JORF n°0055 du 6 mars 2009

PREMIERE PARTIE : L'ORGANISATION TERRITORIALE DE NOTRE PAYS NECESSITE DE PROFONDES REFORMES

Le Comité pour la réforme des collectivités locales n'a pas eu à consentir d'efforts notables pour se convaincre de la nécessité d'apporter à l'organisation administrative du territoire français des changements décisifs.
Il lui a suffi de se pencher sur la question des finances locales pour constater que leur situation appelait une réforme d'ampleur, que celle-ci n'avait de sens que si elle était accompagnée d'une remise en ordre des compétences des collectivités locales et qu'une telle entreprise ne pouvait se concevoir sans une révision générale des structures mêmes de l'administration territoriale.

A. ― Les finances locales

Comme souvent dans l'histoire de notre pays, les problèmes financiers donnent la mesure de la difficulté des questions posées et illustrent l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit porté remède à une situation dégradée.
Au cas particulier, le Comité n'a pas manqué d'être frappé par l'importance de la dépense locale dans l'ensemble de la dépense publique et par la complexité de sa structure. Dans le même temps, force lui a été de constater que la fiscalité locale était, pour une large part, obsolète. Enfin, il a relevé que les voies de réforme d'ores et déjà envisagées se heurtaient à des contraintes d'ordre aussi bien financier que juridique.

  1. L'importance et la complexité de la dépense locale

Le tableau suivant illustre l'importance de la dépense locale.

Tableau n° 1 ― Dépenses par nature des collectivités locales en 2007 (Md€) (2)

| | RÉGIONS | DÉPARTEMENTS | SECTEUR COMMUNAL
(3) | ENSEMBLE | |----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|:-----------------------------------------:|:-----------------------------------------:|:-------------------------------------------:|:--------------------------------------------:| | Fonctionnement :
Frais de personnel
Dépenses d'intervention
Dépenses de fonctionnement
Sous-total (1) | 1,6
10,3
2,1
14,1| 8,4
30,1
6,6
45,1| 34,6
12,9
25,6
73,1| 44,6
53,3
34,3
132,3| | Investissement :
Remboursement de dette
Subventions d'investissement
Dépenses d'équipement
Sous-total (2)| 1,3
5,4
3,7
10,3 | 2,5
5,4
8,8
16,6 | 7,5
2,2
31,2
40,9 | 11,3
13,0
43,7
67,8 | | Total (1) + (2) | 24,4 | 61,7 | 114,0 | 200,1 |

(2) " Les finances des collectivités locales en 2008 ", rapport de l'Observatoire des finances locales, juillet 2008.
(3) Communes et groupements à fiscalité propre.

Les dépenses des collectivités locales ont représenté, en 2007, 200 milliards d'euros, soit 20 % de l'ensemble de la dépense publique. La part des investissements publics réalisés par les collectivités locales est même proche des trois quarts.
Le graphique ci-dessous, issu de l'annexe au projet de loi de finances pour 2009 consacrée à l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales, illustre la forte progression des dépenses locales au cours des vingt-cinq dernières années.

Graphique n° 1 ― Evolution de la part des dépenses locales dans le PIB (1980-2007)

Vous pouvez consulter le tableau dans le " JO (fac-similé)
n° 55 du 06/03/2009 texte numéro 1 "

Entre 1980 et 2007, les dépenses locales ont augmenté nettement plus vite que la richesse nationale (150 % en volume contre 75 %) ; leur part dans le PIB a ainsi progressé de 3 points sur la période pour atteindre 11,2 %.
Il est vrai que l'appréciation à porter sur cette évolution doit être nuancée du fait du transfert aux collectivités locales, depuis vingt-cinq ans, de compétences nouvelles qui appellent des dépenses nouvelles. Il n'en reste pas moins que, même à périmètre constant de compétences, la progression est encore de l'ordre de 1,8 point de PIB sur la même période. La hausse des dépenses locales, qui provient essentiellement de la masse salariale, est d'ailleurs principalement le fait du secteur communal, qui est resté, sauf pour l'urbanisme en 1983, à l'écart des transferts de compétences. Ainsi, entre 2000 et 2005, les communes et, surtout, leurs groupements ont contribué pour 71 % à la croissance des effectifs de la fonction publique territoriale, qui a été de 48 000 emplois par an en moyenne. La généralisation de la réduction de la durée du travail est souvent avancée comme élément explicatif de cette évolution, mais toutes les autres collectivités publiques sont soumises à la même législation.
Toutefois, il est juste de signaler qu'il en est incontestablement résulté une amélioration des services rendus à la population et que, comme l'a montré le Comité consultatif d'évaluation récemment institué auprès du Comité des finances locales, les changements fréquents des normes techniques imposées par l'Etat à l'ensemble des collectivités publiques ont également un impact important sur l'évolution de la dépense des collectivités locales.
Le tableau ci-après décompose la ventilation de ces dépenses par fonctions. Il illustre notamment qu'à la notable exception de la formation professionnelle, à la charge des seules régions, la plupart des champs d'intervention de la dépense locale sont partagés entre les différents niveaux de collectivités.

Tableau n° 2 ― Dépenses par fonction des collectivités locales en 2007 (M€) (4)

| | RÉGIONS | DÉPARTEMENTS| COMMUNES
(5)| GROUPEMENTS
(6)| ENSEMBLE | |------------------------------------------------------|:-----------:|:-----------:|:------------------:|:---------------------:|:----------------:| | Services généraux | 2 458,3 | 6 091,8 | 17 098,3 | 4 224,0 | 29 872,4 | | Formation professionnelle | 4 886,5 | | | | 4 886,5 | | Enseignement | 5 122,3 | 4 759,4 | 6 114,1 | 375,5 | 16 371,3 | | Culture, vie sociale, jeunesse, sports et loisirs| 914,4 | 2 139,1 | 8 918,8 | 2 006,5 | 13 978,8 | | Action sociale et médico-sociale (7) | 144,2 | 29 586,6 | 5 312,9 | 680,2 | 35 723,9 | | Aménagement, environnement (réseaux) | 1 829,5 | 4 021,5 | 11 009,8 | 6 357,9 | 23 218,7 | | Transports (voirie, ferroviaires, scolaires) | 5 947,7 | 8 843,7 | 259,6 | 1 749,5 | 16 800,5 | | Développement économique | 1 821,2 | 1 854,9 | 1 391,4 | 1 127,9 | 6 195,4 | | Sécurité (SDIS, police) | | 2 277,2 | 821,2 | 696,0 | 3 794,4 | | Total | 23 124,0| 59 574,1| 50 926,1 | 17 217,5 | 150 841,8 (8)|

(4) Direction du budget, novembre 2008.
(5) Communes de plus de 10 000 habitants qui, en vertu de l'article L. 2312-3 du code général des collectivités locales, sont seules tenues à une présentation tant par nature que par fonction de leur budget. Elles regroupent toutefois la moitié de la population française et représentent plus de 60 % des budgets communaux.
(6) Idem.
(7) Y compris RMI et APA.
(8) L'écart entre ce total de 150,8 Md€ et celui de 200,1 Md€ du tableau précédent s'explique par la non-prise en compte des communes de moins de 10 000 habitants.

Cette situation reflète l'enchevêtrement des compétences (9), dont découle en particulier, et c'est la seconde caractéristique de la dépense locale en France, la possibilité pour un même projet d'être financé par plusieurs collectivités locales à la fois ― et parfois aussi par l'Etat. Pour les seules dépenses d'investissement, ces cofinancements, qui bénéficient principalement aux communes et à leurs groupements, ont ainsi été évalués par le rapport de la mission d'information présidée par M. Jean-Luc Warsmann à 5 Md€ en 2004 (10).

_________
(9) Cf. infra B.
(10) " Une clarification de l'organisation et des compétences des collectivités territoriales ", commission des lois de l'Assemblée nationale, rapport de la mission d'information présidée par Jean-Luc Warsmann, n° 1153, octobre 2008, p. 16.

Cette situation, dont la complexité a été dénoncée par nombre des personnalités auditionnées par le Comité, a fait l'objet, depuis de nombreuses années, de mises en garde répétées, notamment à l'occasion des travaux de la conférence nationale des finances publiques dont M. Pierre Richard (11) avait, en décembre 2006, présidé un groupe de travail consacré aux enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales.

__________
(11) " Solidarité et performance ― Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales ", Conférence nationale des finances publiques, rapport du groupe de travail présidé par Pierre Richard, décembre 2006.

La pluralité des financements pour un même projet n'est pas critiquable en soi : elle s'explique souvent par l'importance des projets à réaliser et permet, généralement, de satisfaire les besoins des usagers et de prendre en compte l'exigence de solidarité territoriale. Les comparaisons avec la situation des pays étrangers montrent, au demeurant, que l'idée d'un seul financement par niveau d'administration, pour séduisante qu'elle soit, est assez largement irréaliste. On imagine mal, par exemple, que la création et le fonctionnement d'une université ou encore d'un grand équipement culturel puissent être le fait d'une seule collectivité locale.
Mais nombre d'élus locaux se plaignent des financements croisés. Quel sera le taux de subvention du département pour tel projet ? Quel sera le montant de la participation de la région pour le même projet ? Le " pays ", l'Etat, les fonds européens pourront-ils apporter leur concours et, dans l'affirmative, pour quel montant ? Telles sont les questions que se posent les élus, selon qu'ils demandent ou qu'ils accordent, et peuvent rarement refuser, ne serait-ce que pour des raisons politiques, une subvention. Point n'est besoin d'insister sur l'allongement des délais qui en résulte dans la prise de décision et la mise en œuvre des projets, sur la perte d'efficacité qui s'ensuit et sur l'effet inflationniste de ces pratiques, en termes de dépenses publiques.
Le Comité a pris acte de ce que la question des financements croisés était l'une de celles auxquelles il devait répondre de manière prioritaire. Mais il n'a pas manqué de relever que, sans préjudice d'éventuels mécanismes propres à les limiter en tant que tels, la réponse à cette question dépendait aussi des modalités de répartition des compétences entre collectivités locales.

  1. Le vieillissement de la fiscalité locale

Comme l'illustre le tableau suivant, les impôts et taxes perçus par les collectivités locales représentent la moitié de leurs ressources.

Tableau n° 3 ― Répartition des recettes des collectivités locales en 2007 (Md€) (12)

| | RÉGIONS | DÉPARTEMENTS| SECTEUR COMMUNAL|ENSEMBLE | | |-----------------------------------------------------|------------|-------------|:---------------:|:-------:|----------| | Communes | Groupements| | | | | | Fonctionnement :
Concours de l'Etat
| 8,3 | 13,2 | 19,2 | 7,0 | 47,7 | | Dont DGF | 5,2 | 11,6 | 16,0 | 6,1 | 39,0 | | Impôts et taxes | 10,5 | 35,0 | 40,1 | 16,5| 93,7 | | Dont 4 taxes directes | 4,4 | 19,0 | 26,2 | 12,9 | 62,5 | | Autres recettes | 0,8 | 6,1 | 10,3 | 2,7 | 19,9 | | Sous-total (1) | 19,6 | 54,3 | 69,6 | 26,2| 161,3| | Investissement :
Dotations et subventions
| 1,6 | 2,6 | 8,2 | 2,2 | 14,6 | | Autres recettes | 0,3 | 0,6 | 4,0 | 1,1 | 5,9 | | Sous-total (2) | 1,9 | 3,2 | 12,2 | 3,3 | 20,5 | | Total (1) + (2) (13) | 21,5 | 57,5 | 81,8 | 29,5| 181,8|

(12) Direction générale des collectivités locales et direction générale des finances publiques.
(13) Les groupements de communes effectuent des reversements aux communes. La colonne " Ensemble " est consolidée de ce mouvement, ce qui explique qu'elle ne soit pas égale à la somme des quatre précédentes.

Et, comme le montre cet autre tableau, les deux tiers de la fiscalité locale sont constitués par les quatre impositions directes locales que sont la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe professionnelle, impositions dont la dynamique globale est proche de celle du PIB.

Tableau n° 4 ― Structure de la fiscalité locale en 2007 (Md€) (14)

| NATURE DES IMPÔTS | COMMUNES
et groupements| DÉPARTEMENTS| RÉGIONS | TOTAL | |:-------------------------------------------------------:|:----------------------------:|:-----------:|:--------:|:---------:| | Produits votés des 4 taxes | 39,25 | 19,02 | 4,62 | 62,89 | | Taxe d'habitation | 9,87 | 4,77 | ― | 14,64 | | Taxe sur le foncier bâti | 12,16 | 5,78 | 1,68 | 19,62 | | Taxe sur le foncier non bâti | 0,77 | 0,05 | 0,01 | 0,83 | | Taxe professionnelle (y compris FDPTP) | 16,45 | 8,43 | 2,92 | 27,80 | |Autres contributions (hors taxes liées à l'urbanisme)| 15,66 | 15,78 | 6,20 | 37,65 | | Taxe d'enlèvement des ordures ménagères | 4,81 | ― | ― | 4,81 | | Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) | 2,24 | 7,84 | ― | 10,08 | | Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) | ― | 4,94 | 2,83 | 7,77 | | Versement destiné aux transports en commun | 5,61 | ― | ― | 5,61 | | Taxe sur les cartes grises | ― | ― | 1,94 | 1,94 | | Taxe sur l'électricité | 0,94 | 0,49 | ― | 1,44 | | Impôts et taxes d'outre-mer | 0,74 | 0,15 | 0,50 | 1,39 | | Taxe spéciale sur les conventions d'assurance | ― | 2,08 | ― | 2,08 | | Contribution au développement de l'apprentissage | ― | ― | 0,65 | 0,65 | | Taxes de séjour | 0,16 | 0,005 | ― | 0,17 | | Taxe sur les pylônes électriques | 0,17 | ― | ― | 0,17 | | Taxes sur les remontées mécaniques | 0,03 | 0,01 | ― | 0,04 | | Redevance des mines | 0,01 | 0,01 | ― | 0,02 | | Taxe sur les permis de conduire | ― | ― | 0,005 | 0,005 | | Autres | 0,94 | 0,25 | 0,27 | 1,46 | | Total taxes (hors taxes liées à l'urbanisme) | 54,91 | 34,80 | 10,82| 100,54|

(14) " Les collectivités locales en chiffres 2008 ", direction générale des collectivités locales, mars 2008.

