JORF n°0179 du 5 août 2015

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l'« Autorité ») ;
Vu la directive n° 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), notamment ses articles 6, 7 et 12 ;
Vu la directive n° 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), notamment son article 5 ;
Vu la recommandation n° 2010/572/UE de la Commission européenne du 20 septembre 2010 sur l'accès réglementé aux réseaux d'accès de nouvelle génération (ci-après « recommandation NGA ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 33-6, L. 34-8, L. 34-8-3, L. 36-6 et R. 9-2 à R. 9-4 ;
Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment ses articles L. 111-5-1, R. 111-1 et R. 111-14 ;
Vu l'arrêté du 16 décembre 2011 modifié relatif à l'application de l'article R. 111-14 du code de la construction et de l'habitation ;
Vu la décision n° 2009-1106 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ;
Vu la décision n° 2010-1312 de l'Autorité en date du 14 décembre 2010 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses ;
Vu la décision n° 2012-1503 de l'Autorité en date du 27 novembre 2012 relative à la collecte d'informations concernant les marchés du haut débit fixe et du très haut débit fixe ;
Vu la décision n° 2013-1475 du 10 décembre 2013 modifiant la liste des communes des zones très denses définie par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 ;
Vu la décision n° 2014-0733 en date du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché de gros pertinent des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;
Vu la décision n° 2014-0734 en date du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;
Vu la recommandation de l'Autorité en date du 23 décembre 2009 relative aux modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;
Vu la recommandation de l'Autorité en date du 14 juin 2011 relative aux modalités de l'accès aux lignes à très haut débit en fibre optique pour certains immeubles des zones très denses, notamment ceux de moins de douze logements ;
Vu la recommandation de l'Autorité du 25 avril 2013 sur l'identification des lignes en fibre optique jusqu'à l'abonné ;
Vu la recommandation de l'Autorité du 21 janvier 2014 sur les modalités de l'accès aux lignes à très haut débit en fibre optique pour les immeubles de moins de douze logements ou locaux à usage professionnel des zones très denses ;
Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, lancée le 15 juillet 2014 et clôturée le 26 septembre 2014 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la demande d'avis à l'Autorité de la concurrence en date du 10 décembre 2014 ;
Vu l'avis n° 15-A-04 de l'Autorité de la concurrence en date du 6 février 2015 ;
Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, lancée le 10 décembre 2014 et clôturée le 20 janvier 2015 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la notification à la Commission européenne, à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ci-après « ORECE ») et aux autorités réglementaires nationales du projet de décision sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en date du 22 mai 2015 ;
Vu les observations de la Commission européenne en date du 18 juin 2015 ;
Vu la consultation de la commission consultative des communications électroniques (ci-après CCCE) en date du 26 juin 2015 ;
Après en avoir délibéré le 2 juillet 2015,

TABLE DES MATIÈRES

  1. Objet de la décision
    1.1. Introduction et cadre juridique applicable
    1.1.1. Compétence de l'ARCEP
    1.1.2. Cohérence avec le cadre juridique européen
    1.1.3. Procédure applicable à la présente décision
    1.2. Contexte sur les déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné
    1.2.1. Déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné
    1.2.2. Travaux menés par l'Autorité
    1.2.3. Le groupe Interop'Fibre
    1.2.4. Le besoin d'une plus grande interopérabilité
    1.3. Objectifs poursuivis

  2. Echanges d'informations dans le cadre des déploiements de réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique
    2.1. Principes de mise à disposition de l'information
    2.1.1. Disponibilité dans le temps et pérennisation de l'information
    2.1.2. Notification des informations
    2.1.3. Stabilité et traçabilité
    2.1.4. Préconisations de l'Autorité en matière d'interopérabilité des systèmes d'information
    2.2. Non-discrimination
    2.2.1. Accès à l'information
    2.2.2. Délai de prévenance
    2.2.3. Processus applicable aux immeubles neufs
    2.2.4. Indicateurs de performance
    2.3. Offre d'accès aux lignes
    2.3.1. Publication et diffusion publique de l'offre d'accès
    2.3.2. Niveau de description des processus opérationnels
    2.3.3. Contrôle de l'efficacité opérationnelle sur le traitement des commandes d'accès
    2.3.4. Contrôle de l'efficacité opérationnelle et du délai d'intervention à la suite de la survenance d'un incident sur les lignes actives

