinq transactions identifiées n'ont eu aucun impact sur le marché. Elle souligne que ces transactions ne concernaient qu'un très faible volume au regard de la totalité des quantités qu'elle a achetées et que ces transactions à l'achat n'ont pas eu lieu au prix le plus bas.
Enfin, la société Engie indique que « l'erreur opérationnelle » a depuis été corrigée. Elle déclare, d'une part, que des formations à destination des équipes d'optimisation de Dispatch et de celles de Short Term Trading ont été organisées. Elle déclare, d'autre part, que les règles internes ont été renforcées, avec un mécanisme technique de gel automatique des écrans des membres de Short Term Trading jusqu'à la publication effective de l'information privilégiée, par la mise en place d'un contrôle redondant de cette publication par double regard entre Dispatch et Short Term Trading et par un contrôle ex-post par les équipes.

1.5. Saisine du comité par le président de la Commission de régulation de l'énergie

Eu égard aux conclusions du procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019 ainsi qu'aux observations de la société Engie, le président de la CRE a décidé de saisir le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de sanction à l'égard de la société Engie, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 134-25 du code de l'énergie.
Cette saisine enregistrée sous le numéro 01-40-20 a été adressée par une lettre du 25 février 2020, remise au président du CoRDiS le 25 mai 2020 et comportant, en application des dispositions de l'article R. 134-29 du code de l'énergie, les pièces sur lesquelles la saisine est fondée.

  1. Ouverture, sur le fondement de l'article R. 134-30 du code de l'énergie, de la procédure d'instruction et les griefs retenus

Vu la décision du président du comité de règlement des différends et des sanctions en date du 30 juin 2020, notifiée à la société Engie par un courrier du 3 mars 2021, désignant Monsieur Laurent-Xavier Simonel membre du comité en charge de l'instruction (ci-après « membre désigné »), en application de l'article R. 134-30 du code de l'énergie.
Vu la décision du membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie en date du 20 décembre 2021, portant notification des griefs à la société Engie.

2.1. Rappel de la procédure suivie par le membre désigné
2.1.1. Cadre juridique applicable

L'article L. 134-27 du code de l'énergie prévoit que les sanctions énumérées dans cet article sont encourues « en cas de manquement constaté dans les conditions prévues à l'article L. 135-12 , et après l'envoi d'une notification des griefs à l'intéressé ».
Selon l'article L. 134-31 du code de l'énergie, les « sanctions énumérées à l'article L. 134-27 sont prononcées après que le gestionnaire, l'opérateur, l'exploitant ou l'utilisateur d'un réseau, d'un ouvrage ou d'une installation, le fournisseur d'électricité ou de gaz naturel ou toute personne qui effectue ou organise des transactions sur un ou plusieurs marchés de gros de l'énergie ou portant sur des garanties de capacités mentionnées à l'article L. 335-2 a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites et verbales, assisté par une personne de son choix ».
Aux termes de l'article R. 134-30 du code de l'énergie, « pour chaque affaire, le président du comité de règlement des différends et des sanctions désigne un membre de ce comité chargé, avec le concours des agents de la Commission de régulation de l'énergie, de l'instruction. Le cas échéant, ce membre adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 134-26 et notifie les griefs. Il peut ne pas donner suite à la saisine ».
En outre, selon l'article 14 de la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, « s'il y a lieu, le membre désigné notifie les griefs, les sanctions encourues et la sanction qu'il entend proposer au comité de règlement des différends et des sanctions. Cette notification est adressée à la personne mise en cause qui dispose d'un délai ne pouvant pas être inférieur à quinze jours pour présenter au comité de règlement des différends et des sanctions ses observations écrites ».
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de manquement constaté dans les conditions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie, le membre désigné du comité peut notifier des griefs sans mettre l'intéressé préalablement en demeure.

2.1.2. Echanges contradictoires antérieurs à la notification des griefs

Par deux lettres du 3 mars 2021, le membre désigné a notifié à la société Engie ainsi qu'à son conseil, Me Michel Guénaire (cabinet Gide), la copie de la saisine du CoRDiS et de la décision de son président le désignant pour l'instruction de cette demande. Compte tenu de la nature particulière de certains éléments du dossier de saisine (fichiers audio), il a invité la société Engie à se rendre dans les locaux de la CRE pour avoir accès à l'ensemble du dossier dont l'inventaire détaillé a été annexé à sa lettre du 3 mars 2021.
Par lettre du 13 avril 2021, le membre désigné a demandé au président de la CRE de bien vouloir lui communiquer, selon une liste précise, les pièces mentionnées dans le dossier de saisine dont il n'était pas certain qu'elles aient été transmises avec la demande de sanction. Une copie de cette demande a été notifiée au conseil de la société Engie, par lettre du même jour.
Par lettre du même 13 avril 2021 à son conseil, le membre désigné a demandé à la société Engie de bien vouloir lui communiquer les informations et pièces suivantes :
« 1. L'opérateur est invité à exposer de manière précise en quoi les dispositifs d'organisation et de processus qu'il avait effectivement mis en oeuvre au 23 janvier 2017 étaient de nature à contribuer efficacement à la prévention des opérations d'initiés interdites ou couvertes par l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (règlement REMIT) ainsi qu'à la réalisation des obligations positives prévues par l'article 4 de ce règlement. Il est invité à produire tous les documents ou informations dont il estime qu'ils justifient de ces dispositifs.
2. L'opérateur est invité à transmettre les supports ou comptes-rendus des formations organisées par la société Engie, à destination des équipes d'optimisation et de trading sur le respect des dispositions du règlement REMIT (page 32 de vos observations du 31 janvier 2020), s'agissant en particulier des modalités de communication d'informations par les membres de l'équipe Dispatch aux membres de l'équipe Short Term Trading. »
Le 15 avril 2021, la société Engie (par l'intermédiaire de son conseil et d'un de ses représentants) a eu accès, au sein des locaux de la CRE, à l'ensemble des pièces du dossier de saisine et en a pris une copie.
Par lettre du 19 avril 2021, le président de la CRE a communiqué au membre désigné les pièces demandées dans sa lettre du 13 avril 2021.
Par lettre du 30 avril 2021, le conseil d'Engie a répondu à la demande du membre désigné du 13 avril 2021 en communiquant seize pièces (dont celles communiquées par la lettre du 19 avril 2021 du président de la CRE).
Par lettre du 22 juin 2021, le membre désigné a communiqué au conseil d'Engie la réponse du président de la CRE du 19 avril 2021 et, compte tenu du format et du volume de certaines pièces, l'a invité à en prendre connaissance et à en faire une copie numérisée en se rendant dans les locaux de la CRE.
Par lettre du 7 juillet 2021, le membre désigné a demandé au président de la CRE de bien vouloir lui communiquer la pièce intitulée : « Annexe 2_Consolidated Overwiew file_rectifié » (annexe 2 à la seconde réponse d'Engie du 5 octobre 2018 en phase d'enquête), dont il n'était pas certain qu'elle ait été transmise en même temps que la demande de sanction. Une copie de cette demande a été notifiée au conseil de la société Engie, par lettre du même jour.
Par lettre du 8 juillet 2021, le président de la CRE a communiqué la pièce demandée. Par lettre du 23 juillet 2021, le membre désigné a communiqué au conseil d'Engie cette réponse du président de la CRE du 8 juillet 2021 et, compte tenu du format de la pièce annexée à cette réponse, l'a invité à en prendre connaissance et à en faire une copie numérisée en se rendant dans les locaux de la CRE.
Le 15 septembre 2021, la société Engie (par l'intermédiaire de ses conseils) a eu accès, au sein des locaux de la CRE, à l'ensemble des pièces communiquées par le président de la CRE en réponse aux deux mesures d'instruction du membre désigné du 13 avril 2021 et du 7 juillet 2021 et en a pris une copie.

2.1.3. Constatations du membre désigné

Sur le caractère privilégié de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de l'unité Combigolfe
Le membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions a constaté que l'information de prolongation de la durée de l'arrêt fortuit de l'unité Combigolfe du matin du lundi 23 janvier 2017 et du décalage à 12:00 de son retour en production sur le réseau constitue une information couverte par le règlement REMIT.
Il relève que cette information i) revêt un caractère précis en ce qu'elle porte sur une unité de production identifiée, et sur son indisponibilité, pour une durée anticipée définie par une tranche horaire et pour un volume de production déterminé connue par la société Engie, ii) que jusqu'à 06:01:24 le 23 janvier 2017, elle n'avait pas été rendue publique, iii) qu'elle est de nature à concerner la conclusion et l'exécution des contrats de fourniture d'électricité avec livraison dans l'Union, pour les produits infra-journalier avec livraison en France, négociés sur EPEX SPOT, qui constituent des produits énergétiques de gros au sens des dispositions de l'article 2, paragraphe 4, du règlement REMIT, iv) et que cette information, eu égard à la capacité importante de Combigolfe et la position fortement acheteuse d'Engie sur le marché infra-journalier qui en découle, était susceptible d'influencer de façon sensible les prix des produits énergétiques de gros.
Le membre désigné a donc estimé que l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de l'unité Combigolfe, le 23 janvier 2017, entre 05:58:43, heure où a été indiqué : « Là on est parti sur midi pour les deux centrales en fait, aux alentours de midi » par Generation à l'intention de Dispatch et 06:01:24, heure à laquelle elle a été rendue publique, présentait les caractéristiques d'une information privilégiée au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement REMIT.
Sur la communication de l'information privilégiée à un membre de l'équipe Short Term Trading
Le membre désigné du comité relève que le 23 janvier 2017, entre 05:58:30 et 05:59:51 et exactement à 05:59:16, un membre de l'équipe Dispatch a tenu une conversation simultanée avec un membre de l'équipe Short Term Trading et l'a informé du prolongement de l'arrêt de la centrale de Combigolfe, et que cette divulgation a été reconnue par la société Engie dans le cadre de la mission de surveillance exercée par la CRE.
Le membre désigné du comité note que cette communication n'apparaît pas comme conforme aux règles de procédure interne de la société Engie, aux termes de laquelle les membres de l'équipe Dispatch ont le statut d'« Initiés Permanents » et ne peuvent, à ce titre, disposer d'un accès direct aux marchés, au contraire des membres de l'équipe Short Term Trading qui n'ont pas accès à l'information tant qu'elle n'est pas publiée.
Il constate qu'il ressort de la procédure en cause qu'en cas d'événement, au moment de l'envoi de l'instruction de « stop trading ! », Dispatch ne doit communiquer à Short Term Trading que le pays concerné, afin de déterminer le champ géographique de l'interdiction de transaction, et que l'équipe Short Term Trading, lorsqu'elle accède au site de transparence d'Engie, ne peut pas vérifier le contenu de l'information publiée.
Dès lors, la communication par un membre de l'équipe Dispatch à un membre de l'équipe Short Term Trading de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale Combigolfe avant sa publication n'était pas conforme aux règles de procédure interne de la société Engie. Cette non-conformité ne permet pas de considérer que la communication de cette information pouvait entrer, à quelque titre que ce soit, dans le cadre normal de l'exercice des activités de l'émetteur de cette information privilégiée et, encore moins, de celles de son destinataire.
Il relève encore que rien au dossier ne permet de penser que l'accès par un membre de l'équipe Short Term Trading à l'information en cause avant qu'elle ne soit publiée n'ait été nécessaire. Il retient que la demande d'achats de volumes pour compenser le délai d'indisponibilité de la centrale Combigolfe, nécessaire à l'exécution des obligations d'équilibrage, a bien été adressée par Dispatch à Short Term Trading à 6 h 22, soit postérieurement à la publication de l'information en cause.
Il constate dès lors qu'aucun motif lié aux activités des protagonistes ne justifiait la communication de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale Combigolfe avant que celle-ci ne soit rendue publique, en sorte que « l'information privilégiée relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale de production Combigolfe a été communiquée, le 23 janvier 2017 au matin, par un salarié de Dispatch à un salarié de Trading, en dehors du cadre normal du travail, de la profession ou des fonctions respectifs tant de l'émetteur que du destinataire de la divulgation, et que la société Engie a méconnu les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous b, du règlement REMIT ».
Sur l'utilisation de l'information privilégiée par un membre de l'équipe Short Term Trading
Le membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions relève qu'entre 06:01:08 et 06:01:17, soit avant 06:01:24 qui est l'heure de la publication de l'information privilégiée lui ayant fait perdre cette nature, la société Engie a réalisé cinq transactions en lien avec les produits H11 et H12, auxquels se rapporte l'information privilégiée, et que l'ensemble de ces transactions représente un volume de 100 MWh pour un montant total de 16 205 €.
Il constate que la réalisation de ces cinq transactions n'est pas contestée par la société Engie, laquelle soutient qu'il s'agit d'une « erreur opérationnelle » commise sans aucune intention de méconnaître le règlement REMIT et que les transactions réalisées n'ont eu aucun impact sur le marché.
Il retient que pour la constatation du manquement relatif à l'interdiction d'opérations d'initiés, les faits susceptibles de le caractériser doivent s'apprécier de manière objective, indépendamment des facteurs subjectifs de leur réalisation et de leurs conséquences sur le marché, et que toute utilisation d'une information privilégiée, constituée par l'acquisition ou la cession de produits énergétiques de gros auxquels se rapporte cette information, est interdite.
Il estime que le 23 janvier 2017, entre 06:01:08 et 06:01:17, un membre de l'équipe Short Term Trading a utilisé une information privilégiée et que, partant, Engie a méconnu l'interdiction prescrite par l'article 3, paragraphe 1, sous a du règlement REMIT.

