JORF n°0172 du 20 juillet 2024

Avis

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Résumé ,

Assemblée plénière du 12 décembre 2023 (Adoption à l'unanimité)

Résumé

La CNCDH a auditionné de nombreux professionnels de la protection de l'enfance, du milieu social, médical, enseignant, enquêteur et judiciaire, afin de traiter et approfondir le sujet difficile des morts violentes d'enfants dans le cadre familial dont on n'a connaissance que lorsque, drame après drame, les médias s'en emparent.
Cet avis, par son approche pluridisciplinaire, révèle que de très nombreux passages à l'acte aux conséquences tragiques, loin de relever de la fatalité, auraient pu être évités par l'accompagnement approprié des parents, le repérage précoce des situations à risque, la protection et la mise à l'abri efficients des enfants.
C'est pourquoi, tout en étant consciente de la difficulté de rechercher et d'analyser les dysfonctionnements et les manquements ayant permis la commission de ces violences dont meurent un à deux enfants par semaine, la CNCDH émet des recommandations visant à améliorer le recueil et le croisement des données statistiques, les procédures de détection des violences puis d'investigation sur elles, le fonctionnement des alertes, et bien-sûr la formation de tous les professionnels en contact avec des enfants.
Au-delà des violences ici traitées, nécessairement circonscrites, la CNCDH recommande également que soit engagée ou poursuivie la réflexion sur les violences envers les enfants, dans le cadre familial, perpétrées dans les territoires qui enregistrent des taux de maltraitance infantile plus élevés, sur celles survenant entre mineurs, par exemple dans la rue, ou encore sur celles dont sont victimes les enfants ou adolescents particulièrement vulnérables que sont les mineurs non accompagnés.

  1. Les morts violentes d'enfants, ces violences indicibles souvent traitées à la rubrique des faits divers, suscitent toujours l'effroi et l'indignation. Trop souvent, alors qu'on se demande comment on en est arrivé là, l'analyse des affaires révèle des dysfonctionnements systémiques aux conséquences tragiques. Cela fut notamment le cas en août 2009, dans l'affaire dite « Marina », une enfant de 9 ans, battue à mort par ses parents après avoir subi un calvaire de plusieurs années. A l'issue du procès, tenu devant la cour d'assises de la Sarthe au mois de juin 2012, de très nombreuses voix politiques s'élèvent pour dire « plus jamais cela ». Et pourtant, le 15 novembre 2023, la cour d'assises du Var a confirmé en appel la peine de réclusion criminelle à perpétuité prononcée contre le beau-père de Mohamed-Reda, un enfant de deux ans, mort des suites des tortures et actes de barbarie. Le constat est accablant : au moins un enfant décèderait tous les cinq jours en France à la suite des mauvais traitements infligés par ses parents ou par un proche. Pire encore, si ce chiffre atteste de l'extrême gravité des maltraitances commises à l'encontre des enfants, il semble largement sous-estimé tant les données sur ces morts violentes peinent à être établies avec précision par les diverses institutions concernées. Bien qu'envisagées comme une priorité de santé publique par de nombreux professionnels, les violences sur enfants restent encore insuffisamment considérées par les politiques publiques.

  2. C'est pourquoi, face à la répétition de drames pourtant fréquemment évitables, Mme Francesca Pasquini, députée, membre de la délégation aux droits de l'enfant de l'Assemblée nationale, a consulté pour avis la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), aux fins d'analyser et comprendre le phénomène des « morts violentes d'enfants au sein des familles et des enfants placés », et pour y remédier.

  3. La CNCDH a procédé à de nombreuses auditions de professionnels de tous les secteurs concernés (médecins, enseignants, travailleurs sociaux, enquêteurs, magistrats, avocats…), afin de mieux cerner les dysfonctionnements et carences observés. Toutes les personnes auditionnées ont insisté sur l'absolue nécessité d'un repérage précoce de la maltraitance dès lors que, dans la majorité des cas, la survenance de la mort n'est que l'étape ultime d'une longue chaîne de violences à laquelle un enfant a été exposé. Dans ce but, les professionnels entendus ont souligné l'importance tant d'une prise en compte effective de la parole de l'enfant par leurs différents interlocuteurs que de l'interprétation des signaux non verbaux fréquemment constatés chez un jeune enfant par des personnes susceptibles de le protéger, comme autant de « clignotants » d'une situation anormale.

  4. Au-delà du fait en soi dramatique, les violences, a fortiori mortelles, sur un enfant notamment au sein de sa famille, interrogent sur la place que notre société accorde à cet être vulnérable, auquel on dénie trop souvent la qualité de sujet de droit à part entière. Les relations entre adultes et enfants sont encore trop marquées du sceau de la domination du fort sur le faible, à l'image des relations hommes-femmes et d'une certaine conception de l'autorité qui inscrit trop souvent les violences dans une répétition transgénérationnelle.

  5. Certes, si le temps de la toute-puissance du « pater familias » doté d'un pouvoir absolu, y compris du droit de vie et de mort sur ses enfants, est révolu, ce n'est qu'en 1970 (loi du 4 juin) que l'autorité parentale s'est substituée à la « puissance paternelle » du code Napoléon. Or, c'est au nom de cette même autorité que les parents doivent protéger « la sécurité, la santé et la moralité » de leurs enfants, satisfaire leurs besoins fondamentaux et assurer leur bon développement. En aucun cas, ils ne sauraient s'autoriser des violences sous prétexte d'éducation. Il a néanmoins fallu attendre la loi du 14 mars 2016 pour que le mot « maltraitance » réapparaisse expressément dans le code de l'action sociale et des familles (1) et celle du 7 février 2022 pour avoir une définition légale de la maltraitance, commune aux familles et aux institutions (2), alors qu'il est capital de nommer les choses si l'on veut les combattre. Entre temps, une loi du 10 juillet 2019 sur l'interdiction des violences éducatives ordinaires est intervenue pour prohiber expressément l'usage de violences physiques et psychologiques dans l'éducation (3). Cette loi représente une grande avancée tant il est fréquemment constaté un continuum entre les violences « ordinaires » et celles entraînant la mort de l'enfant. La CNCDH note également avec intérêt la diffusion de la circulaire du 28 mars 2023 sur les violences envers les enfants (4).

  6. Pour sa part, en imposant aux Etats parties de faire de « l'intérêt supérieur de l'enfant » « une considération primordiale » de toute décision le concernant, la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) (5) a placé hors la loi toute violence commise à son encontre qu'elle soit institutionnelle ou privée. Et le Comité des droits de l'enfant de rappeler, dans son Observation générale n° 14, qu'il a pour objectif de « garantir dans sa globalité, l'intégrité physique, psychologique, morale et spirituelle de l‘enfant ». De même, le Conseil constitutionnel a énoncé que la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant était une « exigence constitutionnelle » (6).

  7. Face à l'ensemble de ces proclamations rassurantes, mais très souvent mal respectées malgré leur caractère contraignant, il est urgent de remédier à cette situation en plaçant la protection de l'enfant au cœur de l'action publique, en appréhendant la maltraitance comme un fait social et non comme un fait divers.

  8. C'est ce à quoi s'attachera la CNCDH dans cet avis en proposant une réflexion en deux temps : d'abord, celui d'une analyse des types de violences potentiellement mortelles subies par des enfants telles qu'elles ressortent des statistiques, seraient-elles imparfaites (I), ensuite, celui des remèdes à apporter pour prévenir efficacement ces violences et, en cas d'échec, c'est-à-dire de mort de l'enfant, pour les traiter de manière adéquate afin d'éviter leur répétition (II).

  9. Auparavant trois précisions s'imposent. D'abord, alors que le cadre de l'avis a été systématiquement adressé aux personnes auditionnées, celles-ci se sont unanimement focalisées sur les violences intrafamiliales et n'ont quasiment pas abordé celles commises en foyer ou dans des lieux dépendant de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), qui nécessiteraient une recherche à part entière et au long cours. Ensuite, même si ce cadre ne vise que les « morts violentes » d'enfants, dès lors que ces morts résultent le plus souvent d'une chaine de violences, l'avis abordera la problématique de la maltraitance familiale en général des mineurs. Il est en effet important de rappeler que les enfants maltraités, lorsqu'ils ne décèdent pas à l'issue des violences subies, se retrouvent parfois dans des situations de handicap d'une gravité variable, en même temps qu'ils sont marqués à jamais du point de vue psychologique. Il est également important de rappeler que, dans de nombreux cas, les violences, y compris morales, commencent par des punitions, considérées comme normales et anodines. Enfin, alors même que le combat à mener doit viser tous les enfants en danger sans exception, la situation de deux catégories d'entre eux ne sera pas abordée dans l'avis : d'une part, celle des enfants violentés dans les outre-mer qui mériterait une étude à part tant il est vrai que les dysfonctionnements constatés sur ces territoires sont toujours le miroir grossissant de ceux constatés en métropole ; d'autre part, celle des mineurs étrangers isolés, dits mineurs non accompagnés, en raison de la spécificité de la violence dont ils font l'objet, subie essentiellement en institution ou dans la rue.

  10. Panorama et analyse

Si les violences sur les enfants sont d'une grande diversité criminologique (1) les statistiques peinent à quantifier clairement et complètement le phénomène (2).

1.1. Diversité criminologique des situations de violence

  1. Les violences, qui peuvent conduire à des morts d'enfants, se caractérisent par une diversité des auteurs, des actes (7), ainsi que des victimes que leur âge rend plus ou moins vulnérables. La période du très bas âge représente un danger majeur pour l'enfant car, moins visible dans la société, celui-ci se trouve dans l'incapacité totale de se défendre ou d'appeler les secours. En grandissant, l'enfant acquiert la parole et se déplace, il peut ainsi échapper plus facilement à ses agresseurs et mieux être repéré lorsqu'il est victime, dès lors qu'il est généralement scolarisé. Enfin, à l'adolescence, les morts violentes sont beaucoup plus rares au regard du sujet étudié et relèvent davantage de rixes et de suicides. Ce qui transparaît également s'agissant des décès au sein de l'ASE, au regard du peu d'informations recueillies à cet égard, où les morts liées à des mauvais traitements semblant extrêmement rares (8). L'on tentera une classification des enfants victimes avant d'en analyser les facteurs de risque.

1.1.1. Proposition de classification

  1. Alors qu'il existe des divergences entre tous les secteurs intervenant sur les violences envers les enfants sur les définitions des classes d'âge des bébés, enfants et adolescents, la CNCDH a choisi de retenir les classifications utilisées par le secteur médical, considérant qu'elles reflètent mieux une réalité scientifique et sociétale. Ainsi, les tranches d'âge suivantes peuvent être distinguées :

- nouveau-né : bébé qui vient de naitre et jusqu'à un mois en moyenne (9) ;
- nourrisson : selon la Haute Autorité de santé, un nourrisson est un bébé de moins de deux ans ; de même, la circulaire sur la prise en charges des morts inattendues du nourrisson (10) s'applique au bébé jusqu'à deux ans. Enfin, pour l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) un nourrisson a entre 8 jours et 23 mois ;
- enfant : de 2 à 12 ans révolus ou 15 ans (l'enfant entre 12 ans révolus et 15 ans étant considéré comme un pré adolescent) ;
- adolescent : de 12 ans révolus à 18 ans.

  1. A ces différents âges des victimes répondent des actes mortifères le plus souvent spécifiques, même s'il peut arriver que des violences de même nature (des coups par exemple) répétées depuis le très jeune âge d'un enfant ne conduisent à son décès qu'après plusieurs années. La CNCDH a fait le choix d'opérer une distinction entre les violences qui concernent tous les âges et celles qui sont spécifiques aux nourrissons (11).

1.1.1.1. Morts violentes concernant tous les enfants

Elles-mêmes se subdivisent.

1.1.1.1.1. Mort violente causée par des violences répétées

  1. Le décès de l'enfant survient à l'issue de coups et blessures répétés pouvant aller jusqu'à des tortures ou actes de barbarie, généralement dans un cadre intrafamilial.
    Cour d'assises d'appel du Morbihan, du 24 septembre au 1er octobre 2021 : condamnation d'un couple à vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour torture et actes de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner d'un mineur, en l'espèce, leur fils âgé de 8 ans. L'enfant était décédé par noyade au domicile familial. Cette ultime scène de violences avait succédé à de nombreuses violences graves exercées à son encontre depuis plusieurs mois par sa mère et son beau-père.

1.1.1.1.2. Mort violente survenue dans le cadre d'une séparation conflictuelle

  1. Le décès survient dans un contexte de séparation réelle ou de menace de séparation. Un parent tue son ou ses enfants pour se venger de son conjoint, ou encore pour s'assurer que ce dernier n'obtienne pas la garde des enfants, lesquels deviennent l'objet du conflit entre deux adultes. L'enfant est utilisé pour atteindre l'autre parent. L'acte s'accompagne parfois du suicide ou d'une tentative de suicide du parent auteur.
    Cour d'assises de Haute-Savoie, du 20 au 23 mai 2019 : condamnation d'un homme à trente ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté de vingt ans pour meurtre d'une mineure de 15 ans, en l'espèce pour avoir tué sa fille âgée de 3 ans pour se venger et faire souffrir son ex-compagne. La fillette avait été retrouvée inanimée dans son lit, étouffée, ainsi qu'une lettre du conjoint à destination de son ex-femme dans laquelle il indiquait avoir commis cet acte pour se venger de la demande de garde exclusive demandée par elle.
  2. Moins courants sont les infanticides liés à un épisode psychotique, ou à une volonté d'abréger les souffrances d'un enfant gravement malade ou lourdement handicapé.

1.1.1.2. Morts violentes spécifiques aux nourrissons

  1. S'agissant des nourrissons, ils peuvent être victimes, outre de ces violences, d'actes spécifiques à leur tranche d'âge.

1.1.1.2.1 Le néonaticide

  1. Le néonaticide, à savoir l'homicide d'un nouveau-né de moins de 24 heures imputé le plus souvent à la mère, occupe une place à part, tant dans ses spécificités criminologiques que dans son appréhension par la société. Il intervient fréquemment dans un contexte de grossesse non prévue et dissimulée, voire déniée, après un accouchement discret et solitaire, mais en dehors de toute pathologie mentale connue ou avérée. Il a toujours existé et a même été considéré comme une technique de contrôle de la population, plus ou moins tolérée (12), voire comme au 19e siècle, la seule méthode de contraception. Aujourd'hui, il est devenu quasiment marginal, grâce à l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) (13). Les femmes auteures de néonaticides présentent certains points communs (14) comme un milieu social précaire (15), une autonomie réduite et un manque de ressources financières, un niveau d'études faible, une exposition fréquente à des violences passées ou actuelles, un grand isolement dans la grossesse (16), le poids de la famille, une absence de conjoint ou alors un conjoint qui a exprimé son refus d'avoir un enfant… N'ayant pas ou peu bénéficié d'une éducation à la sexualité, elles ont un rapport au corps compliqué, étant rappelé que l'accès à la contraception et aux services de santé sexuelle et reproductive est inégal selon les femmes. Souvent, la grossesse est vécue comme une catastrophe, que la future mère soit trop jeune, qu'elle ait déjà assez d'enfants ou encore un conjoint violent, etc. Ces femmes cumulent des difficultés à un moment de leur vie, elles ne sont pas en mesure d'interrompre leur grossesse non voulue dans les délais légaux. Ainsi, hors le cas de déni de grossesse, la femme poursuit sa grossesse sans projet de vie avec l'enfant (17). L'ensemble de ces informations permettent de conclure que la particularité du néonaticide découle essentiellement des inégalités sociales en santé reproductive.
    Cour d'assises de Seine-Saint-Denis, du 26 au 30 juin 2023 : condamnation d'une femme à cinq ans d'emprisonnement dont 3 ans de sursis probatoire pour privation de soins ayant entraîné la mort de son enfant nouveau-né, après requalification du meurtre sur mineur de 15 ans. L'accouchement s'était déroulé dans le huis-clos d'une salle de bain, sans assistance médicale ou d'une tierce personne. Le corps de l'enfant aurait ensuite été déposé dans un local à poubelles, et n'a jamais été retrouvé.

