JORF n°0075 du 30 mars 2011

Rapport relatif à l'ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011

Monsieur le Président de la République,
Jusqu'au 1er janvier 2008, conformément à l'article LO 6113-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, l'organisation judiciaire à Mayotte était soumise au principe de spécialité législative.
Depuis le 1er janvier 2008, l'organisation judiciaire de la collectivité départementale de Mayotte était régie par le principe d'identité législative.
L'ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l'adaptation à Mayotte de diverses dispositions législatives, l'ordonnance n° 2009-537 du 14 mai 2009 portant extension et adaptation à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises et en Nouvelle-Calédonie de diverses dispositions de nature législative, la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et l'ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître ont ainsi étendu progressivement à Mayotte des dispositions d'organisation judiciaire applicables en métropole ou dans les départements d'outre-mer.
La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte a introduit dans le code général des collectivités territoriales l'article LO 3446-1, lequel dispose que :
« A compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011, la collectivité départementale de Mayotte est érigée en une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, qui prend le nom de "Département de Mayotte” et exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer ».
L'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatif au Département de Mayotte habilite le Gouvernement, dans les conditions de l'article 38 de la Constitution, à modifier le code de l'organisation judiciaire et les textes législatifs régissant l'organisation judiciaire aux fins de rapprocher les règles applicables à Mayotte de celles applicables en métropole ou dans les autres collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et ce, en étendant et en adaptant la législation dans une mesure et selon une progressivité appropriées aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte.
La présente ordonnance procède donc sous les réserves susvisées à cette départementalisation de l'organisation judiciaire à Mayotte.
L'article 1er annonce les modifications apportées au code de l'organisation judiciaire pour tenir compte de la nouvelle organisation judiciaire mise en place dans le Département de Mayotte.
Ainsi, un tribunal de grande instance, un tribunal d'instance, un tribunal mixte de commerce, un tribunal des affaires de sécurité sociale et un tribunal du contentieux de l'incapacité succèdent au tribunal de première instance. La chambre d'appel de Mamoudzou, qui est une chambre détachée de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, se substitue au tribunal supérieur d'appel. De plus, un greffe détaché du tribunal d'instance de Mamoudzou est créé à Sada.
Plus particulièrement, le 1° crée au sein du livre II relatif aux juridictions du premier degré un chapitre VI portant dispositions particulières aux départements d'outre-mer et une section unique relative au Département de Mayotte. Cette section reprend les dispositions attribuant compétence en matière de statut civil de droit local et offrant aux citoyens relevant de ce statut la possibilité de choisir l'application des règles du droit civil commun.
A l'instar du 1°, le 2° de l'article 1er de la présente ordonnance institue au livre III du code de l'organisation judiciaire relatif aux juridictions du second degré un chapitre IV portant dispositions particulières aux départements d'outre-mer et une section unique relative au Département de Mayotte. Cette section reprend également des dispositions relatives à l'option de droit applicable aux litiges entre parties, citoyens de statut civil de droit local. En outre, cet article maintient la référence à l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.
Le 3° de l'article 1er abroge toutes les dispositions d'organisation judiciaire particulières à Mayotte et prévues au titre II du livre V du code de l'organisation judiciaire.
L'article 2 abroge l'article 2493 du code civil puisque désormais les déclarations de nationalité à raison du mariage sont reçues par le représentant de l'Etat et non plus par le président du tribunal de première instance.
Les articles 3 et 4 modifient respectivement le code pénal et le code de procédure pénale pour tenir compte de la nouvelle organisation judiciaire.
L'article 4 modifie ainsi le code de procédure pénale pour rendre notamment applicables à Mayotte les dispositions relatives au tribunal correctionnel, au tribunal de police, au tribunal de l'application des peines et aux pôles de l'instruction.
La chambre de l'instruction compétente pour statuer sur l'appel des ordonnances du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Mamoudzou siégera à la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion avec la faculté de recourir à la visioconférence.
Enfin, la cour d'assises se substitue à la cour criminelle assortie des adaptations rendues nécessaires par les particularités locales, par exemple concernant sa composition, et la cour d'assises des mineurs se substitue à la cour criminelle des mineurs.
La présente ordonnance n'évoque pas la création d'un tribunal maritime commercial à Mayotte car le tribunal correctionnel exerce les compétences dévolues à cette juridiction dans les départements d'outre-mer, conformément aux dispositions de l'article 36 bis du code disciplinaire et pénal de la marine marchande.
L'article 6 adapte les dispositions de l'ordonnance n° 92-1143 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle à Mayotte conséquemment à la suppression du tribunal supérieur d'appel et à l'institution d'une chambre d'appel à Mamoudzou. Cette adaptation est transitoire puisque la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique a vocation à être étendue à Mayotte par voie d'ordonnance prise sur le fondement de l'habilitation conférée par l'article 30 de la loi du 7 décembre 2010 précitée.
L'article 7 adapte le code de commerce conséquemment à l'institution du tribunal mixte de commerce dans le Département de Mayotte. Il convient de relever que, conformément à l'article L. 732-4 du code de commerce, tant qu'un tribunal mixte de commerce n'est pas établi à Mayotte, le tribunal de grande instance connaît des affaires attribuées à cette juridiction.
Le 1° de l'article 7 modifie l'article L. 420-7 du code de commerce en substituant la référence aux tribunaux de grande instance ou aux tribunaux de commerce à la référence aux juridictions civiles ou commerciales.
Le 2° de l'article 7 procède à une réécriture de l'article L. 920-1 du code de commerce afin de prendre en compte le régime juridique actuel d'applicabilité des lois et des règlements à Mayotte et du futur Département de Mayotte et de rendre applicables les dispositions du livre VII du même code nécessaires à la création d'un tribunal mixte de commerce.
Le 3° de l'article 7 supprime les 1°, 2° et 4° de l'article L. 920-2 du code de commerce afin de tenir compte de la nouvelle organisation judiciaire du Département de Mayotte.
L'article 8 crée un tribunal paritaire des baux ruraux dans le Département de Mayotte et procède aux modifications nécessaires du code rural et de la pêche maritime.
L'article 9 substitue un conseil de prud'hommes au tribunal du travail.
Parallèlement à la suppression du tribunal de première instance et à l'institution d'un tribunal des affaires de sécurité sociale et d'un tribunal du contentieux de l'incapacité dans le Département de Mayotte, l'article 10 attribue compétence au tribunal de grande instance lorsque l'une ou l'autre de ces juridictions, voire les deux, ne sont pas établies.
L'article 11 abroge l'article 27 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 modifiée relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte ― article qui donne compétence en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale au tribunal de première instance.
Enfin, les articles 12 à 16 de l'ordonnance prévoient les dispositions diverses et finales, l'article 13 prévoyant des dispositions dérogatoires au code de l'organisation judiciaire afin de permettre au premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion de répartir les juges au sein des nouvelles juridictions créées. L'article 16 est relatif à l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.