1.3. Notification d'un procès-verbal pris en application des dispositions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie
Conformément aux dispositions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie, et au regard des éléments recueillis au cours de son enquête, l'agent enquêteur a établi le procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019.
Après y avoir présenté la procédure antérieure suivie par la CRE ainsi que le secteur et l'entreprise concernée, il a procédé à la description des faits ayant caractérisé le comportement suspect d'Engie à l'origine de l'ouverture de l'enquête.
L'agent enquêteur a considéré, après analyse des faits relevés, que la société Engie avait méconnu les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous a et sous b du règlement REMIT, relatives à l'interdiction des opérations d'initiés, et a conclu de la manière suivante :
- La communication de la prolongation de l'arrêt de l'unité de production de Combigolfe par l'équipe Dispatch à l'équipe Trading avant la publication de celle-ci sur le site de transparence d'Engie constitue un manquement aux dispositions de l'article 3(1)(b) du règlement REMIT ;
- Le comportement d'Engie sur le marché infra-journalier lors de la journée du 23 janvier 2017, et notamment la réalisation de cinq transactions à des fins d'équilibrage sur EPEX SPOT pour les produits H11 et H12 entre 06:01:08 et 06:01:17, constitue un manquement aux dispositions de l'article 3(1)(a) du règlement REMIT ».
Ce procès-verbal a été notifié à la société Engie le 6 décembre 2019, cette dernière ayant été invitée, conformément à l'article L. 135-12 du code de l'énergie, à présenter ses observations dans un délai de 15 jours. Le 18 décembre 2019, l'agent enquêteur a fait droit à la demande de délai supplémentaire présentée par la société Engie et l'a invitée à adresser ses observations en réponse au plus tard le 31 janvier 2020.
1.4. Observations de la société Engie en réponse au procès-verbal
La société Engie a communiqué le 31 janvier 2020 ses observations écrites en réponse au procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019. Elle a également demandé à présenter des observations orales, demande à laquelle l'agent enquêteur a répondu le 20 février 2020 qu'une rencontre ne lui paraissait pas nécessaire.
Dans ses observations écrites, la société Engie souligne en substance qu'afin de se conformer au règlement REMIT, elle a mis en œuvre un modèle d'organisation reposant d'une part sur une stricte séparation entre les activités de production (Generation), et, d'autre part, les activités d'optimisation des actifs de production (Dispatch) et de Trading. Elle indique par ailleurs avoir mis en œuvre une procédure de traitement des informations privilégiées entre ces différentes activités, et aux termes de laquelle après communication de l'information privilégiée par Generation à Dispatch, Dispatch indique à Short Term Trading, par téléphone sur une ligne enregistrant les communications, d'arrêter toute activité de Trading en lien avec le marché concerné jusqu'à la publication de l'information privilégiée - laquelle va ainsi perdre cette nature - sur le site de transparence d'Engie (l'ordre est donné oralement par les termes « stop trading ! »). Toutefois et pour préparer les opérations de Short Term Trading à mettre en œuvre aussitôt que l'information privilégiée aura perdu cette nature par sa publication, cette procédure ne fait pas obstacle à la communication entre Dispatch (qui doit optimiser les actifs de production) et Short Term Trading des informations indispensables au rééquilibrage de la position d'Engie affectée par une indisponibilité d'un actif de production du groupe. Enfin, la société Engie relève qu'elle a mis en œuvre une politique de contrôle par des équipes de conformité du respect du traitement des informations privilégiées.
En réponse aux constats dressés dans le procès-verbal, la société Engie soutient, en premier lieu, que la communication en question de la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe par Dispatch s'inscrivait dans le cadre normal des fonctions des personnes concernées.
En effet, selon la société Engie, la communication de l'information en cause par un salarié de Dispatch à un salarié de Short Term Trading était strictement nécessaire à l'exercice de leur fonction respective pour que la société puisse se conformer à ses engagements d'équilibrage vis-à-vis de la société RTE et proportionnée à la réalisation de cet objectif : face aux indisponibilités de deux centrales, la société Engie devait envisager de racheter, par l'intermédiaire de Short Term Trading, des volumes disponibles sur le marché, dans les meilleurs délais.
La société Engie estime que cette communication a respecté le principe de proportionnalité, dans la mesure où, selon elle, l'ensemble des acteurs avaient déjà connaissance des problèmes techniques auxquels elle était confrontée pour la remise en production des deux centrales touchées et où, toujours selon elle, l'information n'a été communiquée qu'à un seul salarié, qui ne l'a pas utilisée pour agir sur le marché.
En second lieu, la société Engie affirme que les cinq transactions identifiées, effectuées entre 06:01:08 et 06:01:17 le 23 janvier 2017 par le salarié en cause de « Short Term Trading », résultent d'une erreur opérationnelle qui n'a pas eu d'impact sur le marché et a depuis été corrigée.