Une des particularités de la fiscalité locale française tient à ce que chaque collectivité locale vote le taux de chacune de ces impositions directes locales, dans des limites fixées par le législateur. Il en résulte que le pouvoir de fixer des taux sur des assiettes d'imposition locales est, en France, fractionné entre quelque 39 000 assemblées délibérantes de collectivités ou groupements de collectivités (régions, départements, communes et EPCI à fiscalité propre).
Comme le montre le tableau qui suit, la part de ces derniers dans le produit total de la fiscalité directe locale est d'ailleurs devenue très substantielle puisqu'elle est, par exemple, près de trois fois supérieure à celle des régions. Bien plus que les taux additionnels aux impôts communaux, c'est le développement de la taxe professionnelle unique qui explique cette évolution, qui illustre le poids nouveau de l'intercommunalité dans l'administration locale.

Tableau n° 5 ― Produits votés des 4 taxes en 2007 (M€) (15)

| | RÉGIONS | DÉPARTEMENTS| SECTEUR COMMUNAL| ENSEMBLE | | |---------------------------------|:----------:|:-----------:|:---------------:|:---------:|-----------| | Communes | Groupements| | | | | | Taxe d'habitation | | 4 699 | 9 285 | 451 | 14 435 | | Taxe sur le foncier bâti | 1 649 | 5 642 | 11 367 | 547 | 19 205 | | Taxe sur le foncier non bâti| 13 | 47 | 678 | 84 | 822 | | Taxe professionnelle | 2 887 | 8 312 | 4 006 | 11 634 | 26 839 | | Total | 4 549 | 18 700 | 25 336 | 12 716| 61 301|

(15) " Les finances des collectivités locales en 2008 ", rapport de l'Observatoire des finances locales, juillet 2008.

Si ces tableaux rendent compte du produit global des impôts directs locaux et désignent leurs bénéficiaires, ils ne permettent pas d'identifier ceux qui en supportent effectivement la charge. Or c'est l'Etat qui est, si l'on ose écrire, le principal contribuable local. En effet, pour remédier au vieillissement des quatre impositions directes locales et à leurs imperfections tout en préservant les ressources des collectivités locales, l'Etat prend à sa charge une part de cette fiscalité en se substituant au contribuable local auquel il accorde des allègements.
Ce mode d'intervention de l'Etat prend deux formes. D'une part, il consent des dégrèvements d'impôt qui, tel le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, réduisent ce que doit le redevable de l'impôt, sans modification de la base imposable, de sorte que les collectivités locales sont assurées de percevoir le produit fiscal correspondant au taux qu'elles ont voté (16). D'autre part, le législateur a décidé un certain nombre d'exonérations d'impôt, par exemple en matière de taxe foncière sur les propriétés non bâties, ou a ouvert aux collectivités locales, par exemple en faveur des entreprises nouvelles, la possibilité d'accorder de telles exonérations. Les bases exonérées sont déduites de l'assiette imposable et, lorsque l'exonération est obligatoire, l'Etat compense directement le manque à gagner aux collectivités par un abondement de ses dotations budgétaires.

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(16) Etant précisé que, pour limiter les effets pervers qui en résultent, des mécanismes ont été créés, mettant l'augmentation du taux à la charge du contribuable (exemple : taxe d'habitation) ou bien à la charge de la collectivité (exemple : ce qu'il est convenu d'appeler le " ticket modérateur " de la taxe professionnelle, depuis 2005).

Il en résulte une situation insolite, caractérisée par l'augmentation continue, depuis 1982, de la part de l'Etat dans la fiscalité directe locale. En effet, si l'on excepte, pour les années 2003 et 2004, l'incidence comptable de l'inclusion dans la dotation globale de fonctionnement (DGF) de la compensation par l'Etat de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle décidée par la loi de finances pour 1999, on constate que la part de l'Etat dans la prise en charge des quatre impositions directes locales n'a cessé de croître depuis que la décentralisation a été entamée. Ce paradoxe se traduit par le triplement de la part de l'Etat pour la taxe d'habitation entre 1982 et 2006, et par son quintuplement pour la taxe professionnelle au cours de la même période. Au total, les dégrèvements et les compensations d'exonérations représentent, selon les années, de l'ordre du quart du produit de la fiscalité directe locale.
Le Comité n'a pu manquer de relever que cette tendance était liée à l'échec de tous les projets de réforme des bases mêmes d'imposition : rejet des projets de création d'une assiette de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée dont, en dernier lieu, celui présenté en 2005 par la commission Fouquet ; rejet du projet de création d'une taxe départementale sur le revenu en 1991 ; refus d'incorporer dans les rôles d'imposition la révision des valeurs locatives, à trois reprises au cours des années 1990, de sorte que les valeurs locatives sur lesquelles sont assises les taxes foncières sont aujourd'hui celles de l'année 1970 pour les propriétés bâties et 1961 pour les propriétés non bâties.
De ce fait, les assemblées délibérantes des collectivités locales peuvent décider des augmentations d'impôts indolores pour les contribuables locaux. Il s'ensuit que les effets négatifs éventuels de certains prélèvements sur l'activité économique ne sont pas pris en compte ou ne le sont qu'imparfaitement. Surtout, le principe selon lequel l'impôt local est une contrepartie des biens et services produits ou rendus par la collectivité qui les vote est de plus en plus méconnu, alors que ce principe est constitutif du consentement à l'impôt, socle de la démocratie.
Le Comité en a conclu que, quand bien même la tâche était difficile, il convenait de porter remède à une situation dont les notions mêmes de décentralisation et d'autonomie financière des collectivités locales s'accommodent mal. Les auditions auxquelles il a procédé l'ont en effet convaincu que l'importance du " financement fiscal " en provenance de l'Etat, c'est-à-dire de l'effet produit par le total des dégrèvements et exonérations d'impôts locaux décidés par lui, constituait un facteur de dilution de la responsabilité des élus locaux.
Pour autant, le Comité n'a pas entendu négliger le fait que les dégrèvements et exonérations décidés par l'Etat avaient pour effet de réduire les inégalités entre contribuables et, dans une certaine mesure, entre collectivités, ni que toute réforme des finances locales devrait se faire dans le respect de l'exigence constitutionnelle de péréquation entre collectivités territoriales.

  1. Les contraintes de la réforme

Si, en dehors même de ses aspects politiques, la réforme de la fiscalité locale était aisée, elle serait faite, les pouvoirs publics ayant été éclairés, ces dernières années, par nombre de rapports qui ont tracé les voies et moyens du changement et que le Comité a, évidemment, pris en compte dans sa réflexion.
Mais il n'est pas douteux que, si cette réforme trop longtemps différée n'a jamais pu être menée à bien, c'est, indépendamment de ses liens avec l'évolution des compétences et des structures de l'administration territoriale, parce qu'elle est, par elle-même, soumise, en sus des inconvénients qui résulteraient de nouveaux transferts de charges entre contribuables, à des contraintes spécifiques.
Au premier rang figure la contrainte budgétaire.
Le tableau qui suit présente l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.

Tableau n° 6 ― Concours financiers de l'Etat
aux collectivités locales en 2007 (Md €)
(17)

| | MONTANT | |-----------------------------------------------------------|:--------:| | Dotations et subventions de fonctionnement |40, 15| | Dont dotation globale de fonctionnement (DGF) | 39, 24 | | Dotations et subventions d'équipement |7, 98 | | Dont fonds de compensation de la TVA (FCTVA) | 4, 71 | | Dotation globale d'équipement (DGE) | 0, 69 | | Financement des transferts de compétence |4, 00 | | Dont dotation globale de décentralisation (DGD) | 1, 09 | |Compensation d'exonérations et dégrèvements législatifs|13, 65| | Total |65, 78|

(17) Direction générale des collectivités locales.

Réformée en 2004 pour y intégrer plusieurs autres dotations, la DGF représente plus de la moitié du total des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Et si elle vise à garantir à celles-ci un niveau de ressources prévisible, elle tend également, et de plus en plus, à compenser les écarts de richesse entre elles.C'est ainsi que la part de la DGF consacrée à cet objectif, qui était de 12, 3 % en 2004, atteignait 15, 7 % en 2008, soit une somme de 6, 27 milliards d'euros.
En l'état des finances publiques, il n'est guère envisageable que l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales puisse être purement et simplement augmenté. Il s'en déduit, en particulier, que l'amélioration de la péréquation devra emprunter d'autres voies que la seule augmentation des concours financiers de l'Etat.
A cette contrainte budgétaire s'ajoutent des contraintes juridiques dont l'importance ne doit être ni exagérée ni sous-estimée.
La première d'entre elles, on l'a dit, tient à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 en ce qu'elle a notamment eu pour objet d'inscrire dans le texte même de la Constitution, que " la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre collectivités locales " (art. 72-2, dernier alinéa). Pour éclaté et complexe qu'il soit, le système actuel de financement des collectivités locales permet peu ou prou de respecter cette prescription constitutionnelle. Tout mécanisme de substitution sera apprécié à l'aune de cet objectif de valeur constitutionnelle.
La seconde contrainte est également d'ordre constitutionnel et issue de la révision du 28 mars 2003.
Auparavant, la Constitution était muette sur la nature des ressources des collectivités locales, de sorte que l'on pouvait faire valoir que la décentralisation n'impliquait pas par elle-même l'autonomie financière ou fiscale des collectivités locales. Il est de fait qu'ainsi que le montre le tableau ci-dessous les pays européens les plus décentralisés, voire fédéraux, ne donnent pas nécessairement à leurs collectivités une autonomie financière très large ; la France se situe même au deuxième rang au regard de la part, dans l'ensemble des ressources des collectivités locales, des recettes fiscales propres (entendues comme celles sur lesquelles les collectivités ont un pouvoir de taux ou d'assiette). En Allemagne, par exemple, cette part est plus de trois fois inférieure, les Länder bénéficiant, pour l'essentiel, de transferts de recettes de l'Etat fédéral, sans que quiconque prétende que la nature fédérale de la République allemande en serait affectée. Une situation semblable prévaut en Espagne, sans qu'il soit jamais avancé que les provinces espagnoles ne seraient pas un modèle de décentralisation. Il est vrai que, dans les pays voisins du nôtre qui ont une organisation très décentralisée voire fédérale, les collectivités locales les plus importantes ont, en termes institutionnels et politiques, des pouvoirs nettement plus importants que les nôtres. Autrement dit, on pourrait avancer que les collectivités locales françaises sont d'autant plus attachées à leur autonomie financière ainsi entendue qu'elle constitue la rançon d'une longue tradition centralisatrice.

Tableau n° 7 ― Part des ressources fiscales propres des collectivités locales d
ans l'ensemble des ressources des collectivités locales
(18)

| PAYS |% | |:--------------------------:|:----:| | Suède | 69 | | France | 49 | | Danemark | 49 | | Finlande | 43 | | Italie | 34 | | Luxembourg | 34 | | Belgique | 27 | | Espagne | 25 | | Portugal | 25 | | Pays-Bas | 17 | | Pologne | 15 | | Allemagne | 15 | | Royaume-Uni | 15 | | Autriche | 9 | | Irlande | 9 | |Moyenne Union européenne|27|

(18) " Les collectivités territoriales dans l'Union européenne : organisation, compétences et finances ", Dexia, novembre 2008. Ce chiffrage n'approfondit pas l'intensité de la marge de manœuvre laissée aux collectivités mais considère que les collectivités ont un pouvoir dès lors qu'il existe une marge de manœuvre.

