Mise à jour du modèle
Dans le cadre des travaux sur la présente décision et pour faire suite à l'annulation partielle, en juillet, de la décision n° 2008-1176, un questionnaire quantitatif sur les données de couverture, de demande et d'inventaire des équipements a été envoyé aux opérateurs à l'été 2009. Par ailleurs, le processus de restitution des comptes réglementaires a fourni fin septembre 2009 à l'Autorité les coûts réglementaires audités des opérateurs pour l'année 2008. L'ensemble des données récoltées a alors permis d'effectuer une mise à jour du calibrage du modèle, à structure constante, afin de garantir la cohérence avec les décisions précédentes tout en tenant compte des évolutions récentes du marché.
En effet, un travail portant sur la structure du modèle n'était pas souhaitable à ce stade étant donné qu'il s'agit de définir l'encadrement tarifaire pour l'un des trois opérateurs, sur une période pour laquelle l'encadrement tarifaire des deux autres opérateurs est déjà fixé. Il convient donc de conserver la cohérence entre le modèle qui a servi de référence à la décision de décembre 2008, qui définit notamment l'encadrement tarifaire pour les sociétés Orange France et SFR pour le second trimestre 2010, et le modèle qui sert de référence pour la présente décision, qui définit l'encadrement tarifaire que devra respecter l'opérateur mobile Bouygues Telecom sur cette même période.
En outre, comme l'Autorité l'a rappelé lors de sa décision n° 2008-1176 susvisée, les commentaires portant sur la structure du modèle nécessitent, pour être pris en compte, la concertation des acteurs et l'apport d'éléments quantitatifs suffisants. Ceux-ci seront examinés par l'Autorité dans le cadre de la poursuite des travaux sur l'évolution du modèle avec l'ensemble des opérateurs, actuellement en cours en vue du prochain cycle d'analyse de marché.
Résultats du modèle
Le modèle technico-économique des coûts de réseau d'un opérateur générique efficace indique un coût incrémental de long terme de 1,4 cEUR/min en 2008. Ce coût baisse à 1,23 cEUR en 2009. De manière générale, la tendance à la baisse est confirmée sur plusieurs années. Ceci peut s'expliquer notamment par la transition technologique progressive des réseaux de la deuxième à la troisième génération, globalement plus efficace, ainsi que par le progrès technique continu qui fait baisser les coûts des équipements de téléphonie mobile.
Par conséquent, et compte tenu de l'existence de quelques coûts spécifiques à la commercialisation de la terminaison d'appel sur le marché de gros, on peut conclure que 1,3 cEUR/min constitue un majorant fiable du coût incrémental de long terme de terminaison d'appel vocal pour un opérateur générique efficace sur la période considérée par la présente décision.
I-3.4. Retours de la consultation publique sur les références pertinentes
L'Autorité a reçu des contributions de la part des trois opérateurs mobiles métropolitains à la consultation publique sur les références pertinentes lancée le 6 novembre et close le 7 décembre 2009.
Comparaisons internationales de tarifs
SFR considère que, si les comparaisons générales des tarifs de terminaison d'appel ne sont pas nécessairement pertinentes, les comparaisons des asymétries doivent être prises en compte, notamment pour rapprocher ancienneté sur le marché et niveau d'asymétrie. En l'occurrence, SFR soutient que Bouygues Telecom bénéficie encore d'une asymétrie singulièrement élevée au regard de sa date d'entrée sur le marché.
Orange France considère également que l'asymétrie du tarif de Bouygues Telecom est actuellement excessive au regard des benchmarks européens, en particulier si l'on considère les « grands pays » (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne et Italie).
A contrario, selon Bouygues Telecom, les comparaisons internationales montrent que le maintien d'asymétries tarifaires reste assez répandu en Europe et que la France se situe dans la moyenne.
L'Autorité rappelle que l'ancienneté de Bouygues Telecom sur le marché mobile français n'est pas un critère justifiant le maintien d'une asymétrie. Seul le caractère transitoirement sous-optimal de la régulation de la terminaison d'appel, en raison de la progressivité de l'orientation des tarifs vers les coûts, est pris en compte.
Référentiels de coûts
Orange France partage l'analyse de l'Autorité selon laquelle les états de coûts et de revenus audités transmis par les opérateurs constituent une référence de coûts fiable. Orange France considère à cet égard qu'elle constitue la seule référence de coûts objective et observable. Orange France constate une amélioration du calibrage du modèle technico-économique par rapport à sa version précédente. Néanmoins, l'opérateur considère que le modèle sous-évalue les coûts incrémentaux de long terme (CILT), notamment en raison du maintien de la valorisation des actifs en coûts historiques et de la sensibilité aux paramètres.