  3. Processus de mise à disposition des informations relatives à l'infrastructure du réseau mutualisé
    3.1. Consultations préalables aux déploiements
    3.1.1. Rappel des dispositions existantes
    3.1.2. Périmètre, destinataires et durée des consultations préalables
    3.1.3. Contenu des consultations préalables
    3.1.4. Mise à jour des informations
    3.2. Mise à disposition des informations à la maille de l'immeuble
    3.3. Mise à disposition des informations relatives aux éléments du réseau mutualisé (PRDM, PM, lien PM-PRDM, PBO)
    3.3.1. Processus de mise à disposition des informations relatives aux éléments du réseau mutualisé
    3.3.2. Informations spécifiques aux déploiements multifibres avec fibres dédiées dans les zones très denses
    3.3.3. Chronologie illustrative des processus de mise à disposition des informations relatives à l'infrastructure du réseau mutualisé
    3.3.4. Mise à disposition des ressources associées au point de raccordement distant mutualisé et au lien de raccordement distant

  4. Processus de commande d'accès à une ligne en fibre optique et responsabilité de l'opérateur d'immeuble
    4.1. Identifiant d'une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique
    4.1.1. Propriétés de l'identifiant
    4.1.2. Format de l'identifiant
    4.1.3. Marquage de l'identifiant
    4.2. Responsabilités de l'opérateur d'immeuble
    4.2.1. L'opérateur d'immeuble responsable des lignes en fibre optique jusqu'au dispositif de terminaison intérieur optique
    4.2.2. Réalisation du raccordement final par l'opérateur d'immeuble
    4.2.3. Sous-traitance de l'opération de raccordement final
    4.2.4. Maintenance du réseau
    4.3. Processus de commande d'accès à une ligne en très haut débit en fibre optique
    4.3.1. Les grandes étapes du processus
    4.3.2. Outil d'aide à la prise de commande
    4.3.3. Passage de commande sur lignes existantes

  5. Mise en œuvre de la décision
    5.1. Délais de mise en œuvre
    5.1.1. Dispositions à mettre en œuvre dans un délai de six mois
    5.1.2. Dispositions à mettre en œuvre dans des délais de douze ou de dix-huit mois
    5.2. Suivi de la mise en œuvre
    5.3. Entité commune d'échanges d'informations
    5.4. Envoi des informations à l'ARCEP
    5.5. Révision ultérieure de la présente décision
    Section I. Définitions
    Section II. Principes de mise à disposition de l'information
    Section III. Non-discrimination
    Section IV. Offre d'accès
    Section V. Processus de mise à disposition des informations relatives à l'infrastructure du réseau mutualisé
    Section VI. Processus de commande d'accès à une ligne en fibre optique et responsabilité de l'opérateur d'immeuble
    Section VII. Mise en œuvre de la décision
    Annexe 1. Définitions
    Annexe 2. Liste des opérateurs d'immeuble
    Annexe 3. Consultations préalables
    Annexe 4. Mise à disposition des informations relatives aux déploiements des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique
    Annexe 5. Indicateurs de performance sur le traitement des commandes-opérateurs d'immeuble
    Annexe 6. Outil d'aide à la prise de commande

  6. Objet de la décision
    1.1. Introduction et cadre juridique applicable

Les termes utilisés dans la présente décision dont la première occurrence est suivie d'un astérisque sont définis en annexe 1.
La présente décision concerne les processus techniques et opérationnels mis en œuvre dans le cadre de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. Elle vise à encadrer les modalités définies par les opérateurs d'immeuble (*) pour la mise à disposition des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique aux opérateurs commerciaux (*). Outre les mesures imposées aux opérateurs d'immeuble, l'Autorité formule un certain nombre de recommandations destinées à favoriser une meilleure interopérabilité entre les opérateurs.
La présente décision s'applique à l'ensemble du territoire national, c'est-à-dire à la fois à l'ensemble des zones très denses (*) et au reste du territoire.

1.1.1. Compétence de l'ARCEP

L'article L. 36-6 du CPCE dispose que :
« Dans le respect des dispositions du présent code et de ses règlements d'application […], l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise les règles concernant : […]
2° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières d'interconnexion et d'accès, conformément à l'article L. 34-8 […] et aux conditions techniques et financières de l'accès, conformément à l'article L. 34-8-3 ; […]
Les décisions prises en application du présent article sont, après homologation par arrêté du ministre chargé des communications électroniques, publiées au Journal officiel ».
La définition de l'accès figure à l'article L. 32 du CPCE :
« […] 8) Accès. On entend par accès toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques (…) ».
Le I de l'article L. 34-8 dispose :
« […] Pour réaliser les objectifs définis à l'article L. 32-1, l'autorité peut imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès ou de l'interconnexion :

a) Soit de sa propre initiative, après avis de l'Autorité de la concurrence, consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne ; la décision est adoptée dans des conditions de procédure préalablement publiées par l'autorité ;
b) Soit à la demande d'une des parties, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8.

