JORF n°0270 du 21 novembre 2010

Décision n° 2010-0211 du 18 février 2010

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment ses articles L. 32-1, L. 36-7, L. 37-1, L. 38 et D. 301 à D. 315 ;

Vu la décision n° 2007-0128 de l'Autorité en date du 5 avril 2007 relative aux modalités d'application des obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposées à certains opérateurs mobiles en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal ;

Vu les décisions n° 2007-1155, n° 2007-1156 et n° 2007-1157 du 18 décembre 2007, n° 2008-0776, n° 2008-0778 et n° 2008-0779 du 3 juillet 2008, n° 2008-1157, n° 2008-1158 et n° 2008-1159 du 21 octobre 2008, n° 2009-0954, n° 2009-0955 et n° 2009-0957 du 5 novembre 2009 publiant les attestations de conformité des états de coûts et de revenus établis par les opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom dans le cadre de leurs obligations réglementaires ;

Vu la décision n° 2007-0810 de l'Autorité en date du 4 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010 ;

Vu la décision n° 2008-1176 de l'Autorité en date du 2 décembre 2008 portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010 ;

Vu la position commune du groupe des régulateurs européens (07) 83 en date du 12 mars 2008 sur la symétrie des tarifs de terminaison d'appel fixes et la symétrie des tarifs de terminaison d'appel mobile ;

Vu la recommandation 2009/396/CE de la Commission européenne en date du 7 mai 2009 sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appels fixe et mobile dans l'UE ;

Vu la décision du Conseil d'Etat, 2e et 7e sous-sections réunies, en date du 24 juillet 2009, n° 324642 ;

Vu la consultation publique sur les références de coûts pertinentes pour la fixation par l'Autorité des plafonds tarifaires de terminaison d'appel vocal mobile en métropole, ouverte le 6 novembre 2009 et close le 7 décembre 2009 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la consultation publique sur le projet de décision de l'Autorité portant définition de l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile de l'opérateur Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2010, ouverte le 13 janvier 2010 et close le 15 février 2010 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la notification du projet de décision de l'Autorité portant définition de l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile de l'opérateur Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2010 à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 12 janvier 2010 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 12 février 2010 ;

Après en avoir délibéré le 18 février 2010,

I. ― Contexte de la décision
I-1. Rappels sur la terminaison d'appel vocal mobile

La terminaison d'appel vocal mobile (aussi appelée « TA » dans la suite du document) est une prestation de gros fournie par un opérateur mobile B exploitant un réseau ouvert au public à un opérateur A, fixe ou mobile, exploitant un réseau ouvert au public. Cette activité s'exerce dans le cadre d'une convention d'interconnexion signée entre ces deux opérateurs. La prestation commercialisée vise à acheminer l'appel téléphonique vocal d'un client de l'opérateur A vers un client mobile de l'opérateur B. Du fait du sens des communications ainsi acheminées, on dit que cet opérateur « termine » les appels vers le réseau de destination.
Lorsqu'un client téléphonique veut appeler, d'un téléphone fixe ou mobile, un numéro de téléphone correspondant à un réseau mobile, l'opérateur de l'appelant (fixe ou mobile) fait payer à ce dernier le prix de détail d'une communication à destination du réseau de l'opérateur de l'appelé. Par ailleurs, cet opérateur paie à l'opérateur de l'appelé, directement (s'il est interconnecté en direct avec lui) ou par le biais d'opérateurs de transit, le prix de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de l'opérateur de l'appelé.
La structure tarifaire de la prestation de terminaison d'appel est composée en France métropolitaine de plusieurs éléments, dont le prix facturé à la minute, un tarif de capacité de raccordement des deux réseaux (ou BPN pour bloc primaire numérique) ainsi que d'éventuels frais d'accès aux sites d'interconnexion.
Par ailleurs, les tarifs issus des conventions d'interconnexion sont bâtis sur une tarification indépendante de la position de l'appelé, dans la mesure où le numéro d'appel mobile ne comporte pas d'information de localisation géographique contrairement à un numéro géographique fixe. De plus, en France métropolitaine, la tarification de l'interconnexion s'appuie sur la notion de zone arrière (ZA) et conduit à une facturation de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'un opérateur mobile différente selon que l'appelant se trouve (ou pas) dans la zone arrière (ZA) du point d'interconnexion où l'opérateur de l'appelant choisit de livrer effectivement le trafic (1) ; les opérateurs métropolitains proposent donc généralement deux prestations de terminaison d'appel vocal : une prestation qualifiée d'intra-ZA et l'autre qualifiée d'extra-ZA.
Il convient en outre de rappeler que la terminaison d'appel vocal mobile désigne les prestations d'acheminement d'appels fournies par un opérateur exploitant des numéros mobiles à un autre opérateur de réseau auquel il est interconnecté, afin de permettre à l'appelant de ce dernier de joindre ces numéros mobiles (2). Du point de vue de l'opérateur acheteur de prestations de terminaison, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie d'acheminement du trafic employée par l'opérateur de l'appelé, celle-ci étant transparente pour l'acheteur.
Enfin, l'Autorité rappelle que la prestation de terminaison d'appel, bénéficiant à la fois au client appelant, qui initie l'appel, et au client appelé, qui le reçoit, relève d'un marché biface, l'opérateur de l'appelé ayant la possibilité de recouvrer ses coûts soit par la facturation de l'opérateur de l'appelant, soit par la facturation de son client appelé. De plus, la terminaison d'appel vocal est une prestation d'accès réciproque, aussi appelée two-way access. En effet, les opérateurs qui facturent la terminaison d'appel sont également les opérateurs qui achètent la terminaison d'appel. A ce titre, les flux financiers de terminaison constituent à la fois une charge et une source de revenus pour les opérateurs. In fine, la facturation entre opérateurs de la terminaison d'appel est une somme de flux financiers équilibrés au niveau du secteur.

(1) Le nombre, la taille et la définition de ces zones arrière dépendent du choix de l'opérateur mobile de l'appelé. (2) Aujourd'hui, l'ensemble des numéros de type 06AB, ou des numéros de type 07AB avec A = 5, 6, 7, 8 ou 9. Toutefois la présente décision s'applique également à toute autre ressource en numérotation qui pourrait être dédiée à la fourniture d'un service téléphonique mobile.

I-2. Cadre juridique de la décision
I-2.1. Le deuxième cycle d'analyse des marchés de terminaison d'appel vocal mobile
Analyse des marchés

La décision n° 2007-0810 de l'Autorité en date du 4 octobre 2007 susvisée, « portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010 », a déclaré pertinent chacun des trois marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile sur les réseaux d'Orange France, de SFR et de Bouygues Telecom. L'analyse menée par l'Autorité l'a conduite à déclarer les trois opérateurs mobiles métropolitains puissants sur leurs marchés respectifs de terminaison d'appel vocal.
En conséquence, la décision n° 2007-0810 susvisée a imposé à ces opérateurs, pour la période 2008-2010, les obligations d'accès et d'interconnexion, de non-discrimination, de transparence, de publication d'une offre de référence, de comptabilisation des coûts et de séparation comptable, ainsi que de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants pour les prestations de terminaison d'appel vocal mobile et d'accès aux sites relatives à la terminaison d'appel vocal. Au titre de cette dernière obligation, les trois opérateurs sont soumis sur la durée de l'analyse à un encadrement tarifaire pluriannuel de leurs prestations de terminaison d'appel vocal mobile, sous la forme d'un plafond. Pour être pleinement efficace, cette obligation s'applique à la fois à la tarification de la prestation d'acheminement du trafic de terminaison d'appel vocal (tarifée en c€/min) d'intra-ZA et à la tarification de la composante de capacité formée par la location de blocs primaires numériques (tarifée de manière unitaire en €/BPN/an).
Il convient de bien noter que l'encadrement des niveaux tarifaires des terminaisons d'appel que l'Autorité spécifie pour les opérateurs consiste à fixer des plafonds que les tarifs de ces prestations ne doivent pas dépasser, laissant la liberté aux opérateurs de fixer leurs tarifs sous ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinent. En particulier, il est de la seule responsabilité de l'opérateur de s'assurer que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionné au titre du droit commun de la concurrence pour des pratiques exercées sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante.