Bouygues Telecom considère que la comptabilité réglementaire délivre une référence de coûts fiable pour calibrer le modèle technico-économique de manière régulière, dans la mesure où elle s'appuie sur la comptabilité sociale de l'entreprise et que ses états sont audités. Selon Bouygues Telecom, les estimations des CILT ressortant des modèles Bouygues Telecom et générique pour les années 2009 et 2010, ainsi que l'évolution à plus long terme, semblent refléter la réalité des réseaux avec une assez bonne précision.
En revanche, selon SFR, le calibrage du modèle technico-économique à l'aide des grandes masses de coûts issues de la comptabilité réglementaire en coûts complets n'est pas suffisant. SFR soutient que seule une mise en œuvre des CILT dans la comptabilité réglementaire pourrait garantir la robustesse du calibrage. Par ailleurs, SFR note des améliorations du modèle mis en consultation publique suite à ses commentaires. L'opérateur considère toutefois que la modélisation demeure à la fois imprécise et trop complexe.
L'Autorité rappelle que le modèle de coûts d'un opérateur générique efficace mis à jour en 2009 dans le cadre des travaux sur la présente décision doit rester cohérent avec la version précédente utilisée en 2008 et doit s'inscrire dans le cadre temporel de la préparation de la présente décision pour définir l'encadrement tarifaire pour les sociétés Orange France et SFR pour le second trimestre 2010, tout en incluant un calibrage fin à l'aide des données techniques et comptables recueillies en 2009. Par conséquent, les remarques des acteurs concernant essentiellement les futurs travaux de mise à jour de la structure du modèle ne peuvent s'inscrire que dans le cadre du prochain cycle d'analyse des marchés (méthode de valorisation des actifs, algorithmes de déploiement du réseau, prise en compte des évolutions technologiques). L'Autorité n'a donc pas jugé pertinent d'effectuer de nouvelles modifications sur le modèle d'opérateur générique efficace soumis à consultation publique en novembre 2009.
Par ailleurs, l'Autorité a fixé par sa décision n° 2010-0002 du 21 janvier 2010 le taux de rémunération du capital des activités régulées du secteur mobile pour la période 2010-2011.
Si le taux de rémunération fixé n'est pas celui retenu pour les années 2010-2011 dans le modèle d'opérateur générique efficace soumis à consultation publique en novembre 2009, les tests de sensibilité effectués par l'Autorité montrent que cela est sans impact significatif sur le coût incrémental de la terminaison d'appel vocal sur la période.
L'Autorité n'a donc pas procédé à ce stade à un ajustement du taux de rémunération du capital dans le modèle de coûts et intégrera le taux adéquat une fois la décision en la matière adoptée.
Le modèle de référence utilisé dans le cadre de la présente décision est donc identique au modèle publié le 6 novembre 2009 sur le site internet de l'Autorité dans le cadre de la consultation publique sur les références pertinentes lancée le 6 novembre et close le 7 décembre 2009. Il est annexé à la présente décision et est téléchargeable à l'adresse suivante : http://www.arcep.fr/index.php?id=8080.
II. ― Principes et objectifs de l'encadrement tarifaire de Bouygues Telecom
II-1. Finalités et modalités de l'encadrement tarifaire
L'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile est nécessaire en l'absence de toute pression concurrentielle s'exerçant sur le prix offert par le vendeur du fait du monopole structurel exercé par les opérateurs dans la fourniture de la terminaison d'appel. L'Autorité a en effet indiqué dans son analyse de marché du 4 octobre 2007 (décision n° 2007-0810 susvisée) que l'absence d'obligation de reflet des coûts par les tarifs serait susceptible de permettre à Bouygues Telecom, Orange France et SFR de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique sur les marchés de gros en cause, ce qui pourrait soulever de nombreux problèmes concurrentiels et entraverait notamment l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail avals.
Par conséquent, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile vise notamment à assurer des conditions d'exercice d'une concurrence loyale au bénéfice des consommateurs sur les marchés de communications électroniques en aval des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile. Plus généralement, la mise en œuvre de cet encadrement tarifaire doit répondre aux objectifs généraux fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE, à savoir notamment l'interopérabilité des services au niveau européen, le développement de l'emploi, de l'investissement efficace et de l'innovation, l'absence de discrimination entre opérateurs, la gestion efficace des ressources et le respect de la neutralité technologique.
