JORF n°0055 du 6 mars 2009

SECONDE PARTIE  : L'AMBITION D'UNE DEMOCRATIE LOCALE RENFORCEE ET EFFICIENTE

Le Comité pour la réforme des collectivités locales s'est efforcé d'élaborer des propositions qui répondent aux exigences de notre temps, en termes d'accompagnement du développement économique, de renforcement de la démocratie locale et d'efficience de la dépense publique.A ses yeux, cette tâche implique une simplification des structures de l'administration territoriale, indispensable à la clarification des compétences qu'il appelle de ses vœux comme à la modernisation de la fiscalité locale.
Encore convient-il de définir les critères de cette simplification institutionnelle, administrative et financière, de telle manière que la réforme dont elle a vocation à dessiner les contours permette également à notre pays de relever les défis de l'avenir.
C'est pourquoi il a semblé au Comité que les caractéristiques nouvelles de l'économie, à la fois intégrée à la mondialisation et fondée sur des pôles territoriaux dont les pouvoirs publics ont consacré l'existence en donnant corps à la notion de pôles de compétitivité, avaient substantiellement modifié les rapports entre l'économie et le territoire. Dans le même temps, le Comité a relevé que les dynamiques démographiques et sociales en cours se traduisaient par un déséquilibre croissant dans la répartition de la population et l'émergence de modes de vie inédits qui ont pour conséquence des besoins accrus de services de proximité. Il en a déduit que ces évolutions rendaient nécessaire que l'action publique des collectivités locales, en symbiose avec celle de l'Etat, s'articule, à terme, autour de deux niveaux principaux d'administration exerçant deux catégories de compétences distinctes. Le premier, à l'échelle régionale, aurait la charge de la mise en œuvre des politiques publiques de soutien à l'activité et à la compétitivité ; le second, à l'échelon intercommunal, aurait pour mission, en complément du rôle joué par le département, surtout en milieu rural, d'assumer l'action de proximité à destination des habitants. Il s'agit de préparer cette évolution indispensable par quelques premières mesures prenant effet dans un avenir proche.
A cette spécialisation des structures d'administration locale, qui implique sinon leur hiérarchisation du moins le rapprochement des structures actuelles, ferait écho une spécialisation fonctionnelle des compétences, de manière à assurer l'efficacité de l'action publique et la clarté des choix démocratiques.
Enfin, la mise en place d'un système fiscal modernisé et plus lisible, garantissant que la responsabilité des élus locaux puisse effectivement être mise en jeu, est apparue au Comité comme devant procéder de cette nouvelle organisation institutionnelle.
Telles sont les orientations auxquelles obéissent les propositions qui suivent. Le Comité s'est attaché à ce que ces propositions ne portent pas la marque de l'uniformité qui a trop longtemps caractérisé notre mode d'administration territoriale. Les situations auxquelles l'action publique locale doit répondre sont diverses ; il convient donc de leur apporter des réponses institutionnelles, administratives et financières adaptées, en se gardant de tout esprit de système.

A. ― DES STRUCTURES SIMPLIÉES

La simplification des structures de l'administration territoriale française est, on l'a vu, une nécessité en termes de démocratie locale et d'efficacité de l'action publique. Aux yeux du Comité, cette simplification n'implique pas la suppression de tel ou tel niveau d'administration, facilité dont il a souhaité se garder dès lors qu'elle pose au moins autant de problèmes qu'elle est supposée en résoudre. En revanche, la spécialisation fonctionnelle des collectivités locales lorsqu'elle est utile et leur rapprochement organique lorsqu'il se justifie lui ont paru devoir être privilégiés. Cette voie peut être empruntée, dans des conditions à préciser, aussi bien pour les régions et les départements que pour les communes et leurs groupements.

  1. La région et le département

En premier lieu, l'adaptation de l'échelon régional aux conditions nouvelles de la compétitivité économique et le consensus européen sur l'importance du niveau régional dans les politiques de développement ont convaincu le Comité qu'il convenait de renforcer le rôle des régions françaises, notamment au regard de leurs homologues étrangères.
Contrairement à ce qui est parfois soutenu, les régions françaises, loin d'être plus petites que les autres régions d'Europe, sont plus vastes. Mais leur densité est plus faible et, pour des raisons administratives, historiques ou politiques, leur périmètre géographique est parfois contestable, et d'ailleurs contesté.L'objectif consistant à doter les régions d'une population moyenne de l'ordre de 3 à 4 millions d'habitants serait de nature à leur donner force et vigueur. Aussi le Comité suggère-t-il que le périmètre de certaines des régions françaises soit revu, de telle manière que, sans méconnaître la force de certaines identités régionales attachées à des territoires d'importance inégale, le découpage des régions leur permette de mieux prendre rang dans l'ensemble européen des régions.
Le Comité a estimé qu'il n'avait pas compétence pour procéder à des recommandations précises en cette matière. Il s'est borné à prendre acte, au fil des auditions auxquelles il a procédé, des souhaits d'ores et déjà formulés ; il a formé le vœu que les pouvoirs publics puissent, en concertation avec les élus régionaux et départementaux, mener à bien la réflexion pour que, dans un délai raisonnable, notre pays soit doté d'environ une quinzaine de régions. Plusieurs projets en ce sens existent, à l'initiative de certaines régions, il n'y aurait que des avantages à les encourager.
Encore conviendrait-il de modifier à cette fin la législation existante.
S'agissant des regroupements de régions, l'article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales prévoit qu'ils peuvent être prononcés, sur demande concordante des conseils régionaux intéressés, par décret en Conseil d'Etat à la condition qu'ait été recueilli l'avis favorable exprimé par une majorité qualifiée constituée par une moitié des conseils généraux représentant les deux tiers de la population ou des deux tiers des conseils généraux représentant la moitié de la population. Le Comité suggère, à l'instar du rapport Warsmann (45), que cette exigence ne soit plus requise. Il suffirait donc, pour qu'intervienne un décret en Conseil d'Etat, de l'accord de chacune des régions concernées, exprimé soit par délibération de leur assemblée, soit par la voie du référendum local décisionnel, comme le permet le deuxième alinéa de l'article 72-1 de la Constitution, précisé par la loi organique n° 2003-705 du 1er août 2003.

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(45) Op. cit.

Concernant la modification des limites territoriales des régions, le droit en vigueur prévoit, à l'article L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales, qu'elle relève du législateur après consultation ― ou le cas échéant sur demande ― des conseils régionaux et généraux intéressés. Le Comité propose de faciliter ces opérations, lorsqu'elles visent à modifier le rattachement régional de tel ou tel département, en s'inspirant de la procédure décrite au paragraphe ci-dessus pour les regroupements de régions. Il s'agirait de permettre que le vote du Parlement ne soit plus requis dès lors que seraient obtenus, d'une part, les délibérations concordantes des deux régions et du département directement concernés et, d'autre part, l'avis favorable de la majorité des conseils généraux de chaque région. La loi pourrait par ailleurs préciser le régime applicable (sort du personnel, des biens, des engagements contractuels...) lorsque la procédure implique l'ensemble des départements d'une même région.
Il est par ailleurs rappelé que cette matière pourrait donner lieu à l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution, qui permettent aux électeurs, par l'exercice de leur droit de pétition, de demander l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée régionale d'un projet de fusion ou de modification du périmètre territorial de la région. En tout état de cause, le Comité recommande que de telles initiatives soient laissées à l'appréciation des assemblées des collectivités locales intéressées et, le cas échéant, de leurs électeurs.

Proposition n° 1 : favoriser les regroupements volontaires de régions et la modification de leurs limites territoriales pour en réduire le nombre à une quinzaine

Au demeurant, le Comité a relevé qu'il n'existe aucune disposition symétrique pour les regroupements de départements. Il n'y aurait donc que des avantages à transposer aux départements les dispositions légales qui viennent d'être proposées pour les regroupements de régions.L'exemple des initiatives prises en ce sens par les deux départements savoyards montre que ce n'est pas là une hypothèse d'école.

Proposition n° 2 : favoriser les regroupements volontaires de départements par des dispositions législatives de même nature que pour les régions

Il n'y a pas lieu, en revanche, de prévoir de dispositions particulières pour les fusions entre collectivités de différents niveaux, à l'image du projet porté par un certain nombre de responsables alsaciens visant à substituer à la région et aux deux départements une collectivité unique, et dont le Comité a pris connaissance avec grand intérêt. Il ressort des termes mêmes de l'article 72, premier alinéa, de la Constitution qu'il revient au législateur d'y procéder, sans même d'ailleurs que l'accord des collectivités existantes soit exigé.
En deuxième lieu, le Comité s'est interrogé sur la meilleure manière de renforcer le rôle de la région dans le paysage administratif français tout en la rapprochant du département, afin que l'exercice de leurs compétences respectives soit le plus efficace possible, que les préoccupations du monde rural trouvent un écho à l'échelon régional et que, dans le même temps, celui-ci vienne, partout où cela est nécessaire, en appui aux grands centres urbains. En d'autres termes, il est apparu au Comité que le maintien de ces deux niveaux d'administration locale était justifié si et dans la mesure où leurs rôles propres étaient à la fois plus clairement définis et mieux articulés.
A cette fin, il propose que les conseillers régionaux et les conseillers généraux, qui seraient dénommés conseillers départementaux afin de dissiper toute ambiguïté, soient désignés en même temps et selon le même mode de scrutin.
Il a semblé au Comité qu'un tel système serait de nature à fédérer les deux niveaux d'administration concernés, tout en assurant aux territoires une représentation à l'échelon régional dont ils ne bénéficient aujourd'hui que de manière imparfaite. Au surplus, la simultanéité des élections départementale et régionale renforcerait leur poids dans la vie locale et ne pourrait, en conséquence, que favoriser la clarté des choix démocratiques. On ajoutera que le rapprochement organique des assemblées délibérantes devrait permettre de limiter les interventions concurrentes des départements et des régions sur un même projet et sur un même territoire.
Pour autant, le Comité n'a pas ignoré qu'une telle innovation, tenant à l'unicité des élections des assemblées délibérantes des départements et des régions, doit être conforme au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Sans doute existe-t-il un précédent assez proche, celui de Paris où un même territoire recouvre la commune et le département, les affaires des deux collectivités étant réglées par les délibérations d'une seule et même assemblée, le Conseil de Paris. Mais il s'agit là d'un cas très particulier et la loi dont sont issus les articles L. 2512-1 et 2 et L. 3411-1 du code général des collectivités territoriales n'a pas été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Cependant, le Comité a estimé qu'il résultait de la jurisprudence constitutionnelle qu'il ne serait pas contraire à la Constitution qu'une seule opération électorale serve à désigner les conseillers départementaux et les conseillers régionaux, à la condition que les règles présidant à ce scrutin unique soient suffisamment claires et simples pour que l'électeur soit avisé des enjeux et que la sincérité des votes ne soit pas altérée.C'est à la lumière de cette exigence qu'il a examiné les diverses solutions possibles.
Encore cette proposition pose-t-elle la question de la circonscription dans laquelle, au sein de chaque département, se déroulerait l'élection simultanée ainsi recommandée.
La suppression des cantons dans leur forme actuelle est apparue au Comité comme s'imposant pour deux séries de raisons.
D'une part, il existe entre les 4 039 cantons des disparités de population telles que leur redécoupage, d'ailleurs envisagé par les pouvoirs publics, serait, en toute hypothèse, une impérieuse nécessité. Mais cette opération conduirait immanquablement à constater que la structure cantonale est inadaptée à la répartition actuelle de la population entre les villes et les campagnes et ne manquerait pas d'aboutir à la mise au jour de vastes cantons en zones rurales et de cantons excessivement petits en zone urbaine, si du moins l'autorité règlementaire appliquait les seuls critères démographiques, ce à quoi les évolutions récentes de la jurisprudence l'obligeraient sans aucun doute. Au demeurant, le canton, qui ne constitue plus aujourd'hui qu'une circonscription électorale, a perdu toute signification réelle en zone urbaine, les auditions auxquelles le Comité a procédé l'en ont convaincu.
D'autre part, il est apparu au Comité que le maintien des cantons, fussent-ils redessinés, n'était que très difficilement conciliable avec l'imbrication souhaitée des élections départementales et régionales.
En effet, l'application d'un mode de scrutin uninominal pour les élections départementales aurait nécessairement pour conséquence que chacun des conseillers départementaux ainsi élus, et non pas seulement une partie d'entre eux, siègerait également au conseil régional. De fait, l'électeur ne serait pas en mesure d'opérer lui-même une telle sélection, puisque dans ce système il est appelé à choisir un représentant unique par circonscription ; en outre, il est constitutionnellement exclu de confier au conseil départemental le soin de désigner en son sein ceux de ses membres qui seraient appelés à siéger au conseil régional : un tel système, qui était admissible lorsque la région était un établissement public, et qui l'est encore pour les intercommunalités, qui ont la même forme juridique, ne l'est pas pour une collectivité locale, dont l'article 72 exige qu'elle s'administre librement " par un conseil élu ".
Or le nombre total de conseillers généraux atteint 4 026 en métropole (46), contre 1 731 pour les conseillers régionaux. Il s'en déduit que définir l'assemblée régionale comme la simple addition des assemblées départementales conduirait soit à multiplier par 2, 3 en moyenne le nombre de conseillers régionaux, soit à diviser par le même facteur le nombre de conseillers départementaux. Aucune de ces deux perspectives n'apparaît crédible.

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(46) Hors départements d'outre-mer, mais compte tenu des conseillers de Paris qui ne sont pas élus dans des cantons.

On voit mal, d'un côté, que la région Midi-Pyrénées soit administrée par 293 conseillers contre 91 aujourd'hui, Rhône-Alpes par 335 au lieu de 157, l'Auvergne par 158 contre 47, l'Aquitaine par 235 au lieu de 85.
Et il serait très malaisé, d'un autre côté, de diviser le nombre de cantons par 2, 3 en moyenne. La contrainte d'égalité démographique, désormais appréciée au niveau régional, aggraverait très fortement cette réduction pour les départements ruraux, où pourtant le maintien du canton dans sa forme actuelle se justifierait le plus. Les effectifs des conseils départementaux seraient compris entre 5 et 10 dans un certain nombre de cas, contre 9 conseillers municipaux dans les plus petites communes...
Le Comité a également écarté l'option, qui se heurte à la même objection, d'un système mixte, qui verrait les zones rurales conserver des cantons mais redécoupés, et les zones urbaines ― où le canton n'a plus de signification ― voter selon un scrutin proportionnel de liste, permettant d'ailleurs d'assurer la représentation des différents courants de pensée. Une telle hypothèse lui a en tout état de cause paru mal assurée au regard des exigences constitutionnelles, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur toute forme de mixité des scrutins au regard du principe d'égalité, mais aussi de la difficulté qu'il y aurait à définir les critères objectifs selon lesquels les zones rurales seraient distinguées des zones urbaines et à fixer les procédures permettant de vérifier que ces critères demeurent valides.
Sans méconnaître l'importance de ce bouleversement dans la vie locale, en tout cas ailleurs qu'en zone urbaine, le Comité s'est donc résolu à proposer que les cantons, dans leur forme actuelle, soient supprimés.
Le Comité a donc retenu un mode de scrutin inspiré du scrutin dit " à fléchage " en vigueur à Paris, Lyon et Marseille pour la désignation des membres du conseil municipal de ces trois villes. Ainsi, dans le cadre d'un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d'une prime majoritaire, afin que la gouvernance des assemblées départementales et régionales soit assurée dans les meilleures conditions, les listes présentées le même jour aux suffrages des électeurs comporteraient autant de candidats que de sièges à pourvoir dans les conseils départementaux. Les premiers de liste seraient, dans une proportion à déterminer en fonction de la population, désignés pour siéger au conseil régional et au conseil départemental, tandis que les suivants de liste siègeraient exclusivement au conseil départemental.
Ce mode d'élection, qui aurait pour effet de renforcer la légitimité des conseillers régionaux et de moderniser l'élection des conseillers départementaux, permettrait en outre d'en réduire le nombre. On l'a vu, celui-ci est en moyenne de 70 par région sur le territoire métropolitain. Il est apparu au Comité qu'il ne serait pas excessif de prévoir que ce mode de désignation aboutisse à une moyenne de 50 conseillers régionaux par région. Enfin, comme tous les scrutins de liste, ce mode de désignation aurait également pour effet, tout en assurant la représentation de tous les courants de pensée, d'étendre aux départements le champ de la parité entre élus des deux sexes, ce que ne favorise pas, on le constate, le scrutin majoritaire uninominal.
Il reste à déterminer la circonscription territoriale dans le cadre de laquelle la désignation simultanée des conseillers départementaux et régionaux pourrait se dérouler.
Le Comité a examiné plusieurs possibilités. Il a éliminé la suggestion d'une élection dans le cadre régional, qui éloignerait par trop les élus de leurs électeurs, surtout si le périmètre des régions était peu ou prou augmenté. Il a aussi rejeté l'idée d'un scrutin de liste dans le cadre départemental, aux motifs qu'un tel système aurait pour conséquences à la fois de politiser à l'excès des élections qui n'ont pas forcément vocation à constituer des enjeux nationaux et, surtout, qu'il n'assurerait que de manière très imparfaite la représentation des territoires. Il est apparu au Comité que la suppression des cantons ne pourrait être comprise de l'opinion dans les zones rurales et péri-urbaines que si les territoires concernés étaient, en tant que tels, représentés, aussi bien à l'échelon régional qu'au niveau départemental.
C'est pourquoi le Comité recommande que l'élection simultanée des conseillers départementaux et régionaux se déroule, selon le mode du scrutin de liste " fléché " qui vient d'être décrit, dans le cadre de circonscriptions infradépartementales dont le nombre serait à déterminer en fonction de la population de chaque département. Ces circonscriptions pourraient, selon le cas, coïncider avec un arrondissement ou en regrouper plusieurs, en tout ou partie. La diversité et l'identité des territoires continueraient ainsi à être prises en compte à l'échelon départemental ; elle le serait également au niveau régional, mieux qu'elle ne l'est aujourd'hui. En outre, la définition de cette circonscription électorale nouvelle, de taille suffisante, permettrait de réduire, avec le nombre des conseillers régionaux, celui des conseillers départementaux qui, du fait des inégalités de représentation déjà mentionnées, est actuellement excessif en bien des endroits.