Encadrement tarifaire

La décision n° 2007-0810 précitée a précisé les plafonds tarifaires applicables sur les dix-huit premiers mois du cycle de trois ans de l'analyse de marché, soit du 1er janvier 2008 au 30 juin 2009, en référence au concept de coûts complets distribués. Ces plafonds étaient de 8,5 cEUR/min pour Bouygues Telecom et de 6,5 cEUR/min pour Orange France et SFR.
L'Autorité a souhaité cette division du cycle en deux périodes pour favoriser autant que possible la prise en compte des travaux d'harmonisation des politiques de régulation des terminaisons d'appels sur le plan européen et encourager leur progression. Ces travaux ont abouti à l'adoption en mars 2008 d'une position commune du Groupe des régulateurs européens (3) et à la mise en consultation publique à l'été 2008 d'un projet de recommandation de la Commission européenne sur la régulation des terminaisons d'appel fixe et mobile. Ces documents sont évoqués à la section suivante.
L'Autorité a alors précisé, dans un second temps, par la décision n° 2008-0176 susvisée en date du 2 décembre 2008, les plafonds tarifaires applicables sur les dix-huit derniers mois du cycle de trois ans d'analyse de marché, soit du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010.
Dans cette décision, au regard du développement actuel des marchés français ― maturité des réseaux mobiles téléphoniques, convergence et concurrence croissantes avec les réseaux fixes, fort développement des offres d'abondance (forfaits et offres illimitées, éventuellement dans certaines tranches horaires), tendance forte à la différenciation des tarifs d'appels mobile en fonction du réseau de destination ― l'Autorité a fait évoluer les références de coûts, de manière à ce que la régulation du marché de la terminaison d'appel mobile soit économiquement plus adaptée et efficace.
En particulier, compte tenu des objectifs de régulation qui lui sont assignés par l'article L. 32-1 du CPCE, l'Autorité estime que le niveau optimal de tarification de la terminaison d'appel est un niveau qui reflète les coûts incrémentaux de long terme, c'est-à-dire les seuls coûts supplémentaires encourus par un opérateur efficace pour terminer sur son propre réseau les appels off net d'un opérateur tiers, par rapport à une situation où il ne fournirait pas cette prestation de terminaison d'appel. Concrètement, ces coûts correspondent aux investissements nécessaires à l'accroissement de la capacité du réseau, afin de supporter le trafic entrant. A contrario, ne sont pas considérés comme des coûts incrémentaux les coûts liés à la couverture du territoire, jusqu'alors partiellement recouvrés par les charges de terminaison déterminées selon le standard des coûts complets et conduisant au financement, notamment par les opérateurs fixes, d'une part du déploiement des réseaux mobiles.
Ainsi, un encadrement tarifaire défini en référence aux coûts incrémentaux permettra le développement d'une concurrence saine et loyale entre les opérateurs mobiles, mais aussi entre les opérateurs mobiles et fixes, et incitera le marché à modifier la structure tarifaire des offres afin de mieux refléter la structure de coût de l'industrie, au bénéfice des consommateurs.
Ce changement de concept a été préalablement envisagé dès l'analyse de marché de 2007 (p. 76 de la décision n° 2007-0810), à nouveau exposé dans la consultation publique de septembre 2008 (p. 46 à 54) et enfin resoumis à consultation publique en octobre 2008 (p. 15 à 38).
Compte tenu du caractère structurant pour le secteur des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile et des contraintes associées à la modification des offres de détail, les opérateurs de réseaux mobiles ont fait valoir qu'une période de transition était nécessaire afin de laisser au marché le temps de s'adapter et de ne pas déstabiliser l'équilibre de certaines offres de détail. Par conséquent, l'Autorité a estimé que, si les coûts incrémentaux constituent une référence adaptée de coûts pertinents, il convient de n'atteindre cette référence de coûts qu'au terme d'une période de transition de plusieurs années.
En cohérence avec le cadre réglementaire et le contexte européen, l'Autorité vise à terme une régulation symétrique des tarifs de terminaison d'appel (plafond tarifaire unique pour tous les opérateurs). Toutefois, le maintien d'une asymétrie tarifaire lui est apparu justifié de façon transitoire. En effet, s'il n'était pas partiellement compensé, l'important écart qui demeure entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents, conjugué aux déséquilibres de trafic mobile off net entre Bouygues Telecom et ses concurrents, provoquerait un déséquilibre artificiellement élevé des soldes financiers d'interconnexion au détriment de Bouygues Telecom, et par suite, une distorsion de concurrence pénalisante pour ce dernier et procédant du choix de l'Autorité de mettre en œuvre une période de transition. A contrario, d'éventuels effets de l'entrée tardive ou surcoûts de réseau subis par Bouygues Telecom ne sont plus significatifs en matière de coûts incrémentaux et ne sont donc plus pris en compte pour la fixation de l'asymétrie tarifaire. Cette approche est parfaitement conforme à la position commune du Groupe des régulateurs européens sur le sujet.
Dans ces circonstances, et compte tenu des écarts subsistant entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents et des transferts financiers qui en résultent au profit des opérateurs mobiles, l'Autorité a poursuivi sa politique de baisse progressive et proportionnée des plafonds tarifaires sur les dix-huit derniers mois du cycle d'analyse de marché 2008-2010. Dans la décision n° 2008-1176 susvisée, l'Autorité a imposé une baisse au 1er juillet 2009 du tarif de terminaison d'appel mobile de 6,5 à 4,5 c€/min pour Orange France et SFR et de 8,5 à 6 c€/min pour Bouygues Telecom, puis une nouvelle baisse au 1er juillet 2010, le plafond passant alors de 4,5 à 3 c€/min pour Orange France et SFR et de 6 à 4 c€/min pour Bouygues Telecom.

(3) Position commune ERG (07) 83 du 12 mars 2008.

Recours devant le Conseil d'Etat

La décision n° 2008-1176 précitée a fait l'objet d'un recours en annulation (4) devant le Conseil d'Etat de la part des sociétés Orange France et SFR. Les sociétés requérantes ont contesté tant la référence aux coûts incrémentaux que le principe de l'asymétrie tarifaire. Le Conseil d'Etat a écarté, par sa décision du 24 juillet 2009 susvisée, ces deux critiques et confirmé les principes retenus par l'Autorité.
Sur le choix d'un encadrement tarifaire en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace, le Conseil d'Etat a considéré en particulier que la nouvelle référence est compatible avec les dispositions du CPCE et les missions qu'il impartit à l'Autorité (5). Il a notamment considéré que les requérantes n'établissaient pas que la décision aurait pour conséquence nécessaire de pénaliser les consommateurs ou de décourager l'investissement.
Le Conseil d'Etat a par ailleurs relevé que le plafond différent applicable transitoirement à Bouygues Telecom vise « à atténuer le déficit financier résultant pour Bouygues Telecom de la combinaison [d'une marge entre les tarifs et les coûts] et du déséquilibre de son solde d'interconnexion ». Il a considéré ensuite que ce déficit est « pour une part subi par Bouygues Telecom du fait notamment de la nécessité pour cette société de développer des offres illimitées en direction de tous les réseaux afin de résister au développement par ses concurrents d'offres illimitées sur leur propre réseau, favorisé par la taille importante de leur parc, et peut, dans cette mesure, être compensé, mais que cette compensation ne peut être que partielle, pour tenir compte des choix effectués par cette société au sein du système de tarification existant et de leur incidence sur les soldes d'interconnexion ; que la compensation partielle et transitoire pouvait légalement être retenue ».
Le principe d'une asymétrie restant admis, il convenait d'examiner les niveaux d'encadrement retenus. Le Conseil d'Etat a considéré que la compensation du déficit de Bouygues Telecom résulte de l'asymétrie tarifaire qui lui est applicable et du volume prévisible de ses flux d'interconnexion. Si, pour la première période (jusqu'au 30 juin 2010), l'asymétrie aboutit bien à une compensation partielle, le juge a constaté en l'espèce que « l'asymétrie pour la période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010 aurait pour effet [...] de compenser intégralement le déficit qu'elle a pour objet d'atténuer, voire, dans la plupart des hypothèses, de faire bénéficier cette société d'un transfert financier supérieur à ce déficit ». Le Conseil d'Etat a donc considéré que la différenciation tarifaire des six derniers mois est « manifestement disproportionnée au regard de l'objectif qui lui est assigné ».
Par conséquent, par sa décision du 24 juillet 2009 susvisée, le Conseil d'Etat a validé l'ensemble des principes de régulation développés par l'ARCEP dans sa décision n° 2008-1176, ainsi que l'ensemble des plafonds tarifaires prévus par la décision attaquée, à l'exception du second plafond de 4 c€/min applicable à Bouygues Telecom pour la période de six mois courant du 1er juillet au 31 décembre 2010.

(4) Requêtes n°s 324642 et 324687, enregistrées respectivement par Orange France le 30 janvier 2009 et par SFR le 2 février 2009. (5) Notamment les articles L. 32-1 (objectifs de l'Autorité) et D. 311 (détaillant les obligations tarifaires sur les marchés de gros) du CPCE.

I-2.2. Le contexte européen

Des travaux ont été menés au niveau européen depuis 2007 afin d'harmoniser les méthodes de régulation des tarifs de terminaison d'appel en Europe.
A la suite d'une consultation publique menée durant l'été 2008, la Commission européenne a publié le 7 mai 2009 la recommandation susvisée (6) portant sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne. La Commission y préconise un encadrement tarifaire symétrique de la terminaison d'appel vocal, en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, évalués à l'aide d'un modèle technico-économique.
La mise en œuvre de cette recommandation par les pays membres est prévue pour être effective au 31 décembre 2012. A cet égard, la recommandation laisse les autorités de régulation nationales libres de définir les modalités de transition adaptées aux spécificités de chaque pays.
Par ailleurs, le Groupe des régulateurs européens (GRE), qui inclut la Commission européenne, a adopté le 12 mars 2008 une position commune sur la symétrie des services de terminaison d'appel fixe et la symétrie des services de terminaison d'appel mobile (7). Le GRE préconise la symétrie des tarifs de terminaison, mais considère l'asymétrie acceptable dans certains cas, sous réserve d'une justification adéquate. Le GRE indique à cet égard que plusieurs circonstances peuvent justifier une asymétrie tarifaire transitoire, dont notamment l'existence de déséquilibres élevés de trafic amenant à des déséquilibres financiers importants dans les soldes d'interconnexion, en raison d'un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents.
En particulier, le GRE explique (p. 101) qu' en fonction des spécificités nationales, telles que les tailles relatives des parcs de clients des opérateurs, la structure des tarifs de détail ou les critères de choix de réseau retenus par les clients, une asymétrie transitoire pour le(s) plus petit(s) opérateur(s) peut être mise en place dans les circonstances cumulatives suivantes :
― il existe des déséquilibres élevés de trafic et donc des déséquilibres financiers importants dans les soldes d'interconnexion, en raison des stratégies commerciales des opérateurs (différenciations tarifaires élevées entre communications on net et off net) ;
― les tarifs de terminaison d'appel mobile sont significativement supérieurs aux coûts sous-jacents ;
― l'Autorité de régulation nationale considère que les bénéfices d'une asymétrie transitoire des tarifs de terminaison d'appel (par exemple en favorisant la concurrence sur le marché de détail) sont supérieurs aux éventuels désavantages de court terme d'une telle mesure (8).

