Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.
Mort violente d'enfants: la CNCDH appelle à un renforcement des dispositifs de prévention
- Selon les chiffres du casier judiciaire national, environ 50 personnes sont condamnées chaque année pour des faits de morts violentes sur enfant. Si l'on compare ce chiffre avec le nombre de morts annuelles recensées par le SSMSI, on pourrait en déduire très approximativement qu'environ la moitié seulement des auteurs seraient condamnés. Les chiffres du ministère de la Justice ne permettent donc d'appréhender que partiellement le phénomène.
1.2.3. Les données médicales
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S'agissant des données médicales, le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales du décès (Cepidc), unité de l'INSERM, est chargé de produire la statistique nationale des causes médicales de décès. Il transmet les données pour la veille sanitaire et alimente le système national des données de santé en les codant. Il reçoit les données directement du corps médical, notamment des médecins, lesquels, en cas de décès, doivent remplir un certificat de décès renseignant les causes de ce dernier. Néanmoins, la partie du document relative à la mort violente est souvent remplie de manière incomplète (37). S'il existe un certificat spécifique pour le décès néonatal (avant 28 jours), sa suppression est envisagée au profit d'un certificat de décès infantile qui comprendrait les décès d'enfants jusqu'à l'âge de 5 ou 10 ans, ce qui permettrait d'affiner les données reçues. En cas de suspicion entourant les circonstances d'un décès, le médecin rédacteur d'un certificat de décès peut, conformément à l'article 81 du civil (38), poser un obstacle médico-légal à l'inhumation lequel lui permet de signaler à l'autorité judiciaire tout décès justifiant selon lui son intervention. En cas de mort violente pour laquelle est posé un « obstacle médico-légal » le corps est examiné par le médecin d'un institut médico-légal (IML) ; cependant les IML ne transmettent que très peu les certificats de décès au Cepidc, bien que la situation se soit améliorée depuis 2018. En conséquence, le Cepidc ne peut transmettre que des données partielles sur le nombre de morts violentes d'enfants.
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D'autres indicateurs intéressants pourraient permettre d'affiner les chiffres, mais eux aussi sont imparfaits. Par exemple, le taux de mortalité infantile, c'est-à-dire le rapport entre le nombre d'enfants décédés de moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants (39), est instructif, mais il ne permet pas de connaître les raisons du décès et donc de distinguer celui lié à une cause médicale de celui causé par des violences intrafamiliales.
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Une étude sur le repérage des signes cliniques de violences faites aux enfants en soins primaires (40), propose une méthode d'exploitation à partir du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) (41) afin d'identifier trois cohortes : un groupe d'enfants dont on est certain qu'ils sont victimes de maltraitance (1), un groupe d'enfants dont on soupçonne qu'ils subissent des maltraitances (2) et un groupe d'enfants qui consultent à l'hôpital pour d'autres raisons (3). Selon cette étude, il y aurait ainsi environ 650 enfants par an dont on est certain qu'ils subissent des maltraitances et 2 100 enfants dont on soupçonne qu'ils subissent des maltraitances. L'étude calcule un taux de létalité beaucoup plus élevé pour les enfants des groupes 1 et 2, taux qui augmente d'autant plus que les enfants sont jeunes. Enfin, l'étude pointe des défaillances concernant les données du PMSI : ce dernier exclut en effet des données particulièrement intéressantes provenant des Unités pédiatriques d'accueil des enfants en danger (UAPED) et des instituts médicaux-légaux.
FOCUS : le syndrome du bébé secoué en chiffres
Le syndrome du bébé secoué (SBS) touche environ 400 enfants chaque année (42). Ce chiffre serait largement sous-estimé en raison du nombre de cas qui ne seraient pas portés à la connaissance des autorités ou qui seraient classés dans une autre catégorie de décès (43).
La CNCDH regrette que très peu de données ou études épistémologiques récentes et complètes soient disponibles en France, hormis une étude publiée en août 2022 (44) qui fait ressortir une évolution des cas de SBS chez les nourrissons, mais uniquement dans la région Ile-de-France, au cours des deux premières années de la pandémie de Covid-19. Selon cette étude, l'incidence du SBS a doublé en 2021 et sa mortalité a été multipliée par 9 (45).
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande de mettre en place une vaste étude prospective utilisant différentes sources de données récentes (judicaires, médicales et administratives), afin de produire des données épidémiologiques sur le syndrome du bébé secoué. Elle recommande de créer une catégorie spécifique dans les données hospitalières du « Programme de médicalisation des systèmes d'information en médecine chirurgie obstétrique » (PMSI-MC0) et de mentionner expressément les diagnostics des syndromes du bébé secoué dans les dossiers des patients, afin d'améliorer leur identification
1.2.4. Les données de l'observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE)
- En collaboration avec les CRIP (cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes), le SNATED (service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger) et la DREES (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), l'ONPE a établi en 2018 (46) un ensemble de dix indicateurs fondamentaux portant sur l'activité des CRIP, la population des mineurs concernés par une information préoccupante (IP) et les motifs de danger à l'origine d'une IP, comme cela ressort du graphique suivant (47) :
Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page
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Quant aux données des conseils départementaux, elles ne permettent pas davantage d'apporter un éclairage statistique satisfaisant. Les informations préoccupantes reçues par les cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes (CRIP) (48) ne suffisent pas à dégager des chiffres précis dès lors que certaines ne conduisent à aucune procédure et que les CRIP ne reçoivent pas d'information sur l'issue de ces IP. En outre, les conseils départementaux n'informent pas systématiquement l'ONPE de la cessation d'une mesure de protection d'un enfant et lorsqu'ils transmettent l'information, la cause de la fin de la mesure, même liée au décès de l'enfant, n'est pas renseignée.
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De son côté, le SNATED, accessible par le numéro d'urgence 119, permet également d'obtenir des données sur les informations préoccupantes mais ces dernières dépassent le cadre de la mort violente d'un enfant en raison du périmètre d'action du service. En effet, le SNATED recueille « les appels d'enfants en danger ou en risque de l'être et de toute personne confrontée à ce type de situations, pour aider à leur dépistage et faciliter la protection de mineurs en danger (49)et transmet les IP concernant ces enfants aux CRIP ». En 2021, le service a traité environ 40 000 situations, parmi lesquelles 22 000 ont fait l'objet d'une IP. Plus de 7 000 de ces sollicitations provenaient directement de mineurs, âgés en moyenne de 10-11 ans.
1.2.5. L'absence de données de l'éducation nationale
- Enfin, bien qu'elle soit le plus gros pourvoyeur d'informations et de signalements s'agissant des enfants scolarisés victimes de violences, l'éducation nationale ne recense pas les données relatives à leur décès.
Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de doter l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) de moyens afin de recenser, croiser et publier annuellement les statistiques relatives au nombre d'enfants victimes de violences et de morts violentes, et afin de fournir des outils permettant d'améliorer la prévention
Afin d'améliorer le recueil statistique, la CNCDH recommande d'harmoniser les sources et d'utiliser un vocabulaire commun entre tous à tous les acteurs concernés.
S'agissant des nourrissons, la CNCDH recommande de créer un registre recensant tous leurs décès et leur qualification.
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Prévention et traitement
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La CNCDH rappelle que, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant, l'intérêt supérieur de celui-ci doit être la seule boussole en matière de politiques publiques de protection de l'enfance. Une vigilance accrue des professionnels et de l'entourage de l'enfant s'impose pour identifier et signaler les dangers qui menacent sa vie. La prévention est donc le maître mot de la lutte contre ces violences. (1) Et lorsqu'elle échoue et que la mort de l'enfant survient, tous les professionnels concernés doivent traiter ce décès c'est-à-dire lui donner une réponse médicale, policière et judiciaire en adéquation avec la réalité des faits. (2)
2.1. Prévenir la mort violente de l'enfant
- La prévention doit s'orienter dans deux directions : renforcer le soutien à la parentalité et la protection de l'enfant en danger.
2.1.1. Renforcer le soutien à la parentalité
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Les morts violentes d'enfants s'expliquent rarement par une cause unique et imprévisible ; le plus souvent elles sont la conjonction de plusieurs facteurs qu'il convient de repérer à temps afin d'empêcher l'irréparable d'advenir.
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Il convient de rappeler que tous les milieux sociaux-professionnels sont concernés par les maltraitances commises à l'encontre des enfants. A cet égard, il a été rapporté à la CNCDH que, si certains professionnels de santé hésitent à procéder à des examens approfondis au sein de familles « favorisées » en vue de repérer d'éventuelles maltraitances, ils sont plus proactifs à l'égard des enfants issus de familles les plus précaires. Le repérage se trouve ainsi biaisé par des préjugés sociaux discriminatoires. Pour autant, face à un accompagnement parfois chaotique et même inexistant de familles en difficulté, le soutien à la parentalité apparaît comme primordial.
2.1.1.1. Soutenir le « dispositif des 1 000 premiers jours de l'enfant »
- Le dispositif des 1 000 premiers jours de l'enfant (50), instauré par le ministère des solidarités et de la santé, constitue une solution intéressante d'accompagnement de la famille, premier lien de l'enfant. En 2020, un rapport contenant de nombreuses recommandations relatives, par exemple, à l'amélioration de l'accompagnement médical ou social des familles afin de veiller au bien-être des enfants, de leur vie in utero jusqu'à leurs deux ans. Il englobe des soins prénataux, une nutrition adéquate pour la mère et le nourrisson, un soutien parental, un accès aux services de santé infantile, et des mesures visant à réduire les facteurs de stress, nuisibles pour le développement de l'enfant. La prise en charge des deux parents -ou de la mère si elle est seule- dès le début de la grossesse est donc un moyen de prévention essentiel pour favoriser un départ sécurisé dans la vie de l'enfant. Pour autant, à l'instar de certains acteurs (51), la CNCDH regrette que ce dispositif ne renforce pas l'accompagnement des parents placés en situation de vulnérabilité avant même l'accueil d'un enfant, ce qui est dû notamment à un manque de moyens des services existants : PMI, crèches, etc.
2.1.1.2. Informer sur les droits sexuels et reproductifs
- L'accompagnement pendant la période de la grossesse mais aussi en amont de celle-ci, y compris pendant la scolarité de la future mère, est un enjeu crucial pour prévenir des situations à risque, de nombreux cas de maltraitance étant consécutifs à une grossesse non désirée. Contrairement à une idée reçue, certaines femmes rencontrent encore des difficultés à accéder à la contraception ou même à connaître leurs droits sexuels et reproductifs (voir point 1.1.1.2.1). C'est pourquoi il est capital de développer leur suivi dans des centres de santé sexuelle, où les familles peuvent accéder aux informations sur les méthodes contraceptives et sur l'avortement. Les couples ou les femmes seules suivis par les PMI reçoivent systématiquement une information sur la contraception afin de les aider à prendre une décision éclairée, loin de la défiance dont elle fait parfois l'objet.
2.1.1.3. Suivre la grossesse et la période post-partum
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La CNCDH constate que, si de nombreuses mesures ont été mises en place pour renforcer le suivi des femmes enceintes, l'objectif n'est que partiellement atteint. Ainsi, alors que toute femme enceinte doit déclarer sa grossesse, certaines taisent leur état. Certaines déclarations peuvent donner lieu à un suivi par la PMI mais la mise en place de celui-ci diffère d'un département à l'autre, les critères d'alerte étant fixés au niveau départemental (52). En outre, les rendez-vous proposés par la PMI ne sont pas obligatoires et il n'existe aucune mesure pour contraindre les femmes ou les familles à s'y rendre. Une fois la grossesse déclarée, chaque femme enceinte doit se soumettre à des rendez-vous médicaux obligatoires (53), mais là encore il est impossible de vérifier si ces rendez-vous sont honorés. La CNCDH déplore qu'il n'existe pas de mesures de contrôle ou d'indicateurs d'alerte si les parents ne se rendent pas aux rendez-vous de suivi pourtant obligatoires. Le seul mode de « coercition » est actuellement le conditionnement du versement de la prime de naissance à la justification de la participation au premier examen prénatal obligatoire (54). La CNCDH regrette également de fortes disparités territoriales quant à l'implication des PMI, selon les conseils départementaux, liée en grande partie à un manque de moyens, et que ce manque d'uniformité des pratiques ait un impact direct sur la prévention des violences envers les enfants. Outre ces injonctions visant l'état de santé de l'enfant, il conviendrait de développer l'accès à certaines structures qui ouvrent des espaces aux parents (groupes de parole, accès aux droits, accès aux soins…), à l'instar des centres de santé de proximité (55).