La société Engie fait valoir que le salarié de Short Term Trading avait, avant d'agir sur le marché, obtenu la confirmation orale du salarié de Dispatch que l'information privilégiée avait été rendue publique. Elle souligne que, compte tenu de l'attente d'une minute après le signal « stop trading ! » pour intervenir sur le marché, sa bonne foi est manifeste. La société Engie indique que le salarié de Short Term Trading n'a pas vérifié, au préalable, conformément aux procédures internes en vigueur, l'effectivité de la publication de l'information sur le site de transparence d'Engie.
La société Engie soutient que les cinq transactions identifiées n'ont eu aucun impact sur le marché. Elle souligne que ces transactions ne concernaient qu'un très faible volume au regard de la totalité des quantités qu'elle a achetées et que ces transactions à l'achat n'ont pas eu lieu au prix le plus bas.
Enfin, la société Engie indique que « l'erreur opérationnelle » a depuis été corrigée. Elle déclare, d'une part, que des formations à destination des équipes d'optimisation de Dispatch et de celles de Short Term Trading ont été organisées. Elle déclare, d'autre part, que les règles internes ont été renforcées, avec un mécanisme technique de gel automatique des écrans des membres de Short Term Trading jusqu'à la publication effective de l'information privilégiée, par la mise en place d'un contrôle redondant de cette publication par double regard entre Dispatch et Short Term Trading et par un contrôle ex-post par les équipes.
1.5. Saisine du comité par le président de la Commission de régulation de l'énergie
Eu égard aux conclusions du procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019 ainsi qu'aux observations de la société Engie, le président de la CRE a décidé de saisir le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de sanction à l'égard de la société Engie, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 134-25 du code de l'énergie.
Cette saisine enregistrée sous le numéro 01-40-20 a été adressée par une lettre du 25 février 2020, remise au président du CoRDiS le 25 mai 2020 et comportant, en application des dispositions de l'article R. 134-29 du code de l'énergie, les pièces sur lesquelles la saisine est fondée.
- Ouverture, sur le fondement de l'article R. 134-30 du code de l'énergie, de la procédure d'instruction et les griefs retenus
Vu la décision du président du comité de règlement des différends et des sanctions en date du 30 juin 2020, notifiée à la société Engie par un courrier du 3 mars 2021, désignant Monsieur Laurent-Xavier Simonel membre du comité en charge de l'instruction (ci-après « membre désigné »), en application de l'article R. 134-30 du code de l'énergie.
Vu la décision du membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie en date du 20 décembre 2021, portant notification des griefs à la société Engie.
2.1. Rappel de la procédure suivie par le membre désigné
2.1.1. Cadre juridique applicable
L'article L. 134-27 du code de l'énergie prévoit que les sanctions énumérées dans cet article sont encourues « en cas de manquement constaté dans les conditions prévues à l'article L. 135-12 , et après l'envoi d'une notification des griefs à l'intéressé ».
Selon l'article L. 134-31 du code de l'énergie, les « sanctions énumérées à l'article L. 134-27 sont prononcées après que le gestionnaire, l'opérateur, l'exploitant ou l'utilisateur d'un réseau, d'un ouvrage ou d'une installation, le fournisseur d'électricité ou de gaz naturel ou toute personne qui effectue ou organise des transactions sur un ou plusieurs marchés de gros de l'énergie ou portant sur des garanties de capacités mentionnées à l'article L. 335-2 a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites et verbales, assisté par une personne de son choix ».
Aux termes de l'article R. 134-30 du code de l'énergie, « pour chaque affaire, le président du comité de règlement des différends et des sanctions désigne un membre de ce comité chargé, avec le concours des agents de la Commission de régulation de l'énergie, de l'instruction. Le cas échéant, ce membre adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 134-26 et notifie les griefs. Il peut ne pas donner suite à la saisine ».
En outre, selon l'article 14 de la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, « s'il y a lieu, le membre désigné notifie les griefs, les sanctions encourues et la sanction qu'il entend proposer au comité de règlement des différends et des sanctions. Cette notification est adressée à la personne mise en cause qui dispose d'un délai ne pouvant pas être inférieur à quinze jours pour présenter au comité de règlement des différends et des sanctions ses observations écrites ».
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de manquement constaté dans les conditions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie, le membre désigné du comité peut notifier des griefs sans mettre l'intéressé préalablement en demeure.
2.1.2. Echanges contradictoires antérieurs à la notification des griefs
Par deux lettres du 3 mars 2021, le membre désigné a notifié à la société Engie ainsi qu'à son conseil, Me Michel Guénaire (cabinet Gide), la copie de la saisine du CoRDiS et de la décision de son président le désignant pour l'instruction de cette demande. Compte tenu de la nature particulière de certains éléments du dossier de saisine (fichiers audio), il a invité la société Engie à se rendre dans les locaux de la CRE pour avoir accès à l'ensemble du dossier dont l'inventaire détaillé a été annexé à sa lettre du 3 mars 2021.
Par lettre du 13 avril 2021, le membre désigné a demandé au président de la CRE de bien vouloir lui communiquer, selon une liste précise, les pièces mentionnées dans le dossier de saisine dont il n'était pas certain qu'elles aient été transmises avec la demande de sanction. Une copie de cette demande a été notifiée au conseil de la société Engie, par lettre du même jour.