(6) Recommandation 2009/396/CE du 7 mai 2009. La recommandation (version française) et sa note explicative (version anglaise) sont téléchargeables aux adresses suivantes : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:124:0067:0074:FR:PDF ; http://ec.europa.eu/information_society/policy/ecomm/doc/implementation_enforcement/article_7/explanatory_note.pdf. (7) Cette position commune du GRE est accessible à l'adresse internet suivante : http://erg.eu.int/doc/publications/erg_07_83_mtr_ftr_cp_12_03_08.pdf (8) Traduction libre.

I-2.3. Objet de la décision

Etant donné que le Conseil d'Etat a annulé la décision n° 2008-1176 susvisée en tant qu'elle fixe, dans son article 1er, un plafond de 4 cEUR/min au tarif de terminaison d'appel vocal de Bouygues Telecom du 1er juillet au 31 décembre 2010, l'Autorité doit établir un nouvel encadrement tarifaire applicable à Bouygues Telecom pour la période considérée.
La présente décision s'inscrit donc dans le deuxième cycle d'analyse de marché (2008-2010) et vient compléter les décisions n° 2007-0810 et n° 2008-1176 susvisées en fixant, pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2010, le plafond tarifaire que devra respecter Bouygues Telecom au titre de l'obligation d'orientation vers les coûts que l'Autorité lui a imposée dans la décision n° 2007-0810.

I-3. Les références disponibles pour définir l'encadrement tarifaire
de la terminaison d'appel

L'Autorité a lancé du 6 novembre au 7 décembre 2009 une consultation publique invitant les différentes parties à lui faire part de leurs avis sur les différents éléments pouvant servir de référence pour la tarification du service de terminaison d'appel de Bouygues Telecom au second semestre 2010, qu'il s'agisse de référentiels de coûts, la comptabilité réglementaire et le modèle technico-économique, ou de comparaisons internationales de tarifs.

I-3.1. Les états de comptabilisation des coûts et des revenus

La décision n° 2007-0128 susvisée spécifie les obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées aux opérateurs mobiles métropolitains en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) sur leur réseau respectif. C'est cette décision qui était opposable aux opérateurs mobiles métropolitains pour la production de leurs comptes relatifs aux exercices 2006, 2007 et 2008.
Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés selon ce référentiel réglementaire constituent une référence de coûts fiable, au regard notamment de leur source, i.e. la comptabilité sociale de l'entreprise soumise au contrôle des commissaires aux comptes de l'entreprise. En outre, conformément aux dispositions des articles L. 38 (notamment le 5° du I) et D. 312 du CPCE, les comptes produits au titre des obligations comptables et les systèmes de comptabilisation des coûts sont audités annuellement par des organismes indépendants désignés par l'Autorité.
Il convient de noter que les données issues de la comptabilité réglementaire reflètent les coûts engendrés par le déploiement réel d'un opérateur mobile et incluent donc les aléas et les éventuelles sous-efficacités du déploiement réel historique.
La comptabilité réglementaire apporte cependant un éclairage important sur la modélisation des coûts d'un opérateur efficace. Ces données permettent notamment le calibrage des grandes masses de coûts en sortie du modèle technico-économique afin d'en assurer la robustesse.
Les dernières restitutions disponibles, correspondant aux états de coûts et de revenus portant sur l'exercice 2008, ont été transmises à l'Autorité par les opérateurs à l'été 2009 et ont donné lieu en septembre 2009 à des travaux d'audit, menés par un auditeur indépendant désigné par l'Autorité (9). A l'issue de ces travaux, l'auditeur a délivré des attestations de conformité, qui sont publiées sur le site de l'Autorité (10).
A ce jour, l'Autorité dispose des éléments comptables suivants :
― rapports des comptes pour les années 1999 à 2002 élaborés selon la décision n° 2001-0458 et non audités pour Orange France et SFR ;
― rapport des comptes pour l'année 2002 élaboré selon la décision n° 2001-0458 et non audité pour Bouygues Telecom ;
― rapports des comptes pour l'année 2003 élaborés selon la décision n° 2001-0458 et audités pour l'ensemble des trois opérateurs métropolitains ;
― états de coûts et de revenus pour les années 2004 et 2005, élaborés selon la décision n° 2005-0960 et audités pour l'ensemble des trois opérateurs métropolitains ;
― états de coûts et de revenus pour l'année 2006, élaborés selon la décision n° 2007-0128 et audités pour l'ensemble des trois opérateurs métropolitains ;
― états de coûts et de revenus pour l'année 2007, élaborés selon la décision n° 2007-0128 et audités pour l'ensemble des trois opérateurs métropolitains ;
― états de coûts et de revenus pour l'année 2008, élaborés selon la décision n° 2007-0128 et audités pour l'ensemble des trois opérateurs métropolitains.
Par ailleurs, l'Autorité a entamé un processus de révision des spécifications comptables énoncées dans la décision n° 2007-0128 susvisée. Cette démarche a pour objectif d'affiner encore la connaissance de l'Autorité des coûts des opérateurs de réseaux mobiles métropolitains, en tenant compte notamment des commentaires qui ont pu être formulés par les cabinets mandatés au cours des exercices d'audits passés. Cette nouvelle décision de spécifications comptables en cours de préparation s'appliquera pour les prochains exercices de restitution et servira donc à l'Autorité dans le cadre du troisième cycle d'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile, c'est-à-dire pour la période allant de 2011 à 2013.

(9) Décisions de l'ARCEP en date du 16 juillet 2009, n° 2009-0601, n° 2009-0602 et n° 2009-0603 respectivement pour Orange France, SFR et Bouygues Telecom. (10) Les attestations de conformité des états de coûts et de revenus établis par les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom dans le cadre de leurs obligations réglementaires pour l'exercice comptable 2008 sont disponibles sur la page http://www.arcep.fr/index.php?id=8080.

I-3.2. Les comparaisons internationales
Comparaison des tarifs de terminaison d'appel mobile
publiée par le Groupe des régulateurs européens

Les comparaisons à l'échelle européenne des niveaux des TA forment généralement un des éléments pertinents des exercices de tarification menés par l'Autorité, bien qu'il convienne de les mettre en perspective au regard de certaines spécificités nationales. Ces comparaisons incluent notamment les éléments publiés par le Groupe des régulateurs européens (GRE).
Le GRE élabore en effet de manière régulière une comparaison internationale des niveaux de TA dans 33 pays (11), dont notamment l'ensemble des pays qui mettent en œuvre le cadre réglementaire européen. Cette comparaison est actuellement publiée sur une base biannuelle depuis 2004.
L'ensemble des comparaisons européennes publiées et disponibles sur le site du GRE (12) s'appuie sur des informations collectées auprès des différentes ARN concernées.
L'Autorité renvoie à la consultation publique de septembre 2008 (13) pour une description détaillée de la méthodologie retenue par le GRE pour élaborer ces comparaisons, qui n'a pas évolué depuis, et une analyse de la nécessaire mise en perspective des résultats de cette comparaison dans le cadre de la fixation de tarifs de TA en France. Elle rappelle en particulier qu'une telle comparaison présente des limites dont il convient de tenir compte, qu'elles soient liées à la méthodologie employée pour la comparaison, aux caractéristiques nationales intrinsèques différentes, aux différentes références de coûts utilisées, ou encore au fait qu'il s'agit d'une comparaison des tarifs et non des coûts.
Elle note de surcroît qu'il s'agit d'une comparaison de tarifs passés, qui à ce titre ne reflètent pas encore la mise en œuvre de la recommandation européenne du 7 mai 2009 sur la terminaison d'appel précitée. De fait, la mise en œuvre de cette recommandation, prévue pour être achevée au 31 décembre 2012, devrait progressivement améliorer la lisibilité des comparaisons européennes et ainsi apporter un éclairage complémentaire sur les références de coûts pertinentes dans le cas français. Dans l'immédiat, il reste difficile d'interpréter la comparaison du groupe des régulateurs européens (GRE) qui concerne des tarifs généralement définis en référence aux coûts complets, alors que les tarifs futurs devront refléter les coûts incrémentaux, après une période de transition adaptée aux spécificités de chaque pays.
L'Autorité estime ainsi que cette comparaison internationale des tarifs de TA, qui ne donne qu'indirectement des informations sur les coûts, ne peut apporter qu'un éclairage très partiel sur les coûts incrémentaux d'un opérateur de réseau mobile métropolitain et apporte principalement des éléments de contexte sur l'évolution générale des tarifs de TA en Europe. Par conséquent, si elle est un des éléments pouvant servir de référence dans le cadre de la fixation de tarifs de TA en France pour un cycle donné, en ce qu'elle apporte un éclairage sur le niveau global à fixer pour le marché français, cette référence apparaît moins pertinente dans le cadre de la fixation du tarif de TA d'un seul acteur, le plafond applicable aux deux autres opérateurs sur la même période étant d'ores et déjà fixé par une décision antérieure.

(11) L'ensemble des 27 pays membres de l'Union européenne, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse, la Croatie et la Turquie. (12) A l'adresse suivante : http://erg.eu.int/documents/docs/index_en.htm. (13) Pages 8 à 13 de la consultation publique du 4 septembre 2008 sur les références et concepts pertinents pour la fixation des plafonds tarifaires de terminaison d'appel vocal mobile : http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/consult-tamobile2008-040908.pdf.

Comparaison des asymétries en Europe

Les graphiques suivants (source : Cullen international) illustrent l'état des asymétries tarifaires en Europe en 2009 et indiquent la position de la France.
A nouveau, ces comparaisons entre pays doivent être mises en perspective au regard de certaines spécificités nationales. En effet, la motivation des asymétries tarifaires varie selon le pays. Comme indiqué ci-avant, la position commune du GRE susvisée prévoit trois motifs pour fixer des tarifs asymétriques, à savoir des surcoûts de réseau liés soit aux attributions de fréquences, soit aux moindres économies d'échelle dues à une entrée tardive sur le marché, ou encore la persistance d'un écart entre tarifs et coûts sous-jacents de terminaison d'appel conjuguée à des déséquilibres de trafic d'interconnexion. En outre, les références de coûts sous-jacents sont différentes d'un pays à l'autre, dans la phase actuelle de transition vers l'application de la recommandation européenne.