Les décisions adoptées en application des a et b sont motivées et précisent les conditions équitables d'ordre technique et financier dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés. »
L'article L. 34-8-3 du CPCE, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2009, précise que :
« Toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final.
L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. Tout refus d'accès est motivé.
Il fait l'objet d'une convention entre les personnes concernées. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l'accès. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande.
Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention prévue au présent article sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes conformément à l'article L. 36-8.
Pour réaliser les objectifs définis à l'article L. 32-1, et notamment en vue d'assurer la cohérence des déploiements et une couverture homogène des zones desservies, l'autorité peut préciser, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès prévu au présent article. »
Par ses décisions n° 2009-1106 et n° 2010-1312, l'ARCEP a précisé le cadre général de l'accès aux lignes à très haut débit en fibres optiques (*) pour les déploiements effectués en zones très denses et en dehors de ces zones.
La présente décision a pour objet de compléter ce cadre en précisant les modalités techniques de la mise en œuvre de l'accès.
Par ailleurs, certaines des mesures prévues sont prises en application de dispositions définissant les règles générales pesant sur les opérateurs de communications électroniques. Il s'agit notamment des dispositions relatives à la conclusion et au contenu des conventions d'interconnexion ou d'accès (articles D. 99-6 à D. 99-9 du CPCE), ainsi que de l'obligation pour les opérateurs de mesurer la valeur des indicateurs de qualité de service définis par l'ARCEP dans les conditions prévues par l'article L. 36-6 du CPCE et l'article D. 98-4 du CPCE.

1.1.2. Cohérence avec le cadre juridique européen

L'article L. 34-8-3 est issu de la loi de modernisation de l'économie n° 2008-776 du 4 août 2008 ainsi que de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique adoptée conformément à l'article 12 de la directive 2002/21/CE « cadre ».
Or le cadre communautaire des communications électroniques a été révisé en 2009. Ainsi, l'article 12 de la directive « cadre », tel qu'il a été modifié par la directive 2009/140/CE du 25 novembre 2009, dispose désormais que :
« 1. Lorsqu'une entreprise fournissant des réseaux de communications électroniques a le droit, en vertu de la législation nationale, de mettre en place des ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques ou privées, […] les Autorités réglementaires nationales, tenant pleinement compte du principe de proportionnalité, peuvent imposer le partage de ces ressources ou de ce bien foncier, notamment des bâtiments, des accès aux bâtiments, du câblage des bâtiments, des pylônes, antennes, tours et autres constructions de soutènement, gaines, conduites, trous de visite et boîtiers.
[…]
3. Les Etats membres veillent à ce que les Autorités nationales soient également dotées des compétences permettant d'imposer aux titulaires des droits visés au paragraphe 1 et/ou au propriétaire de ce câblage, après une période appropriée de consultation publique pendant laquelle toutes les parties intéressées ont la possibilité d'exposer leurs points de vue, de partager du câblage à l'intérieur des bâtiments ou jusqu'au premier point de concentration ou de distribution s'il est situé à l'extérieur du bâtiment, lorsque cela est justifié par le fait que le doublement de cette infrastructure serait économiquement inefficace ou physiquement irréalisable. De tels accords de partage ou de coordination peuvent inclure une réglementation concernant la répartition des coûts du partage des ressources ou des biens fonciers, adaptés le cas échéant en fonction des risques. […] »
L'article 8, paragraphe 5, de la même directive ajoute que :
« Afin de poursuivre les objectifs visés aux paragraphes 2, 3 et 4, les Autorités réglementaires nationales appliquent des principes réglementaires objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés, dont les suivants :
[…]
d) Promouvoir des investissements efficaces et des innovations dans des infrastructures nouvelles et améliorées, notamment en veillant à ce que toute obligation d'accès tienne dûment compte du risque encouru par les entreprises qui investissent et en permettant diverses modalités de coopération entre les investisseurs et ceux qui recherchent un accès, afin de diversifier le risque d'investissement, tout en veillant à ce que la concurrence sur le marché et le principe de non-discrimination soient respectés. »
En outre, la Commission européenne a publié le 20 septembre 2010 la recommandation NGA sur l'accès réglementé aux réseaux d'accès de nouvelle génération. Le quatrième considérant de cette recommandation précise que :
« Lorsque la duplication de l'infrastructure serait économiquement inefficace ou physiquement irréalisable, les Etats membres peuvent aussi, conformément à l'article 12 de la directive précitée, imposer aux entreprises exploitant un réseau de communications électroniques des obligations relatives au partage de ressources qui permettraient d'éliminer les goulets d'étranglement dans l'infrastructure de génie civil et les segments terminaux. »
L'article 7 de cette même recommandation ajoute que :
« Lorsqu'elles appliquent des mesures symétriques conformément à l'article 12 de la directive 2002/21/CE pour octroyer l'accès à l'infrastructure de génie civil et au segment terminal d'une entreprise, les ARN devraient adopter des mesures d'application au titre de l'article 5 de la directive 2002/19/CE. »
Il résulte de ce qui précède que le droit communautaire a explicitement reconnu un rôle accru de la régulation symétrique pour encadrer les déploiements des nouveaux réseaux de communications électroniques et que, dans ce cadre, il appartient à l'Autorité, conformément au droit national et en cohérence avec le droit européen, de préciser les modalités de l'accès aux lignes en fibre optique, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, notamment en vue de promouvoir des investissements efficaces et des innovations et d'assurer la cohérence des déploiements et l'homogénéité des zones desservies.