2.1.4. Griefs retenus par le membre désigné

Le membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions a reproché à la société Engie :

- « d'une part, la communication irrégulière, le 23 janvier 2017, par rapport à ce qui avait été rendue public, de l'information privilégiée de la prolongation de l'indisponibilité de l'unité de production d'électricité de Combigolfe, qui a été faite par un membre de l'équipe Dispatch à un membre de l'équipe Trading avant la publication de cette information sur le site de transparence d'Engie (manquement aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous b du règlement REMIT) ;
- d'autre part, le comportement consécutif sur le marché considéré caractérisé par l'utilisation irrégulière de cette information privilégiée par la réalisation de cinq transactions sur EPEX SPOT pour les produits H11 et H12 entre 06:01:08 et 06:01:17 au matin du lundi 23 janvier 2017 (manquement aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous a du règlement REMIT). »

Conformément aux dispositions de l'article R. 134-32 du code de l'énergie, la société Engie a été invitée par la notification des griefs à présenter ses observations en réponse avant le 4 février 2022 à 12 heures et à consulter le dossier.
Aux termes de la notification des griefs, le membre désigné estime qu'une sanction pécuniaire devrait être prononcée à l'encontre de la société Engie dont le montant pourrait être fixé entre 80 000 euros et 110 000 euros.
Vu le courrier électronique en date du 11 janvier 2022 par lequel le conseil de la société Engie a demandé à consulter le dossier.
Le 14 janvier 2022, la société Engie a eu accès à l'ensemble des pièces du dossier de la notification des griefs au sein des locaux de la Commission de régulation de l'énergie. Le conseil de la société Engie a été autorisé à télécharger l'ensemble des pièces du dossier sur une clé USB.