Par lettre du même 13 avril 2021 à son conseil, le membre désigné a demandé à la société Engie de bien vouloir lui communiquer les informations et pièces suivantes :
« 1. L'opérateur est invité à exposer de manière précise en quoi les dispositifs d'organisation et de processus qu'il avait effectivement mis en oeuvre au 23 janvier 2017 étaient de nature à contribuer efficacement à la prévention des opérations d'initiés interdites ou couvertes par l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (règlement REMIT) ainsi qu'à la réalisation des obligations positives prévues par l'article 4 de ce règlement. Il est invité à produire tous les documents ou informations dont il estime qu'ils justifient de ces dispositifs.
2. L'opérateur est invité à transmettre les supports ou comptes-rendus des formations organisées par la société Engie, à destination des équipes d'optimisation et de trading sur le respect des dispositions du règlement REMIT (page 32 de vos observations du 31 janvier 2020), s'agissant en particulier des modalités de communication d'informations par les membres de l'équipe Dispatch aux membres de l'équipe Short Term Trading. »
Le 15 avril 2021, la société Engie (par l'intermédiaire de son conseil et d'un de ses représentants) a eu accès, au sein des locaux de la CRE, à l'ensemble des pièces du dossier de saisine et en a pris une copie.
Par lettre du 19 avril 2021, le président de la CRE a communiqué au membre désigné les pièces demandées dans sa lettre du 13 avril 2021.
Par lettre du 30 avril 2021, le conseil d'Engie a répondu à la demande du membre désigné du 13 avril 2021 en communiquant seize pièces (dont celles communiquées par la lettre du 19 avril 2021 du président de la CRE).
Par lettre du 22 juin 2021, le membre désigné a communiqué au conseil d'Engie la réponse du président de la CRE du 19 avril 2021 et, compte tenu du format et du volume de certaines pièces, l'a invité à en prendre connaissance et à en faire une copie numérisée en se rendant dans les locaux de la CRE.
Par lettre du 7 juillet 2021, le membre désigné a demandé au président de la CRE de bien vouloir lui communiquer la pièce intitulée : « Annexe 2_Consolidated Overwiew file_rectifié » (annexe 2 à la seconde réponse d'Engie du 5 octobre 2018 en phase d'enquête), dont il n'était pas certain qu'elle ait été transmise en même temps que la demande de sanction. Une copie de cette demande a été notifiée au conseil de la société Engie, par lettre du même jour.
Par lettre du 8 juillet 2021, le président de la CRE a communiqué la pièce demandée. Par lettre du 23 juillet 2021, le membre désigné a communiqué au conseil d'Engie cette réponse du président de la CRE du 8 juillet 2021 et, compte tenu du format de la pièce annexée à cette réponse, l'a invité à en prendre connaissance et à en faire une copie numérisée en se rendant dans les locaux de la CRE.
Le 15 septembre 2021, la société Engie (par l'intermédiaire de ses conseils) a eu accès, au sein des locaux de la CRE, à l'ensemble des pièces communiquées par le président de la CRE en réponse aux deux mesures d'instruction du membre désigné du 13 avril 2021 et du 7 juillet 2021 et en a pris une copie.
2.1.3. Constatations du membre désigné
Sur le caractère privilégié de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de l'unité Combigolfe
Le membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions a constaté que l'information de prolongation de la durée de l'arrêt fortuit de l'unité Combigolfe du matin du lundi 23 janvier 2017 et du décalage à 12:00 de son retour en production sur le réseau constitue une information couverte par le règlement REMIT.
Il relève que cette information i) revêt un caractère précis en ce qu'elle porte sur une unité de production identifiée, et sur son indisponibilité, pour une durée anticipée définie par une tranche horaire et pour un volume de production déterminé connue par la société Engie, ii) que jusqu'à 06:01:24 le 23 janvier 2017, elle n'avait pas été rendue publique, iii) qu'elle est de nature à concerner la conclusion et l'exécution des contrats de fourniture d'électricité avec livraison dans l'Union, pour les produits infra-journalier avec livraison en France, négociés sur EPEX SPOT, qui constituent des produits énergétiques de gros au sens des dispositions de l'article 2, paragraphe 4, du règlement REMIT, iv) et que cette information, eu égard à la capacité importante de Combigolfe et la position fortement acheteuse d'Engie sur le marché infra-journalier qui en découle, était susceptible d'influencer de façon sensible les prix des produits énergétiques de gros.
Le membre désigné a donc estimé que l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de l'unité Combigolfe, le 23 janvier 2017, entre 05:58:43, heure où a été indiqué : « Là on est parti sur midi pour les deux centrales en fait, aux alentours de midi » par Generation à l'intention de Dispatch et 06:01:24, heure à laquelle elle a été rendue publique, présentait les caractéristiques d'une information privilégiée au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement REMIT.