1.1.3. Procédure applicable à la présente décision

La présente décision est prise en application des articles L. 36-6, L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE.
L'Autorité a soumis à consultation publique une première version du projet de décision. Neuf acteurs ont répondu à cette consultation publique.
À l'issue de cette consultation publique, l'Autorité a fait évoluer son projet. Une deuxième version du projet de décision a donc ensuite été remise en consultation publique et soumise, pour avis, à l'Autorité de la concurrence. Sept acteurs ont répondu à cette consultation publique.
Après réception et prise en compte des contributions et avis, le projet de décision a été notifié à la Commission européenne et aux autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne.
L'Autorité a également consulté la commission consultative des communications électroniques (CCCE).
Enfin, la décision a été adoptée le 2 juillet 2015 et transmise, pour homologation, au ministre chargé des communications électroniques.

1.2. Contexte sur les déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné
1.2.1. Déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné

Le nombre d'opérateurs qui déploient des boucles locales en fibre optique jusqu'à l'abonné est en augmentation, en particulier du fait des réseaux d'initiative publique (RIP). Le nombre d'opérateurs d'immeuble recensés par l'Autorité est passé de 5 à la fin de l'année 2007 (dont 2 RIP) à 34 à la fin de l'année 2014 (dont 28 RIP) (1), et il a vocation à continuer à augmenter avec l'intensification de l'action des RIP. Début mai 2015, 97 départements avaient achevé leur schéma directeur d'aménagement numérique (SDTAN) et 15 l'avaient mis à jour. Sur les quatre départements restants et à ce stade, le Rhône ne l'a pas encore finalisé et les trois autres n'en ont jamais lancé (les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine et Paris). Ainsi, les 84 SDTAN achevés au 1er mai 2015, au niveau départemental ou régional, prévoient la construction de 8,7 millions de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, dont 4,4 millions d'ici 2018, le plus souvent par des futurs opérateurs de RIP (non encore comptabilisés dans les chiffres précédents).
En parallèle, le nombre d'opérateurs commerciaux amenés à accéder aux réseaux à très haut débit en fibre optique augmente également de manière significative (2).
Dans ce contexte, on constate une complexité croissante des échanges d'informations entre les opérateurs (3).

(1) Réponses recueillies dans le cadre des décisions de l'Autorité relatives à la collecte d'informations concernant les marchés du haut débit fixe et du très haut débit fixe, dont la plus récente est la décision n° 2012-1503 en date du 27 novembre 2012. Il convient de souligner que concernant les RIP, toutes les sociétés de projet filiales d'un même groupe national sont comptabilisées séparément. (2) En effet, le nombre d'opérateurs inscrits sur la liste prévue à l'article R. 9-2 du CPCE est passé de 5 à 20 entre avril 2009 et septembre 2014, et le nombre d'opérateurs ayant déclaré avoir activé au moins un accès sur un réseau en fibre optique jusqu'à l'abonné est passé de 11 à 27 entre le T1 2012 et le T4 2014. (3) Ainsi, le nombre de couples constitués d'un opérateur d'immeuble et d'un opérateur commercial présent via un accès passif au niveau d'au moins un point de mutualisation (*) de l'opérateur d'immeuble est passé de 15 à 27 entre le premier trimestre 2012 et le quatrième trimestre 2013. Ce nombre pourrait continuer à augmenter si l'on se réfère à la nette tendance à la hausse du nombre d'opérateurs d'immeuble et d'opérateurs commerciaux décrite précédemment.