  1. Observations en réponse à la notification des griefs

Vu les observations en réponse à la notification des griefs, enregistrées le 4 février 2022 pour la société Engie.
La société Engie présente le dispositif qu'elle a mis en place pour prévenir les opérations d'initiés au sens du règlement REMIT, en y exposant tout à la fois son organisation, les mécanismes mis en place, les contrôles opérés ainsi que ses obligations d'équilibrage.
Elle présente ensuite les événements de la matinée du 23 janvier 2017 au cours de laquelle RTE a activé le signal d'alerte et de sauvegarde (SAS), en détaillant les séquences d'intervention réalisées sur les produits H11 et H12.
Elle revient ensuite sur la procédure suivie.
Sur l'insuffisance de la démonstration proposée dans la notification des griefs quant au caractère privilégié de l'information en cause
La société Engie rappelle que pour être qualifiée de privilégiée, l'information doit être suffisamment précise, ne pas avoir été rendue publique, concerner un produit énergétique de gros, et, si elle était rendue publique, être susceptible d'influencer de façon sensible les prix de produits énergétiques de gros.
Elle insiste à titre liminaire sur la circonstance que le seul fait que cette information ait été publiée sur le site de transparence d'Engie ne permet pas de déduire qu'il s'agissait d'une information privilégiée, dès lors qu'en application du règlement UE n° 543/2012 de la commission du 14 juin 2013, l'information devait faire l'objet par nature d'une publication. Le déclenchement par Dispatch d'un Stop Trading n'est pas de nature à confirmer que l'information présentait effectivement les caractéristiques d'une information privilégiée.
Elle prétend que la notification des griefs propose une démonstration extrêmement rapide du caractère privilégié de l'information.
Elle relève que la question qu'il convient de se poser est celle de savoir si le marché pouvait ou non s'attendre à la prolongation d'une indisponibilité fortuite.
Elle indique que le marché sait d'emblée que les durées d'indisponibilité annoncées sont basées sur des estimations et sont susceptibles de varier, dans la mesure où l'indisponibilité fortuite résulte de difficultés techniques sur lesquelles des personnels spécialisés travaillent en parallèle.
Elle fait donc valoir que l'aléa est grand, et que la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe intervient dans un contexte où le marché est d'ores et déjà informé d'une baisse de la capacité de production d'Engie du fait de l'indisponibilité de Cycofos, et par conséquent de la position acheteuse d'Engie sur le marché infra journalier. Or si la position est renforcée, il convient de s'interroger sur le point de savoir si la quantité complémentaire était suffisamment substantielle pour que l'information soit prise en compte par les autres participants sur le marché.
A cela s'ajoute que lorsque l'opération est publiée, les acteurs du marché ne se précipitent aucunement pour réaliser des opérations sur les produits H11 et H12. Elle précise que corrélativement, la publication de l'indisponibilité n'a en réalité eu aucun effet sur les prix de ces produits.
Par conséquent, selon Engie, l'information qualifiée de privilégiée par la notification des griefs n'a eu aucune influence sur le prix des produits H11 et H12, et a fortiori pas d'influence sensible lorsqu'elle a été rendue publique.
Elle soutient qu'au regard de la teneur de cette information (prolongation d'une indisponibilité, position acheteuse d'Engie déjà connue), cette absence d'influence sensible était en réalité prévisible avant la publication de l'information pour l'ensemble des acteurs du marché. Elle ajoute qu'il apparaît difficile de considérer que l'information en cause présentait effectivement les caractéristiques d'une information privilégiée, et les développements de la notification des griefs sont à cet égard insuffisants, alors qu'il s'agit d'une condition sine qua non de la caractérisation des deux griefs retenus à l'encontre d'Engie.
Sur l'absence de communication illicite d'une information privilégiée
La société Engie prétend que la communication opérée est intervenue dans le cadre normal des fonctions des préposés, suivant des principes de nécessité et de proportionnalité, en sorte qu'aucun manquement au règlement REMIT ne peut être caractérisé.
S'agissant de la communication d'une information dans le cadre normal des fonctions des préposés, elle fait valoir que dès lors que l'obligation d'abstention de communication d'information privilégiée constitue une exception au principe de liberté d'expression, elle doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire. Elle ajoute qu'il existe des situations dans lesquelles la communication d'une information, même présentant les caractéristiques d'une information privilégiée est en réalité incontournable, et que c'est dans cette logique que le règlement REMIT précise que la communication d'une information privilégiée n'est réprimée que si elle intervient hors du cadre normal de l'exercice du travail, de la profession ou des fonctions des protagonistes.
S'appuyant sur des décisions de la CJUE et de l'AMF (2), elle soutient que les critères de l'exception sont ceux d'un lien étroit avec la profession et du respect d'un principe de nécessité et de proportionnalité, lequel doit s'apprécier au regard du nombre restreint des collaborateurs informés.
Elle ajoute que l'exception de communication ne peut être examinée à l'aune du respect de la procédure interne, la commission des sanctions de l'AMF (3) n'ayant d'ailleurs pas considéré que la communication litigieuse était bien intervenue dans le cadre normal des fonctions des protagonistes au regard de des stipulations des procédures internes applicables.
Concernant la communication entre Dispatch et Short Term Trading dans le cadre normal de leurs fonctions, la société Engie revient sur la conformité aux procédures internes et sur l'existence d'un lien étroit avec les fonctions et le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.
Au regard de la conformité aux procédures internes, elle précise qu'il est inexact d'indiquer, comme le fait le membre désigné dans la notification des griefs, que la communication d'une information serait, en toutes circonstances, prohibée par les procédures internes d'Engie.
Revenant sur la notification des griefs, elle indique que la procédure interne ne prévoit pas que lors du Stop Trading, Dispatch ne doit communiquer à Short Term Trading « que le pays concerné » mais qu'il doit nécessairement lui communiquer cette information afin de définir le champ géographique sur lequel il doit cesser ses activités. Elle ajoute que cette procédure n'exclut aucunement que d'autres informations puissent également lui être communiquées.
Elle indique par ailleurs que l'interprétation du membre désigné selon laquelle les membres de l'équipe Short Term Trading n'auraient pas à connaître du contenu des informations figurant sur le site de transparence d'Engie une fois celles-ci publiées n'a surtout pas de sens dès lors qu'il s'agit précisément d'informations publiques.
Elle fait encore valoir que la formation contenant une slide sur laquelle il était fait référence à la mention « no access for traders » n'est qu'un support de formation destinée à plusieurs équipes, dont certaines n'ont en aucune circonstances à connaître des informations reçues par Dispatch. Elle insiste sur le fait que la formation « REMIT information session for O&P », communiquée en réponse précise que s'agissant de l'équipe Short Term Trading, la prévention des opérations d'initiés est assurée en premier lieu non pas par une stricte muraille de Chine, mais par le Stop Trading.
Selon Engie, les éléments mis en avant dans la notification des griefs ne permettent pas de conclure à l'existence, au sein des procédures internes, d'une interdiction absolue de communication entre Dispatch et Short Term Trading.
Elle soutient que la seule méconnaissance de la procédure interne qui ait été commise réside dans le fait de ne pas avoir vérifié que l'information ayant engendré un process de Stop Trading avait effectivement été publiée, mais que cette circonstance, qui concerne une phase postérieure à la transmission de l'information ne peut avoir une incidence rétrospective sur la conformité de la communication à la procédure interne et a fortiori à la réglementation.
Au regard de l'existence d'un lien étroit avec les fonctions et le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, Engie indique tout d'abord que le cœur des fonctions Dispatch est l'optimisation des actifs et la coordination nécessaire au regard des obligations d'équilibrage physiques d'Engie, cependant que l'équipe Short Term Trading a pour mission de mettre en œuvre sur le marché infra-journalier les actions nécessaires au respect des obligations d'équilibrage. Selon Engie, lorsque Dispatch transmet à Short Term Trading une information relative à une difficulté devant conduire Short Term Trading à réaliser des opérations sur le marché cette communication présente nécessairement un lien étroit avec les fonctions de ces deux entités.
S'agissant de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale Combigolfe, lorsque Dispatch l'apprend, Short Term Trading tente d'acquérir depuis plusieurs minutes des quantités importantes d'électricité sur la période de 10 heures à 12 heures (produits H11 et H12), pour couvrir les besoins d'Engie compte tenu de l'indisponibilité de la centrale Cycofos. Aussi, la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe allait accroître les besoins d'Engie sur ces périodes, et il était important que Short Term Trading se prépare à acheter des quantités disponibles à la vente pour couvrir les besoins déjà existants. La communication était donc nécessaire. Par ailleurs, la communication n'a été faite qu'à un seul préposé, lequel avait suivi les formations adéquates relatives au traitement de l'information privilégiée, et savait en conséquence apprécier la nature de l'information selon un principe de précaution et n'a pris aucune position immédiate sur le marché relativement à l'information communiquée dans l'attente de l'émission du signal Stop Trading. La communication répondait ainsi au principe de proportionnalité.
Pour Engie, la communication est donc intervenue dans le cadre normal des fonctions des préposés, suivant des principes de nécessité et de proportionnalité, de sorte qu'aucun manquement REMIT ne peut être caractérisé.
S'agissant de l'impossible imputation d'un manquement de communication d'information privilégiée à Engie, cette dernière insiste sur le fait que l'article 3(1)(b) du règlement REMIT prohibe la communication d'une information à une autre personne, or, la personne morale Engie n'a jamais communiqué la moindre information à une autre personne.
Elle fait valoir qu'il n'est à aucun moment précisé, dans la notification des griefs, en quoi une telle communication entre deux proposés agissant tous deux pour le compte d'Engie pourrait conduire à lui imputer une méconnaissance des dispositions de l'article 3(1)(b) du règlement REMIT.
Selon Engie, le principe constitutionnel de responsabilité personnelle fait obstacle à l'existence de toute présomption irréfragable de responsabilité de la personne morale en cas de manquements commis par ses préposés. Concernant le règlement REMIT, et dans la mesure où il n'existe aucune obligation légale ou réglementaire de mise en place de procédure visant à prévenir les manquements, l'établissement ayant malgré tout mis en œuvre de telles procédures doit de plus fort pouvoir s'exonérer de sa responsabilité si des manquements venaient à être commis.
La société Engie précise avoir démontré qu'elle avait adopté et mis en œuvre, bien avant 2017, une organisation et des procédures pour prévenir tout manquement au règlement REMIT, procédures dans le cadre desquelles la circulation d'informations potentiellement privilégiées au sein de l'établissement était parfaitement encadrée, et la prévention d'opérations d'initiés complétée par un mécanisme de Stop Trading. Partant, et si tant est que la communication de l'information litigieuse puisse être constitutive d'un manquement, Engie avait bien mis en place une procédure interne efficace de prévention d'un tel manquement, en sorte qu'elle ne peut, en tout état de cause se voir imputer un manquement au règlement REMIT.
Sur l'absence d'utilisation indue d'une information privilégiée
La société Engie fait valoir d'une part que la notification des griefs ne démontre pas en quoi elle aurait fait une utilisation indue de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe en acquérant les produits H11 et H12, et d'autre part, qu'en tout état de cause, les opérations en question entraient dans le cadre de l'exception prévue par le règlement REMIT.
S'agissant de l'absence de démonstration de l'utilisation indue de l'information privilégiée, elle soutient que le fait que les transactions aient été réalisées par erreur et en méconnaissance de la procédure interne quelques secondes avant la publication d'une information sur le site de transparence d'Engie n'est pas suffisant pour faire mécaniquement dégénérer ces opérations en utilisation illicite de ladite information.
Elle s'appuie sur la jurisprudence de la CJUE selon laquelle s'il peut être présumé qu'une personne qui détient une information privilégiée et réalise une opération sur le marché d'un produit concerné par cette information fait une utilisation de cette dernière, cette présomption n'est pas irréfragable. Elle ajoute qu'il ne peut a fortiori être mécaniquement déduit que l'utilisation serait indue, alors que selon la CJUE, seule une telle utilisation constitue une opération d'initié prohibée. Engie fait par ailleurs valoir qu'afin de déterminer si la personne a véritablement enfreint l'interdiction des opérations d'initiés son comportement doit être analysé à la lumière des objectifs de la réglementation, le règlement REMIT prévoyant à cet égard que « nul abus de marché ne puisse donner lieu à des profits ». Elle précise qu'en l'espèce la notification des griefs ne contient aucune démonstration d'une utilisation indue de l'information qualifiée de privilégiée. Engie ajoute que les opérations que le trader a réalisées s'inscrivent dans une stratégie de couverture de besoins déjà existants, stratégie qui avait été définie bien avant la naissance de l'information de l'indisponibilité de Combigolfe. Elle précise qu'elle n'était aucunement dans une logique d'exploiter une information que les autres acteurs du marché n'auraient pas eu, et qu'elle n'a profité d'aucun avantage ou déséquilibre d'information, les ordres qu'elle avait passés sur H11 et H12 répondant à des intérêts vendeurs d'ores et déjà présents dans le carnet.
S'agissant de l'utilisation d'une information privilégiée dans un cadre prévu par le règlement REMIT, Engie précise que dès lors qu'il lui est reproché d'avoir manqué au règlement REMIT, il convient de vérifier, au-delà de la méconnaissance de la procédure interne, si les transactions d'Engie sont effectivement contraires à la réglementation. Citant les dispositions de l'article 3(4)(b) du règlement REMIT, elle fait valoir qu'elle a déjà démontré en réponse aux demandes d'information et au procès-verbal, que les opérations qu'elle avait passées sur le marché s'inscrivaient dans le cadre de ses obligations contractuelles d'équilibrage, dans un contexte de l'arrêt fortuit de deux centrales. Elle indique à cet égard que les 5 transactions réalisées sur H11 et H12 visaient à compenser la baisse de capacités de production sur la période 10 heures à 12 heures. Engie précise par ailleurs que lorsqu'elle a été informée de la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe, le besoin de couverture s'est trouvé renforcé. Ce besoin aurait pu justifier qu'elle fasse usage de l'exception prévue par le règlement REMIT, et qu'elle réalise immédiatement des opérations sur le marché sans attendre que l'information soit publiée. Engie n'a pas fait ce choix, et n'a pas entendu se prévaloir à l'époque de cette exception, et n'a pas pu envisager l'opportunité d'une déclaration des transactions à la CRE, n'ayant alors pas eu connaissance de l'erreur opérationnelle sous-jacente.
Or, selon Engie, cette circonstance particulière ne saurait remettre en cause le fait que les opérations concernées s'inscrivaient bien dans le cadre de l'exception prévue par le règlement REMIT. Elle prétend ainsi n'avoir aucunement utilisé de manière indue une information privilégiée pour effectuer les transactions sur H11 et H12, et qu'à l'analyse, il apparaît que ces opérations entraient dans le cadre de l'exception prévue par l'article 3(4)(b) du règlement REMIT.
Sur l'absence de gravité des manquements reprochés
La société Engie soutient que si le code de l'énergie invite le comité à se pencher sur la gravité du manquement au moment de la détermination du montant de la sanction, un manquement au règlement REMIT ne peut être considéré comme grave « en soi ». Elle précise que pour déterminer la gravité d'un manquement, il faut tenir compte de sa durée, de l'existence ou non d'une réitération ou encore du montant des opérations concernées. Elle fait valoir qu'au cas d'espèce, les 5 ordres ont été passés respectivement 16 et 7 secondes avant la publication, soit dans une durée extrêmement brève. Elle insiste par ailleurs sur le fait que l'erreur a été commise dans des circonstances très particulières et qu'elle ne s'est pas répétée, et indique que cette erreur ne serait pas susceptible de se reproduire à l'heure actuelle en raison de la mise en place depuis ces évènements d'un processus de gel mécanique des écrans jusqu'à la publication effective de l'information.
Sur l'organisation retenue par Engie, celle-ci-fait valoir qu'elle répondait aux meilleurs standards de l'époque, et qu'elle lui permettait de prévenir efficacement les opérations d'initiés. Renvoyant à la notification des griefs, elle souligne le fait qu'il est surprenant de lire qu'une norme aurait vocation à s'appliquer avec plus ou moins d'intensité en fonction de la situation d'un acteur sur le marché et notamment son chiffre d'affaires.
Elle relève également que le membre désigné ne peut affirmer que les mesures qu'elle a prises postérieurement pour éviter toute réitération de l'erreur constatée témoigneraient d'une insuffisance antérieure de son dispositif. S'appuyant sur le fait que l'erreur commise en l'espèce était une erreur humaine, elle fait valoir que ce type d'erreur est toujours susceptible de se produire, quelle que soit la robustesse des procédures mises en place. Elle met en avant les conséquences tirées de l'erreur constatée, à savoir la mise en place d'un mécanisme de gel des écrans jusqu'à la publication effective de l'information, témoignant d'une marque de professionnalisme et de sa volonté d'amélioration constante de son dispositif.
Engie soutient également que la problématique de l'horodatage des conversations téléphoniques n'est pas un outil de prévention des manquements au règlement REMIT. Elle maintient par ailleurs que la proximité physique entre les agents des services Dispatch et Short Term Trading est indispensable, les risques résultant de cette proximité étant parfaitement gérés. La société Engie ajoute enfin que l'affirmation selon laquelle l'organisation adoptée par Engie ne saurait en aucun cas renvoyer à une pratique normale de l'industrie en pareille circonstance n'est étayée par aucun élément de comparaison.
Sur l'absence de dommage et de tout profit, Engie se dit satisfaite de voir que les éléments liés à l'absence de toute atteinte au marché ou aux consommateurs finaux, de tout dommage résultant des manquements allégués, de tout profit réalisé par Engie et de toute démarche délibérée de sa part ont été relevés par le membre désigné. Elle rappelle néanmoins l'objectif premier du règlement REMIT à savoir que nul abus de marché ne peut donner lieu à des profits, et insiste sur le fait qu'elle n'a en aucune manière porté atteinte à cet objectif, pas plus qu'elle n'aurait créé une situation dans laquelle il aurait pu être porté atteinte à cet objectif.
Sur ses parfaites coopérations et sa bonne foi, Engie se dit également satisfaite des constats opérés par le membre désigné quant à sa collaboration pendant l'enquête, et fait valoir que cette collaboration est allée bien au-delà de la collaboration aux investigations menées, puisque c'est elle qui a détecté et mis en avance dans ses réponses à la CRE l'erreur opérationnelle portant sur les 5 transactions qui lui sont reprochées aujourd'hui.
La société Engie soutient donc au regard des circonstances particulières de l'espèce, que la sanction pécuniaire qui pourrait être retenue ne soit que purement symbolique. Elle demande par ailleurs que la décision à intervenir ne soit pas publiée, ou à tout le moins qu'elle ne le soit que sous une forme anonymisée et pour une durée limitée, sauf à engendrer pour elle un préjudice disproportionné.

