L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications ;
Vu la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;
Vu le code des postes et télécommunications, et notamment son article L. 36-5 ;
Vu l'avis no 99-582 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 7 juillet 1999 sur les décisions tarifaires de France Télécom no 99077 E relative à la création des services Netissimo et Turbo IP et no 99078 E relative à l'expérimentation du service Turbo LL ;
Vu l'avis no 2000-28 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 7 janvier 2000 relatif à la demande d'avis du Conseil de la concurrence sur la saisine et la demande de mesures conservatoires présentées par 9 Télécom relatives à certaines pratiques de France Télécom sur le marché des services d'accès à Internet haut débit via les technologies xDSL ;
Vu l'avis no 2000-347 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 5 avril 2000 sur l'avant-projet de loi relatif au dégroupage de la boucle locale ;
Vu l'avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications en date du 12 juillet 2000 sur l'avant-projet de décret modifiant le code des postes et télécommunications et relatif à l'accès à la boucle locale ;
Vu la demande d'avis du secrétariat d'Etat à l'industrie, reçue le 7 juillet 2000 ;
France Télécom, représentée par son président M. Michel Bon, et l'AFOPT, représentée par son président M. Richard Lalande, ayant été entendues le 18 juillet 2000 ;
Après en avoir délibéré le 21 juillet 2000,
L'avant-projet de décret, transmis pour avis à l'Autorité, a pour objet de modifier la partie Réglementaire du code des postes et télécommunications, afin d'y insérer des dispositions spécifiques relatives au dégroupage de la boucle locale.
I. - Le contexte
L'Autorité a eu l'occasion à plusieurs reprises de souligner l'importance de la mise en place du dégroupage de la boucle locale.
Depuis l'ouverture à la concurrence du marché des télécommunications au 1er janvier 1998, les opérateurs alternatifs n'ont majoritairement développé qu'une activité liée à l'acheminement et à la fourniture du service téléphonique longue distance. Au fur et à mesure du déploiement d'infrastructures de transmission par les opérateurs, de nombreuses offres, rendues disponibles par la sélection du transporteur et l'interconnexion au réseau de France Télécom, ont vu le jour au bénéfice des consommateurs.
Sur le marché de la boucle locale, estimé à 56 milliards de francs en 1999, l'ouverture à la concurrence est restée limitée au déploiement de boucles optiques de raccordement d'entreprises sur des zones à fort potentiel et au développement sur le câble de services d'accès à Internet et de services téléphoniques ; la concurrence devrait néanmoins s'intensifier avec l'attribution des licences de boucle locale radio.
Toutefois, le déploiement de ces infrastructures alternatives se réalisera sans doute, en raison des investissements qu'il implique, de manière progressive. Dans ces conditions, et de manière complémentaire, l'utilisation du réseau local existant présente un intérêt majeur pour stimuler la concurrence sur le marché de la boucle locale.
Par ailleurs, les technologies xDSL, qui permettent la fourniture, sur les lignes téléphoniques, de services à haut débit, sont aujourd'hui parvenues à maturité. Comme l'Autorité l'a souligné dans son avis no 99-582 du 7 juillet 1999 relatif aux services Netissimo et Turbo IP ainsi que dans son avis au Conseil de la concurrence no 2000-28 en date du 7 janvier 2000 relatif à la saisine de 9 Télécom, l'utilisation de la boucle locale existante permettra aux opérateurs de fournir, dans des délais raisonnables, des offres innovantes au plus grand nombre ; en particulier, elle contribuera de manière significative à la généralisation de l'accès à Internet à haut débit en France et au développement de la société de l'information.
Au niveau communautaire, le Conseil européen, qui s'est tenu les 23 et 24 mars 2000 à Lisbonne, a appelé les Etats membres à « oeuvrer avec la Commission, en vue d'introduire une concurrence accrue au niveau de l'accès local au réseau avant la fin de l'an 2000 et de dégrouper les boucles locales de manière à permettre une réduction substantielle des coûts de l'utilisation d'internet ». C'est dans cette perspective que la Commission a adopté le 26 avril 2000 une recommandation (COM2000 1059) demandant aux Etats membres de « prendre les mesures législatives et réglementaires appropriées, pour que le dégroupage total de l'accès à la boucle locale soit obligatoire au plus tard le 31 décembre 2000 » et qu'une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale (COM2000 394) vient d'être adoptée le 12 juillet 2000 par la Commission. A cet égard, notamment l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, le Danemark et les Pays-Bas disposent aujourd'hui d'un cadre réglementaire obligeant l'opérateur historique à fournir l'accès à la boucle locale.
En France, l'Autorité a, depuis plus de deux ans, pris plusieurs initiatives en concertation avec France Télécom et les opérateurs concurrents, pour favoriser une mise en place du dégroupage dans de bonnes conditions. La consultation publique menée en 1999 a permis d'en mesurer les enjeux et de proposer des solutions techniques. Depuis février 2000, la définition des conditions de sa mise en oeuvre détaillée fait l'objet de travaux intensifs dans un groupe de travail associant, sous l'égide de l'Autorité, France Télécom, opérateurs concurrents et industriels ; des expérimentations menées par une trentaine d'acteurs sont actuellement en cours sur plusieurs sites du réseau de France Télécom.
Ainsi, le processus d'introduction du dégroupage en France est significativement avancé sur un plan technique et opérationnel et les acteurs sont aujourd'hui en mesure de préparer leurs futures offres avec l'objectif d'une ouverture commerciale au 1er janvier 2001. L'adoption, à court terme, d'un texte réglementaire définissant le cadre juridique et les principes de mise en oeuvre du dégroupage leur apportera la sécurité juridique et la visibilité nécessaire à la planification de leurs investissements.
L'Autorité rappelle que la boucle locale est détenue dans sa quasi-totalité par France Télécom et que l'introduction de la concurrence sur ce marché ne pourra se faire sans qu'un cadre réglementaire précis n'ait été défini dans lequel pourra s'exercer une régulation souple, efficace et équilibrée. Dans un contexte d'ouverture du marché de même nature que celui des services de téléphonie fixe dont la libéralisation n'a pu se réaliser depuis 1998 que par l'emploi des outils juridiques de la régulation de l'interconnexion, la mise en oeuvre effective du dégroupage de la boucle locale nécessite des outils juridiques de même nature. L'Autorité constate que l'avant-projet de décret place l'accès à la boucle locale sous le régime de l'interconnexion. Ce texte reprend l'ensemble des dispositions du projet de loi sur lequel l'Autorité avait rendu un avis favorable le 5 avril 2000.
L'Autorité souligne l'importance du présent texte et souhaite que les dispositions nécessaires à sa mise en oeuvre soient prises rapidement en cohérence avec les engagements pris par la France au niveau communautaire.
Avant de formuler des remarques détaillées sur l'avant-projet de décret, l'Autorité souhaite rappeler les principes qui permettront l'introduction du dégroupage de la boucle locale en favorisant la concurrence et l'innovation. Ces principes portent sur les différentes formes d'accès à la boucle locale, notamment l'accès partagé et sur les méthodes de tarification. Ils sont conformes à la proposition de règlement adoptée par la Commission le 12 juillet.
1 version