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 270 du 21/11/2010 texte numéro 27

I-3.3. Le modèle technico-économique des coûts d'un réseau mobile
Finalité du modèle

Depuis 2006, en complément des outils existants et afin de mener à bien l'exercice d'analyse de marché pour la période 2008-2010, l'Autorité a souhaité se doter d'un outil de modélisation des coûts encourus par un opérateur mobile efficace, applicable aux opérateurs métropolitains. L'Autorité renvoie à ses précédentes consultations publiques ou décisions pour le détail des motivations, paramètres et hypothèses de l'élaboration de ce modèle (14).
Dans ce cadre, l'Autorité peut mener deux exercices différents mais complémentaires :
― un exercice de réconciliation, afin de mieux comprendre les restitutions réglementaires des opérateurs mobiles et de déceler des différences entre les choix faits par les opérateurs lors de la mise en œuvre de leurs obligations comptables. Cela permet ensuite de corriger les hétérogénéités de traitement des coûts entre opérateurs, en amendant le référentiel de comptabilité réglementaire applicable ;
― un travail d'élaboration d'un modèle d'un opérateur générique efficace, sur la base des modèles calibrés spécifiques à chaque opérateur, permettant d'estimer un coût de TA de référence corrigé des effets d'échelle et d'éventuelles spécificités d'un des trois opérateurs en place.
Les coûts modélisés se rapportent uniquement et exclusivement aux coûts de réseau, à l'exclusion des autres coûts d'un opérateur mobile. L'Autorité rappelle que l'appellation coûts de réseau comprend à la fois les coûts d'investissement (dotations aux amortissements et rémunération du capital) et les coûts d'exploitation et de maintenance du réseau. Le modèle permet une évaluation des coûts incrémentaux de long terme du réseau, en calculant la différence entre le coût total du réseau lorsque l'opérateur offre l'ensemble des services et le coût total de ce réseau en l'absence du service de terminaison d'appel vocal. La finalité première du modèle étant de mieux comprendre les structures de coûts actuelles, l'Autorité est prudente dans l'utilisation de ce modèle pour estimer des coûts futurs.

(14) Voir la consultation publique du 6 novembre 2009 sur les référentiels de coûts des opérateurs mobiles : http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/consult-tamobile-061109.pdf. Voir également la décision n° 2008-1176 du 2 décembre 2008 déterminant l'encadrement tarifaire des terminaisons d'appel vocal mobile pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010 : http://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/08-1176.pdf.

Mise à jour du modèle

Dans le cadre des travaux sur la présente décision et pour faire suite à l'annulation partielle, en juillet, de la décision n° 2008-1176, un questionnaire quantitatif sur les données de couverture, de demande et d'inventaire des équipements a été envoyé aux opérateurs à l'été 2009. Par ailleurs, le processus de restitution des comptes réglementaires a fourni fin septembre 2009 à l'Autorité les coûts réglementaires audités des opérateurs pour l'année 2008. L'ensemble des données récoltées a alors permis d'effectuer une mise à jour du calibrage du modèle, à structure constante, afin de garantir la cohérence avec les décisions précédentes tout en tenant compte des évolutions récentes du marché.
En effet, un travail portant sur la structure du modèle n'était pas souhaitable à ce stade étant donné qu'il s'agit de définir l'encadrement tarifaire pour l'un des trois opérateurs, sur une période pour laquelle l'encadrement tarifaire des deux autres opérateurs est déjà fixé. Il convient donc de conserver la cohérence entre le modèle qui a servi de référence à la décision de décembre 2008, qui définit notamment l'encadrement tarifaire pour les sociétés Orange France et SFR pour le second trimestre 2010, et le modèle qui sert de référence pour la présente décision, qui définit l'encadrement tarifaire que devra respecter l'opérateur mobile Bouygues Telecom sur cette même période.
En outre, comme l'Autorité l'a rappelé lors de sa décision n° 2008-1176 susvisée, les commentaires portant sur la structure du modèle nécessitent, pour être pris en compte, la concertation des acteurs et l'apport d'éléments quantitatifs suffisants. Ceux-ci seront examinés par l'Autorité dans le cadre de la poursuite des travaux sur l'évolution du modèle avec l'ensemble des opérateurs, actuellement en cours en vue du prochain cycle d'analyse de marché.

Résultats du modèle

Le modèle technico-économique des coûts de réseau d'un opérateur générique efficace indique un coût incrémental de long terme de 1,4 cEUR/min en 2008. Ce coût baisse à 1,23 cEUR en 2009. De manière générale, la tendance à la baisse est confirmée sur plusieurs années. Ceci peut s'expliquer notamment par la transition technologique progressive des réseaux de la deuxième à la troisième génération, globalement plus efficace, ainsi que par le progrès technique continu qui fait baisser les coûts des équipements de téléphonie mobile.
Par conséquent, et compte tenu de l'existence de quelques coûts spécifiques à la commercialisation de la terminaison d'appel sur le marché de gros, on peut conclure que 1,3 cEUR/min constitue un majorant fiable du coût incrémental de long terme de terminaison d'appel vocal pour un opérateur générique efficace sur la période considérée par la présente décision.

I-3.4. Retours de la consultation publique sur les références pertinentes

L'Autorité a reçu des contributions de la part des trois opérateurs mobiles métropolitains à la consultation publique sur les références pertinentes lancée le 6 novembre et close le 7 décembre 2009.

Comparaisons internationales de tarifs

SFR considère que, si les comparaisons générales des tarifs de terminaison d'appel ne sont pas nécessairement pertinentes, les comparaisons des asymétries doivent être prises en compte, notamment pour rapprocher ancienneté sur le marché et niveau d'asymétrie. En l'occurrence, SFR soutient que Bouygues Telecom bénéficie encore d'une asymétrie singulièrement élevée au regard de sa date d'entrée sur le marché.
Orange France considère également que l'asymétrie du tarif de Bouygues Telecom est actuellement excessive au regard des benchmarks européens, en particulier si l'on considère les « grands pays » (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne et Italie).
A contrario, selon Bouygues Telecom, les comparaisons internationales montrent que le maintien d'asymétries tarifaires reste assez répandu en Europe et que la France se situe dans la moyenne.
L'Autorité rappelle que l'ancienneté de Bouygues Telecom sur le marché mobile français n'est pas un critère justifiant le maintien d'une asymétrie. Seul le caractère transitoirement sous-optimal de la régulation de la terminaison d'appel, en raison de la progressivité de l'orientation des tarifs vers les coûts, est pris en compte.

Référentiels de coûts

Orange France partage l'analyse de l'Autorité selon laquelle les états de coûts et de revenus audités transmis par les opérateurs constituent une référence de coûts fiable. Orange France considère à cet égard qu'elle constitue la seule référence de coûts objective et observable. Orange France constate une amélioration du calibrage du modèle technico-économique par rapport à sa version précédente. Néanmoins, l'opérateur considère que le modèle sous-évalue les coûts incrémentaux de long terme (CILT), notamment en raison du maintien de la valorisation des actifs en coûts historiques et de la sensibilité aux paramètres.
Bouygues Telecom considère que la comptabilité réglementaire délivre une référence de coûts fiable pour calibrer le modèle technico-économique de manière régulière, dans la mesure où elle s'appuie sur la comptabilité sociale de l'entreprise et que ses états sont audités. Selon Bouygues Telecom, les estimations des CILT ressortant des modèles Bouygues Telecom et générique pour les années 2009 et 2010, ainsi que l'évolution à plus long terme, semblent refléter la réalité des réseaux avec une assez bonne précision.
En revanche, selon SFR, le calibrage du modèle technico-économique à l'aide des grandes masses de coûts issues de la comptabilité réglementaire en coûts complets n'est pas suffisant. SFR soutient que seule une mise en œuvre des CILT dans la comptabilité réglementaire pourrait garantir la robustesse du calibrage. Par ailleurs, SFR note des améliorations du modèle mis en consultation publique suite à ses commentaires. L'opérateur considère toutefois que la modélisation demeure à la fois imprécise et trop complexe.
L'Autorité rappelle que le modèle de coûts d'un opérateur générique efficace mis à jour en 2009 dans le cadre des travaux sur la présente décision doit rester cohérent avec la version précédente utilisée en 2008 et doit s'inscrire dans le cadre temporel de la préparation de la présente décision pour définir l'encadrement tarifaire pour les sociétés Orange France et SFR pour le second trimestre 2010, tout en incluant un calibrage fin à l'aide des données techniques et comptables recueillies en 2009. Par conséquent, les remarques des acteurs concernant essentiellement les futurs travaux de mise à jour de la structure du modèle ne peuvent s'inscrire que dans le cadre du prochain cycle d'analyse des marchés (méthode de valorisation des actifs, algorithmes de déploiement du réseau, prise en compte des évolutions technologiques). L'Autorité n'a donc pas jugé pertinent d'effectuer de nouvelles modifications sur le modèle d'opérateur générique efficace soumis à consultation publique en novembre 2009.
Par ailleurs, l'Autorité a fixé par sa décision n° 2010-0002 du 21 janvier 2010 le taux de rémunération du capital des activités régulées du secteur mobile pour la période 2010-2011.
Si le taux de rémunération fixé n'est pas celui retenu pour les années 2010-2011 dans le modèle d'opérateur générique efficace soumis à consultation publique en novembre 2009, les tests de sensibilité effectués par l'Autorité montrent que cela est sans impact significatif sur le coût incrémental de la terminaison d'appel vocal sur la période.
L'Autorité n'a donc pas procédé à ce stade à un ajustement du taux de rémunération du capital dans le modèle de coûts et intégrera le taux adéquat une fois la décision en la matière adoptée.
Le modèle de référence utilisé dans le cadre de la présente décision est donc identique au modèle publié le 6 novembre 2009 sur le site internet de l'Autorité dans le cadre de la consultation publique sur les références pertinentes lancée le 6 novembre et close le 7 décembre 2009. Il est annexé à la présente décision et est téléchargeable à l'adresse suivante : http://www.arcep.fr/index.php?id=8080.