(2) CJCE, 22 novembre 2005, C-384/02, KG, §32 et s. ; AMF décision de la commission des sanctions du 25 avril 2019 à l'égard des sociétés ILIAD SA, X, et de MM Maxime Lombardini, A, B et C, §173 et 177.
(3) Ibidem.

  1. Procédure de sanction

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-25 à L. 134-34 et R. 134-29 à R. 134-37 ;
Vu la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 23 décembre 2021 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de sanction enregistrée sous le numéro 01-40-20 ;
Par courrier en date du 14 mars 2022, la société Engie a été informée que la séance publique se tiendrait le 25 mars 2022 à 9 heures.
Par courrier en date du 24 mars 2022, la société Engie a été informée du report de la séance publique au 11 avril 2022 à 9 heures.
Par courrier électronique en date du 24 mars 2022, la société Engie a demandé le report de la séance publique en raison de l'indisponibilité de la directrice du département d'optimisation et de trading court terme électricité pour l'Europe centrale aux date et heure initialement arrêtées.
Le 25 mars 2022, la société Engie a été informée de l'annulation de la séance publique du 11 avril 2022.
La société Engie ayant été régulièrement convoquée à la séance publique, qui s'est tenue le lundi 9 mai 2022, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry Tuot, président, M. Henri de Larosière de Champfeu et M. Nicolas Maziau, membres, en présence de :
M. Laurent-Xavier Simonel, membre désigné par le président du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Emmanuel Rodriguez, directeur adjoint des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché ;
Mme Agnès Leduc, rapporteur ;
Les représentants de la société Engie, assistés de Me Michel Guénaire et Me Jean-Philippe Pons-Henry.
A l'ouverture de la séance publique, interrogé par le président du comité de règlement des différends et des sanctions, le conseil de la société Engie a confirmé sa demande tendant à ce que la séance se déroule hors de la présence du public.
Dans ces conditions, le comité de règlement des différends et des sanctions a décidé que la séance se déroulerait, portes fermées, hors de la présence du public. Outre les représentants de la société Engie dûment identifiés, ont assistés à la séance, sur autorisation du président du comité, des agents des services de la Commission de régulation de l'énergie qui sont tenus au secret professionnel.
Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Agnès Leduc, présentant les faits, la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions le président de la Commission de régulation de l'énergie, les griefs notifiés et les observations écrites en réponse aux griefs ;
- les observations de M. Laurent-Xavier Simonel, présentant les motifs l'ayant conduit à notifier des griefs et précisant la nature pécuniaire ainsi que la fourchette dans laquelle devrait s'inscrire le montant de la sanction proposée ;
- les observations de Me Michel Guénaire, de Me Jean-Philippe Pons-Henry, de Mme T et de M. V pour la société Engie, cette dernière persiste dans ses moyens et ses conclusions.

La parole ayant été donnée en dernier à Me Michel Guénaire et aux représentants de la société Engie.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que le membre désigné, le rapporteur, la partie mise en cause, le public et les agents des services se sont retirés.

  1. Motifs de la décision du comité de règlement des différends et des sanctions
    5.1. Présentation du marché considéré

  2. Le marché de gros de l'électricité, qui permet d'assurer l'essentiel de l'équilibre du bilan physique entre l'offre (partie amont) et la demande (partie aval) d'électricité, tient une place centrale dans le fonctionnement du système électrique français. RTE assure, à proximité du temps réel, l'équilibre final du système.

  3. A l'exception de certains cas particulier (entreprises intégrées, contrat direct entre un producteur et un consommateur ou fournisseur), la production et la fourniture d'électricité sont négociées sur les marchés de gros, donnant lieu à plusieurs types d'opérations :

- les échanges peuvent se faire sur des bourses, de gré à gré intermédié (c'est-à-dire via un courtier) ou directement de gré à gré (bilatéral pur) ;
- les transactions peuvent être purement financières (si le produit induit uniquement un échange financier) ou déboucher sur une livraison physique sur le réseau français.

  1. Différents acteurs interviennent sur le marché de gros, et sont principalement :

- les producteurs d'électricité qui négocient et vendent la production de leurs centrales électriques ;
- les fournisseurs d'électricité qui négocient et s'approvisionnent en électricité et la vendent ensuite aux clients finals pour leur consommation ;
- les négociants qui, en vue de dégager une plus-value entre les prix de réalisation de leurs opérations successives, achètent pour revendre (ou vendent pour ensuite acheter) et favorisent ainsi la liquidité du marché aux différentes échéances temporelles ;
- les opérateurs d'effacement qui valorisent les effacements de consommation de leurs clients (un MWh effacé revient à un MWh produit).

  1. Sur les marchés à court terme, les produits sont :

- à échéance journalière, pour une livraison le lendemain (« Day-ahead »), des produits « horaires » ou par « blocs » de plusieurs heures, caractérisés par une livraison en « base » (24h/24, 7j/7) ou en « pointe » (de 08 heures à 20 heures) ;
- à échéance infra-journalière pour livraison le jour même, des produits « demi-horaires », « horaires » ou par « blocs » de plusieurs heures, échangeables sur le marché infra-journalier.

  1. Le marché considéré est le marché infra-journalier.
  2. Sur le marché infra-journalier avec livraison sur le réseau français, la négociation est continue 7j/7 et 24h/24. L'électricité est négociée pour livraison le même jour ou le lendemain, sur des tranches horaires ou sur des blocs. Chaque heure ou chaque bloc d'heures peut être négocié jusqu'à 5 minutes avant le début de la période de livraison. Les heures pour le lendemain peuvent être négociées à partir de 15 heures. La plage des prix autorisée de ce marché infra-journalier est de - 3 000 €/MWh à 3 000 €/MWh.

5.2. Présentation de la société Engie

  1. La société Engie (anciennement « GDF Suez ») est un groupe industriel énergétique français qui propose de la fourniture d'énergie (gaz et électricité) et des services relatifs à l'énergie. Elle exploite également plusieurs centrales de production électrique (centrales hydrauliques, au gaz, au charbon, au fioul, à énergie renouvelable), avec une capacité installée d'environ 10 GW en France à fin 2016. Son principal actionnaire est l'Etat à hauteur de 23,64 %.
  2. Les transactions sur le marché considéré ont été effectuées en utilisant le compte EPEX SPOT de la société Engie, à laquelle est rattaché le périmètre d'équilibre regroupant les actifs de production d'électricité qu'elle exploite, qui incluent les centrales « Cycofos » et « Combigolfe ».
  3. En 2021, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 57,9 milliards d'euros.

5.3. Activités de la société Engie sur le marché infra-journalier EPEX SPOT le 23 janvier 2017

  1. Le lundi 23 janvier 2017, Engie a rendu public le fait que ses deux centrales de production d'électricité Combigolfe et Cycofos étaient fortuitement rendues indisponibles (« indisponibilités non planifiées »), entraînant une importante perte de production de plus de 840 MW :

- à 4 h 20, publication de l'indisponibilité de 420 MW pour Combigolfe, allant de 4h19 à 8 heures ;
- à 5 h 11, publication de l'indisponibilité de 423 MW pour Cycofos, allant de 5h10 à 12 heures.

  1. Des mises à jour portant sur le retour en service de ces deux centrales ont été publiées par Engie au cours de cette même journée :

- à 6 h 01, annonce publique indiquant que le retour à la production de Combigolfe était repoussé de 8 heures à 12 heures ;
- à 10 h 39, annonce publique indiquant que le retour à la production de Combigolfe était avancé à 10h39 au lieu de 12 heures ;
- à 12 h 14, annonce publique indiquant que le retour à la production de Cycofos est repoussé de 12 heures à 13 h 15.

  1. La notification des griefs a fait état de l'enquête au cours de laquelle a été analysée de manière détaillée l'activité d'Engie sur le marché infra-journalier d'EPEX SPOT pendant la journée du 23 janvier 2017, activité qui a été rapprochée des annonces publiques des indisponibilités qui affectaient les moyens de production Cycofos et Combigolfe.
  2. Les ordres et transactions suspects portaient notamment sur les produits suivants :

- Produit H11 : Engie effectue des transactions à l'achat sur le produit H11 à 06:01:08, 45 MW à 188 €/MWh. L'information concernant l'indisponibilité de la centrale Combigolfe est rendue publique à 06:01:24 ;
- Produit H12 : Engie effectue des transactions à l'achat sur le produit H12, soit à 06:01:17, 50 MW à 140,8 €/MWh et 5 MW à 141 €/MWh. L'information concernant l'indisponibilité de la centrale Combigolfe est rendue publique à 06:01:24.

  1. S'agissant de ces deux produits, la notification des griefs a relevé, sur la base de l'analyse réalisée par l'enquête, que :

- à 05:58:30, les équipes Generation appellent les équipes Dispatch pour les informer que l'arrêt de la centrale Combigolfe sera prolongé jusqu'à 12 heures au lieu de 8 heures. L'équipe Dispatch tient alors une conversation simultanée avec l'équipe Short Term Trading et l'informe du prolongement de l'arrêt de cette centrale ;
- A 06:00:00, l'équipe Dispatch envoie à l'équipe Short Term Trading un signal « stop trading ! ». Ce signal oral est envoyé lorsqu'une information privilégiée est en cours de publication afin que l'équipe Short Term Trading n'effectue pas de transactions ;
- entre 06:01:08 et 06:01:17, l'équipe Short Term Trading effectue pourtant 5 transactions sur les produits H11 et H12 ;
- à 06:01:24, l'information concernant le décalage à 12 heures de l'heure de retour prévue pour la centrale Combigolfe est publiée sur le site de transparence d'Engie.