Sur la communication de l'information privilégiée à un membre de l'équipe Short Term Trading
Le membre désigné du comité relève que le 23 janvier 2017, entre 05:58:30 et 05:59:51 et exactement à 05:59:16, un membre de l'équipe Dispatch a tenu une conversation simultanée avec un membre de l'équipe Short Term Trading et l'a informé du prolongement de l'arrêt de la centrale de Combigolfe, et que cette divulgation a été reconnue par la société Engie dans le cadre de la mission de surveillance exercée par la CRE.
Le membre désigné du comité note que cette communication n'apparaît pas comme conforme aux règles de procédure interne de la société Engie, aux termes de laquelle les membres de l'équipe Dispatch ont le statut d'« Initiés Permanents » et ne peuvent, à ce titre, disposer d'un accès direct aux marchés, au contraire des membres de l'équipe Short Term Trading qui n'ont pas accès à l'information tant qu'elle n'est pas publiée.
Il constate qu'il ressort de la procédure en cause qu'en cas d'événement, au moment de l'envoi de l'instruction de « stop trading ! », Dispatch ne doit communiquer à Short Term Trading que le pays concerné, afin de déterminer le champ géographique de l'interdiction de transaction, et que l'équipe Short Term Trading, lorsqu'elle accède au site de transparence d'Engie, ne peut pas vérifier le contenu de l'information publiée.
Dès lors, la communication par un membre de l'équipe Dispatch à un membre de l'équipe Short Term Trading de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale Combigolfe avant sa publication n'était pas conforme aux règles de procédure interne de la société Engie. Cette non-conformité ne permet pas de considérer que la communication de cette information pouvait entrer, à quelque titre que ce soit, dans le cadre normal de l'exercice des activités de l'émetteur de cette information privilégiée et, encore moins, de celles de son destinataire.
Il relève encore que rien au dossier ne permet de penser que l'accès par un membre de l'équipe Short Term Trading à l'information en cause avant qu'elle ne soit publiée n'ait été nécessaire. Il retient que la demande d'achats de volumes pour compenser le délai d'indisponibilité de la centrale Combigolfe, nécessaire à l'exécution des obligations d'équilibrage, a bien été adressée par Dispatch à Short Term Trading à 6 h 22, soit postérieurement à la publication de l'information en cause.
Il constate dès lors qu'aucun motif lié aux activités des protagonistes ne justifiait la communication de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale Combigolfe avant que celle-ci ne soit rendue publique, en sorte que « l'information privilégiée relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale de production Combigolfe a été communiquée, le 23 janvier 2017 au matin, par un salarié de Dispatch à un salarié de Trading, en dehors du cadre normal du travail, de la profession ou des fonctions respectifs tant de l'émetteur que du destinataire de la divulgation, et que la société Engie a méconnu les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous b, du règlement REMIT ».
Sur l'utilisation de l'information privilégiée par un membre de l'équipe Short Term Trading
Le membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions relève qu'entre 06:01:08 et 06:01:17, soit avant 06:01:24 qui est l'heure de la publication de l'information privilégiée lui ayant fait perdre cette nature, la société Engie a réalisé cinq transactions en lien avec les produits H11 et H12, auxquels se rapporte l'information privilégiée, et que l'ensemble de ces transactions représente un volume de 100 MWh pour un montant total de 16 205 €.
Il constate que la réalisation de ces cinq transactions n'est pas contestée par la société Engie, laquelle soutient qu'il s'agit d'une « erreur opérationnelle » commise sans aucune intention de méconnaître le règlement REMIT et que les transactions réalisées n'ont eu aucun impact sur le marché.
Il retient que pour la constatation du manquement relatif à l'interdiction d'opérations d'initiés, les faits susceptibles de le caractériser doivent s'apprécier de manière objective, indépendamment des facteurs subjectifs de leur réalisation et de leurs conséquences sur le marché, et que toute utilisation d'une information privilégiée, constituée par l'acquisition ou la cession de produits énergétiques de gros auxquels se rapporte cette information, est interdite.
Il estime que le 23 janvier 2017, entre 06:01:08 et 06:01:17, un membre de l'équipe Short Term Trading a utilisé une information privilégiée et que, partant, Engie a méconnu l'interdiction prescrite par l'article 3, paragraphe 1, sous a du règlement REMIT.
2.1.4. Griefs retenus par le membre désigné
Le membre désigné du comité de règlement des différends et des sanctions a reproché à la société Engie :
- « d'une part, la communication irrégulière, le 23 janvier 2017, par rapport à ce qui avait été rendue public, de l'information privilégiée de la prolongation de l'indisponibilité de l'unité de production d'électricité de Combigolfe, qui a été faite par un membre de l'équipe Dispatch à un membre de l'équipe Trading avant la publication de cette information sur le site de transparence d'Engie (manquement aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous b du règlement REMIT) ;
- d'autre part, le comportement consécutif sur le marché considéré caractérisé par l'utilisation irrégulière de cette information privilégiée par la réalisation de cinq transactions sur EPEX SPOT pour les produits H11 et H12 entre 06:01:08 et 06:01:17 au matin du lundi 23 janvier 2017 (manquement aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous a du règlement REMIT). »
Conformément aux dispositions de l'article R. 134-32 du code de l'énergie, la société Engie a été invitée par la notification des griefs à présenter ses observations en réponse avant le 4 février 2022 à 12 heures et à consulter le dossier.