II. ― Principes et objectifs de l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom
II-1. Finalités et modalités de l'encadrement tarifaire

L'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile est nécessaire en l'absence de toute pression concurrentielle s'exerçant sur le prix offert par le vendeur du fait du monopole structurel exercé par les opérateurs dans la fourniture de la terminaison d'appel. L'Autorité a en effet indiqué dans son analyse de marché du 4 octobre 2007 (décision n° 2007-0810 susvisée) que l'absence d'obligation de reflet des coûts par les tarifs serait susceptible de permettre à Bouygues Telecom, Orange France et SFR de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique sur les marchés de gros en cause, ce qui pourrait soulever de nombreux problèmes concurrentiels et entraverait notamment l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail avals.
Par conséquent, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile vise notamment à assurer des conditions d'exercice d'une concurrence loyale au bénéfice des consommateurs sur les marchés de communications électroniques en aval des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile. Plus généralement, la mise en œuvre de cet encadrement tarifaire doit répondre aux objectifs généraux fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE, à savoir notamment l'interopérabilité des services au niveau européen, le développement de l'emploi, de l'investissement efficace et de l'innovation, l'absence de discrimination entre opérateurs, la gestion efficace des ressources et le respect de la neutralité technologique.
L'Autorité se fonde sur le II de l'article D. 311 du CPCE pour préciser la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts imposée aux opérateurs. Elle définit ainsi les méthodes de recouvrement des coûts et de tarification, conformément à cet article :
« Pour la mise en œuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur. »
Le choix de la référence de coûts pertinents implique notamment de préciser le périmètre de coûts à prendre en compte en fonction de règles d'efficience et de rationalité économiques et la bonne allocation des coûts joints entre les différentes prestations produites par un opérateur de réseau mobile. A cet égard, il convient de noter que chaque opérateur possède un réseau unique mais qui sert à produire tout un ensemble de prestations dont celle de terminaison d'appel : appels entrants et sortants (vocaux ou SMS), services de transmissions de données permettant l'accès au réseau internet notamment. Le coût du réseau, y compris le coût de la boucle locale radio, est donc un immense coût joint à l'ensemble de ces prestations.
En particulier, expliciter la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts consiste donc à déterminer la part maximale de ces coûts joints pouvant être recouvrée via la commercialisation des prestations de terminaison d'appel mobile. Le reste de cet immense coût joint peut être librement recouvré via la vente des autres prestations ayant recours au réseau y compris auprès de l'appelé qui a bénéficié de la réception de cet appel. L'Autorité a ainsi très clairement indiqué dans la décision n° 2008-1176 susvisée (page 13) qu'elle « définit (...), à travers les plafonds tarifaires, la part maximum des coûts joints qu'un opérateur peut recouvrer à travers la tarification de la terminaison d'appel voix, prestation commercialisée en monopole, le reste des coûts pouvant être recouvré sur l'ensemble des autres prestations (de détail notamment) qu'il offre et pour lequel l'opérateur est libre de sa politique tarifaire. Il n'y a par conséquent pas de risque de non-recouvrement de l'ensemble des coûts encourus ».
Au regard des évolutions du marché, l'Autorité a considéré dans cette décision n° 2008-1176 que les coûts pertinents devant servir de référence à la fixation des plafonds tarifaires au titre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel vocal correspondent aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace (15) induits par la fourniture du service de terminaison d'appel dans son ensemble.
Ce signal économique reflète en effet la structure de coût de l'industrie mobile et permet un fonctionnement optimal du marché au regard des objectifs de l'Autorité. En particulier, il permet le développement d'une concurrence (16) saine et loyale entre les opérateurs mobiles ou entre opérateurs fixes et mobiles, et il entraîne une réorganisation efficace du marché globalement au bénéfice des consommateurs. L'Autorité note, à titre incident, que ce choix de référence est cohérent avec la recommandation susvisée de la Commission européenne sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne.
Enfin, l'Autorité définit des méthodes de valorisation et de dépréciation des actifs et détermine les taux de rémunération du capital correspondants. L'Autorité a ainsi retenu jusqu'à présent la méthode des coûts historiques comme méthode pertinente de valorisation des coûts des actifs. A cet égard, l'Autorité considère que la méthode d'évaluation des coûts des actifs des réseaux mobiles par les coûts historiques est toujours adaptée, notamment compte tenu de la faible sensibilité (17) des coûts à la méthode et de l'écart toujours important entre le niveau des coûts d'un opérateur efficace et le niveau actuel des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile. Toutefois et compte tenu de la réduction attendue des écarts entre coûts et tarifs, l'Autorité n'écarte pas la possibilité d'adapter la méthode de valorisation du coût des actifs dans le futur, en particulier pour atténuer les variations liées aux cycles d'investissement et pour mieux intégrer les effets de progrès technique.

(15) Et non les propres coûts des opérateurs identifiés comme puissants sur leurs marchés respectifs de terminaison d'appel. (16) En favorisant notamment le développement d'offres d'abondance vers tous les réseaux, d'offres de convergence, et en favorisant une utilisation efficace des ressources en fréquences. (17) Dans le contexte des réseaux mobiles, avec des cycles d'investissements et des durées de vie des actifs courts par rapport aux actifs des réseaux fixes, l'écart reste faible, de l'ordre de quelques pourcent, entre les coûts obtenus à l'aide de méthodes de types coûts courants et la méthode des coûts historiques. Ce constat repose à la fois sur des observations d'autres régulateurs européens ou des simulations de l'ARCEP.

II-2. Optimum économique visé par la régulation de la terminaison d'appel

Compte tenu, d'une part, du développement actuel des marchés français et, d'autre part, de ses objectifs de régulation, l'Autorité considère que des tarifs de terminaison d'appel vocal symétriques au niveau des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace, définis comme l'ensemble des coûts qui seraient évités si l'opérateur n'offrait plus la prestation de terminaison d'appel à des opérateurs tiers, permettent de parvenir à un niveau d'efficacité économique optimal.
L'Autorité rappelle en effet que ce standard de coût est le seul qui permette de :
― prévenir les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles, à raison de charges de terminaison d'appel mobile élevées, en présence d'offres à effet de réseaux (offres dites on net) reposant sur l'écart entre le coût incrémental (18) et le tarif de terminaison d'appel mobile et générant des « effets de club » au bénéfice des seuls opérateurs ayant les plus grandes parts de marché ;
― prévenir les distorsions de concurrence entre opérateurs fixes et mobiles, qui se font une concurrence sans cesse croissante sur le terrain des communications passées en position déterminée ;
― limiter les importants transferts financiers des opérateurs fixes vers les opérateurs mobiles, du fait de tarifs de terminaison mobiles élevés, en raison d'un manque d'harmonisation avec la régulation des terminaisons d'appel fixes ;
― prévenir les distorsions d'usages consistant pour les utilisateurs finals passant des appels en position déterminée à utiliser leur ligne mobile, du fait de l'importance de la charge de terminaison mobile encourue pour un appel passé depuis une ligne fixe.
L'Autorité relève au passage qu'une orientation vers les coûts incrémentaux de chacun des opérateurs ne permettrait pas, par construction, d'atteindre des niveaux symétriques, du fait que les opérateurs ont tous des réseaux et des parcs de caractéristiques et de tailles différentes (19). La symétrie visée à terme par l'Autorité, conformément à la position commune du GRE précitée, et recommandée par la Commission européenne participe d'un signal économique émis à l'attention de l'ensemble des opérateurs, que l'Autorité estime économiquement optimal en ce qu'il prévient l'introduction de distorsions concurrentielles dans le fonctionnement des marchés de détail sous-jacents. A cet égard, cette symétrie repose nécessairement sur une référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace.

(18) Ce coût incrémental constituant le coût internalisé par les opérateurs lorsqu'ils élaborent leurs offres de détail pour des communications à destination de leur propre réseau. (19) Même si le modèle de coûts de l'Autorité indique que l'impact des économies d'échelles est moins significatif pour les coûts incrémentaux que pour les coûts complets distribués.

II-3. Prise en compte du principe de proportionnalité
et mise en œuvre d'une période de transition adaptée
II-3.1. Les risques liés à une baisse trop rapide des tarifs de gros

Dans la décision n° 2008-1176, l'Autorité a souligné le besoin de respecter un principe de proportionnalité dans la mise en œuvre de l'orientation des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts pertinents sous-jacents.
Les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile demeurent en effet très structurants pour le secteur. En 2008, le volume total de terminaison d'appel vocal (en incluant le trafic off net et le trafic on net sujet à transfert interne pour la prestation de terminaison d'appel) représentait environ 101,8 milliards de minutes, soit une valeur de près de 7 milliards d'euros (en valorisant les flux avec le tarif moyen de terminaison d'appel à hauteur de 6,9 c€/min sur la période considérée). Ces revenus de gros représentaient presque 38 % du chiffre d'affaires de détail sur le marché mobile (20).
Par conséquent, l'adaptation du marché aux nouvelles conditions tarifaires de gros, fondées sur le concept de coûts incrémentaux, se traduira vraisemblablement par un ajustement dynamique des offres tarifaires des opérateurs et des habitudes de consommation. Ce processus d'ajustement des offres demande un minimum de temps aux opérateurs, que ce soit pour faire évoluer leurs offres (structure commerciale à adapter, études marketing complémentaires à lancer...) ou faire migrer progressivement leurs parcs de clientèle vers ces nouvelles offres.
En outre, même si les opérateurs ont la possibilité de modifier leurs offres de détail afin de maintenir leur équilibre économique, ces modifications comportent un risque important pour les opérateurs dans la mesure où elles sont particulièrement coûteuses et notamment rendent possible la résiliation sans pénalité par les consommateurs des contrats pour lesquels les conditions contractuelles sont modifiées, conformément à l'article L. 121-84 du code de la consommation. Les modifications des conditions générales de vente des contrats déjà en vigueur restent par conséquent délicates à mettre en œuvre dans un marché mobile où l'équilibre économique des offres repose couramment sur des clauses de durée d'engagement minimal.
A cet égard, l'Autorité note en particulier que le segment du marché dit « postpayé » manque de fluidité. Inversement, le segment du « prépayé » est relativement plus fluide et peut s'adapter vite, mais est aussi relativement plus sensible aux niveaux des tarifs de terminaison d'appel compte tenu du fait que les clients de ce segment reçoivent en général plus d'appels qu'ils n'en émettent.
Ainsi, les acteurs ont toujours fait valoir qu'un choc trop violent et rapide sur les prix pourrait déstabiliser le marché de façon inefficace, créant des opportunités de call-back (21) ou déstabilisant les petits acteurs sur le bas de marché, notamment le segment du prépayé, au risque de réduire le degré de concurrence.