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 a ajouté à la Constitution un article 72-2 dont le troisième alinéa dispose : " Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre. "
Ces dispositions, mises en œuvre par la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004, ont suscité de nombreuses interrogations. Il a finalement été décidé qu'entraient dans le ratio d'autonomie financière au sens constitutionnel l'ensemble des recettes fiscales, c'est-à-dire non seulement les impôts locaux ― dont la loi autorise les collectivités locales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif (taxe d'habitation, taxe sur les propriétés foncières bâties, taxe sur les propriétés foncières non bâties, taxe professionnelle, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, droits de mutation et taxes diverses) ― mais aussi les impôts nationaux, dont le produit est affecté aux collectivités locales (par exemple, la part de la TIPP affectée aux départements et aux régions ou la part de la taxe sur les conventions d'assurance affectée aux départements), ainsi que les ressources propres non fiscales tels que redevances pour services rendus, produits du domaine, participations d'urbanisme, produits financiers et dons et legs. En revanche, les dotations de l'Etat, les compensations, les participations et les opérations réalisées pour le compte de tiers n'entrent pas dans ce ratio, lequel s'apprécie par catégorie de collectivités : communes et leurs groupements, départements, régions.
Quant à la notion de " part déterminante ", elle n'a pas laissé d'intriguer. Faute de pouvoir la définir avec toute la précision souhaitable, le législateur organique s'est borné à prévoir que la part des ressources propres " ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003 ". Dans sa décision n° 2004-500 du 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel a estimé que cette définition était suffisante. Il s'ensuit que la " part déterminante " est dorénavant fixée, pour les communes et leurs groupements à 60, 8 %, pour les départements à 58, 6 % et pour les régions à 41, 7 %.
Pour inédites qu'elles soient, ces dispositions emportent deux séries de conséquences.D'une part, si cette règle était méconnue, le législateur financier aurait l'obligation, au plus tard pour la deuxième année suivant celle au cours de laquelle ce constat a été fait, d'arrêter les dispositions nécessaires. Mais, faute de recours en carence dans le droit français, on ignore, à la vérité, ce qui se passerait en pareille occurrence.D'autre part et surtout, le Conseil constitutionnel peut censurer tout acte législatif qui aurait pour conséquence nécessaire de porter atteinte au caractère déterminant de la part de ressources propres d'une catégorie de collectivités locales (Conseil constitutionnel, décision n° 2005-530 du 29 décembre 2005, à propos de la loi de finances pour 2006), étant observé qu'à ce jour aucune censure tirée de ce motif n'a été prononcée.
C'est à l'aune de ces observations que le Comité a engagé sa réflexion sur la réforme de la fiscalité locale, non sans avoir relevé que, depuis 2003, l'autonomie financière des collectivités locales ainsi définie s'est, contrairement à ce qui est souvent soutenu, sensiblement renforcée, de 1 point pour les communes et leurs groupements, de 6, 9 points pour les départements et de 6, 4 points pour les régions (source : Observatoire des finances locales), en raison de l'augmentation de leur fiscalité et des transferts fiscaux décidés par l'Etat.
Sans ignorer que la plupart des élus locaux et de leurs associations, très attachés à l'autonomie financière des collectivités locales, militent pour un durcissement de la notion de " part déterminante " et souhaiteraient que n'entrent en ligne de compte que les impôts dont ils maîtrisent les taux ou l'assiette, le Comité s'est interrogé sur l'opportunité de revoir la règle constitutionnelle édictée en 2003.
Force lui a été de constater que le respect du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution rend plus difficile la mise en place d'une réforme fiscale de grande ampleur.
Le Comité appelle en particulier l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de prendre en compte ces contraintes constitutionnelles pour mener à bien la réforme de la taxe professionnelle. Au cours de ses travaux, le Comité a, en effet, pris connaissance des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2008 qui ont modifié l'assiette de cette taxe, en sortant de son assiette les investissements nouveaux, puis de l'annonce de la " suppression " de la taxe professionnelle. Les propositions qu'il formule plus loin pour remplacer cet impôt s'inscrivent dans ce cadre.
La question des finances locales a donc semblé au Comité revêtir une importance particulière. Une dépense locale difficilement maîtrisée, des financements enchevêtrés, des impôts locaux vieillis et qui ne cessent de s'alourdir, un " financement fiscal " par l'Etat qui n'offre aux problèmes de péréquation qu'une solution en trompe-l'œil : tous ces éléments militent en faveur d'une refonte globale de la fiscalité locale. Au surplus, la suppression de la taxe professionnelle rend cette réforme aussi opportune qu'urgente.
Mais, sans préjudice des contraintes juridiques qui viennent d'être mentionnées, la conviction du Comité est qu'une réforme de l'ampleur de celle qui est nécessaire, et attendue, ne peut aboutir que si elle procède d'un réexamen de la répartition des compétences entre les différentes catégories de collectivités locales.

B. ― LES COMPÉTENCES

La répartition des compétences des collectivités locales illustre jusqu'à la caricature la nécessité d'une remise en ordre de l'administration locale française.
Pratiquement toutes les compétences sont partagées, ce qui sert de prétexte commode aux financements croisés dont l'excès a été mentionné plus haut.
Pour autant, les critères qui permettraient de clarifier la répartition des compétences entre les différentes catégories de collectivités locales en les spécialisant se révèlent peu opérants en dehors d'une refonte des structures mêmes de ces collectivités.
L'exercice est d'autant plus délicat qu'il se heurte à des difficultés juridiques dont il importe de mesurer l'exacte portée.

  1. Des compétences enchevêtrées

A quelques exceptions près, les compétences des collectivités locales, qu'il s'agisse d'assurer le fonctionnement d'un service public, d'attribuer des concours financiers aux entreprises ou aux particuliers ou encore de réaliser des investissements, sont toutes partagées entre elles.

Tableau n° 8 ― Répartition actuelle des compétences entre collectivités locales et l'Etat

| | RÉGIONS | DÉPARTEMENTS | SECTEUR COMMUNAL | ÉTAT | |---------------------------------------------------------|:-------------------------------------------------------------------------:|:-------------------------------------------------------------:|:-----------------------------------------------------------------------------------------------------------:|:--------------------------------------------------------------------------:| | Formation professionnelle, apprentissage. | Définition de la politique régionale et mise en œuvre. | | |Définition de la politique nationale et mise en œuvre pour certains publics.| | Enseignement. | Lycées (bâtiments, TOS). | Collèges (bâtiments, TOS). | Ecoles (bâtiments). | Universités (bâtiments, personnel).
Politique éducative. | | Culture, vie sociale, jeunesse, sports et loisirs. |Culture (patrimoine, éducation, création, bibliothèques, musées, archives).|Culture (éducation, création, bibliothèques, musées, archives).|Culture (éducation, création, bibliothèques, musées, archives).
Enfance (crèches, centres de loisirs).|Culture (patrimoine, éducation, création, bibliothèques, musées, archives). | | Sport (subventions). | Sport (équipements et subventions). | Sport (équipements et subventions). | Sport (formation, subventions). | | | Tourisme. | Tourisme. | Tourisme. | Tourisme. | | | Action sociale et médico-sociale. | | Organisation (PMI, ASE) et prestations (RMI-RMA, APA). | Action sociale facultative (CCAS). | Organisation et prestations (AAH, CHRS). | | Urbanisme. | | | PLU, SCOT, permis de construire, ZAC (19). | PIG, OIN, DTA (20). | | Aménagement du territoire. | Schéma régional (élaboration). | Schéma régional (avis, approbation). | Schéma régional (avis, approbation). | Politique d'ATR. | | CPER. | | | CPER. | | | Environnement. | Espaces naturels.
Parcs régionaux. | Espaces naturels. | Espaces naturels. | Espaces naturels.
Parcs nationaux. | | | Déchets (plan départemental). | Déchets (collecte, traitement). | | | | Eau (participation au SDAGE). | Eau (participation au SDAGE). | Eau (distribution, assainissement). | Eau (police, SDAGE). | | | | | Energie (distribution). | Energie. | | | Grands équipements. | Ports fluviaux. | Ports maritimes, de commerce et de pêche. | Ports de plaisance. | Ports autonomes et d'intérêt national.
Voies navigables. | | Aérodromes. | Aérodromes. | Aérodromes. | Aérodromes. | | | Voirie. | Schéma régional. | Voies départementales. | Voies communales. | Voies nationales. | | Transports. | Transports ferroviaires régionaux. | Transports routiers et scolaires hors milieu urbain. | Transports urbains et scolaires. | Réglementation. | | Communication. | Gestion des réseaux. | Gestion des réseaux. | Gestion des réseaux. | Réglementation. | | Logement et habitat. | Financement. |Financement, parc et aides (FSL), plan et office de l'habitat. | Financement, parc et aides, PLH (21). | Politique nationale du logement. | | Développement économique. | Aides directes et indirectes. | Aides indirectes. | Aides indirectes. | Politique économique. | | Sécurité. | | | Police municipale. | Police générale et polices spéciales. | | Circulation. | Circulation et stationnement. | | | | |Prévention de la délinquance.
Incendie et secours.| Prévention de la délinquance. | | | |

(19) Plans locaux d'urbanisme, schémas de cohérence territoriale, permis de construire, zones d'aménagement concerté.
(20) Projet d'intérêt général, opérations d'intérêt national, directives territoriales d'aménagement.
(21) Programme local de l'habitat.

Le tableau ci-dessus le montre, ce n'est que dans un nombre très limité de matières qu'il est possible d'identifier un niveau de collectivités locales principalement compétent. Il en est ainsi de la formation professionnelle pour les régions, de l'action sociale pour les départements et des règles d'urbanisme pour les communes et leurs groupements. Il n'est d'ailleurs pas indifférent de remarquer que c'est précisément dans ces domaines que l'action des collectivités locales est, de l'avis général, la plus appréciée de nos concitoyens.
En dehors de ces cas, la majorité des compétences sont partagées entre collectivités locales. Il en résulte un enchevêtrement qui a, d'ores et déjà, été dénoncé par maints rapports remis aux pouvoirs publics et, en dernier lieu, par le rapport de M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale (22).

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(22) Op. cit.

Les inconvénients liés à cette situation ont à peine besoin d'être soulignés. Le Comité se contentera donc d'énumérer les principaux, sur lesquels les personnalités qu'il a auditionnées ont marqué un accord unanime : manque de lisibilité qui nuit à la clarté des choix des élus ; complexité qui est une source d'inégalité entre collectivités, selon qu'elles ont ou non les moyens humains et techniques d'éclairer leurs décisions ; justification indue des excès des financements croisés et, par suite, difficulté à maîtriser la dépense publique locale ; impossibilité pour les citoyens de savoir quelle est la collectivité responsable des projets d'investissement.
Le Comité s'est interrogé sur la manière de porter remède à un état de fait qui nuit à la clarté des choix démocratiques.
Force lui a été, cependant, de constater que les critères qui paraissent de nature à améliorer les choses se révèlent peu opérants.

  1. Une difficile spécialisation des compétences

Comme le Comité l'a relevé, la spécialisation des compétences est, depuis l'origine de la décentralisation, le but poursuivi par le législateur. Tel était notamment l'objectif de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, dont l'article 3 précisait : " La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat s'effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l'Etat et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l'Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions. "
Mais le Comité n'a pu que relever que cet objectif, dont le contenu normatif était au demeurant assez faible, n'a pas été respecté, essentiellement du fait que, depuis lors, nombre de législations spéciales ont entendu y déroger, chaque fois pour de bonnes raisons.
Aussi le Comité s'est-il interrogé sur la question de savoir s'il y avait quelque chance raisonnable de renouer avec l'exigence posée à juste titre par le législateur de 1983. Le bon sens y invite et appelle à une " révision générale des compétences " dont le but serait d'attribuer à chaque catégorie de collectivités locales les compétences qu'elle est le mieux à même d'exercer. Au reste, cet exercice donnerait corps au principe de subsidiarité que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a érigé en principe de valeur constitutionnelle en précisant, au deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, que " les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ".
Cinq critères pourraient, a-t-il semblé au Comité, être employés aux fins de spécialiser les compétences des collectivités locales et conférer à ces dispositions constitutionnelles une portée utile.
Un premier critère consisterait à prendre en considération le savoir-faire acquis par chaque niveau de collectivité locale, ce qui permettrait d'éviter les coûts liés à toute réorganisation, alors surtout que, dans certains domaines, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 s'est d'ores et déjà traduite par des transferts récents de services entre collectivités.
Un deuxième critère, géographique et financier, serait lié au niveau de péréquation recherché entre collectivités locales. Dans le cadre d'une telle approche, recommandée notamment par le rapport Warsmann (23), le tourisme et la culture, par exemple, trouveraient à l'échelon départemental un niveau de péréquation idoine, compte tenu de la taille des projets en cause et des moyens humains et financiers qu'ils nécessitent. Mais le Comité a estimé que ce critère pourrait difficilement être opérant dans tous les cas et pour l'ensemble des champs de compétences dont il s'agit.

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(23) Op. cit.