Aux termes de la notification des griefs, le membre désigné estime qu'une sanction pécuniaire devrait être prononcée à l'encontre de la société Engie dont le montant pourrait être fixé entre 80 000 euros et 110 000 euros.
Vu le courrier électronique en date du 11 janvier 2022 par lequel le conseil de la société Engie a demandé à consulter le dossier.
Le 14 janvier 2022, la société Engie a eu accès à l'ensemble des pièces du dossier de la notification des griefs au sein des locaux de la Commission de régulation de l'énergie. Le conseil de la société Engie a été autorisé à télécharger l'ensemble des pièces du dossier sur une clé USB.
- Observations en réponse à la notification des griefs
Vu les observations en réponse à la notification des griefs, enregistrées le 4 février 2022 pour la société Engie.
La société Engie présente le dispositif qu'elle a mis en place pour prévenir les opérations d'initiés au sens du règlement REMIT, en y exposant tout à la fois son organisation, les mécanismes mis en place, les contrôles opérés ainsi que ses obligations d'équilibrage.
Elle présente ensuite les événements de la matinée du 23 janvier 2017 au cours de laquelle RTE a activé le signal d'alerte et de sauvegarde (SAS), en détaillant les séquences d'intervention réalisées sur les produits H11 et H12.
Elle revient ensuite sur la procédure suivie.
Sur l'insuffisance de la démonstration proposée dans la notification des griefs quant au caractère privilégié de l'information en cause
La société Engie rappelle que pour être qualifiée de privilégiée, l'information doit être suffisamment précise, ne pas avoir été rendue publique, concerner un produit énergétique de gros, et, si elle était rendue publique, être susceptible d'influencer de façon sensible les prix de produits énergétiques de gros.
Elle insiste à titre liminaire sur la circonstance que le seul fait que cette information ait été publiée sur le site de transparence d'Engie ne permet pas de déduire qu'il s'agissait d'une information privilégiée, dès lors qu'en application du règlement UE n° 543/2012 de la commission du 14 juin 2013, l'information devait faire l'objet par nature d'une publication. Le déclenchement par Dispatch d'un Stop Trading n'est pas de nature à confirmer que l'information présentait effectivement les caractéristiques d'une information privilégiée.
Elle prétend que la notification des griefs propose une démonstration extrêmement rapide du caractère privilégié de l'information.
Elle relève que la question qu'il convient de se poser est celle de savoir si le marché pouvait ou non s'attendre à la prolongation d'une indisponibilité fortuite.
Elle indique que le marché sait d'emblée que les durées d'indisponibilité annoncées sont basées sur des estimations et sont susceptibles de varier, dans la mesure où l'indisponibilité fortuite résulte de difficultés techniques sur lesquelles des personnels spécialisés travaillent en parallèle.
Elle fait donc valoir que l'aléa est grand, et que la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe intervient dans un contexte où le marché est d'ores et déjà informé d'une baisse de la capacité de production d'Engie du fait de l'indisponibilité de Cycofos, et par conséquent de la position acheteuse d'Engie sur le marché infra journalier. Or si la position est renforcée, il convient de s'interroger sur le point de savoir si la quantité complémentaire était suffisamment substantielle pour que l'information soit prise en compte par les autres participants sur le marché.
A cela s'ajoute que lorsque l'opération est publiée, les acteurs du marché ne se précipitent aucunement pour réaliser des opérations sur les produits H11 et H12. Elle précise que corrélativement, la publication de l'indisponibilité n'a en réalité eu aucun effet sur les prix de ces produits.
Par conséquent, selon Engie, l'information qualifiée de privilégiée par la notification des griefs n'a eu aucune influence sur le prix des produits H11 et H12, et a fortiori pas d'influence sensible lorsqu'elle a été rendue publique.
Elle soutient qu'au regard de la teneur de cette information (prolongation d'une indisponibilité, position acheteuse d'Engie déjà connue), cette absence d'influence sensible était en réalité prévisible avant la publication de l'information pour l'ensemble des acteurs du marché. Elle ajoute qu'il apparaît difficile de considérer que l'information en cause présentait effectivement les caractéristiques d'une information privilégiée, et les développements de la notification des griefs sont à cet égard insuffisants, alors qu'il s'agit d'une condition sine qua non de la caractérisation des deux griefs retenus à l'encontre d'Engie.
Sur l'absence de communication illicite d'une information privilégiée
La société Engie prétend que la communication opérée est intervenue dans le cadre normal des fonctions des préposés, suivant des principes de nécessité et de proportionnalité, en sorte qu'aucun manquement au règlement REMIT ne peut être caractérisé.
S'agissant de la communication d'une information dans le cadre normal des fonctions des préposés, elle fait valoir que dès lors que l'obligation d'abstention de communication d'information privilégiée constitue une exception au principe de liberté d'expression, elle doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire. Elle ajoute qu'il existe des situations dans lesquelles la communication d'une information, même présentant les caractéristiques d'une information privilégiée est en réalité incontournable, et que c'est dans cette logique que le règlement REMIT précise que la communication d'une information privilégiée n'est réprimée que si elle intervient hors du cadre normal de l'exercice du travail, de la profession ou des fonctions des protagonistes.