Recommandation n° 1 : Afin de prévenir la commission de néonaticides, la CNCDH recommande un renforcement de la prévention à travers l'amélioration de l'éducation à la vie sexuelle et affective, la garantie de l'accès universel à la contraception et à l'IVG pour toutes les femmes. Elle recommande également de fournir un suivi approprié à la femme enceinte dans son environnement
1.1.1.2.2. Le syndrome du bébé secoué

  1. Le syndrome du bébé secoué (SBS) ou traumatisme crânien non accidentel (TCNA) provoqué par secouement est une des violences les plus répandues sur les nourrissons, dont peut résulter le décès. Faisant partie des traumas crâniens les plus sévères pour l'enfant, son analyse clinique et les lésions consécutives au secouement sont désormais bien renseignées (18). Contrairement à une idée reçue, il s'agit rarement de l'acte isolé d'un adulte qui « craque » face aux pleurs inexpliqués d'un bébé mais bien d'une violence volontaire, souvent répétée, généralement dans le but de faire cesser ces pleurs. On estime à environ 400 à 500 enfants victimes de SBS chaque année (19), dont environ 10 % meurent des suites des traumatismes crâniens infligés et plus des trois quarts des survivants gardent des séquelles à vie. Ce syndrome touche par ailleurs les enfants de moins d'un an et dans deux tiers des cas de moins de six mois. Le SBS se produit toujours à huis clos. Au sein du couple, les auteurs sont majoritairement masculins, mais il ne faut pas oublier les faits imputables à des assistantes maternelles (et leur entourage) (20).
  2. Parce qu'ils se déroulent dans des espaces privés ou dans des lieux où ne se trouvent aucun autre adulte que l'auteur des faits, les actes de secouement volontaires sont parfois difficiles à établir, voire parfois déniés (21). Ce syndrome, insuffisamment connu, peut faire l'objet de contestations visant à expliquer l'état du bébé par d'autres causes, tels les maladies génétiques, les hématomes spontanés ou les chutes accidentelles. A cet égard, la Haute Autorité de santé (HAS) a émis en 2011, des recommandations, actualisées en 2017, et validées par le Conseil d'Etat (22), précisant « la démarche diagnostique (repérage, conduites à tenir, lésions observées, bilan clinique et para-clinique, diagnostics différentiels, critères diagnostiques), le mécanisme causal et la datation des lésions, ainsi que les aspects juridiques lorsque le diagnostic est évoqué ou posé (23) ». Il est en effet ressorti des auditions menées à la CNCDH que certains enfants victimes de SBS avaient déjà été examinés par un médecin, voire avaient déjà été hospitalisés avant l'ouverture d'une procédure judiciaire. Des erreurs de diagnostics initiaux par des praticiens ne connaissant pas le contexte peuvent entraver la manifestation de la vérité judiciaire. Face à des symptômes d'intensité variable, la CNCDH recommande de renforcer le rôle des radio-pédiatres, ces derniers étant spécialement formés à détecter des situations de risques sur les enfants, notamment en très bas âge, grâce à des examens spécifiques (radiographie du squelette, imagerie cérébrale et échographie abdominale).

Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande de renforcer la formation des professionnels de santé à la particularité du syndrome du bébé secoué afin que soient améliorés son diagnostic et sa prise en charge

Cour d'assises de Seine-et-Marne, du 13 au 15 novembre 2019 : condamnation d'un homme à sept ans d'emprisonnement pour des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner d'un mineur, en l'espèce, pour avoir violemment secoué son fils de 9 mois. Selon les experts, l'hématome sous-dural associé à une hémorragie rétinienne consécutif à un traumatisme crânien par secouement avait conduit au décès.

1.1.1.2.3. La mort inattendue du nourrisson

  1. Certaines négligences ou imprudences peuvent entrer dans la catégorie de la « mort inattendue du nourrisson » (MIN), définie par la Haute Autorité de santé comme « le décès subi d'un enfant âgé de 1 mois à 2 ans jusqu'alors bien portant, le plus souvent durant le sommeil, alors que rien dans ses antécédents connus ni dans l'histoire des faits ne pouvait le laisser prévoir » (24). A titre d'exemple, le couchage inadapté de l'enfant est l'une des causes fréquentes de MIN. En l'absence d'explication du décès par une cause médicale, chirurgicale ou traumatique, dans 50 % des cas environ, on parle de mort subite du nourrisson (MSN). Ce n'est qu'après une exploration approfondie lors d'une autopsie qu'une mort inattendue du nourrisson peut être classée en mort subite du nourrisson. Selon des associations et experts auditionnés par la CNCDH, il arrive que des dossiers de mort inattendue du nourrisson soient classés sans suite sans que soient recherchés les causes du décès et les éléments du contexte. Dans le cadre d'une politique pénale de protection de l'intégrité physique et morale des enfants, les parquets devraient se montrer plus vigilants et demander plus systématiquement une expertise en cas de mort inattendue du nourrisson.

1.1.2. Facteurs de risque

  1. La diversité de ces actes et de leurs victimes met en évidence une diversité des auteurs et des facteurs de risque qu'il convient toutefois d'interpréter avec prudence, tant chaque situation est complexe et présente ses particularités. Ainsi, s'agissant des auteurs, même s'il s'agit de violences intrafamiliales, les rôles de chacun peuvent être plus ou moins marqués en fonction de l'acte commis : dans le cas du néonaticide, l'auteur est quasi exclusivement la mère ; dans les autres cas de violence ce sont plutôt les deux parents, bien que les hommes en restent les auteurs principaux. Ces situations de violence naissent de l'interaction entre différents facteurs, analysés au niveau international comme des « facteurs de vulnérabilité » et repris dans des études françaises (25). Certaines caractéristiques socio-familiales et environnementales (contexte de séparation conjugale, violences intrafamiliales, isolement et monoparentalité, situation de précarité, troubles psychiatriques, addictions, etc.), et certaines caractéristiques de l'enfant (jeune âge, situation de handicap) peuvent créer un contexte favorisant les violences. Il convient en outre de souligner que souvent, l'auteur ayant lui-même été victime de violences dans son enfance, il risque, à l'âge adulte, de répliquer cette histoire douloureuse.

1.2. Analyse statistique : le chiffre noir des violences

  1. Il est demandé à la CNCDH de procéder à une analyse statistique des morts violentes d'enfants. Au vu des auditions réalisées et des chiffres qui lui ont été soumis, son étude porte parfois également sur les « tentatives d'homicides » (voir point 1.2.1). Les chiffres analysés ne prennent cependant pas en compte les maltraitances de toute nature subies par les enfants, ce qui permettrait d'avoir une idée encore plus complète du phénomène. Inversement les données traitées portent sur le mineur au sens juridique d'une personne âgée de 0 à 18 ans (26), ce qui est plus vaste que « l'enfant » au sens plus strict.
  2. Le constat principal dressé par la CNCDH est que les données relatives aux morts violentes d'enfants sont largement méconnues et insuffisantes : aucun recensement précis et centralisé n'est effectué à ce jour (27). Les instances qui établissent des statistiques recueillent des données à partir de sources très disparates si bien qu'il est compliqué de les comparer et les croiser entre elles. En outre, il n'existe pas, ou que rarement, d'échanges entre ces instances, ce qui rend la collecte des statistiques peu fiable et les données partielles et cloisonnées. Ce défaut de fiabilité laisse à penser que le nombre de morts violentes d'enfants est plus important dans la réalité si l'on tient du compte du « chiffre noir » que constituent par exemple les meurtres non révélés de nouveau-nés à la naissance ou encore les homicides d'enfants non repérés, principalement ceux victimes du syndrome du bébé secoué (SBS), ou encore les morts consécutives à des suicides des parents avec leurs enfants.

1.2.1. Les chiffres du ministère de l'intérieur

  1. Au sein du ministère de l'intérieur, c'est le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), créé en 2014 et rattaché à la DGPN et à la DGGN (28), qui produit celles pouvant éclairer sur les morts violentes d'enfants, dès lors qu'il recense les données sur les homicides commis sur le territoire français dans leur ensemble. Ses sources proviennent des données transmises par la police et la gendarmerie. Le SSMSI différencie les homicides consommés des tentatives. Collectées sur une base « victimes » à partir des seuls dépôts de plainte, ces données sont relatives aux victimes d'homicide âgées de moins de 18 ans et dont l'auteur est un proche (père, mère, beaux-parents, grands-parents, oncles, tantes, membre de la fratrie). (29) Elles sont donc à interpréter avec précaution puisqu'elles ne reflètent qu'une partie du phénomène, celle portée à la connaissance des services de police et de gendarmerie. Depuis 2021, le SSMSI cherche à fiabiliser les statistiques des homicides consommés afin de mieux repérer les doublons et de vérifier la réalité du décès de la personne. Cependant, ce processus de sécurisation des données n'ayant pu être mis en œuvre rétrospectivement de 2020 à 2016, l'analyse de l'évolution des taux doit être prise avec précaution. De plus, si ce processus permet de préciser le nombre de victimes il ne permet pas de ventiler les chiffres par âge, genre, ou contexte de la commission. Ce processus, très poussé, de fiabilisation de la statistique des homicides repose sur une identification des victimes à partir des index, qui permettent, contrairement à la classification NATINF (30), de différencier les homicides aboutis (victime décédée) des tentatives d'homicides (victime survivante) ; mais aucune vérification n'est faite de la cohérence entre la NATINF et l'index ou l'éventuel lien intrafamilial entre la victime et l'auteur, enregistré par les services (31) (voir point 1.2.2). Les chiffres issus du SSMSI doivent donc être rapprochés d'autres sources de données (ministère de la justice, CepiDC, délégation d'aide aux victimes (DAV), ministère de la santé etc. Ces données sont reprises par l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE), soit en 2021, 49 morts intrafamiliales d'enfants de 0 à 18 ans.
    Une majorité des morts violentes d'enfants au sein de la famille :

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Source : Nombre annuel de victimes mineures, chiffres de 2016 à 2022, SSMSI

  1. Ces chiffres font apparaître qu'en moyenne annuelle depuis 2016, 99 enfants ont été victimes d'homicides et 217 enfants victimes de tentative d'homicide volontaire (32). Parmi, les victimes d'homicides, 57,5 enfants sont décédés de mort violente dans le domaine intra-familial (soit 58 % des victimes au total) en moyenne annuelle.
  2. Entre les âges « moins d'un an » d'une part, « 13 à 17 ans » d'autre part, le rapport des homicides aux tentatives s'inverse. Les actes commis à l'encontre des bébés sont des meurtres la plupart du temps consommés en raison de la particulière vulnérabilité de la victime. Les actes perpétrés à l'encontre des adolescents renvoient, eux, au fur et à mesure que ceux-ci grandissent, aux formes de violence qui prévalent chez les adultes (rixes, règlements de comptes, notamment liés au trafic de drogue…) sans pour autant conduire nécessairement à la mort et hors de tout contexte familial.
  3. La CNCDH regrette que la variation année par année n'ait pas pu être établie, l'évolution dans la fiabilisation des statistiques produites ne permettant pas de disposer de chiffres annuels robustes dans le champ des homicides de mineurs, avec le niveau de détail attendu. Cela peut s'expliquer en raison de la faible variabilité des facteurs exogènes, contrairement à la délinquance raciste potentiellement influencée, par exemple, par des faits d'actualité, hormis éventuellement des évolutions sociétales de fond peu perceptibles sur du court terme.
    Des victimes essentiellement âgées de moins d'un an :

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Source : Nombre annuel moyen de victimes mineures, chiffres de 2016 à 2022, SSMSI

  1. Ce graphique confirme que la tranche de 15 à 17 ans n'est quasiment pas concernée par l'objet de l'avis. C'est au cours de la première année de vie que les enfants sont les plus exposés aux violences, deux tiers des homicides étant commis par leurs parents. Ainsi, 81 % des victimes d'homicides au sein de leur famille sont âgées de moins d'un an.
  2. La notion d'« autre famille » fait référence à des faits commis au sein de la famille mais par des personnes autres que la famille proche, telles que des nourrices, des amis, des voisins… Cette information est à mettre en relation avec le manque de données existantes sur les décès survenus hors du cadre familial, ce qui peut sembler étonnant vu qu'ils sont en principe l'objet d'un plus fort contrôle institutionnel. La CNCDH souligne qu'il aurait été intéressant de posséder les chiffres bruts et pas uniquement des pourcentages.
  3. Quant à la délégation aux victimes (DAV) (33), elle réalise chaque année, depuis 2006, une étude sur les décès au sein du couple, laquelle comptabilise à son tour les décès d'enfants survenus dans le seul cadre de violences conjugales : enfant tué en même temps qu'un des parents et enfant tué alors qu'aucun des deux parents ne l'a été. La DAV recense les faits constatés par la police et la gendarmerie sur une année civile et construit ses chiffres à partir des télégrammes et synthèses de la police judiciaire et données issues des logiciels de rédaction des procédures. Les affaires sont ensuite vérifiées et enrichies par des informations issues des bases départementales de chaque circonscription de police ou groupement de gendarmerie départementale (logiciels de rédaction des procédures). Puis les données sont harmonisées avec celles du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure précité (SSMSI). Du fait de son objet spécifique, cette étude ne permet pas d'avoir des données précises pour le sujet étudié par la CNCDH même si elle met en lumière une forte corrélation entre violences conjugales et violences commises sur les enfants.

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Source : Etudes nationales sur les morts violentes au sein du couple réalisées annuellement depuis 2017 par la délégation d'aide aux victimes et le ministère de l'intérieur

  1. L'analyse des six dernières années fait ressortir les données suivantes :

- en 2017 : 25 enfants tués - dont 11 concomitamment à l'homicide d'un des parents, 14 séparément mais dans le contexte du conflit conjugal ;
- en 2018 : 21 enfants tués - dont 5 concomitamment et 16 séparément ;
- en 2019 : 25 enfants tués - dont 3 concomitamment et 22 séparément ;
- en 2020 : 14 enfants tués - dont 8 concomitamment et 6 séparément ;
- en 2021 : 12 enfants tués - dont 0 concomitamment et 12 séparément ;
- en 2022 : 12 enfants tués - dont 8 concomitamment et 4 séparément.

1.2.2. Les chiffres du ministère de la justice

  1. Le service statistique du ministère de la justice (SSMJ) travaille selon les mêmes principes et pratiques que le SSMSI en relation étroite avec la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) (34). Les deux principales sources relatives aux morts violentes d'enfants sont le logiciel Cassiopée (35) et le casier judiciaire. Mais ce système présente des lacunes en termes de collectes de données. S'il traite des délits jusqu'à l'exécution des peines, en revanche, il ne traite des crimes que jusqu'à la mise en accusation devant la cour d'assises (OMA) ; au-delà il faut consulter un autre fichier. De plus, dans Cassiopée, l'âge de la victime n'étant pas toujours renseigné, des morts violentes d'enfants peuvent échapper aux statistiques. Quant au casier judiciaire, il n'est qu'un instrument partiel d'analyse des données dès lors qu'il ne fait apparaître que les condamnations définitives après épuisement de toutes les voies de recours. En outre, ces données concernant les seuls condamnés, il est nécessaire de croiser différentes variables pour déterminer les circonstances de l'infraction et l'âge de la victime : ainsi, alors que 15 codes NATINF (36) peuvent concerner une mort violente d'enfant, ceux-ci ne précisent pas toujours la nature de la relation entre l'auteur et la victime. Quant aux circonstances aggravantes, celle sur « mineur de 15 ans » se voyant très souvent retenue, elle reste trop vague pour permettre de déterminer avec précision l'âge de l'enfant victime. D'autant qu'elle n'est pas toujours retenue par les magistrats lorsque l'homicide est au surplus prémédité, ces derniers faisant le choix de la préméditation plutôt que de la minorité de 15 ans. De même, la notion d'autorité, de droit ou de fait, exercée par l'auteur sur la victime dépasse trop largement le cadre familial pour constituer un critère d'analyse précis d'une situation infractionnelle.

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Source : ministère de la justice/SG/SEM/SDSE/Fichier statistique du Casier judiciaire national des personnes physiques

Note : les données 2020 du CJN sont semi définitives, les données 2021 sont provisoires.

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Mort violente d'enfants: la CNCDH appelle à un renforcement des dispositifs de prévention

Résumé Morts d'enfants violentes : la CNCDH demande de renforcer la prévention
  1. Selon les chiffres du casier judiciaire national, environ 50 personnes sont condamnées chaque année pour des faits de morts violentes sur enfant. Si l'on compare ce chiffre avec le nombre de morts annuelles recensées par le SSMSI, on pourrait en déduire très approximativement qu'environ la moitié seulement des auteurs seraient condamnés. Les chiffres du ministère de la Justice ne permettent donc d'appréhender que partiellement le phénomène.