5.4. Cadre juridique applicable

  1. En application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 134-25 du code de l'énergie, « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut […] sanctionner les manquements aux règles définies aux articles 3, 4, 5, 8, 9 et 15 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie ou tout autre manquement de nature à porter gravement atteinte au fonctionnement du marché de l'énergie, […] qu'il constate de la part de toute personne concernée, dans les conditions fixées aux articles L. 134-26 à L. 134-34 sans qu'il y ait lieu de la mettre préalablement en demeure ».
  2. En application de l'article 16 du règlement REMIT et afin de permettre son application coordonnée et uniforme dans toute l'Union européenne, l'Agence de coopération de régulateurs de l'énergie (l'« ACER »), publie des orientations non contraignantes sur la mise en œuvre des définitions énoncées dans ce règlement.
  3. Une information privilégiée est définie à l'article 2(1) du Règlement REMIT comme « une information de nature précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros ».
  4. Ces mêmes dispositions prévoient encore qu'« on entend par « information » : / a) une information qui doit être rendue publique conformément aux règlements (CE) n° 714/2009 et (CE) n° 715/2009, notamment les orientations et les codes de réseau adoptés en vertu desdits règlements ; / b) une information concernant la capacité et l'utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport d'électricité ou de gaz naturel ou une information relative à la capacité et à l'utilisation des installations de GNL, y compris l'indisponibilité prévue ou imprévue desdites installations ; / c) une information qui doit être diffusée conformément aux dispositions juridiques ou réglementaires au niveau de l'Union ou national, aux règles du marché et aux contrats ou aux coutumes en vigueur sur le marché de gros de l'énergie en question ; dans la mesure où, si elle était rendue publique, cette information serait susceptible d'influencer de façon sensible les prix des produits énergétiques de gros ; et / d) toute autre information qu'un acteur du marché raisonnable serait susceptible d'utiliser pour fonder sa décision d'effectuer une transaction ou d'émettre un ordre portant sur un produit énergétique de gros ».
  5. Il s'infère par ailleurs de cet article que : « l'information est réputée "de nature précise" si elle fait mention d'un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu'il existera, ou d'un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira, et si elle est suffisamment précise pour que l'on puisse en tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur les cours des produits énergétiques de gros ».
  6. Le règlement REMIT impose i) la publication des informations privilégiées, ii) et prohibe les opérations d'initiés, iii) à l'exception de certaines situations.
    L'obligation de publication de l'information privilégiée
  7. Les acteurs du marché sont tenus, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, du règlement REMIT, de rendre publiques les informations privilégiées qu'ils détiennent : « les acteurs du marché divulguent publiquement, effectivement et en temps utile, une information privilégiée qu'ils détiennent concernant une entreprise ou des installations que l'acteur du marché concerné, ou son entreprise mère ou une entreprise liée, possède ou dirige ou dont ledit acteur ou ladite entreprise, est responsable, pour ce qui est des questions opérationnelles, en tout ou en partie. Cette divulgation contient des éléments concernant la capacité et l'utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport d'électricité ou de gaz naturel ou des informations relatives à la capacité et à l'utilisation des installations de GNL, y compris l'indisponibilité prévue ou imprévue desdites installations ».
  8. Cette divulgation doit par ailleurs être faite en temps utile, de manière simultanée et intégrale, conformément aux dispositions de l'article 4, paragraphe 3 du règlement REMIT (4).
    L'interdiction des opérations d'initiés
  9. L'article 3 du Règlement REMIT dispose notamment qu'« il est interdit aux personnes qui détiennent une information privilégiée en rapport avec un produit énergétique de gros :
    « a) D'utiliser cette information en acquérant ou en cédant, ou en tentant d'acquérir ou de céder, pour leur compte propre ou pour le compte d'un tiers, soit directement, soit indirectement, des produits énergétiques de gros auxquels se rapporte cette information ;
    « b) De communiquer cette information à une autre personne, si ce n'est dans le cadre normal de l'exercice de leur travail, de leur profession ou de leurs fonctions ».
    Rappel des dispositions figurant au paragraphe 4 de l'article 3 du règlement REMIT
  10. Certaines situations sont placées par l'article 3, paragraphes 3 et 4, du règlement REMIT, en dehors du champ de l'interdiction des opérations d'initiés.
  11. L'article 3, paragraphe 4, sous a, du règlement REMIT dispose ainsi que l'interdiction des opérations d'initiés ne s'applique pas : « aux transactions effectuées pour assurer l'exécution d'une obligation d'acquisition ou de cession de produits énergétiques de gros devenue exigible, lorsque cette obligation résulte d'une convention conclue ou d'un ordre émis avant que la personne concernée ne détienne une information privilégiée ».
  12. L'article 3, paragraphe 4, sous b, du règlement REMIT prévoit pour sa part que l'interdiction des opérations d'initiés ne s'applique pas : « aux transactions conclues par les producteurs d'électricité et de gaz naturel, les opérateurs d'installations de stockage de gaz naturel ou les opérateurs d'installations d'importation de GNL dans le seul but de couvrir des pertes physiques immédiates résultant d'indisponibilités imprévues, chaque fois que le fait de ne pas agir de la sorte aurait pour résultat d'empêcher l'acteur du marché de respecter les obligations contractuelles existantes ou lorsque cette action est engagée avec l'accord du gestionnaire de réseau de transport concerné afin de garantir le fonctionnement sûr et fiable du réseau. Dans ce cas, les informations pertinentes relatives à ces transactions sont communiquées à l'agence ainsi qu'à l'autorité de régulation nationale. Cette obligation de communication est sans préjudice des obligations visées à l'article 4, paragraphe 1. »
  13. Le chapitre 8 des orientations de l'ACER apporte des précisions quant à l'exemption de l'article 3, paragraphe 4, sous b du règlement REMIT. Il en ressort que l'ACER considère qu'un acteur du marché n'est pas en mesure de respecter ses obligations contractuelles existantes uniquement s'il n'a pas d'autres actifs disponibles et si la perte physique ne peut être couverte par aucun cadre existant tel que les marchés infrajournaliers/journaliers ou d'équilibrage. S'agissant de la période autorisée à couvrir au titre de l'exemption, le chapitre 8 précise encore que l'exemption de l'article 3, paragraphe 4, point b, ne peut être appliquée que pendant la durée pendant laquelle l'acteur du marché n'est pas en mesure de respecter les obligations contractuelles existantes ou lorsqu'une telle action est entreprise en accord avec le ou les gestionnaires de réseau de transport concernés afin de pouvoir assurer un fonctionnement sûr et sécurisé du système.
  14. Enfin, l'article 3, paragraphe 4, sous c, du règlement REMIT dispose que l'interdiction des opérations d'initiés ne s'applique pas : « aux acteurs du marché agissant dans le respect des règles nationales d'urgence, lorsque les autorités nationales sont intervenues pour garantir la fourniture d'électricité ou de gaz naturel et que les mécanismes de marché sont suspendus dans un Etat membre ou dans une partie de celui-ci. Dans ce cas, l'autorité compétente pour la planification des mesures d'urgence assure la publication conformément à l'article 4 ».

(4) « 3. Chaque fois qu'un acteur du marché ou une personne employée ou agissant au nom d'un acteur du marché divulgue des informations privilégiées en relation avec un produit énergétique de gros dans l'exercice normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, conformément à l'article 3, paragraphe 1, point b), ledit acteur ou ladite personne veille à ce que cette divulgation publique s'effectue d'une manière simultanée, intégrale et efficace ».

5.5. Sur les griefs notifiés

  1. Selon la notification des griefs, il est reproché à la société Engie :
    « i) d'une part, la communication irrégulière, le 23 janvier 2017, par rapport à ce qui avait été rendue public, de l'information privilégiée de la prolongation de l'indisponibilité de l'unité de production d'électricité de Combigolfe, qui a été faite par un membre de l'équipe Dispatch à un membre de l'équipe Trading avant la publication de cette information sur le site de transparence d'Engie (manquement aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous b du règlement REMIT) ;
    « ii) d'autre part, le comportement consécutif sur le marché considéré caractérisé par l'utilisation irrégulière de cette information privilégiée par la réalisation de cinq transactions sur EPEX SPOT pour les produits H11 et H12 entre 06:01 : 08 et 06:01:17 au matin du lundi 23 janvier 2017 (manquement aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous a du règlement REMIT) ».
  2. Il convient dès lors de rechercher si ces manquements sont caractérisés.
  3. A titre liminaire, le comité rappelle qu'une erreur matérielle a affecté l'horodatage des enregistrements téléphoniques qui ont été adressés à la CRE le 30 janvier 2018.
  4. Cet horodatage était en effet décalé d'environ 1 minute et 25 secondes en moins par rapport à l'heure réelle, du fait de l'absence de synchronisation automatique de la plateforme d'enregistrement des conversations téléphoniques Etrali avec l'heure atomique. Cette erreur matérielle a été reconnue par la société Engie, qui a alors fourni à la CRE une liste des conversations téléphoniques avec l'horodatage rectifié.
  5. Le comité entend préciser s'être fondé, dans le cadre de la présente procédure de sanction, sur l'horodatage des enregistrements téléphoniques rectifié, tel qu'il résulte de la liste des conversations téléphoniques communiquée à la CRE par la société Engie à l'appui de son courrier en date du 5 octobre 2018.
  6. Les temps reportés dans la présente décision sont donc, à l'instar de ceux figurant dans la notification des griefs, ceux qui sont déflatés de l'erreur matérielle ayant affecté l'horodatage initial, laquelle n'emporte donc aucune conséquence sur la présentation des griefs.

5.5.1. En ce qui concerne la qualification du caractère privilégié de l'information

  1. Il résulte des dispositions rappelées dans la partie 5.4 de la présente décision, qu'une information est susceptible d'être qualifiée d'« information privilégiée » au sens et pour l'application du règlement REMIT si elle répond aux quatre conditions cumulatives suivantes : qu'elle revête un caractère précis ; qu'elle n'ait pas été rendue publique ; qu'elle concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros ; et que sa publicité soit susceptible d'influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros.

5.5.1.1. S'agissant du caractère précis de l'information

  1. La notification des griefs retient que l'information de prolongation de la durée de l'arrêt fortuit de l'unité Combigolfe du matin du lundi 23 janvier 2017 et du décalage à 12:00 de son retour en production sur le réseau, constitue « une information concernant la capacité et l'utilisation des installations de production (…), y compris l'indisponibilité prévue ou imprévue desdites installations » au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous b du règlement REMIT, et qu'elle constitue, ainsi, une « information » couverte par ce règlement.
  2. Il est constant que cette information porte sur une unité de production identifiée, à savoir la centrale Combigolfe et sur son indisponibilité, pour une durée anticipée définie par une tranche horaire et pour une capacité de production déterminé (420 MW), connue par la société Engie, qui ne conteste pas ces constats.
  3. Dans ces conditions, cette information revêt un caractère précis.

5.5.1.2. S'agissant du caractère public de l'information

  1. Ainsi que le relève la notification des griefs, l'information de la prolongation de la durée de l'indisponibilité de Combigolfe a été communiquée par l'équipe Generation à l'équipe Dispatch le 23 janvier 2017, après un essai de redémarrage de la centrale et lors d'un échange téléphonique portant sur le résultat de cet essai, entre 05:58:30 et 05:59:51 et a été publiée sur le site de transparence de la société Engie le même jour à 06:01:24.
  2. Jusqu'à 06:01:24 le 23 janvier 2017, cette information n'avait pas été rendue publique. Plus précisément et selon l'horodatage rectifié : Generation a communiqué l'information à Dispatch 13 secondes après le début de l'enregistrement des conversations téléphoniques, soit à 05:58:43 et Dispatch l'a transmise à Short Term Trading 46 secondes après le début de l'enregistrement, soit à 05:59:16.
  3. Dans ces conditions, cette information n'a donc pas été rendue publique avant 06:01:24 le 23 janvier 2017.