Un troisième critère serait tiré de l'objet même des compétences en cause. En d'autres termes, les compétences d'investissements pour l'avenir, telles la formation professionnelle ou l'éducation, pourraient être dévolues globalement à la région tandis que les compétences de gestion des services de proximité, comme l'aide sociale, seraient attribuées au département. Il en résulterait notamment qu'en dépit de l'expérience acquise par le département dans la gestion des collèges, ceux-ci seraient transférés à la région, au motif que celle-ci a compétence pour gérer les lycées. Mais le Comité a relevé que ce critère ne manquerait pas de s'avérer par trop rigide s'il était retenu de manière générale.
Un quatrième critère reposerait sur la distinction entre l'exercice d'une compétence d'édiction d'orientations générales et de normes et la gestion courante d'un service. Il s'ensuivrait que la collectivité locale dont l'aire géographique est la plus étendue serait chargée d'élaborer le cadre général applicable par toutes les collectivités de son ressort territorial et que celles-ci auraient pour tâche d'assurer la gestion des services. Mais il est apparu au Comité qu'un tel critère serait peu opératoire et qu'il ne permettrait pas d'obtenir un véritable partage des compétences.
Un cinquième et dernier critère serait de nature exclusivement financière ; il consisterait à prendre en compte l'ampleur des dépenses actuellement exposées par chaque niveau de collectivités locales et à affecter la totalité des compétences correspondantes à celui qui y consacre le plus de dépenses. Ainsi les transports, seraient, dans ce cas, attribués aux seules régions. Mais il a semblé au Comité que ce critère comptable aurait pour effet de favoriser à l'excès les compétences liées à des dépenses d'intervention élevées.
Seule une combinaison de ces cinq critères serait de nature à permettre une répartition satisfaisante des compétences entre collectivités locales. Le Comité s'est essayé, on y reviendra, à l'exercice, mais celui-ci s'est avéré particulièrement délicat, tant l'enchevêtrement actuel des compétences est rebelle à tout effort d'analyse.A la vérité, la clarification des compétences est appelée à demeurer un vœu pieux tant qu'elle ne procédera pas d'une redéfinition des structures mêmes de l'organisation territoriale de notre pays.
En outre, il est fréquemment soutenu qu'en tout état de cause, une telle ambition serait vaine dans la mesure où la " clause de compétence générale " qui s'attacherait à la notion même de collectivité locale ferait obstacle à toute spécialisation stricte des compétences. Le Comité a estimé qu'il devait éclaircir ce point.

  1. Des difficultés d'ordre juridique

Enoncée par la loi en termes voisins mais pas identiques, ce qu'il est convenu d'appeler la clause de compétence générale procède de dispositions aussi anciennes que les collectivités locales qu'elles définissent. Ainsi, l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation et les attributions des conseils municipaux, l'article 48 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux et l'article 59 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions fondent les dispositions actuellement applicables, reprises aux articles L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales pour les communes, L. 3211-1 de ce code pour les départements et L. 4221-1 du même code pour les régions. Le premier énonce, pour les communes, que " le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. / (...) Le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d'intérêt local " ; le deuxième prévoit, pour les départements, que " le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. / Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et, généralement, sur tous les objets d'intérêt départemental dont il est saisi " ; le troisième dispose, pour les régions, que " le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région. / Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l'aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. / Il peut engager des actions complémentaires de celles de l'Etat, des autres collectivités territoriales et des établissements publics situés dans la région, dans les domaines et les conditions fixées par les lois déterminant la répartition des compétences entre l'Etat, les communes, les départements et les régions ".
La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat a, en outre, introduit une disposition générale, reprise à l'article L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales, selon laquelle " les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence ". Mais il a été jugé que cette disposition, dont on avait pu penser que, s'ajoutant à la notion de " blocs de compétences ", elle était venue remettre en cause la clause de compétence générale attribuée aux collectivités locales, n'y avait pas porté atteinte (CE 23 octobre 1989, commune de Pierrefitte-sur-Seine, p. 209).
De la combinaison de ces dispositions, éclairées par la jurisprudence, il ressort donc que toute collectivité locale peut, sans excéder ses compétences, agir dans tout domaine présentant un intérêt local alors même qu'aucun texte particulier ne lui en confie le soin. Quant à cette notion d'intérêt local, la jurisprudence en a donné une définition relativement extensive, qui permet d'élargir le champ des compétences attribuées aux collectivités locales par les lois et règlements en vigueur.A titre d'exemple, elle peut justifier les décisions de création d'un service public local, l'octroi de subventions ou d'aides matérielles, la réalisation de travaux (v. notamment CE 19 octobre 1966, Albet, p. 549, pour l'octroi de prestations de subsistance aux rapatriés, ou encore Sect. 28 juillet 1995, Commune de Villeneuve-d'Ascq, p. 834 pour l'instauration d'une bourse municipale en faveur des étudiants étrangers venus préparer un doctorat dans une université située sur le territoire de la commune).
Pour autant, le Comité a relevé que l'importance effective de la clause de compétence générale ainsi définie ne devait pas être exagérée. Plusieurs éléments tendent en effet à en réduire la portée pratique.
D'une part, et même si cette disposition, issue de la loi du 7 janvier 1983, est difficile à contrôler, le troisième alinéa de l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales prévoit que " les communes, les départements et les régions financent par priorité les projets relevant des domaines de compétences qui leur ont été dévolus par la loi ".
D'autre part, la notion d'intérêt local, si souple soit-elle, s'apprécie en fonction des besoins de la population concernée et n'est pas indéfiniment extensible. Ainsi, en dehors de cas extrêmes comme le financement par un département de la restauration d'un village situé dans un autre département (CE 11 juin 1997, Département de l'Oise, p. 236) ou la diffusion d'une brochure appelant à voter " non " à un référendum national (CE 25 avril 1994, Président du conseil général du Territoire de Belfort), le juge administratif est régulièrement appelé à borner l'exercice de la clause de compétence générale.D'une abondante jurisprudence, il résulte que les décisions des collectivités locales qui se fondent sur la clause de compétence générale ne peuvent légalement le faire que si et dans la mesure où elles ne s'affranchissent pas de règles de fond telles que le droit communautaire de la concurrence ou les dispositions législatives spéciales relatives aux aides aux entreprises, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ou encore le principe de neutralité.
Enfin et surtout, la clause de compétence générale n'habilite l'assemblée délibérante d'une collectivité locale à statuer sur des questions d'intérêt local que sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'Etat ou à d'autres personnes publiques (CE 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Barœul, AJDA 2002, p. 42).
Autrement dit, il ressort de l'analyse à laquelle le Comité a procédé que la compétence, fût-elle générale, d'une collectivité locale finit là où commence la compétence exclusive d'une autre personne publique, qu'il s'agisse de l'Etat, d'une autre collectivité locale ou d'un établissement public, y compris d'un EPCI. Il s'en déduit que la seule question à se poser, de manière pratique, est de savoir, au cas par cas, si le législateur, lorsqu'il a attribué une compétence à une collectivité locale, a entendu exclure ou pas l'intervention d'une autre collectivité publique.
Aussi est-il impossible d'évaluer l'ampleur des dépenses exposées par les collectivités locales à raison de leur compétence générale, laquelle n'est, le plus souvent, mise en œuvre qu'en complément à l'exercice d'une compétence d'attribution. Mais le Comité a estimé qu'il ne se tromperait guère s'il avançait que, conformément aux usages les plus anciens, la clause de compétence générale s'applique essentiellement en matière sociale pour ce qui est des communes et en matière d'équipements publics pour ce qui concerne les départements et les régions, appréciation dont on conviendra qu'elle réduit sensiblement l'importance pratique de la question posée.
Le Comité s'est néanmoins interrogé sur le point de savoir quelle était la marge de manœuvre des pouvoirs publics pour restreindre, le cas échéant, le champ de la clause de compétence générale.
Il a relevé que, sur ce point, les avis étaient partagés.D'aucuns prétendent en effet que la clause de compétence générale ne procède pas seulement des dispositions législatives précitées mais qu'elle serait de rang constitutionnel. Elle serait ainsi consubstantielle à la notion même de collectivité locale au sens de l'article 72 de la Constitution et son existence serait, comme on l'a constaté lors de la transformation des établissement publics régionaux en collectivités locales, la principale différence entre les collectivités locales, dotées d'une compétence générale et les établissements publics, qui obéissent au principe de spécialité.
D'autres avancent encore que la clause de compétence générale serait l'une des composantes du principe de libre administration des collectivités locales garanti par les articles 34 et 72 de la Constitution. Ils font notamment valoir que le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 72 de la Constitution impliquait que, pour s'administrer librement, une collectivité locale doit disposer d'un conseil élu " doté d'attributions effectives " (CC, 8 août 1995, décision n° 85-196 DC, à propos de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie) et que le Conseil d'Etat, de son côté, a jugé que le fait, pour une commune, d'être privée illégalement d'une partie de ses compétences constitue une atteinte à sa libre administration.
D'autres, enfin, excipent de l'inscription récente, au deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, du principe de subsidiarité selon lequel " les collectivités territoriales ont vocation à prendre des décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ", ce qui conforterait la thèse qui veut que chaque collectivité locale a vocation à gérer ses propres affaires.
Mais il existe également un point de vue différent, dont le rapport Warsmann (24) s'est, en son temps, fait l'écho. Selon cette opinion, aucune jurisprudence constitutionnelle ne s'opposerait à une modification des dispositions législatives du code général des collectivités territoriales visant à spécialiser l'action de chaque catégorie de collectivités locales, y compris en dérogeant à la clause de compétence générale que la loi leur a reconnue. Le point fort de cette thèse est que cette clause n'a, par elle-même, pas acquis de valeur constitutionnelle et qu'elle ne saurait être confondue avec le principe, constitutionnel, de libre administration des collectivités locales.

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(24) Op. cit.

Au total, le Comité a estimé qu'en l'absence de toute jurisprudence constitutionnelle tranchant clairement la question, il était raisonnable de penser que la modification voire la suppression de la clause de compétence générale était possible, à la condition que la collectivité locale concernée conserve un ensemble de compétences suffisamment important et diversifié pour ne pas être, si peu que ce soit, assimilée à un établissement public. Il a également estimé que le principe de libre administration ne valait qu'au regard de la manière d'exercer ces compétences. Il lui a semblé, au surplus, qu'un tel raisonnement n'était pas incompatible avec les stipulations des articles 2 et 3 de la Charte européenne de l'autonomie locale qui prévoient, respectivement, que " le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne " et que " par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part effective des affaires publiques ". Enfin, il lui est apparu que l'article 4 de la même Charte, qui stipule que " les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité " ne faisait pas davantage obstacle à cette analyse.
Le rapport du groupe de travail présidé par M. Alain Lambert, sénateur (25), avait, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, envisagé un aménagement de la clause de compétence générale et proposé sa suppression pour les départements et les régions. Sensible aux motivations qui ont guidé la réflexion de ce groupe de travail, le Comité s'est toutefois demandé s'il ne serait pas plus expédient de ne pas surestimer l'importance de la difficulté juridique qui vient d'être analysée et d'emprunter la voie d'une définition clairement exclusive des attributions de compétences particulières faites au profit de telle ou telle collectivité locale. La querelle de la clause de compétence générale serait ainsi, pour partie privée d'objet, et la question de la répartition des compétences résolue de manière souple et pragmatique.

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(25) " Les relations entre l'Etat et les collectivités locales ", révision générale des politiques publiques (RGPP), rapport du groupe de travail présidé par Alain Lambert, nov. 2007.

Surtout, le Comité a estimé que la clarification des compétences supposait qu'au préalable fût résolue la question, autrement délicate, des structures de l'administration territoriale.

C. ― LES STRUCTURES

Appelé à dresser l'inventaire des structures de l'administration territoriale de notre pays, le Comité n'a pu qu'être frappé par leur morcellement et leur empilement. Aux 36 686 communes entre lesquelles est réparti l'ensemble du territoire national, s'ajoutent en effet, au 1er janvier 2009, 15 903 syndicats intercommunaux ou syndicats mixtes, 2 406 communautés de communes, 174 communautés d'agglomérations et 16 communautés urbaines, sans compter, en milieu rural principalement, 371 " pays ". Cet ensemble est regroupé en 100 départements, lesquels sont inégalement répartis en 26 régions, dont 22 en métropole.

  1. Les communes et leurs groupements

La France se distingue de ses voisins par le nombre de ses communes, qui s'élevait au 1er janvier 2009 à 36 686 exactement. Souvent présentée comme une richesse, cette particularité constitue en fait une source d'augmentation de la dépense publique. Aussi les pouvoirs publics ont-ils, de longue date, tenté d'y porter remède en favorisant les regroupements de communes. Ce fut notamment le cas de la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite loi Marcellin, qui, à de rares exceptions près, n'a guère rencontré de succès.
Le tableau ci-après illustre cette particularité française :

Tableau n° 9 ― Evolution du nombre de communes
entre 1950 et 2007 dans 14 pays européens
(26)

| PAYS | NOMBRE DE COMMUNES EN 1950| NOMBRE DE COMMUNES EN 2007| DIMINUTION (%)| |:-----------------:|:-------------------------:|:-------------------------:|:-------------:| | Allemagne | 14 338 | 8 414 | ― 41 | | Autriche | 4 039 | 2 357 | ― 42 | | Belgique | 2 359 | 596 | ― 75 | | Bulgarie | 1 389 | 264 | ― 81 | | Danemark | 1 387 | 277 | ― 80 | | Espagne | 9 214 | 8 111 | ― 12 | | Finlande | 547 | 416 | ― 24 | | France | 38 800 | 36 783 | ― 5 | | Hongrie | 3 032 | 3 175 | + 5 | | Italie | 7 781 | 8 101 | + 4 | | Norvège | 744 | 431 | ― 42 | | République tchèque| 11 459 | 6 244 | ― 46 | | Royaume-Uni (27) | 1 118 | 238 | ― 79 | | Suède | 2 281 | 290 | ― 87 |

(26) Conseil de l'Europe, Comité sur la démocratie locale et régionale, 2007, cité par Les Cahiers français, " La réforme de l'Etat ", n° 346, p. 50.
(27) Conseils de district (district councils), qui existent uniquement en zone rurale, à côté des autorités unitaires (English shire unitary authorities), alors que les zones urbaines sont administrées par des districts métropolitains (metropolitan districts) et des arrondissements (London burroughs) à Londres.