1.2.3. Les données médicales

  1. S'agissant des données médicales, le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales du décès (Cepidc), unité de l'INSERM, est chargé de produire la statistique nationale des causes médicales de décès. Il transmet les données pour la veille sanitaire et alimente le système national des données de santé en les codant. Il reçoit les données directement du corps médical, notamment des médecins, lesquels, en cas de décès, doivent remplir un certificat de décès renseignant les causes de ce dernier. Néanmoins, la partie du document relative à la mort violente est souvent remplie de manière incomplète (37). S'il existe un certificat spécifique pour le décès néonatal (avant 28 jours), sa suppression est envisagée au profit d'un certificat de décès infantile qui comprendrait les décès d'enfants jusqu'à l'âge de 5 ou 10 ans, ce qui permettrait d'affiner les données reçues. En cas de suspicion entourant les circonstances d'un décès, le médecin rédacteur d'un certificat de décès peut, conformément à l'article 81 du civil (38), poser un obstacle médico-légal à l'inhumation lequel lui permet de signaler à l'autorité judiciaire tout décès justifiant selon lui son intervention. En cas de mort violente pour laquelle est posé un « obstacle médico-légal » le corps est examiné par le médecin d'un institut médico-légal (IML) ; cependant les IML ne transmettent que très peu les certificats de décès au Cepidc, bien que la situation se soit améliorée depuis 2018. En conséquence, le Cepidc ne peut transmettre que des données partielles sur le nombre de morts violentes d'enfants.

  2. D'autres indicateurs intéressants pourraient permettre d'affiner les chiffres, mais eux aussi sont imparfaits. Par exemple, le taux de mortalité infantile, c'est-à-dire le rapport entre le nombre d'enfants décédés de moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants (39), est instructif, mais il ne permet pas de connaître les raisons du décès et donc de distinguer celui lié à une cause médicale de celui causé par des violences intrafamiliales.

  3. Une étude sur le repérage des signes cliniques de violences faites aux enfants en soins primaires (40), propose une méthode d'exploitation à partir du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) (41) afin d'identifier trois cohortes : un groupe d'enfants dont on est certain qu'ils sont victimes de maltraitance (1), un groupe d'enfants dont on soupçonne qu'ils subissent des maltraitances (2) et un groupe d'enfants qui consultent à l'hôpital pour d'autres raisons (3). Selon cette étude, il y aurait ainsi environ 650 enfants par an dont on est certain qu'ils subissent des maltraitances et 2 100 enfants dont on soupçonne qu'ils subissent des maltraitances. L'étude calcule un taux de létalité beaucoup plus élevé pour les enfants des groupes 1 et 2, taux qui augmente d'autant plus que les enfants sont jeunes. Enfin, l'étude pointe des défaillances concernant les données du PMSI : ce dernier exclut en effet des données particulièrement intéressantes provenant des Unités pédiatriques d'accueil des enfants en danger (UAPED) et des instituts médicaux-légaux.

FOCUS : le syndrome du bébé secoué en chiffres

Le syndrome du bébé secoué (SBS) touche environ 400 enfants chaque année (42). Ce chiffre serait largement sous-estimé en raison du nombre de cas qui ne seraient pas portés à la connaissance des autorités ou qui seraient classés dans une autre catégorie de décès (43).

La CNCDH regrette que très peu de données ou études épistémologiques récentes et complètes soient disponibles en France, hormis une étude publiée en août 2022 (44) qui fait ressortir une évolution des cas de SBS chez les nourrissons, mais uniquement dans la région Ile-de-France, au cours des deux premières années de la pandémie de Covid-19. Selon cette étude, l'incidence du SBS a doublé en 2021 et sa mortalité a été multipliée par 9 (45).

Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande de mettre en place une vaste étude prospective utilisant différentes sources de données récentes (judicaires, médicales et administratives), afin de produire des données épidémiologiques sur le syndrome du bébé secoué. Elle recommande de créer une catégorie spécifique dans les données hospitalières du « Programme de médicalisation des systèmes d'information en médecine chirurgie obstétrique » (PMSI-MC0) et de mentionner expressément les diagnostics des syndromes du bébé secoué dans les dossiers des patients, afin d'améliorer leur identification

1.2.4. Les données de l'observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE)

  1. En collaboration avec les CRIP (cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes), le SNATED (service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger) et la DREES (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), l'ONPE a établi en 2018 (46) un ensemble de dix indicateurs fondamentaux portant sur l'activité des CRIP, la population des mineurs concernés par une information préoccupante (IP) et les motifs de danger à l'origine d'une IP, comme cela ressort du graphique suivant (47) :

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  1. Quant aux données des conseils départementaux, elles ne permettent pas davantage d'apporter un éclairage statistique satisfaisant. Les informations préoccupantes reçues par les cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes (CRIP) (48) ne suffisent pas à dégager des chiffres précis dès lors que certaines ne conduisent à aucune procédure et que les CRIP ne reçoivent pas d'information sur l'issue de ces IP. En outre, les conseils départementaux n'informent pas systématiquement l'ONPE de la cessation d'une mesure de protection d'un enfant et lorsqu'ils transmettent l'information, la cause de la fin de la mesure, même liée au décès de l'enfant, n'est pas renseignée.

  2. De son côté, le SNATED, accessible par le numéro d'urgence 119, permet également d'obtenir des données sur les informations préoccupantes mais ces dernières dépassent le cadre de la mort violente d'un enfant en raison du périmètre d'action du service. En effet, le SNATED recueille « les appels d'enfants en danger ou en risque de l'être et de toute personne confrontée à ce type de situations, pour aider à leur dépistage et faciliter la protection de mineurs en danger (49)et transmet les IP concernant ces enfants aux CRIP ». En 2021, le service a traité environ 40 000 situations, parmi lesquelles 22 000 ont fait l'objet d'une IP. Plus de 7 000 de ces sollicitations provenaient directement de mineurs, âgés en moyenne de 10-11 ans.

1.2.5. L'absence de données de l'éducation nationale

  1. Enfin, bien qu'elle soit le plus gros pourvoyeur d'informations et de signalements s'agissant des enfants scolarisés victimes de violences, l'éducation nationale ne recense pas les données relatives à leur décès.

Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de doter l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) de moyens afin de recenser, croiser et publier annuellement les statistiques relatives au nombre d'enfants victimes de violences et de morts violentes, et afin de fournir des outils permettant d'améliorer la prévention

Afin d'améliorer le recueil statistique, la CNCDH recommande d'harmoniser les sources et d'utiliser un vocabulaire commun entre tous à tous les acteurs concernés.

S'agissant des nourrissons, la CNCDH recommande de créer un registre recensant tous leurs décès et leur qualification.

  1. Prévention et traitement

  2. La CNCDH rappelle que, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant, l'intérêt supérieur de celui-ci doit être la seule boussole en matière de politiques publiques de protection de l'enfance. Une vigilance accrue des professionnels et de l'entourage de l'enfant s'impose pour identifier et signaler les dangers qui menacent sa vie. La prévention est donc le maître mot de la lutte contre ces violences. (1) Et lorsqu'elle échoue et que la mort de l'enfant survient, tous les professionnels concernés doivent traiter ce décès c'est-à-dire lui donner une réponse médicale, policière et judiciaire en adéquation avec la réalité des faits. (2)

2.1. Prévenir la mort violente de l'enfant

  1. La prévention doit s'orienter dans deux directions : renforcer le soutien à la parentalité et la protection de l'enfant en danger.

2.1.1. Renforcer le soutien à la parentalité

  1. Les morts violentes d'enfants s'expliquent rarement par une cause unique et imprévisible ; le plus souvent elles sont la conjonction de plusieurs facteurs qu'il convient de repérer à temps afin d'empêcher l'irréparable d'advenir.

  2. Il convient de rappeler que tous les milieux sociaux-professionnels sont concernés par les maltraitances commises à l'encontre des enfants. A cet égard, il a été rapporté à la CNCDH que, si certains professionnels de santé hésitent à procéder à des examens approfondis au sein de familles « favorisées » en vue de repérer d'éventuelles maltraitances, ils sont plus proactifs à l'égard des enfants issus de familles les plus précaires. Le repérage se trouve ainsi biaisé par des préjugés sociaux discriminatoires. Pour autant, face à un accompagnement parfois chaotique et même inexistant de familles en difficulté, le soutien à la parentalité apparaît comme primordial.

2.1.1.1. Soutenir le « dispositif des 1 000 premiers jours de l'enfant »

  1. Le dispositif des 1 000 premiers jours de l'enfant (50), instauré par le ministère des solidarités et de la santé, constitue une solution intéressante d'accompagnement de la famille, premier lien de l'enfant. En 2020, un rapport contenant de nombreuses recommandations relatives, par exemple, à l'amélioration de l'accompagnement médical ou social des familles afin de veiller au bien-être des enfants, de leur vie in utero jusqu'à leurs deux ans. Il englobe des soins prénataux, une nutrition adéquate pour la mère et le nourrisson, un soutien parental, un accès aux services de santé infantile, et des mesures visant à réduire les facteurs de stress, nuisibles pour le développement de l'enfant. La prise en charge des deux parents -ou de la mère si elle est seule- dès le début de la grossesse est donc un moyen de prévention essentiel pour favoriser un départ sécurisé dans la vie de l'enfant. Pour autant, à l'instar de certains acteurs (51), la CNCDH regrette que ce dispositif ne renforce pas l'accompagnement des parents placés en situation de vulnérabilité avant même l'accueil d'un enfant, ce qui est dû notamment à un manque de moyens des services existants : PMI, crèches, etc.

2.1.1.2. Informer sur les droits sexuels et reproductifs

  1. L'accompagnement pendant la période de la grossesse mais aussi en amont de celle-ci, y compris pendant la scolarité de la future mère, est un enjeu crucial pour prévenir des situations à risque, de nombreux cas de maltraitance étant consécutifs à une grossesse non désirée. Contrairement à une idée reçue, certaines femmes rencontrent encore des difficultés à accéder à la contraception ou même à connaître leurs droits sexuels et reproductifs (voir point 1.1.1.2.1). C'est pourquoi il est capital de développer leur suivi dans des centres de santé sexuelle, où les familles peuvent accéder aux informations sur les méthodes contraceptives et sur l'avortement. Les couples ou les femmes seules suivis par les PMI reçoivent systématiquement une information sur la contraception afin de les aider à prendre une décision éclairée, loin de la défiance dont elle fait parfois l'objet.

2.1.1.3. Suivre la grossesse et la période post-partum

  1. La CNCDH constate que, si de nombreuses mesures ont été mises en place pour renforcer le suivi des femmes enceintes, l'objectif n'est que partiellement atteint. Ainsi, alors que toute femme enceinte doit déclarer sa grossesse, certaines taisent leur état. Certaines déclarations peuvent donner lieu à un suivi par la PMI mais la mise en place de celui-ci diffère d'un département à l'autre, les critères d'alerte étant fixés au niveau départemental (52). En outre, les rendez-vous proposés par la PMI ne sont pas obligatoires et il n'existe aucune mesure pour contraindre les femmes ou les familles à s'y rendre. Une fois la grossesse déclarée, chaque femme enceinte doit se soumettre à des rendez-vous médicaux obligatoires (53), mais là encore il est impossible de vérifier si ces rendez-vous sont honorés. La CNCDH déplore qu'il n'existe pas de mesures de contrôle ou d'indicateurs d'alerte si les parents ne se rendent pas aux rendez-vous de suivi pourtant obligatoires. Le seul mode de « coercition » est actuellement le conditionnement du versement de la prime de naissance à la justification de la participation au premier examen prénatal obligatoire (54). La CNCDH regrette également de fortes disparités territoriales quant à l'implication des PMI, selon les conseils départementaux, liée en grande partie à un manque de moyens, et que ce manque d'uniformité des pratiques ait un impact direct sur la prévention des violences envers les enfants. Outre ces injonctions visant l'état de santé de l'enfant, il conviendrait de développer l'accès à certaines structures qui ouvrent des espaces aux parents (groupes de parole, accès aux droits, accès aux soins…), à l'instar des centres de santé de proximité (55).

  2. Autres mesures de prévention, mais elles aussi à renforcer, après l'accouchement, un dépistage néonatal du nouveau-né et depuis le 1er juillet 2022, un entretien postnatal obligatoire des 4e et 8e semaines après l'accouchement ont été mis en place (56). En effet, les mères sont parfois confrontées à un épuisement tel qu'il peut donner lieu à des comportements mettant en danger l'enfant, s'ils ne sont pas détectés puis pris en charge à temps. Si elle salue ces entretiens, la CNCDH regrette la dégradation de l'accompagnement dit « post-partum ». Cette période postérieure à l'accouchement donne lieu fréquemment à des symptômes dépressifs transitoires, appelés communément le « baby-blues » (57). Plus grave, une dépression dite du post-partum (58), avec des symptômes qui durent au-delà de deux semaines après l'accouchement, nécessite une prise en charge efficiente tant elle peut menacer la vie de l'enfant. Or aujourd'hui, le renvoi rapide voire expéditif (59) des femmes à leur domicile après l'accouchement, lié en grande partie à des restrictions budgétaires, ne permet pas de constater les signes avant-coureurs de ce mal qui, faute d'un suivi effectif et efficace, malgré, là encore, les visites obligatoires d'une sage-femme à domicile (60), peut menacer la vie l'enfant. La CNCDH regrette ce manque de soutien et d'accompagnement des mères venant d'accoucher. Elle souligne toutefois que certaines associations mettent en place des bonnes pratiques pour l'accueil des femmes ayant besoin d'un suivi plus long (61).

Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande aux professionnels de santé et aux départements de renforcer le contrôle du suivi ante et post-natal et ainsi que de mettre en place des signaux d'alerte en cas de soustraction aux rendez-vous obligatoires

La CNCDH recommande d'allonger à cinq jours au lieu de trois en moyenne (sauf césarienne) la durée de l'hospitalisation après accouchement.

La CNCDH salue le travail effectué à Lille depuis 1991 par Le Fil d'Ariane, lieu d'accueil thérapeutique destiné à la prévention précoce des troubles relationnels entre les parents et les enfants âgés de 0 à 4 ans. En collaboration avec des professionnels de la santé mentale et des services sociaux, il accueille des enfants, dont la situation fait l'objet d'une vigilance ou déjà confiés à l'ASE avec leurs parents, assistantes familiales ou référentes de pouponnière, offrant ainsi une prise en charge précoce axée sur l'attachement et la relation parents/enfants. L'objectif est d'offrir un soutien thérapeutique et éducatif aux familles pour prévenir la maltraitance et promouvoir des liens de qualité entre les enfants et leurs figures d'attachement. Les familles sont prises en charge pour une durée moyenne d'un an, avec des sessions hebdomadaires autour des troubles de la parentalité et l'individualité de l'enfant. Le Fil d'Ariane intervient dès la période anténatale, afin de promouvoir la construction de liens de qualité durant les trois premières années de la vie de l'enfant. Cette initiative est unique en France car elle combine à la fois prévention, protection, thérapie et éducation, dans un cadre axé sur l'attachement et le développement de l'enfant.

2.1.1.4. Renforcer l'accompagnement des familles par une aide appropriée

  1. Le soutien aux conditions de vie peut créer un environnement plus propice à la lutte contre les violences envers les enfants, tout comme l'accès à un logement stable, décent et adapté à la taille des familles peut contribuer à éviter certains passages à l'acte. Or conformément aux art 18 et 27 de la CIDE, l'Etat doit veiller à assurer le respect de l'autorité parentale et des relations nouées avec l'enfant au sein de son environnement familial mais aussi à apporter une aide appropriée aux parents afin de leur permettre d'élever leurs enfants. La CNCDH a régulièrement souligné (62) que nombre de carences éducatives invoquées dans les décisions trouvent leur origine dans des situations de grande pauvreté, ce qui impose d'articuler la coopération entre les différents acteurs de la protection de l'enfance, de l'action sociale et des solidarités (63). Les juges, qui doivent tenir compte des conditions de vie des enfants, devraient coordonner les partenariats nécessaires afin que, en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (64), l'aide appropriée aux parents soit vraiment effective.

Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande que, dans toute mesure d'assistance éducative qui le justifie et, en tout état de cause, avant tout placement, le magistrat compétent puisse alerter les pouvoirs publics pour que soit trouvée une solution de relogement digne afin d'apporter une aide appropriée aux familles. Elle soutient le développement de partenariats entre les juridictions et les services sociaux appropriés

Cour d'assises du Finistère, du 7 au 9 juin 2023 : condamnation d'une femme à vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de son fils âgé de 5 ans, notamment après avoir reçu une lettre d'expulsion de son logement.

2.1.1.5. Renforcer le recrutement, la formation et le suivi des assistantes maternelles

  1. Alors que les violences commises à leur domicile ou dans celui de l'enfant par les assistantes maternelles ou les auxiliaires familiales ne sont pas rares, elles semblent insuffisamment prises en compte en pratique. Actuellement, s'agissant des assistantes maternelles, lorsque les conditions d'accueil d'un enfant ne sont plus remplies et en cas d'urgence -une suspicion de violences par exemple, le président du Conseil départemental peut suspendre l'agrément pour une durée de quatre mois (65). A l'issue des quatre mois, si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, il peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, procéder à son retrait (66). La CNCDH regrette des lacunes dans les contrôles, les agréments n'étant pas toujours retirés ou encore un retrait d'agrément dans un département pouvant être contourné par une demande sollicitée dans un autre. L'inefficacité des contrôles se manifeste également par l'absence de vérification systématique du statut judiciaire du conjoint de l'assistante maternelle, alors que celui-ci peut avoir été condamné du chef de violences sur enfant.