Proposition n° 3 : désigner par une même élection, à partir de 2014, les conseillers régionaux et départementaux ; en conséquence, supprimer les cantons et procéder à cette élection au scrutin de liste

Cette proposition est apparue au Comité comme étant de nature à assurer une meilleure coordination des interventions du département et de la région dans leurs champs respectifs de compétences, à garantir la représentation des territoires et à jeter les bases d'une coopération plus étroite entre la région et le département.

  1. Les communes et leurs groupements

Comme il a déjà été dit, le domaine d'action des politiques de proximité à destination des habitants correspond à l'échelon communal, sous réserve que la collectivité qui y déploie ses efforts allie la taille critique permettant d'investir et la proximité, qui offre une vision claire des besoins réels de la population.
Aussi le Comité s'est-il, au cours de ses travaux, forgé la conviction que les pouvoirs publics auraient en tout état de cause, à échéance rapprochée, à relever le défi de la création de la " commune du XXIe siècle ".
Malaisée eu égard à la diversité des situations locales et à la difficulté qui s'attache à la définition d'un type de collectivité locale adapté aussi bien aux exigences du développement économique qu'à celles d'une démocratie locale vivante, cette tâche conditionne le succès d'une réforme ambitieuse de l'organisation territoriale de notre pays.
C'est pourquoi le Comité s'est efforcé, avant de dessiner l'architecture de ce que pourrait être le modèle des communes de l'avenir et de préciser les conditions dans lesquelles ce modèle pourrait être appelé à se répandre, de définir les préalables à toute réforme des communes et de leurs groupements.
Le premier préalable à satisfaire pour engager une modernisation de l'administration communale est, en toute hypothèse, l'achèvement de la carte de l'intercommunalité.
Il implique, d'une part, que toutes les communes soient obligées de faire partie, en fonction de la population qu'elles comptent, de la structure intercommunale correspondante : communauté urbaine, communauté d'agglomération ou communauté de communes.A cela s'ajoute la nécessité de revoir le périmètre de certaines intercommunalités, et notamment de celles qui n'ont été constituées que pour des raisons circonstancielles, " défensives " ou purement politiques, ou encore de celles dont le périmètre méconnaît la réalité géographique des agglomérations.A cette fin, le Comité recommande que la loi prévoie que les communes rejoignent, avant le 31 décembre 2013, une intercommunalité et que, passé ce délai, il appartienne au préfet d'y pourvoir.
Cet achèvement de la carte de l'intercommunalité suppose, d'autre part, une rationalisation du paysage des syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple. Pour ce qui concerne les communes qui ont transféré des compétences à un EPCI à fiscalité propre, le principe d'exclusivité leur interdit pour l'avenir d'adhérer à un syndicat ayant le même objet ; quant aux syndicats auxquels elles adhéraient précédemment, la loi prévoit déjà soit que la communauté urbaine ou d'agglomération leur est substituée lorsque leur périmètre est entièrement compris dans celui de la communauté, soit un mécanisme de retrait-substitution lorsque ce n'est pas le cas. Cette législation est satisfaisante et doit seulement, aux yeux du Comité, être étendue aux communautés de communes.S'agissant en revanche des communes adhérant ou souhaitant adhérer à un syndicat exerçant une compétence qui n'a pas été transférée à l'EPCI à fiscalité propre dont elles sont membres, le droit en vigueur leur offre une souplesse que le Comité juge excessive. Il propose à cet égard :
― que ne puissent coexister, lorsque leurs périmètres sont identiques, un EPCI à fiscalité propre et un syndicat intercommunal, le premier devant alors absorber le second ;
― que les communes, à l'issue d'un délai de mise en conformité, ne puissent adhérer à un syndicat dont le périmètre contient entièrement celui de l'EPCI dont elles sont membres, sauf pour elles à transférer la compétence à l'EPCI et pour ce dernier à adhérer au syndicat au nom de l'ensemble des communes membres ;
― qu'à l'avenir ces mêmes communes ne puissent adhérer à un syndicat dont le périmètre ne recoupe que partiellement celui de l'EPCI à fiscalité propre ;
― qu'elles ne puissent davantage, pour l'avenir, adhérer à un syndicat dont le périmètre est entièrement compris dans celui de l'EPCI à fiscalité propre.
Il en résulterait une simplification très sensible et une diminution du nombre des échelons d'administration, génératrice par elle-même d'économies d'échelle, sans perturbation excessive des situations existantes. Les décisions de dissolution des syndicats existants dans le périmètre des intercommunalités pourraient être prises par le préfet après avis des commissions départementales de coopération intercommunale, qui seraient appelées à en délibérer avant le 31 décembre 2013. Il n'y aurait d'ailleurs qu'avantage à ce que, dans cette perspective, la composition de ces commissions soit revue de telle sorte que la représentation des intercommunalités y soit renforcée.
Le comité est également d'avis que les " pays ", dont beaucoup ont été des structures de préfiguration de l'intercommunalité et ont joué un rôle utile à cet égard, ne justifient plus le maintien du support juridique particulier que constitue l'article 22 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 modifiée, qui a contribué à la superposition des structures en en faisant un échelon privilégié de contractualisation avec l'Etat, la région et le département.
Le second préalable à toute réforme portant sur les communes et leurs groupements consiste à étendre le champ de l'élection au suffrage universel direct en prévoyant que les organes délibérants des EPCI à fiscalité propre soient désignés directement par les électeurs à l'occasion des élections municipales. Comme il a été dit, le Comité a considéré qu'eu égard, d'une part, aux compétences très larges d'ores et déjà exercées par ces EPCI, et qui s'apparentent, en fait, à une compétence générale, et, d'autre part, à l'importance de leur pouvoir fiscal, il conviendrait, pour mieux respecter les exigences de la démocratie locale, que les conseillers communautaires procèdent du suffrage direct. Dans cette perspective, le Comité recommande que, sur le même schéma que celui proposé pour les élections départementales et régionales, les candidats aux fonctions de conseiller municipal et de conseiller communautaire figurent sur une seule et même liste, les premiers de la liste ayant vocation à siéger au conseil communautaire et au conseil municipal de leur commune d'origine, les suivants de liste ne siégeant qu'au conseil municipal de leur commune. Afin de garantir que les communes soient représentées dans des conditions satisfaisantes au conseil communautaire, il faudrait que la loi prévoie les critères de représentation avec une précision suffisante, l'objectif pouvant être que, quelle que soit la taille des communes membres, toutes aient au moins un représentant au conseil communautaire. Le Comité a relevé qu'en cette matière le système actuel était pour le moins divers, car de nature, en fait, principalement contractuelle, et il est nécessaire, dès lors que l'élection a lieu au suffrage universel direct, que le législateur instaure des règles et des garanties de représentation claires et d'application générale. Quant au mode de scrutin retenu pour cette élection, il serait le même que celui actuellement en vigueur à Paris, Lyon et Marseille.

Aux yeux du Comité, il n'a pas fait de doute que les mandats exécutifs intercommunaux avaient vocation à entrer dans le champ de la législation applicable au cumul des mandats.
En outre, cette évolution impose que soient modifiées, pour les petites communes, les règles applicables quant à la présentation des listes électorales et au mode de scrutin. Il convient d'abord, pour permettre le fonctionnement du " fléchage " de type PLM, d'étendre le scrutin de liste proportionnel aux communes de moins de 3 500 habitants, où s'applique aujourd'hui un scrutin de type majoritaire ; la logique voudrait qu'y soit également interdit le panachage. Si en outre rien ne fait obstacle à ce que, dans les communes de moins de 500 habitants, des listes incomplètes puissent continuer à être soumises au suffrage, cette pratique devrait désormais être proscrite dans toutes les autres communes.L'occasion pourrait être saisie pour revoir la législation en vigueur quant au nombre des conseillers municipaux. Celui-ci est manifestement élevé, notamment au regard des pratiques de pays comparables. Le Comité ne verrait qu'avantage à ce que le nombre d'élus par tranche de population fût réduit et, en tout cas, à ce que, pour les communes de moins de 500 habitants, il soit fixé à sept au lieu de neuf.

Proposition n° 4 : achever, avant 2014, la carte de l'intercommunalité

Proposition n° 5 : rationaliser, avant 2014, la carte des syndicats de communes

Proposition n° 6 : ne plus créer de nouveaux " pays " au sens de la loi du 4 février 1995

Proposition n° 7 : instaurer l'élection des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux

Achèvement de la carte de l'intercommunalité, inclusion des syndicats à vocation unique ou multiple dans les EPCI, interdiction de la mise en place de nouveaux " pays ", élection directe des assemblées délibérantes des intercommunalités : tels sont, aux yeux du Comité, les préalables à toute réforme des communes et de leurs groupements. Au demeurant, s'il advenait que les pouvoirs publics ne retiennent pas les propositions de réforme plus ambitieuses qui suivent, ces changements lui ont paru, en tout état de cause, devoir être apportés au système actuel.
L'architecture de la commune de l'avenir se dessine, à la vérité, assez simplement, dans la mesure où elle consisterait à substituer aux actuelles intercommunalités une collectivité locale de plein exercice, dotée de la clause de compétence générale et de l'autonomie financière, et au sein de laquelle les actuelles communes membres continueraient d'exister sous la forme de personnes morales de droit public ; à ces dernières seraient dévolues telle ou telle compétence de proximité (crèches, action sociale ou médico-sociale, police, permis de construire par exemple) et attribué, le cas échéant, en sus des dotations budgétaires de la commune centre, le produit de tout ou partie des impositions locales indirectes qu'elles perçoivent actuellement. Les anciennes communes membres continueraient à être administrées par un conseil élu, présidé par un maire, et composé d'autant de conseillers municipaux que la loi le prévoirait en fonction de la population représentée. La désignation des conseillers de la commune nouvelle et des anciennes communes membres se déroulerait selon un scrutin de liste " fléché ", à la représentation proportionnelle à deux tours, avec prime majoritaire.
Cette transformation suppose que soient revues les règles de représentation des communes membres d'un EPCI. Le Comité souhaite ― c'est d'ailleurs une exigence juridique ― que cette représentation s'inspire le plus qu'il est possible de critères démographiques, sous réserve que chaque commune dispose, au sein du conseil municipal de la commune centre, d'un représentant au moins.
Au total, il a semblé au Comité que ce modèle simple, préfiguré par les propositions qui viennent d'être faites, ne se heurtait à aucun obstacle de nature constitutionnelle et qu'il pouvait donner corps aux intercommunalités les plus dynamiques, tout en respectant le maillage communal actuel, dont les atouts ne doivent être sous-estimés ni en termes de vitalité de la démocratie locale, ni au regard de la qualité des services rendus aux citoyens, au plus près de leurs besoins.
En outre, il serait nécessaire de prévoir que les dotations budgétaires allouées aux anciennes communes membres ne puissent être inférieures à des minima fixés par la loi et ne soient pas soumises à la seule appréciation du conseil communal central.
Le Comité n'a pas eu la naïveté de penser qu'un tel modèle avait vocation à être adopté tout de suite et partout, et encore moins de manière autoritaire. Il le définit comme un but à atteindre, sans dissimuler toutefois qu'il forme le vœu que ce soit dans un délai raisonnable, c'est-à-dire pas trop long. Il ne mésestime pas la difficulté de l'exercice, mais il a conscience que les esprits sont davantage prêts qu'on ne le croit à une évolution rapide des structures de l'administration communale.
Afin d'ouvrir la voie à ce changement, le Comité a considéré que la création de " métropoles " se rapprochant de ce modèle pourrait avoir valeur d'exemple et favoriser l'acclimatation de la réforme qu'il appelle de ses vœux.
Pour donner une impulsion nouvelle aux intercommunalités les plus peuplées et les plus importantes de notre pays, le Comité recommande que soit créée une catégorie de collectivités locales à statut particulier au sens de l'article 72 de la Constitution, les " métropoles ".
La liste de ces métropoles serait fixée par la loi elle-même, à l'instar de la loi du 31 décembre 1966 qui a limitativement énuméré les communautés urbaines qu'elle a instaurées et ne mentionnait d'ailleurs pas Paris, dont la réforme du statut répond, on y reviendra, à des préoccupations différentes. Le sentiment du Comité a été que, sans cette intervention du législateur, le mouvement qu'il souhaite voir se former aurait moins de chances de se produire, comme en 1966. Cette liste inclurait les actuelles communautés urbaines de Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, ainsi que les communautés d'agglomération de Rouen, Toulon et Rennes, dont les périmètres géographiques pourraient, à cette occasion, être revus de manière à permettre, dans le cadre de l'achèvement de la carte des intercommunalités, leur extension future.

Tableau n° 13 ― Les 25 intercommunalités les plus peuplées

| |COMMUNAUTÉS URBAINES|COMMUNAUTÉS D'AGGLOMÉRATION|NOMBRE|POPULATION
(47)| |---|:------------------:|:-------------------------:|:----:|:--------------------:| | 1 | Lyon | | 57 | 1 219 111 | | 2 | Lille | | 85 | 1 110 035 | | 3 | Marseille | | 18 | 991 953 | | 4 | Bordeaux | | 27 | 680 973 | | 5 | Toulouse | | 25 | 617 576 | | 6 | Nantes | | 24 | 572 147 | | 7 | Nice | | 24 | 500 254 | | 8 | Strasbourg | | 28 | 457 928 | | 9 | | Rouen | 45 | 413 249 | |10 | | Toulon | 11 | 403 743 | |11 | | Rennes | 37 | 399 892 | |12 | | Grenoble | 26 | 399 043 | |13 | | Saint-Etienne | 43 | 392 041 | |14 | | Montpellier | 31 | 378 879 | |15 | | Aix-en-Provence | 34 | 340 270 | |16 | | Saint-Denis | 8 | 309 860 | |17 | | Clermont-Ferrand | 21 | 287 684 | |18 | | Orléans | 22 | 274 833 | |19 | | Angers | 31 | 272 333 | |20 | | Tours | 14 | 268 800 | |21 | Nancy | | 20 | 265 483 | |22 | | Le Havre | 17 | 259 114 | |23 | | Lens | 36 | 253 763 | |24 | | Dijon | 22 | 251 679 | |25 | | Metz | 40 | 230 586 |

(47) Recensement général de la population de 1999.

Ces métropoles bénéficieraient de l'ensemble des compétences reconnues aux communes et de la clause de compétence générale. Les communes membres des communautés urbaines et d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles elles seraient créées, auraient la qualité de " villes ", personnes morales de droit public. Elles recevraient attribution de compétences en matière d'écoles, de crèches d'action sociale et médico-sociale et leurs maires conserveraient, outre leurs attributions d'officier d'état civil, le pouvoir de police générale et le pouvoir de délivrer les autorisations individuelles d'urbanisme. Elles pourraient également se voir déléguer des compétences supplémentaires par la métropole et leurs ressources seraient constituées, outre les dotations budgétaires de la métropole, d'une partie, à déterminer, des impôts indirects locaux, des dons et legs, des produits du domaine et des redevances pour services rendus
.
En outre, le Comité souhaite que les métropoles ainsi créées exercent, par attribution de la loi qui les aura instituées, la totalité des compétences départementales (action sociale et médico-sociale, collèges, environnement...), car tel est bien le meilleur moyen de répondre de manière concrète aux besoins des habitants en zone très urbanisée et de réaliser des économies d'échelle.L'exemple de Paris montre l'efficacité de cette formule. Celle-ci suppose toutefois de scinder des départements existants en deux entités, avec d'une part la collectivité métropolitaine à statut particulier et d'autre part le reste du département substistant seul sous cette forme.
La désignation de l'assemblée délibérante de la métropole obéirait aux règles définies plus haut : élection simultanée, sur une même liste, des élus des anciennes communes membres et des élus du conseil métropolitain proprement dit ; pérennité de l'identité des anciennes communes membres garantie selon les modalités déjà décrites. Si la proposition du Comité relative à l'imbrication électorale des élections régionales et départementales était retenue, il conviendrait par ailleurs de prévoir que la métropole serait représentée à la région par des conseillers directement élus sur son territoire le jour du scrutin départementalo-régional.
On peut également concevoir, comme le souhaitent certains membres du Comité, que les communes membres des communautés urbaines ou d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles seraient créées les métropoles conservent leur qualité de collectivités locales. Cela impliquerait, toutefois, que soient révisées les dispositions de l'article 72 de la Constitution, qui proscrivent, notamment, la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre et consacrent le principe de libre administration. Même dans cette hypothèse, il conviendrait que les conseillers métropolitains soient élus sur la même liste et le même jour que les conseillers municipaux, selon les modalités déjà décrites.

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Le statut des métropoles

  1. Compétences des métropoles

Les métropoles bénéficient de la clause de compétence générale. Elles exercent de plein droit sur leur territoire, en plus des compétences communales, les compétences que la loi attribue au département, soit actuellement :
― culture : patrimoine, éducation, création, bibliothèques, musées et archives ;
― sport ;
― tourisme ;
― action sociale et médico-sociale : organisation (PMI, ASE) et prestations (RMI-RMA, APA) ;
― environnement : espaces naturels, déchets (plan départemental), eau (participation au SDAGE) ;
― grands équipements (ports, aérodromes) ;
― voies départementales ;
― logement : financement, parc et aides (FSL), PLH et office de l'habitat ;
― police : circulation, prévention de la délinquance, incendie et secours.

  1. Liste des compétences d'attribution
    des villes membres d'une métropole

Les compétences d'attribution des villes membres d'une métropole comprennent celles qu'exerce actuellement une commune membre d'une communauté urbaine :
― écoles ;
― crèches ;
― action sociale et médico-sociale (centres communaux d'action sociale, CCAS) ;
― autorisations individuelles d'urbanisme (permis de construire).
Les villes peuvent se voir déléguer certaines compétences supplémentaires par les métropoles dont elles sont membres ou, à l'inverse, lui rétrocéder certaines de leurs compétences d'attribution.
Le maire de la ville membre est compétent pour délivrer les autorisations individuelles d'urbanisme et en matière de police. Il exerce certaines attributions au nom de l'Etat (état civil).