S'appuyant sur des décisions de la CJUE et de l'AMF (2), elle soutient que les critères de l'exception sont ceux d'un lien étroit avec la profession et du respect d'un principe de nécessité et de proportionnalité, lequel doit s'apprécier au regard du nombre restreint des collaborateurs informés.
Elle ajoute que l'exception de communication ne peut être examinée à l'aune du respect de la procédure interne, la commission des sanctions de l'AMF (3) n'ayant d'ailleurs pas considéré que la communication litigieuse était bien intervenue dans le cadre normal des fonctions des protagonistes au regard de des stipulations des procédures internes applicables.
Concernant la communication entre Dispatch et Short Term Trading dans le cadre normal de leurs fonctions, la société Engie revient sur la conformité aux procédures internes et sur l'existence d'un lien étroit avec les fonctions et le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.
Au regard de la conformité aux procédures internes, elle précise qu'il est inexact d'indiquer, comme le fait le membre désigné dans la notification des griefs, que la communication d'une information serait, en toutes circonstances, prohibée par les procédures internes d'Engie.
Revenant sur la notification des griefs, elle indique que la procédure interne ne prévoit pas que lors du Stop Trading, Dispatch ne doit communiquer à Short Term Trading « que le pays concerné » mais qu'il doit nécessairement lui communiquer cette information afin de définir le champ géographique sur lequel il doit cesser ses activités. Elle ajoute que cette procédure n'exclut aucunement que d'autres informations puissent également lui être communiquées.
Elle indique par ailleurs que l'interprétation du membre désigné selon laquelle les membres de l'équipe Short Term Trading n'auraient pas à connaître du contenu des informations figurant sur le site de transparence d'Engie une fois celles-ci publiées n'a surtout pas de sens dès lors qu'il s'agit précisément d'informations publiques.
Elle fait encore valoir que la formation contenant une slide sur laquelle il était fait référence à la mention « no access for traders » n'est qu'un support de formation destinée à plusieurs équipes, dont certaines n'ont en aucune circonstances à connaître des informations reçues par Dispatch. Elle insiste sur le fait que la formation « REMIT information session for O&P », communiquée en réponse précise que s'agissant de l'équipe Short Term Trading, la prévention des opérations d'initiés est assurée en premier lieu non pas par une stricte muraille de Chine, mais par le Stop Trading.
Selon Engie, les éléments mis en avant dans la notification des griefs ne permettent pas de conclure à l'existence, au sein des procédures internes, d'une interdiction absolue de communication entre Dispatch et Short Term Trading.
Elle soutient que la seule méconnaissance de la procédure interne qui ait été commise réside dans le fait de ne pas avoir vérifié que l'information ayant engendré un process de Stop Trading avait effectivement été publiée, mais que cette circonstance, qui concerne une phase postérieure à la transmission de l'information ne peut avoir une incidence rétrospective sur la conformité de la communication à la procédure interne et a fortiori à la réglementation.
Au regard de l'existence d'un lien étroit avec les fonctions et le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, Engie indique tout d'abord que le cœur des fonctions Dispatch est l'optimisation des actifs et la coordination nécessaire au regard des obligations d'équilibrage physiques d'Engie, cependant que l'équipe Short Term Trading a pour mission de mettre en œuvre sur le marché infra-journalier les actions nécessaires au respect des obligations d'équilibrage. Selon Engie, lorsque Dispatch transmet à Short Term Trading une information relative à une difficulté devant conduire Short Term Trading à réaliser des opérations sur le marché cette communication présente nécessairement un lien étroit avec les fonctions de ces deux entités.
S'agissant de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de la centrale Combigolfe, lorsque Dispatch l'apprend, Short Term Trading tente d'acquérir depuis plusieurs minutes des quantités importantes d'électricité sur la période de 10 heures à 12 heures (produits H11 et H12), pour couvrir les besoins d'Engie compte tenu de l'indisponibilité de la centrale Cycofos. Aussi, la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe allait accroître les besoins d'Engie sur ces périodes, et il était important que Short Term Trading se prépare à acheter des quantités disponibles à la vente pour couvrir les besoins déjà existants. La communication était donc nécessaire. Par ailleurs, la communication n'a été faite qu'à un seul préposé, lequel avait suivi les formations adéquates relatives au traitement de l'information privilégiée, et savait en conséquence apprécier la nature de l'information selon un principe de précaution et n'a pris aucune position immédiate sur le marché relativement à l'information communiquée dans l'attente de l'émission du signal Stop Trading. La communication répondait ainsi au principe de proportionnalité.
Pour Engie, la communication est donc intervenue dans le cadre normal des fonctions des préposés, suivant des principes de nécessité et de proportionnalité, de sorte qu'aucun manquement REMIT ne peut être caractérisé.