Un palliatif fut trouvé à cet échec par les dispositions législatives qui ont entendu développer la coopération intercommunale. Ce fut notamment l'objectif poursuivi, et atteint, par la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, dite loi Chevènement, qui a permis, en quelques années l'éclosion d'un grand nombre d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Mais le Comité n'a pu manquer de relever qu'à ce succès quantitatif ne correspondaient pas les économies d'échelle attendues et que le bilan qualitatif de la coopération intercommunale demeurait contrasté.
La loi du 12 juillet 1999 a laissé subsister cinq modalités de regroupement communal qui, aux termes de l'article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales, se fondent sur " la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ".
Une première catégorie comprend les syndicats intercommunaux de gestion, qu'ils soient à vocation unique (SIVU), structure ancienne héritée de la loi du 22 mars 1890, ou à vocation multiple (SIVOM), créés par l'ordonnance n° 59-33 du 5 janvier 1959 relative à la décentralisation et à la simplification de l'administration communale ; ils unissent des communes voisines pour la gestion d'un ou plusieurs services tels que l'assainissement ou le ramassage scolaire.
Une deuxième catégorie regroupe les communes autour de projets, ce qui suppose une fiscalité propre, qui peut être additionnelle aux taxes perçues par les communes ou prendre la forme de la taxe professionnelle unique (TPU), auquel cas les communes membres ne la perçoivent plus.
Trois (28) modalités de coopération intercommunale sont possibles, au sein de cette deuxième catégorie de groupements.

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(28) Ou même quatre, si l'on prend en compte les cinq " syndicats d'agglomération nouvelle ", catégorie instituée par la loi n° 83-636 du 13 juillet 1983, dotée de compétences obligatoires et percevant la taxe professionnelle unique.

Les communautés de communes, créées par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, sont d'un seul tenant, sans enclave et se révèlent, par leur souplesse d'organisation et l'absence de seuil démographique comme condition de leur constitution, proches de la formule syndicale. Elles exercent des compétences obligatoires en matière d'aménagement et, de façon renforcée si elles optent pour la taxe professionnelle unique (TPU), de développement économique. Leurs autres compétences sont facultatives mais peuvent se révéler, selon le cas, assez étendues.
Les communautés d'agglomération, créées par la loi du 12 juillet 1999, sont également d'un seul tenant et sans enclave, mais ne peuvent regrouper qu'au moins 50 000 habitants autour d'une ville centrale de plus de 15 000 habitants. Outre des compétences obligatoires en matière d'aménagement, de développement économique, d'équilibre social de l'habitat et de politique de la ville, elles doivent opter pour au moins trois compétences supplémentaires au sein de six rubriques : voirie et stationnement, assainissement, eau, environnement et cadre de vie, équipements culturels et sportifs, action sociale. Elles perçoivent la TPU.
Les communautés urbaines, instituées par la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines, sont également d'un seul tenant et sans enclave. Depuis 1999, les nouvelles communautés urbaines doivent compter plus de 500 000 habitants. Leurs compétences obligatoires sont très larges et elles perçoivent la TPU.
Tous ces groupements de communes sont créés par arrêté préfectoral, pris après avis d'une majorité qualifiée des conseils municipaux concernés, représentant une majorité qualifiée de la population.
Au 1er janvier 2009, le pays comptait 15 903 syndicats, 2 406 communautés de communes, 174 communautés d'agglomération et 16 communautés urbaines (29).

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(29) Nice et Toulouse, qui étaient jusqu'alors organisées en communautés d'agglomération, se sont tout récemment transformées en communautés urbaines.

S'ajoute à ces deux catégories de groupements un troisième ensemble, les " pays ", apparus sous la forme associative dans le courant des années 1970 et depuis lors définis par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire comme regroupant des communes et des EPCI liés par une communauté d'intérêts en raison de leur appartenance à un territoire caractérisé par une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale. Ils s'étendent sur un périmètre fixé par le préfet de région, sont pourvus d'organes propres, qui présentent la particularité de pouvoir faire une place aux milieux socio-économiques, ainsi que d'une " charte de développement ". Ils étaient 371 en 2008 et regroupaient 81 % de la superficie du territoire métropolitain et 47 % de la population.
Sans doute la profusion de ces formes diverses de coopération intercommunale et la souplesse de leur organisation expliquent-elles l'indéniable succès quantitatif rencontré par celle-ci ces dernières années. Force est en effet de constater qu'il existe aujourd'hui 2 583 EPCI à fiscalité propre, que 91,5 % des communes, regroupant 87 % de la population, sont membres d'un EPCI. De manière significative, un EPCI rassemble en moyenne 13 communes (un canton 10 seulement en moyenne) et un peu plus de 20 000 habitants. Depuis 1999, le champ de compétence des EPCI s'est considérablement accru, au-delà des obligations légales : le nombre moyen de leurs compétences est, en dix ans, passé de 4 à 8. C'est ainsi qu'en sus du développement économique et de l'aménagement de l'espace, compétences obligatoires, 70 % des EPCI exercent une compétence en matière de logement, habitat et déchets et 60 % dans le domaine du tourisme. Il en résulte que les dépenses des EPCI à fiscalité propre représentent un quart de celles des communes et équivalent à celles des régions.
Le tableau ci-après montre dans quelle mesure les EPCI jouent un rôle de péréquation dans les dépenses communales, étant observé, on y reviendra, que 80 % de ces dépenses sont des dépenses de fonctionnement.

Tableau n° 10 ― Les dépenses des collectivités locales
et de leurs groupements en 2007
(30)

| | DÉPENSES | | |---------------------------------|:--------:|--------| | Md€ | % | | | Régions | 24,4 | 12 | | Départements | 61,7 | 31 | | Communes et groupements (31)| 114,0| 57 | | Communes | 89,8 | | | EPCI à fiscalité propre | 32,6 | | | Autres groupements de communes| 47,0 | 57 | | Total (32) | 200,1| 100|

(30) Direction générale des collectivités locales.
(31) Le total des dépenses du secteur communal ne correspond pas à la somme des dépenses des communes, des EPCI à fiscalité propre et des autres groupements de communes, cette dernière comprenant des doubles comptes liés aux transferts internes entre les communes et leurs groupements.
(32) La différence entre le total des dépenses des collectivités locales et de leurs groupements (200,1 Md€) et le total de leurs ressources (181,8 Md€), figurant dans le tableau n° 3, s'explique, à titre principal, par le recours à l'emprunt.

Il est vrai que les incitations de l'Etat en faveur des regroupements de communes n'ont pas manqué depuis 1999. Des dotations spécifiques existent, qui s'élevaient en 2005 à plus de 2 milliards d'euros. Elles ont manifestement produit leurs effets.
Le bilan qualitatif de l'intercommunalité est plus contrasté que le succès rencontré par les EPCI depuis dix ans ne le laisserait supposer.
Comme la Cour des comptes l'a relevé à plusieurs reprises (33), le périmètre géographique des groupements de communes n'est pas toujours satisfaisant, notamment au regard de l'" aire urbaine " définie par l'INSEE comme correspondant à un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle urbain ou dans des communes attirées par celui-ci. La rationalisation de la carte intercommunale a été tentée en 2004, mais les résultats obtenus sont modestes, en dépit des mécanismes incitatifs prévus à l'article L. 5211-41 du code général des collectivités territoriales. Seuls une dizaine d'EPCI ont fusionné.

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(33) Voir notamment " L'intercommunalité en France ", rapport au Président de la République, novembre 2005, et le rapport public annuel 2009.

Surtout, l'exercice par les EPCI de compétences de plus en plus étendues, encouragé par la loi du 13 août 2004 qui a favorisé la pratique des fonds de concours, de la mutualisation des services et même la mise en place de missions pour le compte des départements et des régions, accentue et illustre les inconvénients liés à l'enchevêtrement des compétences. De fait, les EPCI tendent à exercer une compétence quasi générale, ce qui met en relief l'inadaptation de leur statut d'établissements publics, dont les dirigeants ne procèdent pas du suffrage direct.
Enfin, le développement de la coopération intercommunale n'a pas produit les heureux effets attendus, sinon annoncés, en matière d'économies d'échelle. Le Comité a relevé, à cet égard, que depuis 2000 les effectifs des agents des EPCI avaient augmenté de 64 % sans que ceux des communes aient, comme on aurait pu le penser, décru, puisque, bien au contraire, ils ont continué à croître, de 3 %. Même s'il est vrai que les effectifs des agents des communes ont augmenté trois fois plus vite quand celles-ci ne sont pas membres d'un EPCI, il n'en reste pas moins que les regroupements communaux n'ont pas été un facteur d'économies de fonctionnement. Pour reprendre les termes de la Cour des comptes : " L'essor de l'intercommunalité (...) n'a pas réduit comme escompté les dépenses communales " (34). Même s'il n'a pas sous-estimé les conséquences, pour les EPCI, des nouvelles exigences législatives et réglementaires qui leur ont imposé des dépenses supplémentaires dans le domaine de l'environnement en particulier, et s'il n'a pas davantage négligé le fait que la coopération intercommunale a permis de mieux satisfaire les besoins, existants ou révélés, des populations des petites communes, le Comité a estimé que le financement de l'intercommunalité constituait l'un des points les plus critiquables du système actuel d'administration territoriale de notre pays.

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(34) Op. cit., p. 233.

Au demeurant, cette critique a d'ores et déjà donné lieu à des propositions de réforme.
Les unes consistent à recommander un approfondissement de la coopération intercommunale, qui se traduirait par une rationalisation du périmètre géographique des EPCI, l'élimination des doublons de compétences et de financements avec les pays et les syndicats intercommunaux, la mutualisation des moyens et la mise en place d'une nouvelle répartition des compétences entre les EPCI et les communes.
Les autres suggèrent que la légitimité démocratique des EPCI soit renforcée par le biais de l'élection directe des membres des assemblées délibérantes de ces établissements, le mode de scrutin applicable pouvant alors s'inspirer de celui en vigueur à Paris, Lyon et Marseille, ce qui aurait pour conséquence que lors de l'élection des conseillers municipaux, chaque liste comporterait, en tête, des candidats qui auraient vocation à siéger à la fois au conseil municipal et à l'assemblée délibérante de l'EPCI.
Enfin, il est parfois proposé que les EPCI deviennent des collectivités locales de plein exercice, aux lieu et place des communes. Dans ce schéma, qui verrait s'appliquer le mode de scrutin qui vient d'être décrit, les communes actuelles subsisteraient en tant que subdivisions de la nouvelle commune, resteraient pourvues d'un maire et d'une assemblées délibérante et exerceraient, sur délégation, certaines des compétences de la nouvelle commune. Dans le cas particulier où ces collectivités nouvelles auraient un poids prépondérant dans un département, elles pourraient même fusionner avec lui, comme le permettent déjà les dispositions du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution, les autres communes étant alors rattachées aux départements limitrophes.
Le Comité a pris acte de ces diverses propositions, formulées au fil des ans dans nombre de rapports remis aux pouvoirs publics et dont certaines ont été évoquées devant lui au cours des auditions auxquelles il a procédé. Il a également noté que ses propositions dans ce domaine n'auraient quelque chance d'être entendues que s'il prenait, en outre, clairement parti sur le caractère incitatif ou obligatoire des changements qu'il appellerait de ses vœux et sur le calendrier de la réforme.

  1. Les départements et les régions

Les départements font figure de collectivités locales anciennes, solidement ancrées dans le paysage administratif français. Créés par la Constituante, ils ont été privés par la Convention des instances élues qui devaient les administrer et ont été longtemps réduits à de simples circonscriptions administratives, découpées selon un critère pratique bien connu (le chef-lieu devait être accessible à cheval en une journée de tout point du département). Ils ne sont devenus des collectivités locales que par l'effet de la loi du 10 août 1871, même si des assemblées délibérantes leur avaient été attribuées dès 1833. Et ce n'est qu'en 1982 que le préfet a cessé d'en constituer l'autorité exécutive.
Peut-être le mode de désignation des conseillers généraux, élus depuis l'origine au scrutin majoritaire à deux tours dans le cadre des cantons, a-t-il favorisé l'enracinement de la collectivité départementale dans l'imaginaire collectif, au moins en milieu rural. Le fait est que les départements sont découpés en 4 039 cantons (35), dont le moins que l'on puisse dire est que la taille n'est qu'imparfaitement proportionnelle au nombre des habitants qui les peuplent.

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(35) Départements d'outre-mer compris.