Historique des versions

Version 1

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l'« Autorité ») ;

Vu la directive n° 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), notamment ses articles 6, 7 et 12 ;

Vu la directive n° 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), notamment son article 5 ;

Vu la recommandation n° 2010/572/UE de la Commission européenne du 20 septembre 2010 sur l'accès réglementé aux réseaux d'accès de nouvelle génération (ci-après « recommandation NGA ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 33-6, L. 34-8, L. 34-8-3, L. 36-6 et R. 9-2 à R. 9-4 ;

Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment ses articles L. 111-5-1, R. 111-1 et R. 111-14 ;

Vu l'arrêté du 16 décembre 2011 modifié relatif à l'application de l'article R. 111-14 du code de la construction et de l'habitation ;

Vu la décision n° 2009-1106 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ;

Vu la décision n° 2010-1312 de l'Autorité en date du 14 décembre 2010 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses ;

Vu la décision n° 2012-1503 de l'Autorité en date du 27 novembre 2012 relative à la collecte d'informations concernant les marchés du haut débit fixe et du très haut débit fixe ;

Vu la décision n° 2013-1475 du 10 décembre 2013 modifiant la liste des communes des zones très denses définie par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 ;

Vu la décision n° 2014-0733 en date du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché de gros pertinent des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu la décision n° 2014-0734 en date du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu la recommandation de l'Autorité en date du 23 décembre 2009 relative aux modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

Vu la recommandation de l'Autorité en date du 14 juin 2011 relative aux modalités de l'accès aux lignes à très haut débit en fibre optique pour certains immeubles des zones très denses, notamment ceux de moins de douze logements ;

Vu la recommandation de l'Autorité du 25 avril 2013 sur l'identification des lignes en fibre optique jusqu'à l'abonné ;

Vu la recommandation de l'Autorité du 21 janvier 2014 sur les modalités de l'accès aux lignes à très haut débit en fibre optique pour les immeubles de moins de douze logements ou locaux à usage professionnel des zones très denses ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, lancée le 15 juillet 2014 et clôturée le 26 septembre 2014 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la demande d'avis à l'Autorité de la concurrence en date du 10 décembre 2014 ;

Vu l'avis n° 15-A-04 de l'Autorité de la concurrence en date du 6 février 2015 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, lancée le 10 décembre 2014 et clôturée le 20 janvier 2015 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la notification à la Commission européenne, à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ci-après « ORECE ») et aux autorités réglementaires nationales du projet de décision sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en date du 22 mai 2015 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 18 juin 2015 ;

Vu la consultation de la commission consultative des communications électroniques (ci-après CCCE) en date du 26 juin 2015 ;

Après en avoir délibéré le 2 juillet 2015,

TABLE DES MATIÈRES

1. Objet de la décision

1.1. Introduction et cadre juridique applicable

1.1.1. Compétence de l'ARCEP

1.1.2. Cohérence avec le cadre juridique européen

1.1.3. Procédure applicable à la présente décision

1.2. Contexte sur les déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné

1.2.1. Déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné

1.2.2. Travaux menés par l'Autorité

1.2.3. Le groupe Interop'Fibre

1.2.4. Le besoin d'une plus grande interopérabilité

1.3. Objectifs poursuivis

2. Echanges d'informations dans le cadre des déploiements de réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique

2.1. Principes de mise à disposition de l'information

2.1.1. Disponibilité dans le temps et pérennisation de l'information

2.1.2. Notification des informations

2.1.3. Stabilité et traçabilité

2.1.4. Préconisations de l'Autorité en matière d'interopérabilité des systèmes d'information

2.2. Non-discrimination

2.2.1. Accès à l'information

2.2.2. Délai de prévenance

2.2.3. Processus applicable aux immeubles neufs

2.2.4. Indicateurs de performance

2.3. Offre d'accès aux lignes

2.3.1. Publication et diffusion publique de l'offre d'accès

2.3.2. Niveau de description des processus opérationnels

2.3.3. Contrôle de l'efficacité opérationnelle sur le traitement des commandes d'accès

2.3.4. Contrôle de l'efficacité opérationnelle et du délai d'intervention à la suite de la survenance d'un incident sur les lignes actives