(20) Source : Observatoire des marchés de l'ARCEP. (21) Le call-back est un système qui permet de mettre en relation deux correspondants en payant deux terminaisons d'appel, à l'aide d'une plate-forme qui rappelle l'initiateur de l'appel et qui appelle le destinataire. Le déclenchement de ce service peut se faire à l'aide d'un SMS ou bien à l'aide d'un logiciel téléchargé sur le mobile, et qui provoque directement le rappel automatique de manière transparente.

II-3.2. La mise en œuvre progressive de l'orientation des tarifs vers les coûts

Etant donné le caractère structurant pour le secteur des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile et les contraintes associées à la modification des offres de détail, il convient d'appliquer des baisses proportionnées et permettant l'adaptation des offres aux nouvelles conditions tarifaires de gros.
Aussi, alors que l'Autorité estime que la situation optimale consisterait à fixer les plafonds tarifaires de la terminaison d'appel mobile de manière symétrique au niveau des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, elle considère qu'il n'est pas réaliste de vouloir atteindre cette cible immédiatement, l'écart entre la cible et les niveaux actuels restant encore trop important. Une période de transition adaptée de plusieurs années a donc été jugée nécessaire dans la décision n° 2008-1176 susvisée pour permettre aux opérateurs d'adapter leurs offres au nouveau concept et d'apprendre progressivement à s'adapter aux préférences des consommateurs dans ce nouveau contexte.
Cette transition doit intégrer deux contraintes a priori opposées : d'un côté, assurer la convergence la plus rapide possible des tarifs de terminaison d'appel vers le niveau optimal, i.e. les coûts incrémentaux d'un opérateur efficace, et, de l'autre, éviter de déstabiliser le marché par une transition trop rapide.
L'Autorité rappelle à cet égard que la recommandation de la Commission européenne susvisée préconise que la cible, à savoir la symétrie des tarifs au niveau des coûts incrémentaux, doit être atteinte au plus tard le 31 décembre 2012, en laissant les autorités de régulation adapter la transition aux spécificités nationales.
Ainsi, l'Autorité a donc, compte tenu du principe de proportionnalité, mis en œuvre une période de transition dans le cadre de sa décision n° 2008-1176, qui fixe les tarifs de SFR et Orange France pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2010. Ce principe doit également être pris en compte dans le cadre de la présente décision, qui fixe le tarif de Bouygues Telecom pour la même période. Il convient également de gérer les conséquences sur le marché de l'orientation progressive des tarifs vers les coûts. Ces deux points sont développés au paragraphe suivant.

II-4. Prise en compte du principe de proportionnalité dans le cadre de la présente décision
et gestion des conséquences de l'orientation progressive des tarifs vers les coûts
II-4.1. La prévention d'une distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles
Le risque d'une distorsion concurrentielle issue du caractère progressif de la régulation

La gradualité de l'orientation des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace signifie le maintien transitoire d'une situation sous-optimale sur le marché de gros. Il convient alors de gérer les conséquences sur le marché de détail de cette situation sous-optimale sur le marché de gros pendant la période de transition.
En particulier, le maintien provisoire d'un écart entre les tarifs et les coûts sous-jacents est susceptible de créer ou maintenir une distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles, dans la mesure où il est conjugué à d'importants déséquilibres dans les volumes de trafic d'interconnexion échangés par les opérateurs.
A cet égard, comme l'Autorité l'a remarqué dans sa décision n° 2008-1176 susvisée (p. 43), « Dans un marché présentant une forte dissymétrie en termes de parts de marché comme le marché français, le potentiel d'attractivité des offres d'abondance on net est particulièrement contrasté et contribue ainsi à une dynamique commerciale favorable aux opérateurs ayant les parts de marché les plus élevées. En effet, toute chose égale par ailleurs, le consommateur préférera souscrire à une telle offre auprès de l'acteur ayant la part de marché la plus forte pour maximiser la probabilité d'avoir des correspondants principaux relevant du réseau en cause. Pour répliquer de telles offres de façon pertinente, un opérateur qui dispose de parts de marché plus réduites devra donc proposer des offres d'abondance en on net et off net. Par ce choix, il attire des clients qui émettent plus d'appels sortants off net qu'ils ne reçoivent d'appels entrants en provenance d'autres réseaux. Il subit donc, au final, un déséquilibre de trafic défavorable vers chacun de ses concurrents ».
Par conséquent, la politique commerciale d'un opérateur de petite taille est contrainte par le comportement de ses concurrents, et le déséquilibre de trafic qui s'ensuit est donc au moins partiellement hors du contrôle de cet opérateur.
Un tel déséquilibre de trafic d'interconnexion ne constitue pas un problème en lui-même et l'Autorité ne vise en aucun cas à le corriger. En effet, ce déséquilibre entre trafic entrant et trafic sortant n'introduirait nullement de biais concurrentiel si la prestation de gros de terminaison d'appel vocal mobile était tarifée au niveau des coûts incrémentaux, tels qu'internalisés par les opérateurs lorsqu'ils composent leurs offres tarifaires de détail, en particulier des offres on net, car, dans ce cadre, il n'y aurait pas de différence entre les équations économiques sous-tendant l'équilibre financier d'une offre on net ou d'une offre off net.
Toutefois, la persistance transitoire d'un écart entre les tarifs de terminaison d'appel et les coûts incrémentaux, du fait d'une régulation transitoirement sous-optimale et à ce titre hors de contrôle des opérateurs, accroît artificiellement la contrevaleur monétaire du déséquilibre de trafic, provoquant ainsi des transferts financiers importants entre des opérateurs qui sont directement concurrents sur les marchés de détail avals. L'Autorité vise par conséquent à prévenir l'apparition d'une telle distorsion de concurrence par le biais d'une asymétrie tarifaire transitoire. Ces circonstances justifiant le maintien d'une asymétrie transitoire sont, par ailleurs, exactement celles prévues par le Groupe des régulateurs européens dans sa position commune du 12 mars 2008 susvisée.

La compensation partielle des déséquilibres entre opérateurs mobiles

Etant donné que la terminaison d'appel de Bouygues Telecom est payée à la fois par les opérateurs mobiles et les opérateurs fixes, l'atténuation de la distorsion artificielle de concurrence observée sur le seul marché mobile par une différenciation des tarifs de gros des opérateurs mobiles induit une externalité sur les opérateurs fixes (et donc sur leurs clients). L'Autorité doit donc prendre en compte une « sur-rente » en provenance des opérateurs fixes créée par le maintien d'une asymétrie transitoire ajoutée à un tarif lui-même significativement supérieur aux coûts pertinents sous-jacents, et écartant ainsi davantage le tarif de ces coûts. L'Autorité souligne à cet égard qu'il est souhaitable de minimiser le surplus de flux financiers des opérateurs fixes vers les opérateurs mobiles tout en assurant leur répartition de manière équitable entre opérateurs mobiles.
De plus, tout opérateur définit sa stratégie commerciale dans un contexte de régulation formé entre autres de l'ensemble de niveaux de terminaison d'appel qui lui est connu. Lorsqu'il lance de nouvelles offres sur le marché de détail, incluant notamment des communications illimitées vers tous les opérateurs mobiles, il est de sa responsabilité de prendre en compte les niveaux de tarifs de terminaison d'appel de ses concurrents et leur évolution probable, en fonction non seulement des niveaux de coûts qu'il anticipe mais aussi du contexte européen. Dans ce contexte, Bouygues Telecom ne peut donc prétendre à une atténuation intégrale d'un effet qu'il pouvait partiellement anticiper.
Par conséquent, l'Autorité considère qu'il est nécessaire de maintenir transitoirement une asymétrie du plafond tarifaire de Bouygues Telecom mais que, dans la mesure où cela est compatible avec le principe de proportionnalité des baisses imposées à un opérateur, l'asymétrie fixée à cet égard ne devrait pas aboutir à une compensation totale de la contrevaleur monétaire des déséquilibres de trafic d'interconnexion en défaveur de Bouygues Telecom en raison de l'écart persistant entre tarifs et coûts de terminaison.
L'Autorité confirme en particulier qu'une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer dès lors que les tarifs de terminaison d'appel seront alignés sur le concept de coûts pertinents et qu'ils n'induiront ainsi plus de biais concurrentiel artificiel sur le marché de détail au détriment des opérateurs à plus faibles parts de marché. En ce sens, l'Autorité considère qu'elle est pleinement cohérente avec le principe de symétrie des terminaisons d'appel des opérateurs à long terme, qu'elle défend, ainsi qu'elle l'a rappelé précédemment, à l'instar de la Commission européenne.