Archaïque pour certains, indispensable échelon intermédiaire d'administration pour d'autres, compte tenu du morcellement communal, le département occupe une place particulière dans le système d'administration locale de notre pays. Les départements perçoivent 35 % des impôts locaux, exposent 28 % du total des dépenses des collectivités locales, dont des charges de personnels de quelque 8,4 milliards d'euros, contre 1,6 milliard d'euros pour les régions. Les 925 euros qu'ils dépensent par an et par habitant se répartissent entre l'action sociale (47 % des dépenses), le développement économique (3 %), l'enseignement (7 %, principalement du fait de la gestion immobilière des collèges, de la gestion de certaines catégories de personnels et de leur participation aux frais de transport des élèves des lycées) et les transports (36).

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36) Données issues des comptes administratifs 2006.

Enfin, le Comité n'a pas manqué d'être frappé par le fait que toutes les réformes décentralisatrices de ces dernières années, qui étaient supposées promouvoir l'échelon régional, se sont, en fait, traduites par un renforcement de la place et du rôle des départements.
A l'inverse, on peut avancer, sans forcer le trait, que les régions sont méconnues.
Il est vrai que, même si certaines d'entre elles correspondent aux anciennes provinces, elles ne sont apparues que récemment dans l'ensemble administratif français, tant la forme républicaine du gouvernement a longtemps paru indéfectiblement associée à l'existence du seul département, né de la Révolution.
C'est en avril 1969 que le général de Gaulle, le premier, proposa d'instaurer, au même rang que la commune et le département, une collectivité territoriale nouvelle, pour les besoins de la politique d'aménagement et de développement du territoire. Après l'échec du référendum du 27 avril 1969, le projet régional ne fut pas totalement abandonné et la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions créa des établissements publics régionaux ayant pour objet de contribuer au développement économique et social de la région . Ces établissements étaient administrés par un conseil régional composé des parlementaires de la circonscription régionale, des représentants des agglomérations élus en leur sein et des représentants des collectivités locales élus par les conseils généraux, dont la moitié parmi les petites communes.
Ce sont les lois n° 82-213 du 2 mars 1982 et n° 86-16 du 6 janvier 1986 qui ont érigé les régions en collectivités locales de plein exercice et prévu qu'elles seraient administrées par un conseil élu au suffrage universel direct. Comme on le sait, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a garanti l'existence constitutionnelle des régions, au même titre que les communes et les départements. Elles ne conservent de leur passé récent qu'une seule originalité institutionnelle, les conseils économiques et sociaux régionaux, organe consultatif non élu, dépourvu de tout pouvoir décisionnel.
A l'heure actuelle, la France compte 26 régions, dont 22 en métropole, administrées par 1 829 conseillers régionaux, soit une moyenne de 70 (76 en métropole) par région. Le mode d'élection de ces derniers a souvent été modifié, le dernier en date des modes de scrutin qui leur est applicable étant celui fixé par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003.
Des auditions auxquelles il a procédé et de ses propres réflexions, le Comité a tiré la conclusion que la région était perçue, le plus souvent, comme un échelon administratif d'avenir par les autorités de l'Etat qui, depuis 2004 au moins, font de ce niveau le pivot de la réorganisation des services et de l'action de l'Etat et par les instances européennes qui considèrent que l'échelon régional constitue le niveau d'administration le mieux adapté à la mise en œuvre des politiques européennes. Mais il n'a pas manqué de relever que la région continue d'inquiéter, non seulement ceux qui craignent que son enracinement progressif ne porte atteinte à l'unité nationale, mais aussi ceux qui se préoccupent de la proximité des services rendus à la population.
Au demeurant, le poids financier de la région reste relativement limité dans notre ensemble institutionnel territorial. Les régions n'engagent que 11,2 % des dépenses des collectivités locales (contre 28,3 % pour les départements et 60,5 % pour les communes et leurs groupements) et ne perçoivent que 9 % de la fiscalité locale. Les quelque 342 euros par habitant et par an qu'elles dépensent sont, pour 42 %, des dépenses d'investissement. Leurs compétences s'exercent essentiellement dans les domaines de la formation professionnelle et de l'apprentissage (20 % des dépenses), du développement économique (8 %), de l'enseignement (20 % avec la gestion immobilière des lycées notamment), de l'organisation du transport ferroviaire des voyageurs (25 %), de la culture, de l'action sociale et, depuis 2004, de la gestion, sur la base du volontariat, des grands équipements, tels que les ports non autonomes, les aéroports, les voies navigables et les ports intérieurs (37).

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(37) Données issues des comptes administratifs 2006. En 2007, la dépense régionale par habitant est passée à 380 €.

Comme on le voit, récente et parfois méconnue, la région occupe une place en devenir dans notre système d'administration territoriale, non sans concourir au phénomène d'empilement des structures déjà décrit.
Si la ventilation statistique des dépenses montre que le département et la région ont leur personnalité propre, les recoupements restent nombreux, du fait de la combinaison des clauses de compétence générale dont jouissent ces deux collectivités. Le rapport Warsmann (38) en a donné des exemples frappants, dans les domaines de l'enseignement artistique, des transports et des aides aux entreprises, en particulier. Du point de vue des métiers, l'enchevêtrement des compétences régionales et départementales est plus manifeste encore, il suffit pour s'en convaincre de se pencher sur la gestion immobilière des établissements d'enseignement.

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(38) Op. cit.

Aussi les pouvoirs publics ont-ils tenté, en 2003, de mettre en place des mécanismes de coordination entre la région et le département pour l'exercice de compétences partagées. C'est la notion de collectivité chef de file qui a été reprise à cette fin. Elle figure au cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui dispose : " Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. "
Le Comité a cependant relevé que la mise en œuvre pratique de cette disposition est demeurée timide. En effet, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n'en a prévu l'application que dans deux domaines : le développement économique au profit de la région, l'action sociale en faveur du département. Encore faut-il observer que le cas de l'aide aux entreprises, qui relève du développement économique, illustre les faiblesses de ce dispositif, puisque le législateur n'a pas entendu donner à la région le moindre pouvoir de contrainte juridique mais l'a, au contraire, cantonnée à un rôle d'incitation et d'impulsion, d'où il résulte que les changements apportés aux pratiques antérieures sont, faute de modalités pratiques d'exécution, des plus modestes, ainsi que la Cour des comptes l'a noté dans son rapport du 28 novembre 2007 sur les aides des collectivités territoriales au développement économique.
Plusieurs options ont d'ores et déjà été soumises aux pouvoirs publics pour franchir une étape dans la voie d'une redéfinition des rapports entre la région et le département.
S'il fallait en faire la synthèse, on pourrait avancer qu'une première catégorie de scénarios tend à mieux organiser la gestion des compétences partagées entre la région et le département, voire à supprimer les cas de partage des compétences. Elles conduisent ainsi à aménager l'interdiction de l'exercice de la tutelle d'une collectivité locale sur une autre en donnant corps à la notion de collectivité chef de file plus que ne l'a fait la loi du 13 août 2004, dont on peut penser qu'elle n'a pas exploité toutes les marges de manœuvre offertes par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Certains envisagent de donner à la région un pouvoir normatif, les documents de planification qu'elle élabore ayant, dans cette hypothèse, un caractère prescriptif pour les collectivités subordonnées. Mais le Comité a relevé que, par sa décision n° 2008-567 du 24 juillet 2008, rendue sur la loi relative aux contrats de partenariat, le Conseil constitutionnel avait estimé que l'article 72 de la Constitution n'habilitait le législateur à désigner une collectivité que pour organiser et non pour déterminer les modalités d'action commune de plusieurs collectivités . Compte tenu de ces incertitudes, le rapport Warsmann (39) a préféré suggérer de limiter les financements croisés, en faisant en sorte qu'un seul niveau de collectivité puisse participer au financement d'un projet conduit par une autre collectivité locale.

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(39) Op. cit.

Quant aux propositions qui visent à éliminer les cas de compétences partagées entre la région et le département, elles supposent un remodelage complet du schéma actuel, en fonction des " métiers " exercés. Dans cette logique, retenue par les rapports Warsmann (40) et Lambert (41), la région aurait seule compétence pour connaître de toutes les matières relatives à l'enseignement et au transport, le département recevant compétence pour l'action sociale, le tourisme, les musées et les bibliothèques. Dans ce cas se pose la question du maintien, pour chacun de ces deux niveaux d'administration territoriale, de la clause de compétence générale.

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(40) Op. cit.
(41) Op. cit.

Une seconde catégorie de propositions revêt un caractère plus ambitieux encore, dans la mesure où elles visent soit à diminuer le nombre de collectivités à chacun des échelons départemental et régional, soit à rapprocher, sinon à fusionner les structures.
Ainsi, outre la proposition 260 du rapport Attali (42) tendant à la suppression pure et simple du département dans un délai de dix ans, des fusions de départements, sur le modèle de la fusion volontaire des départements alsaciens, entre eux et avec la région, actuellement envisagée, sont proposées, ou encore, et ce point a été souvent évoqué devant le Comité, des fusions de régions tant il est vrai qu'au regard de leurs homologues européennes les régions françaises paraissent parfois ne pas disposer de moyens comparables. Il ne fait guère de doute que de telles fusions sont possibles, aux termes mêmes de l'article 72 de la Constitution, dont le premier alinéa dispose :" (...) Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa ".

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(42) " La libération de la croissance française ", rapport de la commission présidée par Jacques Attali, janvier 2008.

Enfin, le Comité a pris acte des propositions qui tendent à rapprocher les structures par le biais d'une unification des organes délibérants de la région et du département. Selon ce scénario, qui pose la question des modes de scrutin et de la circonscription électorale à retenir, tout ou partie des conseillers généraux siégeraient également au conseil régional.
Le Comité a porté sa réflexion sur les avantages et les inconvénients de chacun de ces scénarios et sur leur faisabilité au regard des textes et principes constitutionnels en vigueur. Il en a retiré que des changements importants étaient possibles, leur caractère souhaitable, sinon impératif, se déduisant du constat auquel il a procédé.
Face à cet ensemble à la fois divers et rigidifié par l'uniformité de statuts parfois anciens, le Comité s'est convaincu sans peine d'une double nécessité, que commandent les solutions à apporter aux problèmes liés aux finances locales et à la répartition des compétences : il n'est que temps de porter remède aux inconvénients nés du trop grand nombre de communes, de conduire à son terme le processus de l'intercommunalité et de faire des grandes villes françaises de véritables métropoles ; le moment est venu de rapprocher le département et la région.
Mais le Comité se serait imparfaitement acquitté de sa mission s'il n'avait également dressé le tableau des questions posées par les collectivités à statut particulier que sont la Corse, les départements et régions d'outre-mer et la région d'Ile-de-France.

D. ― LES CAS PARTICULIERS

  1. La région Ile-de-France

Peuplée de plus de 11,5 millions d'habitants en 2006, soit 18,3 % de la population française, la région Ile-de-France regroupe huit départements, 1 281 communes et 106 groupements de communes à fiscalité propre, sur une surface de quelque 12 000 km², à laquelle ne sont inférieures que l'Alsace et la Corse. Première région française par sa population et son PIB, supérieur à 500 milliards d'euros en 2006, elle est aussi, d'après les dernières estimations, la première région d'Europe. En termes de PIB, l'agglomération parisienne se situe au quatrième rang mondial, ex aequo avec Chicago, derrière Tokyo, New York et Los Angeles, mais devant Londres.
Etant observé qu'au sein de la région Ile-de-France l'aire urbaine parisienne rassemble, y compris la ville de Paris, dont les limites actuelles ont été définies par la loi du 16 juin 1859, une population de 11,8 millions d'habitants, au premier rang des aires urbaines françaises, devant Lyon, Marseille, Lille et Toulouse, il est à noter que l'organisation administrative de la région présente de fortes spécificités.
La première d'entre elles tient à ce que la région capitale est le siège de très nombreuses administrations de l'Etat, avec cette particularité que certaines communes y sont privées d'une partie de leurs compétences au profit des services déconcentrés de l'Etat ou de certains établissements publics. C'est ainsi que, dans les départements dits de la " petite couronne " (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), l'autorité préfectorale est seule chargée de la police de la voie publique sur les routes à grande circulation et qu'à Paris le préfet de police est chargé, outre ses compétences réglementaires spécifiques, de l'ordre public, avec une compétence étendue aux départements de la petite couronne pour ce qui concerne les incendies, les secours et la gestion des effectifs et des moyens des services de police.
La deuxième particularité de la région Ile-de-France est que celle-ci exerce, à l'inverse, en tant que collectivité locale, des compétences plus vastes que les régions de droit commun. Ainsi joue-t-elle un rôle de coordination en matière d'équipements collectifs, d'espaces verts, de transports, avec le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), dans lequel la région tient dorénavant un rôle prépondérant, et de circulation, et adopte-t-elle, à cette fin, le schéma directeur régional d'Ile-de-France (SDRIF), prévu par l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme.
La troisième particularité de la région capitale résulte, compte tenu de l'ampleur des problèmes posés, de l'insuffisante coordination entre les départements qui la composent. L'organisation actuelle des départements résulte de la loi du 10 juillet 1964, qui a remplacé les départements de la Seine, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne par huit départements nouveaux et a créé le district de Paris qui constituait, sous l'autorité de Paul Delouvrier, une circonscription d'administration de l'Etat. Le district de Paris a depuis lors disparu.
Le tableau qui suit illustre la dimension financière de ce morcellement administratif, dans la mesure où il fait apparaître les déséquilibres existant entre les départements de Paris et de la petite couronne en matière de ressources.