3. Processus de mise à disposition des informations relatives à l'infrastructure du réseau mutualisé

3.1. Consultations préalables aux déploiements

3.1.1. Rappel des dispositions existantes

3.1.2. Périmètre, destinataires et durée des consultations préalables

3.1.3. Contenu des consultations préalables

3.1.4. Mise à jour des informations

3.2. Mise à disposition des informations à la maille de l'immeuble

3.3. Mise à disposition des informations relatives aux éléments du réseau mutualisé (PRDM, PM, lien PM-PRDM, PBO)

3.3.1. Processus de mise à disposition des informations relatives aux éléments du réseau mutualisé

3.3.2. Informations spécifiques aux déploiements multifibres avec fibres dédiées dans les zones très denses

3.3.3. Chronologie illustrative des processus de mise à disposition des informations relatives à l'infrastructure du réseau mutualisé

3.3.4. Mise à disposition des ressources associées au point de raccordement distant mutualisé et au lien de raccordement distant

4. Processus de commande d'accès à une ligne en fibre optique et responsabilité de l'opérateur d'immeuble

4.1. Identifiant d'une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique

4.1.1. Propriétés de l'identifiant

4.1.2. Format de l'identifiant

4.1.3. Marquage de l'identifiant

4.2. Responsabilités de l'opérateur d'immeuble

4.2.1. L'opérateur d'immeuble responsable des lignes en fibre optique jusqu'au dispositif de terminaison intérieur optique

4.2.2. Réalisation du raccordement final par l'opérateur d'immeuble

4.2.3. Sous-traitance de l'opération de raccordement final

4.2.4. Maintenance du réseau

4.3. Processus de commande d'accès à une ligne en très haut débit en fibre optique

4.3.1. Les grandes étapes du processus

4.3.2. Outil d'aide à la prise de commande

4.3.3. Passage de commande sur lignes existantes

5. Mise en œuvre de la décision

5.1. Délais de mise en œuvre

5.1.1. Dispositions à mettre en œuvre dans un délai de six mois

5.1.2. Dispositions à mettre en œuvre dans des délais de douze ou de dix-huit mois

5.2. Suivi de la mise en œuvre

5.3. Entité commune d'échanges d'informations

5.4. Envoi des informations à l'ARCEP

5.5. Révision ultérieure de la présente décision

Section I. Définitions

Section II. Principes de mise à disposition de l'information

Section III. Non-discrimination

Section IV. Offre d'accès

Section V. Processus de mise à disposition des informations relatives à l'infrastructure du réseau mutualisé

Section VI. Processus de commande d'accès à une ligne en fibre optique et responsabilité de l'opérateur d'immeuble

Section VII. Mise en œuvre de la décision

Annexe 1. Définitions

Annexe 2. Liste des opérateurs d'immeuble

Annexe 3. Consultations préalables

Annexe 4. Mise à disposition des informations relatives aux déploiements des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique

Annexe 5. Indicateurs de performance sur le traitement des commandes-opérateurs d'immeuble

Annexe 6. Outil d'aide à la prise de commande

1. Objet de la décision

1.1. Introduction et cadre juridique applicable

Les termes utilisés dans la présente décision dont la première occurrence est suivie d'un astérisque sont définis en annexe 1.

La présente décision concerne les processus techniques et opérationnels mis en œuvre dans le cadre de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. Elle vise à encadrer les modalités définies par les opérateurs d'immeuble (*) pour la mise à disposition des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique aux opérateurs commerciaux (*). Outre les mesures imposées aux opérateurs d'immeuble, l'Autorité formule un certain nombre de recommandations destinées à favoriser une meilleure interopérabilité entre les opérateurs.

La présente décision s'applique à l'ensemble du territoire national, c'est-à-dire à la fois à l'ensemble des zones très denses (*) et au reste du territoire.

1.1.1. Compétence de l'ARCEP

L'article L. 36-6 du CPCE dispose que :

« Dans le respect des dispositions du présent code et de ses règlements d'application […], l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise les règles concernant : […]

2° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières d'interconnexion et d'accès, conformément à l'article L. 34-8 […] et aux conditions techniques et financières de l'accès, conformément à l'article L. 34-8-3 ; […]

Les décisions prises en application du présent article sont, après homologation par arrêté du ministre chargé des communications électroniques, publiées au Journal officiel ».

La définition de l'accès figure à l'article L. 32 du CPCE :

« […] 8) Accès. On entend par accès toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques (…) ».

Le I de l'article L. 34-8 dispose :

« […] Pour réaliser les objectifs définis à l'article L. 32-1, l'autorité peut imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès ou de l'interconnexion :

a) Soit de sa propre initiative, après avis de l'Autorité de la concurrence, consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne ; la décision est adoptée dans des conditions de procédure préalablement publiées par l'autorité ;

b) Soit à la demande d'une des parties, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8.