L'Autorité se fonde sur le II de l'article D. 311 du CPCE pour préciser la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts imposée aux opérateurs. Elle définit ainsi les méthodes de recouvrement des coûts et de tarification, conformément à cet article :
« Pour la mise en œuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur. »
Le choix de la référence de coûts pertinents implique notamment de préciser le périmètre de coûts à prendre en compte en fonction de règles d'efficience et de rationalité économiques et la bonne allocation des coûts joints entre les différentes prestations produites par un opérateur de réseau mobile. A cet égard, il convient de noter que chaque opérateur possède un réseau unique mais qui sert à produire tout un ensemble de prestations dont celle de terminaison d'appel : appels entrants et sortants (vocaux ou SMS), services de transmissions de données permettant l'accès au réseau internet notamment. Le coût du réseau, y compris le coût de la boucle locale radio, est donc un immense coût joint à l'ensemble de ces prestations.
En particulier, expliciter la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts consiste donc à déterminer la part maximale de ces coûts joints pouvant être recouvrée via la commercialisation des prestations de terminaison d'appel mobile. Le reste de cet immense coût joint peut être librement recouvré via la vente des autres prestations ayant recours au réseau y compris auprès de l'appelé qui a bénéficié de la réception de cet appel. L'Autorité a ainsi très clairement indiqué dans la décision n° 2008-1176 susvisée (page 13) qu'elle « définit (...), à travers les plafonds tarifaires, la part maximum des coûts joints qu'un opérateur peut recouvrer à travers la tarification de la terminaison d'appel voix, prestation commercialisée en monopole, le reste des coûts pouvant être recouvré sur l'ensemble des autres prestations (de détail notamment) qu'il offre et pour lequel l'opérateur est libre de sa politique tarifaire. Il n'y a par conséquent pas de risque de non-recouvrement de l'ensemble des coûts encourus ».
Au regard des évolutions du marché, l'Autorité a considéré dans cette décision n° 2008-1176 que les coûts pertinents devant servir de référence à la fixation des plafonds tarifaires au titre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel vocal correspondent aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace (15) induits par la fourniture du service de terminaison d'appel dans son ensemble.
Ce signal économique reflète en effet la structure de coût de l'industrie mobile et permet un fonctionnement optimal du marché au regard des objectifs de l'Autorité. En particulier, il permet le développement d'une concurrence (16) saine et loyale entre les opérateurs mobiles ou entre opérateurs fixes et mobiles, et il entraîne une réorganisation efficace du marché globalement au bénéfice des consommateurs. L'Autorité note, à titre incident, que ce choix de référence est cohérent avec la recommandation susvisée de la Commission européenne sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne.
Enfin, l'Autorité définit des méthodes de valorisation et de dépréciation des actifs et détermine les taux de rémunération du capital correspondants. L'Autorité a ainsi retenu jusqu'à présent la méthode des coûts historiques comme méthode pertinente de valorisation des coûts des actifs. A cet égard, l'Autorité considère que la méthode d'évaluation des coûts des actifs des réseaux mobiles par les coûts historiques est toujours adaptée, notamment compte tenu de la faible sensibilité (17) des coûts à la méthode et de l'écart toujours important entre le niveau des coûts d'un opérateur efficace et le niveau actuel des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile. Toutefois et compte tenu de la réduction attendue des écarts entre coûts et tarifs, l'Autorité n'écarte pas la possibilité d'adapter la méthode de valorisation du coût des actifs dans le futur, en particulier pour atténuer les variations liées aux cycles d'investissement et pour mieux intégrer les effets de progrès technique.
(15) Et non les propres coûts des opérateurs identifiés comme puissants sur leurs marchés respectifs de terminaison d'appel. (16) En favorisant notamment le développement d'offres d'abondance vers tous les réseaux, d'offres de convergence, et en favorisant une utilisation efficace des ressources en fréquences. (17) Dans le contexte des réseaux mobiles, avec des cycles d'investissements et des durées de vie des actifs courts par rapport aux actifs des réseaux fixes, l'écart reste faible, de l'ordre de quelques pourcent, entre les coûts obtenus à l'aide de méthodes de types coûts courants et la méthode des coûts historiques. Ce constat repose à la fois sur des observations d'autres régulateurs européens ou des simulations de l'ARCEP.