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Autres mesures de prévention, mais elles aussi à renforcer, après l'accouchement, un dépistage néonatal du nouveau-né et depuis le 1er juillet 2022, un entretien postnatal obligatoire des 4e et 8e semaines après l'accouchement ont été mis en place (56). En effet, les mères sont parfois confrontées à un épuisement tel qu'il peut donner lieu à des comportements mettant en danger l'enfant, s'ils ne sont pas détectés puis pris en charge à temps. Si elle salue ces entretiens, la CNCDH regrette la dégradation de l'accompagnement dit « post-partum ». Cette période postérieure à l'accouchement donne lieu fréquemment à des symptômes dépressifs transitoires, appelés communément le « baby-blues » (57). Plus grave, une dépression dite du post-partum (58), avec des symptômes qui durent au-delà de deux semaines après l'accouchement, nécessite une prise en charge efficiente tant elle peut menacer la vie de l'enfant. Or aujourd'hui, le renvoi rapide voire expéditif (59) des femmes à leur domicile après l'accouchement, lié en grande partie à des restrictions budgétaires, ne permet pas de constater les signes avant-coureurs de ce mal qui, faute d'un suivi effectif et efficace, malgré, là encore, les visites obligatoires d'une sage-femme à domicile (60), peut menacer la vie l'enfant. La CNCDH regrette ce manque de soutien et d'accompagnement des mères venant d'accoucher. Elle souligne toutefois que certaines associations mettent en place des bonnes pratiques pour l'accueil des femmes ayant besoin d'un suivi plus long (61).
Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande aux professionnels de santé et aux départements de renforcer le contrôle du suivi ante et post-natal et ainsi que de mettre en place des signaux d'alerte en cas de soustraction aux rendez-vous obligatoires
La CNCDH recommande d'allonger à cinq jours au lieu de trois en moyenne (sauf césarienne) la durée de l'hospitalisation après accouchement.
La CNCDH salue le travail effectué à Lille depuis 1991 par Le Fil d'Ariane, lieu d'accueil thérapeutique destiné à la prévention précoce des troubles relationnels entre les parents et les enfants âgés de 0 à 4 ans. En collaboration avec des professionnels de la santé mentale et des services sociaux, il accueille des enfants, dont la situation fait l'objet d'une vigilance ou déjà confiés à l'ASE avec leurs parents, assistantes familiales ou référentes de pouponnière, offrant ainsi une prise en charge précoce axée sur l'attachement et la relation parents/enfants. L'objectif est d'offrir un soutien thérapeutique et éducatif aux familles pour prévenir la maltraitance et promouvoir des liens de qualité entre les enfants et leurs figures d'attachement. Les familles sont prises en charge pour une durée moyenne d'un an, avec des sessions hebdomadaires autour des troubles de la parentalité et l'individualité de l'enfant. Le Fil d'Ariane intervient dès la période anténatale, afin de promouvoir la construction de liens de qualité durant les trois premières années de la vie de l'enfant. Cette initiative est unique en France car elle combine à la fois prévention, protection, thérapie et éducation, dans un cadre axé sur l'attachement et le développement de l'enfant.
2.1.1.4. Renforcer l'accompagnement des familles par une aide appropriée
- Le soutien aux conditions de vie peut créer un environnement plus propice à la lutte contre les violences envers les enfants, tout comme l'accès à un logement stable, décent et adapté à la taille des familles peut contribuer à éviter certains passages à l'acte. Or conformément aux art 18 et 27 de la CIDE, l'Etat doit veiller à assurer le respect de l'autorité parentale et des relations nouées avec l'enfant au sein de son environnement familial mais aussi à apporter une aide appropriée aux parents afin de leur permettre d'élever leurs enfants. La CNCDH a régulièrement souligné (62) que nombre de carences éducatives invoquées dans les décisions trouvent leur origine dans des situations de grande pauvreté, ce qui impose d'articuler la coopération entre les différents acteurs de la protection de l'enfance, de l'action sociale et des solidarités (63). Les juges, qui doivent tenir compte des conditions de vie des enfants, devraient coordonner les partenariats nécessaires afin que, en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (64), l'aide appropriée aux parents soit vraiment effective.
Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande que, dans toute mesure d'assistance éducative qui le justifie et, en tout état de cause, avant tout placement, le magistrat compétent puisse alerter les pouvoirs publics pour que soit trouvée une solution de relogement digne afin d'apporter une aide appropriée aux familles. Elle soutient le développement de partenariats entre les juridictions et les services sociaux appropriés
Cour d'assises du Finistère, du 7 au 9 juin 2023 : condamnation d'une femme à vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de son fils âgé de 5 ans, notamment après avoir reçu une lettre d'expulsion de son logement.
2.1.1.5. Renforcer le recrutement, la formation et le suivi des assistantes maternelles
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Alors que les violences commises à leur domicile ou dans celui de l'enfant par les assistantes maternelles ou les auxiliaires familiales ne sont pas rares, elles semblent insuffisamment prises en compte en pratique. Actuellement, s'agissant des assistantes maternelles, lorsque les conditions d'accueil d'un enfant ne sont plus remplies et en cas d'urgence -une suspicion de violences par exemple, le président du Conseil départemental peut suspendre l'agrément pour une durée de quatre mois (65). A l'issue des quatre mois, si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, il peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, procéder à son retrait (66). La CNCDH regrette des lacunes dans les contrôles, les agréments n'étant pas toujours retirés ou encore un retrait d'agrément dans un département pouvant être contourné par une demande sollicitée dans un autre. L'inefficacité des contrôles se manifeste également par l'absence de vérification systématique du statut judiciaire du conjoint de l'assistante maternelle, alors que celui-ci peut avoir été condamné du chef de violences sur enfant.
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En cas de condamnation pénale, une assistante maternelle peut se voir condamnée à une interdiction d'exercer soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs (67). La CNCDH recommande de conduire une réflexion sur la prévision d'une interdiction temporaire de plein droit d'exercer pour les assistantes maternelles reconnues coupables de violences sur enfants, a fortiori mortelles.
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de renforcer les procédures de détection et d'investigation des violences ainsi que les modalités de recrutement, la formation et le suivi des assistantes maternelles et de leur conjoint
2.1.2. Mieux protéger l'enfant
- Avant tout chose, l'enfant doit être placé au cœur de la prévention grâce à la prise en compte de sa parole. Il convient tant de former tous les professionnels concernés aux signes de maltraitance pour mieux détecter les enfants à risque que de leur donner les moyens d'agir. Quant aux informations préoccupantes (IP) et aux signalements, leur mise en œuvre doit également être améliorée.
2.1.2.1. Mieux former les professionnels au contact des enfants aux signes de maltraitances et leur donner les moyens de leur action
- Les morts violentes ne faisant rarement intervenir qu'un seul acteur, c'est à tous les niveaux qu'une amélioration doit être apportée. Les auditions menées par la CNCDH ont d'abord révélé des lacunes dans la formation des professionnels à la détection des violences sur les enfants, que ce soit ceux qui sont en contact soutenu avec eux (médecins, enseignants, personnel des crèches, assistantes maternelles, travailleurs sociaux, …) ou ceux qui enquêtent sur ces cas. A ce propos, la CNCDH regrette que, de manière générale, les modules sur la maltraitance soient non seulement rares au sein des formations initiales mais encore le plus souvent inexistants dans les plans de formation. Ces mêmes auditions ont également révélé que, tous acteurs confondus, le manque de moyens humains et matériels est criant. Si la CNCDH met ici l'accent sur certains secteurs en particulier, elle précise que ces constats s'appliquent également à tous les professionnels et bénévoles en lien avec l'enfance : personnels de crèches, assistantes maternelles, travailleurs sociaux, éducateurs sportifs, intervenants périscolaires ou extra-scolaires…
2.1.2.1.1. Au sein du milieu médical
- On sait que les conséquences dommageables voire irréparables pour l'enfant augmentent avec la fréquence des actes de violence auxquels ils sont confrontés. C'est pourquoi il est primordial d'identifier les cas de violences le plus tôt possible. Les professionnels de la santé jouant un rôle déterminant dans cette identification, il convient de renforcer leur formation aux signaux d'alerte d'une possible maltraitance, et notamment aux signes de la souffrance du bébé, longtemps considéré comme insensible à la douleur du fait de l'immaturité de son système nerveux (68). Bien que leur sensibilité ait été prise en considération depuis, la souffrance des bébés, voire des enfants, tend parfois encore à être minimisée, ce qui peut conduire à la non-détection de violences. En lien direct avec les victimes et les auteurs potentiels, les médecins de famille, mais aussi les services hospitaliers, les services d'urgences pour les femmes enceintes et pédiatriques pour les bébés, ou encore les maternités sont des acteurs clés pour prévenir les violences envers les enfants. C'est pourquoi ils devraient posséder des « boites à outils » efficaces et des protocoles clairs leur permettant de repérer aisément les signaux d'alerte (par exemple, le fait pour une famille de ne pas honorer plusieurs rendez-vous médicaux). Le carnet de santé devrait aussi être un outil de repérage davantage utilisé.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de désigner un médecin référent pour le repérage des violences dans les structures médicales dédiées, notamment les Equipes pédiatriques régionales enfance en danger (EPRED), en lien avec les Unités d'accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED)
2.1.2.1.2. Au sein du milieu scolaire
- S'agissant d'enfants scolarisés, la formation des enseignants est capitale tant l'école est propice à la détection de situations de danger (69). Ces dernières années, la vigilance collective sur ce qui peut se passer à la maison pour les enfants s'est accrue, ce qui a entraîné une augmentation des signalements, mais cela reste insuffisant (70). Ainsi, au regard de l'obligation d'assiduité imposée aux enfants, tout absentéisme répété devrait-il être un signal d'alerte sur des cas potentiellement à risque (71), comme le préconisent certaines associations (72). Or, s'agissant des enfants les plus jeunes, leur absence est insuffisamment signalée alors que parfois elle pourrait révéler des situations de maltraitance. Pourtant, depuis 2019, l'instruction est obligatoire pour les enfants âgés de trois ans à seize ans. Et surtout, le code de l'éducation (73) prévoit que toute absence d'un enfant sans motif légitime ni excuse valable doit être déclarée aux services de la protection de l'enfance. La CNCDH déplore que, tous les établissements ne mettant pas systématiquement en œuvre cette disposition réglementaire, le repérage des situations de danger se trouve fragilisé.
Cour d'assises de la Somme, juin 2021, beau-père condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour avoir porté des coups mortels et infligé des actes de torture et de barbarie à la petite Kléony, âgée de 4 ans et aux quatre autres enfants de son ex-compagne. Quelques mois avant sa mort, l'école de l'un des enfants avait effectué un signalement après des absences répétées et préconisé une mesure de protection, soupçonnant des violences. Les absences de deux autres enfants avaient aussi fait l'objet d'une information préoccupante de l'éducation nationale.
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De son côté, la médecine scolaire pourrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la détection de cas de violences et dans les signalements. Cependant, le nombre de médecins scolaires étant très insuffisant sur tout le territoire (74), ils jouent un rôle résiduel dans la protection de l'enfance. Ce sont avant tout les établissements scolaires qui alertent les CRIP et les parquets, en s'appuyant sur le conseil technique des assistants sociaux, et éventuellement sur les infirmiers ou médecins scolaires lorsqu'un avis médical est nécessaire. La CNCDH considère qu'un travail de protection de l'enfant de qualité devrait pouvoir impliquer davantage les médecins scolaires, d'autant plus que, n'étant tenus ni d'informer les représentants légaux du mineur ni de demander l'autorisation de ces derniers pour intervenir, leur concours est un gage précieux d'appréhension rapide d'une situation de danger. Pour la CNCDH, il est donc indispensable d'augmenter leur nombre.
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De même, la présence d'assistantes sociales dans les écoles demeure encore très limitée, les obligeant à faire un choix entre les établissements, ce qui peut entraîner de graves défaillances dans la prise en charge des révélations de situation de danger. Alors que chaque DSDEN (Direction des services de l'éducation nationale) dispose en principe d'un service social et de promotion de la santé, qui peut notamment intervenir dans les écoles en réseau d'éducation prioritaire (Rep+), le manque d'assistantes sociales au sein des établissements scolaires du premier degré ne leur permet pas de le faire (75). Dans le milieu scolaire, ce sont donc les enseignants, directeurs et inspecteurs qui jouent un rôle de détection des situations à risque, sans avoir forcément reçu la formation adaptée ni posséder les connaissances techniques relatives au fonctionnement de la protection de l'enfance. De plus, la rédaction d'une information préoccupante ou d'un signalement (v. infra) peut s'avérer compliquée. Certes, au sein de l'éducation nationale, les conseillers techniques du service social ont entre autres missions la rédaction d'alertes écrites, mais leur effectif, trop faible, ne leur permet pas d'apporter l'aide adéquate. En outre, la validation de ces alertes, soumise à un contrôle hiérarchique (76), peut parfois conduire à un défaut de transmission (77). C'est pourquoi, la CNCDH préconise de prévoir une procédure spéciale soumise à une équipe pluridisciplinaire transmise en temps utile et examinée dans un circuit d'urgence. S'agissant de la formation des personnels de l'éducation nationale, elle est essentiellement fondée sur des documents mis à disposition en ligne. La CNCDH regrette, d'une part, que cette formation continue (78) concerne avant tout les violences sexuelles et le harcèlement dans le cadre scolaire et, d'autre part, qu'elle soit parfois confiée à des adultes insuffisamment formés. La CNCDH préconise dès lors un renforcement, dans le milieu scolaire, des formations à la détection des situations de maltraitance (79) incluant une formation spécifique au repérage et à la conduite à tenir, dont l'accueil de la parole de l'enfant.
Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande de mettre en place une politique de prévention généralisée autour des violences détectables à l'école
La CNCDH recommande, dans le cadre de la formation initiale des enseignants, d'instaurer des modules sur le repérage, l'accompagnement, l'accueil de la parole et le signalement de la maltraitance.
La CNCDH préconise également d'augmenter le nombre d'infirmiers/infirmières et d'assistantes sociales scolaires
2.1.2.2. Mieux prendre en compte la parole de l'enfant
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Si agir dans l'entourage de l'enfant au sens large est essentiel pour prévenir les morts violentes, la détection des maltraitances passe également par une sensibilisation accrue auprès des enfants eux-mêmes : ne devraient-ils pas être les premiers lanceurs d'alerte dès qu'ils sont en capacité de le faire ? La CNCDH rappelle que la CIDE prévoit en son article 12, que l'enfant est titulaire du droit de s'exprimer librement et d'être entendu. Ainsi, pour prévenir le phénomène des violences, il paraît indispensable de mieux prendre en compte sa parole mais aussi de prévoir un cadre adapté au recueil de cette parole, afin qu'elle respecte au mieux ses droits. La CNCDH prend note de l'amélioration des dispositifs d'audition de l'enfant, à différents stades des révélations.
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En ce sens, elle salue l'importance du SNATED, le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger, accessible sans interruption par le numéro national d'urgence 119, dont la mission est « d'accueillir les appels d'enfants en danger ou en risque de l'être et de toute personne confrontée à ce type de situations, pour aider à leur dépistage et faciliter la protection de mineurs en danger et de transmettre les informations préoccupantes concernant ces enfants aux services départementaux compétents en la matière, à savoir les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) » (80). Ses équipes sont formées à une méthodologie de recueil de la parole, mais disposent aussi d'une certaine liberté pour s'adapter au mieux à chaque situation, dont les ressorts sont variés : conditions d'éducation compromises, négligences, violences physiques, psychologiques, sexuelles, conjugales… En moyenne, les enfants appellent à partir de l'âge de 10/11 ans, et même, mais très exceptionnellement, dès 6 ans.
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Une fois les faits dénoncés, les enfants sont généralement entendus par les services de police ou de gendarmerie. Face à un taux de classement sans suite très élevé, cette audition est cruciale afin de pouvoir comprendre au mieux les faits tels que vécus par l'enfant et les retranscrire juridiquement. En ce sens, la CNCDH salue le recours, par la gendarmerie, au protocole NICHD (81), enseigné au centre national de la police judiciaire depuis 2016 (82). Largement reconnue par les professionnels (83), cette technique a été conçue pour que les enfants puissent, dès leur plus jeune âge (quatre ans environ), comprendre les questions et collaborer de façon efficace avec l'enquêteur. Grâce notamment à des questions ouvertes et à une mise en confiance de l'enfant, le taux de dévoilement du protocole se situe aux alentours de 80 %. La CNCDH rappelle que, conformément à l'article 706-52 du code de procédure pénale, il doit être procédé à l'enregistrement audiovisuel de l'audition du mineur victime d'infractions limitativement énumérées par l'article 706-47 du code précité (84). Néanmoins, elle déplore que ne figurent pas au sein de cette liste, les violences sur mineur de 15 ans autres que celles ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente. De plus, la CNCDH rappelle que, s'agissant des autres mesures de protection de l'audition du mineur victime, prévues au demeurant pour toutes les victimes par l'article D.1er-7 du code de procédure pénale (85), la seule dérogation expressément prévue par l'article D.1er-8 (86) vise l'urgence de ladite audition. En aucun cas l'invocation d'un manque de moyens matériels ne saurait être admise, surtout s'agissant d'entendre un mineur. La CNCDH recommande donc que toutes les auditions de mineurs victimes, y compris de violences physiques quelle que soit leur gravité, soient filmées, ce qui contribuerait à réduire le nombre des classements sans suite.
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Dans ce contexte, la CNCDH salue le rôle crucial des Unités d'accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED), qui permettent aux enfants victimes de violences d'être auditionnés, dans le cadre d'une enquête pénale ou d'une information judiciaire, dans un lieu sécurisant et spécialement aménagé. Au sein des UAPED, l'audition est enregistrée, notamment afin d'éviter un sur-traumatisme de l'enfant lié à la répétition d'un vécu douloureux. Les enfants y sont entourés d'équipes interdisciplinaires formées (enquêteurs, pédiatres, médecin-légistes, psychologues, infirmières, travailleurs sociaux…). Ces unités comprennent un réseau de professionnels important pour la détection des violences.
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Enfin, les enfants victimes de violences peuvent être entendus par les juges civil et pénal. Si la CNCDH note que la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a renforcé la prise en compte de la parole de l'enfant en prévoyant son audition individuelle dans les procédures d'assistance éducative (87), elle regrette que la présence d'un avocat ou d'un administrateur ad hoc n'ait pas été rendue obligatoire (88). La CNCDH regrette également une disparité des pratiques en ce qui concerne les auditions d'enfants, qui peuvent varier pour des raisons matérielles, tel le nombre de greffiers disponibles, mais aussi selon les pratiques judiciaires. Par exemple, devant le juge aux affaires familiales, alors que les enfants peuvent être entendus dans le cadre de la séparation de leurs parents, lorsqu'ils en font la demande, les pratiques varient, certains magistrats n'auditionnant pas les enfants avant huit, voire dix ans, ce qui correspond à l'âge du discernement en matière civile. Si l'audition par la justice ne permet pas toujours de révéler des faits de violence, elle peut éclairer le juge sur l'état général de l'enfant, par exemple dans l'hypothèse d'un futur placement.
Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande que les auditions des enfants fassent toujours l'objet d'un enregistrement audio-visuel et soient menées par des personnes spécialement formées
2.1.2.3. Améliorer le fonctionnement des alertes et diffuser une pédagogie du signalement
- C'est à la condition d'avoir été correctement formés à la détection des violences envers les enfants que les professionnels pourront jouer pleinement leur rôle de lanceur d'alerte. Il faut rappeler également que quiconque (ami, voisin, témoin…) ayant eu connaissance des mauvais traitements infligés à un enfant a l'obligation d'en informer les autorités judiciaires ou administratives (89). Ainsi, seul un véritable « réflexe du signalement », rendu possible par une meilleure coordination et communication entre tous les services concernés, peut aider à prévenir les morts violentes d'enfants. La nécessité de l'amélioration des systèmes de signalement s'inscrit également dans la lignée de la Recommandation CM/REC (2023)8 du comité des ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur le renforcement des systèmes de signalement des cas de violence à l'égard des enfants (90). Cette culture du signalement lato sensu doit se développer aussi au sein de la société civile. Il existe actuellement deux voies pour dénoncer des violences envers les enfants ou des situations de danger.
2.1.2.3.1. L'information préoccupante (IP)
- L'information préoccupante, effectuée dans le cas d'un enfant en danger ou en risque de l'être (91), est transmise à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) (92). Créées en 2007, avec pour mission de recueillir et d'analyser toutes les informations préoccupantes (IP), afin d'évaluer notamment la réalité du danger et si les besoins fondamentaux de l'enfant sont respectés, les CRIP, selon les départements, soit procèdent elles-mêmes à l'évaluation de la situation, soit transmettent l'IP au centre d'action sociale ou médico-social territorialement compétent. La CNCDH regrette que ces IP soient traitées par département et non centralisées au niveau national, ce qui peut induire une déperdition des informations. En principe, lorsqu'une famille faisant l'objet d'une IP ou d'une mesure d'aide éducative déménage, le président du conseil départemental de départ doit en aviser le département d'accueil (93). Le président de ce dernier a alors la faculté, et non l'obligation, de solliciter du conseil départemental d'origine des informations sur le précédent suivi effectué auprès de la famille. Or, au regard des délais de transmission des informations entre départements et de la charge de travail pesant sur les services départementaux de la protection de l'enfance, il est fréquent qu'un dossier soit clôturé lorsqu'une famille, faisant pourtant l'objet d'une IP, quitte le département. Faute d'un suivi dans le nouveau département, le parent peut alors poursuivre ses maltraitances en toute impunité. Dans certains services de PMI, le manque d'informations sur la famille suivie (comme par exemple, l'accès aux antécédents de suivi dans un autre département ou encore aux antécédents judiciaires) obligent les personnels à mener des enquêtes avec leurs propres moyens (94).
Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande de centraliser les informations préoccupantes au niveau national
- L'évaluation par la CRIP sert à déterminer le degré de danger de la situation selon certains critères tels que la gravité des faits, leur date, leur fréquence, l'âge de l'enfant, son lien avec l'auteur, etc. En l'absence de danger immédiat et afin d'évaluer plus précisément la situation, une mesure de protection administrative, laquelle peut consister en un accompagnement social, des aides financières, une action éducative à domicile, un accueil provisoire, des examens médicaux etc., peut être proposée aux parents. En cas de refus de la mesure par les parents, un signalement est alors transmis au procureur de la République.
2.1.2.3.2. Le signalement stricto sensu
- En l'absence de coopération des parents ou en cas de suspicion d'infraction pénale ou de danger immédiat pour l'enfant, le signalement a pour objet une demande de protection immédiate et/ou l'ouverture d'une enquête pénale par le procureur. C'est dans ce cadre que peuvent être prises des ordonnances de placement provisoire (OPP) de l'enfant. L'aspect traumatisant que peut représenter une séparation de l'enfant d'avec sa famille et la complexité de certaines situations peuvent expliquer certaines réticences à signaler et placent le juge dans un dilemme entre la préservation et la rupture du lien, alors que la plupart des violences mortelles d'enfants proviennent de la cellule familiale. Sans pour autant tomber dans la précipitation compte tenu des multiples enjeux d'une telle décision, les menaces pesant sur la vie de l'enfant nécessitent une extrême réactivité, laquelle suppose une formation approfondie des différents intervenant sur la thématique des violences à l'encontre des enfants. Cependant, le manque cruel de moyens et de coordination ainsi que la surcharge des services sociaux et du système judiciaire entravent les décisions de justice qui ne peuvent pas toujours être exécutées à temps et mettent ainsi la vie de l'enfant en danger.
Cour d'assises du Finistère, du 7 au 9 juin 2023 : condamnation d'une femme à vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de son fils âgé de cinq ans, malgré deux informations préoccupantes et un signalement transmis au parquet avec saisine d'un juge des enfants. En dépit de rendez-vous fixés avec les services sociaux et avec l'école, la mère ne s'y présentait pas, sans aucune justification. Selon les éléments de l'enquête, l'enfant est mort par étouffement. Une perquisition menée au domicile avait permis de trouver quatre couteaux sur le chevet du lit, ainsi que des mots manuscrits sur le réfrigérateur confirmant l'état dépressif de la mère et sa volonté de se suicider.
- A titre d'exemple, dans le ressort du tribunal judiciaire (TJ) de Paris, tous les signalements ainsi que toutes les informations préoccupantes arrivent par mail ou par téléphone et sont systématiquement reçus par un interlocuteur du parquet des mineurs. Le parquet du tribunal judiciaire de Paris dispose d'un magistrat de permanence dédié chaque jour au recueil des signalements de la CRIP, des hôpitaux parisiens, des établissements scolaires et des médecins (95). Dans tous les parquets, le signalement auprès du procureur va déclencher des mesures d'investigation qui seront opérées par les services d'enquêtes des brigades des mineurs ou, en cas d'engorgement, par les brigades de protection de la famille.