Les décisions adoptées en application des a et b sont motivées et précisent les conditions équitables d'ordre technique et financier dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés. »

L'article L. 34-8-3 du CPCE, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2009, précise que :

« Toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final.

L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. Tout refus d'accès est motivé.

Il fait l'objet d'une convention entre les personnes concernées. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l'accès. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande.

Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention prévue au présent article sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes conformément à l'article L. 36-8.

Pour réaliser les objectifs définis à l'article L. 32-1, et notamment en vue d'assurer la cohérence des déploiements et une couverture homogène des zones desservies, l'autorité peut préciser, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès prévu au présent article. »

Par ses décisions n° 2009-1106 et n° 2010-1312, l'ARCEP a précisé le cadre général de l'accès aux lignes à très haut débit en fibres optiques (*) pour les déploiements effectués en zones très denses et en dehors de ces zones.

La présente décision a pour objet de compléter ce cadre en précisant les modalités techniques de la mise en œuvre de l'accès.

Par ailleurs, certaines des mesures prévues sont prises en application de dispositions définissant les règles générales pesant sur les opérateurs de communications électroniques. Il s'agit notamment des dispositions relatives à la conclusion et au contenu des conventions d'interconnexion ou d'accès (articles D. 99-6 à D. 99-9 du CPCE), ainsi que de l'obligation pour les opérateurs de mesurer la valeur des indicateurs de qualité de service définis par l'ARCEP dans les conditions prévues par l'article L. 36-6 du CPCE et l'article D. 98-4 du CPCE.

1.1.2. Cohérence avec le cadre juridique européen

L'article L. 34-8-3 est issu de la loi de modernisation de l'économie n° 2008-776 du 4 août 2008 ainsi que de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique adoptée conformément à l'article 12 de la directive 2002/21/CE « cadre ».

Or le cadre communautaire des communications électroniques a été révisé en 2009. Ainsi, l'article 12 de la directive « cadre », tel qu'il a été modifié par la directive 2009/140/CE du 25 novembre 2009, dispose désormais que :

« 1. Lorsqu'une entreprise fournissant des réseaux de communications électroniques a le droit, en vertu de la législation nationale, de mettre en place des ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques ou privées, […] les Autorités réglementaires nationales, tenant pleinement compte du principe de proportionnalité, peuvent imposer le partage de ces ressources ou de ce bien foncier, notamment des bâtiments, des accès aux bâtiments, du câblage des bâtiments, des pylônes, antennes, tours et autres constructions de soutènement, gaines, conduites, trous de visite et boîtiers.

[…]

3. Les Etats membres veillent à ce que les Autorités nationales soient également dotées des compétences permettant d'imposer aux titulaires des droits visés au paragraphe 1 et/ou au propriétaire de ce câblage, après une période appropriée de consultation publique pendant laquelle toutes les parties intéressées ont la possibilité d'exposer leurs points de vue, de partager du câblage à l'intérieur des bâtiments ou jusqu'au premier point de concentration ou de distribution s'il est situé à l'extérieur du bâtiment, lorsque cela est justifié par le fait que le doublement de cette infrastructure serait économiquement inefficace ou physiquement irréalisable. De tels accords de partage ou de coordination peuvent inclure une réglementation concernant la répartition des coûts du partage des ressources ou des biens fonciers, adaptés le cas échéant en fonction des risques. […] »

L'article 8, paragraphe 5, de la même directive ajoute que :

« Afin de poursuivre les objectifs visés aux paragraphes 2, 3 et 4, les Autorités réglementaires nationales appliquent des principes réglementaires objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés, dont les suivants :

[…]

d) Promouvoir des investissements efficaces et des innovations dans des infrastructures nouvelles et améliorées, notamment en veillant à ce que toute obligation d'accès tienne dûment compte du risque encouru par les entreprises qui investissent et en permettant diverses modalités de coopération entre les investisseurs et ceux qui recherchent un accès, afin de diversifier le risque d'investissement, tout en veillant à ce que la concurrence sur le marché et le principe de non-discrimination soient respectés. »

En outre, la Commission européenne a publié le 20 septembre 2010 la recommandation NGA sur l'accès réglementé aux réseaux d'accès de nouvelle génération. Le quatrième considérant de cette recommandation précise que :