  1. Liste des ressources des villes membres
    d'une métropole

Les ressources des villes membres d'une métropole proviennent :
― de dotations budgétaires de la métropole ;
― d'une partie des impôts indirects locaux (taxe de séjour, DMTO, versement transports en commun, taxe sur l'électricité, taxe de séjour, taxe sur les pylônes électriques).
― de dons et legs ;
― de produits du domaine ;
― de redevances pour services rendus.

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Si ces métropoles étaient créées, ce sont quelque 7, 5 millions de nos concitoyens qui seraient concernés par cette transformation administrative de grande ampleur, dont les avantages en termes de démocratie locale, d'économies d'échelle et de simplification méritent d'être soulignés. Le Comité attache une importance particulière à cette proposition, qui lui paraît de nature à prendre mieux en compte la spécificité des modes de vie urbains qui rassemblent une majorité de la population et à équilibrer la territoire national par la création de pôles urbains dynamiques et intégrés, dotés d'un fort rayonnement économique et culturel.
Il va de soi, dans l'esprit du Comité, que ces onze métropoles auraient vocation à constituer une manière d'avant-garde de l'intégration progressive des communes dans des ensembles plus vastes dotés de la qualité de collectivité locale et non plus seulement d'établissement public. Aussi souhaite-t-il que la loi qui viendrait instituer cette nouvelle collectivité détermine une procédure qui ouvre aux agglomérations qui satisferont aux conditions légales qu'elle déterminera la faculté de se transformer en métropoles si leurs assemblées délibérantes en forment le vœu.
Le Comité ne sous-estime pas l'ampleur des changements institutionnels et pratiques qui résulteraient de l'instauration des métropoles. Aussi recommande-t-il que leur création, décidée par la loi, prenne effet à l'occasion du prochain renouvellement municipal, c'est-à-dire en 2014.

Proposition n° 8 : créer par la loi onze premières métropoles à compter de 2014, d'autres intercommunalités pouvant ensuite, sur la base du volontariat, accéder à ce statut

Pour autant, le Comité n'a pas pensé que, si réussie puisse-t-elle être, l'expérience à venir des métropoles suffirait par elle-même à inciter les autres groupements de communes à franchir le pas de l'intégration par la création de " communes nouvelles ". Aussi a-t-il porté sa réflexion sur les voies et moyens permettant d'encourager cette évolution.
Au chapitre des incitations financières, la Comité a relevé que la " grille " qui commande aujourd'hui l'attribution de la DGF aux intercommunalités permettrait, sans augmenter l'enveloppe budgétaire consacrée aux intercommunalités, de redistribuer les aides en fonction des efforts d'intégration réellement consentis par les communes intéressées ; pour y parvenir, il faudrait que cette " grille " soit revue et que les aides soient attribuées prioritairement aux intercommunalités où le besoin d'intégration est le plus manifeste, c'est-à-dire les plus petites et les moins peuplées.
Afin que la dépense budgétaire correspondante ne demeure pas trop lourde pour les finances publiques pendant une période de temps excessive, le Comité recommande, par ailleurs, que soient instaurées des dates butoirs pour le maintien des aides à l'intégration. On pourrait par exemple imaginer que les communes qui auraient bénéficié de ces aides jusqu'en 2013, ou 2018, selon le schéma à retenir, et qui n'auraient pas procédé à la transformation en commune de plein exercice du groupement auquel elles appartiennent voient ces aides cesser. Le Comité a souhaité que, dans ce cas, la DGF allouée à ces communes soit, dans un premier temps, gelée, puis diminue au fil du temps.
Il appartiendra au législateur de fixer les règles correspondant à ces principes, mais le Comité a souhaité établir les orientations générales qui lui paraissent de nature à encourager, pour les dix ans qui viennent, la transformation du paysage communal de notre pays et à l'adapter aux défis de l'avenir.

Proposition n° 9 : permettre aux intercommunalités de se transformer en communes nouvelles en redéployant, en leur faveur, les aides à l'intégration des communes

Création de onze métropoles ; possibilité ouverte à toutes les communes qui le souhaitent, quelles que soient leur taille et leur population, d'opter pour la transformation en commune de plein exercice de l'EPCI dont elles sont membres, ces propositions, jointes à celles, minimales et préalables, qui ont pour effet d'approfondir la démocratie locale et d'en étendre le champ grâce à l'achèvement de la carte de l'intercommunalité et à l'élection directe des organes délibérants des EPCI, ont paru au Comité de nature à atteindre, à échéance rapprochée et dans le respect des libertés locales, l'objectif recherché. Ces quelques mesures peuvent en effet favoriser une évolution d'ores et déjà engagée, qu'il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à brusquer.
A ces propositions, le Comité a souhaité en ajouter une dixième, qui tend à réduire les effectifs de certains exécutifs locaux. De l'avis général, ces postes sont aujourd'hui trop nombreux, en particulier dans les intercommunalités et il en résulte une dilution des responsabilités et des coûts de fonctionnement parfois sans rapport avec le contenu réel des mandats exercés. Aussi le Comité suggère-t-il que les effectifs des exécutifs intercommunaux soient réduits d'un tiers.

Proposition n° 10 : réduire d'un tiers les effectifs maximaux des exécutifs intercommunaux

Toutefois, le Comité a considéré que de tels changements ne prendraient tout leur sens que s'ils s'appuyaient sur une clarification de la répartition des compétences entre les collectivités locales.

B. ― DES COMPÉTENCES CLARIFIÉES

Comme on l'a vu, la clarification des compétences des collectivités locales est un exercice délicat, auquel le législateur s'est, au fil des ans, plusieurs fois essayé sans guère de succès. La notion le plus souvent utilisée a été celle des " blocs de compétences ". Son usage s'est révélé décevant dans la mesure où elle ne pourrait vraiment prendre corps que si les législations spéciales ne venaient pas ensuite déroger à cette règle, dans des termes souvent imprécis. Le Comité n'a donc pas retenu ce critère pour éclairer sa réflexion.
En outre, le Comité s'est convaincu, pour les raisons juridiques qui ont été exposées, qu'il n'y aurait pas d'obstacle constitutionnel à retirer la clause de compétence générale à telle ou telle catégorie de collectivités locales, laquelle trouve d'ailleurs ses limites dans la loi elle-même, aucune assemblée délibérante ne pouvant empiéter sur les compétences attribuées à titre exclusif par la loi à d'autres autorités et, notamment, à l'Etat. Il a considéré que les termes du deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, qui semblent instaurer une garantie de compétences en faveur des collectivités locales, celles-ci devant se voir attribuer " l'ensemble des compétences " qui peuvent " le mieux " être exercées à leur niveau, ne bornaient pas si étroitement le pouvoir du législateur. La Constitution n'évoque que " la vocation " des collectivités locales et le pouvoir d'appréciation laissé au législateur sur la nature et l'étendue des compétences à attribuer aux collectivités locales est assez vaste, comme l'indiquent les termes " le mieux ". Enfin, on le rappelle, le Comité a relevé qu'on pouvait douter que la clause de compétence générale ait rang de principe constitutionnel mais que le retrait de cette clause à une catégorie de collectivités locales devait s'accompagner de l'énumération de compétences suffisamment larges à l'instance délibérante de la catégorie de collectivités qui se verrait privée de cette compétence générale. Pour demeurer une collectivité locale, la commune, le département ou la région doivent se voir reconnaître des compétences effectives et substantielles et ne pas être enserrés dans une spécialité trop étroite, sauf à devenir de simples établissements publics.
C'est dans ces conditions que le Comité a estimé que ses propositions de réforme des structures de l'administration territoriale prendraient leur plein effet si la clause de compétence générale était retirée à la région et au département mais conservée à l'échelon communal ; étant observé que chaque fois que des communes décideront de fusionner dans le cadre de leur groupement, c'est cette nouvelle collectivité locale, dénommée " commune nouvelle ", qui recevra la compétence générale. Il a considéré qu'un tel schéma garantirait à la fois la capacité pour les élus les plus proches des populations et de leurs besoins de conserver une capacité d'initiative dans des cas non prévus par les textes, et l'exercice, par la région et le département, de leurs compétences respectives dans des conditions plus claires et qui favorisent moins les excès des financements croisés.

Proposition n° 11 : confirmer la clause de compétence générale au niveau communal (métropoles, communes issues des intercommunalités et autres communes) et spécialiser les compétences des départements et des régions

Pour le reste, le Comité s'est attaché à rééexaminer les champs de compétences respectifs de chaque catégorie de collectivités locales avec pragmatisme. Il lui a semblé, en effet, qu'il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à méconnaître l'expérience acquise par chaque niveau d'administration territoriale. On peut rêver d'un partage des compétences s'apparentant à un " jardin à la française ", mais le dessin de ce jardin ne serait satisfaisant que pour l'esprit. Il provoquerait des transferts de services coûteux et peu opérants d'une collectivité à l'autre. Plus réaliste est la répartition dont la description suit, et dont le Comité souligne qu'elle doit être lue à la lumière des principes, qui viennent d'être énoncés, de spécialisation au profit du département et de la région.
La modestie des changements qui en procèdent n'est qu'apparente, si l'on veut bien prendre en compte l'importance fondamentale de la distinction entre des compétences limitativement attribuées à ces deux échelons d'administration et une compétence générale consacrée pour la commune.
Les propositions du Comité poursuivent donc un double objectif : réaménager les attributions de compétences aux différentes catégories de collectivités locales ; développer les mécanismes de délégation de compétences d'un échelon d'administration à l'autre afin de conserver à notre système d'administration territoriale un maximum de souplesse.
Pour présenter le tableau résultant de cette répartition nouvelle des compétences, le Comité s'est attaché à distinguer les compétences qui, à ses yeux, ont vocation à être partagées entre collectivités ou avec l'Etat et les compétences à attribuer à une seule catégorie de collectivités locales. Il a, enfin, tenté de déterminer les cas et les conditions dans lesquels les compétences pouvaient être déléguées par une collectivité à une autre.
Encore convient-il de préciser que la répartition des compétences relève, en l'état actuel du droit, de textes multiples, insérés dans des codes distincts, sans cohérence au regard d'un objectif de répartition par échelon d'administration territoriale. Pour être efficace, la clarification que le Comité appelle de ses vœux devra donc être précédée d'un travail d'inventaire détaillé associant l'ensemble des ministères intéressés. Il en résulte, d'une part, que les recommandations qui suivent ne sont formulées qu'à titre d'orientations générales et ne prétendent pas à l'exhaustivité et, d'autre part, qu'il est souhaitable que les pouvoirs publics élaborent une méthode de travail et un calendrier permettant au législateur de se prononcer, avant la fin de la présente législature, sur une répartition détaillée des compétences en fonction des critères retenus par le Comité.

Proposition n° 12 : clarifier la répartition des compétences entre les collectivités locales et entre celles-ci et l'Etat

  1. Les compétences partagées

Dans le domaine du tourisme, les trois niveaux de collectivités locales sont compétents pour définir et mettre en œuvre, sur leur territoire, des actions de développement touristique en cohérence avec la politique nationale. Les régions, les départements et les communes, mais aussi les groupements de communes, peuvent créer des structures d'intervention. Le Comité a retenu des auditions auxquelles il a procédé qu'il y avait là des redondances et dispersions de moyens auxquelles il y avait lieu de porter remède. Il n'y aurait donc qu'avantage à réserver cette compétence aux communes ou à leurs groupements et aux régions, l'échelon départemental n'apparaissant pas, en cette matière, comme le plus approprié.
Pour ce qui concerne la culture, la diversité des missions en cause rend particulièrement délicat l'attribution de cette compétence à un seul niveau d'administration. Il convient de confirmer que, pour ce qui est du patrimoine, sa protection, son inventaire et son entretien relèvent pour l'essentiel de l'Etat, celui-ci s'appuyant sur les régions, qui ont d'ailleurs reçu compétence en matière d'inventaire, sauf à prévoir, le cas échéant, que des délégations soient consenties aux communes ou à leurs groupements et aux métropoles. Pour ce qui a trait aux archives, c'est l'Etat qui doit continuer à fixer les règles de gestion et conserver le soin des archives nationales, le département recevant compétence, comme c'est déjà le cas, pour ses archives propres mais aussi pour les archives de toutes les collectivités locales et de leurs groupements. Enfin, le Comité a estimé opportun que la compétence de chaque catégorie de collectivités locales soit maintenue pour le soutien à la création artistique.
S'agissant de l'environnement, cette compétence est aujourd'hui partagée entre l'ensemble des collectivités locales. Constatant que la mise en œuvre des dispositions législatives qui viennent d'être adoptées à l'issue du " Grenelle de l'environnement " n'était pas encore entamée à l'heure où il délibérait, le Comité a pris acte de ce que chaque niveau d'administration territoriale était appelé à participer à l'effort souhaité par le législateur.

  1. Les compétences propres

Les compétences dont il s'agit s'entendent, a-t-il semblé au Comité, de celles qui doivent être exercées complètement par une seule catégorie de collectivités locales, mais aussi de celles qui peuvent être exercées par plusieurs collectivités à la condition que ce soit sur des segments de compétences clairement identifiés.
Relèvent des compétences exclusives exercées par un seul niveau d'administration territoriale celles liées à des infrastructures ou à des réseaux.C'est le cas de l'eau et de l'assainissement, domaine dans lequel le Comité a estimé que, sous réserve, d'une part, des compétences de l'Etat en matière de police et de schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et, d'autre part, du rôle joué par les départements en matière d'aménagement rural, c'est aux communes, à leurs groupements et aux métropoles que devait continuer à échoir l'exercice exclusif de cette compétence.C'est le cas également en ce qui concerne l'énergie, les communes, leurs groupements et les métropoles devant conserver le monopole de la distribution du gaz et de l'électricité.C'est le cas, enfin, pour ce qui est des déchets ménagers et assimilés, dont l'échelon communal ou intercommunal d'administration doit prendre l'entière responsabilité, le département perdant, en conséquence, la possibilité d'être maître d'ouvrage des plans d'élimination et de traitement des déchets ménagers et assimilés, qui pourraient être supprimés dès lors que le territoire de chaque département serait couvert par des groupements de communes de taille suffisante.
La même inspiration a guidé le Comité dans le domaine de l'urbanisme. Dès 1983, cette matière a été attribuée aux communes et à leurs groupements. Le Comité a considéré qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause ce choix, qui permet que les décisions soient prises au plus près des citoyens. En revanche, le Comité recommande que les plans locaux d'urbanisme relèvent systématiquement de l'échelon intercommunal ou métropolitain, les décisions individuelles demeurant prises au niveau des actuelles communes.
En matière d'action sociale, le Comité recommande que les communes soient invitées par la loi à déterminer, pour l'ensemble de l'intercommunalité dont elles relèvent, si la compétence en cause est exercée à leur échelon ou à celui de l'EPCI, au besoin par le biais d'un établissement public créé à cet effet, sur le modèle des centres d'action sociale actuels. En tout état de cause, il est impératif de mettre un terme aux interventions concurrentes de la commune, du centre d'action sociale communal et du centre intercommunal. Encore le Comité doit-il ajouter que ce redécoupage ne sera complet que si l'Etat transfère aux départements de nouvelles compétences (handicap, médecine scolaire, enfance en difficulté prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse, agrément et contrôle des centres de vacances) pour compléter leur bloc actuel de compétences et si les rôles sont plus clairement répartis entre les organismes de sécurité sociale et les départements dans les domaines de la politique familiale ou de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.
Quant à la création, l'aménagement, l'entretien et la gestion des zones d'activité communales ou communautaires, le Comité a estimé qu'il était conforme à l'inspiration générale de ses travaux de prévoir que ces compétences ne pourraient plus être exercées qu'à l'échelon communautaire ou métropolitain.
En ce qui concerne le logement, le Comité a également considéré que la remise en ordre qu'appelle la multiplicité des organismes en cause imposait que cette compétence soit dévolue aux groupements de communes et aux métropoles, le département ne conservant que le soin d'élaborer le plan départemental pour l'habitat ainsi que l'office de l'habitat, mais exclusivement au titre des zones non couvertes par des métropoles ou des communautés urbaines ou d'agglomération.
Les équipements sportifs devraient aussi, a-t-il semblé au Comité, relever de la compétence exclusive des communes et de leurs EPCI, qui sont déjà propriétaires de près de 80 % d'entre eux, et non plus des départements. Toutes les collectivités locales conserveraient, en revanche, la faculté de subventionner les clubs et associations sportives, à l'exclusion de la région.
Quant à la protection de l'enfance, il a paru au Comité qu'elle gagnerait à demeurer une compétence exclusive du département, qui l'exerce d'ores et déjà, de manière satisfaisante.
En d'autres termes, le secteur communal doit, aux yeux du Comité, voir sa compétence propre confortée en matière d'équipements sportifs, de logement, de zones d'activité, d'urbanisme, d'infrastructures et de réseaux. Il lui a toutefois semblé qu'afin de permettre aux communes et à leurs groupements de mener à bien les projets d'équipement qu'elles souhaitent entreprendre, il convient que le département conserve, en dépit de la suppression de sa clause de compétence générale, la possibilité de les y aider que lui donnent expressément les articles L. 3232-1 et L. 3233-1 du code général des collectivités territoriales. Cette possibilité prend tout son sens en milieu rural.
Le Comité a estimé que d'autres champs de compétences pourraient, comme aujourd'hui, relever de la catégorie de celles exercées par plusieurs collectivités locales sur des segments bien identifiés.
Il en est ainsi de la voirie. Sans doute aurait-on pu estimer qu'il y avait quelque logique à ce que la région, compétente en matière de transports ferroviaires, assure également la gestion des routes. Mais il n'a pas semblé au Comité, compte tenu des transferts récemment opérés par la loi du 13 août 2004 en faveur des départements, qu'il y aurait avantage à revenir sur cette attribution de compétence. Quant aux voies communales, il n'y a pas lieu d'en modifier l'affectation.
Il en va de même pour la construction et le fonctionnement des établissements scolaires. Il est vrai que le partage entre les communes pour les écoles, les départements pour les collèges et les régions pour les lycées peut sembler artificiel et il a d'ailleurs souvent été soutenu devant le Comité que d'importantes économies d'échelle pourraient résulter de l'unification de ces compétences, qui concernent souvent les mêmes personnels et les mêmes bâtiments. Mais il est apparu au Comité que ces fonctions étaient actuellement assurées de manière satisfaisante et qu'aucune solution alternative ne s'imposait avec la force de l'évidence.