II-4.2. La proportionnalité des baisses est applicable à tous les opérateurs mobiles

L'Autorité souligne que la présente décision a pour objet de fixer le plafond tarifaire opposable à Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2010 alors que le plafond opposable à Orange France et SFR sur la même période est déjà défini à hauteur de 3 cEUR/min. Par conséquent, le rythme de baisse du marché est globalement fixé et il convient également d'imposer à Bouygues Telecom une baisse proportionnée à cet état de fait, sous peine de remettre en cause l'équilibre général.
En effet, la mise en œuvre au 1er juillet 2010 d'une baisse (22) du plafond tarifaire de Bouygues Telecom qui serait beaucoup plus rapide que la baisse (23) du plafond tarifaire des autres opérateurs mobiles métropolitains demanderait ainsi à Bouygues Telecom un effort beaucoup plus important que celui demandé aux autres. En effet, les tarifs de terminaison d'appel constituent un élément encore plus structurant pour les acteurs à part de marché plus réduite, dont le trafic est plus majoritairement off net de manière structurelle. De plus, la simple baisse des revenus de gros liés au trafic fixe vers mobile pèse davantage sur les petits acteurs, en proportion de l'EBIT (24).
Par conséquent, une très forte baisse imposée à Bouygues Telecom au 1er juillet 2010 suggérerait que la convergence vers les coûts incrémentaux aurait pu être plus rapide pour l'ensemble du marché, permettant un cercle vertueux de baisse et une réduction rapide de l'asymétrie.
Un tel développement contreviendrait manifestement aux remarques de l'ensemble des opérateurs quant à l'obligation de proportionnalité qui s'impose à l'Autorité, selon lesquelles une baisse trop rapide des tarifs de gros serait susceptible de déstabiliser le marché de détail en modifiant brutalement l'équation économique des offres de détail.

(22) A partir d'un plafond de 6 c€/min, sachant que le plafond précédemment en vigueur jusqu'au 30 juin 2009 était de 8,5 c€/min. (23) De 4,5 c€/min à 3 c€/min, soit 33 % de baisse au 1er juillet 2010 et 53,8 % de baisse par rapport au plafond de 6,5 c€/min en vigueur jusqu'au 30 juin 2009. (24) En 2008, l'EBIT de SFR et d'Orange France était compris entre 2,5 et 3 milliards d'euros, tandis que l'EBIT de Bouygues Telecom était inférieur à 600 millions d'euros. Or une baisse de 1 centime par minute de terminaison d'appel représente un montant de 10 millions d'euros pour un volume de 1 milliard de minutes. Les baisses de tarifs de TA de 6,5 c€/min à 3 c€/min entre 2008 et 2010 représentent ainsi pour Orange France et SFR une baisse de revenus annuels fixe vers mobile inférieure à [SDA] % de leur EBIT tandis que cette baisse dépasse [SDA] % pour Bouygues Telecom avec un tarif de TA passant de 8,5 c€/min à moins de 4 c€/min.

III. ― Mise en œuvre de l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom
III-1. Eléments d'appréciation pour fixer l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom
III-1.1. Evolution des déséquilibres d'interconnexion

L'accroissement artificiel de la contrevaleur monétaire des déséquilibres d'interconnexion entre opérateurs mobiles, induit par la sous-optimalité transitoire de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal, dépend des paramètres suivants :
― il est corrélé positivement au solde d'interconnexion en volume de Bouygues Telecom vis-à-vis de ses concurrents mobiles Orange France et SFR ;
― il est corrélé positivement à l'écart entre les tarifs de terminaison d'appel vocal d'Orange France et SFR et le coût incrémental de long terme d'un opérateur générique efficace.
Il convient donc de s'intéresser aux dernières évolutions de ces paramètres.
La mise à jour du modèle technico-économique de l'Autorité effectuée en 2009 indique que 1,3 cEUR/min constitue une estimation prudente du coût incrémental de long terme d'un opérateur générique efficace. Ce niveau peut donc servir de référence pour l'évaluation des déséquilibres financiers subis par Bouygues Telecom.
Par ailleurs, les opérateurs ont fourni à l'Autorité les dernières données d'interconnexion constatées, en particulier pour l'année 2009. On constate une réduction assez significative du déficit d'interconnexion en volume pour Bouygues Telecom, celui-ci passant de [SDA] (25) milliards de minutes en 2007 à environ [SDA] milliards en 2009, soit une baisse de [SDA].
Tout exercice de prévision quant à l'évolution des soldes de trafic s'avère extrêmement délicat, étant donné la forte dépendance vis-à-vis des évolutions du marché. Si l'Autorité n'est ainsi pas en mesure de se prononcer avec certitude sur la poursuite ou non de la tendance observée sur les dernières années, elle est toutefois incitée à la prudence.

(25) Secret des affaires.

III-1.2. Appréciation conjuguée de l'ensemble des objectifs

Dans leurs contributions à la consultation publique sur les références pertinentes, les opérateurs mobiles ont proposé des formules pour évaluer le niveau d'asymétrie.
Ainsi, Bouygues Telecom soutient que l'asymétrie tarifaire doit être fixée de façon à ce que les soldes financiers d'interconnexion entre opérateurs mobiles soient exactement au même niveau que si les tarifs de terminaison d'appel mobile se situaient au niveau des coûts incrémentaux de long terme. Bouygues Telecom met en avant le fait qu'une sous-compensation des déséquilibres entre opérateurs mobiles entraîne de facto des transferts financiers injustifiés entre des opérateurs directement concurrents sur le marché de détail.
A l'opposé, Orange France et SFR estiment que le niveau maximal d'asymétrie envisageable doit être calculé de manière à ce que les sommes supplémentaires (26) payées en raison de l'asymétrie par l'ensemble des acheteurs de terminaison d'appel mobile vers le réseau de Bouygues Telecom ― i.e. Orange France, SFR et l'ensemble des opérateurs fixes et internationaux ― compensent au plus l'accroissement de la contrevaleur monétaire du déséquilibre en volume entre Bouygues Telecom et ses concurrents mobiles, en raison de l'écart entre les tarifs et les coûts sous-jacents. Orange France et SFR considèrent en outre qu'il faut alors appliquer un taux (27) de compensation partielle à ce niveau maximal, étant donné que le déséquilibre en question ne serait que partiellement hors du contrôle de Bouygues Telecom.
L'Autorité considère cependant qu'aucune formule ne permet de prendre en compte en même temps l'intégralité des objectifs explicités ci-dessus, qui sont parfois contradictoires.
En effet, d'un côté, l'objectif de rétablissement d'une concurrence loyale entre opérateurs mobiles, telle qu'elle serait avec des tarifs de TA au niveau des coûts incrémentaux de long terme, ainsi que le respect du principe de proportionnalité des baisses tarifaires, pour éviter de déstabiliser l'équilibre des offres de détail, en particulier pour un acteur de la taille de Bouygues Telecom, tendent à ne pas trop réduire l'asymétrie.
De l'autre côté, le niveau d'asymétrie fixé doit tenir compte du contexte de réduction du solde d'interconnexion en volume de Bouygues Telecom avec ses concurrents mobiles, ainsi que de l'aspect partiel de la compensation des déséquilibres financiers subis par Bouygues Telecom, en raison notamment de l'externalité sur les opérateurs fixes et pour ne pas compenser intégralement un effet que Bouygues Telecom pouvait partiellement anticiper.
Par conséquent, la décision de l'Autorité découle de l'appréciation conjuguée et de la conciliation de l'ensemble des objectifs et du principe de proportionnalité de ces décisions évoqués ci-avant.

(26) Du fait que l'asymétrie correspond à une augmentation du plafond tarifaire de Bouygues Telecom par rapport à une situation hypothétique à 3 c€/min, soit le plafond applicable à Orange et SFR au second semestre 2010. (27) Taux estimé à [SDA] par Orange France et SFR.

III-2. Commentaires reçus sur le projet de décision notifié et mis en consultation publique
III-2.1. L'avis de la Commission européenne

Le projet de décision de l'Autorité a été notifié à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne le 14 janvier 2010.
Dans sa lettre de commentaires du 15 février 2010, la Commission (28) « se félicite de l'approche adoptée par l'ARCEP qui prévoit une réduction des tarifs de terminaison d'appel au niveau des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace, ce qui se traduira par des tarifs symétriques, conformément à la recommandation sur les tarifs de terminaison d'appels fixe et mobile.
En outre la Commission note avec satisfaction que, par rapport au niveau proposé précédemment, les TTM [tarifs de terminaison d'appel mobile] proposés pour Bouygues entraînent une réduction notable de l'asymétrie par rapport aux autres opérateurs.
Toutefois, la Commission relève que l'ARCEP estime justifié de maintenir l'asymétrie jusqu'à ce qu'un tarif orienté en fonction des coûts soit introduit pour tous les opérateurs de France métropolitaine. Par conséquent, la Commission réitère les observations formulées dans le cadre de l'affaire FR/2008/0812 et invite l'ARCEP à aboutir à des TTM symétriques pour les trois opérateurs lorsqu'elle fixera des tarifs de terminaison d'appel pour la période postérieure à 2010 ou, du moins, à envisager de fixer une date butoir pour le passage à des TTM symétriques fixés au niveau des coûts d'un opérateur efficace ».
L'Autorité indique à ce titre qu'elle va initier un troisième cycle d'analyse des marchés durant l'année 2010 en vue de remotiver une prorogation de la régulation des terminaisons d'appel mobile sur la période 2011-2013. Ainsi, l'Autorité prend acte du commentaire de la Commission européenne et l'examinera lors de sa prochaine analyse des marchés de terminaison d'appel vocal.

(28) Affaire FR/2010/1039.