2.1.2.3.3. Les obstacles à l'efficacité des alertes
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Ces deux types d'alerte, l'une administrative et l'autre judiciaire, sont la clé d'une prévention efficace en matière de maltraitance. Actuellement ce sont notamment leur lourdeur, leur cloisonnement territorial, l'absence de connaissance de leurs conséquences qui les rendent très imparfaites. Or, il convient de rappeler que chaque alerte devrait être guidée par le seul intérêt supérieur de l'enfant et non par des craintes, notamment celle d'une plainte des auteurs présumés des faits. De même, c'est le professionnel transmettant une information préoccupante ou un signalement qui apprécie si l'information transmise est conforme à l'intérêt de l'enfant, seul critère à prendre en considération.
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Dans certains services de PMI, lorsqu'un professionnel suspecte qu'un enfant est possiblement en danger ou maltraité, le dossier est discuté en commission pluridisciplinaire, celle-ci comprenant en théorie l'ensemble des acteurs de l'action médico-sociale de proximité (sage-femme, assistantes sociales, psychologues, puéricultrices, médecins du secteur, responsable de circonscription…). Si la transmission d'un signalement est actée, celui-ci est rédigé en binôme à partir d'une trame puis validé par le médecin et le responsable de circonscription, pour être adressé à la CRIP ou au parquet. Si ce système permet de faire intervenir tous les acteurs, il peut aussi générer une lourdeur administrative et temporelle, difficilement conciliable avec la saturation des services.
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Au sein de l'éducation nationale, il a été déclaré à la CNCDH que des personnels n'osent pas dénoncer certaines situations par crainte des représailles des parents. En effet, les textes réglementaires insistent sur l'importance de l'information et des échanges avec les détenteurs de l'autorité parentale afin de recueillir et partager leur point de vue sur la situation, sauf si cela est contraire à l'intérêt de l'enfant. Ne pas consulter les parents oblige les enseignants à s'en justifier auprès de leur hiérarchie, ce qui n'est pas toujours aisé (sauf dans les cas de violences sexuelles), d'autant plus que le souci légitime du respect de la présomption d'innocence habite souvent l'esprit de nombreux enseignants ayant à procéder à une mesure de signalement. S'ils décident finalement de ne pas informer les familles, c'est la plupart du temps pour protéger l'enfant de représailles. Il est également ressorti d'auditions devant la CNCDH que certaines associations de protection de l'enfance avaient vu leur agrément suspendu, voire retiré, à la suite de signalements. En conséquence, tous les auteurs d'alertes devraient être protégés, notamment par l'anonymat.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande de former les professionnels en milieu scolaire au signalement et/ou à l'information préoccupante ainsi que sur la nécessité d'en transmettre en cas de besoin
- S'agissant du milieu médical, la CNCDH regrette que les signalements émanant des professionnels de santé soient trop peu fréquents, en raison tant des modalités du secret professionnel auquel ils sont astreints que de la crainte des conséquences judiciaires et/ou disciplinaires possibles d'une violation de ce secret. En effet, bien que la levée du secret médical soit protégée par l'article 226-14, 2° du code pénal (96), la mise en œuvre du texte n'est pas simple (97) même si aujourd'hui le médecin confronté au choix de garder le secret ou le divulguer, a conscience que le risque est parfois plus grand pour lui de se taire que de dénoncer 98. N'est pas plus simple le maniement de l'article R. 4127-44 du code de la santé publique, rédigé en des termes proches de ceux du code pénal, et relatif, lui, à la responsabilité disciplinaire du médecin pour manquement déontologique (99). Pourtant, signe ici aussi de l'évolution des mentalités en faveur de la protection de l'enfant, il ressort du commentaire de ce texte par l'Ordre national des médecins (100) qu'une obligation renforcée d'alerter ou de signaler (et non une simple « faculté ») pèse sur le médecin lorsque la victime de maltraitance est mineure (101). Encore faut-il, autre difficulté, que les faits révélés soient suffisamment avérés ou vraisemblables pour que le professionnel échappe à des poursuites et qu'il ait agi de bonne foi (102). C'est pourquoi, vu le contexte juridique, il n'est pas rare que les professionnels de santé contactent les PMI pour qu'elles se saisissent du dossier et endossent la responsabilité du signalement. Si elle estime que la loi concernant le secret médical est satisfaisante, la CNCDH considère qu'il faut améliorer la formation des médecins sur l'importance du signalement dans les situations de violence envers les enfants.
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande de renforcer la sensibilisation des médecins et plus généralement de garantir la protection des professionnels qui opèrent un signalement
- Les lacunes dans le traitement des signalements. Malgré un système de signalements plutôt développé, il apparaît que leur suivi est encore trop lacunaire et qu'ils ne permettent pas toujours de prévenir les situations de danger. Cela est dû à différents facteurs : un manque de communication entre les services, ainsi qu'un manque de moyens pour mener correctement les investigations et pour exécuter les mesures. En effet, tous les acteurs auditionnés par la CNCDH ont fait état d'une communication lacunaire en ce qui concerne les signalements. Par exemple, les services de la PMI ne sont pas informés des suites données à leur transmission, ce qui pourrait pourtant s'avérer utile pour la continuité du suivi des familles, en particulier lorsqu'il y a des fratries. De même, le suivi mis en place par les services sociaux après une information préoccupante n'est pas toujours renseigné. L'éducation nationale ne dispose pas toujours d'informations sur les suites données à ses signalements. S'il ne s'agit pas de connaitre précisément la mesure ordonnée, le seul fait d'être informé de la mise en place ou non d'une mesure apparaît incontournable.
Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de réfléchir à la création d'un dispositif national des signalements et des informations préoccupantes, qui serait accessible à tous les professionnels habilités
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Les difficultés dans les services d'enquête. Une fois le signalement reçu par le procureur de la République, ce dernier décide de l'ouverture d'une enquête pénale et peut décider d'ordonner un placement provisoire de l'enfant. Il doit vérifier si un juge des enfants est déjà saisi de la situation, ou de celle d'éventuels frère/sœur de l'enfant. Si tel n'est pas le cas, il apprécie, en fonction de la gravité et de l'urgence s'il convient de transmettre le signalement pour évaluation au conseil départemental ou si une saisine immédiate du juge des enfants est nécessaire. Lorsque le signalement relate des faits de nature pénale (violences, abus sexuels…), il est transmis à un service de police ou de gendarmerie afin qu'une enquête soit diligentée. Or, à leur tour, ces services font face à des difficultés pour mener leurs enquêtes, faute de moyens suffisants. Très mobilisés actuellement par les violences conjugales, auxquelles les enfants sont largement exposés, ils disposent de moins de temps pour enquêter sur les violences intrafamiliales sur mineurs. La CNCDH salue l'annonce par le ministère de l'intérieur d'un renforcement des brigades locales de protection des familles et du nombre d'enquêteurs dédiés au traitement des violences intrafamiliales. Néanmoins, elle attire l'attention sur la nécessité d'une augmentation des effectifs. En conséquence, les délais de retour des enquêtes sont très longs. En matière de violences intrafamiliales, une difficulté majeure est d'identifier l'auteur des faits, qui avoue rarement. Or cette identification essentielle, qui nécessite parfois des analyses techniques poussées (par exemple, celle de conversations téléphoniques), est coûteuse en actes et en temps. Une trop longue période d'incertitude peut s'avérer dangereuse pour la vie de l'enfant, d'autant que pour le juge le placement dépend de l'importance du risque, tel qu'il l'a justement apprécié à partir des éléments réunis par les enquêteurs. D'où l'importance de renforcer les moyens humains et matériels de tous les services d'enquête (103).
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Outre l'enquête pénale, des investigations, notamment sociales, sur la famille sont généralement nécessaires. Les services sociaux, qui connaissaient déjà de graves difficultés de recrutement, ont vu leur situation se dégrader davantage depuis la crise sanitaire, ce qui crée des délais d'attente insupportables vu l'enjeu d'une mise en œuvre diligente des mesures (104).
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Des mesures de protection mises à mal par les difficultés de la protection de l'enfance. Le traitement des situations fait souvent apparaître que, dans de nombreux cas de morts violentes, les enfants vivaient dans des familles suivies en protection de l'enfance. Pour rappel, le dispositif français de protection de l'enfance est fondé sur une double protection, à la fois administrative et judiciaire. La mesure est administrative lorsque les parents sont en demande d'aide et collaborent avec les services sociaux (105). La mesure judiciaire est, quant à elle, ordonnée par le juge des enfants, lorsque le mineur est considéré en danger et qu'une collaboration avec la famille n'est pas possible. Le juge peut alors ordonner une mesure éducative en milieu ouvert (AEMO) ou un placement hors de la famille. Or, la protection de l'enfance fait face à une grave crise depuis de nombreuses années (106) : manque de moyens, difficultés de recrutement, personnel sous-payé et en sous-effectif, manque de temps pour être formé, autant de facteurs qui influent sur l'exécution des mesures ordonnées par le juge. Par exemple, la mise en œuvre des mesures judiciaires d'investigation éducative (107), ordonnées par le juge afin de recueillir des éléments supplémentaires sur la situation d'un enfant en cas de danger présumé ou d'un risque de danger, fait face à de nombreux obstacles dans sa mise en œuvre effective. Par manque de moyens, de formation, de places, certaines MJIE font l'objet de listes d'attente de plusieurs mois avant d'être mises en place. La CNCDH a également été alertée sur le fait que certaines décisions de placement en cas de grave danger ne pouvaient pas être exécutées en raison d'un défaut de services et d'infrastructures. Ainsi certains enfants ne font-ils l'objet d'aucune mesure de protection à la naissance alors que leurs parents étaient déjà mis en cause pénalement, voire condamnés, pour le décès violent d'un autre de leurs enfants.
Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande de renforcer les moyens humains et financiers nécessaires à la protection de l'enfance
Elle recommande notamment des donner des moyens afin que les mesures judiciaires d'investigation éducative puissent être exécutées.
2.2. Traiter la mort violente de l'enfant
Le diagnostic médical opéré lors de la mort violente d'un enfant est capital afin de déterminer la qualification pénale adéquate des faits. Au-delà, la réponse judiciaire globale apportée à ce décès doit encore être améliorée.
2.2.1. Mieux poser le diagnostic médical : s'inspirer du cahier des charges des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson (également appelé protocole MIN)
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Lorsque survient le décès d'un enfant, il convient tout d'abord de déterminer ses causes, quel que soit son âge, au premier chef ses causes médicales. S'agissant de la mort inattendue d'un nourrisson (MIN), à la suite de l'introduction et la mise en œuvre des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en 2007 (108), trois phases de gestion hospitalière des MIN ont été mises place pour les enfants de 0 à deux ans : d'abord, sur le site du décès, la collecte des premières données, ensuite, dans un centre de référence spécialisé (CRMIN), comprenant des entretiens avec les familles, un examen clinique complet de l'enfant décédé et un large éventail d'analyses, et enfin, un suivi régulier des familles concernées. En 2023, une instruction actualisant le cahier des charges des CRIM (109) a été adoptée. Bien qu'elle ait suscité des débats - l'attention particulière portée à la détection de maltraitances peut être difficilement audible par des parents dont l'enfant vient de décéder - la CNCDH estime que cette instruction constitue une avancée dans la prévention des violences envers les enfants, en permettant d'affiner les recherches sur les causes du décès (110). Sur le lieu de sa survenance, l'équipe de secours établit un certificat de décès. Le corps est ensuite transporté au CRMIN pour qu'y soient effectués des prélèvements biologiques à la recherche d'éventuels produits toxiques, un scanner ou encore une IRM cérébrale ou du corps entier. L'autopsie est systématiquement proposée mais elle peut être refusée par les parents. En cas de suspicion de maltraitance, le médecin peut poser un obstacle médico-légal à l'inhumation (OML), lequel lui permet de signaler à l'autorité judiciaire tout décès justifiant l'ouverture d'une enquête (111) afin d'en préciser les circonstances. Dans ce cadre, des examens médicaux spécifiques tels que des prélèvements, des dépistages de maltraitances invisibles (anciennes fractures, œdème cérébral, retard de développement, etc.), et une autopsie sont réalisés. Il convient de souligner qu'une fois l'obstacle médico-légal posé, certains examens ne pouvant plus être réalisés, il est parfois recommandé d'orienter le transfert du corps de l'enfant vers le CRMIN, ce qui permet au médecin d'effectuer les premières constatations, avant d'entamer toute procédure médico-légale. A chaque étape de l'exploration, en cas de suspicion d'infraction pénale, le CRMIN doit informer le procureur de la République tandis que l'information de la famille est soumise à l'accord préalable de ce dernier. A l'inverse, l'obstacle médico-légal peut être levé à tout moment, par le seul procureur, lorsque la suspicion de maltraitance n'est pas confirmée.
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La CNCDH salue la publication de cette instruction qui, en systématisant le transport du corps d'un nourrisson décédé vers les centres de référence MIN et en harmonisant les modalités pratiques de leur prise en charge, améliore la détection des maltraitances.
Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande d'étendre les recommandations de la Haute Autorité de santé relatives à la prise en charges de la mort inattendue du nourrisson (MIN), en modifiant sa dénomination, aux enfants âgés jusqu'à six ans
2.2.2. Repenser certaines qualifications pénales
- La CNCDH estime que le cadre juridique des morts violentes d'enfants, serait-il globalement fonctionnel, mérite des clarifications afin de coller davantage à la spécificité criminologique de certains des actes commis. En effet, aux différents actes de violences et à la diversité de leurs victimes répond une approche unitaire du droit pénal au moins du point de vue de ces dernières, et ce depuis le code de 1992. Dans le code civil napoléonien, le terme de nouveau-né étant limité à la période séparant le début de l'accouchement de la date de déclaration aux registres de l'état civil soit 72 heures, le code pénal de 1810 qualifiait d'infanticide (112), le meurtre prémédité ou non, d'un nouveau-né de moins de 72 heures. La notion d'infanticide a ensuite beaucoup évolué avec le temps (113) jusqu'à disparaître du code pénal de 1992 qui protège spécifiquement le seul enfant de moins de 15 ans, mais sans introduire de distinction à l'intérieur de cette catégorie. Actuellement, les morts violentes d'enfants sont donc globalement appréhendées sous le prisme de la minorité de 15 ans de l'enfant, laquelle est une circonstance aggravante d'un certain nombre d'infractions (114), étant à nouveau rappelé que selon la CIDE, l'enfant est défini comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans » (article 1er). Or, cette appréhension juridique ne reflète pas la réalité des faits et la diversité des actes : criminologiquement parlant, qu'y a-t-il de commun entre le meurtre d'un nouveau-né de quelques heures par sa mère et les sévices exercés en continu sur un enfant de 7 ans environ, par un de ses parents voire les deux, au point de provoquer sa mort ?
2.2.2.1. Engager la réflexion sur la réintégration de l'infanticide dans le code pénal
- Eu égard à ce qui a été exposé précédemment, la CNCDH appelle à mener une réflexion sur l'opportunité de réintégrer dans le code pénal le terme d'infanticide, quitte à en renouveler la définition. S'agissant de cette réintégration, dont la visée serait surtout symbolique et politique car plus expressive que l'aggravation générale actuelle liée à la minorité de 15 ans de la victime, la CNCDH considère qu'elle nécessiterait de réfléchir précisément à la question des seuils d'âge des victimes de mort violente. Par exemple, il pourrait s'agir du meurtre ou de l'assassinat de tout enfant de moins de douze ans révolus, nouveau-né (tué par toute autre personne que sa mère (v. point 1.1.1.2.1) et nourrisson compris, l'âge de 13 ans marquant l'entrée dans l'adolescence. Ou plus largement celui d'un enfant de moins de 15 ans afin de conserver sa cohérence à la circonstance aggravante de minorité de 15 ans déjà présente dans le code pénal (115). Néanmoins, au regard de l'absence de consensus sur la définition même de l'enfant, à l'exception de celle, purement juridique, de personne de moins de 18 ans, il semble difficile de réintégrer la notion d'infanticide, même redéfinie. Pour intéressante que semble cette piste, pour la CNCDH, en l'état du code pénal, seul importe que les magistrats qualifient précisément chaque violence suivie de mort en fonction de l'intention qui animait son auteur lors des faits.
2.2.2.2. Engager la réflexion sur une infraction de néonaticide
- En revanche, au-delà de l'aggravation générale que constitue la minorité de 15 ans de la victime, la CNCDH estime qu'il serait opportun de réfléchir à de nouvelles qualifications. Par exemple, le néonaticide, infraction pouvant actuellement être poursuivie en tant que meurtre, aggravé par l'âge de la victime, mineure de quinze ans, désignerait le meurtre d'un nouveau-né âgé de 24 heures au maximum, par sa mère, infraction sui generis qui, eu égard à ses spécificités sociales et psychologiques, bénéficierait de plein droit d'une excuse atténuante, dite autrefois de « puerpéralité », sauf à ce que la juridiction l'écarte par motivation spéciale. En France, actuellement les auteures de néonaticide font face à une législation sévère : elles encourent la réclusion criminelle à perpétuité (ou 30 ans de réclusion criminelle en cas d'altération du discernement [116]). Cette sévérité contraste avec l'approche de certains Etats (117) où les peines diffèrent de celle du meurtre aggravé, quelques législations considérant même le néonaticide non comme un homicide volontaire, mais comme le refus de donner la vie, voire comme un avortement post partum. En France, néanmoins, il arrive parfois que les auteures bénéficient d'une certaine clémence (118) l'atténuation de responsabilité étant le plus souvent justifiée par la fragilité psychologique de la femme qui vient d'accoucher. C'est pourquoi la CNCDH propose de réfléchir à un cadre légal qui permettrait de refléter davantage la complexité des néonaticides.
2.2.2.3. Engager la réflexion sur une infraction autonome pour le syndrome du bébé secoué
- La CNCDH estime que la loi pénale ne reflète pas la prise en compte spécifique du syndrome du bébé secoué (SBS) et que cela empêche notamment d'avoir des éléments statistiques exacts sur son traitement judiciaire, malgré certains chiffres alarmants provenant du milieu médical. Aujourd'hui, les auteurs répondent du crime de meurtre aggravé par le jeune âge de la victime, lorsque l'intention de tuer a pu être démontrée, ou de tentative de meurtre aggravé si l'enfant a survécu, et, plus souvent, en l'absence de preuve de cette intention, du crime de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, doublement aggravée (119). Par ailleurs, lorsque le bébé survit mais avec un handicap de moyenne gravité (120), il est notable que la réparation des préjudices subis se voit souvent sous-évaluée. C'est pourquoi, la CNCDH, à l'instar de certaines associations de la protection de l'enfance (121), considère qu'il serait intéressant de réfléchir à la création d'une infraction autonome relevant de la catégorie des infractions formelles, qui, tel l'empoisonnement, incriminent, en raison de sa dangerosité intrinsèque, un comportement plus qu'un résultat. Ainsi, le fait pour un ascendant ou une personne ayant autorité d'attenter à la vie d'un nourrisson par l'emploi de secouement de nature à donner la mort pourrait constituer un crime, indépendamment de la survenance du décès de l'enfant.
2.2.3. Améliorer le traitement judiciaire
2.2.3.1. Renforcer la coordination et la formation des magistrats
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Constat général, les difficultés rencontrées dans le traitement des signalements se retrouvent aussi dans le traitement des homicides d'enfants par toute la chaine pénale en raison notamment d'une insuffisante prise en compte des signaux d'alerte et du manque de partage des informations (122). C'est pourquoi la CNCDH salue la diffusion de la circulaire du 28 mars 2023 sur les violences envers les enfants (123), laquelle démontre une volonté de lutter plus efficacement contre ces violences, sur le modèle de ce qui a été fait en matière de violences conjugales (124). Son objectif est de dresser un bilan de la situation des morts violentes d'enfants, de renforcer la culture du signalement et du partage de l'information, d'améliorer l'accueil des mineurs victimes, etc.
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Les affaires de morts violentes d'enfants étant complexes, elles donnent systématiquement lieu à l'ouverture d'une information judiciaire et impliquent des effectifs spécialisés. Leur spécificité nécessite l'intervention de différents magistrats : membres du ministère public, juge des enfants, juge aux affaires familiales, tribunal correctionnel ou, après ouverture d'une information confiée à un juge d'instruction, cour d'assises. Or la CNCDH, à l'instar du rapport des inspections de 2018 (125), a pu constater certains dysfonctionnements dans le traitement judiciaire de ces affaires. En premier lieu, les différents acteurs de la chaîne pénale travaillent souvent de manière cloisonnée, « en silo », ce qui peut conduire à la prise de décisions insuffisamment protectrices de l'enfant. Par exemple, en raison du cloisonnement judiciaire, avant de statuer sur la fixation de la résidence d'un enfant dont les parents se séparent dans un contexte violent, le juge aux affaires familiales devrait toujours s'assurer que l'enfant est mis en sécurité par le juge des enfants.
Cour d'assises du Maine et Loire, du 6 au 8 février 2023 : condamnation d'une femme à la réclusion criminelle à perpétuité, dont 22 ans incompressibles, pour le meurtre de sa fille de 1 an. A la suite de la naissance de son enfant, la mère bénéficiait d'un accompagnement avec une prise en charge ponctuelle par un assistant familial. Du fait de nombreuses négligences et mises en danger de l'enfant, le juge a pris la décision de la confier à l'Aide sociale à l'enfance. Cette décision n'ayant pas été mise à exécution, l'enfant a bénéficié de la même prise en charge jusqu'à ce que l'assistant familial démissionne, moment où la mère a retrouvé sa fille à temps plein durant quelques jours, nourrissant à nouveau l'espoir que le juge revienne sur sa décision. L'enfant a finalement été placée au sein d'un foyer, entraînant pour la mère une obligation de quitter le centre maternel qui l'hébergeait.
- Or cette mise en sécurité n'est possible que lorsque les juges communiquent. De même, la communication est essentielle dans les affaires intéressant une fratrie. S'il peut arriver que certains parents soient violents physiquement envers un enfant en particulier, comme ce fut le cas dans l'affaire Marina, citée en introduction, mais non envers les autres, ces derniers vivent dans un climat de violence qui mérite attention. Enfin, plus généralement, si la CNCDH a conscience que l'objectif de la loi est de maintenir le plus possible le lien entre les enfants et leurs parents (126), elle rappelle que chaque décision ayant des répercussions sur un enfant doit être guidée avant tout par la protection de son intérêt supérieur. Afin d'assurer la cohérence des réponses judiciaires apportées, la CNCDH rappelle la nécessité d'une formation renforcée des magistrats sur les violences envers les enfants.
Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande de réfléchir à la mise en place de pôles judicaires spécialisés dans les violences faites aux enfants, sur le modèle de ce qui a été mis en œuvre pour les violences intrafamiliales, impliquant nécessairement tous les acteurs judiciaires et les services concernés
2.2.3.2. Apporter une réponse judiciaire cohérente
- Une politique pénale réellement efficace, poursuivant un objectif d'évitement de la récidive, repose sur des peines adaptées à la gravité des faits et axées sur la réinsertion du condamné. Ces peines étant individualisées, elles sont inévitablement disparates, variant en fonction du profil de l'auteur, de sa personnalité, de sa situation matérielle, familiale et sociale, et parfois de la juridiction qui les prononce. La CNCDH, si elle ne préconise en aucun cas de renforcer la sévérité des peines prévues par le code pénal, appelle au prononcé de peines utiles, tant pour la société que pour le condamné lui-même. En ce sens, le prononcé d'une peine de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins (127) paraît une peine favorable à la réinsertion de l'auteur de faits aussi graves. Il faut le répéter, l'adulte maltraitant ayant souvent été un enfant maltraité, une privation de liberté sans accompagnement ne saurait suffire à le « réparer ». S'agissant de la réponse judiciaire dans sa globalité, la CNCDH propose quelques pistes de réflexion.
2.2.3.2.1. Combattre la contestation du syndrome du bébé secoué
- Dans les cas de SBS, aux conséquences létales ou non, il arrive que des acquittements soient prononcés au bénéfice du doute. La CNCDH rappelle que le déni des violences subies par le nouveau-né ou plus souvent le nourrisson a des conséquences sur l'indemnisation de la victime : en effet, si, en théorie, un acquittement n'empêche pas une indemnisation par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), en pratique, il la rend plus difficile, « le caractère matériel d'une infraction » (128) à l'origine du préjudice se voyant contesté. Les difficultés liées à la reconnaissance de ces faits tiennent notamment à sa forte dépendance des expertises médicales. Lors des auditions, la CNCDH a été alertée à plusieurs reprises sur la stratégie de défense mise en place par un mouvement dont l'objectif est de contester la réalité des faits reprochés (129). Les conséquences de cette stratégie sont à prendre au sérieux dès lors que certains médecins craignent d'opérer des signalements puis de témoigner devant les cours d'assises, et ce au détriment de la protection des enfants victimes (130).