  1. Le développement des délégations de compétences

L'article L. 121-6 du code de l'action sociale et des familles, issu des lois de décentralisation de 1983, avait ouvert la possibilité de délégations du département aux communes en matière d'action sociale. Des facultés élargies ont été créées au profit des EPCI par l'article L. 5210-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 13 août 2004, qui dispose : " Lorsqu'il y est expressément autorisé par ses statuts, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut demander à exercer, au nom et pour le compte du département ou de la région, tout ou partie des compétences dévolues à l'une ou l'autre de ces collectivités (...) L'assemblée délibérante se prononce sur cette demande par délibération motivée.L'exercice par l'établissement public de coopération intercommunale d'une telle compétence fait l'objet d'une convention conclue entre l'établissement et le département ou la région, qui détermine l'étendue de la délégation, sa durée ainsi que ses conditions financières et ses modalités d'exécution. "
La faculté ainsi ouverte par la loi a introduit de la souplesse dans l'exercice par les collectivités locales de leurs compétences. Elle a permis d'adapter aux réalités locales les principes définis par la loi et de clarifier l'exercice concret des compétences. Mais elle a été trop peu utilisée à ce jour. Aussi conviendrait-il que, dans les matières où une telle adaptation est particulièrement souhaitable, la loi prévoie l'obligation pour la collectivité attributaire de la compétence correspondante d'organiser, dans un délai déterminé, un appel à délégation de compétences ; la décision de déléguer restant de son ressort mais tout refus de délégation devant être motivé.
L'insertion sociale et professionnelle des publics en difficulté offre ainsi matière à une meilleure coordination entre collectivités locales.C'est le département qui est responsable des politiques d'insertion des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), qui adopte le programme départemental d'insertion, pilote le pacte territorial pour l'insertion et assure la prescription des contrats aidés destinés aux bénéficiaires du RSA. Il n'y aurait qu'avantage à ce que le département conserve cette compétence, mais à ce qu'il soit invité à en déléguer l'exercice aux principaux groupements de communes, les métropoles ayant pour leur part vocation à exercer de plein droit cette compétence, comme d'ailleurs l'ensemble des compétences départementales.
La même orientation vaut dans le domaine de la formation professionnelle tout au long de la vie. Si la responsabilité de l'Etat doit, a-t-il semblé au Comité, rester de définir la norme et de garantir la qualité du contenu pédagogique des formations, l'exercice exclusif par la région de la compétence correspondante constitue le scénario d'évolution le mieux adapté aux besoins et aux expériences acquises. Cette recommandation imposera de lui transférer les interventions de l'Etat à l'égard de certains publics, comme les personnes handicapées ou illettrées, ou en matière de formation aux métiers du sport et de la jeunesse.A l'égard des autres collectivités locales, la loi pourrait surtout prévoir que la région soit tenue de faire appel à délégation de compétence en direction des départements pour la formation professionnelle des publics bénéficiaires des minima sociaux en insertion et des personnes handicapées, le département étant déjà en contact avec ces publics au titre d'autres politiques sociales.
S'agissant du développement économique, il a semblé au Comité que c'est le rôle de la région qui, compte tenu de la place qu'il souhaite lui voir occuper dans le paysage administratif français, devait être mis en relief. Aussi le Comité propose-t-il que, sauf délégations de compétences aux communes et à leurs groupements, la région ait le monopole de l'attribution des aides aux entreprises et de la participation aux pôles technologiques.
Pour ce qui est, enfin, des réseaux de communication électronique et audiovisuelle, le Comité a relevé que cette compétence facultative, fondée sur les dispositions de l'article L. 1425-1 du code des collectivités territoriales, est exercée par tous les niveaux de collectivités locales pour la création et la gestion des infrastructures pour la distribution de services de communication en cas de carence de l'initiative privée. Ce sont les communes et leurs groupements qui s'avèrent le plus actifs en la matière, mais certains départements et quelques régions interviennent également, au profit des zones du territoire les moins attractives pour les opérateurs privés.
L'absence de coordination en ce domaine est peu satisfaisante ; elle ne garantit pas la cohérence des réseaux et ne permet pas de réaliser des économies d'échelle dans les appels d'offres, face à des opérateurs puissants. Or, il est indispensable, dans une matière marquée par la forte influence du droit communautaire et l'extrême vigilance de la Commission, de disposer de la taille critique nécessaire pour engager et mener à bien des procédures exposées à des risques contentieux élevés, qui peuvent entraîner des dépenses élevées pour les collectivités locales et pour l'Etat.
Il apparaît donc utile de confier à une collectivité organisatrice la compétence correspondante. La région semble le mieux à même de l'exercer, compte tenu de son rôle dans l'aménagement du territoire et le développement économique. Au demeurant, le plan France Numérique 2012 prévoit de coordonner les initiatives en ce domaine à l'échelon régional. Sans entraver le dynamisme du mouvement lancé par les collectivités locales, qui a permis à notre pays de combler une grande partie de son retard, la région pourrait se voir reconnaître le rôle d'autorité organisatrice : elle procéderait à l'analyse des besoins des territoires, elle fixerait les priorités et élaborerait les cahiers des charges types. Les communes et leurs groupements et les départements pourraient, dans ce cadre, établir des projets détaillés dont ils assureraient la maîtrise d'ouvrage, ou la maîtrise d'ouvrage déléguée.

Tableau n° 14 ― Répartition nouvelle des compétences entre collectivités locales et l'Etat

Vous pouvez consulter le tableau dans le JO (fac-similé)
n° 55 du 06 / 03 / 2009 texte numéro 1

Comme on le voit, le Comité ne propose pas de bouleverser la répartition actuelle des compétences. On peut penser, par exemple, que le renforcement, qu'il appelle de ses vœux, de la compétence de la région en matière de formation professionnelle et de celle du département pour l'action sociale apporterait des changements appréciables, mais ne modifierait pas fondamentalement les choses.
Pour autant, le Comité appelle l'attention sur le fait que les propositions qu'il a formulées dans le domaine de la modification des structures des collectivités locales, avec, en particulier, la suppression des cantons et l'instauration de la désignation simultanée des conseillers départementaux et régionaux, ne doivent pas être sous-estimées dans leurs effets pratiques. De plus, il croit devoir souligner que la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions constitue un changement fondamental dans la mesure où il a pour effet que ces collectivités locales n'aient plus la faculté d'intervenir dans des domaines de compétences autres que ceux qui leur sont limitativement attribués, à l'exception de la possibilité, laissée ouverte aux départements, d'aider les groupements de communes dans ceux de leurs investissements qui sont nécessaires à la réalisation de leurs projets d'équipement. Il a semblé au Comité que la limitation du champ d'application de la clause de compétence générale était l'une des mesures les plus importantes de celles qu'il souhaitait voir mises en œuvre et qu'elle était de nature à porter, par elle-même, remède aux conséquences du morcellement des structures d'administration territoriale ainsi qu'aux excès des financements croisés qui en procèdent et à favoriser le regroupement des communes. Aussi le Comité a-t-il estimé qu'a priori il n'était pas nécessaire d'encadrer davantage les financements croisés, ainsi rendus plus difficiles. Ce n'est que si, à l'usage, il se révélait que les mesures qu'il préconise se révélaient insuffisantes qu'il y aurait lieu de proscrire qu'une collectivité locale puisse bénéficier du concours financier de plus d'une autre collectivité, comme l'ont suggéré le rapport Lambert (48) et le rapport Warsmann (49).

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(48) Op. cit.
(49) Op. cit.

En d'autres termes, le Comité a considéré que si une approche pragmatique de la répartition des compétences entre les niveaux d'administration territoriale était opportune, c'était à la condition que soient jetées les bases d'un partage des rôles différent. Il lui a semblé que, de cette manière, la clarté des choix démocratiques serait mieux garantie et la dépense publique mieux maîtrisée. Il lui est également apparu, en réponse aux préoccupations exprimées par nombre d'élus locaux, que la révision générale des politiques publiques offrait l'occasion à l'Etat de tirer enfin toutes les conséquences des lois de décentralisation et de supprimer ceux de ses services déconcentrés qui interviennent en doublons dans le champ de compétences des collectivités locales.

Proposition n° 13 : prévoir, à l'occasion de la révision générale des politiques publiques, de tirer toutes les conséquences des lois de décentralisation, de telle sorte que les services ou parties de services déconcentrés de l'Etat qui interviennent dans les champs de compétences des collectivités locales soient supprimés

Encore ces changements ne peuvent-ils prendre tout leur sens que si les finances locales sont, elles-mêmes, modernisées.

C. ― DES FINANCES LOCALES MODERNISÉES

La remise en ordre des finances locales et la refonte de la fiscalité ont revêtu, à mesure que le Comité progressait dans ses travaux, une importance croissante dans la conduite de sa réflexion. Lors de son installation, le Comité avait bien conscience de la gravité de la situation économique mondiale mais, depuis lors, celle-ci n'a cessé de se dégrader. La nécessité de ne pas aggraver le déficit structurel du budget de l'Etat s'est également imposée à lui avec force. L'impossibilité d'alourdir si peu que ce soit le déficit des finances publiques commande les propositions qui suivent.
Par ailleurs, le Comité, après avoir analysé, on l'a vu, les contraintes constitutionnelles qui enserrent toute entreprise de réforme de la fiscalité locale, a pris le parti de raisonner à droit constitutionnel constant. On pourrait, certes, imaginer d'inviter les pouvoirs publics à modifier les dispositions constitutionnelles issues de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, en tant qu'elles prévoient que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources . Les incertitudes liées à ces dispositions et le fait que, pour leur application, le législateur organique ait en quelque sorte " figé " la notion de " part déterminante " au niveau constaté au titre de l'année 2003 ne vont pas sans inconvénient et bornent étroitement le cadre de toute réforme des finances locales. Nombre des auditions auxquelles le Comité a procédé ont mis en relief les incohérences qui résultent de ces dispositions et l'ont convaincu qu'à moyen terme une révision de la Constitution sur ce point ne serait pas à déconseiller. Mais le Comité n'a pas cru devoir proposer une nouvelle modification de la Constitution dans l'immédiat et il s'est efforcé de formuler des propositions compatibles avec son texte actuel.
Enfin, le Comité a pris acte des derniers développements survenus dans le domaine, sans cesse exploré, de la réforme de la taxe professionnelle. L'orientation, initialement prise par le gouvernement, d'exonérer les investissements nouveaux de toute taxation, la nécessité conjoncturelle de faire produire des effets immédiats à cette réforme de la taxe professionnelle, au moins dans les secteurs économiques les plus menacés par la crise et l'annonce de la " suppression " de la taxe professionnelle à compter de l'année 2010 se sont notamment imposées au Comité.
C'est dans ces conditions que le Comité a défini ses propositions. Elles tendent, en premier lieu, à mieux maîtriser la dépense locale, en deuxième lieu à moderniser l'assiette des impôts directs locaux, en troisième lieu, à esquisser ce que pourrait être, à court et moyen terme, une réforme de la taxation, au profit des collectivités locales, de l'activité économique et, en quatrième lieu, à spécialiser autant que faire se peut les impôts locaux.

  1. L'amélioration de la maîtrise de la dépense locale

Compte tenu de l'importance de la dépense publique locale, il est apparu au Comité qu'il n'y aurait qu'avantage à ce que le Parlement soit amené, chaque année, comme il le fait avec l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) pour les dépenses sociales, à débattre d'un objectif national d'évolution de la dépense locale. Dans l'esprit du Comité, il ne s'agirait pas de mettre en place un dispositif contraignant, qui serait d'ailleurs contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, mais de fournir un point de repère, qui au fil du temps pourrait être différencié selon les catégories de collectivités locales et la nature de leurs dépenses. Même si de tels éléments commencent à être évoqués dans le cadre du débat d'orientation budgétaire au Parlement, ils mériteraient, pour la clarté du débat démocratique et pour l'information des gestionnaires locaux eux-mêmes, de faire l'objet d'une discussion distincte et plus approfondie. Ce débat serait alimenté par le constat mis au point par une instance ad hoc chargée de définir, sous le contrôle du Parlement, des indicateurs de performance intégrant les coûts standards des services publics locaux, et un guide de bonnes pratiques en matière de dépense publique locale. Ainsi les collectivités locales seraient-elles totalement et objectivement éclairées sur les enjeux de la dépense locale et notre pays mieux assuré de pouvoir veiller à la cohérence globale de ses engagements européens.

Proposition n° 14 : définir, dans le cadre d'un débat annuel au Parlement, un objectif annuel d'évolution de la dépense publique locale

  1. La modernisation de l'assiette
    des impôts directs locaux

Le vieillissement des impôts directs locaux et ses effets ont déjà été soulignés. Ce diagnostic n'est pas nouveau et les difficultés d'ordre politique qui, dans le passé, ont empêché les Gouvernements successifs d'engager en cette matière les réformes utiles demeurent inchangées.
Pour autant, le Comité a considéré que ses propositions dans les domaines des structures d'administration locale et de la répartition des compétences n'auraient pas de sens si la fiscalité locale ne retrouvait pas une assiette dynamique et équitable à la fois. Le lien établi entre les exonérations de taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu ne saurait tenir lieu de réforme ambitieuse sur ce point.
En d'autres termes, la fiscalité directe locale de notre pays ayant principalement, comme dans l'ensemble des pays développés, une base foncière, c'est son actualisation et sa modernisation qui revêtent un caractère d'urgence, comme le rapport annuel de la Cour des comptes vient de le rappeler.
A trois reprises au cours des années 1990, on l'a dit, cet effort a échoué, de sorte que les taxes foncières sont assises sur des valeurs locatives qui sont celles de 1970. Des auditions auxquelles il a procédé, le Comité a retiré la conviction que, pour difficile qu'elle soit, la réévaluation des bases locatives était une absolue nécessité. Encore faut-il déterminer la ou les références qui doivent servir à cette réévaluation et la méthode qui peut être recommandée.
S'agissant de la référence à retenir pour procéder à la révision des bases foncières, les termes de l'alternative sont simples : soit on retient la valeur vénale du bien, soit on applique, comme actuellement, une valeur locative administrée, quitte à ce que celle-ci tienne compte, selon des modalités à déterminer, de la valeur vénale.
Pour éviter que la révision des bases foncières ne prenne un tour par trop brutal et n'alimente les polémiques où seuls donnent de la voix les contribuables dont la situation fiscale perd soudain le charme discret d'avantages supposés acquis, et pour assurer aux collectivités locales des ressources fiscales qui ne soient pas soumises à de trop fortes fluctuations d'une année sur l'autre, le Comité suggère que cette révision se fonde sur des valeurs locatives administrées qui tiennent compte du marché immobilier. L'idée d'une révision progressive des bases foncières, qui n'interviendrait, sur la base de la seule valeur vénale, qu'à l'occasion des mutations immobilières ne lui a pas paru être à la hauteur de l'enjeu, dans la mesure où la révision ainsi mise en œuvre serait lente et sans doute génératrice de perturbations du marché immobilier.
Quant à la méthode à suivre, il n'appartient pas au Comité de formuler sur ce point des recommandations qui relèvent de l'appréciation d'opportunité du seul gouvernement. Toutefois, il lui a semblé que, des propositions qui ont été formulées devant lui, il pouvait retenir que les procédures dites " décentralisées ", qui laisseraient aux élus locaux l'initiative de la révision des bases locatives ne feraient pas montre d'un grand courage politique de la part du gouvernement et auraient peu de chances de produire avant longtemps un résultat de grande ampleur.
Aussi le Comité émet-il le vœu que la révision des valeurs locatives constitue l'un des aspects de la réforme globale des collectivités locales qu'il propose, et que soient mis à l'étude dans les meilleurs délais les mécanismes techniques permettant de limiter et d'étaler les transferts de charges entre contribuables. Il recommande vivement que cette occasion soit saisie pour mettre en place un système d'évaluation périodique et automatique des bases locatives, afin que, dans quelques années, la même question ne se pose à nouveau dans les mêmes termes. Il lui a semblé en effet que la démocratie locale et l'autonomie financière des collectivités locales seraient des notions vides de sens s'il fallait attendre quarante ans de plus pour que l'assiette des impôts fonciers soit révisée.
C'est pourquoi le Comité propose que la loi prévoie que la réévaluation des valeurs locatives se déroule, à l'initiative de l'administration fiscale, sur la base de valeurs administrées non déclaratives tenant compte de la valeur vénale, que la même loi encadre les transferts de charges en résultant pour les contribuables, mette en place un mécanisme d'étalement de ces transferts sur plusieurs années et établisse une procédure automatique de réévaluation tous les six ans.

Proposition n° 15 : réviser les bases foncières des impôts directs locaux et prévoir leur actualisation tous les six ans

  1. La question de la taxe professionnelle

Le tableau ci-après illustre l'importance de la taxe professionnelle au sein de la fiscalité locale.

Tableau n° 15 ― La structure de la fiscalité locale en 2007 (50)

| NATURE DES IMPÔTS | COMMUNES
et groupements| DÉPARTEMENTS| RÉGIONS | TOTAL | |:-------------------------------------------------------:|:-----------------------------:|:-----------:|:--------:|:---------:| | Produits votés des 4 taxes | 39,25 | 19,02 | 4,62 | 62,89 | | Taxe d'habitation | 9,87 | 4,77 | - | 14,64 | | Taxe sur le foncier bâti | 12,16 | 5,78 | 1,68 | 19,62 | | Taxe sur le foncier non bâti | 0,77 | 0,05 | 0,01 | 0,83 | | Taxe professionnelle (yc FDPTP) | 16,45 | 8,43 | 2,92 | 27,80 | |Autres contributions (hors taxes liées à l'urbanisme)| 15,66 | 15,78 | 6,20 | 37,65 | | Taxe d'enlèvement des ordures ménagères | 4,81 | - | - | 4,81 | | Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) | 2,24 | 7,84 | - | 10,08 | | Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) | - | 4,94 | 2,83 | 7,77 | | Versement destiné aux transports en commun | 5,61 | - | - | 5,61 | | Taxe sur les cartes grises | - | - | 1,94 | 1,94 | | Taxe sur l'électricité | 0,94 | 0,49 | - | 1,44 | | Impôts et taxes d'outre-mer | 0,74 | 0,15 | 0,50 | 1,39 | | Taxe spéciale sur les conventions d'assurance | - | 2,08 | - | 2,08 | | Contribution au développement de l'apprentissage | - | - | 0,65 | 0,65 | | Taxes de séjour | 0,16 | 0,005 | - | 0,17 | | Taxe sur les pylônes électriques | 0,17 | - | - | 0,17 | | Taxes sur les remontées mécaniques | 0,03 | 0,01 | - | 0,04 | | Redevance des mines | 0,01 | 0,01 | - | 0,02 | | Taxe sur les permis de conduire | - | - | 0,005 | 0,005 | | Autres | 0,94 | 0,25 | 0,27 | 1,46 | | Total taxes (hors taxes liées à l'urbanisme) | 54,91 | 34,80 | 10,82| 100,54|

(50) " Les collectivités locales en chiffres ", direction générale des collectivités locales, mars 2008.