  2. En cas de condamnation pénale, une assistante maternelle peut se voir condamnée à une interdiction d'exercer soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs (67). La CNCDH recommande de conduire une réflexion sur la prévision d'une interdiction temporaire de plein droit d'exercer pour les assistantes maternelles reconnues coupables de violences sur enfants, a fortiori mortelles.

Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de renforcer les procédures de détection et d'investigation des violences ainsi que les modalités de recrutement, la formation et le suivi des assistantes maternelles et de leur conjoint

2.1.2. Mieux protéger l'enfant

  1. Avant tout chose, l'enfant doit être placé au cœur de la prévention grâce à la prise en compte de sa parole. Il convient tant de former tous les professionnels concernés aux signes de maltraitance pour mieux détecter les enfants à risque que de leur donner les moyens d'agir. Quant aux informations préoccupantes (IP) et aux signalements, leur mise en œuvre doit également être améliorée.

2.1.2.1. Mieux former les professionnels au contact des enfants aux signes de maltraitances et leur donner les moyens de leur action

  1. Les morts violentes ne faisant rarement intervenir qu'un seul acteur, c'est à tous les niveaux qu'une amélioration doit être apportée. Les auditions menées par la CNCDH ont d'abord révélé des lacunes dans la formation des professionnels à la détection des violences sur les enfants, que ce soit ceux qui sont en contact soutenu avec eux (médecins, enseignants, personnel des crèches, assistantes maternelles, travailleurs sociaux, …) ou ceux qui enquêtent sur ces cas. A ce propos, la CNCDH regrette que, de manière générale, les modules sur la maltraitance soient non seulement rares au sein des formations initiales mais encore le plus souvent inexistants dans les plans de formation. Ces mêmes auditions ont également révélé que, tous acteurs confondus, le manque de moyens humains et matériels est criant. Si la CNCDH met ici l'accent sur certains secteurs en particulier, elle précise que ces constats s'appliquent également à tous les professionnels et bénévoles en lien avec l'enfance : personnels de crèches, assistantes maternelles, travailleurs sociaux, éducateurs sportifs, intervenants périscolaires ou extra-scolaires…

2.1.2.1.1. Au sein du milieu médical

  1. On sait que les conséquences dommageables voire irréparables pour l'enfant augmentent avec la fréquence des actes de violence auxquels ils sont confrontés. C'est pourquoi il est primordial d'identifier les cas de violences le plus tôt possible. Les professionnels de la santé jouant un rôle déterminant dans cette identification, il convient de renforcer leur formation aux signaux d'alerte d'une possible maltraitance, et notamment aux signes de la souffrance du bébé, longtemps considéré comme insensible à la douleur du fait de l'immaturité de son système nerveux (68). Bien que leur sensibilité ait été prise en considération depuis, la souffrance des bébés, voire des enfants, tend parfois encore à être minimisée, ce qui peut conduire à la non-détection de violences. En lien direct avec les victimes et les auteurs potentiels, les médecins de famille, mais aussi les services hospitaliers, les services d'urgences pour les femmes enceintes et pédiatriques pour les bébés, ou encore les maternités sont des acteurs clés pour prévenir les violences envers les enfants. C'est pourquoi ils devraient posséder des « boites à outils » efficaces et des protocoles clairs leur permettant de repérer aisément les signaux d'alerte (par exemple, le fait pour une famille de ne pas honorer plusieurs rendez-vous médicaux). Le carnet de santé devrait aussi être un outil de repérage davantage utilisé.

Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de désigner un médecin référent pour le repérage des violences dans les structures médicales dédiées, notamment les Equipes pédiatriques régionales enfance en danger (EPRED), en lien avec les Unités d'accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED)

2.1.2.1.2. Au sein du milieu scolaire

  1. S'agissant d'enfants scolarisés, la formation des enseignants est capitale tant l'école est propice à la détection de situations de danger (69). Ces dernières années, la vigilance collective sur ce qui peut se passer à la maison pour les enfants s'est accrue, ce qui a entraîné une augmentation des signalements, mais cela reste insuffisant (70). Ainsi, au regard de l'obligation d'assiduité imposée aux enfants, tout absentéisme répété devrait-il être un signal d'alerte sur des cas potentiellement à risque (71), comme le préconisent certaines associations (72). Or, s'agissant des enfants les plus jeunes, leur absence est insuffisamment signalée alors que parfois elle pourrait révéler des situations de maltraitance. Pourtant, depuis 2019, l'instruction est obligatoire pour les enfants âgés de trois ans à seize ans. Et surtout, le code de l'éducation (73) prévoit que toute absence d'un enfant sans motif légitime ni excuse valable doit être déclarée aux services de la protection de l'enfance. La CNCDH déplore que, tous les établissements ne mettant pas systématiquement en œuvre cette disposition réglementaire, le repérage des situations de danger se trouve fragilisé.

Cour d'assises de la Somme, juin 2021, beau-père condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour avoir porté des coups mortels et infligé des actes de torture et de barbarie à la petite Kléony, âgée de 4 ans et aux quatre autres enfants de son ex-compagne. Quelques mois avant sa mort, l'école de l'un des enfants avait effectué un signalement après des absences répétées et préconisé une mesure de protection, soupçonnant des violences. Les absences de deux autres enfants avaient aussi fait l'objet d'une information préoccupante de l'éducation nationale.

  1. De son côté, la médecine scolaire pourrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la détection de cas de violences et dans les signalements. Cependant, le nombre de médecins scolaires étant très insuffisant sur tout le territoire (74), ils jouent un rôle résiduel dans la protection de l'enfance. Ce sont avant tout les établissements scolaires qui alertent les CRIP et les parquets, en s'appuyant sur le conseil technique des assistants sociaux, et éventuellement sur les infirmiers ou médecins scolaires lorsqu'un avis médical est nécessaire. La CNCDH considère qu'un travail de protection de l'enfant de qualité devrait pouvoir impliquer davantage les médecins scolaires, d'autant plus que, n'étant tenus ni d'informer les représentants légaux du mineur ni de demander l'autorisation de ces derniers pour intervenir, leur concours est un gage précieux d'appréhension rapide d'une situation de danger. Pour la CNCDH, il est donc indispensable d'augmenter leur nombre.

  2. De même, la présence d'assistantes sociales dans les écoles demeure encore très limitée, les obligeant à faire un choix entre les établissements, ce qui peut entraîner de graves défaillances dans la prise en charge des révélations de situation de danger. Alors que chaque DSDEN (Direction des services de l'éducation nationale) dispose en principe d'un service social et de promotion de la santé, qui peut notamment intervenir dans les écoles en réseau d'éducation prioritaire (Rep+), le manque d'assistantes sociales au sein des établissements scolaires du premier degré ne leur permet pas de le faire (75). Dans le milieu scolaire, ce sont donc les enseignants, directeurs et inspecteurs qui jouent un rôle de détection des situations à risque, sans avoir forcément reçu la formation adaptée ni posséder les connaissances techniques relatives au fonctionnement de la protection de l'enfance. De plus, la rédaction d'une information préoccupante ou d'un signalement (v. infra) peut s'avérer compliquée. Certes, au sein de l'éducation nationale, les conseillers techniques du service social ont entre autres missions la rédaction d'alertes écrites, mais leur effectif, trop faible, ne leur permet pas d'apporter l'aide adéquate. En outre, la validation de ces alertes, soumise à un contrôle hiérarchique (76), peut parfois conduire à un défaut de transmission (77). C'est pourquoi, la CNCDH préconise de prévoir une procédure spéciale soumise à une équipe pluridisciplinaire transmise en temps utile et examinée dans un circuit d'urgence. S'agissant de la formation des personnels de l'éducation nationale, elle est essentiellement fondée sur des documents mis à disposition en ligne. La CNCDH regrette, d'une part, que cette formation continue (78) concerne avant tout les violences sexuelles et le harcèlement dans le cadre scolaire et, d'autre part, qu'elle soit parfois confiée à des adultes insuffisamment formés. La CNCDH préconise dès lors un renforcement, dans le milieu scolaire, des formations à la détection des situations de maltraitance (79) incluant une formation spécifique au repérage et à la conduite à tenir, dont l'accueil de la parole de l'enfant.

Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande de mettre en place une politique de prévention généralisée autour des violences détectables à l'école

La CNCDH recommande, dans le cadre de la formation initiale des enseignants, d'instaurer des modules sur le repérage, l'accompagnement, l'accueil de la parole et le signalement de la maltraitance.

La CNCDH préconise également d'augmenter le nombre d'infirmiers/infirmières et d'assistantes sociales scolaires

2.1.2.2. Mieux prendre en compte la parole de l'enfant

  1. Si agir dans l'entourage de l'enfant au sens large est essentiel pour prévenir les morts violentes, la détection des maltraitances passe également par une sensibilisation accrue auprès des enfants eux-mêmes : ne devraient-ils pas être les premiers lanceurs d'alerte dès qu'ils sont en capacité de le faire ? La CNCDH rappelle que la CIDE prévoit en son article 12, que l'enfant est titulaire du droit de s'exprimer librement et d'être entendu. Ainsi, pour prévenir le phénomène des violences, il paraît indispensable de mieux prendre en compte sa parole mais aussi de prévoir un cadre adapté au recueil de cette parole, afin qu'elle respecte au mieux ses droits. La CNCDH prend note de l'amélioration des dispositifs d'audition de l'enfant, à différents stades des révélations.

  2. En ce sens, elle salue l'importance du SNATED, le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger, accessible sans interruption par le numéro national d'urgence 119, dont la mission est « d'accueillir les appels d'enfants en danger ou en risque de l'être et de toute personne confrontée à ce type de situations, pour aider à leur dépistage et faciliter la protection de mineurs en danger et de transmettre les informations préoccupantes concernant ces enfants aux services départementaux compétents en la matière, à savoir les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) » (80). Ses équipes sont formées à une méthodologie de recueil de la parole, mais disposent aussi d'une certaine liberté pour s'adapter au mieux à chaque situation, dont les ressorts sont variés : conditions d'éducation compromises, négligences, violences physiques, psychologiques, sexuelles, conjugales… En moyenne, les enfants appellent à partir de l'âge de 10/11 ans, et même, mais très exceptionnellement, dès 6 ans.

  3. Une fois les faits dénoncés, les enfants sont généralement entendus par les services de police ou de gendarmerie. Face à un taux de classement sans suite très élevé, cette audition est cruciale afin de pouvoir comprendre au mieux les faits tels que vécus par l'enfant et les retranscrire juridiquement. En ce sens, la CNCDH salue le recours, par la gendarmerie, au protocole NICHD (81), enseigné au centre national de la police judiciaire depuis 2016 (82). Largement reconnue par les professionnels (83), cette technique a été conçue pour que les enfants puissent, dès leur plus jeune âge (quatre ans environ), comprendre les questions et collaborer de façon efficace avec l'enquêteur. Grâce notamment à des questions ouvertes et à une mise en confiance de l'enfant, le taux de dévoilement du protocole se situe aux alentours de 80 %. La CNCDH rappelle que, conformément à l'article 706-52 du code de procédure pénale, il doit être procédé à l'enregistrement audiovisuel de l'audition du mineur victime d'infractions limitativement énumérées par l'article 706-47 du code précité (84). Néanmoins, elle déplore que ne figurent pas au sein de cette liste, les violences sur mineur de 15 ans autres que celles ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente. De plus, la CNCDH rappelle que, s'agissant des autres mesures de protection de l'audition du mineur victime, prévues au demeurant pour toutes les victimes par l'article D.1er-7 du code de procédure pénale (85), la seule dérogation expressément prévue par l'article D.1er-8 (86) vise l'urgence de ladite audition. En aucun cas l'invocation d'un manque de moyens matériels ne saurait être admise, surtout s'agissant d'entendre un mineur. La CNCDH recommande donc que toutes les auditions de mineurs victimes, y compris de violences physiques quelle que soit leur gravité, soient filmées, ce qui contribuerait à réduire le nombre des classements sans suite.

  4. Dans ce contexte, la CNCDH salue le rôle crucial des Unités d'accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED), qui permettent aux enfants victimes de violences d'être auditionnés, dans le cadre d'une enquête pénale ou d'une information judiciaire, dans un lieu sécurisant et spécialement aménagé. Au sein des UAPED, l'audition est enregistrée, notamment afin d'éviter un sur-traumatisme de l'enfant lié à la répétition d'un vécu douloureux. Les enfants y sont entourés d'équipes interdisciplinaires formées (enquêteurs, pédiatres, médecin-légistes, psychologues, infirmières, travailleurs sociaux…). Ces unités comprennent un réseau de professionnels important pour la détection des violences.

  5. Enfin, les enfants victimes de violences peuvent être entendus par les juges civil et pénal. Si la CNCDH note que la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a renforcé la prise en compte de la parole de l'enfant en prévoyant son audition individuelle dans les procédures d'assistance éducative (87), elle regrette que la présence d'un avocat ou d'un administrateur ad hoc n'ait pas été rendue obligatoire (88). La CNCDH regrette également une disparité des pratiques en ce qui concerne les auditions d'enfants, qui peuvent varier pour des raisons matérielles, tel le nombre de greffiers disponibles, mais aussi selon les pratiques judiciaires. Par exemple, devant le juge aux affaires familiales, alors que les enfants peuvent être entendus dans le cadre de la séparation de leurs parents, lorsqu'ils en font la demande, les pratiques varient, certains magistrats n'auditionnant pas les enfants avant huit, voire dix ans, ce qui correspond à l'âge du discernement en matière civile. Si l'audition par la justice ne permet pas toujours de révéler des faits de violence, elle peut éclairer le juge sur l'état général de l'enfant, par exemple dans l'hypothèse d'un futur placement.

Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande que les auditions des enfants fassent toujours l'objet d'un enregistrement audio-visuel et soient menées par des personnes spécialement formées

2.1.2.3. Améliorer le fonctionnement des alertes et diffuser une pédagogie du signalement

  1. C'est à la condition d'avoir été correctement formés à la détection des violences envers les enfants que les professionnels pourront jouer pleinement leur rôle de lanceur d'alerte. Il faut rappeler également que quiconque (ami, voisin, témoin…) ayant eu connaissance des mauvais traitements infligés à un enfant a l'obligation d'en informer les autorités judiciaires ou administratives (89). Ainsi, seul un véritable « réflexe du signalement », rendu possible par une meilleure coordination et communication entre tous les services concernés, peut aider à prévenir les morts violentes d'enfants. La nécessité de l'amélioration des systèmes de signalement s'inscrit également dans la lignée de la Recommandation CM/REC (2023)8 du comité des ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur le renforcement des systèmes de signalement des cas de violence à l'égard des enfants (90). Cette culture du signalement lato sensu doit se développer aussi au sein de la société civile. Il existe actuellement deux voies pour dénoncer des violences envers les enfants ou des situations de danger.

2.1.2.3.1. L'information préoccupante (IP)

  1. L'information préoccupante, effectuée dans le cas d'un enfant en danger ou en risque de l'être (91), est transmise à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) (92). Créées en 2007, avec pour mission de recueillir et d'analyser toutes les informations préoccupantes (IP), afin d'évaluer notamment la réalité du danger et si les besoins fondamentaux de l'enfant sont respectés, les CRIP, selon les départements, soit procèdent elles-mêmes à l'évaluation de la situation, soit transmettent l'IP au centre d'action sociale ou médico-social territorialement compétent. La CNCDH regrette que ces IP soient traitées par département et non centralisées au niveau national, ce qui peut induire une déperdition des informations. En principe, lorsqu'une famille faisant l'objet d'une IP ou d'une mesure d'aide éducative déménage, le président du conseil départemental de départ doit en aviser le département d'accueil (93). Le président de ce dernier a alors la faculté, et non l'obligation, de solliciter du conseil départemental d'origine des informations sur le précédent suivi effectué auprès de la famille. Or, au regard des délais de transmission des informations entre départements et de la charge de travail pesant sur les services départementaux de la protection de l'enfance, il est fréquent qu'un dossier soit clôturé lorsqu'une famille, faisant pourtant l'objet d'une IP, quitte le département. Faute d'un suivi dans le nouveau département, le parent peut alors poursuivre ses maltraitances en toute impunité. Dans certains services de PMI, le manque d'informations sur la famille suivie (comme par exemple, l'accès aux antécédents de suivi dans un autre département ou encore aux antécédents judiciaires) obligent les personnels à mener des enquêtes avec leurs propres moyens (94).

Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande de centraliser les informations préoccupantes au niveau national

  1. L'évaluation par la CRIP sert à déterminer le degré de danger de la situation selon certains critères tels que la gravité des faits, leur date, leur fréquence, l'âge de l'enfant, son lien avec l'auteur, etc. En l'absence de danger immédiat et afin d'évaluer plus précisément la situation, une mesure de protection administrative, laquelle peut consister en un accompagnement social, des aides financières, une action éducative à domicile, un accueil provisoire, des examens médicaux etc., peut être proposée aux parents. En cas de refus de la mesure par les parents, un signalement est alors transmis au procureur de la République.

2.1.2.3.2. Le signalement stricto sensu

  1. En l'absence de coopération des parents ou en cas de suspicion d'infraction pénale ou de danger immédiat pour l'enfant, le signalement a pour objet une demande de protection immédiate et/ou l'ouverture d'une enquête pénale par le procureur. C'est dans ce cadre que peuvent être prises des ordonnances de placement provisoire (OPP) de l'enfant. L'aspect traumatisant que peut représenter une séparation de l'enfant d'avec sa famille et la complexité de certaines situations peuvent expliquer certaines réticences à signaler et placent le juge dans un dilemme entre la préservation et la rupture du lien, alors que la plupart des violences mortelles d'enfants proviennent de la cellule familiale. Sans pour autant tomber dans la précipitation compte tenu des multiples enjeux d'une telle décision, les menaces pesant sur la vie de l'enfant nécessitent une extrême réactivité, laquelle suppose une formation approfondie des différents intervenant sur la thématique des violences à l'encontre des enfants. Cependant, le manque cruel de moyens et de coordination ainsi que la surcharge des services sociaux et du système judiciaire entravent les décisions de justice qui ne peuvent pas toujours être exécutées à temps et mettent ainsi la vie de l'enfant en danger.

Cour d'assises du Finistère, du 7 au 9 juin 2023 : condamnation d'une femme à vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de son fils âgé de cinq ans, malgré deux informations préoccupantes et un signalement transmis au parquet avec saisine d'un juge des enfants. En dépit de rendez-vous fixés avec les services sociaux et avec l'école, la mère ne s'y présentait pas, sans aucune justification. Selon les éléments de l'enquête, l'enfant est mort par étouffement. Une perquisition menée au domicile avait permis de trouver quatre couteaux sur le chevet du lit, ainsi que des mots manuscrits sur le réfrigérateur confirmant l'état dépressif de la mère et sa volonté de se suicider.

  1. A titre d'exemple, dans le ressort du tribunal judiciaire (TJ) de Paris, tous les signalements ainsi que toutes les informations préoccupantes arrivent par mail ou par téléphone et sont systématiquement reçus par un interlocuteur du parquet des mineurs. Le parquet du tribunal judiciaire de Paris dispose d'un magistrat de permanence dédié chaque jour au recueil des signalements de la CRIP, des hôpitaux parisiens, des établissements scolaires et des médecins (95). Dans tous les parquets, le signalement auprès du procureur va déclencher des mesures d'investigation qui seront opérées par les services d'enquêtes des brigades des mineurs ou, en cas d'engorgement, par les brigades de protection de la famille.

2.1.2.3.3. Les obstacles à l'efficacité des alertes

  1. Ces deux types d'alerte, l'une administrative et l'autre judiciaire, sont la clé d'une prévention efficace en matière de maltraitance. Actuellement ce sont notamment leur lourdeur, leur cloisonnement territorial, l'absence de connaissance de leurs conséquences qui les rendent très imparfaites. Or, il convient de rappeler que chaque alerte devrait être guidée par le seul intérêt supérieur de l'enfant et non par des craintes, notamment celle d'une plainte des auteurs présumés des faits. De même, c'est le professionnel transmettant une information préoccupante ou un signalement qui apprécie si l'information transmise est conforme à l'intérêt de l'enfant, seul critère à prendre en considération.

  2. Dans certains services de PMI, lorsqu'un professionnel suspecte qu'un enfant est possiblement en danger ou maltraité, le dossier est discuté en commission pluridisciplinaire, celle-ci comprenant en théorie l'ensemble des acteurs de l'action médico-sociale de proximité (sage-femme, assistantes sociales, psychologues, puéricultrices, médecins du secteur, responsable de circonscription…). Si la transmission d'un signalement est actée, celui-ci est rédigé en binôme à partir d'une trame puis validé par le médecin et le responsable de circonscription, pour être adressé à la CRIP ou au parquet. Si ce système permet de faire intervenir tous les acteurs, il peut aussi générer une lourdeur administrative et temporelle, difficilement conciliable avec la saturation des services.

  3. Au sein de l'éducation nationale, il a été déclaré à la CNCDH que des personnels n'osent pas dénoncer certaines situations par crainte des représailles des parents. En effet, les textes réglementaires insistent sur l'importance de l'information et des échanges avec les détenteurs de l'autorité parentale afin de recueillir et partager leur point de vue sur la situation, sauf si cela est contraire à l'intérêt de l'enfant. Ne pas consulter les parents oblige les enseignants à s'en justifier auprès de leur hiérarchie, ce qui n'est pas toujours aisé (sauf dans les cas de violences sexuelles), d'autant plus que le souci légitime du respect de la présomption d'innocence habite souvent l'esprit de nombreux enseignants ayant à procéder à une mesure de signalement. S'ils décident finalement de ne pas informer les familles, c'est la plupart du temps pour protéger l'enfant de représailles. Il est également ressorti d'auditions devant la CNCDH que certaines associations de protection de l'enfance avaient vu leur agrément suspendu, voire retiré, à la suite de signalements. En conséquence, tous les auteurs d'alertes devraient être protégés, notamment par l'anonymat.

Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande de former les professionnels en milieu scolaire au signalement et/ou à l'information préoccupante ainsi que sur la nécessité d'en transmettre en cas de besoin

  1. S'agissant du milieu médical, la CNCDH regrette que les signalements émanant des professionnels de santé soient trop peu fréquents, en raison tant des modalités du secret professionnel auquel ils sont astreints que de la crainte des conséquences judiciaires et/ou disciplinaires possibles d'une violation de ce secret. En effet, bien que la levée du secret médical soit protégée par l'article 226-14, 2° du code pénal (96), la mise en œuvre du texte n'est pas simple (97) même si aujourd'hui le médecin confronté au choix de garder le secret ou le divulguer, a conscience que le risque est parfois plus grand pour lui de se taire que de dénoncer 98. N'est pas plus simple le maniement de l'article R. 4127-44 du code de la santé publique, rédigé en des termes proches de ceux du code pénal, et relatif, lui, à la responsabilité disciplinaire du médecin pour manquement déontologique (99). Pourtant, signe ici aussi de l'évolution des mentalités en faveur de la protection de l'enfant, il ressort du commentaire de ce texte par l'Ordre national des médecins (100) qu'une obligation renforcée d'alerter ou de signaler (et non une simple « faculté ») pèse sur le médecin lorsque la victime de maltraitance est mineure (101). Encore faut-il, autre difficulté, que les faits révélés soient suffisamment avérés ou vraisemblables pour que le professionnel échappe à des poursuites et qu'il ait agi de bonne foi (102). C'est pourquoi, vu le contexte juridique, il n'est pas rare que les professionnels de santé contactent les PMI pour qu'elles se saisissent du dossier et endossent la responsabilité du signalement. Si elle estime que la loi concernant le secret médical est satisfaisante, la CNCDH considère qu'il faut améliorer la formation des médecins sur l'importance du signalement dans les situations de violence envers les enfants.

Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande de renforcer la sensibilisation des médecins et plus généralement de garantir la protection des professionnels qui opèrent un signalement

  1. Les lacunes dans le traitement des signalements. Malgré un système de signalements plutôt développé, il apparaît que leur suivi est encore trop lacunaire et qu'ils ne permettent pas toujours de prévenir les situations de danger. Cela est dû à différents facteurs : un manque de communication entre les services, ainsi qu'un manque de moyens pour mener correctement les investigations et pour exécuter les mesures. En effet, tous les acteurs auditionnés par la CNCDH ont fait état d'une communication lacunaire en ce qui concerne les signalements. Par exemple, les services de la PMI ne sont pas informés des suites données à leur transmission, ce qui pourrait pourtant s'avérer utile pour la continuité du suivi des familles, en particulier lorsqu'il y a des fratries. De même, le suivi mis en place par les services sociaux après une information préoccupante n'est pas toujours renseigné. L'éducation nationale ne dispose pas toujours d'informations sur les suites données à ses signalements. S'il ne s'agit pas de connaitre précisément la mesure ordonnée, le seul fait d'être informé de la mise en place ou non d'une mesure apparaît incontournable.

Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de réfléchir à la création d'un dispositif national des signalements et des informations préoccupantes, qui serait accessible à tous les professionnels habilités

  1. Les difficultés dans les services d'enquête. Une fois le signalement reçu par le procureur de la République, ce dernier décide de l'ouverture d'une enquête pénale et peut décider d'ordonner un placement provisoire de l'enfant. Il doit vérifier si un juge des enfants est déjà saisi de la situation, ou de celle d'éventuels frère/sœur de l'enfant. Si tel n'est pas le cas, il apprécie, en fonction de la gravité et de l'urgence s'il convient de transmettre le signalement pour évaluation au conseil départemental ou si une saisine immédiate du juge des enfants est nécessaire. Lorsque le signalement relate des faits de nature pénale (violences, abus sexuels…), il est transmis à un service de police ou de gendarmerie afin qu'une enquête soit diligentée. Or, à leur tour, ces services font face à des difficultés pour mener leurs enquêtes, faute de moyens suffisants. Très mobilisés actuellement par les violences conjugales, auxquelles les enfants sont largement exposés, ils disposent de moins de temps pour enquêter sur les violences intrafamiliales sur mineurs. La CNCDH salue l'annonce par le ministère de l'intérieur d'un renforcement des brigades locales de protection des familles et du nombre d'enquêteurs dédiés au traitement des violences intrafamiliales. Néanmoins, elle attire l'attention sur la nécessité d'une augmentation des effectifs. En conséquence, les délais de retour des enquêtes sont très longs. En matière de violences intrafamiliales, une difficulté majeure est d'identifier l'auteur des faits, qui avoue rarement. Or cette identification essentielle, qui nécessite parfois des analyses techniques poussées (par exemple, celle de conversations téléphoniques), est coûteuse en actes et en temps. Une trop longue période d'incertitude peut s'avérer dangereuse pour la vie de l'enfant, d'autant que pour le juge le placement dépend de l'importance du risque, tel qu'il l'a justement apprécié à partir des éléments réunis par les enquêteurs. D'où l'importance de renforcer les moyens humains et matériels de tous les services d'enquête (103).

  2. Outre l'enquête pénale, des investigations, notamment sociales, sur la famille sont généralement nécessaires. Les services sociaux, qui connaissaient déjà de graves difficultés de recrutement, ont vu leur situation se dégrader davantage depuis la crise sanitaire, ce qui crée des délais d'attente insupportables vu l'enjeu d'une mise en œuvre diligente des mesures (104).

  3. Des mesures de protection mises à mal par les difficultés de la protection de l'enfance. Le traitement des situations fait souvent apparaître que, dans de nombreux cas de morts violentes, les enfants vivaient dans des familles suivies en protection de l'enfance. Pour rappel, le dispositif français de protection de l'enfance est fondé sur une double protection, à la fois administrative et judiciaire. La mesure est administrative lorsque les parents sont en demande d'aide et collaborent avec les services sociaux (105). La mesure judiciaire est, quant à elle, ordonnée par le juge des enfants, lorsque le mineur est considéré en danger et qu'une collaboration avec la famille n'est pas possible. Le juge peut alors ordonner une mesure éducative en milieu ouvert (AEMO) ou un placement hors de la famille. Or, la protection de l'enfance fait face à une grave crise depuis de nombreuses années (106) : manque de moyens, difficultés de recrutement, personnel sous-payé et en sous-effectif, manque de temps pour être formé, autant de facteurs qui influent sur l'exécution des mesures ordonnées par le juge. Par exemple, la mise en œuvre des mesures judiciaires d'investigation éducative (107), ordonnées par le juge afin de recueillir des éléments supplémentaires sur la situation d'un enfant en cas de danger présumé ou d'un risque de danger, fait face à de nombreux obstacles dans sa mise en œuvre effective. Par manque de moyens, de formation, de places, certaines MJIE font l'objet de listes d'attente de plusieurs mois avant d'être mises en place. La CNCDH a également été alertée sur le fait que certaines décisions de placement en cas de grave danger ne pouvaient pas être exécutées en raison d'un défaut de services et d'infrastructures. Ainsi certains enfants ne font-ils l'objet d'aucune mesure de protection à la naissance alors que leurs parents étaient déjà mis en cause pénalement, voire condamnés, pour le décès violent d'un autre de leurs enfants.

Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande de renforcer les moyens humains et financiers nécessaires à la protection de l'enfance

Elle recommande notamment des donner des moyens afin que les mesures judiciaires d'investigation éducative puissent être exécutées.

2.2. Traiter la mort violente de l'enfant

Le diagnostic médical opéré lors de la mort violente d'un enfant est capital afin de déterminer la qualification pénale adéquate des faits. Au-delà, la réponse judiciaire globale apportée à ce décès doit encore être améliorée.

2.2.1. Mieux poser le diagnostic médical : s'inspirer du cahier des charges des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson (également appelé protocole MIN)

  1. Lorsque survient le décès d'un enfant, il convient tout d'abord de déterminer ses causes, quel que soit son âge, au premier chef ses causes médicales. S'agissant de la mort inattendue d'un nourrisson (MIN), à la suite de l'introduction et la mise en œuvre des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en 2007 (108), trois phases de gestion hospitalière des MIN ont été mises place pour les enfants de 0 à deux ans : d'abord, sur le site du décès, la collecte des premières données, ensuite, dans un centre de référence spécialisé (CRMIN), comprenant des entretiens avec les familles, un examen clinique complet de l'enfant décédé et un large éventail d'analyses, et enfin, un suivi régulier des familles concernées. En 2023, une instruction actualisant le cahier des charges des CRIM (109) a été adoptée. Bien qu'elle ait suscité des débats - l'attention particulière portée à la détection de maltraitances peut être difficilement audible par des parents dont l'enfant vient de décéder - la CNCDH estime que cette instruction constitue une avancée dans la prévention des violences envers les enfants, en permettant d'affiner les recherches sur les causes du décès (110). Sur le lieu de sa survenance, l'équipe de secours établit un certificat de décès. Le corps est ensuite transporté au CRMIN pour qu'y soient effectués des prélèvements biologiques à la recherche d'éventuels produits toxiques, un scanner ou encore une IRM cérébrale ou du corps entier. L'autopsie est systématiquement proposée mais elle peut être refusée par les parents. En cas de suspicion de maltraitance, le médecin peut poser un obstacle médico-légal à l'inhumation (OML), lequel lui permet de signaler à l'autorité judiciaire tout décès justifiant l'ouverture d'une enquête (111) afin d'en préciser les circonstances. Dans ce cadre, des examens médicaux spécifiques tels que des prélèvements, des dépistages de maltraitances invisibles (anciennes fractures, œdème cérébral, retard de développement, etc.), et une autopsie sont réalisés. Il convient de souligner qu'une fois l'obstacle médico-légal posé, certains examens ne pouvant plus être réalisés, il est parfois recommandé d'orienter le transfert du corps de l'enfant vers le CRMIN, ce qui permet au médecin d'effectuer les premières constatations, avant d'entamer toute procédure médico-légale. A chaque étape de l'exploration, en cas de suspicion d'infraction pénale, le CRMIN doit informer le procureur de la République tandis que l'information de la famille est soumise à l'accord préalable de ce dernier. A l'inverse, l'obstacle médico-légal peut être levé à tout moment, par le seul procureur, lorsque la suspicion de maltraitance n'est pas confirmée.

  2. La CNCDH salue la publication de cette instruction qui, en systématisant le transport du corps d'un nourrisson décédé vers les centres de référence MIN et en harmonisant les modalités pratiques de leur prise en charge, améliore la détection des maltraitances.

Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande d'étendre les recommandations de la Haute Autorité de santé relatives à la prise en charges de la mort inattendue du nourrisson (MIN), en modifiant sa dénomination, aux enfants âgés jusqu'à six ans

2.2.2. Repenser certaines qualifications pénales

  1. La CNCDH estime que le cadre juridique des morts violentes d'enfants, serait-il globalement fonctionnel, mérite des clarifications afin de coller davantage à la spécificité criminologique de certains des actes commis. En effet, aux différents actes de violences et à la diversité de leurs victimes répond une approche unitaire du droit pénal au moins du point de vue de ces dernières, et ce depuis le code de 1992. Dans le code civil napoléonien, le terme de nouveau-né étant limité à la période séparant le début de l'accouchement de la date de déclaration aux registres de l'état civil soit 72 heures, le code pénal de 1810 qualifiait d'infanticide (112), le meurtre prémédité ou non, d'un nouveau-né de moins de 72 heures. La notion d'infanticide a ensuite beaucoup évolué avec le temps (113) jusqu'à disparaître du code pénal de 1992 qui protège spécifiquement le seul enfant de moins de 15 ans, mais sans introduire de distinction à l'intérieur de cette catégorie. Actuellement, les morts violentes d'enfants sont donc globalement appréhendées sous le prisme de la minorité de 15 ans de l'enfant, laquelle est une circonstance aggravante d'un certain nombre d'infractions (114), étant à nouveau rappelé que selon la CIDE, l'enfant est défini comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans » (article 1er). Or, cette appréhension juridique ne reflète pas la réalité des faits et la diversité des actes : criminologiquement parlant, qu'y a-t-il de commun entre le meurtre d'un nouveau-né de quelques heures par sa mère et les sévices exercés en continu sur un enfant de 7 ans environ, par un de ses parents voire les deux, au point de provoquer sa mort ?

2.2.2.1. Engager la réflexion sur la réintégration de l'infanticide dans le code pénal

  1. Eu égard à ce qui a été exposé précédemment, la CNCDH appelle à mener une réflexion sur l'opportunité de réintégrer dans le code pénal le terme d'infanticide, quitte à en renouveler la définition. S'agissant de cette réintégration, dont la visée serait surtout symbolique et politique car plus expressive que l'aggravation générale actuelle liée à la minorité de 15 ans de la victime, la CNCDH considère qu'elle nécessiterait de réfléchir précisément à la question des seuils d'âge des victimes de mort violente. Par exemple, il pourrait s'agir du meurtre ou de l'assassinat de tout enfant de moins de douze ans révolus, nouveau-né (tué par toute autre personne que sa mère (v. point 1.1.1.2.1) et nourrisson compris, l'âge de 13 ans marquant l'entrée dans l'adolescence. Ou plus largement celui d'un enfant de moins de 15 ans afin de conserver sa cohérence à la circonstance aggravante de minorité de 15 ans déjà présente dans le code pénal (115). Néanmoins, au regard de l'absence de consensus sur la définition même de l'enfant, à l'exception de celle, purement juridique, de personne de moins de 18 ans, il semble difficile de réintégrer la notion d'infanticide, même redéfinie. Pour intéressante que semble cette piste, pour la CNCDH, en l'état du code pénal, seul importe que les magistrats qualifient précisément chaque violence suivie de mort en fonction de l'intention qui animait son auteur lors des faits.

2.2.2.2. Engager la réflexion sur une infraction de néonaticide

  1. En revanche, au-delà de l'aggravation générale que constitue la minorité de 15 ans de la victime, la CNCDH estime qu'il serait opportun de réfléchir à de nouvelles qualifications. Par exemple, le néonaticide, infraction pouvant actuellement être poursuivie en tant que meurtre, aggravé par l'âge de la victime, mineure de quinze ans, désignerait le meurtre d'un nouveau-né âgé de 24 heures au maximum, par sa mère, infraction sui generis qui, eu égard à ses spécificités sociales et psychologiques, bénéficierait de plein droit d'une excuse atténuante, dite autrefois de « puerpéralité », sauf à ce que la juridiction l'écarte par motivation spéciale. En France, actuellement les auteures de néonaticide font face à une législation sévère : elles encourent la réclusion criminelle à perpétuité (ou 30 ans de réclusion criminelle en cas d'altération du discernement [116]). Cette sévérité contraste avec l'approche de certains Etats (117) où les peines diffèrent de celle du meurtre aggravé, quelques législations considérant même le néonaticide non comme un homicide volontaire, mais comme le refus de donner la vie, voire comme un avortement post partum. En France, néanmoins, il arrive parfois que les auteures bénéficient d'une certaine clémence (118) l'atténuation de responsabilité étant le plus souvent justifiée par la fragilité psychologique de la femme qui vient d'accoucher. C'est pourquoi la CNCDH propose de réfléchir à un cadre légal qui permettrait de refléter davantage la complexité des néonaticides.

2.2.2.3. Engager la réflexion sur une infraction autonome pour le syndrome du bébé secoué

  1. La CNCDH estime que la loi pénale ne reflète pas la prise en compte spécifique du syndrome du bébé secoué (SBS) et que cela empêche notamment d'avoir des éléments statistiques exacts sur son traitement judiciaire, malgré certains chiffres alarmants provenant du milieu médical. Aujourd'hui, les auteurs répondent du crime de meurtre aggravé par le jeune âge de la victime, lorsque l'intention de tuer a pu être démontrée, ou de tentative de meurtre aggravé si l'enfant a survécu, et, plus souvent, en l'absence de preuve de cette intention, du crime de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, doublement aggravée (119). Par ailleurs, lorsque le bébé survit mais avec un handicap de moyenne gravité (120), il est notable que la réparation des préjudices subis se voit souvent sous-évaluée. C'est pourquoi, la CNCDH, à l'instar de certaines associations de la protection de l'enfance (121), considère qu'il serait intéressant de réfléchir à la création d'une infraction autonome relevant de la catégorie des infractions formelles, qui, tel l'empoisonnement, incriminent, en raison de sa dangerosité intrinsèque, un comportement plus qu'un résultat. Ainsi, le fait pour un ascendant ou une personne ayant autorité d'attenter à la vie d'un nourrisson par l'emploi de secouement de nature à donner la mort pourrait constituer un crime, indépendamment de la survenance du décès de l'enfant.

2.2.3. Améliorer le traitement judiciaire

2.2.3.1. Renforcer la coordination et la formation des magistrats

  1. Constat général, les difficultés rencontrées dans le traitement des signalements se retrouvent aussi dans le traitement des homicides d'enfants par toute la chaine pénale en raison notamment d'une insuffisante prise en compte des signaux d'alerte et du manque de partage des informations (122). C'est pourquoi la CNCDH salue la diffusion de la circulaire du 28 mars 2023 sur les violences envers les enfants (123), laquelle démontre une volonté de lutter plus efficacement contre ces violences, sur le modèle de ce qui a été fait en matière de violences conjugales (124). Son objectif est de dresser un bilan de la situation des morts violentes d'enfants, de renforcer la culture du signalement et du partage de l'information, d'améliorer l'accueil des mineurs victimes, etc.

  2. Les affaires de morts violentes d'enfants étant complexes, elles donnent systématiquement lieu à l'ouverture d'une information judiciaire et impliquent des effectifs spécialisés. Leur spécificité nécessite l'intervention de différents magistrats : membres du ministère public, juge des enfants, juge aux affaires familiales, tribunal correctionnel ou, après ouverture d'une information confiée à un juge d'instruction, cour d'assises. Or la CNCDH, à l'instar du rapport des inspections de 2018 (125), a pu constater certains dysfonctionnements dans le traitement judiciaire de ces affaires. En premier lieu, les différents acteurs de la chaîne pénale travaillent souvent de manière cloisonnée, « en silo », ce qui peut conduire à la prise de décisions insuffisamment protectrices de l'enfant. Par exemple, en raison du cloisonnement judiciaire, avant de statuer sur la fixation de la résidence d'un enfant dont les parents se séparent dans un contexte violent, le juge aux affaires familiales devrait toujours s'assurer que l'enfant est mis en sécurité par le juge des enfants.

Cour d'assises du Maine et Loire, du 6 au 8 février 2023 : condamnation d'une femme à la réclusion criminelle à perpétuité, dont 22 ans incompressibles, pour le meurtre de sa fille de 1 an. A la suite de la naissance de son enfant, la mère bénéficiait d'un accompagnement avec une prise en charge ponctuelle par un assistant familial. Du fait de nombreuses négligences et mises en danger de l'enfant, le juge a pris la décision de la confier à l'Aide sociale à l'enfance. Cette décision n'ayant pas été mise à exécution, l'enfant a bénéficié de la même prise en charge jusqu'à ce que l'assistant familial démissionne, moment où la mère a retrouvé sa fille à temps plein durant quelques jours, nourrissant à nouveau l'espoir que le juge revienne sur sa décision. L'enfant a finalement été placée au sein d'un foyer, entraînant pour la mère une obligation de quitter le centre maternel qui l'hébergeait.

  1. Or cette mise en sécurité n'est possible que lorsque les juges communiquent. De même, la communication est essentielle dans les affaires intéressant une fratrie. S'il peut arriver que certains parents soient violents physiquement envers un enfant en particulier, comme ce fut le cas dans l'affaire Marina, citée en introduction, mais non envers les autres, ces derniers vivent dans un climat de violence qui mérite attention. Enfin, plus généralement, si la CNCDH a conscience que l'objectif de la loi est de maintenir le plus possible le lien entre les enfants et leurs parents (126), elle rappelle que chaque décision ayant des répercussions sur un enfant doit être guidée avant tout par la protection de son intérêt supérieur. Afin d'assurer la cohérence des réponses judiciaires apportées, la CNCDH rappelle la nécessité d'une formation renforcée des magistrats sur les violences envers les enfants.

Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande de réfléchir à la mise en place de pôles judicaires spécialisés dans les violences faites aux enfants, sur le modèle de ce qui a été mis en œuvre pour les violences intrafamiliales, impliquant nécessairement tous les acteurs judiciaires et les services concernés

2.2.3.2. Apporter une réponse judiciaire cohérente

  1. Une politique pénale réellement efficace, poursuivant un objectif d'évitement de la récidive, repose sur des peines adaptées à la gravité des faits et axées sur la réinsertion du condamné. Ces peines étant individualisées, elles sont inévitablement disparates, variant en fonction du profil de l'auteur, de sa personnalité, de sa situation matérielle, familiale et sociale, et parfois de la juridiction qui les prononce. La CNCDH, si elle ne préconise en aucun cas de renforcer la sévérité des peines prévues par le code pénal, appelle au prononcé de peines utiles, tant pour la société que pour le condamné lui-même. En ce sens, le prononcé d'une peine de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins (127) paraît une peine favorable à la réinsertion de l'auteur de faits aussi graves. Il faut le répéter, l'adulte maltraitant ayant souvent été un enfant maltraité, une privation de liberté sans accompagnement ne saurait suffire à le « réparer ». S'agissant de la réponse judiciaire dans sa globalité, la CNCDH propose quelques pistes de réflexion.

2.2.3.2.1. Combattre la contestation du syndrome du bébé secoué

  1. Dans les cas de SBS, aux conséquences létales ou non, il arrive que des acquittements soient prononcés au bénéfice du doute. La CNCDH rappelle que le déni des violences subies par le nouveau-né ou plus souvent le nourrisson a des conséquences sur l'indemnisation de la victime : en effet, si, en théorie, un acquittement n'empêche pas une indemnisation par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), en pratique, il la rend plus difficile, « le caractère matériel d'une infraction » (128) à l'origine du préjudice se voyant contesté. Les difficultés liées à la reconnaissance de ces faits tiennent notamment à sa forte dépendance des expertises médicales. Lors des auditions, la CNCDH a été alertée à plusieurs reprises sur la stratégie de défense mise en place par un mouvement dont l'objectif est de contester la réalité des faits reprochés (129). Les conséquences de cette stratégie sont à prendre au sérieux dès lors que certains médecins craignent d'opérer des signalements puis de témoigner devant les cours d'assises, et ce au détriment de la protection des enfants victimes (130).

2.2.3.2.2. Mieux garantir la protection de l'enfant au regard de l'exercice de l'autorité parentale

  1. Enfin, un autre enjeu rapporté à la CNCDH concerne l'exercice de l'autorité parentale. Cette question est cruciale s'agissant d'enfants victimes de violences, mais aussi pour les fratries, en particulier lorsque le frère ou la sœur décède. Dans ce cadre, il arrive fréquemment que l'exercice de l'autorité parentale soit instrumentalisé par l'auteur des violences. Actuellement, la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale n'est prévue qu'en cas de crime commis sur l'autre parent (131). Pour les autres situations de violences, la décision de retrait de l'autorité parentale ou de son exercice n'est qu'une faculté pour le juge pénal qui ne la prononce que trop rarement. C'est pourquoi la CNCDH propose de de poursuivre la réflexion autour du retrait de l'exercice de l'autorité parentale et de son prononcé par le juge pénal. Il pourrait être envisagé de prononcer un retrait de l'exercice de l'autorité parentale par le juge pénal, au regard de la gravité des faits. Dans ce contexte, la CNCDH suit avec intérêt les débats autour de la proposition de loi (132) visant à étendre à d'autres situations de violences la suspension de plein de droit de l'autorité parentale du parent violent (133).

Recommandations formulées par la CNCDH

Recommandation n° 1 : Afin de prévenir la commission de néonaticides, la CNCDH recommande un renforcement de la prévention à travers l'amélioration de l'éducation à la vie sexuelle et affective, la garantie de l'accès universel à la contraception et à l'IVG pour toutes les femmes. Elle recommande également de fournir un suivi approprié à la femme enceinte dans son environnement.

Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande de renforcer la formation des professionnels de santé à la particularité du syndrome du bébé secoué afin que soit améliorés son diagnostic et sa prise en charge.

Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande de mettre en place une vaste étude prospective utilisant différentes sources de données récentes (judicaires, médicales et administratives), afin de produire des données épidémiologiques sur le syndrome du bébé secoué. Elle recommande de créer une catégorie spécifique dans les données hospitalières du « Programme de médicalisation des systèmes d'information en médecine chirurgie obstétrique » (PMSI-MC0) et de mentionner expressément les diagnostics des syndromes du bébé secoué dans les dossiers des patients, afin d'améliorer l'identification des cas.

Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de doter l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) de moyens afin de recenser, croiser et publier annuellement les statistiques relatives au nombre d'enfants victimes de violences et de morts violentes, et afin de fournir des outils permettant d'améliorer la prévention.

- afin d'améliorer le recueil statistique, la CNCDH recommande d'harmoniser les sources et d'utiliser un vocabulaire commun à tous les acteurs concernés ;

- s'agissant des nourrissons, la CNCDH recommande de créer un registre recensant tous leurs décès et leur qualification.

Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande aux professionnels de santé et aux départements de renforcer le contrôle du suivi ante et post-natal et ainsi que de mettre en place des signaux d'alerte en cas de soustraction aux rendez-vous obligatoires.

- la CNCDH recommande d'allonger à cinq jours au lieu de trois jours en moyenne (sauf césarienne) la durée de l'hospitalisation après accouchement.

Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande que, dans toute mesure d'assistance éducative qui le justifie et, en tout état de cause, avant tout placement, le magistrat compétent puisse alerter les pouvoirs publics pour que soit trouvée une solution de relogement digne afin d'apporter une aide appropriée aux familles. Elle soutient le développement de partenariats entre les juridictions et les services sociaux appropriés

Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de renforcer les procédures de détection et d'investigation des violences ainsi que les modalités de recrutement, la formation et le suivi des assistantes maternelles, et de leur conjoint.

Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de désigner un médecin référent pour le repérage des violences dans les structures médicales dédiées, notamment les Équipes pédiatriques régionales enfance en danger (EPRED), en lien avec les UAPED (Unité d'accueil pédiatrique enfants en danger).

Recommandation n 9 : La CNCDH recommande de mettre en place une politique de prévention généralisée autour des violences détectables à l'école.

- la CNCDH recommande, dans le cadre de la formation initiale des enseignants, d'instaurer des modules sur le repérage, l'accompagnement, l'accueil de la parole et le signalement de la maltraitance ;

- la CNCDH préconise également d'augmenter le nombre d'infirmiers et infirmières et d'assistantes sociales scolaires.

Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande que les auditions des enfants fassent toujours l'objet d'un enregistrement audiovisuel et soient menées par des personnes spécialement formées.

Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande de centraliser les informations préoccupantes au niveau national.

Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande de former les professionnels en milieu scolaire au signalement et/ou à l'information préoccupante ainsi que sur la nécessité d'en transmettre en cas de besoin.

Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande de renforcer la sensibilisation des médecins et plus généralement de garantir la protection des professionnels qui opèrent un signalement.

Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de réfléchir à la création d'un dispositif national des signalements et des informations préoccupantes, qui serait accessible à tous les professionnels habilités.

Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande de renforcer les moyens humains et financiers nécessaires à la protection de l'enfance.