S'agissant de l'impossible imputation d'un manquement de communication d'information privilégiée à Engie, cette dernière insiste sur le fait que l'article 3(1)(b) du règlement REMIT prohibe la communication d'une information à une autre personne, or, la personne morale Engie n'a jamais communiqué la moindre information à une autre personne.
Elle fait valoir qu'il n'est à aucun moment précisé, dans la notification des griefs, en quoi une telle communication entre deux proposés agissant tous deux pour le compte d'Engie pourrait conduire à lui imputer une méconnaissance des dispositions de l'article 3(1)(b) du règlement REMIT.
Selon Engie, le principe constitutionnel de responsabilité personnelle fait obstacle à l'existence de toute présomption irréfragable de responsabilité de la personne morale en cas de manquements commis par ses préposés. Concernant le règlement REMIT, et dans la mesure où il n'existe aucune obligation légale ou réglementaire de mise en place de procédure visant à prévenir les manquements, l'établissement ayant malgré tout mis en œuvre de telles procédures doit de plus fort pouvoir s'exonérer de sa responsabilité si des manquements venaient à être commis.
La société Engie précise avoir démontré qu'elle avait adopté et mis en œuvre, bien avant 2017, une organisation et des procédures pour prévenir tout manquement au règlement REMIT, procédures dans le cadre desquelles la circulation d'informations potentiellement privilégiées au sein de l'établissement était parfaitement encadrée, et la prévention d'opérations d'initiés complétée par un mécanisme de Stop Trading. Partant, et si tant est que la communication de l'information litigieuse puisse être constitutive d'un manquement, Engie avait bien mis en place une procédure interne efficace de prévention d'un tel manquement, en sorte qu'elle ne peut, en tout état de cause se voir imputer un manquement au règlement REMIT.
Sur l'absence d'utilisation indue d'une information privilégiée
La société Engie fait valoir d'une part que la notification des griefs ne démontre pas en quoi elle aurait fait une utilisation indue de l'information relative à la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe en acquérant les produits H11 et H12, et d'autre part, qu'en tout état de cause, les opérations en question entraient dans le cadre de l'exception prévue par le règlement REMIT.
S'agissant de l'absence de démonstration de l'utilisation indue de l'information privilégiée, elle soutient que le fait que les transactions aient été réalisées par erreur et en méconnaissance de la procédure interne quelques secondes avant la publication d'une information sur le site de transparence d'Engie n'est pas suffisant pour faire mécaniquement dégénérer ces opérations en utilisation illicite de ladite information.
Elle s'appuie sur la jurisprudence de la CJUE selon laquelle s'il peut être présumé qu'une personne qui détient une information privilégiée et réalise une opération sur le marché d'un produit concerné par cette information fait une utilisation de cette dernière, cette présomption n'est pas irréfragable. Elle ajoute qu'il ne peut a fortiori être mécaniquement déduit que l'utilisation serait indue, alors que selon la CJUE, seule une telle utilisation constitue une opération d'initié prohibée. Engie fait par ailleurs valoir qu'afin de déterminer si la personne a véritablement enfreint l'interdiction des opérations d'initiés son comportement doit être analysé à la lumière des objectifs de la réglementation, le règlement REMIT prévoyant à cet égard que « nul abus de marché ne puisse donner lieu à des profits ». Elle précise qu'en l'espèce la notification des griefs ne contient aucune démonstration d'une utilisation indue de l'information qualifiée de privilégiée. Engie ajoute que les opérations que le trader a réalisées s'inscrivent dans une stratégie de couverture de besoins déjà existants, stratégie qui avait été définie bien avant la naissance de l'information de l'indisponibilité de Combigolfe. Elle précise qu'elle n'était aucunement dans une logique d'exploiter une information que les autres acteurs du marché n'auraient pas eu, et qu'elle n'a profité d'aucun avantage ou déséquilibre d'information, les ordres qu'elle avait passés sur H11 et H12 répondant à des intérêts vendeurs d'ores et déjà présents dans le carnet.
S'agissant de l'utilisation d'une information privilégiée dans un cadre prévu par le règlement REMIT, Engie précise que dès lors qu'il lui est reproché d'avoir manqué au règlement REMIT, il convient de vérifier, au-delà de la méconnaissance de la procédure interne, si les transactions d'Engie sont effectivement contraires à la réglementation. Citant les dispositions de l'article 3(4)(b) du règlement REMIT, elle fait valoir qu'elle a déjà démontré en réponse aux demandes d'information et au procès-verbal, que les opérations qu'elle avait passées sur le marché s'inscrivaient dans le cadre de ses obligations contractuelles d'équilibrage, dans un contexte de l'arrêt fortuit de deux centrales. Elle indique à cet égard que les 5 transactions réalisées sur H11 et H12 visaient à compenser la baisse de capacités de production sur la période 10 heures à 12 heures. Engie précise par ailleurs que lorsqu'elle a été informée de la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe, le besoin de couverture s'est trouvé renforcé. Ce besoin aurait pu justifier qu'elle fasse usage de l'exception prévue par le règlement REMIT, et qu'elle réalise immédiatement des opérations sur le marché sans attendre que l'information soit publiée. Engie n'a pas fait ce choix, et n'a pas entendu se prévaloir à l'époque de cette exception, et n'a pas pu envisager l'opportunité d'une déclaration des transactions à la CRE, n'ayant alors pas eu connaissance de l'erreur opérationnelle sous-jacente.