Trop de gouvernements et de commissions de réforme ont tenté, en leur temps, de proposer des refontes de la taxe professionnelle, impôt créé en 1975 en lieu et place de la patente, pour que le Comité ait eu l'intention de livrer aux pouvoirs publics une réforme définitive de cette imposition non plus qu'une proposition complète de remplacement de cette taxation, au profit des collectivités locales, de l'activité économique des entreprises. Il n'en reste pas moins que l'orientation prise par le gouvernement, qui consistait à exonérer les investissements nouveaux qui entrent dans l'assiette de la taxe, obligeait, en tout état de cause, à une réforme rapide tant il est vrai que la taxe professionnelle représente une fraction importante des ressources fiscales des collectivités locales et qu'il n'est pas sérieusement envisageable qu'en l'état des finances publiques le budget de l'Etat supporte, par un supplément de déficit, la perte de recettes résultant de sa suppression, différée ou immédiate.
Les inconvénients de la taxe actuelle et de son assiette ont été suffisamment mis en relief pour qu'on n'y insiste guère. Rappelons toutefois que, comme les travaux de la commission de réforme présidée, en 2004, par M. Olivier Fouquet l'avaient fait ressortir, cet impôt local est propre à la France, qu'il a pour effet de réduire la marge brute des investisseurs d'un point par rapport aux investissements qu'ils réaliseraient dans d'autres pays européens, que cet impôt composite est d'une complexité telle qu'elle est difficilement explicable aux dirigeants de sociétés mères étrangères et que l'assiette de la taxe, maintes fois modifiée, est aujourd'hui constituée, à 80 %, des équipements et bien mobiliers, c'est-à-dire des investissements. Il en résulte que cette assiette présente le double inconvénient d'être la plus destructrice d'emplois et de dissuader les investisseurs étrangers dans les secteurs pauvres en personnels et riches en équipements, en raison du coût prohibitif de la taxe dans cette hypothèse.
Au demeurant, il est apparu au Comité que la taxe professionnelle se caractérisait également par des taux souvent disparates d'une collectivité à l'autre et parfois excessifs. Il est vrai que les entreprises ne votent pas et que la tentation est souvent forte, compte tenu du vieillissement des impôts fonciers, d'augmenter le taux de la taxe professionnelle, voire de créer des occasions nouvelles d'en percevoir le produit, à la faveur de l'implantation d'investissements lourds comme, par exemple, les éoliennes, sans égard pour l'utilité réelle de ces équipements, loin d'être démontrée, non plus d'ailleurs que pour leur impact environnemental.
Les dispositions de la dernière loi de finances ont, comme il a été dit, exonéré de façon permanente de la taxe professionnelle les investissements nouveaux réalisés au dernier trimestre de l'année 2008 et au cours de l'année 2009. Cette mesure avait manifestement vocation à être pérennisée ; elle a été complétée par l'annonce de la suppression pure et simple de la taxe professionnelle à compter de l'année 2010 ce qui provoquerait, dans l'hypothèse où cette suppression ne concernerait, comme il est probable, que la part des équipements et biens mobiliers dans l'assiette de la taxe, un manque à gagner de plus de 22 milliards d'euros pour les collectivités locales et un gain fiscal de quelque 11 milliards d'euros pour les entreprises, la différence correspondant aux dégrèvements actuellement pris en charge par l'Etat et qui disparaissent mécaniquement du fait de la réforme.
Les chiffres méritent d'être rappelés pour bien mesurer les enjeux de toute réforme. Le produit de la taxe professionnelle pour les collectivités locales est de 28 milliards d'euros (soit moins du tiers de la fiscalité locale, les régions en percevant 3 milliards, les départements 8 milliards et les communes et leurs groupements 17 milliards). Sur le total de cette recette, 17,5 milliards proviennent des entreprises et 10,5 milliards de l'Etat, au titre des dégrèvements et notamment du plafonnement de la taxe en fonction de la valeur ajoutée. Ce produit de 28 milliards d'euros résulte, pour 80 % de son montant, de la taxation des équipements et biens mobiliers et pour 20 % de celle des immeubles. Il s'en déduit que la suppression, dès 2010, de la taxation de la part de la taxe assise sur les investissements bénéficierait aux entreprises à concurrence de 11 milliards d'euros, et à l'Etat pour une somme équivalente, par l'effet notamment de la hausse de la cotisation minimale de taxe en fonction de la valeur ajoutée et de la disparition du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Si l'on admet que le besoin de financement des collectivités locales résultant de la suppression de cette partie de l'assiette de la taxe professionnelle est de 22,2 milliards d'euros et que l'Etat rétrocéderait aux collectivités locales, sous des formes à déterminer, son " gain " de 11 milliards d'euros, le produit de la ressource de remplacement appelée, du point de vue de l'Etat, à satisfaire le besoin de financement des collectivités locales sera de l'ordre de 11 milliards d'euros. Encore faut-il tenir compte, s'agissant de l'équilibre budgétaire de l'Etat, de l'effet, sur l'impôt sur les sociétés, de la suppression de la taxation des investissements dans la taxe professionnelle, qui tient à ce que le montant de cette taxe est déductible des résultats imposables des entreprises : la ressource à trouver est égale à 11 milliards d'euros s'il s'agit d'un impôt déductible de l'impôt sur les sociétés, à 8 milliards d'euros s'il s'agit d'impôts d'entreprises non déductibles ou d'impôts sur les ménages.

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IMPACT DE LA RÉFORME
DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

I. - COÛT NET DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE POUR L'ÉTAT (impact de la réforme avant mesures correctives évoquées au III et sous l'hypothèse d'une compensation intégrale au profit des collectivités territoriales et des chambres consulaires)

| TABLEAU SUR LES VALEURS 2007 | CHARGES
pour l'Etat
(en Md€)| GAINS
pour l'Etat
(en Md€)| |:---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:|:-----------------------------------------:|:---------------------------------------:| | Compensation aux collectivités territoriales
(28 Md€ TP ― TP foncière résiduelle 5,8 Md€) | 22,2 | | | Autres charges pour l'Etat (perte de frais d'assiette et de recouvrement versés par les entreprises,
compensation pour les chambres consulaires...)| 3,6 | | | Disparition des dégrèvements à la charge de l'Etat | | 10,0 | | Augmentation mécanique du produit de la cotisation minimale de TP (qui passe de 2,6 Md€ à 7,2 Md€) | | 4,6 | | Augmentation mécanique du produit de l'impôt sur les sociétés | | 3,2 | | Solde (= coût net) | 8,0 | |

La compensation intégrale rendant la réforme neutre pour les collectivités locales, le coût net pour l'Etat est égal à l'économie nette faite par les entreprises.

II. - COMPENSATION AUX COLLECTIVITÉS
LOCALES (22,2 Md€)

Cette compensation peut intervenir sous forme de dotations ou d'affectation de ressources fiscales. Pour des raisons de constitutionnalité (ratios d'autonomie fiscale), le montant de compensation sous forme de dotations ne peut pas dépasser 6,1 Md€.
Le schéma suivant pourrait être envisagé (parmi d'autres) :
Transfert de la cotisation minimale TP ............................................................................................... 7,2 Md€
Transfert du solde de la taxe spéciale sur les
contrats d'assurance (TSCA) ............................................................................................................. 2,8 Md€
Dotations de l'Etat ........................................................................................................................... 6,1 Md€
Autres ressources de nature fiscale à
déterminer ...................................................................................................................................... 6,1 Md€
Total .............................................................................................................................................. 22,2 Md€

III. - RÉSORPTION DU COÛT NET
POUR L'ÉTAT (8,0 Md€)

Dès lors que la compensation est intégrale pour les collectivités locales, la réduction du coût net pour l'Etat suppose la création de ressources fiscales supplémentaires.
Ces ressources font partie des 22,2 Md€ de compensations si les impôts créés sont directement affectés aux collectivités locales. En revanche, lorsque les ressources fiscales nouvelles sont affectées à l'Etat, la compensation aux collectivités locales reste à trouver mais l'Etat réduit d'autant son déficit.
Solutions envisageables :
Taxe carbone (au moins la partie payée par les entreprises, la taxe étant assise sur les consommations de pétrole, de gaz et du charbon à la fois des ménages et des entreprises).
Droits à polluer (pesant sur les seules entreprises).
Taxation sur EDF (centrales nucléaires...) et quelques autres grands équipements.
Taxation des entreprises sur une assiette plus neutre que la taxe professionnelle.
Plusieurs possibilités peuvent être envisagées à ce titre :
Augmentation de la cotisation minimale assise sur la valeur ajoutée.
" Découplage ", c'est-à-dire transformation de cette cotisation en taxe autonome représentant un pourcentage déterminé de la valeur ajoutée, qui serait totalement distincte de la TP foncière résiduelle.
Augmentation du produit de la part foncière résiduelle (par augmentation de taux). Exemple : + 50 %, ce qui ferait passer le produit de 5,8 à 8,7 Md€. Cette solution ne crée de ressource supplémentaire qu'en cas de " découplage " ou de forte augmentation.

*___________
(1) Une éventuelle augmentation de la part foncière résiduelle a pour conséquence la réduction du produit de la cotisation minimale.

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Face à cette situation, le Comité a estimé qu'il n'était pas envisageable que soit rompu tout lien fiscal entre l'activité économique des entreprises et le territoire de la collectivité locale sur lequel elles sont implantées. Autrement dit, autant les entreprises sont fondées à dénoncer les inconvénients de la taxe professionnelle, autant il a semblé exclu au Comité qu'elles puissent durablement bénéficier d'une exonération de toute taxation de leur activité au profit des collectivités locales.
Le Comité est d'avis que les entreprises continuent, comme dans tous les pays comparables au nôtre, à acquitter une imposition foncière et que le produit de celle-ci soit augmenté de moitié. La réforme des bases locatives foncières évoquée plus haut va également dans ce sens. La contribution foncière des entreprises, ainsi renforcée et fondée sur des bases modernisées, garantirait aux collectivités des ressources stables. On peut imaginer, dans ce scénario, qu'après la suppression de la part de la taxe assise sur les investissements, la cotisation minimum d'imposition à la taxe professionnelle, égale à 1, 5 % de la valeur ajoutée (qui s'applique aujourd'hui lorsque l'imposition est inférieure à ce minimum), serait maintenue et transférée du budget de l'Etat aux collectivités locales, afin d'éviter une baisse trop importante des ressources fiscales des collectivités locales, qui serait, le cas échéant, susceptible d'affecter le caractère déterminant de leurs ressources propres au sens de l'article 72-2 de la Constitution. Ces deux mesures ― relèvement de l'imposition foncière et transfert de la cotisation minimale aux collectivités locales ― ne suffisent cependant ni à préserver l'équilibre budgétaire de l'Etat ni à maintenir les ressources des collectivités locales.
Afin de résoudre ces deux problèmes, qui se seraient, à terme, posés dans les mêmes conditions si la suppression de la taxe professionnelle n'avait pas été annoncée à échéance de 2010, divers schémas ont été exposés au Comité.
Le premier consiste à prévoir, outre la taxation foncière des entreprises, une taxation majorée de la valeur ajoutée qu'elles produisent ; le deuxième, à compléter la taxation foncière par une fraction supplémentaire de l'impôt sur les sociétés ; le troisième, à substituer à l'actuelle taxation des investissements une " taxe carbone " frappant la consommation d'énergie ; le quatrième, à la remplacer par une fraction de n'importe quelle autre imposition sur les ménages, impôt sur le revenu, taxe sur la valeur ajoutée, contribution sociale généralisée.
Tout en considérant qu'il n'avait pas compétence pour trancher des questions de pure politique fiscale, qui excèdent le champ de sa mission, le Comité a souhaité éclairer les pouvoirs publics sur les raisons pour lesquelles certains choix lui paraissaient devoir être écartés, soit qu'ils méconnaissent les principes fondateurs de la réforme des collectivités locales qu'il appelle de ses vœux, soit qu'ils heurtent les exigences qui ont paru au Comité devoir s'imposer d'elles-mêmes : ne pas alourdir le déficit des finances publiques, ne pas aggraver le poids des prélèvements obligatoires pesant sur les ménages.
Les propositions consistant à transférer aux collectivités locales une imposition frappant les bénéfices des entreprises ou une imposition touchant les ménages n'ont pas été retenues par le Comité, au motif qu'elles se traduiraient toutes par le transfert ou le partage d'impôts nationaux, qui, sauf à les augmenter par ailleurs, aurait pour effet d'aggraver le déficit budgétaire et serait en outre contraire à l'objectif de simplification poursuivi.
La proposition visant à remplacer la taxation des investissements par une " taxe carbone ", qui frapperait les consommations d'électricité, de gaz et de pétrole ne lui pas semblé davantage devoir être reprise. Le comité a relevé qu'eu égard au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt, il était impossible de limiter cette taxation aux entreprises et que celle-ci viendrait donc, dans une proportion de l'ordre des deux tiers compte tenu de la structure de la consommation d'énergie, s'ajouter aux impositions acquittées par les ménages, ce qui serait quelque peu contradictoire avec la nécessité, souvent avancée, de soutenir le pouvoir d'achat. Il a enfin noté qu'il y aurait un paradoxe à asseoir les ressources des collectivités locales sur une taxe dont l'objet même est de faire disparaître l'assiette qui la fonde.
La proposition, déjà émise en son temps par la commission Fouquet, tendant à remplacer progressivement la taxation des investissements par une taxation de la valeur ajoutée a semblé au Comité constituer la plus opportune des options soumises à son examen. La notion de valeur ajoutée, quelles que soient parfois les difficultés à la circonscrire avec toute la précision souhaitable, est connue des entreprises ; elle est économiquement neutre et ne défavorise, comme le souhaitent les pouvoirs publics, ni les industries de main-d'œuvre ni celles qui ont la charge d'investissements lourds et coûteux ; elle constitue donc, sous réserve que soient prises les mesures propres à éviter des transferts de charges au détriment de certaines branches du secteur tertiaire, la solution qui aurait la préférence du Comité. Cette assiette d'imposition, qui ne peut être évaluée qu'au niveau national pour les entreprises disposant de plusieurs établissements, serait répartie entre les collectivités locales bénéficiaires selon des critères objectifs tenant compte des conditions d'implantation locale des entreprises. Encore convient-il d'ajouter que, pour pallier les inconvénients liés à la disparité des taux de la taxe professionnelle d'une collectivité à l'autre, la substitution de la taxation en fonction de la valeur ajoutée à la taxation des équipements et biens mobiliers devrait obéir à un taux plafond maximal fixé à l'échelon national par le législateur et la liaison entre les taux des impôts directs locaux être rétablie.
En d'autres termes, le Comité recommande que, pour ce qui concerne le comblement immédiat du besoin de financement de l'Etat, la taxation de la valeur ajoutée soit accrue. Selon que la contribution foncière resterait imputée ou non sur la contribution minimale des entreprises en fonction de la valeur ajoutée et que le champ de cette dernière serait élargi ou non, le taux de cette taxation serait plus ou moins élevé, l'augmentation de la seule part de contribution foncière pouvant, en cas de non-imputation sur la contribution assise sur la valeur ajoutée, porter ce produit à un montant compris entre 6 et 9 milliards d'euros. En cas d'imputation de la contribution foncière sur la cotisation minimale, il y aurait lieu d'augmenter davantage le taux de la cotisation minimale en fonction de la valeur ajoutée. Il a semblé au Comité qu'il appartenait aux pouvoirs publics de trancher entre ces deux options en fonction des choix de politique fiscale qui leur sont propres.
Pour ce qui concerne la compensation des pertes de recettes des collectivités locales qui, lorsque la décision de " suppression " de la taxe professionnelle aura pris effet, sera de 22, 2 milliards d'euros, paraissent acquis 7 milliards issus de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée et du relèvement de la contribution foncière des entreprises, de même que les quelque 6 milliards d'euros de dotation budgétaire que le respect des règles constitutionnelles autorise en l'espèce. Pour le reste, soit une somme totale de l'ordre de 9 milliards d'euros, la préférence du Comité irait tout d'abord à la montée en puissance progressive d'une assiette d'imposition fondée sur la valeur ajoutée des entreprises intégrant la cotisation minimale actuelle et dont le taux maximal serait fixé à l'échelon national, à un niveau qu'il reviendra aux pouvoirs publics de fixer en fonction des éléments de politique économique qui relèvent de son appréciation. Le produit attendu de ce complément d'imposition des entreprises sur la valeur ajoutée pourrait être de l'ordre de 6 milliards d'euros. Pour combler le besoin de financement restant des collectivités locales, soit une somme de près de 3 milliards d'euros, il y aurait lieu de leur transférer le produit de certains impôts indirects comme la taxe spéciale sur les conventions d'assurance. Pour les raisons qui ont déjà été exposées, le Comité, soucieux que soient affectés directement aux collectivités locales les impôts qu'elles votent, a écarté, outre la " taxe carbone " déjà mentionnée et le partage d'impôts nationaux, la proposition consistant à leur attribuer une part supplémentaire de la TIPP. Ce n'est que si ces mesures s'avéraient insuffisantes qu'il conviendrait de prévoir l'affectation aux collectivités locales d'autres impôts indirects.