5.5.1.3. S'agissant du lien de l'information avec un ou plusieurs produits énergétiques de gros

  1. Ainsi que le rappelle la notification des griefs, l'information en question portait sur la disponibilité et la capacité de production d'une centrale de production d'électricité.
  2. Elle est donc de nature à concerner la conclusion et l'exécution des contrats de fourniture d'électricité avec livraison dans l'Union, pour les produits infra-journalier avec livraison en France, négociés sur EPEX SPOT, qui constituent des produits énergétiques de gros au sens des dispositions de l'article 2, paragraphe 4, du règlement REMIT.
  3. Les transactions effectuées et les communications effectuées par la société Engie relatifs à ces produits entrent par conséquent dans le champ d'application du règlement REMIT, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société dans ses observations en réponse au procès-verbal ou à la notification des griefs.

5.5.1.4. S'agissant de l'influence sur les prix des produits énergétiques de gros

  1. La notification des griefs relève que compte tenu de l'importance de la centrale et de son rôle dans l'équilibre offre-demande et a fortiori dans le contexte extrêmement tendu de la demande d'un lundi en saison hivernale (souligné spontanément par Dispatch), l'annonce de la prolongation de l'arrêt d'une centrale ayant la capacité importante de Combigolfe et la position fortement acheteuse d'Engie sur le marché infra-journalier qui en découle, sont sans nul doute susceptibles d'influencer à la hausse les prix infra-journaliers de l'électricité. Cette information était, donc, susceptible d'influencer de façon sensible les prix des produits énergétiques de gros en cause.
  2. La société Engie fait valoir que la démonstration du caractère privilégié de l'information est extrêmement rapide et indique qu'il est insuffisant de se contenter d'affirmer que compte tenu de l'importance et du rôle de la centrale, l'annonce de la prolongation de son arrêt et la position acheteuse d'Engie était susceptible d'influencer de façon sensible les prix. Elle s'appuie sur différents éléments qui la conduisent à s'interroger sur le caractère effectivement privilégié de l'information, tirés de ce que i) l'information n'était pas relative à l'apparition de difficultés sur une ou plusieurs centrales mais seulement à la prolongation d'une indisponibilité fortuite, ii) que l'information qualifiée de privilégiée n'a eu aucune influence sensible sur les prix des produits H11 et H12, et a fortiori pas d'influence sensible lorsqu'elle a été rendue publique, iii) et que cette absence d'influence était en réalité prévisible avant la publication de l'information.
  3. Le caractère privilégié d'une information s'apprécie cependant a priori, au regard du contenu de l'information concernée et des circonstances dans lesquelles elle survient, sans que ne soit pris en considération l'impact réel et effectif qu'elle a pu avoir. L'examen de l'influence effective de l'information est donc indifférent dans la détermination du caractère privilégié de l'information.
  4. Le comité relève que la société Engie concède que les informations relatives aux difficultés rencontrées par les deux centrales le 23 janvier 2017 peuvent être considérées, au regard des capacités de production concernées, comme des informations présentant une certaine sensibilité (5). Le comité note également que la société Engie souligne elle-même le contexte particulier dans le cadre duquel se sont inscrits les faits qui lui sont reprochés, et la demande élevée en électricité constatée, liée aux températures très basses (6).
  5. Le comité constate par ailleurs que, et ainsi que le souligne Engie, les centrales à cycle combinée au gaz naturel, telles que celles de Cycofos et Combigolfe, « sont très sollicitées en période de grand froid, en particulier dans les cas de compétitivité du prix du gaz, comme moyens d'ajustement à une forte demande » (7).
  6. Par suite, et compte tenu des caractéristiques de la production du lundi 23 janvier 2017, l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de l'unité Combigolfe était, au regard de son contenu, et du contexte dans le cadre duquel elle est intervenue, susceptible d'influencer de façon sensible les prix des produits énergétiques de gros.

(5) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.24/45, point 42.
(6) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.2/45, point 2.
(7) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.11/45, point 22.

5.5.2. Sur l'utilisation de l'information privilégiée par un membre de l'équipe Short Term Trading

  1. Il ressort des pièces du dossier qu'entre 06:01:08 et 06:01:17, soit avant 06:01:24 qui est l'heure de la publication de l'information privilégiée lui ayant fait perdre cette nature, la société Engie a réalisé cinq transactions en lien avec les produits H11 et H12, auxquels se rapporte l'information privilégiée, représentant un volume de 100 MWh pour un montant total de 16 205 €.
  2. Le comité note, à l'instar de la notification des griefs, que la réalisation de ces cinq transactions pour les produits H11 et H12, avant la publication effective de l'information privilégiée, n'est pas contestée par la société Engie.
  3. La société Engie soutient tout d‘abord qu'il s'agit d'une « erreur opérationnelle », et ajoute que la notification des griefs ne contient aucune démonstration d'une utilisation indue de l'information par Engie, laquelle n'a profité d'aucun avantage ou déséquilibre d'information.
  4. Toutefois, et comme l'a précisé la notification des griefs, en vertu tant des termes des dispositions précitées de l'article 3 du règlement REMIT que des finalités qu'elles poursuivent, de garantie de la transparence du marché de gros de l'énergie et de la certitude confiante que doivent avoir ses acteurs qu'ils peuvent y participer en disposant exactement des mêmes informations pertinentes que chacun des autres acteurs, ni l'intention ni le caractère délibéré ni l'existence ou l'ampleur de l'effet, direct ou indirect, sur le marché, ne sont des éléments opérants pour l'appréciation, de nature objective, du manquement à l'interdiction d'opérations d'initiés.
  5. Ainsi, pour la constatation de ce manquement, les faits susceptibles de le caractériser doivent s'apprécier de manière objective, indépendamment des facteurs subjectifs de leur réalisation et de leurs conséquences sur le marché. Toute utilisation d'une information privilégiée, constituée par l'acquisition ou la cession de produits énergétiques de gros auxquels se rapporte cette information, est interdite.
  6. Dès lors, le dossier établit que le 23 janvier 2017, entre 06:01:08 et 06:01:17, un membre de l'équipe Short Term Trading a utilisé une information privilégiée.
  7. La société Engie fait cependant valoir que l'utilisation de l'information aurait été effectuée dans un cadre prévu par le règlement REMIT, en son article 3, paragraphe 4 sous b, duquel il s'infère que l'interdiction des opérations d'initiés ne s'applique pas : « aux transactions conclues par les producteurs d'électricité et de gaz naturel, les opérateurs d'installations de stockage de gaz naturel ou les opérateurs d'installations d'importation de GNL dans le seul but de couvrir des pertes physiques immédiates résultant d'indisponibilités imprévues, chaque fois que le fait de ne pas agir de la sorte aurait pour résultat d'empêcher l'acteur du marché de respecter les obligations contractuelles existantes ou lorsque cette action est engagée avec l'accord du gestionnaire de réseau de transport concerné afin de garantir le fonctionnement sûr et fiable du réseau. Dans ce cas, les informations pertinentes relatives à ces transactions sont communiquées à l'agence ainsi qu'à l'autorité de régulation nationale. Cette obligation de communication est sans préjudice des obligations visées à l'article 4, paragraphe 1 ».
  8. Il ressort de ces dispositions qu'en présence d'une information privilégiée, les acteurs de marché ne peuvent agir sans violer la prohibition des opérations d'initiés posée par l'article 3 du règlement REMIT, en se prévalant de l'exemption posée à l'article 3, paragraphe 4 sous b précité, uniquement dans l'hypothèse où ces acteurs sont dans l'incapacité physique, compte tenu de leur portefeuille et des moyens physiques restant disponibles, d'honorer leurs obligations contractuelles, s'ils n'achètent pas de volume immédiatement. En dehors de cette hypothèse, ils doivent attendre la publicité de l'information pour agir.
  9. Il appartient en conséquence à l'opérateur qui prétend s'être trouvé dans la situation placée en dehors du champ de l'interdiction des opérations d'initiés visée à l'article 3 paragraphe 4 sous b, de fournir tous éléments permettant d'établir, au vu de sa situation matérielle et juridique, que les ordres d'achat ou de vente passés ne pouvaient l'être qu'au moment où ils l'ont été et dans les conditions dans lesquelles ils ont été passés. L'opérateur ne peut ainsi se contenter de faire état de ses obligations contractuelles d'équilibrage, sans préciser l'ensemble des données matérielles, juridiques et financières permettant d'établir qu'il se trouvait dans l'impossibilité de procéder autrement. L'opérateur qui indique avoir agi pour couvrir des pertes physiques immédiates doit ainsi exposer n'avoir eu aucun autre actif disponible et expliquer en quoi les pertes ne pouvaient être couvertes par aucun cadre existant tels que les marchés journaliers ou infra-journaliers, sans attendre la publication de l'information privilégiée.
  10. En l'espèce, si la société Engie prétend que les opérations en cause qu'elle a passées sur le marché s'inscrivaient pleinement dans le cadre de ses obligations contractuelles d'équilibrage dans le contexte de l'arrêt fortuit de deux centrales qu'elle n'était pas en mesure de couvrir au moyen d'une autre unité de production, il apparaît que les éléments qu'elle a pu fournir au cours de l'enquête ne portent pas sur l'état de ses engagements contractuels, de son portefeuille, de sa capacité à faire face à ses engagements et à ses obligations en matière d'équilibrage pour la période incriminée à raison des transactions effectuées, dans les seize secondes ayant précédé la publication de l'information.
  11. La société Engie fait également valoir que RTE avait adressé une alerte du système d'alerte et de sauvegarde (ci-après « SAS »). Le comité relève toutefois que le SAS est une « messagerie d'exploitation dédiée aux situations de crise, permettant de transmettre des ordres prédéfinis, à exécuter par les opérateurs des sites et centres de conduite de production, afin de garantir la tenue des paramètres essentiels du système électrique (fréquence, tension) dans les limites autorisées » (8). La seule invocation de ce que RTE avait envoyé une indication générale sous forme de SAS n'est pas, en elle-même, de nature à établir qu'agir sur le marché à ce moment-là répondait aux nécessités de l'équilibrage.
  12. Engie n'apporte ainsi pas tous les éléments permettant au comité d'établir que les obligations d'équilibrage auxquelles elle est astreinte aient imposé la communication des informations relatives aux capacités de production en cause telles que décrites à la partie 5.5.1 de la présente décision et aient justifié de leur utilisation avant que celles-ci ne soient rendues publiques, faisant dès lors obstacle à ce qu'elle puisse se prévaloir de l'exonération de l'article 3, paragraphe 4 sous b rappelée au point 57. Le Comité note au surplus que la société Engie reconnaît elle-même ne pas en avoir fait usage (9), et ne saurait s'en prévaloir a postériori pour établir que le manquement ne serait pas constitué, et ce d'autant que l'article 3, paragraphe 4 sous b précité impose la communication, à l'ACER ainsi qu'à l'autorité de régulation nationale, des informations pertinentes relatives aux transactions effectuées, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
  13. Dès lors, la société Engie a méconnu, dans la mesure décrite ci-dessus, l'interdiction de procéder à des opérations d'initiés prévue par l'article 3 paragraphe 1 sous a du règlement REMIT.