2.2.3.2.2. Mieux garantir la protection de l'enfant au regard de l'exercice de l'autorité parentale
- Enfin, un autre enjeu rapporté à la CNCDH concerne l'exercice de l'autorité parentale. Cette question est cruciale s'agissant d'enfants victimes de violences, mais aussi pour les fratries, en particulier lorsque le frère ou la sœur décède. Dans ce cadre, il arrive fréquemment que l'exercice de l'autorité parentale soit instrumentalisé par l'auteur des violences. Actuellement, la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale n'est prévue qu'en cas de crime commis sur l'autre parent (131). Pour les autres situations de violences, la décision de retrait de l'autorité parentale ou de son exercice n'est qu'une faculté pour le juge pénal qui ne la prononce que trop rarement. C'est pourquoi la CNCDH propose de de poursuivre la réflexion autour du retrait de l'exercice de l'autorité parentale et de son prononcé par le juge pénal. Il pourrait être envisagé de prononcer un retrait de l'exercice de l'autorité parentale par le juge pénal, au regard de la gravité des faits. Dans ce contexte, la CNCDH suit avec intérêt les débats autour de la proposition de loi (132) visant à étendre à d'autres situations de violences la suspension de plein de droit de l'autorité parentale du parent violent (133).
Recommandations formulées par la CNCDH
Recommandation n° 1 : Afin de prévenir la commission de néonaticides, la CNCDH recommande un renforcement de la prévention à travers l'amélioration de l'éducation à la vie sexuelle et affective, la garantie de l'accès universel à la contraception et à l'IVG pour toutes les femmes. Elle recommande également de fournir un suivi approprié à la femme enceinte dans son environnement.
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande de renforcer la formation des professionnels de santé à la particularité du syndrome du bébé secoué afin que soit améliorés son diagnostic et sa prise en charge.
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande de mettre en place une vaste étude prospective utilisant différentes sources de données récentes (judicaires, médicales et administratives), afin de produire des données épidémiologiques sur le syndrome du bébé secoué. Elle recommande de créer une catégorie spécifique dans les données hospitalières du « Programme de médicalisation des systèmes d'information en médecine chirurgie obstétrique » (PMSI-MC0) et de mentionner expressément les diagnostics des syndromes du bébé secoué dans les dossiers des patients, afin d'améliorer l'identification des cas.
Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de doter l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) de moyens afin de recenser, croiser et publier annuellement les statistiques relatives au nombre d'enfants victimes de violences et de morts violentes, et afin de fournir des outils permettant d'améliorer la prévention.
- afin d'améliorer le recueil statistique, la CNCDH recommande d'harmoniser les sources et d'utiliser un vocabulaire commun à tous les acteurs concernés ;
- s'agissant des nourrissons, la CNCDH recommande de créer un registre recensant tous leurs décès et leur qualification.
Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande aux professionnels de santé et aux départements de renforcer le contrôle du suivi ante et post-natal et ainsi que de mettre en place des signaux d'alerte en cas de soustraction aux rendez-vous obligatoires.
- la CNCDH recommande d'allonger à cinq jours au lieu de trois jours en moyenne (sauf césarienne) la durée de l'hospitalisation après accouchement.
Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande que, dans toute mesure d'assistance éducative qui le justifie et, en tout état de cause, avant tout placement, le magistrat compétent puisse alerter les pouvoirs publics pour que soit trouvée une solution de relogement digne afin d'apporter une aide appropriée aux familles. Elle soutient le développement de partenariats entre les juridictions et les services sociaux appropriés
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de renforcer les procédures de détection et d'investigation des violences ainsi que les modalités de recrutement, la formation et le suivi des assistantes maternelles, et de leur conjoint.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de désigner un médecin référent pour le repérage des violences dans les structures médicales dédiées, notamment les Équipes pédiatriques régionales enfance en danger (EPRED), en lien avec les UAPED (Unité d'accueil pédiatrique enfants en danger).
Recommandation n 9 : La CNCDH recommande de mettre en place une politique de prévention généralisée autour des violences détectables à l'école.
- la CNCDH recommande, dans le cadre de la formation initiale des enseignants, d'instaurer des modules sur le repérage, l'accompagnement, l'accueil de la parole et le signalement de la maltraitance ;
- la CNCDH préconise également d'augmenter le nombre d'infirmiers et infirmières et d'assistantes sociales scolaires.
Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande que les auditions des enfants fassent toujours l'objet d'un enregistrement audiovisuel et soient menées par des personnes spécialement formées.
Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande de centraliser les informations préoccupantes au niveau national.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande de former les professionnels en milieu scolaire au signalement et/ou à l'information préoccupante ainsi que sur la nécessité d'en transmettre en cas de besoin.
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande de renforcer la sensibilisation des médecins et plus généralement de garantir la protection des professionnels qui opèrent un signalement.
Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de réfléchir à la création d'un dispositif national des signalements et des informations préoccupantes, qui serait accessible à tous les professionnels habilités.
Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande de renforcer les moyens humains et financiers nécessaires à la protection de l'enfance.
- elle recommande notamment de donner des moyens afin que les mesures judiciaires d'investigation éducative puissent être exécutées.
Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande d'étendre les recommandations de la Haute Autorité de santé relatives à la prise en charges de la mort inattendue du nourrisson (MIN) en modifiant sa dénomination, aux enfants âgés jusqu'à six ans.
Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande de réfléchir à la mise en place de pôles judicaires spécialisés dans les violences faites aux enfants, sur le modèle de ce qui a été fait pour les violences intrafamiliales, impliquant nécessairement tous les acteurs judiciaires et les services concernés.
(1) La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance avait fait disparaître la notion de maltraitance de la définition de la mission du dispositif de protection.
(2) V. article L. 119-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF).
(3) Article 371-1 alinéa 3 du code civil modifié par la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires.
(4) Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs, JUSD2308092C.
(5) Adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989.
(6) Déc. 2018-768 QPC du 21 mars 2019 et 2019-797 du 26 juillet 2019.
(7) Ces divers types d'actes de maltraitance, conduisant ou non à la mort de l'enfant, répondent à des qualifications pénales précises dont une liste -non exhaustive- figure infra en note 114.
(8) Au-delà des cas très particuliers d'enfants ou adolescents dits « placards » ou d'enfants victimes de meurtres avec toute leur famille comme dans certains faits divers emblématiques. V. par exemple, l'affaire Jean-Claude Romand : en 1993, Romand a tué sa femme, ses deux enfants ainsi que ses parents car, après leur avoir menti 18 ans notamment sur son activité professionnelle, il était sur le point d'être découvert. Il a été reconnu coupable de meurtres aggravés et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de 22 ans de période de sûreté, par la cour d'assises de l'Ain, le 2 juillet 1996.
(9) Etant précisé que l'enfant à naître n'est pas considéré par la Cour de cassation comme « autrui ». Cass. AP, 29 juin 2001, n° 99-85.973 : dans cette affaire, la Cour a rappelé que l'article 221-6 du code pénal, qui définit l'homicide involontaire, ne s'applique pas au fœtus in utero.
(10) N° DGOS/R3/2023/44 du 19 avril 2023 relative à la diffusion du cahier des charges des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson.
(11) Voir la classification du prof. P. Resnick in P. Resnick : Murder of the newborn : a psychiatric review of neonaticide, American journal of psychiatry 1970, vol. 126, n° 10, p. 1414.
(12) Les jumeaux ou les enfants porteurs de handicaps lourds étaient tués en raison du poids qu'ils représentaient pour les familles. V. Gordan, S.S. (1998). Mothers who kill their children. Circles : Buff. Women's JL & Soc. Pol'y, 6, 86.
(13) Une étude réalisée en France a ainsi démontré une corrélation statistique entre la diminution des affaires pénales d'infanticides et l'augmentation des avortements. Jacques LÉAUTÉ, Recherches sur l'infanticide (1955-1965), Paris, Librairie Dalloz, 1968.
(14) Ancian Julie , Les violences inaudibles. Récits d'infanticides, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2022, 256 p.
(15) A cet égard, dans l'affaire Véronique Courjault, dite « affaire des bébés congelés », l'auteure des faits n'est pas représentative des auteures de néonaticide.
(16) Voir § 2.1.6.1. Les néonaticides constituent un phénomène sous-estimé- Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles - Evaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l'enfance. C.Compagnon et N.Durand (IGAS) - B.del Volgo, F.Neymarc et I.Poinso (IGJ) - F.Thomas et E.Liouville (IGAENR), 2018.
(17) La sociologue Julie Ancian parle de « grossesse catastrophique » : ANCIAN, Julie. « Grossesses sous contraintes. L'invisibilisation des inégalités sociales de santé dans les procès de néonaticide », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 236-237, n° 1-2, 2021, pp. 40-53.
(18) Hémorragies intracrâniennes sous la forme le plus souvent d'hématomes sous-duraux, parfois d'hémorragies sous-arachnoïdiennes, hémorragies rétiniennes qui expliquent qu'une conséquence fréquente d'un secouement est la cécité, lésions cérébrales dues à des œdèmes cérébraux et à des déchirures axonales.
(19) A noter que les chiffres ont crû de manière alarmante avec la crise sanitaire ; de plus, le peu de places en crèches et le décret du 29 juillet 2022 autorisant les structures accueillant des enfants à employer du personnel non diplômé ont pu favoriser cette augmentation.
(20) Laurent-Vannier Anne ; Les secouements étant souvent commis par la personne la moins familiarisée avec la garde du bébé, les assistantes maternelles auteures de ces faits les commettent généralement dans les premiers jours ou les premières semaines de la garde, soit au domicile parental soit chez elles. A l'inverse, les études montrent que les mères, même si elles sont souvent celles qui passent le plus de temps avec le nourrisson, sont le groupe d'auteurs le moins concerné. La répartition des auteurs varie en fonction du mode de vie et du pays. Par exemple, aux Etats-Unis, les études indiquent une prédominance d'hommes, pères, beaux-pères ou nouveaux compagnons de la mère. En France, les assistantes maternelles, tout comme les pères, sont parmi les auteurs les plus fréquents. Une explication possible est que les mères reprennent souvent le travail très tôt après la naissance et confient un enfant en très bas âge, susceptible de beaucoup pleurer. Recommandations pour la pratique clinique : « Interventions pendant la période périnatale ». Chapitre 10 : Le syndrome du bébé secoué (SBS) ou traumatisme crânien non accidentel par secouement. [Rapport de recherche] Collège national des sages-femmes de France.
(21) Syndrome du bébé secoué, Halte au dénialisme, Anne Laurent Vannier, AJ pénal, avril 2022 : https://sfip-radiopediatrie.org/wp-content/uploads/2022/05/Syndrome-du-bebe-secoueHalte-au-denialisme-A-LAURENT-VANNIER-2022-04-06-pratiques.pdf.
(22) CE - Section du contentieux, 7 juillet 2021, n° 2021/438712.
(23) Voir HAS - SOFMER « Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement. Actualisation des recommandations de la commission d'audition de 2011. Méthode : Recommandations pour la pratique clinique. TEXTE DES RECOMMANDATIONS - juillet 2017.
(24) Blair PS, Byard RW, Fleming PJ. unexpected death in infancy (SUDI) : suggested classification and applications to facilitate research activity. Forensic Sci Med Pathol. 2012 Sep ; 8(3) : 312-5. doi : 10.1007/s12024-011-9294-x.
(25) « Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles - Evaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l'enfance », C.Compagnon et N.Durand (IGAS) - B.del Volgo, F.Neymarc et I.Poinso (IGJ) - F.Thomas et E.Liouville (IGAENR), 2018.
(26) Article 1er de la Convention internationales des droits de l'enfant des Nations unies du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 7 août 1990.
(27) Difficulté pointée également au niveau international par l'Organisation mondiale de la santé https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/child-maltreatment.
(28) Direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale.
(29) A noter toutefois que le SSMSI a fourni des données relatives aux homicides dans un cadre intrafamilial (IF) et non intrafamilial (non IF).
(30) La NATINF est la nomenclature des natures d'infraction (NATure d'INFraction), définie par le ministère de la Justice. Elle est utilisée par l'ensemble des services judiciaires et des administrations notamment pour enregistrer une procédure, assurer le suivi statistique, etc.
(31) C'est pourquoi certaines données détaillant les NATINF des victimes repérées par les index d'homicides et de tentatives d'homicides font apparaître quelques très rares cas de NATINF ne correspondant pas à des homicides.
(32) La CNCDH regrette que ces résultats n'aient pu être obtenus qu'en cumulant les données sur sept ans, la faiblesse des effectifs et l'évolution dans la fiabilisation des statistiques produites ne permettant pas de disposer de statistiques annuelles robustes sur ce champ des homicides de mineurs, avec le niveau de détail attendu.
(33) A noter que la délégation aux victimes est dorénavant rattachée à la direction nationale de la police judiciaire.
(34) Direction des affaires criminelles et des grâces.
(35) Chaine applicative supportant le système d'information orienté procédure pénale et enfants.
(36) La NATINF est la nomenclature des natures d'infraction (NATure d'INFraction), définie par le ministère de la justice. Elle est utilisée par l'ensemble des services judiciaires et des administrations notamment pour enregistrer une procédure, assurer le suivi statistique, etc.