Proposition n° 16 : compenser intégralement la suppression de la taxe professionnelle par un autre mode de taxation de l'activité économique, fondée notamment sur les valeurs locatives foncières réévaluées et la valeur ajoutée des entreprises

  1. La limitation des cumuls
    d'impôts locaux sur une même assiette

L'objectif privilégié par le Comité en cette matière est d'éviter qu'un trop grand nombre de niveaux de collectivités locales ne disposent du pouvoir de fixer le taux d'une imposition sur une seule et même assiette d'imposition. Pour autant, le Comité a entendu se garder de la facilité qui aurait consisté à prévoir qu'un seul impôt puisse être perçu par une catégorie donnée de collectivités locales, comme de l'idée parfois soutenue devant lui qu'il conviendrait que telle catégorie de collectivités taxe une et une seule catégorie de contribuables, les ménages dans un cas, les entreprises dans l'autre.
En revanche, le Comité s'est attaché à déterminer le nombre de niveaux d'imposition qui, en fonction des réformes de structures proposées, serait souhaitable, étant observé que le but qu'il a cherché à atteindre était, dans un souci de simplification, que chaque niveau de collectivités locales puisse fixer librement le taux d'au moins une imposition.
Compte tenu des trois niveaux actuels d'administration territoriale et de l'évolution en cours de leurs responsabilités respectives, le Comité a cru pouvoir retenir les propositions qui suivent, étant observé que, dans son esprit, la logique même de la création des " métropoles " impliquait que, dans leur sein, les impôts directs locaux soient établis par le seul conseil métropolitain. Ces propositions s'efforcent de tenir compte du volume des dépenses exposées par chaque niveau de collectivités locales.
Les communes et, à terme, leurs groupements transformés en collectivités locales de plein exercice recevraient compétence pour fixer, à titre exclusif, le taux de la taxe d'habitation, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la part foncière de la taxation des entreprises, qui sont les taxes dont les communes ont la meilleure appréhension, au plus près des facultés contributives des citoyens. Les collectivités relevant de cette catégorie fixeraient également le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties et des droits de mutation à titre onéreux, dont une autre partie du produit serait affectée au département, avec un taux fixe comme aujourd'hui.
Les départements percevraient, en plus de ces recettes, la taxe spéciale sur les conventions d'assurance et, en partage avec la région, une part de la cotisation minimale de la taxation de l'activité économique des entreprises.
Quant aux régions, dont la mission essentielle est de concourir au développement économique, elles recevraient une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et fixeraient, dans le respect du plafond national, le taux de la part de la cotisation minimale de taxation des entreprises en fonction de la valeur ajoutée qui vient d'être évoquée.
Le Comité a bien conscience du fait que ces propositions paraissent ne répondre qu'imparfaitement aux critiques tirées de la dispersion du pouvoir fiscal en France, où, on l'a dit, quelque 39 000 entités distinctes disposent de la capacité de lever l'impôt.
Il est vrai que l'on aurait pu proposer de limiter aux régions et intercommunalités la capacité de lever l'impôt, charge à elles de rétrocéder une partie du produit aux départements et communes respectivement, et de réduire ainsi de quatre à deux le nombre d'échelons d'administration locale disposant d'un pouvoir fiscal. Cette suggestion serait assortie de mécanismes spécifiques de codécision fiscale entre la région et le département, ainsi que de garanties législatives en matière de vote des impôts et de répartition du produit des impôts entre collectivités bénéficiaires. Dans une hypothèse aussi maximaliste, le nombre d'entités dotées du pouvoir fiscal serait réduit à 2 600.
Toutefois, le Comité a estimé qu'en dehors même des obstacles politiques auxquels ne manquerait pas de se heurter une telle proposition, celle-ci soulevait des difficultés d'ordre constitutionnel sérieuses, au regard des principes de libre administration, d'autonomie financière et d'interdiction de la tutelle d'une collectivité locale sur une autre. De ces principes résulte en effet une conséquence simple à définir : il n'y pas de collectivité locale sans capacité à lever un minimum d'impôts.
Dans ces conditions, le Comité a considéré, en cohérence avec ses propositions portant sur la réforme des structures de l'administration locale, que l'objectif d'un pouvoir d'imposition à trois, puis, ultérieurement, à deux niveaux était un objectif de moyen terme et que, pour l'immédiat, ses recommandations suffisaient à remettre de l'ordre là où le besoin s'en faisait le plus sentir. Il reste que, comme il a été dit, la substitution progressive des groupements de communes aux communes aura pour effet de favoriser, à mesure qu'elle prendra corps, une réorganisation de l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales.

Proposition n° 17 : limiter les cumuls d'impôts sur une même assiette d'imposition

D. ― LES CAS PARTICULIERS

  1. La région Ile-de-France

Les raisons pour lesquelles le statu quo institutionnel ne peut être sérieusement envisagé en Ile-de-France ont déjà été exposées. On se contentera donc de rappeler que les besoins de coordination entre les collectivités locales y sont particulièrement criants et que, faute de toute communauté urbaine existante, la solution consistant à créer en région parisienne une métropole au sens des propositions formulées plus haut ne serait guère réaliste. Au surplus, le statut des " métropoles ", recommandé plus haut pour les zones urbaines les plus dynamiques de notre pays, n'a pas semblé adapté à l'importance d'un ensemble urbain de plus de six millions d'habitants au sein duquel n'a pas été parcouru le chemin de la coopération intercommunale emprunté par les communautés urbaines sur le reste du territoire national.
Le choix du Comité est de créer, par la loi, " en lieu et place " de certaines des collectivités existantes, comme l'autorise l'article 72 de la Constitution, une collectivité territoriale à statut particulier, dénommée " Grand Paris ".
Cette collectivité nouvelle s'étendrait sur le territoire de Paris et des départements de la petite couronne, à savoir les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, qui seraient supprimés et rattachés au " Grand Paris ". Ce périmètre pourrait être ultérieurement ajusté, soit à la demande d'un ou plusieurs conseils municipaux de communes contiguës au " Grand Paris ", soit sur initiative du conseil de cette collectivité, soit enfin sur demande du préfet de la région. La révision de ce périmètre pourrait intervenir, après avis de la collectivité nouvelle, des communes et des départements concernés, soit par décret en Conseil d'Etat en cas d'accord des collectivités intéressées, soit par la loi à défaut d'accord. Le périmètre des départements de la grande couronne concernés serait modifié en conséquence.
Pour ce qui est des compétences exercées par le " Grand Paris ", le principe retenu par le Comité est que la collectivité nouvelle se verrait dotée de compétences d'attribution qui, sous réserve d'un certain nombre d'ajustements, seraient, d'une part, celles des départements et, d'autre part, celles des intercommunalités les plus importantes.
Ainsi, les compétences exercées par les trois départements supprimés seraient attribuées, en bloc, à la collectivité nouvelle. Le transfert des compétences exercées par la ville de Paris en tant que département obéirait aux mêmes règles.
Ce transfert de compétences aurait pour mérite d'éviter que soient modifiés les textes épars relatifs à la compétence des départements et de regrouper en une seule structure les compétences exercées sur l'entier territoire de Paris et de la petite couronne, ce qui est le but recherché par le Comité.
Ce dernier considère également que certaines des compétences des communes comprises sur le territoire du " Grand Paris " devraient lui être transférées, et tout particulièrement celles qui concernent le logement, l'urbanisme ― les maires des communes conservant la capacité de délivrer les autorisations individuelles ― et les transports, sans que soient remises en cause les attributions du syndicat des transports d'Ile-de-France. De cette manière, la collectivité nouvelle serait à même de coordonner les efforts des communes dans ces domaines et d'apporter aux besoins des habitants de la région parisienne des réponses adaptées, cohérentes et équitables.
Ainsi le Comité recommande-t-il que le " Grand Paris " ait compétence, en matière d'aménagement de l'espace, pour élaborer les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur, pour décider et réaliser les zones d'aménagement concerté, pour constituer les réserves foncières après avis des conseils municipaux et établir les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu, sauf délibération contraire des deux tiers des conseils municipaux des communes représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou de la moitié au moins des conseils municipaux représentant les deux tiers de la population. De même, le conseil du " Grand Paris " deviendrait autorité organisatrice de second rang en matière de transports urbains, le STIF conservant sa mission organisatrice mais pouvant déléguer certaines dessertes au " Grand Paris ". Dans le domaine de l'habitat, la collectivité nouvelle définirait le programme local de l'habitat, établirait la politique du logement et aurait autorité pour programmer, outre les opérations d'amélioration de l'habitat, celles de réhabilitation et de résorption de l'habitat insalubre. Enfin, le " Grand Paris " définirait les dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale, ainsi que les dispositifs locaux de prévention de la délinquance.
Il se déduit de cette liste de compétences que la création du " Grand Paris " rendrait nécessaire la dissolution de plein droit des communautés de communes et d'agglomération territorialement compétentes dans les quatre départements supprimés, celles-ci étant désormais sans objet. De même, la carte des syndicats de communes existants sur le territoire du " Grand Paris " serait rationalisée selon les principes précédemment exposés pour le droit commun, étant observé que les syndicats dont la compétence excède le territoire du " Grand Paris ", tels le STIF et le SIAP, seraient maintenus.
En revanche, et c'est une différence sensible avec le statut des métropoles dont le Comité recommande par ailleurs la création, les communes comprises dans le périmètre du " Grand Paris ", et notamment Paris, conserveraient leur qualité de collectivités locales.L'exercice par les communes en cause de compétences suffisamment nombreuses et précises et des attributions fiscales qui s'y rattachent permettrait, en sus de la clause de compétence générale qui leur serait maintenue, de donner corps à cette qualification. Allant plus loin dans la voie du statut particulier pour mieux prendre en compte la spécificité de la situation de la région parisienne, le Comité recommande même que certaines des compétences exercées par les départements absorbés par le " Grand Paris " soient transférées ou confirmées aux communes en raison de leur intérêt local. Ce serait le cas en matière culturelle (1 % culturel, protection du patrimoine, enseignement artistique, bibliothèques, archives), en matière d'environnement et de protection du patrimoine, avec les inventaires locaux, en matière d'eau et d'assainissement, par exemple.
Il se déduirait de cette répartition des compétences que la répartition des recettes fiscales au sein du " Grand Paris " obéirait à un principe simple. La collectivité nouvelle recevrait les recettes affectées aux départements qu'elle remplacerait et elle se verrait attribuer un montant, à déterminer, de l'imposition appelée à remplacer la taxe professionnelle perçue par les communes.
S'agissant des pouvoirs de police, le Comité suggère que, sous réserve des pouvoirs de police administrative des maires sur le territoire des communes membres de la collectivité nouvelle, le préfet de police exerce, sur l'étendue du territoire du " Grand Paris ", les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII et par les textes qui l'ont complété ou modifié.
Pour ce qui est de l'Etat, le préfet de région exercerait, outre les fonctions de préfet du " Grand Paris ", nouvelle circonscription de l'Etat dotée de services déconcentrés, le contrôle de légalité sur les actes de la collectivité nouvelle.
Il va de soi, en outre, que le transfert des compétences départementales et de certaines des compétences communales provoquerait le transfert des services ou parties de services concernés. Des dispositions transitoires devront être aménagées à cette fin, compte tenu du statut particulier dont bénéficient les personnels de la ville de Paris depuis la loi du 10 juillet 1964, qui ne s'applique pas aux personnels des autres communes, soumis au statut de la fonction publique territoriale.
Il est apparu au Comité que ce changement institutionnel serait de nature à répondre aux critiques formulées contre la situation qui prévaut aujourd'hui en région parisienne. Il n'en sous-estime ni l'importance ni le caractère novateur. Il considère que, sans méconnaître l'intérêt qui s'attache aux démarches entreprises par les élus de la région parisienne en vue d'un regroupement de leurs actions respectives, seule une transformation profonde des structures d'administration dans la région est à la hauteur des enjeux.
Sans doute pourrait-on reprocher au projet qui vient d'être décrit, d'une part, de reconstituer, peu ou prou, l'ancien département de la Seine, à ceci près qu'il serait doté de compétences spécifiques, en sus de ses compétences départementales et, d'autre part, d'accentuer la coupure entre la petite couronne et le reste de la région.
Sur le premier point, la collectivité du " Grand Paris " aurait sans doute un périmètre sensiblement, mais pas totalement, conforme à celui du département de la Seine supprimé en 1964. Mais il faut observer que si la réforme de 1964 a supprimé ce département et créé des départements nouveaux, le district qu'elle avait instauré a depuis lors disparu. Or, c'est bien le besoin d'une structure de coordination qui se fait aujourd'hui sentir, pour l'ensemble constitué par la ville de Paris et les trois départements de la petite couronne, compte tenu du développement de cette zone urbaine qui rassemble plus de six millions d'habitants et présente la double particularité d'être à la fois sur-administrée et, sur certains points de son territoire, sous-équipée, du fait notamment de la rareté des structures de coopération intercommunale.
Sur le second point, le mode de scrutin que le Comité recommande d'instaurer pour désigner les élus chargés d'administrer le " Grand Paris " lui paraît répondre à l'objection tirée du risque d'une coupure entre la petite couronne et le reste de la région. Etant observé que les communes, y compris Paris, ressortissant au " Grand Paris " conserveraient le mode de scrutin actuel pour la désignation de leurs conseils municipaux respectifs, les conseillers du " Grand Paris " seraient élus le jour des élections départementales et régionales, selon le même mode de scrutin que celui déjà proposé pour les conseillers départementaux et régionaux dans le reste du pays, c'est-à-dire un scrutin de liste à deux tours à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, les premiers de liste allant siéger au conseil régional, les suivants au conseil du " Grand Paris ". La simultanéité de l'élection et le fait que certains des conseillers régionaux siègeraient également au conseil du " Grand Paris " garantit, a-t-il semblé au Comité, contre le risque d'un éclatement de la région Ile-de-France en deux entités éloignées l'une de l'autre. Il faut ajouter que les circonscriptions dans le cadre desquelles se déroulerait cette double élection ne seraient plus les cantons, dont la proposition de suppression vaut aussi pour les départements d'Ile-de-France, mais des circonscriptions plus vastes, découpées à l'intérieur des départements actuels. Il s'en déduit que les conseillers de Paris, qui ont aujourd'hui la double qualité de conseillers municipaux et généraux, perdraient cette dernière qualité au profit des conseillers du " Grand Paris " élus, au sein des circonscriptions parisiennes, selon les modalités qui viennent d'être décrites.
Enfin, le Comité saisit l'occasion de cette proposition pour appeler l'attention des pouvoirs publics sur l'importance qui s'attache à ce que le nombre d'élus assurant la gestion de cette collectivité nouvelle permette que certains conseillers du " Grand Paris " puissent également être conseillers régionaux mais ne soit pas non plus excessif. Les comparaisons internationales qui ont éclairé la réflexion du Comité l'ont persuadé qu'il convenait de s'affranchir d'une certaine tradition française en la matière. Cent soixante-trois conseillers de Paris administrent une ville trois fois moins peuplée que le Grand Londres, dont le conseil comprend vingt-cinq membres. Aussi le Comité forme-t-il le vœu que le conseil du " Grand Paris " n'ait pas l'allure d'une assemblée pléthorique composée du même nombre d'élus que celui résultant de la somme des conseils généraux supprimés.A cette fin, il suggère que le conseil du " Grand Paris " comprenne 135 membres, répartis en 45 sièges pour Paris et 30 pour chacun des trois anciens départements et que les circonscriptions infradépartementales qu'il a décrites rassemblent environ 500 000 électeurs, les quatre circonscriptions parisiennes élisant chacune 11 ou 12 conseillers et les trois circonscriptions de chacun des anciens départements une dizaine de conseillers. De cette manière, l'effectif des conseillers du " Grand Paris " serait raisonnable mais resterait supérieur à celui des conseillers régionaux, de sorte que pourraient être pourvus à la fois les sièges de conseillers régionaux et de conseillers du " Grand Paris ".
On y reviendra, mais le sujet est suffisamment sensible pour que cette indication soit donnée à ce stade de la présentation des propositions du Comité, celui-ci recommande que la mise en œuvre de cette réforme intervienne lors du prochain renouvellement des conseils municipaux et généraux, soit en 2014 et que cette date soit fixée par la loi. De cette manière, les collectivités intéressées auront le temps de préparer ce changement institutionnel majeur, appelé à donner à la région parisienne une force nouvelle, à la mesure de son prestige international.

Proposition n° 18 : créer, en 2014, une collectivité locale à statut particulier, dénommée " Grand Paris ", sur le territoire de Paris et des départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine. Cette création serait précédée d'une consultation, associant les représentants des collectivités locales intéressées, des partenaires sociaux et des forces économiques

  1. La Corse

Comme il a été dit, le Comité s'est interrogé sur le point de savoir si de nouveaux changements institutionnels étaient opportuns dans les départements et la collectivité territoriale de la Corse, après l'échec du référendum du 6 juillet 2003.
Le texte proposé au suffrage était conforme à ce que seraient les recommandations du Comité, s'il estimait devoir se prononcer après que les électeurs l'ont fait, dans le sens qui vient d'être rappelé. Aussi le Comité ne se considère-t-il pas habilité à saisir les pouvoirs publics d'autres propositions.
Tout au plus appelle-t-il l'attention des pouvoirs publics sur le fait que, sauf dispositions contraires dont la conformité à la Constitution serait d'ailleurs plus que douteuse, la suppression des cantons, qui est au nombre de ses propositions, vaut également pour les deux départements de la Corse ; elle entraînerait, par elle-même, une modification du mode de désignation des membres de l'Assemblée de Corse dans l'hypothèse où leur élection se déroulerait, comme celle des conseillers régionaux du continent, en même temps que celle des conseillers départementaux, selon les modalités déjà décrites.
A défaut, l'élection de l'Assemblée de Corse resterait distincte de celle des conseillers départementaux. Dans ce cadre, le Comité, qui a pris acte du souhait des élus de Corse de voir modifier les dispositions législatives qui prévoient que la liste qui a obtenu, lors des élections à cette assemblée, la majorité absolue au premier tour ou le plus de voix au second tour ne recueille pas, comme sur le continent, 25 % des sièges à pourvoir mais seulement trois d'entre eux, suggérerait que ces dispositions soient revues afin que, même fixé en nombre absolu, cette proportion soit augmentée. De même, devraient être reconsidérées les conditions de maintien ou de fusion des listes au second tour. Ces modifications de la loi actuelle favoriseraient la constitution d'une majorité au sein de l'Assemblée de Corse.