(8) RTE - Documentation technique de référence - Chapitre 4 - article 4.7.
(9) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.39/45, point 71.

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Communication d'information privilégiée à un membre de l'équipe Short Term Trading

Résumé Est-ce que la communication entre deux équipes sur une panne de centrale était légale?

5.5.3. Sur la communication de l'information privilégiée à un membre de l'équipe Short Term Trading

  1. Ainsi que le souligne la notification des griefs, le 23 janvier 2017, entre 05:58:30 et 05:59:51 et exactement à 05:59:16 (heure à laquelle a été prononcé : « Attends je parle justement au trader. - Hors téléphone : Combigolfe aussi midi, avant midi… »), pendant qu'un membre de l'équipe Generation appelle un membre de l'équipe Dispatch pour l'informer que l'arrêt de la centrale Combigolfe sera prolongé jusqu'à 12 heures au lieu de 8 heures comme initialement anticipé par une information précédemment rendue publique, le membre de l'équipe Dispatch tient une conversation simultanée avec un membre de l'équipe Short Term Trading et l'informe de ce prolongement de l'arrêt de cette centrale.
  2. Cette divulgation, par un membre de l'équipe Dispatch à un membre de l'équipe Short Term Trading, de cette information relative à la poursuite de l'indisponibilité de la centrale Combigolfe et les modalités de cette divulgation a été reconnue par la société Engie, notamment dans sa réponse à la mesure d'instruction en date du 30 avril 2021, ainsi que dans ses observations en réponse à la notification des griefs, Engie évoquant en effet une « erreur opérationnelle » (10).
  3. La société Engie prétend que cette communication d'une information privilégiée à un membre de l'équipe Short Term Trading a été faite dans le cadre de l'exercice normal de ses fonctions par le membre de l'équipe Dispatch. L'article 3, paragraphe 1, sous b, du règlement REMIT prévoit en effet une telle exception : « Il est interdit aux personnes qui détiennent une information privilégiée en rapport avec un produit énergétique de gros : (…) / b) de communiquer cette information à une autre personne, si ce n'est dans le cadre normal de l'exercice de leur travail, de leur profession ou de leurs fonctions ».
  4. La condition de communication dans le cadre normal de l'exercice d'un travail, d'une profession ou d'une fonction, doit s'entendre comme exigeant que cette communication, s'il ressort des circonstances qu'elle n'est pas dénuée de tout lien avec cet exercice, soit d'une part nécessaire à cet exercice, et d'autre part, qu'elle soit proportionnelle, ainsi d'ailleurs qu'a pu le juger la CJCE dans sa jurisprudence Knud Grongraard en date du 22 novembre 2005 (n° C-384/02), au vu de la pratique décisionnelle des autorités de marché financières dans la mise en œuvre de textes portant sur la prohibition d'opérations d'initiés qui sont en substance analogues à celles sus rappelées.

(10) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.2/45, point 2.

5.5.3.1. S'agissant de l'absence de nécessité

  1. La société Engie prétend que l'information était nécessaire pour que Short Term Trading prépare les opérations nécessaires à l'équilibrage de la position de l'opérateur électrique.
  2. Toutefois et ainsi qu'il a été dit aux points 60 à 62 de la présente décision, si des obligations d'équilibrage pèsent bien sur la société Engie, celle-ci n'apporte pas au comité tous les éléments lui permettant d'établir que ses obligations aient imposé la communication d'informations relatives aux capacités de production avant que celles-ci n'aient été rendues publiques.
  3. Au surplus, comme le relève la société Engie dans sa réponse du 5 octobre 2018 et comme en témoigne sa propre procédure interne, à compter de la communication à Dispatch d'une telle information, celui-ci a l'interdiction de transmettre tout ordre d'achat ou de vente à l'équipe Short Term Trading avant que l'information ne soit publiée sur le site de transparence. En l'espèce, la demande d'achats de volumes pour compenser le délai d'indisponibilité de la centrale Combigolfe, nécessaire à l'exécution des obligations d'équilibrage, a d'ailleurs bien été adressée par Dispatch à Short Term Trading à 6h22, soit postérieurement à la publication de l'information en cause.
  4. La société Engie fait valoir que la circonstance que la demande d'achat n'ait été adressée par Dispatch à Short Term Trading qu'à 6h22 ne signifie aucunement qu'il n'était pas nécessaire d'avoir l'information bien en amont. Il ressort cependant des observations d'Engie en réponse à la notification des griefs qu'il était « tout à fait essentiel que la communication entre Dispatch et Short Term Trading soit fluide et rapide afin de pouvoir agir au plus vite sur les marchés dès la publication des informations » (11). Or le comité constate que Dispatch n'a adressé une demande d'achat que plus de 20 minutes après la communication de l'information, en contradiction avec un agissement effectué « au plus vite » comme Engie le prétend.
  5. La communication ne revêtait donc pas un caractère nécessaire.

(11) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p. 32/45, point 58.

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Imputation de manquement à Engie pour communication d'information privilégiée

Résumé Engie est en tort car ses employés ont partagé des informations sensibles en dehors du travail.

5.5.3.2. S'agissant de l'absence de proportionnalité

  1. Ainsi que cela vient d'être exposé aux points 69 à 72 de la présente décision, la communication ne revêtait pas un caractère nécessaire. Par suite, il n'est pas utile de discuter si, comme le soutient la société Engie, la communication revêtait un caractère proportionnel.
  2. En conséquence, l'information privilégiée relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale de production Combigolfe a été communiquée, le 23 janvier 2017 au matin, par un salarié de Dispatch à un salarié de Short Term Trading, en dehors du cadre normal du travail, de la profession ou des fonctions respectifs tant de l'émetteur que du destinataire de la divulgation.

5.5.3.3. S'agissant de l'imputation du manquement à Engie

  1. La société Engie fait en outre valoir, dans ses observations en réponse à la notification des griefs, que la personne morale Engie n'a jamais communiqué la moindre information à une autre personne et précise qu'il n'est à aucun moment précisé en quoi la communication effectuée entre deux préposés agissant pour son compte pourrait conduire à lui imputer une méconnaissance des dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous b, du Règlement REMIT (12).
  2. Elle ajoute que si l'imputation à une personne morale des manquements commis pas ses préposés peut se concevoir, une telle imputation ne saurait être mécanique, et que le principe constitutionnel de responsabilité personnelle qui trouve pleinement à s'appliquer s'agissant d'une procédure pouvant aboutir au prononcé de sanctions de nature pénale fait obstacle à l'existence de toute présomption irréfragable de responsabilité de la personne morale en cas de manquements commis par ses préposés.
  3. Engie précise que les personnes morales peuvent toujours s'exonérer de leur responsabilité en faisant valoir qu'ils ont mis en place des procédures internes de nature à prévenir et à détecter les manquements professionnels de leurs préposés, d'autant plus lorsque de telles procédures ont été mises en œuvre alors même que le règlement REMIT n'imposait pas la mise en œuvre de telles procédures. Elle soutient en conséquence qu'en ayant mis en place une procédure interne efficace de prévention d'un manquement lié à la communication de l'information litigieuse, elle ne peut se voir imputer un manquement au règlement REMIT.
  4. Il apparaît cependant que l'information a été communiquée pour le compte de la société Engie par ses préposés, lesquels n'ont au surplus et en tout état de cause pas retiré de bénéfice personnel de la communication de cette information. En conséquence, le manquement est bien imputable à la société mise en cause sans que cette dernière ne puisse s'exonérer de sa responsabilité en indiquant avoir mis en place des mesures permettant de prévenir et détecter de tels manquements. En effet si la mise en place de telles procédures destinées à prévenir des manquements doit être saluée, elle ne peut, par nature, faire obstacle à ce que tout manquement qui aurait été commis malgré sa mise en œuvre ne puisse engager la responsabilité de l'opérateur.
  5. Dès lors, la société Engie a méconnu les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous b, du règlement REMIT.

(12) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.33/45, point 62.

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Sanction pécuniaire pour manquement aux obligations énergétiques

Résumé Les amendes pour ne pas respecter les règles énergétiques peuvent aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires.
  1. Sanction retenue

6.1. Rappel des principes applicables en matière de sanction

  1. D'une part, selon l'article 18 du règlement REMIT : " Les Etats membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les sanctions prévues doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives et tenir compte de la nature, de la durée et de la gravité de l'infraction, du préjudice causé aux consommateurs et des gains potentiels tirés de la transaction sur la base d'informations privilégiées et d'une manipulation du marché. (…) / Les Etats membres prévoient que l'autorité de régulation nationale a la possibilité de divulguer publiquement des mesures ou sanctions imposées pour une violation du présent règlement, sauf si cette divulgation est la cause d'un préjudice disproportionné pour les parties concernées ".

  2. D'autre part, selon l'article L. 134-27 du code de l'énergie : " (…) en cas de manquement constaté dans les conditions prévues à l'article L. 135-12, et après l'envoi par le membre désigné en application de l'article L. 134-25-1 d'une notification des griefs à l'intéressé, le comité peut prononcer à son encontre, en fonction de la gravité du manquement : / (…) si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale, une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés. / Ce montant ne peut excéder 3 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos, porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation dans le cas d'un manquement aux obligations de transmission d'informations ou de documents ou à l'obligation de donner accès à la comptabilité, ainsi qu'aux informations économiques, financières et sociales prévues à l'article L. 135-1. (…) / Dans le cas des autres manquements, il ne peut excéder 8 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos, porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.(...) ".

6.2. Maximum légal de la sanction pécuniaire

  1. En application de ces dispositions de l'article L. 134-27 du code de l'énergie, le maximum légal de 3 % du chiffre d'affaires hors taxes s'applique pour un manquement aux obligations de transmission d'informations ou de documents ou à l'obligation de donner accès à la comptabilité. Pour les autres manquements, le maximum légal de la sanction s'élève à " 8 % du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos, porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ".

  2. Au cas d'espèce, le manquement de la société Engie aux dispositions de l'article L. 134-28 du code de l'énergie, ne constitue pas un manquement aux obligations de transmission d'informations ou d'accès à la comptabilité.

  3. En conséquence, le montant de la sanction en l'espèce ne peut excéder 8 % du chiffre d'affaires hors taxes de la société Engie du dernier exercice clos. En l'occurrence, le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en 2021 par la société Engie est de 57.9 milliards d'euros (13). Compte-tenu de cet élément, le maximum légal de la sanction s'élève à 4,632 milliards d'euros.

(13) https://www.wiztopic.com/download-pdf/620ba076ea48586abc7791b8.