- elle recommande notamment de donner des moyens afin que les mesures judiciaires d'investigation éducative puissent être exécutées.

Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande d'étendre les recommandations de la Haute Autorité de santé relatives à la prise en charges de la mort inattendue du nourrisson (MIN) en modifiant sa dénomination, aux enfants âgés jusqu'à six ans.

Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande de réfléchir à la mise en place de pôles judicaires spécialisés dans les violences faites aux enfants, sur le modèle de ce qui a été fait pour les violences intrafamiliales, impliquant nécessairement tous les acteurs judiciaires et les services concernés.

(1) La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance avait fait disparaître la notion de maltraitance de la définition de la mission du dispositif de protection.

(2) V. article L. 119-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF).

(3) Article 371-1 alinéa 3 du code civil modifié par la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires.

(4) Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs, JUSD2308092C.

(5) Adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989.

(6) Déc. 2018-768 QPC du 21 mars 2019 et 2019-797 du 26 juillet 2019.

(7) Ces divers types d'actes de maltraitance, conduisant ou non à la mort de l'enfant, répondent à des qualifications pénales précises dont une liste -non exhaustive- figure infra en note 114.

(8) Au-delà des cas très particuliers d'enfants ou adolescents dits « placards » ou d'enfants victimes de meurtres avec toute leur famille comme dans certains faits divers emblématiques. V. par exemple, l'affaire Jean-Claude Romand : en 1993, Romand a tué sa femme, ses deux enfants ainsi que ses parents car, après leur avoir menti 18 ans notamment sur son activité professionnelle, il était sur le point d'être découvert. Il a été reconnu coupable de meurtres aggravés et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de 22 ans de période de sûreté, par la cour d'assises de l'Ain, le 2 juillet 1996.

(9) Etant précisé que l'enfant à naître n'est pas considéré par la Cour de cassation comme « autrui ». Cass. AP, 29 juin 2001, n° 99-85.973 : dans cette affaire, la Cour a rappelé que l'article 221-6 du code pénal, qui définit l'homicide involontaire, ne s'applique pas au fœtus in utero.

(10) N° DGOS/R3/2023/44 du 19 avril 2023 relative à la diffusion du cahier des charges des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson.

(11) Voir la classification du prof. P. Resnick in P. Resnick : Murder of the newborn : a psychiatric review of neonaticide, American journal of psychiatry 1970, vol. 126, n° 10, p. 1414.

(12) Les jumeaux ou les enfants porteurs de handicaps lourds étaient tués en raison du poids qu'ils représentaient pour les familles. V. Gordan, S.S. (1998). Mothers who kill their children. Circles : Buff. Women's JL & Soc. Pol'y, 6, 86.

(13) Une étude réalisée en France a ainsi démontré une corrélation statistique entre la diminution des affaires pénales d'infanticides et l'augmentation des avortements. Jacques LÉAUTÉ, Recherches sur l'infanticide (1955-1965), Paris, Librairie Dalloz, 1968.

(14) Ancian Julie , Les violences inaudibles. Récits d'infanticides, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2022, 256 p.

(15) A cet égard, dans l'affaire Véronique Courjault, dite « affaire des bébés congelés », l'auteure des faits n'est pas représentative des auteures de néonaticide.

(16) Voir § 2.1.6.1. Les néonaticides constituent un phénomène sous-estimé- Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles - Evaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l'enfance. C.Compagnon et N.Durand (IGAS) - B.del Volgo, F.Neymarc et I.Poinso (IGJ) - F.Thomas et E.Liouville (IGAENR), 2018.

(17) La sociologue Julie Ancian parle de « grossesse catastrophique » : ANCIAN, Julie. « Grossesses sous contraintes. L'invisibilisation des inégalités sociales de santé dans les procès de néonaticide », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 236-237, n° 1-2, 2021, pp. 40-53.

(18) Hémorragies intracrâniennes sous la forme le plus souvent d'hématomes sous-duraux, parfois d'hémorragies sous-arachnoïdiennes, hémorragies rétiniennes qui expliquent qu'une conséquence fréquente d'un secouement est la cécité, lésions cérébrales dues à des œdèmes cérébraux et à des déchirures axonales.

(19) A noter que les chiffres ont crû de manière alarmante avec la crise sanitaire ; de plus, le peu de places en crèches et le décret du 29 juillet 2022 autorisant les structures accueillant des enfants à employer du personnel non diplômé ont pu favoriser cette augmentation.

(20) Laurent-Vannier Anne ; Les secouements étant souvent commis par la personne la moins familiarisée avec la garde du bébé, les assistantes maternelles auteures de ces faits les commettent généralement dans les premiers jours ou les premières semaines de la garde, soit au domicile parental soit chez elles. A l'inverse, les études montrent que les mères, même si elles sont souvent celles qui passent le plus de temps avec le nourrisson, sont le groupe d'auteurs le moins concerné. La répartition des auteurs varie en fonction du mode de vie et du pays. Par exemple, aux Etats-Unis, les études indiquent une prédominance d'hommes, pères, beaux-pères ou nouveaux compagnons de la mère. En France, les assistantes maternelles, tout comme les pères, sont parmi les auteurs les plus fréquents. Une explication possible est que les mères reprennent souvent le travail très tôt après la naissance et confient un enfant en très bas âge, susceptible de beaucoup pleurer. Recommandations pour la pratique clinique : « Interventions pendant la période périnatale ». Chapitre 10 : Le syndrome du bébé secoué (SBS) ou traumatisme crânien non accidentel par secouement. [Rapport de recherche] Collège national des sages-femmes de France.

(21) Syndrome du bébé secoué, Halte au dénialisme, Anne Laurent Vannier, AJ pénal, avril 2022 : https://sfip-radiopediatrie.org/wp-content/uploads/2022/05/Syndrome-du-bebe-secoueHalte-au-denialisme-A-LAURENT-VANNIER-2022-04-06-pratiques.pdf.

(22) CE - Section du contentieux, 7 juillet 2021, n° 2021/438712.

(23) Voir HAS - SOFMER « Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement. Actualisation des recommandations de la commission d'audition de 2011. Méthode : Recommandations pour la pratique clinique. TEXTE DES RECOMMANDATIONS - juillet 2017.

(24) Blair PS, Byard RW, Fleming PJ. unexpected death in infancy (SUDI) : suggested classification and applications to facilitate research activity. Forensic Sci Med Pathol. 2012 Sep ; 8(3) : 312-5. doi : 10.1007/s12024-011-9294-x.

(25) « Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles - Evaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l'enfance », C.Compagnon et N.Durand (IGAS) - B.del Volgo, F.Neymarc et I.Poinso (IGJ) - F.Thomas et E.Liouville (IGAENR), 2018.

(26) Article 1er de la Convention internationales des droits de l'enfant des Nations unies du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 7 août 1990.

(27) Difficulté pointée également au niveau international par l'Organisation mondiale de la santé https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/child-maltreatment.

(28) Direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale.

(29) A noter toutefois que le SSMSI a fourni des données relatives aux homicides dans un cadre intrafamilial (IF) et non intrafamilial (non IF).

(30) La NATINF est la nomenclature des natures d'infraction (NATure d'INFraction), définie par le ministère de la Justice. Elle est utilisée par l'ensemble des services judiciaires et des administrations notamment pour enregistrer une procédure, assurer le suivi statistique, etc.

(31) C'est pourquoi certaines données détaillant les NATINF des victimes repérées par les index d'homicides et de tentatives d'homicides font apparaître quelques très rares cas de NATINF ne correspondant pas à des homicides.

(32) La CNCDH regrette que ces résultats n'aient pu être obtenus qu'en cumulant les données sur sept ans, la faiblesse des effectifs et l'évolution dans la fiabilisation des statistiques produites ne permettant pas de disposer de statistiques annuelles robustes sur ce champ des homicides de mineurs, avec le niveau de détail attendu.

(33) A noter que la délégation aux victimes est dorénavant rattachée à la direction nationale de la police judiciaire.

(34) Direction des affaires criminelles et des grâces.

(35) Chaine applicative supportant le système d'information orienté procédure pénale et enfants.

(36) La NATINF est la nomenclature des natures d'infraction (NATure d'INFraction), définie par le ministère de la justice. Elle est utilisée par l'ensemble des services judiciaires et des administrations notamment pour enregistrer une procédure, assurer le suivi statistique, etc.

(37) En format papier, toutes les cases idoines ne sont souvent pas remplies.

(38) L'article 81 du code civil dispose que : « Lorsqu'il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d'autres circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l'inhumation qu'après qu'un officier de police, assisté d'un docteur en médecine ou en chirurgie, aura dressé procès-verbal de l'état du cadavre et des circonstances y relatives, ainsi que des renseignements qu'il aura pu recueillir sur les prénoms, nom, âge, profession, lieu de naissance et domicile de la personne décédée. »

(39) Ce taux est en très légère augmentation depuis deux ans (passant de 3,6 pour mille en 2020 à 3,9 pour mille en 2022), entre 2 600 et 2 700 décès par an. En 2018, l'INSEE estimait que ces variations permettaient de conclure à une relative stabilité du taux de mortalité infantile (https://www.insee.fr/fr/statistiques/3560308). Dans cette note, l'INSEE rappelait que la mortalité infantile se concentre dans les premiers jours de la vie : la moitié des enfants décédés avant leur premier anniversaire ont vécu moins d'une semaine. La note souligne également des tendances qui semblent toujours d'actualité avec une mortalité infantile la plus élevée dans les DOM.

(40) Milène Lestrade, Quentin Menage. Repérage des signes cliniques de violences faites aux enfants en soins primaires : une revue de littérature. Médecine humaine et pathologie. 2021 ; dumas-03554462.

(41) Le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) recueille des données pour l'ensemble des hospitalisations ayant lieu sur le territoire français avec pour finalité le financement des établissements de santé (tarification à l'activité), et l'organisation de l'offre de soins (planification).

(42) V. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2019, n° 26-27, p. 533-540, Paget Louis-Marie, Gilard-Pioc Séverine, Quantin Catherine, Cottenet Jonathan, Beltzer Nathalie ; Santé publique France, Saint-Maurice, France.

(43) Voir Haute Autorité de santé. Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement. Recommandation de bonnes pratiques. [Internet]. Saint-Denis : HAS. Mis en ligne le 29 septembre 2017. https://www.has-sante.fr/ portail/jcms/c_2794425/fr/syndrome-du-bebe-secoue-ou- traumatisme-cranien-non-accidentel-par-secouement : selon la HAS environ 20 % des enfants victimes de TCIS décèdent chaque année et 75 % présentent des séquelles sur le long terme.

(44) Lãzãrescu A, Benichi S, Blauwblomme T, et al. Abusive Head Trauma in Infants During the COVID-19 Pandemic in the Paris Metropolitan Area. JAMA Netw Open. 2022 ; 5(8) : e2226182.

(45) Parmi les 99 nourrissons inclus dans l'étude et atteints de SBS, les signes de gravité des violences infligées étaient très fréquents : 87 % avaient une rupture des veines ponts, 75 % des hémorragies rétiniennes, 32 % des fractures, 26 % un état de mal épileptique, et 13 % sont décédés.

(46) ONPE, « Le suivi de la mise en place des indicateurs d'activité des CRIP », note d'actualité, juin 2021.

(47) Sur 35 départements, six n'ont pas communiqué d'informations sur cet indicateur, tandis que 14 ont respecté les modalités des indicateurs socles, dont 5 ont fourni des détails supplémentaires. Parmi ces 14 départements, l'examen des principales sources d'informations préoccupantes (IP) indique que l'éducation nationale est la première source dans sept départements et la deuxième dans six autres. En plus de cette prédominance, des variations notables sont observées, comme la police/gendarmerie en deuxième ou troisième position dans trois départements, les professionnels de la santé en troisième ou quatrième position dans deux départements, et le 119 en quatrième position dans un département. Ces différences pourraient refléter des pratiques spécifiques ou la prise en compte des évolutions dans les formes de maltraitance, justifiant une enquête qualitative supplémentaire approfondie.

(48) Dont le rôle est de traiter les Informations préoccupantes (IP) en évaluant la situation pour déclencher ensuite des mesures de protection et, selon la gravité, transmettre un signalement auprès du Procureur de la République.

(49) Voir : https://www.allo119.gouv.fr/presentation.

(50) Les 1 000 premiers jours de l'enfant, période de vie qui court de la grossesse aux deux ans révolus de l'enfant, est un concept scientifique mettant en évidence une période clef pour le développement de l'enfant durant laquelle peuvent être posées certaines fondations de sa vie, pour lui et pour l'adulte qu'il deviendra.

(51) https://www.federationsolidarite.org/actualites/1-000-premiers-jours-de-lenfant-un-an-apres-le-rapport-dexperts-quelles-evolutions-pour-la-politique-publique-de-la-petite-enfance/.

(52) Dans certains départements les critères de mise en place d'un suivi par la PMI peuvent être : la minorité de la femme enceinte, le fait que la femme soit déjà suivie et ait un nombre important d'enfants, l'absence d'un numéro de sécurité sociale propre, etc.

(53) L'article L. 2122-1 du code de la santé publique précise les examens prénataux et postnataux obligatoires prescrits dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse. Le suivi comprend : sept examens prénataux, un entretien prénatal précoce obligatoires, sept séances de préparation à la naissance et la parentalité, trois échographies, un bilan prénatal de prévention et un bilan bucco-dentaire.

(54) Article L. 533-1 du code de la sécurité sociale : « Le versement de la prime à la naissance est subordonné à la justification de la passation du premier examen prénatal médical obligatoire de la mère ».

(55) Voir par exemple : https://www.levillage2sante.fr/.

(56) Mis en place par la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Un 257 entretien peut être proposé, entre les 10e et 14e semaines qui suivent l'accouchement aux femmes qui sont dans les situations suivantes : 1er accouchement, femmes pour lesquelles ont été constatés des signes de la dépression du post-accouchement ou l'existence de facteurs de risques.

(57) Réaction causée par l'ensemble des changements physiques, hormonaux et psychologiques liés à l'accouchement. V. le manuel MSD sur la définition du baby blues et de la dépression post-partum : https://www.msdmanuals.com/fr/professional/gyn%C3%A9cologie-et-obst%C3%A9trique/soins-du-post-partum-et-troubles-associ%C3%A9s/d%C3%A9pression-du-post-partum.

(58) La dépression post-partum peut se développer dans les semaines qui suivent l'accouchement. Elle apparaît après le 6e jour et, pour être considérée comme liée au post-partum, elle doit se manifester avant la 6e semaine de ce dernier.

(59) La durée de séjour standard a été définie par la Haute Autorité de santé comme une durée d'hospitalisation de 72 à 96 heures après un accouchement par voie basse et de 96 heures à 120 heures après un accouchement par césarienne ; mais il est fréquent que les femmes quittent la maternité plus tôt, dès 48 heures, après un accouchement par voie basse et sans complication.

(60) Le dispositif PRADO (Parcours de soins de retour à domicile) propose un accompagnement à domicile pour les mères après leur accouchement, lorsque l'hospitalisation n'est plus nécessaire. Une sage-femme, choisie par la mère, assure la prise en charge à domicile. Ce service s'étend également aux « sorties précoces » avec la généralisation de l'accompagnement par la sage-femme lors des retours précoces au domicile.

(61) Voir l'association d'information d'entraide et mosellane qui accueille des femmes enceintes et des jeunes mères, afin de les entourer pendant un certain temps : http://www.association-aiem.fr/aiem-presentation/.

(62) Voir CNCDH Avis sur le respect de la vie privée et familiale en protection de l'enfance : un droit fondamental difficilement assuré dans un dispositif en souffrance, adopté le 26 mai 2020, JORF n° 0132 du 31 mai 2020, texte n° 99, Avis sur les 30 ans de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant La convention au regard de la construction de l'enfant, adopté le 21 novembre 2019, JORF n° 0279 du 1er décembre 2019, texte n° 54 ; Avis relatif au suivi des recommandations du Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels adressées à la France, adopté le 6 juillet 2017, JORF n° 0254 du 29 octobre 2017, texte n° 39.

(63) Idem.

(64) CEDH, 13 oct. 2015, S.H. c/ Italie, n° 52557/14 et CEDH, 28 février 2019, M. Khan/France, n° 12267/16.

(65) Article R. 421-24 du CASF.

(66) Article L. 421-6 du CASF.

(67) Article 222-45, 3° du code pénal.

(68) Voir M.-F. Morel, Le corps du bébé dans l'histoire, Spirale 2015/2 (N° 74), pages 72 à 82 : jusqu'aux années 70, les bébés de moins de quatre jours étaient opérés sans anesthésie. Les plus grands étaient opérés des amygdales et des végétations sans anesthésie, ce qui nécessitait une forte contention.