Proposition n° 19 : modifier certaines dispositions du mode de scrutin actuel pour la désignation des membres de l'Assemblée de Corse

  1. Les régions et départements d'outre-mer

Les perspectives juridiques et politiques de l'évolution institutionnelle des départements et régions d'outre-mer sont, on l'a vu, incertaines et le Comité ne recommande pas que les dispositions constitutionnelles en vigueur, issues de la révision du 28 mars 2003, soient à nouveau modifiées.
En revanche, il lui a semblé qu'en l'état de la Constitution et sous réserve de l'appréciation des pouvoirs publics sur des situations locales différentes, plusieurs voies de réforme étaient possibles.
Le Comité n'a pas ignoré que certains forces politiques, aux Antilles et en Guyane, revendiquent que les populations soient consultées sur une évolution des territoires en cause vers un statut relevant de l'article 74 de la Constitution, comme l'ont été, en décembre 2003, les électeurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Un tel choix emporte pour principale conséquence que le régime d'identité législative n'est plus garanti par la Constitution elle-même, mais par la loi organique, ce qui implique que, s'ils étaient appelés à se prononcer sur cette question, les électeurs soient pleinement informés des conséquences de leur choix. Une telle hypothèse, qui dépend d'options purement politiques, a paru au Comité excéder les limites de sa mission.
Cependant, le Comité a estimé que, dans le cadre du statut défini par l'article 73 de la Constitution, les évolutions qu'il appelle de ses vœux étaient possibles, même si elles requièrent toutes l'approbation des électeurs.
La création d'une assemblée commune au département et à la région permettrait sans conteste de porter remède aux incohérences de la situation actuelle dans la mesure où une assemblée commune élirait un exécutif unique, qui dirigerait les deux collectivités. Mais cette solution ne serait pas pleinement satisfaisante, puisque subsisteraient sur un seul territoire, même avec le mode de scrutin " fléché " et simultané que le Comité propose en métropole, deux collectivités distinctes, dotées de compétences également distinctes, deux administrations et deux budgets. Autrement dit, les inconvénients de la situation actuelle ne seraient qu'atténués.
Une autre solution, plus radicale, consisterait à prévoir que soit instituée, dans les départements et régions d'outre-mer, une collectivité territoriale unique, qui se substituerait au département et à la région. Cette solution, autorisée, on l'a vu, par les dispositions de l'article 72 de la Constitution, présenterait l'avantage de simplifier l'exercice des compétences dévolues à cette collectivité unique et d'unifier les services et les budgets. Elle améliorerait les conditions d'exercice de la démocratie locale, les électeurs n'ayant à se rendre aux urnes que pour désigner, d'une part, leurs conseillers municipaux et, d'autre part, leurs représentants à l'organe délibérant de la collectivité unique ainsi constituée. En d'autres termes, les territoires concernés n'auraient que deux niveaux d'administration locale au lieu de trois. Enfin, cette collectivité nouvelle, qui serait, on l'a dit, une " collectivité à statut particulier " pourrait être dotée d'une organisation institutionnelle propre et, notamment, d'un mode de scrutin qui pourrait varier d'un territoire à l'autre, sans que le législateur soit contraint à l'uniformité, ni entre les territoires en cause ni entre ceux-ci et la métropole. Dans le même esprit, les compétences attribuées à la collectivité unique pourraient différer d'un territoire à l'autre en fonction de leurs " contraintes et caractéristiques ", de manière plus souple que dans le cadre de droit commun tracé par la jurisprudence constitutionnelle.
Le Comité a bien conscience que l'une et l'autre de ces solutions supposent que les électeurs soient appelés à leur donner leur consentement, et il n'ignore pas les aléas qui s'attachent à des consultations de cette nature. Mais il croit devoir souligner qu'une consultation organisée simultanément dans les quatre régions d'outre-mer se présenterait sous un jour nouveau, dès lors qu'elle permettrait d'offrir aux populations intéressées la possibilité de s'éloigner du statut, si dérogatoire, des régions monodépartementales, et se rapprocher, en fait, du droit commun nouveau des collectivités territoriales.
Telles sont les conclusions auxquelles, compte tenu des délais qui lui étaient impartis, le Comité est parvenu. Il ne méconnaît pas, eu égard à la complexité des questions posées par la situation qui prévaut dans les départements d'outre-mer, que ses recommandations, qui tendent à ce que leur statut soit mieux adapté aux réalités locales, ne constituent qu'un premier pas et ne suffisent pas à répondre par elles-mêmes à toutes les exigences de l'heure. Aussi forme-t-il le vœu qu'au cours des mois qui viennent ces questions fassent l'objet d'études complémentaires au sein des instances appropriées.

Proposition n° 20 : instaurer, dans les régions et départements d'outre-mer, une assemblée unique

Conclusion

Trop de niveaux d'administration territoriale et trop de collectivités locales à chacun, ou à certains, de ces échelons ; caractère imparfaitement maîtrisé de la dépense publique locale en raison notamment des excès des financements croisés, enchevêtrement des compétences, vieillissement de la fiscalité directe locale, insuffisance de la démocratie locale dans la mesure où les vraies décisions sont, de plus en plus, prises au sein des EPCI dont les responsables ne procèdent pas du suffrage direct, absence de prise en compte de la diversité des situations sur l'ensemble du territoire national : telles sont les principales critiques adressées à notre système d'administration locale.
Les vingt propositions du Comité ont pour ambition de répondre à ces critiques et de donner un nouveau souffle à l'administration territoriale de notre pays, en renforçant son efficience et en approfondissant l'exercice de la démocratie locale, pierre angulaire d'une décentralisation réussie.
L'ajustement du périmètre de certaines régions et la réduction subséquente de leur nombre, l'encouragement au regroupement des départements, la désignation simultanée des conseillers régionaux et des conseillers départementaux, la suppression des cantons et leur remplacement par des circonscriptions infradépartementales dans lesquelles se dérouleraient ces élections simultanées au scrutin de liste, la désignation au suffrage direct des assemblées délibérantes des groupements de communes, l'achèvement et la simplification de la carte des intercommunalités et des syndicats de communes, la proscription de nouveaux " pays " et la création, à échéance de 2014, de " métropoles " sont autant de mesures qui, en privilégiant la constitution, à terme, de deux pôles institutionnels autour de la région et des intercommunalités, vont dans le sens d'une réduction progressive du nombre de niveaux effectifs d'administration, d'une extension du champ d'application du suffrage universel et de la parité.
La clarification des compétences et, surtout, l'attribution au seul échelon communal de la clause de compétence générale constituent également des propositions qui vont dans le sens de la clarté des choix démocratiques et des économies de gestion, dans la mesure où elles évitent les excès des financements croisés et permettent aux électeurs de savoir qui décide dans chaque domaine.
L'instauration d'un débat annuel au Parlement sur l'évolution de la dépense publique locale, la révision des valeurs locatives foncières, la spécialisation des impôts locaux et l'instauration, au profit des collectivités locales, d'une imposition dynamique et équitable assise sur l'activité des entreprises sont des recommandations qui sont de nature à favoriser une meilleure maîtrise de la dépense, tout en attribuant aux collectivités locales des ressources suffisantes et stables, garanties d'une vraie autonomie financière.
En d'autres termes, le Comité considère que ses propositions forment un ensemble cohérent, ambitieux et novateur. Sans méconnaître la difficulté qui s'attacherait à leur mise en œuvre, il forme le vœu que les pouvoirs publics puissent, quand ils en seront saisis, réserver une suite favorable au plus grand nombre d'entre elles. Car non seulement les membres du Comité sont unanimement convaincus qu'un profond changement doit être apporté aux structures et au mode de fonctionnement de notre système d'administration territoriale, mais ils ont été frappés, au cours des auditions auxquelles ils ont procédé, de constater combien ce changement était attendu, sinon espéré par la plupart de leurs interlocuteurs.
Par ailleurs, le Comité a le sentiment que nombre de ses propositions portent la marque du souci de diversification et de souplesse qui a animé ses réflexions. La création de métropoles dotées d'un statut spécifique, l'élargissement des possibilités offertes aux départements et aux régions de réviser leur périmètre respectif, la prise en compte des particularités de la Corse et des départements d'outre-mer, l'instauration, en Ile-de-France, d'une collectivité nouvelle dotée de compétences propres, la possibilité offerte aux collectivités locales de déléguer par convention certaines de leurs compétences sont autant de manifestations du prix que le Comité a attaché à ce que la diversité vienne, avec pragmatisme, contrebattre la tradition uniformisatrice qui enserre depuis trop longtemps la vie des collectivités locales.
Aussi le Comité est-il, au total, porté à considérer que ses propositions satisfont aux demandes qui lui avaient été adressées : elles vont dans le sens d'une simplification des structures et d'une réduction progressive de leur nombre, notamment à l'échelon communal ; elles élargissent le champ de la démocratie locale en étendant celui du suffrage direct et de la parité ; elles préparent l'avenir en dotant notre pays de métropoles fortes et en donnant à l'échelon régional d'administration un rôle accru ; elles engagent une clarification des compétences ; elles tendent à moderniser la fiscalité locale et à donner aux collectivités territoriales des ressources adaptées à leurs besoins tout en créant les instruments d'une meilleure maîtrise de leurs dépenses ; elles permettent, pour l'Ile-de-France, que la région capitale r
etrouve les moyens de son dynamisme et de son rayonnement ; elles prennent en compte les exigences de diversité qui s'imposent à toute société moderne.
Enfin, le Comité a estimé qu'il se serait incomplètement acquitté de sa mission s'il n'avait également pris parti sur les modalités pratiques et le calendrier de mise en œuvre de ses propositions.
Après avoir examiné l'ensemble des solutions envisageables au regard des prescriptions de la jurisprudence constitutionnelle en matière de durée des mandats électifs et conscient de la nécessité de ne pas prêter le flanc au moindre soupçon d'arrière-pensées étrangères à sa mission, le Comité recommande que celles de ses propositions qui sont de nature institutionnelle et ont des conséquences sur la durée des mandats électifs prennent effet à compter des élections cantonales et municipales prévues en 2014. Il s'en déduit que, si cette date était retenue comme celle de la mise en œuvre pleine et entière de la réforme des collectivités locales, le mandat des conseillers régionaux élus en 2010 devrait être fixé à quatre ans et celui des conseillers généraux élus en 2011 à trois ans. Ainsi pourraient se dérouler, en 2014, des élections municipales, départementales et régionales selon les principes et les modalités proposées par le présent rapport. La mise en place des " métropoles " et du " Grand Paris " se ferait également à cette date. Pour le reste, c'est-à-dire l'essentiel de ses propositions afférentes aux finances locales et à la clarification des compétences, rien ne fait obstacle à ce qu'elles puissent être mises en œuvre dans les meilleurs délais.

Le président du Comité
EDOUARD BALLADUR

Le rapporteur général
HUGUES HOURDIN

Les vingt propositions

Proposition n° 1 : favoriser les regroupements volontaires de régions et la modification de leurs limites territoriales pour en réduire le nombre à une quinzaine
Certaines régions françaises sont moins peuplées que leurs homologues européennes, et leur périmètre est parfois contesté. L'objectif est de leur donner une taille critique de 3 à 4 millions d'habitants. Pour faciliter les regroupements de régions, il est proposé de simplifier la législation en prévoyant que suffiront, dans les régions qui le souhaitent, soit l'assentiment des conseils régionaux, soit un référendum. Pour les modifications des limites des régions, il est proposé que le vote du Parlement ne soit plus requis mais que suffisent les délibérations concordantes des régions et départements concernés, assorti d'un avis favorable des conseils généraux des départements de chaque région.

Proposition n° 2 : favoriser les regroupements volontaires de départements par des dispositions législatives de même nature que pour les régions
Il n'existe, dans le droit actuel, aucune disposition prévoyant la procédure à suivre lorsque deux départements, ou plus, souhaitent se regrouper. Or, certains départements manifestent cette volonté. Il est donc proposé de transposer aux départements la législation envisagée pour favoriser les regroupements de régions.

Proposition n° 3 : désigner par une même élection, à partir de 2014, les conseillers régionaux et départementaux ; en conséquence, supprimer les cantons et procéder à cette élection au scrutin de liste
Afin de renforcer le rôle des régions tout en les rapprochant des départements et en modernisant le mode d'élection des représentants de la population à chacun de ces deux niveaux d'administration territoriale, il est proposé de procéder simultanément à cette élection, dans le cadre d'un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d'une prime majoritaire. Les listes présentées le même jour aux suffrages comporteraient autant de candidats que de sièges à pourvoir dans les conseils départementaux. Les premiers de liste seraient, dans une proportion à déterminer en fonction de la population, désignés pour siéger au conseil régional et au conseil départemental, les suivants de liste siégeant exclusivement au conseil départemental. Il s'en déduit que les cantons, même redessinés, seraient des circonscriptions électorales inadaptées. L'élection se déroulerait donc dans le cadre de circonscriptions infra-départementales, de manière à ce que l'identité des territoires continue à être prise en compte à l'échelon départemental et le soit mieux qu'elle ne l'est aujourd'hui au niveau régional.

Proposition n° 4 : achever, avant 2014, la carte de l'intercommunalité
Presque toutes les communes françaises sont membres d'un groupement de communes, mais, dans certaines régions, la carte de l'intercommunalité demeure inachevée. Il convient que les communes qui ne sont membres ni d'une communauté urbaine, ni d'une communauté d'agglomérations, ni d'une communauté de communes rejoignent, avant 2014, la forme de groupement correspondant à l'importance de leur population.

Proposition n° 5 : rationaliser, avant 2014, la carte des syndicats de communes
Afin de simplifier le fonctionnement des administrations locales et de diminuer le nombre des échelons d'administration, il est proposé qu'avant 2014 tous les SIVOM et SIVU soient, lorsque leur périmètre correspond à celui d'un groupement de communes, absorbés par celui-ci et que soient précisées les conditions d'adhésion des communes à des syndicats dont le périmètre ne recoupe que partiellement celui du groupement de communes auquel elles appartiennent.

Proposition n° 6 : ne plus créer de nouveaux " pays " au sens de la loi du 4 février 1995
La plupart des " pays " ont été des structures de préfiguration des groupements de communes. Ils ont, pour l'essentiel, rempli leur office. Il est donc proposé de proscrire la constitution de nouveaux " pays " au sens où le prévoyait la loi du 4 février 1995.

Proposition n° 7 : instaurer l'élection des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux
La plupart des groupements de communes exercent, en fait, des compétences très larges, en lieu et place des communes qui les constituent. Or, les organes délibérants de ces groupements ne procèdent que du suffrage indirect. Il est proposé d'étendre le champ de la démocratie locale en prévoyant que les membres de ces organes délibérants soient élus au suffrage direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux, les premiers de liste ayant vocation à siéger au conseil de l'intercommunalité et au conseil municipal de leur commune, les suivants de liste siégeant exclusivement dans leur conseil municipal. Afin que toutes les communes soient représentées dans des conditions satisfaisantes au conseil communautaire, il serait prévu que les critères démographiques de représentation soient assortis d'une disposition permettant que chaque commune dispose au moins d'un représentant au conseil communautaire. Il se déduit de tout ce qui précède que les mandats exécutifs intercommunaux devraient entrer dans le champ de la législation relative à la limitation du cumul des mandats.

Proposition n° 8 : créer par la loi onze premières métropoles, à compter de 2014, d'autres intercommunalités pouvant ensuite, sur la base du volontariat, accéder à ce statut
A. C'est en 1966 qu'ont été créées, par la loi, les communautés urbaines. Pour donner une nouvelle impulsion aux plus importantes d'entre elles et doter notre pays d'agglomérations d'une force suffisante, il est proposé de créer, par la loi, avant 2014, un premier groupe de métropoles (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Toulon et Rennes), auquel auraient ensuite vocation à se joindre, si elles le souhaitent, les intercommunalités remplissant les conditions posées par cette loi.
B. Les métropoles ainsi constituées seraient des collectivités locales à statut particulier, exerçant, outre certaines des compétences des communes, les compétences, notamment sociales, dévolues aux départements.
C. Soit les communes membres des communautés urbaines ou d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles seraient créées les métropoles auraient la qualité de " villes ", personnes morales de droit public dotées de compétences et de ressources fiscales propres et de conseils élus. Les conseillers métropolitains seraient élus sur la même liste et le même jour que les conseillers de villes, selon les modalités déjà décrites pour les autres élections simultanées recommandées par le Comité.
Soit les communes membres des communautés urbaines ou d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles seraient créées les métropoles conserveraient la qualité de collectivités locales, ce qui impliquerait que soient modifiées les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution, qui proscrivent la tutelle d'une collectivité locale sur une autre. Dans cette hypothèse, les conseillers métropolitains seraient également élus sur la même liste et le même jour que les conseillers municipaux, selon les modalités déjà décrites.

Proposition n° 9 : permettre aux intercommunalités de se transformer en communes nouvelles en redéployant, en leur faveur, les aides à l'intégration des communes
L'objectif à atteindre est, à terme, que les intercommunalités se transforment en communes de plein exercice, ce qui permettrait à la France de compter des communes fortes, en nombre raisonnable. Afin d'encourager ce mouvement, il est proposé que les aides à l'intégration soient redéployées en faveur des intercommunalités où le besoin d'intégration est le plus manifeste, qu'une date butoir soit fixée par la loi pour l'attribution de ces aides et que, passé le délai ainsi accordé aux communes pour s'engager dans la voie de l'intégration, ces aides soient gelées puis diminuent progressivement.

Proposition n° 10 : réduire d'un tiers les effectifs maximaux des exécutifs intercommunaux
La France se caractérise par le nombre élevé des membres des exécutifs locaux, en particulier à l'échelon intercommunal. Il en résulte, outre des dépenses de fonctionnement parfois peu justifiées, une dilution des responsabilités. Aussi est-il proposé une réduction d'un tiers des effectifs des exécutifs intercommunaux.