« Lorsque la duplication de l'infrastructure serait économiquement inefficace ou physiquement irréalisable, les Etats membres peuvent aussi, conformément à l'article 12 de la directive précitée, imposer aux entreprises exploitant un réseau de communications électroniques des obligations relatives au partage de ressources qui permettraient d'éliminer les goulets d'étranglement dans l'infrastructure de génie civil et les segments terminaux. »

L'article 7 de cette même recommandation ajoute que :

« Lorsqu'elles appliquent des mesures symétriques conformément à l'article 12 de la directive 2002/21/CE pour octroyer l'accès à l'infrastructure de génie civil et au segment terminal d'une entreprise, les ARN devraient adopter des mesures d'application au titre de l'article 5 de la directive 2002/19/CE. »

Il résulte de ce qui précède que le droit communautaire a explicitement reconnu un rôle accru de la régulation symétrique pour encadrer les déploiements des nouveaux réseaux de communications électroniques et que, dans ce cadre, il appartient à l'Autorité, conformément au droit national et en cohérence avec le droit européen, de préciser les modalités de l'accès aux lignes en fibre optique, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, notamment en vue de promouvoir des investissements efficaces et des innovations et d'assurer la cohérence des déploiements et l'homogénéité des zones desservies.

1.1.3. Procédure applicable à la présente décision

La présente décision est prise en application des articles L. 36-6, L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE.

L'Autorité a soumis à consultation publique une première version du projet de décision. Neuf acteurs ont répondu à cette consultation publique.

À l'issue de cette consultation publique, l'Autorité a fait évoluer son projet. Une deuxième version du projet de décision a donc ensuite été remise en consultation publique et soumise, pour avis, à l'Autorité de la concurrence. Sept acteurs ont répondu à cette consultation publique.

Après réception et prise en compte des contributions et avis, le projet de décision a été notifié à la Commission européenne et aux autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne.

L'Autorité a également consulté la commission consultative des communications électroniques (CCCE).

Enfin, la décision a été adoptée le 2 juillet 2015 et transmise, pour homologation, au ministre chargé des communications électroniques.

1.2. Contexte sur les déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné

1.2.1. Déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné

Le nombre d'opérateurs qui déploient des boucles locales en fibre optique jusqu'à l'abonné est en augmentation, en particulier du fait des réseaux d'initiative publique (RIP). Le nombre d'opérateurs d'immeuble recensés par l'Autorité est passé de 5 à la fin de l'année 2007 (dont 2 RIP) à 34 à la fin de l'année 2014 (dont 28 RIP) (1), et il a vocation à continuer à augmenter avec l'intensification de l'action des RIP. Début mai 2015, 97 départements avaient achevé leur schéma directeur d'aménagement numérique (SDTAN) et 15 l'avaient mis à jour. Sur les quatre départements restants et à ce stade, le Rhône ne l'a pas encore finalisé et les trois autres n'en ont jamais lancé (les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine et Paris). Ainsi, les 84 SDTAN achevés au 1er mai 2015, au niveau départemental ou régional, prévoient la construction de 8,7 millions de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, dont 4,4 millions d'ici 2018, le plus souvent par des futurs opérateurs de RIP (non encore comptabilisés dans les chiffres précédents).

En parallèle, le nombre d'opérateurs commerciaux amenés à accéder aux réseaux à très haut débit en fibre optique augmente également de manière significative (2).

Dans ce contexte, on constate une complexité croissante des échanges d'informations entre les opérateurs (3).

(1) Réponses recueillies dans le cadre des décisions de l'Autorité relatives à la collecte d'informations concernant les marchés du haut débit fixe et du très haut débit fixe, dont la plus récente est la décision n° 2012-1503 en date du 27 novembre 2012. Il convient de souligner que concernant les RIP, toutes les sociétés de projet filiales d'un même groupe national sont comptabilisées séparément. (2) En effet, le nombre d'opérateurs inscrits sur la liste prévue à l'article R. 9-2 du CPCE est passé de 5 à 20 entre avril 2009 et septembre 2014, et le nombre d'opérateurs ayant déclaré avoir activé au moins un accès sur un réseau en fibre optique jusqu'à l'abonné est passé de 11 à 27 entre le T1 2012 et le T4 2014. (3) Ainsi, le nombre de couples constitués d'un opérateur d'immeuble et d'un opérateur commercial présent via un accès passif au niveau d'au moins un point de mutualisation (*) de l'opérateur d'immeuble est passé de 15 à 27 entre le premier trimestre 2012 et le quatrième trimestre 2013. Ce nombre pourrait continuer à augmenter si l'on se réfère à la nette tendance à la hausse du nombre d'opérateurs d'immeuble et d'opérateurs commerciaux décrite précédemment.