Tableau n° 11 ― Les ressources des départements de Paris et de la petite couronne en 2007 (M€)

| DÉPARTEMENT | DGF | DMTO | TH | TFPB | TFPNB | TP | TOTAL | |:------------------------:|:--------:|:----------:|:--------:|:--------:|:----------:|:--------:|:----------:| | Département de Paris (43)| 25,8 | 790,0 | 101,8 | 0,0 | 0,0 | 0,0 | 917,6 | | Hauts-de-Seine | 264,1 | 407,0 | 162,2 | 161,6 | 595,1 | 265,3 | 1 855,3 | | Seine-Saint-Denis | 271,3 | 164,0 | 114,0 | 174,4 | 872,1 | 295,9 | 1 891,7 | | Val-de-Marne | 223,9 | 200,0 | 121,8 | 144,8 | 425,1 | 168,1 | 1 283,7 | | Total | 785,1| 1 561,0| 499,8| 480,8| 1 892,3| 729,3| 5 948,3|

(43) La Ville de Paris a un budget de l'ordre de 7 Md€.

Quatrième caractéristique de l'Ile-de-France, l'intercommunalité n'y tient qu'une place modeste. Avec 106 intercommunalités à fiscalité propre qui regroupent 5,85 millions d'habitants, la coopération intercommunale est, en Ile-de-France, inachevée, même si elle a un peu progressé depuis 1999. Elle ne concerne que 70 % des communes de la région ― et notamment pas la ville de Paris ― et seulement la moitié de la population, comme l'illustre le tableau suivant.

Tableau n° 12 ― L'intercommunalité en Ile-de-France

| DÉPARTEMENTS | COMMUNES | COMMUNAUTÉ
de communes| SYNDICATS
d'agglomération nouvelle| COMMUNAUTÉS
d'agglomération| | | | |:----------------:|:--------:|:----------------------------:|:----------------------------------------:|:---------------------------------:|---------|-------|--------| | Nombre | Communes | Nombre | Communes | Nombre | Communes| | | | Paris | 1 | | | | | | | | Hauts-de-Seine | 36 | 1 | 2 | | | 5 | 21 | | Seine-Saint-Denis| 40 | 1 | 3 | | | 2 | 10 | | Val-de-Marne | 47 | 2 | 8 | | | 4 | 19 | | Essonne | 196 | 9 | 97 | 1 | 4 | 8 | 50 | | Yvelines | 262 | 13 | 119 | | | 2 | 19 | | Val-d'Oise | 185 | 13 | 120 | | | 5 | 32 | | Seine-et-Marne | 514 | 33 | 312 | 3 | 19 | 3 | 47 | | Total | 1 281| 72 | 661 | 4 | 23 | 29| 198|

Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce retard : le poids de la ville de Paris, dont la coopération avec les autres collectivités locales de la région est peu institutionnalisée pour des raisons historiques, administratives et politiques ; la taille moyenne des communes limitrophes de Paris, qui limiterait, pour elles, l'intérêt d'un regroupement ; l'existence de grands Syndicats intercommunaux et interdépartementaux chargés de services publics locaux de grande ampleur, tels le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de l'agglomération parisienne (SYCTOM), le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération (SIAPP), le Syndicat des eaux de l'Ile-de-France (SEDIF) ou encore le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC) ; l'existence, enfin, d'organismes publics qui interviennent également à divers titres sur le territoire de la région, tels la RATP ou l'Etablissement public d'aménagement de la Défense.
Si l'on compare la situation de l'aire urbaine parisienne à celle du " Grand Londres " ou à celle de Berlin, on est frappé de constater l'empilement des structures, le grand nombre des instances délibérantes et l'insuffisance, à des degrés variables, de la coordination au sein de cet ensemble dans des domaines aussi cruciaux pour la population et les entreprises que ceux du logement, des transports, de l'urbanisme et de l'attractivité économique. Il en résulte, pour les habitants de l'Ile-de-France, des conditions de vie de moins en moins bien admises, on ne saurait trop y insister. Cela se vérifie dans le domaine des transports, dont le fonctionnement, les infrastructures et les équipements ne sont qu'imparfaitement adaptés aux besoins de la population ; cela est vrai en matière de logement et de sécurité avec des conséquences presque caricaturales en termes de ségrégation sociale entre et au sein des différentes collectivités locales.
Le Comité a pris acte de ces éléments de diagnostic et s'est efforcé de définir les objectifs que toute réforme devrait poursuivre. Il lui est apparu que la première priorité serait la simplification administrative et la limitation des coûts de fonctionnement et de coordination des structures, et que la seconde priorité serait la mise en place, pour la zone de population la plus dense de l'agglomération parisienne, d'une organisation spécifique.
Aussi a-t-il porté sa réflexion sur les deux grandes orientations retenues par les divers rapports remis ces derniers temps aux pouvoirs publics.
La première de ces orientations consisterait à trouver les voies et moyens de mieux coordonner les structures actuelles, sans en diminuer le nombre. C'est l'option privilégiée par la conférence métropolitaine mise en place en 2006. Cette initiative prise par le maire de Paris, après de longues années au cours desquelles la ville de Paris ne semblait pas porter aux communes qui l'entourent une attention suffisante, s'est transformée, sous le nom de Paris Métropole, en un Syndicat mixte regroupant les collectivités locales de la petite couronne et au-delà. Dans un premier temps, cet organisme doit engager les études devant conduire, à terme, à la gestion commune des grands projets architecturaux, urbanistiques ou de transports, sans que cette structure nouvelle ait, dans l'esprit de ses initiateurs, vocation à procéder du suffrage direct.
Une autre option obéit à la même orientation, celle qui regrouperait, autour de Paris, plusieurs communautés d'agglomération, ce qui permettrait aux communes de proche banlieue de réaliser certaines économies d'échelle.
Toujours dans le même esprit, il est enfin proposé la création d'une vaste structure intercommunale englobant la ville de Paris et qui prendrait la forme d'une communauté urbaine, dont les dirigeants pourraient, le cas échéant, être élus au suffrage direct.
Une seconde orientation vise à réduire le nombre des structures administratives.
Plusieurs scénarios ont été élaborés à cette fin.
L'un des plus ambitieux est celui décrit dans son rapport par le sénateur Dallier (44). Il consisterait à fusionner les départements de la petite couronne, de manière à mieux partager la richesse économique et à mettre en œuvre, à l'échelon idoine, les politiques d'équipement nécessaires. Cette entité nouvelle disposerait de compétences élargies par rapport aux départements de droit commun, rétrocéderait la compétence sociale aux intercommunalités et aux communes et se substituerait à elles en matière d'urbanisme.

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(44) Rapport d'information de M. Philippe Dallier, fait au nom de l'Observatoire de la décentralisation sur les perspectives d'évolutions institutionnelles du Grand Paris, Sénat, avril 2008.

Un autre scénario conduirait également à la création d'un " Grand Paris ", mais sur le modèle intercommunal décrit plus haut. Cette structure nouvelle se substituerait aux départements actuels sur l'étendue de son territoire et seuls deux départements, l'un à l'ouest et au sud et l'autre à l'est, subsisteraient sur le territoire de la région.
Enfin, un troisième scénario serait celui de la fusion pure et simple de la région et des départements, la désignation des élus s'effectuant alors, dans l'ensemble de la région, sur le modèle des scrutins dits " à fléchage ".
Le Comité a examiné chacune de ces propositions, tout en ayant présent à l'esprit qu'aucune d'entre elles ne permettait de faire l'économie d'une réflexion approfondie sur les limites géographiques et économiques de la région elle-même et sur le poids particulier des services et des compétences de l'Etat. Par ailleurs, il s'est efforcé, on le verra, de conduire son analyse à la lumière des travaux menés à l'échelon gouvernemental pour l'aménagement de la région Ile-de-France.
En tout état de cause, il est apparu au Comité que le statu quo institutionnel en région parisienne ne pouvait, quelles qu'en soient les apparences, être sérieusement envisagé.

  1. La Corse

La Corse constitue une " collectivité territoriale à statut particulier " au sens du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution. Elle regroupe, sur 8 000 km ², une population de plus de 294 000 habitants, répartie entre le département de la Corse-du-Sud (135 718 habitants) et celui de la Haute-Corse (158 400 habitants). Les villes d'Ajaccio et de Bastia sont, avec respectivement 64 679 et 44 273 habitants, au centre des 90e et 97e aires urbaines françaises. Par ailleurs, l'île compte 360 communes.
En tant que collectivité à statut particulier, la Corse dispose d'institutions spécifiques, fruit d'une histoire administrative riche en rebondissements.
C'est un décret du 9 janvier 1970 qui a séparé la Corse de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la loi n° 75-356 du 15 mai 1975 portant réorganisation de la Corse, qui l'a scindée en deux départements.
La loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse l'a dotée d'un nouveau statut, qui a succédé à celui défini par la loi n° 82-214 du 2 mars 1982 et qui la distingue nettement des régions de droit commun, catégorie à laquelle elle ne ressortit plus. Enfin, la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse a accru les spécificités de cette collectivité territoriale.
En effet, les institutions de Corse comprennent une assemblée délibérante dénommée " Assemblée de Corse ", un exécutif collégial, dénommé " Conseil exécutif ", et un Conseil économique, social et culturel.
L'Assemblée de Corse compte 51 membres élus pour 6 ans dans une circonscription unique, avec cette particularité que le mode de scrutin applicable se distingue de celui en vigueur dans les autres régions par le fait que la liste obtenant la majorité absolue au premier tour ou le plus de voix au second tour ne recueille pas 25 % des sièges à pourvoir, mais seulement trois sièges.L'Assemblée " règle par ses délibérations les affaires de la Corse ", ainsi que le prévoit l'article L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales.
Le Conseil exécutif est un organe collégial composé d'un président, assisté de huit conseillers exécutifs élus parmi les membres de l'Assemblée mais qui, contrairement à ce qui se passe dans les autres collectivités locales, où ne trouve pas à s'appliquer le régime classique de séparation des pouvoirs, cessent, de ce fait même, de siéger au sein de l'organe délibérant.C'est le président du Conseil exécutif qui concentre entre ses mains l'essentiel du pouvoir exécutif. Ce dernier peut, aux termes de l'article L. 4422-31 du même code, voir sa responsabilité mise en cause par le vote d'une motion adoptée par l'Assemblée dans des conditions proches de celles prévues par la loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne pour l'adoption des motions dites de défiance constructive.
Une autre particularité du statut de la Corse tient à ce que les compétences de cette collectivité sont plus étendues que celles attribuées aux régions de droit commun.L'Assemblée de Corse est notamment chargée de la construction, de l'équipement et de l'entretien des établissements d'enseignement secondaire mais aussi supérieur, dont elle arrête la carte. Elle peut également adopter un " plan de développement de l'enseignement de la langue et de la culture corse " et, plus généralement, c'est elle qui définit la politique culturelle de son territoire.
La collectivité territoriale de Corse dispose en outre de blocs de compétences en matière d'aménagement et de développement durable, de développement économique, d'environnement, de services de proximité et de tourisme. Elle est également chargée, dans le domaine des transports, de l'exploitation des transports ferroviaires, mais aussi de la construction, de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion des routes nationales, des ports maritimes de commerce et de pêche, ainsi que des aérodromes, en vue d'assurer le respect du principe de continuité territoriale entre l'île et la France continentale.
Il faut enfin noter que la loi du 22 janvier 2002 avait initialement prévu que l'Assemblée de Corse puisse déroger aux lois et règlements et que le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition au motif que le législateur ne pouvait, même à titre expérimental et temporaire, " autoriser la collectivité territoriale de Corse à prendre des mesures relevant du domaine de la loi ", ce qui l'aurait conduit à déléguer sa compétence dans un cas non prévu par la Constitution.C'est notamment pourquoi, lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, il a été ajouté à l'article 72 de la Constitution un quatrième alinéa qui dispose que " dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou la règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limitée, aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l'exercice de leur compétences ". Le Comité a relevé qu'à ce jour il n'avait pas été fait application de ces dispositions.
Dernier épisode de l'histoire institutionnelle de la Corse, la loi n° 2003-486 du 10 juin 2003 a organisé une consultation des électeurs de l'île sur une modification institutionnelle qui entendait supprimer les deux départements corses au profit d'une collectivité unique. Selon ce projet, les départements supprimés auraient été représentés par un conseil territorial inspiré des conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. La consultation, et non l'accord des électeurs était nécessaire, dans la mesure où le troisième alinéa de l'article 72-1 de la Constitution n'impose pas, en cas de création d'une collectivité territoriale à statut particulier ou de modification de son organisation, de recueillir leur consentement. Comme on le sait, le référendum organisé le 6 juillet 2003 a recueilli 50, 98 % de votes hostiles au projet. Depuis lors, celui-ci n'a pas été repris.
Il est donc revenu au Comité le soin d'apprécier si, et dans quelle mesure, telle ou telle disposition de ce projet ou de toute autre proposition de réforme institutionnelle méritait d'être recommandée aux pouvoirs publics. Le Comité s'est notamment interrogé sur le point de savoir s'il était nécessaire de prévoir, pour la Corse, un statut plus intégré ou si, au contraire, un certain temps de pause n'était pas nécessaire, après plusieurs années de tourmente institutionnelle.