6.3. Eléments d'appréciation de la sanction
6.3.1. Sur la nature, la durée et la gravité du manquement

  1. Le comité relève en premier lieu, que le règlement REMIT poursuit une finalité d'ordre public économique au sein de l'Union, notamment pour encadrer la protection et l'utilisation des informations privilégiées dont la divulgation ou l'utilisation sont de nature à porter atteinte à la transparence du marché de gros de l'électricité et au nécessaire nivellement des conditions d'intervention de ses acteurs, qui est un gage de leur confiance dans le marché.
  2. La méconnaissance du régime applicable aux informations privilégiées, de manière directement obligatoire et uniforme au sein de chacun des Etats membres de l'Union, est donc grave en soi.
  3. La société Engie insiste sur le fait que si le code de l'énergie invite le comité à se pencher sur la gravité du manquement au moment de la détermination du montant de la sanction, un manquement au règlement REMIT ne peut être considéré comme grave « en soi » (14).
  4. Elle met en avant la durée extrêmement brève des évènements, les circonstances particulières dans le cadre desquels ils sont intervenus, l'absence de caractère répété des manquements, le fait que ces événements ne pourraient plus se reproduire aujourd'hui et le faible montant des transactions opérées, lequel doit être mis en regard avec le montant total des transactions opérées le 23 janvier 2017.
  5. Le comité relève toutefois que les manquements commis doivent être regardés comme étant d'une particulière gravité, notamment au regard des fonctions occupées par les préposés de la société Engie, compte tenu de l'accès qu'ils ont à des informations confidentielles, de leur connaissance du marché, des procédures internes et des formations qui leurs sont dispensées.
  6. Le comité rappelle que les centrales à gaz tiennent une place importante dans la production d'électricité en hiver en complément des centrales nucléaires. De par leur souplesse de fonctionnement, elles permettent de faire face à des hausses de consommation non prévues de sorte qu'il peut y avoir une sollicitation de ces centrales beaucoup plus grande que les simples engagements contractuels avec des clients. L'indisponibilité de la centrale peut donc avoir des conséquences à la fois pour l'opérateur qui comptait sur ce moyen de production, et sur le fonctionnement du marché, en retirant un moyen d'ajustement.
  7. Le comité relève enfin que le cumul des manquements, à savoir la communication d'une information privilégiée et son utilisation, caractérise de plus fort leur gravité.

(14) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.40/45, point 74.

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Engagement et non-conformité de Engie au règlement REMIT

Résumé Engie a fait des erreurs en ne suivant pas les règles, mais a essayé de les corriger par la suite.

6.3.2. Situation de la société Engie

  1. En 2021, comme il a été indiqué plus haut, la société Engie a réalisé un chiffre d'affaires de 57,9 milliards d'euros, et n'a pas fait valoir de difficultés affectant sa capacité financière à exécuter à une sanction pécuniaire.
  2. Ainsi que le relève la notification des griefs, Engie est l'un des acteurs principaux du secteur de l'énergie en France et présente, par ses opérations et ses intérêts, une dimension internationale au sein de l'Union et à l'extérieur de celle-ci, ce que ne conteste pas Engie qui indique avoir « pleinement conscience de l'importance de son rôle sur le marché et de l'impact que pourrait avoir un manquement de sa part aux obligations prévues par le règlement REMIT » (15).
  3. Il en résulte donc une intensité particulière de l'obligation d'attention d'Engie au respect des normes applicables à ses activités.
  4. Ensuite, et comme relevé dans la notification des griefs, la société Engie agit dans un environnement professionnel marqué au plus haut point par l'importance cardinale du développement et de l'évaluation permanents des processus ainsi que par la culture de l'ingénierie en matière d'identification, de prévention et de minimisation des risques.
  5. La notification des griefs insiste sur la circonstance que, en dehors des apparences immédiates et malgré les efforts de la société Engie dans ce sens, le dossier ne met pas en évidence le rôle premier et exclusif des erreurs individuellement commises par les protagonistes des services Dispatch ou Short Term Trading, même si elles sont d'évidence la cause apparemment immédiate des manquements constatés.
  6. Pourtant, et comme souligné dans la notification des griefs, le rapprochement des faits et des mesures prises après leur réalisation par la société Engie pour prévenir leur répétition et pallier les carences ayant affecté les processus, conduit à estimer que l'analyse en amont menée par Engie des prescriptions du règlement REMIT relatives aux informations privilégiées a été insuffisante et, dans tous les cas, n'a pas été traduite par une mesure adéquate de l'importance à apporter, de manière concrète et effective, au respect de ces prescriptions dès le moment où elles ont été en vigueur. Contrairement à ce que soutient la société Engie, la prise en compte des mesures qu'elle a prises postérieurement à la réalisation des évènements considérés peut ainsi être utilisée pour comprendre et analyser les procédures alors en place le 23 janvier 2017.
  7. Le comité retient que le fait que le système d'horodatage des échanges téléphoniques, qui ne saurait être considéré comme hors de propos contrairement à ce que fait valoir Engie, n'ait pas été attentivement et systématiquement vérifié, alors qu'il s'agit d'un élément crucial pour la pesée de la fiabilité des modes opératoires dans un domaine où l'unité de mesure est de l'ordre de la seconde, comme en témoignent les événements qui se sont déroulés le 23 janvier 2017, a contribué à la faute, en ce qu'il est révélateur d'un comportement ou d'une négligence qui en soi, est constitutive de la faute ou l'a aggravée.
  8. De même, l'absence de mesure applicative de gel automatique des écrans avant le 23 janvier 2017, ainsi que l'absence de recherche systématique, d'identification et de prise en compte des risques résultant de la proximité physique entre les agents des services Dispatch et Short Term Trading ont également contribué à la faute, l'absence de séparation physique ne pouvant en effet que favoriser les comportements fautifs.
  9. Le comité relève enfin que la mesure applicative de gel automatique des écrans du Short Term Trading jusqu'à la publication effective de l'information privilégiée et le protocole de vérification redondante entre Dispatch et Short Term Trading sur la réalité de cette publication n'ont pas été conçus avant le 23 janvier 2017, alors que la faiblesse d'un processus reposant exclusivement sur des échanges oraux entre les agents chargés de ces deux fonctions, travaillant de surcroît à des plages horaires couvrant « H24 » et quelles que soient les formations qu'ils ont pu recevoir, pouvait être détectée dès l'entrée en vigueur du règlement REMIT et ne saurait en aucun cas renvoyer à une pratique normale de l'industrie en pareille circonstance.
  10. Si la société Engie soutient qu'il s'agit d'une erreur humaine, le règlement REMIT, strictement objectif, sanctionne le comportement des entreprises indépendamment de leur caractère volontaire. Le comité relève que le caractère d'erreur humaine involontaire, dès lors que le comportement des personnes en cause ne relevait pas d'une volonté personnelle de tirer un profit, montre que le système de gestion présenté comme rigoureux n'était pas en mesure de prévenir ce type d'erreur.
  11. Le comité constate la collaboration d'Engie aux diligences réalisées pendant l'enquête et avec le membre désigné, en fournissant avec diligence l'ensemble des éléments demandés. Le comité relève encore que la société Engie a reconnu les faits incriminés et incontestables, et a montré qu'elle avait pris conscience, consécutivement, de l'importance à apporter immédiatement aux carences organisationnelles que ces faits ont révélées. Enfin, le comité note que la société Engie a montré qu'elle avait effectivement adopté les mesures palliatives nécessaires et qu'elle s'était finalement placée, à l'égard du régime des informations privilégiées organisé par le règlement REMIT, dans une démarche activement responsable.

(15) Observations en réponse à la notification des griefs du 4 février 2022, p.41/45, point 77.

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Publication de la décision de sanction

Résumé La sanction sera publiée pendant deux ans pour montrer l'importance de la décision.

6.3.3. Sur l'ampleur du dommage causé au marché et du préjudice causé aux consommateurs

  1. Le comité relève que les cinq transactions irrégulièrement réalisées par utilisation d'une information privilégiée ont porté sur des volumes et des montants d'ampleur limitée, et que le dossier n'établit ni que le marché ait été atteint dans son équilibre ni que les consommateurs finals aient pu être affectés par les manquements commis.

6.3.4. Avantages tirés par la société Engie

  1. Le comité note qu'il n'apparaît pas que la société Engie ait retiré de ces manquements, qui au demeurant ne semblent avoir résulté d'aucune démarche délibérée et n'ont affecté qu'une information privilégiée survenue dans la journée du 23 janvier 2017, un avantage financier suffisamment significatif pour être pris en considération.

6.4. Détermination de la sanction

  1. Compte tenu de l'ensemble des éléments d'appréciation de la sanction exposé ci-dessus, il y a lieu de prononcer une sanction pécuniaire proportionnée de 80 000 euros à l'encontre de la société Engie.

6.5. Publication de la décision de la sanction

  1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 134-34 du code de l'énergie : « Ces décisions de sanction [du CoRDiS] sont motivées et notifiées à l'intéressé. Elles peuvent être publiées au Journal officiel de la République française et, selon les modalités précisées par le comité, sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie ou sur d'autres supports, notamment dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de la société sanctionnée, sous réserve des secrets protégés par la loi et de la mise en œuvre des garanties appropriées en ce qui concerne la protection des données à caractère personnel. Les frais de la publication sont supportés par la personne sanctionnée ».
  2. Eu égard aux exigences d'intérêt général qui s'attachent à ce que la présente décision soit connue de l'ensemble des acteurs du marché de l'énergie, notamment pour restaurer la confiance des acteurs envers le marché et son bon fonctionnement, le comité décide que la présente décision de sanction sera publiée, sous réserve des secrets protégés par la loi, au Journal officiel de la République française, sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie et dans le prochain communiqué financier de la société Engie dont la publication est prévue le 29 juillet 2022.
  3. Au regard des faits de l'espèce et de la sanction qu'ils justifient, il sera fait une juste appréciation des modalités du maintien en ligne de la présente décision sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie en fixant cette durée à deux ans à compter de sa première publication, dans les conditions fixées au point 107.

Décide :

Article 1

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Méchonnaissance du règlement sur l'intégrité et la transparence du marché de l'énergie par Engie

Résumé Engie a enfreint les règles de transparence et d'honnêteté du marché de l'énergie.

La société Engie a méconnu l'article 3 du Règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie.

Article 2

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Sanction pécuniaire contre la société Engie

Résumé Engie a une amende de 80 000 euros.

Une sanction pécuniaire de 80 000 euros est prononcée à l'encontre de la société Engie.

Article 3

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Publication de la décision de la Commission de régulation de l'énergie

Résumé Cette décision sera publiée partout, sauf les secrets, et Engie ne sera plus nommée après deux ans.

La présente décision sera publiée, sous réserve des secrets protégés par la loi, au Journal officiel de la République française, sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie et dans le prochain communiqué financier de la société Engie dont la publication est prévue le 29 juillet 2022. La version de la décision publiée sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie n'identifiera plus nommément la société Engie à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de sa première publication sur ce site internet.

Article 4

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Notification de la Décision à la Société Engie

Résumé La société Engie sera avertie de la décision.

La présente décision sera notifiée à la société Engie.

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Transmission de la décision à la Commission de régulation de l'énergie

Résumé La décision va être envoyée au président de la Commission de régulation de l'énergie.

Copie de la présente décision sera adressée au président de la Commission de régulation de l'énergie.

Fait à Paris, le 19 mai 2022.

Pour le comité de règlement des différends et des sanctions, :

Le président,

T. Tuot