(37) En format papier, toutes les cases idoines ne sont souvent pas remplies.
(38) L'article 81 du code civil dispose que : « Lorsqu'il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d'autres circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l'inhumation qu'après qu'un officier de police, assisté d'un docteur en médecine ou en chirurgie, aura dressé procès-verbal de l'état du cadavre et des circonstances y relatives, ainsi que des renseignements qu'il aura pu recueillir sur les prénoms, nom, âge, profession, lieu de naissance et domicile de la personne décédée. »
(39) Ce taux est en très légère augmentation depuis deux ans (passant de 3,6 pour mille en 2020 à 3,9 pour mille en 2022), entre 2 600 et 2 700 décès par an. En 2018, l'INSEE estimait que ces variations permettaient de conclure à une relative stabilité du taux de mortalité infantile (https://www.insee.fr/fr/statistiques/3560308). Dans cette note, l'INSEE rappelait que la mortalité infantile se concentre dans les premiers jours de la vie : la moitié des enfants décédés avant leur premier anniversaire ont vécu moins d'une semaine. La note souligne également des tendances qui semblent toujours d'actualité avec une mortalité infantile la plus élevée dans les DOM.
(40) Milène Lestrade, Quentin Menage. Repérage des signes cliniques de violences faites aux enfants en soins primaires : une revue de littérature. Médecine humaine et pathologie. 2021 ; dumas-03554462.
(41) Le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) recueille des données pour l'ensemble des hospitalisations ayant lieu sur le territoire français avec pour finalité le financement des établissements de santé (tarification à l'activité), et l'organisation de l'offre de soins (planification).
(42) V. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2019, n° 26-27, p. 533-540, Paget Louis-Marie, Gilard-Pioc Séverine, Quantin Catherine, Cottenet Jonathan, Beltzer Nathalie ; Santé publique France, Saint-Maurice, France.
(43) Voir Haute Autorité de santé. Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement. Recommandation de bonnes pratiques. [Internet]. Saint-Denis : HAS. Mis en ligne le 29 septembre 2017. https://www.has-sante.fr/ portail/jcms/c_2794425/fr/syndrome-du-bebe-secoue-ou- traumatisme-cranien-non-accidentel-par-secouement : selon la HAS environ 20 % des enfants victimes de TCIS décèdent chaque année et 75 % présentent des séquelles sur le long terme.
(44) Lãzãrescu A, Benichi S, Blauwblomme T, et al. Abusive Head Trauma in Infants During the COVID-19 Pandemic in the Paris Metropolitan Area. JAMA Netw Open. 2022 ; 5(8) : e2226182.
(45) Parmi les 99 nourrissons inclus dans l'étude et atteints de SBS, les signes de gravité des violences infligées étaient très fréquents : 87 % avaient une rupture des veines ponts, 75 % des hémorragies rétiniennes, 32 % des fractures, 26 % un état de mal épileptique, et 13 % sont décédés.
(46) ONPE, « Le suivi de la mise en place des indicateurs d'activité des CRIP », note d'actualité, juin 2021.
(47) Sur 35 départements, six n'ont pas communiqué d'informations sur cet indicateur, tandis que 14 ont respecté les modalités des indicateurs socles, dont 5 ont fourni des détails supplémentaires. Parmi ces 14 départements, l'examen des principales sources d'informations préoccupantes (IP) indique que l'éducation nationale est la première source dans sept départements et la deuxième dans six autres. En plus de cette prédominance, des variations notables sont observées, comme la police/gendarmerie en deuxième ou troisième position dans trois départements, les professionnels de la santé en troisième ou quatrième position dans deux départements, et le 119 en quatrième position dans un département. Ces différences pourraient refléter des pratiques spécifiques ou la prise en compte des évolutions dans les formes de maltraitance, justifiant une enquête qualitative supplémentaire approfondie.
(48) Dont le rôle est de traiter les Informations préoccupantes (IP) en évaluant la situation pour déclencher ensuite des mesures de protection et, selon la gravité, transmettre un signalement auprès du Procureur de la République.
(49) Voir : https://www.allo119.gouv.fr/presentation.
(50) Les 1 000 premiers jours de l'enfant, période de vie qui court de la grossesse aux deux ans révolus de l'enfant, est un concept scientifique mettant en évidence une période clef pour le développement de l'enfant durant laquelle peuvent être posées certaines fondations de sa vie, pour lui et pour l'adulte qu'il deviendra.
(51) https://www.federationsolidarite.org/actualites/1-000-premiers-jours-de-lenfant-un-an-apres-le-rapport-dexperts-quelles-evolutions-pour-la-politique-publique-de-la-petite-enfance/.
(52) Dans certains départements les critères de mise en place d'un suivi par la PMI peuvent être : la minorité de la femme enceinte, le fait que la femme soit déjà suivie et ait un nombre important d'enfants, l'absence d'un numéro de sécurité sociale propre, etc.
(53) L'article L. 2122-1 du code de la santé publique précise les examens prénataux et postnataux obligatoires prescrits dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse. Le suivi comprend : sept examens prénataux, un entretien prénatal précoce obligatoires, sept séances de préparation à la naissance et la parentalité, trois échographies, un bilan prénatal de prévention et un bilan bucco-dentaire.
(54) Article L. 533-1 du code de la sécurité sociale : « Le versement de la prime à la naissance est subordonné à la justification de la passation du premier examen prénatal médical obligatoire de la mère ».
(55) Voir par exemple : https://www.levillage2sante.fr/.
(56) Mis en place par la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Un 257 entretien peut être proposé, entre les 10e et 14e semaines qui suivent l'accouchement aux femmes qui sont dans les situations suivantes : 1er accouchement, femmes pour lesquelles ont été constatés des signes de la dépression du post-accouchement ou l'existence de facteurs de risques.
(57) Réaction causée par l'ensemble des changements physiques, hormonaux et psychologiques liés à l'accouchement. V. le manuel MSD sur la définition du baby blues et de la dépression post-partum : https://www.msdmanuals.com/fr/professional/gyn%C3%A9cologie-et-obst%C3%A9trique/soins-du-post-partum-et-troubles-associ%C3%A9s/d%C3%A9pression-du-post-partum.
(58) La dépression post-partum peut se développer dans les semaines qui suivent l'accouchement. Elle apparaît après le 6e jour et, pour être considérée comme liée au post-partum, elle doit se manifester avant la 6e semaine de ce dernier.
(59) La durée de séjour standard a été définie par la Haute Autorité de santé comme une durée d'hospitalisation de 72 à 96 heures après un accouchement par voie basse et de 96 heures à 120 heures après un accouchement par césarienne ; mais il est fréquent que les femmes quittent la maternité plus tôt, dès 48 heures, après un accouchement par voie basse et sans complication.
(60) Le dispositif PRADO (Parcours de soins de retour à domicile) propose un accompagnement à domicile pour les mères après leur accouchement, lorsque l'hospitalisation n'est plus nécessaire. Une sage-femme, choisie par la mère, assure la prise en charge à domicile. Ce service s'étend également aux « sorties précoces » avec la généralisation de l'accompagnement par la sage-femme lors des retours précoces au domicile.
(61) Voir l'association d'information d'entraide et mosellane qui accueille des femmes enceintes et des jeunes mères, afin de les entourer pendant un certain temps : http://www.association-aiem.fr/aiem-presentation/.
(62) Voir CNCDH Avis sur le respect de la vie privée et familiale en protection de l'enfance : un droit fondamental difficilement assuré dans un dispositif en souffrance, adopté le 26 mai 2020, JORF n° 0132 du 31 mai 2020, texte n° 99, Avis sur les 30 ans de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant La convention au regard de la construction de l'enfant, adopté le 21 novembre 2019, JORF n° 0279 du 1er décembre 2019, texte n° 54 ; Avis relatif au suivi des recommandations du Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels adressées à la France, adopté le 6 juillet 2017, JORF n° 0254 du 29 octobre 2017, texte n° 39.
(63) Idem.
(64) CEDH, 13 oct. 2015, S.H. c/ Italie, n° 52557/14 et CEDH, 28 février 2019, M. Khan/France, n° 12267/16.
(65) Article R. 421-24 du CASF.
(66) Article L. 421-6 du CASF.
(67) Article 222-45, 3° du code pénal.
(68) Voir M.-F. Morel, Le corps du bébé dans l'histoire, Spirale 2015/2 (N° 74), pages 72 à 82 : jusqu'aux années 70, les bébés de moins de quatre jours étaient opérés sans anesthésie. Les plus grands étaient opérés des amygdales et des végétations sans anesthésie, ce qui nécessitait une forte contention.
(69) La circulaire du 15 mai 1997 rappelle que les professionnels de l'éducation nationale participent de manière effective à la lutte contre la maltraitance en prévoyant qu'étant en contact permanent avec les enfants, ils ont une obligation de vigilance et doivent être informés des signes révélateurs de maltraitance, mauvais traitements et atteintes sexuelles, et des comportements à adopter lorsque le cas se présente.
(70) https://www.cafepedagogique.net/2023/11/28/lecole-grande-absente-du-plan-de-lutte-contre-les-violences-faites-aux-enfants/?utm_campaign=Lexpresso_28-11-2023_1&utm_medium=email&utm_source=Expresso.
(71) Dans l'Eure, une affaire a conduit à la suspension administrative de la directrice d'une école : une enfant de 3 ans couverte de bleus, absente depuis une semaine, a été tuée par ses parents. : https://www.liberation.fr/societe/police-justice/infanticide-dans-leure-ce-que-lon-sait-de-la-mort-de-la-fillette-de-3-ans-recouverte-de-bleus-20230927_AMRCEX54EBDABHXYRBNLK3QXNE/.
(72) Voir la fiche réflexe créée par la Voix de l'enfant à l'attention des enseignants (en annexe).
(73) L'article L. 131-8 du code de l'éducation dispose que « Lorsqu'un enfant manque momentanément la classe, les personnes responsables doivent, sans délai, faire connaître au directeur ou à la directrice de l'établissement d'enseignement les motifs de cette absence… ».
(74) 700 médecins scolaires sont en activité sur le territoire national (le SNMSU représente 200 adhérents sur les 700) pour 13 millions d'élèves. Il y a aussi des infirmiers de l'éducation nationale, qui sont plusieurs milliers (1 à mi-temps par collège et 1 temps plein par lycée, et infirmiers détachés des collèges pour les écoles). Les postes d'infirmiers sont relativement bien pourvus, mais il existe des difficultés de recrutement depuis 1 ou 2 ans.
(75) En Moselle, il y a deux assistantes sociales pour les écoles en REP + dans tout le département.
(76) Le guide de protection de l'enfance de l'Académie de Normandie mentionne quatre étapes de transmission avant qu'une IP parvienne à la CRIP.
(77) La CNCDH note avec intérêt la signature de la convention entre la direction des services départementaux de l'éducation nationale, le conseil départemental et le parquet d'Amiens sur la prise en charge coordonnée des violences et maltraitances révélées en milieu scolaire. Dans le cadre de cette convention, un partenariat visant à améliorer la protection de l'enfance en luttant contre les maltraitances en milieu scolaire a été établi. Chaque institution s'est engagée à travailler ensemble en désignant des référents spécifiques chargés de faciliter la communication. Ces référents se réunissent régulièrement, toutes les six semaines.
(78) Formation des personnels dans le domaine de la protection de l'enfance. https://eduscol.education.fr/1019/formation-des-personnels-dans-le-domaine-de-la-protection-de-l-enfance?menu_id=1223 ; Enfants en danger : comment les repérer ? Que faire ? https://eduscol.education.fr/1013/enfants-en-danger-comment-les-reperer-que-faire?menu_id=1217.
(79) Voir article L. 119-1 Casf.
(80) https://www.allo119.gouv.fr/presentation.
(81) Le protocole NICHD (National Institute of child health and human development) a été développé pour traduire les recommandations de la recherche en des étapes opérationnelles à travers des interview d'enfants âgés de 4 à 12 ans, potentiellement victimes d'agression sexuelle. Celui-ci peut toutefois être utilisé pour toute rencontre avec un enfant qui a vécu d'autres formes de maltraitance (sévices, témoin de violence conjugale) ou qui a été témoin d'un crime.
(82) Créé en 1986, ce centre de formation, situé au Fort de Rosny à Rosny-sous-bois (93), a pour missions d'apporter une formation judiciaire, générale et technique, et de participer au positionnement de la gendarmerie en police judiciaire. Le centre forme plus de 2 000 officiers et sous-officiers par an. La formation sur les auditions de mineurs victimes est rattachée à la Section enseignement techniques spéciales d'enquêtes et forme environ 200 stagiaires par an.