  1. Les départements et régions d'outre-mer

Les collectivités territoriales d'outre-mer sont régies, depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, par un double régime, défini respectivement aux articles 73 et 74 de la Constitution.
Dans les départements et régions d'outre-mer, qui relèvent de l'article 73 de la Constitution, le régime législatif obéit au principe de l'identité, ce qui signifie que les lois et règlements y sont applicables de plein droit, sous réserve des adaptations à leurs " contraintes et caractéristiques particulières " qui peuvent être décidées par la loi, le règlement ou les assemblées délibérantes intéressées, à condition qu'elles y aient été préalablement autorisées par les autorités de l'Etat. Il résulte de ce principe d'identité que l'organisation des collectivités locales y est, pour l'essentiel, celle du droit commun, sous réserve, on le verra, de la coexistence, sur un même territoire, du département et de la région.
Dans les collectivités d'outre-mer, régies par l'article 74 de la Constitution, c'est au législateur organique qu'il revient de fixer le régime législatif et l'organisation institutionnelle. En d'autres termes, sous réserve du respect de la Constitution, le législateur organique n'est pas contraint par le modèle institutionnel métropolitain, et les collectivités concernées peuvent également se voir conférer un pouvoir normatif autonome, y compris dans des matières qui, aux termes de la Constitution, ressortissent au domaine de la loi.
La Nouvelle-Calédonie ne relève, pour ce qui la concerne, d'aucun de ces deux régimes, dans la mesure où des dispositions constitutionnelles spécifiques et transitoires lui sont applicables, qui figurent au titre XIII de la Constitution. Son statut et son organisation institutionnelle ont été définis par les accords de Nouméa du 5 mai 1998, auxquels l'article 77 de la Constitution reconnaît valeur constitutionnelle. La loi organique du 19 mars 1999 a fixé ce statut et défini cette organisation institutionnelle, dont les éléments se rapprochent de ceux des collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, à ceci près qu'est reconnue l'existence d'une citoyenneté locale, qui a pour effet de restreindre le droit de vote, pour l'élection du congrès et des assemblées provinciales, aux seules personnes installées sur le territoire depuis 1988, et que le congrès de la Nouvelle-Calédonie est doté d'un véritable pouvoir législatif, qu'il exerce sous le contrôle direct du Conseil constitutionnel.
Outre cette pluralité de régimes, la Constitution, par son article 72-3, différencie également l'outre-mer de la métropole en imposant le recours à la consultation des électeurs dans deux hypothèses : pour les départements et les régions, lorsqu'il s'agit de créer soit une collectivité se substituant au département et à la région, soit une assemblée commune à ces deux collectivités ; pour faire évoluer une collectivité relevant du régime de l'article 73 de la Constitution vers le régime de l'article 74. La Nouvelle-Calédonie n'est pas soumise à ces dispositions, puisque son évolution statutaire obéit à des échéances propres, définies par les accords de Nouméa.
Le Comité a estimé qu'il n'entrait pas dans sa mission de se prononcer sur d'éventuelles évolutions dans l'organisation institutionnelle des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, dans la mesure où leurs statuts, à l'exception de celui de Wallis-et-Futuna, procèdent de lois organiques récentes, postérieures à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Mais il ne s'est pas interdit de porter son attention sur tel ou tel mécanisme institutionnel en vigueur dans ces collectivités, qui peuvent, le cas échéant, inspirer utilement, notamment en termes de répartition des compétences ou de superposition des niveaux de collectivités, les réformes à prévoir dans les départements et régions d'outre-mer, voire en métropole.
En revanche, le Comité a considéré que l'appréciation à porter sur la situation institutionnelle des départements et régions d'outre-mer entrait pleinement dans le champ de sa mission.
Cette situation se caractérise par la superposition, sur un même territoire, de deux niveaux d'administration territoriale, le département et la région ; elle illustre à l'extrême l'empilement des structures administratives dans notre pays. Tel est pourtant, depuis 1982, l'état de droit et de fait qui prévaut en Guyane, en Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion. Ce problème est devenu de plus en plus aigu ces dernières années, du fait de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et des débats politiques locaux, qui font que la perspective d'une collectivité unique est, selon le cas, dénoncée ou revendiquée comme l'antichambre de l'autonomie, sinon de l'indépendance.
En 1982, c'est en grande partie pour des questions de choix du mode de scrutin que le projet initial du gouvernement a échoué. Ce projet consistait, on le rappelle, à instaurer, dans chacun des départements d'outre-mer, une assemblée unique, dotée de compétences régionales et départementales. Mais cela impliquait, aux yeux de la majorité de l'époque, de substituer au scrutin cantonal un scrutin de liste à la représentation proportionnelle, ce à quoi le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982, mis obstacle ; il a estimé qu'en confiant la gestion des départements d'outre-mer à une assemblée qui, contrairement aux conseils généraux métropolitains, n'assurait pas la représentation des composantes territoriales du département, la législateur avait conféré à cette assemblée une nature différente de celle des conseils généraux et ainsi excédé les limites des adaptations que l'article 73 de la Constitution alors en vigueur autorisait à apporter à l'organisation administrative des départements d'outre-mer au titre de leur situation particulière. Il s'ensuit que, depuis lors, ces territoires, qui ne sont pas particulièrement vastes et peuplés, sont administrés à la fois par un département et par une région, dotés chacun d'une assemblée délibérante, d'un budget et de personnels distincts. Point n'est besoin d'insister sur les inconvénients nés de cette bizarrerie, notamment en termes de coût et de délais de fonctionnement.
Il n'en reste pas moins qu'il n'est pas aisé d'y porter remède. Ainsi qu'il a été dit, l'article 73 modifié de la Constitution comporte un dernier alinéa qui prévoit que " la création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et à une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa des l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités ".
Autrement dit, et sauf révision constitutionnelle, toute évolution institutionnelle des départements et des régions d'outre-mer exige le consentement du corps électoral.
Comme on pouvait s'y attendre, ce problème juridique a pris un tour politique. Le 7 décembre 2003, les électeurs de la Guadeloupe et de la Martinique ont refusé le principe de la création d'une collectivité unique.
Face à cette impasse juridique et politique, le Comité s'est interrogé sur les perspectives d'évolution institutionnelle des départements et régions d'outre-mer. Il a noté qu'un éventuel rapprochement entre régions et départements en métropole pourrait modifier les termes du débat, dans la mesure où les électeurs concernés pourraient accepter, au nom de l'alignement sur la métropole elle-même, ce qu'ils ont refusé naguère par souci de cet alignement, et crainte de se voir enfermés dans une spécificité ultramarine qui est, tour à tour, revendiquée ou niée.

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Le Comité, au sein duquel siègent d'ailleurs des personnalités dont l'expérience d'élu local est ancienne, importante et diversifiée, ne méconnaît pas combien est positif le bilan de la décentralisation.
Les droits et libertés des collectivités locales sont mieux assurés et leur autonomie garantie, sans que l'unité nationale en ait été si peu que ce soit compromise. Les élus sont mieux associés que par le passé aux décisions qui concernent les grands équipements et les infrastructures, souvent très modernes, dont bénéficie notre pays.
Les besoins de la population en termes d'équipements publics et de services de proximité sont, d'une manière générale, mieux satisfaits que dans le système centralisé qui a longtemps prévalu en France.A ce titre, le succès remporté par l'intercommunalité depuis une dizaine d'années mérite d'être souligné, tant il est vrai que, en donnant aux représentants des communes des moyens dont la taille de la plupart de ces dernières les privait, les groupements de communes ont imprimé une impulsion nouvelle à la décentralisation.
Enfin, la gestion des finances locales est globalement saine et la décentralisation n'a pas provoqué les errements graves redoutés par ceux qui s'alarmaient de la suppression de la tutelle préfectorale.
Pour autant, le Comité n'a pas considéré que les aspects indubitablement positifs de la décentralisation justifiaient le statu quo et l'emportaient, aujourd'hui, sur les raisons qui militent en faveur des profonds changements à apporter à notre système d'administration territoriale.
Le principal défaut de ce système, on l'a vu, tient au trop grand nombre de niveaux d'administration. Là où la plupart des pays européens comparables connaissent trois échelons d'administration, la France souffre d'une excessive stratification administrative. Aux communes, dont le nombre est lui-même beaucoup plus élevé qu'ailleurs, s'ajoutent en effet les EPCI, les pays, les départements et les régions, sans compter que l'Etat n'a pas achevé la déconcentration qui était supposée être le corollaire de la décentralisation et que les doublons administratifs sont encore nombreux, ce qu'illustre le fait que la fonction publique locale a connu un accroissement sensible de ses effectifs depuis 25 ans, sans qu'en aient été véritablement affectés les effectifs de la fonction publique de l'Etat. Chacune de ces collectivités et de leurs groupements est, au surplus, administrée par un nombre d'élus plus élevé qu'ailleurs, cette spécificité française étant aggravée par une certaine propension à désigner des exécutifs locaux parfois pléthoriques.
La difficulté à maîtriser la dépense est d'ailleurs le deuxième défaut de notre système.A ce titre, l'empilement des structures et l'enchevêtrement des compétences de chaque niveau d'administration sont, par eux-mêmes, générateurs d'excès de dépenses, et favorisent des investissements sur l'utilité desquelles les électeurs peuvent, parfois, ne pas manquer de s'interroger.
Ce constat est aggravé, et c'est la troisième critique adressée au modèle français d'administration territoriale, par le vieillissement des impôts locaux et la difficulté à trouver, pour chaque collectivité locale, le " bon impôt " qui réponde à ses besoins, ne pénalise pas l'activité et soit levé dans des conditions qui permettent aux citoyens d'exercer leur choix en toute clarté.
Quatrième reproche, l'essentiel des décisions prises, au plus près des besoins de la population, le sont, dans le cadre des EPCI, par des élus qui ne procèdent pas du suffrage direct.C'est la conséquence du succès rencontré par l'intercommunalité mais, au regard des principes qui fondent la démocratie locale, il y aurait quelque paradoxe à s'en satisfaire durablement.
Cinquième et dernier reproche : la structure de l'administration territoriale française n'est plus adaptée aux exigences du développement économique de notre pays, comme cela se vérifie non seulement dans les plus grandes intercommunalités mais encore, on l'a vu, en région parisienne. Force est en effet de constater que tous les défauts qui viennent d'être énumérés se concentrent dans les zones urbaines, de sorte que les structures administratives en place peinent à y accompagner efficacement le développement économique. Dans le même temps, il apparaît qu'un reproche symétrique peut être adressé au mode d'administration des zones rurales et des villes moyennes, qui ne semble plus adapté aux modes de vie qui ont eux-mêmes changé et supposent des services de proximité de meilleure qualité.
Trop de dépenses, trop d'impôts, et de mauvais impôts, trop de structures d'administration, parfois vieillies, trop d'élus, et souvent là où ne se prennent pas les vraies décisions ; pas assez de démocratie locale dans les intercommunalités : tels sont, pour dire bref, les griefs que, sans méconnaître les effets heureux d'une décentralisation encore inachevée, le Comité a recensés à l'encontre de notre système d'administration territoriale.
Bien entendu, ces critiques sont écartées par les tenants des situations acquises. Le nombre des niveaux d'administration témoignerait de la vivacité de la démocratie locale, au même titre que celui des élus locaux, même s'il est avéré que, dans les plus petites communes, il est de plus en plus difficile de recruter des candidats aux fonctions municipales ; les élus les plus habiles, c'est-à-dire ceux qui utilisent, au point de revendiquer exercer un " métier ", toutes les possibilités de cumul des mandats, trouveraient sans peine leur chemin dans le labyrinthe institutionnel, administratif et financier qui vient d'être décrit ; la dépense serait toujours justifiée, même quand elle crée des besoins inédits plus qu'elle ne répond à de véritables nécessités ; l'Etat serait le principal responsable du mauvais fonctionnement du système, par le biais de l'édiction de normes sans cesse changeantes et de transferts de charges plus ou moins avoués.
Le Comité a pris acte de cette défense et illustration d'un certain " modèle français ", qui n'est parfois pas dénuée de tout fondement. Mais il a estimé qu'un grand nombre de ces arguments étaient, à la vérité, fatigués pour avoir trop servi.
Surtout, il a considéré que les changements profonds apportés, depuis 25 ans, aux modes de vie de nos concitoyens et les défis que doit relever l'économie française au cours des années qui viennent ne pouvaient s'accommoder d'un système d'administration territoriale rigide, complexe et coûteux, qui fait obstacle à ce que soient conçues à l'échelon approprié les stratégies de l'avenir et à ce qu'il soit répondu, dans des conditions financièrement optimales, aux besoins des Français en matière de services de proximité.
Aussi les propositions du Comité s'articulent-elles autour d'une double priorité qui lui a paru répondre à ces exigences : simplifier l'administration territoriale de notre pays afin qu'elle accompagne son développement ; lui permettre de fonctionner dans de meilleures conditions, aussi bien en termes de respect des principes démocratiques qu'au regard de l'utilisation de l'argent public. Autrement dit, c'est au franchissement d'une nouvelle étape dans la voie de la décentralisation que le Comité a entendu s'attacher.