III-2.2. Synthèse des contributions reçues lors de la consultation publique

L'Autorité a lancé une consultation publique sur son projet de décision le 13 janvier 2010, close le 15 février 2010. Elle a reçu trois réponses à cette consultation de la part des opérateurs de réseaux mobiles métropolitains Orange France, SFR et Bouygues Telecom. L'ensemble de ces réponses, à l'exclusion des parties couvertes par le secret des affaires, est publié sur le site de l'ARCEP. Les principaux points sont résumés ci-dessous.
Orange France considère à titre principal que, compte tenu de l'ancienneté de Bouygues Telecom sur le marché (obtention de la licence en 1994) et de sa part de marché actuelle (environ 18 %), l'asymétrie tarifaire devrait disparaître en 2010. Orange France soutient en outre qu'aucun troisième entrant en Europe ne bénéficie d'une asymétrie sur des marchés où les tarifs sont inférieurs à 4,5 c€/min.
A titre subsidiaire, Orange France affirme que la dynamique de réduction du solde d'interconnexion en volume de Bouygues Telecom et le principe de compensation partielle des déséquilibres subis par Bouygues Telecom confirmé par le Conseil d'Etat conduisent à un plafond d'au plus 3,14 c€/min. Orange France conteste d'ailleurs la nécessité d'appliquer le principe de proportionnalité pour fixer l'asymétrie. L'opérateur avance que le plafond imposé à Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 serait trop élevé, ce qui implique inévitablement une forte baisse par la suite.
SFR considère que l'ARCEP n'a pas respecté la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009. En effet, selon l'opérateur, le « seul objectif » de l'Autorité, à savoir l'aspect partiel de la compensation « du déficit subi par Bouygues Telecom », n'est pas rempli par le projet de décision mis en consultation publique. Sur la base de ses propres estimations prévisionnelles de trafic, SFR propose de fixer le plafond tarifaire de la TA de Bouygues Telecom au deuxième semestre 2010 entre 3,11 et 3,27 c€/min, pour un niveau de compensation allant respectivement de 30 à 75 % du déficit estimé par SFR.
Au contraire, Bouygues Telecom considère que le plafond proposé par l'Autorité conduit au maintien d'un important transfert financier injustifié de Bouygues Telecom vers ses concurrents directs mobiles et que le caractère partiel de la compensation n'est pas fondé. En effet, Bouygues Telecom soutient que l'asymétrie de son tarif a peu d'impact sur les opérateurs fixes, qui profitent selon lui largement de la politique de baisse tarifaire actuelle sur le marché de la TA. En outre, les consommateurs ne bénéficieraient d'aucune répercussion à la baisse sur les tarifs de détail des communications fixe vers mobile. L'opérateur considère également que, du fait de sa taille, il supporte toujours un risque commercial important en commercialisant des offres d'abondance off net vers tous réseaux pour répliquer à la stratégie on net de ses concurrents [SDA].
Par ailleurs, Bouygues Telecom s'étonne que la baisse de son plafond tarifaire soit plus forte que celle imposée à Orange France et SFR et considère que le principe de proportionnalité devrait induire une baisse « homothétique » des plafonds. L'opérateur, dont l'EBIT est plus faible que celui de ses concurrents, souligne que le poids de la régulation qui pèse sur lui nuit directement à sa capacité d'investissement, dans un contexte de forte évolution technologique. Par conséquent, Bouygues Telecom réclame que son plafond tarifaire soit réévalué à hauteur de 3,9 c€/min.
Enfin, à titre incident, Bouygues Telecom estime que l'Autorité ne respecte pas son obligation de transparence en n'explicitant pas suffisamment les arbitrages opérés entre ses différents objectifs.

III-2.3. Conclusions tirées par l'Autorité

Sans répondre à l'ensemble des points présentés, dont certains trouvent notamment leur réponse dans le présent document et/ou dans ses précédentes décisions, l'Autorité souhaite apporter les précisions suivantes.
Comme l'Autorité l'a indiqué à la section I-3.2, les comparaisons internationales des asymétries tarifaires n'apportent qu'un éclairage très partiel sur la fixation du plafond pour Bouygues Telecom, étant donné l'hétérogénéité des références de coûts utilisées, de l'avancement du processus d'orientation des tarifs vers ces coûts et des motifs pour maintenir ou non une asymétrie.
L'Autorité rappelle que le plafond tarifaire imposé à Bouygues Telecom doit être apprécié au regard du plafond déjà imposé à ses concurrents sur la même période, mais également au regard du niveau précédemment en vigueur. Contrairement à ce qu'affirment Orange France et SFR, l'Autorité ne peut donc absolument pas faire abstraction du principe de proportionnalité des baisses, sous peine de remettre en cause de manière générale la nécessité d'une période de transition pour l'orientation des tarifs de TA vers les coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace. Par ailleurs, l'Autorité indique que le caractère « homothétique » des baisses tarifaires peut être apprécié en ce qui concerne l'écart par rapport au coût de référence et non par rapport à zéro, pour permettre une convergence naturelle vers une situation symétrique.
L'Autorité considère avoir clairement expliqué l'ensemble des objectifs qu'elle a retenus pour fixer le plafond tarifaire de Bouygues Telecom, puis en quoi ces objectifs tendent à privilégier une réduction ou un maintien du niveau d'asymétrie. En particulier, l'Autorité a indiqué dans la section précédente que la réduction du problème à une formule comporte le risque d'exclure l'un ou l'autre des objectifs, qui ne peuvent être conciliés que globalement.
Ainsi, la formule proposée par Orange France et SFR consiste à se focaliser sur le solde financier d'interconnexion de Bouygues Telecom avec l'ensemble des opérateurs, mobiles, fixes et internationaux, et de le rapprocher du solde obtenu avec des tarifs symétriques au niveau des coûts incrémentaux. Cette approche équivaut à transférer à Orange France et SFR l'intégralité de la « sur-rente » payée par les opérateurs fixes à Bouygues Telecom du fait de l'asymétrie, ce qui ne satisfait pas l'objectif de concurrence loyale entre opérateurs mobiles. De plus, cette approche ne prend pas en compte le principe de proportionnalité.
A l'opposé, la formule suggérée par Bouygues Telecom consiste à ramener exactement les soldes financiers d'interconnexion entre opérateurs mobiles au même niveau que si les tarifs étaient symétriques au niveau des coûts incrémentaux. Cette approche occulte notamment les externalités sur les opérateurs fixes, en permettant dans ce cas à Bouygues Telecom de conserver l'intégralité de la « sur-rente » payée par les opérateurs fixes.
En conclusion, l'Autorité estime que les réponses reçues suite à la consultation publique n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de modifier son appréciation de l'asymétrie tarifaire à mettre en œuvre pour le second semestre de l'année 2010.

III-3. Définition de l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom

Au vu de l'ensemble des éléments exposés ci-avant, pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2010, l'Autorité impose pour Bouygues Telecom un prix maximum de terminaison d'appel vocal mobile égal à 3,4 c€/min.
Cette évolution correspond à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel vocal d'environ 43 % pour Bouygues Telecom par rapport au plafond en vigueur du 1er juillet 2009 au 1er juillet 2010 et de 60 % par rapport au plafond en vigueur avant le 1er juillet 2009.
L'Autorité considère que, sur la période considérée, la structure de coûts de Bouygues Telecom est compatible avec ce niveau de terminaison d'appel. De plus, les différents facteurs susceptibles de justifier une asymétrie sont compatibles avec les plafonds tarifaires de terminaison d'appel respectivement applicables aux trois opérateurs mobiles métropolitains.
Comme précisé précédemment, la différenciation des tarifs de terminaison d'appel de Bouygues Telecom n'a pas vocation à perdurer. Ainsi, l'Autorité considère que l'asymétrie des tarifs de Bouygues Telecom résultant du principe de proportionnalité et du caractère progressif de la convergence des tarifs vers les coûts dans un contexte de déséquilibres de trafic devra disparaître à la date à laquelle les tarifs seront considérés comme étant alignés sur les références pertinentes de coûts.
Par ces motifs, décide :

Article 1

Bouygues Telecom met en œuvre des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile tels que, à compter du 1er juillet 2010 et jusqu'au 31 décembre 2010, le tarif maximal de la terminaison d'appel « intra-ZA » n'excède pas 3,4 cEUR/min.

Article 2

Le directeur général de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargé de l'exécution de la présente décision. Il notifiera à la société Bouygues Telecom cette décision. La présente décision, à l'exclusion des parties couvertes par le secret des affaires, sera publiée au Journal officiel de la République française.

TABLE DES MATIÈRES

I. ― Contexte de la décision 3
I-1. Rappels sur la terminaison d'appel vocal mobile 3
I-2. Cadre juridique de la décision 4
I-2.1. Le deuxième cycle d'analyse des marchés de terminaison d'appel vocal mobile 4
I-2.2. Le contexte européen 7
I-2.3. Objet de la décision 8
I-3. Les références disponibles pour définir l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel 8
I-3.1. Les états de comptabilisation des coûts et des revenus 8
I-3.2. Les comparaisons internationales 9
I-3.3. Le modèle technico-économique des coûts d'un réseau mobile 12
I-3.4. Retours de la consultation publique sur les références pertinentes 14
II. ― Principes et objectifs de l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom 16
II-1. Finalités et modalités de l'encadrement tarifaire 16
II-2. Optimum économique visé par la régulation de la terminaison d'appel 17
II-3. Prise en compte du principe de proportionnalité et mise en œuvre d'une période de transition adaptée 18
II-3.1. Les risques liés à une baisse trop rapide des tarifs de gros 18
II-3.2. La mise en œuvre progressive de l'orientation des tarifs vers les coûts 19
II-4. Prise en compte du principe de proportionnalité dans le cadre de la présente décision et gestion des conséquences de l'orientation progressive des tarifs vers les coûts 20
II-4.1. La prévention d'une distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles 20
II-4.2. La proportionnalité des baisses est applicable à tous les opérateurs mobiles 21
III. ― Mise en œuvre de l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom 23
III-1. Eléments d'appréciation pour fixer l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom 23
III-1.1. Evolution des déséquilibres d'interconnexion 23
III-1.2. Appréciation conjuguée de l'ensemble des objectifs 23
III-2. Commentaires reçus sur le projet de décision notifié et mis en consultation publique 24
III-2.1. L'avis de la Commission européenne 24
III-2.2. Synthèse des contributions reçues lors de la consultation publique 25
III-2.3. Conclusions tirées par l'Autorité 26
III-3. Définition de l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom 27

Fait à Paris, le 18 février 2010.

Le président,

J.-L. Silicani