(83) Approuvée notamment par la CIIVSE, Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.
(84) L'article 706-47 vise les infractions suivantes : crimes de meurtre ou d'assassinat prévus aux articles 221-1 à 221-4 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur un mineur ou lorsqu'ils sont commis en état de récidive légale, crimes de tortures ou d'actes de barbarie prévus aux articles 222-1 à 222-6 du même code et crimes de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente prévus à l'article 222-10 dudit code, crimes de viol prévus aux articles 222-23 à 222-26 du même code et délit prévu à l'article 222-26-1 du même code, délits d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-27 à 222-33 du même code, délits et crimes de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur prévus aux articles 225-4-1 à 225-4-4 du même code, délit et crime de proxénétisme à l'égard d'un mineur prévus au 1° de l'article 225-7 et à l'article 225-7-1 du même code, délits de recours à la prostitution prévus aux articles 225-12-1 et 225-12-2 du même code, corruption de mineur prévu à l'article 227-22 du même code, etc.
(85) L'article D. 1er-7 du code de procédure pénale prévoit des mesures de protection spécifiques des victimes d'infractions, à savoir que « chaque audition de la victime a lieu dans des locaux conçus ou adaptés à sa situation ; lorsqu'il s'agit de violences sexuelles, elle est entendue par des enquêteurs spécialement formés à ces infractions ou avec l'aide d'enquêteurs ayant reçu cette formation et enfin elle est entendue à chaque audition par les mêmes enquêteurs ».
(86) L'article D. 1er-8 dispose que « L'autorité qui procède à l'audition de la victime peut décider de ne pas appliquer une ou plusieurs mesures de protection spécifiques mentionnées à l'article D. 1er-7 si leur octroi est de nature à faire obstacle au bon déroulement de l'enquête, notamment lorsqu'il est nécessaire de procéder en urgence à l'audition de la victime. »
(87) Article 375-1 du code civil.
(88) CNCDH, Avis sur le respect de la vie privée et familiale en protection de l'enfance : un droit fondamental difficilement assuré dans un dispositif en souffrance, adopté le 26 mai 2020.
(89) Aux termes de l'art.434-3 du code pénal « Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n'ont pas cessé est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
Lorsque le défaut d'information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. »
(90) Conseil de l'Europe, Recommandation CM/Rec(2023)8 du comité des ministres aux Etats membres sur le renforcement des systèmes de signalement des cas de violence à l'égard des enfants (adoptée par le comité des ministres le 6 septembre 2023, lors de la 1 473e réunion des délégués des ministres).
(91) Aux termes de l'article R. 226-2-2 du CASF, « l''information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d'un mineur, bénéficiant ou non d'un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être. La finalité de cette transmission est d'évaluer la situation d'un mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. »
(92) « Guide à destination des professionnels », Alice Barbe, Substitut du procureur près le tribunal judiciaire de Rennes.
(93) Article L. 221-3 CASF.
(94) Une simple question administrative relative, par exemple, à l'adresse ou au numéro de sécurité sociale d'un parent peut ainsi révéler une défaillance et apparaître comme un signal d'alerte.
(95) A Paris, il existe un magistrat référent santé formé en matière médicale pour reconnaître les syndromes traumatiques de l'enfant ; il est le référent des trois hôpitaux pédiatriques parisiens (une réunion trimestrielle dénommée « cellule maltraitances » se tient dans les hôpitaux, avec les médecins de l'hôpital, la CRIP et le médecin de la CRIP pour discuter de situations qui ont dysfonctionné, et d'autres situations d'enfants dont on soupçonne qu'ils sont maltraités).
(96) Voir les articles 226-13 et suivants du code pénal.
(97) Voir not. Bruno Py, 100 ans de secret professionnel, Droit et santé, 2021, n° 100, p. 230 ; Audrey Irastorza, La difficile levée du secret médical pour le soignant encore compliquée par la loi du 30 juillet 2020, Journal du droit de la santé et de l'assurance maladie (JDSAM) 2021/3, n° 30, p.61.
(98) S. Cantéro et M. Balençon, pédiatrie médico-légale (éd. Elsevier, 2020).
(99) Telles que la délivrance d'un certificat de complaisance, l'immixtion dans les affaires familiales et la rupture du secret médical.
(100) Code de déontologie médicale et ses commentaires, article 44 - Sévices, 2022, p.187.
(101) V. notamment conclusions R. Chambon, CE 19 mai 2021 n° 431 352.
(102) Voir article 226-14 al. dernier du code pénal. CE, 5 juillet 2022, n° 448 015.
(103) Voir Le Monde, 27 octobre 2023, « Les commissariats de police saturés par 2,7 millions de procédures en souffrance » ; https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/26/les-commissariats-de-police-satures-par-2-7-millions-de-procedures-en-souffrance_6196533_3224.html.
(104) Exemple : la mise en œuvre des mesures judiciaires d‘investigations éducatives par la protection judiciaire de la jeunesse ou des associations habilitées nécessitent plusieurs mois d'attentes : 6 à 8 mois voire jusqu'à 1 an en Seine-Saint-Denis.
(105) La mesure ordonnée est une mesure administrative d'action éducative à domicile (AED).
(106) CNCDH, Avis sur le respect de la vie privée et familiale en protection de l'enfance : un droit fondamental difficilement assuré dans un dispositif en souffrance, adopté le 26 mai 2020, JORF n°0132 du 31 mai 2020, texte n° 99.
(107) La mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) est une mesure civile ordonnée par un magistrat pour recueillir des informations sur la personnalité d'un mineur, sa situation familiale et sociale, ainsi que les actes qu'il pose ou subit. Elle vise à aider le juge des enfants à évaluer les risques pour le mineur (article 1 183 du code de procédure civile).
(108) https://www.has-sante.fr/jcms/c_533467/fr/prise-en-charge-en-cas-de-mort-inattendue-du-nourrisson-moins-de-2-ans#ancreDocAss.
(109) Voir instruction n° DGOS/R3/2023/44 du 19 avril 2023 relative à la diffusion du cahier des charges des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson, Bulletin officiel santé-protection sociale-solidarité n° 2023/8 du 28 avril, p212-226 : https://sante.gouv.fr/fichiers/bo/2023/2023.8.sante.pdf.
(110) Il convient de noter que pour certains procureurs, le décès qui survient en dehors du domicile familial est automatiquement suspect et constitue un obstacle médico-légal.
(111) Selon l'instruction du 19 avril 2023, le corps est alors transféré au Centre de recherche sur les MIN (CRMIN) « pour la réalisation de la première phrase d'investigations cliniques et paracliniques, sur décision du procureur de la République, immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire ».
(112) Le terme d'infanticide vient du latin « infans », désignant l'enfant qui ne parle pas, et « caedere », signifiant le fait de tuer.
(113) Getti, Jean-Pierre. « Un traitement judiciaire de l'infanticide », Perspectives Psy, vol. 46, no. 2, 2007, pp. 115-118.
(114) Par exemple : aux termes de l'article 221-4 du code pénal, le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans (voir. le jeu de la période de sûreté prévu par l'article 132-23 code pénal). Selon l'article 221-3, al.1, l'assassinat (meurtre commis avec préméditation ou guet-apens) est puni également de la réclusion criminelle à perpétuité, mais aux termes de l'alinéa 2, lorsque la victime est un mineur de quinze ans et que l'assassinat est précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, la période de sûreté peut être portée à 30 ans. Aux termes de l'article 222-8, les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur, sont punies de 30 ans de réclusion criminelle, outre le jeu précité de l'article 132-23 CP. Plus généralement, toutes les violences volontaires, graduées selon l'importance du préjudice subi, sont aggravées par la minorité de 15 ans de la victime (articles 222-7 précité à 222-13 code pénal). Les violences habituelles sur un mineur de 15 ans, suraggravées par rapport aux précédentes, relèvent de l'article 222-14 et sont également punies en fonction de la gravité du préjudice subi. En ce de décès non voulu de l'enfant la peine encourue est de 30 ans de réclusion criminelle au lieu de 20 ans pour des violences non habituelles. Enfin, les tortures et actes de barbarie, summum de la violence, sont punies eux aussi plus ou moins gravement en fonction de la gravité du préjudice subi et de la qualité de la victime : par ex. commises sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité, ils sont punis de 30 ans de réclusion (article 222-4 avant dernier alinéa code pénal) : lorsqu'ils entrainent la mort non voulue de la victime, elles sont punies de la réclusion à perpétuité quelle que soit la qualité de ladite victime (article 222-6, al. 1er). Toutes ces infractions sont régalement régies par l'article 132-23 code pénal relatif à la période de sûreté.
(115) Voir le livre deuxième du code pénal (des crimes et délits contre les personnes).
(116) Article 122-1, alinéa 2 du code pénal.
(117) Voir AJ Pénal, J.Ancian, 2023 p. 373 « L'apport de la sociologie à la compréhension des néonaticides ». Par exemple, au Canada, la peine encourue est de cinq ans d'emprisonnement ; en Autriche, le code pénal s'applique à la période « de la naissance » ou « pendant les effets de la naissance » sur la mère et la peine encourue est limitée de six mois à cinq années d'emprisonnement (au lieu de cinq à dix ans pour un meurtre non prémédité et vingt ans pour un meurtre prémédité) ; en Italie, le code pénal condamne l'infanticide après ou pendant l'accouchement d'une peine d'emprisonnement de quatre à douze ans.
(118) Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour d'assise de la Gironde en 2012, une jeune mère a été acquittée après un déni de grossesse qui l'avait conduite à placer son nouveau-né dans un bac à recyclage. En raison du déni de grossesse, il a été considéré que l'accusée avait souffert d'un « état de détresse absolue » qui avait aboli son discernement au moment des faits ». D'autres affaires donnent lieu à des requalifications telles que la privation de soins ayant entraîné la mort, et donc à des peines moindres.
(119) Article 222-8 du code pénal.
(120) Et non une infirmité permanente. La qualification à retenir est plutôt celle de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Cependant, la qualification d'infirmité permanente étant généralement établie beaucoup plus tard, lors du procès, il est rare d'avoir le recul nécessaire pour savoir si l'on est en présence d'une incapacité de travail ou d'une infirmité permanente.
(121) https://enfantbleu.org/wp-content/uploads/2023/11/Livre-blanc-II-LEnfant-Bleu-2023.pdf.
(122) « Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles - Evaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l'enfance », C. Compagnon et N. Durand (IGAS) - B. del Volgo, F. Neymarc et I. Poinso (IGJ) - F. Thomas et E. Liouville (IGAENR), 2018.
(123) Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs, JUSD2308092C.
(124) La circulaire implique notamment qu'une remontée systématique d'informations soit demandée lorsque les faits ont été commis dans le cadre familial ou institutionnel et que les procureurs mettent en place un retour d'expérience (RetEx) dans ce type d'affaires (comprenant tous les intervenants de la procédure) - dans l'idée le but d'identifier les marges de progression et d'amélioration.
(125) « Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles » - précitée.
(126) Articles 373-2 et 373-6-2 du code civil ; article 18 de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies (CIDE).
(127) Articles 131-26-1 et suivants du code pénal et 763-1 et suivants du code de procédure pénale.
(128) Article 706-3 du code de procédure pénale. V. Civ.2e 8 février 2018, n° 17-12.516.
(129) Il s'agit d'opérer délibérément une confusion sur les termes médicaux, de proposer des diagnostics alternatifs fallacieux et de remettre en cause les recommandations de la HAS émises en 2011, actualisées en 2017 et pourtant validées par le Conseil d'Etat (v. Section du contentieux, 7 juillet 2021, n° 2021/438712).
(130) C. Adamsbaum and L. Coutellec, Le syndrome du bébé secoué (SBS), l'enjeu de la fiabilité face à la fabrique de l'ignorance, Bull.Acad. Natl. Med., https://doi.org/10.1016/j.banm.2022.06.016.
(131) Article 221-5-5 du code pénal. De même, l'article 378 du code civil prévoit le retrait facultatif partiel ou total de l'autorité parentale, par le jugement pénal, aux pères et mères condamnés comme auteurs, co-auteurs ou complices d'un crime ou d'un délit commis sur leur enfant. Quant à l'article 378-1 du même code, il permet au juge civil le retrait total de l'autorité parentale aux parents qui, même sans condamnation pénale, infligent de « mauvais traitements » à leurs enfants au point de compromettre sérieusement, entre autres, leur sécurité ou leur santé.
(132) Proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales.
(133) Actuellement, aux termes de l'article 378-2 du code civil, cette suspension de plein droit ne s'applique qu'au conjoint poursuivi du chef de violences conjugales.
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