(69) La circulaire du 15 mai 1997 rappelle que les professionnels de l'éducation nationale participent de manière effective à la lutte contre la maltraitance en prévoyant qu'étant en contact permanent avec les enfants, ils ont une obligation de vigilance et doivent être informés des signes révélateurs de maltraitance, mauvais traitements et atteintes sexuelles, et des comportements à adopter lorsque le cas se présente.

(70) https://www.cafepedagogique.net/2023/11/28/lecole-grande-absente-du-plan-de-lutte-contre-les-violences-faites-aux-enfants/?utm_campaign=Lexpresso_28-11-2023_1&utm_medium=email&utm_source=Expresso.

(71) Dans l'Eure, une affaire a conduit à la suspension administrative de la directrice d'une école : une enfant de 3 ans couverte de bleus, absente depuis une semaine, a été tuée par ses parents. : https://www.liberation.fr/societe/police-justice/infanticide-dans-leure-ce-que-lon-sait-de-la-mort-de-la-fillette-de-3-ans-recouverte-de-bleus-20230927_AMRCEX54EBDABHXYRBNLK3QXNE/.

(72) Voir la fiche réflexe créée par la Voix de l'enfant à l'attention des enseignants (en annexe).

(73) L'article L. 131-8 du code de l'éducation dispose que « Lorsqu'un enfant manque momentanément la classe, les personnes responsables doivent, sans délai, faire connaître au directeur ou à la directrice de l'établissement d'enseignement les motifs de cette absence… ».

(74) 700 médecins scolaires sont en activité sur le territoire national (le SNMSU représente 200 adhérents sur les 700) pour 13 millions d'élèves. Il y a aussi des infirmiers de l'éducation nationale, qui sont plusieurs milliers (1 à mi-temps par collège et 1 temps plein par lycée, et infirmiers détachés des collèges pour les écoles). Les postes d'infirmiers sont relativement bien pourvus, mais il existe des difficultés de recrutement depuis 1 ou 2 ans.

(75) En Moselle, il y a deux assistantes sociales pour les écoles en REP + dans tout le département.

(76) Le guide de protection de l'enfance de l'Académie de Normandie mentionne quatre étapes de transmission avant qu'une IP parvienne à la CRIP.

(77) La CNCDH note avec intérêt la signature de la convention entre la direction des services départementaux de l'éducation nationale, le conseil départemental et le parquet d'Amiens sur la prise en charge coordonnée des violences et maltraitances révélées en milieu scolaire. Dans le cadre de cette convention, un partenariat visant à améliorer la protection de l'enfance en luttant contre les maltraitances en milieu scolaire a été établi. Chaque institution s'est engagée à travailler ensemble en désignant des référents spécifiques chargés de faciliter la communication. Ces référents se réunissent régulièrement, toutes les six semaines.

(78) Formation des personnels dans le domaine de la protection de l'enfance. https://eduscol.education.fr/1019/formation-des-personnels-dans-le-domaine-de-la-protection-de-l-enfance?menu_id=1223 ; Enfants en danger : comment les repérer ? Que faire ? https://eduscol.education.fr/1013/enfants-en-danger-comment-les-reperer-que-faire?menu_id=1217.

(79) Voir article L. 119-1 Casf.

(80) https://www.allo119.gouv.fr/presentation.

(81) Le protocole NICHD (National Institute of child health and human development) a été développé pour traduire les recommandations de la recherche en des étapes opérationnelles à travers des interview d'enfants âgés de 4 à 12 ans, potentiellement victimes d'agression sexuelle. Celui-ci peut toutefois être utilisé pour toute rencontre avec un enfant qui a vécu d'autres formes de maltraitance (sévices, témoin de violence conjugale) ou qui a été témoin d'un crime.

(82) Créé en 1986, ce centre de formation, situé au Fort de Rosny à Rosny-sous-bois (93), a pour missions d'apporter une formation judiciaire, générale et technique, et de participer au positionnement de la gendarmerie en police judiciaire. Le centre forme plus de 2 000 officiers et sous-officiers par an. La formation sur les auditions de mineurs victimes est rattachée à la Section enseignement techniques spéciales d'enquêtes et forme environ 200 stagiaires par an.

(83) Approuvée notamment par la CIIVSE, Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

(84) L'article 706-47 vise les infractions suivantes : crimes de meurtre ou d'assassinat prévus aux articles 221-1 à 221-4 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur un mineur ou lorsqu'ils sont commis en état de récidive légale, crimes de tortures ou d'actes de barbarie prévus aux articles 222-1 à 222-6 du même code et crimes de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente prévus à l'article 222-10 dudit code, crimes de viol prévus aux articles 222-23 à 222-26 du même code et délit prévu à l'article 222-26-1 du même code, délits d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-27 à 222-33 du même code, délits et crimes de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur prévus aux articles 225-4-1 à 225-4-4 du même code, délit et crime de proxénétisme à l'égard d'un mineur prévus au 1° de l'article 225-7 et à l'article 225-7-1 du même code, délits de recours à la prostitution prévus aux articles 225-12-1 et 225-12-2 du même code, corruption de mineur prévu à l'article 227-22 du même code, etc.

(85) L'article D. 1er-7 du code de procédure pénale prévoit des mesures de protection spécifiques des victimes d'infractions, à savoir que « chaque audition de la victime a lieu dans des locaux conçus ou adaptés à sa situation ; lorsqu'il s'agit de violences sexuelles, elle est entendue par des enquêteurs spécialement formés à ces infractions ou avec l'aide d'enquêteurs ayant reçu cette formation et enfin elle est entendue à chaque audition par les mêmes enquêteurs ».

(86) L'article D. 1er-8 dispose que « L'autorité qui procède à l'audition de la victime peut décider de ne pas appliquer une ou plusieurs mesures de protection spécifiques mentionnées à l'article D. 1er-7 si leur octroi est de nature à faire obstacle au bon déroulement de l'enquête, notamment lorsqu'il est nécessaire de procéder en urgence à l'audition de la victime. »

(87) Article 375-1 du code civil.

(88) CNCDH, Avis sur le respect de la vie privée et familiale en protection de l'enfance : un droit fondamental difficilement assuré dans un dispositif en souffrance, adopté le 26 mai 2020.

(89) Aux termes de l'art.434-3 du code pénal « Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n'ont pas cessé est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Lorsque le défaut d'information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. »

(90) Conseil de l'Europe, Recommandation CM/Rec(2023)8 du comité des ministres aux Etats membres sur le renforcement des systèmes de signalement des cas de violence à l'égard des enfants (adoptée par le comité des ministres le 6 septembre 2023, lors de la 1 473e réunion des délégués des ministres).

(91) Aux termes de l'article R. 226-2-2 du CASF, « l''information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d'un mineur, bénéficiant ou non d'un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être. La finalité de cette transmission est d'évaluer la situation d'un mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. »

(92) « Guide à destination des professionnels », Alice Barbe, Substitut du procureur près le tribunal judiciaire de Rennes.

(93) Article L. 221-3 CASF.

(94) Une simple question administrative relative, par exemple, à l'adresse ou au numéro de sécurité sociale d'un parent peut ainsi révéler une défaillance et apparaître comme un signal d'alerte.

(95) A Paris, il existe un magistrat référent santé formé en matière médicale pour reconnaître les syndromes traumatiques de l'enfant ; il est le référent des trois hôpitaux pédiatriques parisiens (une réunion trimestrielle dénommée « cellule maltraitances » se tient dans les hôpitaux, avec les médecins de l'hôpital, la CRIP et le médecin de la CRIP pour discuter de situations qui ont dysfonctionné, et d'autres situations d'enfants dont on soupçonne qu'ils sont maltraités).

(96) Voir les articles 226-13 et suivants du code pénal.

(97) Voir not. Bruno Py, 100 ans de secret professionnel, Droit et santé, 2021, n° 100, p. 230 ; Audrey Irastorza, La difficile levée du secret médical pour le soignant encore compliquée par la loi du 30 juillet 2020, Journal du droit de la santé et de l'assurance maladie (JDSAM) 2021/3, n° 30, p.61.

(98) S. Cantéro et M. Balençon, pédiatrie médico-légale (éd. Elsevier, 2020).

(99) Telles que la délivrance d'un certificat de complaisance, l'immixtion dans les affaires familiales et la rupture du secret médical.

(100) Code de déontologie médicale et ses commentaires, article 44 - Sévices, 2022, p.187.

(101) V. notamment conclusions R. Chambon, CE 19 mai 2021 n° 431 352.

(102) Voir article 226-14 al. dernier du code pénal. CE, 5 juillet 2022, n° 448 015.

(103) Voir Le Monde, 27 octobre 2023, « Les commissariats de police saturés par 2,7 millions de procédures en souffrance » ; https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/26/les-commissariats-de-police-satures-par-2-7-millions-de-procedures-en-souffrance_6196533_3224.html.

(104) Exemple : la mise en œuvre des mesures judiciaires d‘investigations éducatives par la protection judiciaire de la jeunesse ou des associations habilitées nécessitent plusieurs mois d'attentes : 6 à 8 mois voire jusqu'à 1 an en Seine-Saint-Denis.

(105) La mesure ordonnée est une mesure administrative d'action éducative à domicile (AED).

(106) CNCDH, Avis sur le respect de la vie privée et familiale en protection de l'enfance : un droit fondamental difficilement assuré dans un dispositif en souffrance, adopté le 26 mai 2020, JORF n°0132 du 31 mai 2020, texte n° 99.

(107) La mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) est une mesure civile ordonnée par un magistrat pour recueillir des informations sur la personnalité d'un mineur, sa situation familiale et sociale, ainsi que les actes qu'il pose ou subit. Elle vise à aider le juge des enfants à évaluer les risques pour le mineur (article 1 183 du code de procédure civile).

(108) https://www.has-sante.fr/jcms/c_533467/fr/prise-en-charge-en-cas-de-mort-inattendue-du-nourrisson-moins-de-2-ans#ancreDocAss.

(109) Voir instruction n° DGOS/R3/2023/44 du 19 avril 2023 relative à la diffusion du cahier des charges des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson, Bulletin officiel santé-protection sociale-solidarité n° 2023/8 du 28 avril, p212-226 : https://sante.gouv.fr/fichiers/bo/2023/2023.8.sante.pdf.

(110) Il convient de noter que pour certains procureurs, le décès qui survient en dehors du domicile familial est automatiquement suspect et constitue un obstacle médico-légal.

(111) Selon l'instruction du 19 avril 2023, le corps est alors transféré au Centre de recherche sur les MIN (CRMIN) « pour la réalisation de la première phrase d'investigations cliniques et paracliniques, sur décision du procureur de la République, immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire ».

(112) Le terme d'infanticide vient du latin « infans », désignant l'enfant qui ne parle pas, et « caedere », signifiant le fait de tuer.

(113) Getti, Jean-Pierre. « Un traitement judiciaire de l'infanticide », Perspectives Psy, vol. 46, no. 2, 2007, pp. 115-118.

(114) Par exemple : aux termes de l'article 221-4 du code pénal, le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans (voir. le jeu de la période de sûreté prévu par l'article 132-23 code pénal). Selon l'article 221-3, al.1, l'assassinat (meurtre commis avec préméditation ou guet-apens) est puni également de la réclusion criminelle à perpétuité, mais aux termes de l'alinéa 2, lorsque la victime est un mineur de quinze ans et que l'assassinat est précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, la période de sûreté peut être portée à 30 ans. Aux termes de l'article 222-8, les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur, sont punies de 30 ans de réclusion criminelle, outre le jeu précité de l'article 132-23 CP. Plus généralement, toutes les violences volontaires, graduées selon l'importance du préjudice subi, sont aggravées par la minorité de 15 ans de la victime (articles 222-7 précité à 222-13 code pénal). Les violences habituelles sur un mineur de 15 ans, suraggravées par rapport aux précédentes, relèvent de l'article 222-14 et sont également punies en fonction de la gravité du préjudice subi. En ce de décès non voulu de l'enfant la peine encourue est de 30 ans de réclusion criminelle au lieu de 20 ans pour des violences non habituelles. Enfin, les tortures et actes de barbarie, summum de la violence, sont punies eux aussi plus ou moins gravement en fonction de la gravité du préjudice subi et de la qualité de la victime : par ex. commises sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité, ils sont punis de 30 ans de réclusion (article 222-4 avant dernier alinéa code pénal) : lorsqu'ils entrainent la mort non voulue de la victime, elles sont punies de la réclusion à perpétuité quelle que soit la qualité de ladite victime (article 222-6, al. 1er). Toutes ces infractions sont régalement régies par l'article 132-23 code pénal relatif à la période de sûreté.

(115) Voir le livre deuxième du code pénal (des crimes et délits contre les personnes).

(116) Article 122-1, alinéa 2 du code pénal.

(117) Voir AJ Pénal, J.Ancian, 2023 p. 373 « L'apport de la sociologie à la compréhension des néonaticides ». Par exemple, au Canada, la peine encourue est de cinq ans d'emprisonnement ; en Autriche, le code pénal s'applique à la période « de la naissance » ou « pendant les effets de la naissance » sur la mère et la peine encourue est limitée de six mois à cinq années d'emprisonnement (au lieu de cinq à dix ans pour un meurtre non prémédité et vingt ans pour un meurtre prémédité) ; en Italie, le code pénal condamne l'infanticide après ou pendant l'accouchement d'une peine d'emprisonnement de quatre à douze ans.

(118) Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour d'assise de la Gironde en 2012, une jeune mère a été acquittée après un déni de grossesse qui l'avait conduite à placer son nouveau-né dans un bac à recyclage. En raison du déni de grossesse, il a été considéré que l'accusée avait souffert d'un « état de détresse absolue » qui avait aboli son discernement au moment des faits ». D'autres affaires donnent lieu à des requalifications telles que la privation de soins ayant entraîné la mort, et donc à des peines moindres.

(119) Article 222-8 du code pénal.

(120) Et non une infirmité permanente. La qualification à retenir est plutôt celle de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Cependant, la qualification d'infirmité permanente étant généralement établie beaucoup plus tard, lors du procès, il est rare d'avoir le recul nécessaire pour savoir si l'on est en présence d'une incapacité de travail ou d'une infirmité permanente.

(121) https://enfantbleu.org/wp-content/uploads/2023/11/Livre-blanc-II-LEnfant-Bleu-2023.pdf.

(122) « Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles - Evaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l'enfance », C. Compagnon et N. Durand (IGAS) - B. del Volgo, F. Neymarc et I. Poinso (IGJ) - F. Thomas et E. Liouville (IGAENR), 2018.

(123) Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs, JUSD2308092C.

(124) La circulaire implique notamment qu'une remontée systématique d'informations soit demandée lorsque les faits ont été commis dans le cadre familial ou institutionnel et que les procureurs mettent en place un retour d'expérience (RetEx) dans ce type d'affaires (comprenant tous les intervenants de la procédure) - dans l'idée le but d'identifier les marges de progression et d'amélioration.

(125) « Mission sur les morts violentes d'enfants au sein des familles » - précitée.

(126) Articles 373-2 et 373-6-2 du code civil ; article 18 de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies (CIDE).

(127) Articles 131-26-1 et suivants du code pénal et 763-1 et suivants du code de procédure pénale.

(128) Article 706-3 du code de procédure pénale. V. Civ.2e 8 février 2018, n° 17-12.516.

(129) Il s'agit d'opérer délibérément une confusion sur les termes médicaux, de proposer des diagnostics alternatifs fallacieux et de remettre en cause les recommandations de la HAS émises en 2011, actualisées en 2017 et pourtant validées par le Conseil d'Etat (v. Section du contentieux, 7 juillet 2021, n° 2021/438712).

(130) C. Adamsbaum and L. Coutellec, Le syndrome du bébé secoué (SBS), l'enjeu de la fiabilité face à la fabrique de l'ignorance, Bull.Acad. Natl. Med., https://doi.org/10.1016/j.banm.2022.06.016.

(131) Article 221-5-5 du code pénal. De même, l'article 378 du code civil prévoit le retrait facultatif partiel ou total de l'autorité parentale, par le jugement pénal, aux pères et mères condamnés comme auteurs, co-auteurs ou complices d'un crime ou d'un délit commis sur leur enfant. Quant à l'article 378-1 du même code, il permet au juge civil le retrait total de l'autorité parentale aux parents qui, même sans condamnation pénale, infligent de « mauvais traitements » à leurs enfants au point de compromettre sérieusement, entre autres, leur sécurité ou leur santé.

(132) Proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales.

(133) Actuellement, aux termes de l'article 378-2 du code civil, cette suspension de plein droit ne s'applique qu'au conjoint poursuivi du chef de violences conjugales.