Proposition n° 11 : confirmer la clause de compétence générale au niveau communal (métropoles, communes nouvelles issues des intercommunalités et autres communes) et spécialiser les compétences des départements et des régions
Une fois définis les champs de compétences respectifs de chaque niveau de collectivités locales, il est proposé que les départements et les régions ne puissent intervenir que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue, de manière à limiter les excès des financements croisés. En revanche, afin de garantir aux élus les plus proches des populations et de leurs besoins la capacité de prendre des initiatives dans les cas non prévus par les textes législatifs et réglementaires, les communes dans leur forme actuelle, les communes nouvelles issues des intercommunalités et les métropoles exerceraient, outre leurs compétences d'attribution, une compétence générale. Par ailleurs, les départements conserveraient la faculté d'apporter leur concours aux investissements des communes.

Proposition n° 12 : clarifier la répartition des compétences entre les collectivités locales et entre celles-ci et l'Etat
La répartition des compétences entre collectivités locales relève de textes multiples et épars. Il est proposé que les pouvoirs publics engagent et mènent à bien avant la fin de la présente législature une révision générale de ces compétences permettant de distinguer les compétences qui doivent demeurer partagées entre plusieurs niveaux d'administration locale, celles qui doivent être attribuées de manière exclusive à une seule catégorie de collectivités locales et celles qui sont susceptibles de faire l'objet de délégations de compétences.

Proposition n° 13 : prévoir, à l'occasion de la révision générale des politiques publiques, de tirer toutes les conséquences des lois de décentralisation, de telle sorte que les services ou parties de services déconcentrés de l'Etat qui interviennent dans les champs de compétences des collectivités locales soient supprimés
Plus d'un quart de siècle après les grandes lois de décentralisation, l'Etat n'en a pas encore tiré les conséquences en termes d'organisation de ses services déconcentrés et de nombreux doublons subsistent, qui compliquent les procédures de décision et en alourdissent le coût. Il est proposé que, chaque fois que l'Etat continue à intervenir dans une matière relevant des compétences exclusives des collectivités locales, il supprime les services ou parties de services déconcentrés correspondants.

Proposition n° 14 : définir, dans le cadre d'un débat annuel au Parlement, un objectif annuel d'évolution de la dépense publique locale
On peut regretter que, compte tenu de son importance, la dépense publique locale demeure mal connue et ne soit évoquée devant le Parlement qu'à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Pour la clarté du débat démocratique et pour l'information des gestionnaires locaux, il est proposé que le Parlement organise chaque année un débat sur ce point et que celui-ci soit alimenté par un constat mis au point par une instance ad hoc chargée de définir, sous le contrôle du Parlement, des indicateurs de performance et un guide de bonnes pratiques dans la gestion des finances locales. Les collectivités locales seraient ainsi mieux éclairées sur les conséquences de leurs dépenses et notre pays mieux à même de veiller à la cohérence de ses engagements européens.

Proposition n° 15 : réviser les bases foncières des impôts directs locaux et prévoir leur réactualisation tous les six ans
Actuellement, les bases foncières des impôts directs locaux sont celles fixées en 1970. Il est proposé que la révision de ces bases fasse partie de la réforme globale des collectivités locales, qu'elle s'effectue en fonction de valeurs locatives administrées qui tiennent compte du marché immobilier, que la loi encadre les transferts de charges en résultant pour les contribuables, mette en place un mécanisme d'étalement de ces transferts de charges sur plusieurs années et établisse une procédure automatique de réévaluation tous les six ans.

Proposition n° 16 : compenser intégralement la suppression de la taxe professionnelle par un autre mode de taxation de l'activité économique, fondée notamment sur les valeurs locatives foncières réévaluées et la valeur ajoutée des entreprises
La suppression annoncée de la taxe professionnelle et sa nécessaire compensation, qui représente un enjeu de quelque 22 milliards d'euros pour les collectivités locales, ont conduit le Comité à réaffirmer son attachement à la persistance d'un lien fiscal entre les entreprises et les collectivités sur le territoire desquelles elles sont implantées. Après avoir examiné les différentes options possibles, le Comité a écarté l'idée d'un partage d'impôts nationaux et celle d'une taxation de la consommation d'énergie, qui frapperait également les ménages. Il propose, afin d'assurer la neutralité de la réforme pour les finances publiques, ce qui nécessite une ressource de 8 milliards d'euros, qu'outre la part foncière, réévaluée, de la taxation des entreprises celles-ci soient imposées en fonction de la valeur ajoutée qu'elles dégagent, le taux de cette taxation, qui serait affectée aux collectivités locales, ne pouvant excéder un plafond fixé à l'échelon national. Le reste à combler pour les collectivités locales serait financé sous la forme de dotations budgétaires et du transfert de divers impôts indirects, comme la taxe supplémentaire sur les conventions d'assurance.

Proposition n° 17 : limiter les cumuls d'impôts sur une même assiette d'imposition
Quelque 39 000 entités distinctes disposent, en France, de la capacité de lever l'impôt. Il en résulte une opacité du système fiscal qui nuit à l'exercice de la démocratie locale. Aussi est-il proposé d'éviter qu'un trop grand nombre de niveaux de collectivités locales ne disposent du pouvoir de fixer le taux d'impositions reposant sur une même assiette, tout en laissant à chaque niveau de collectivités locales la possibilité de fixer librement le taux d'au moins une imposition. La répartition proposée par le Comité se rapproche de cet objectif, tout en tenant compte du volume des dépenses exposées par chaque catégorie de collectivités locales.

Proposition n° 18 : créer, en 2014, une collectivité locale à statut particulier, dénommée " Grand Paris ", sur le territoire de Paris et des départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine. Cette création serait précédée d'une consultation associant les représentants des collectivités locales intéressées, des partenaires sociaux et des forces économiques

La ville de Paris et les trois départements de la " petite couronne " rassemblent plus de six millions d'habitants. Au sein de cet ensemble, les besoins de coordination des politiques publiques sont criants et la voie de la coopération intercommunale n'y a guère été empruntée, à la différence des communautés urbaines qui existent dans les autres zones urbanisées de notre pays. Aussi est-il proposé, afin de permettre l'émergence d'une grande métropole nouvelle, de créer en 2014, à l'issue d'une consultation publique appropriée, une collectivité locale spécifique, dotée de compétences d'attribution qui seraient celles des départements supprimés et des intercommunalités les plus importantes qui s'y trouvent. Les communes comprises dans le périmètre du " Grand Paris " conserveraient leur qualité de collectivités locales ainsi que le mode de scrutin actuel pour la désignation de leurs conseils municipaux. Les conseillers du " Grand Paris " seraient élus, dans le cadre de circonscriptions découpées à l'intérieur des départements actuels, au scrutin de liste à deux tours à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, les premiers de liste siégeant au conseil régional et les suivants de liste au conseil du " Grand Paris ".

Proposition n° 19 : modifier certaines dispositions du mode de scrutin actuel pour la désignation des membres de l'Assemblée de Corse
Tant que l'élection de l'Assemblée de Corse reste distincte de celle des assemblées départementales, des modifications à la loi existante, en ce qui concerne la prime majoritaire et les conditions de maintien ou de fusion des listes, permettraient la constitution d'une majorité au sein de cette assemblée.

Proposition n° 20 : instaurer, dans les départements et régions d'outre-mer, une assemblée unique
Contrairement à la règle applicable en métropole qui veut qu'une seule collectivité locale administre un même territoire, les départements d'outre-mer ont également le caractère de régions. Les inconvénients qui en résultent sont nombreux, en termes d'exercice de la démocratie locale et de coût de fonctionnement. Il est proposé que ces départements soient administrés, après consultation des électeurs, par une assemblée unique.

Les propositions n°s 1, 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19 et 20 ont été adoptées à l'unanimité des membres du Comité.
La proposition n° 3 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre et M. Verpeaux s'abstenant.
Le A et le C de la proposition n° 8 ont été adoptés à l'unanimité des membres du Comité ; le B a été adopté à la majorité des membres du Comité, MM. Mauroy, Vallini et Julliard votant contre.
La proposition n° 11 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre et MM. Julliard, Verpeaux et Casanova s'abstenant.
La proposition n° 18 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre.

Observations personnelles
de MM. Pierre Mauroy et André Vallini

Si nous avons accepté, sur la proposition du président de la République, de participer au " Comité Balladur ", dont la mission était de formuler des propositions pour " réformer les collectivités locales ", c'était dans le but d'approfondir la régionalisation et la décentralisation initiées dans le même esprit que celui qui a présidé aux grandes lois de 1982-1983.
Au fil du temps, les avancées que ces lois ont réalisées ont été reconnues par ceux-là mêmes qui les avaient combattues alors avec vigueur. Elles ont été amplifiées par les lois Joxe (1992), Chevènement (1999) et Vaillant (2002). En 2003, le gouvernement Raffarin n'a pas répondu aux espoirs suscités par ce qui devait être " l'An 2 " de la décentralisation, s'il a permis cependant quelques progrès, notamment dans la rédaction du Préambule de la Constitution (qui précise que la France est une " République décentralisée ") et en ouvrant aux collectivités territoriales la voie de l'expérimentation.
C'est donc avec un grand intérêt que nous avons participé avec assiduité aux travaux du Comité animé par Edouard Balladur, qui les a conduits avec rigueur et souplesse. Les débats se sont déroulés dans une ambiance très cordiale. Nous avons apprécié le remarquable travail de synthèse effectué par les collaborateurs du Comité et par les rédacteurs du rapport qui sera remis au Président de la République.
A l'issue de ses travaux, le Comité a retenu vingt propositions. Cette note fait état de nos points d'accord et de désaccord et explique les raisons qui motivent nos prises de positions.
Pour résumer, nous approuvons celles des propositions qui participent à l'approfondissement de la régionalisation et de la décentralisation et qui s'inscrivent dans la suite de ce qui a été réalisé depuis une quarantaine d'années. Mais nous déplorons que certaines, auxquelles nous nous sommes opposés, marquent plus un recul qu'une progression dans la marche en avant de la décentralisation et de la régionalisation. Il s'agit encore, à nos yeux, d'un rendez-vous en grande partie manqué avec ce qui aurait pu ― et dû― être " l'An 3 " de la décentralisation.

  1. Points d'accord

Certaines propositions du rapport répondent à l'esprit des lois de 1982. Elles vont dans le bon sens. Nous les approuvons donc.
Il en va ainsi des propositions 1 et 2 qui prônent la nécessité de réduire, sur une base volontaire, le nombre actuel de régions à une quinzaine. Ces dispositions vont permettre la nécessaire montée en puissance des régions françaises à la hauteur des grandes régions européennes, interlocutrices privilégiées de l'Etat et de l'Union européenne.
Nous approuvons également les propositions 4, 5 et 6 qui vont dans le sens de l'achèvement de l'intercommunalité et de la simplification des structures administratives comme de la réduction des dépenses publiques avec pour objectif la limitation, voire la fin, de la multiplication des structures locales qui font souvent doublons (syndicats de communes, pays, etc.).
Surtout, nous sommes très favorables à la proposition 7 qui porte sur les EPCI à fiscalité propre et qui instaure l'élection de leurs organes délibérants au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux, les élevant au rang de collectivité territoriale de plein exercice, dotée de la clause de compétence générale et de l'autonomie financière. Il y a là une avancée forte de la démocratie locale et de la bonne gestion des territoires au bénéfice des populations. L'intercommunalité a été un succès. Il faut la poursuivre et l'approfondir. Cette mesure y contribuera largement.
Nous soutenons également la création par la loi de 11 métropoles d'ici à 2014 (proposition 8). Le nombre de ces métropoles a varié au fil des débats pour se fixer à onze. Nous préconisions la création d'emblée d'une vingtaine de métropoles car nous pensons que la " métropolisation " permettra aux villes françaises de se hisser à la hauteur de leurs concurrentes européennes et de rivaliser en puissance et en notoriété avec elles.
En revanche, nous désapprouvons le projet de faire des communes membres des intercommunalités et des métropoles, qui sont aujourd'hui des collectivités locales de plein exercice, de simples personnes morales de droit public (EPCI). Cette " rétrogradation " ne nous paraît pas justifiée et sera difficilement acceptée par les communes intéressées. Au plus, devraient-elles devenir des " communes intégrées ", bénéficiant de la qualité de collectivité locale, partageant leurs activités avec la métropole.
Si nous approuvons le principe de spécialisation des compétences des collectivités locales (proposition 12), il convient d'aller plus loin dans l'attribution de compétences propres, tout en laissant ouverte la possibilité de délégation de compétences entre collectivités, gage de souplesse dans leur exercice.
Les régions ayant vocation à œuvrer pour la compétitivité des territoires, l'agriculture, l'industrie, le tourisme, les grandes infrastructures ferroviaires, les ports et les aéroports, la formation, la recherche et l'enseignement supérieur sont des compétences dont il faut achever la décentralisation de l'Etat vers les régions.
Les départements ayant en charge la solidarité et la qualité de vie, des compétences encore exercées par les services déconcentrés de l'Etat doivent leur être transférées en matière de sport, de santé, d'hébergement d'urgence ou d'environnement. Les routes nationales doivent être départementalisées et en matière d'enseignement il convient d'attribuer au département la gestion des lycées en plus de celle des collèges, ainsi que les cadres gestionnaires des établissements et les agents de médecine scolaire, dans un souci de cohérence avec le transfert des TOS.
En revanche, une compétence départementale doit être recentralisée : celle des services départementaux d'incendie et de secours qui relèvent d'une mission régalienne de l'Etat, la sécurité (le détail de ces propositions est présenté dans le tableau en annexe page 7).
Enfin et afin que les collectivités locales aient tous les moyens et capacités d'exercer pleinement et entièrement leurs responsabilités, il faut les doter d'un pouvoir réglementaire autonome dans le cadre de lois qui en préciseront les modalités et les limites. C'est une condition indispensable au transfert de certaines missions au département, en matière d'eau et d'environnement par exemple.
Nous approuvons encore pour des raisons de cohérence et d'efficacité, la proposition 13 qui supprime les services ou parties de services déconcentrés de l'Etat qui interviennent dans les champs de compétence des collectivités locales.
Enfin, si nous avons approuvé les propositions 14 à 17 qui abordent la question essentielle des finances locales, nous tenons à préciser en revanche que la suppression de la taxe professionnelle n'est envisageable que si trois conditions sont réunies : le montant des ressources des collectivités doit être garanti par une autre recette fiscale dynamique ; le lien fiscal entre les entreprises et le territoire où elles s'implantent doit être maintenu ; enfin, la réforme de la fiscalité locale doit être globale.
Concernant la Corse, la proposition 19 va dans le bon sens.

  1. Points de désaccord

Ces points de désaccord sont très importants.
Ils portent d'abord sur la proposition 3, qui prévoit la désignation, par une même élection, sur une même liste et dans le cadre de circonscriptions infradépartementales, des conseillers régionaux et départementaux.
Le comité distingue " les politiques publiques de soutien à l'activité et à la compétitivité ", qu'il propose de confier aux régions en complément de l'Etat et de l'Europe, et " l'action de proximité à destination des habitants ", sur laquelle pourrait être centrée l'action des départements, des intercommunalités et des communes. Partageant la vision de ces deux " blocs ", Europe ― Etat ― régions, d'une part, et départements ― intercommunalités et communes, d'autre part, nous considérons qu'il faut en tirer les conséquences en distinguant clairement les scrutins régionaux et départementaux. Or, la réforme proposée risque d'aboutir à une " cantonalisation " des régions, en opposition avec la nécessité de faire émerger de grandes régions puissantes et articulées sur l'Europe.
L'élection des conseillers régionaux doit donc être organisée sur la base de listes régionales au scrutin proportionnel assorti d'une prime majoritaire (sur le mode du scrutin municipal). Au niveau départemental, l'élection devrait se tenir sur la base de listes départementales au scrutin proportionnel avec prime majoritaire, avec la possibilité de circonscriptions électorales dans les grands départements, pour garantir le lien des élus avec les territoires et les populations qu'ils représentent. L'élection des conseils municipaux et celle des conseils départementaux se tiendraient le même jour.
Nous n'approuvons pas non plus la proposition 11 qui, certes, confirme la clause de compétence générale au niveau communal (métropoles, communes issues des intercommunalités et autres communes) mais la retire aux régions et aux départements. Cette suppression poserait deux problèmes. D'une part, les régions et surtout les départements assurent un rôle de péréquation financière et donc de solidarité entre les territoires qui doit pouvoir être modulé en fonction des circonstances (catastrophes naturelles, crise économique, défaillances d'entreprises, etc.).
D'autre part, dans une société en mouvement, la clause générale de compétence permet aux collectivités de répondre aux mutations économiques et sociales et aux nouveaux besoins de la population. Il convient donc de maintenir la clause de compétence générale aux régions et départements mais de limiter l'enchevêtrement des financements croisés. Pour y parvenir, il est nécessaire de limiter le financement d'un même projet à deux collectivités ; l'apport de la collectivité secondaire (qui n'est pas à l'origine du projet et n'aura pas à en assumer la gestion) devrait être plafonné à 50 % de la dépense subventionnable ; enfin, une collectivité ne pourrait faire appel qu'à une collectivité de niveau supérieur : le bloc communal pourrait faire appel au financement du département ou de la région, le département rechercherait celui de la région, la région ne pouvant obtenir une aide que de l'Etat ou de l'Europe.
Reste la question du " Grand Paris ".
Les débats qui se sont déroulés sur cette question au sein du Comité ont confirmé le fait que la capitale de la France ne pourra pas se développer comme elle le doit si on s'en tient au statu quo. La superficie et la population actuelles de Paris ne sont pas à la hauteur de cette ville universelle.
Pour autant, les auditions auxquelles le Comité a procédé ont montré l'absence de propositions des élus parisiens et franciliens sur cette question centrale, même s'ils ont récemment amorcé un rassemblement au sein du " syndicat mixte Paris-Métropole ". Il nous semble donc prématuré d'avancer telle ou telle proposition avant que le débat ne se soit poursuivi et approfondi dans les prochains mois avec tous les acteurs concernés. C'est pourquoi, à ce moment de la réflexion, nous ne soutenons pas la proposition 18 du rapport, même si elle a le mérite de lancer le débat.
Enfin, concernant les départements et régions d'outre-mer, là encore, la proposition 20, qui prévoit d'y instaurer une collectivité unique, doit être discutée avec les collectivités intéressées.