Or, selon Engie, cette circonstance particulière ne saurait remettre en cause le fait que les opérations concernées s'inscrivaient bien dans le cadre de l'exception prévue par le règlement REMIT. Elle prétend ainsi n'avoir aucunement utilisé de manière indue une information privilégiée pour effectuer les transactions sur H11 et H12, et qu'à l'analyse, il apparaît que ces opérations entraient dans le cadre de l'exception prévue par l'article 3(4)(b) du règlement REMIT.
Sur l'absence de gravité des manquements reprochés
La société Engie soutient que si le code de l'énergie invite le comité à se pencher sur la gravité du manquement au moment de la détermination du montant de la sanction, un manquement au règlement REMIT ne peut être considéré comme grave « en soi ». Elle précise que pour déterminer la gravité d'un manquement, il faut tenir compte de sa durée, de l'existence ou non d'une réitération ou encore du montant des opérations concernées. Elle fait valoir qu'au cas d'espèce, les 5 ordres ont été passés respectivement 16 et 7 secondes avant la publication, soit dans une durée extrêmement brève. Elle insiste par ailleurs sur le fait que l'erreur a été commise dans des circonstances très particulières et qu'elle ne s'est pas répétée, et indique que cette erreur ne serait pas susceptible de se reproduire à l'heure actuelle en raison de la mise en place depuis ces évènements d'un processus de gel mécanique des écrans jusqu'à la publication effective de l'information.
Sur l'organisation retenue par Engie, celle-ci-fait valoir qu'elle répondait aux meilleurs standards de l'époque, et qu'elle lui permettait de prévenir efficacement les opérations d'initiés. Renvoyant à la notification des griefs, elle souligne le fait qu'il est surprenant de lire qu'une norme aurait vocation à s'appliquer avec plus ou moins d'intensité en fonction de la situation d'un acteur sur le marché et notamment son chiffre d'affaires.
Elle relève également que le membre désigné ne peut affirmer que les mesures qu'elle a prises postérieurement pour éviter toute réitération de l'erreur constatée témoigneraient d'une insuffisance antérieure de son dispositif. S'appuyant sur le fait que l'erreur commise en l'espèce était une erreur humaine, elle fait valoir que ce type d'erreur est toujours susceptible de se produire, quelle que soit la robustesse des procédures mises en place. Elle met en avant les conséquences tirées de l'erreur constatée, à savoir la mise en place d'un mécanisme de gel des écrans jusqu'à la publication effective de l'information, témoignant d'une marque de professionnalisme et de sa volonté d'amélioration constante de son dispositif.
Engie soutient également que la problématique de l'horodatage des conversations téléphoniques n'est pas un outil de prévention des manquements au règlement REMIT. Elle maintient par ailleurs que la proximité physique entre les agents des services Dispatch et Short Term Trading est indispensable, les risques résultant de cette proximité étant parfaitement gérés. La société Engie ajoute enfin que l'affirmation selon laquelle l'organisation adoptée par Engie ne saurait en aucun cas renvoyer à une pratique normale de l'industrie en pareille circonstance n'est étayée par aucun élément de comparaison.
Sur l'absence de dommage et de tout profit, Engie se dit satisfaite de voir que les éléments liés à l'absence de toute atteinte au marché ou aux consommateurs finaux, de tout dommage résultant des manquements allégués, de tout profit réalisé par Engie et de toute démarche délibérée de sa part ont été relevés par le membre désigné. Elle rappelle néanmoins l'objectif premier du règlement REMIT à savoir que nul abus de marché ne peut donner lieu à des profits, et insiste sur le fait qu'elle n'a en aucune manière porté atteinte à cet objectif, pas plus qu'elle n'aurait créé une situation dans laquelle il aurait pu être porté atteinte à cet objectif.
Sur ses parfaites coopérations et sa bonne foi, Engie se dit également satisfaite des constats opérés par le membre désigné quant à sa collaboration pendant l'enquête, et fait valoir que cette collaboration est allée bien au-delà de la collaboration aux investigations menées, puisque c'est elle qui a détecté et mis en avance dans ses réponses à la CRE l'erreur opérationnelle portant sur les 5 transactions qui lui sont reprochées aujourd'hui.
La société Engie soutient donc au regard des circonstances particulières de l'espèce, que la sanction pécuniaire qui pourrait être retenue ne soit que purement symbolique. Elle demande par ailleurs que la décision à intervenir ne soit pas publiée, ou à tout le moins qu'elle ne le soit que sous une forme anonymisée et pour une durée limitée, sauf à engendrer pour elle un préjudice disproportionné.
(2) CJCE, 22 novembre 2005, C-384/02, KG, §32 et s. ; AMF décision de la commission des sanctions du 25 avril 2019 à l'égard des sociétés ILIAD SA, X, et de MM Maxime Lombardini, A, B et C, §173 et 177.
(3) Ibidem.