La commission nationale de l'informatique et des libertés (« la commission »),
Saisie par les ministères en charge des affaires étrangères et européennes et de l'intérieur (ci-après « le ministère ») pour avis sur un projet d'arrêté relatif système de vote électronique pour l'élection par les Français établis hors de France de leurs députés ;
Vu l'article 24 de la Constitution prévoyant notamment la représentation des Français établis hors de France à l'Assemblée nationale par 11 députés élus au suffrage direct ;
Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée relative aux listes électorales consulaire et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, notamment ses articles 7 et 8 ;
Vu la loi organique n° 2011-411 du 14 avril 2011 portant notamment codification de l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à la définition du régime applicable à réfection des députés des Français de l'étranger ;
Vu le code électoral, notamment ses articles L. 330-13 et R. 176-3 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment son article 27-11 (4°) ;
Vu le décret n° 2003-1377 du 31 décembre 2003 modifié relatif à l'inscription au registre des Français établis hors de France ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 modifié pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la délibération n° 2010-371 du 21 octobre 2010 portant adoption d'une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique ;
Vu la délibération n° 2011-160 du 9 juin 2011 portant avis sur un projet de décret relatif à l'élection de députés par les Français établis hors de France (dossier CNIL n° 11012821 ― décret n° 2011-843 introduisant notamment l'article R. 176-3 au code électoral) ;
Après avoir entendu le rapport de M. Didier CASSE, commissaire et les observations de Mme Elisabeth ROLIN, commissaire du Gouvernement,
Emet l'avis suivant
A la suite de la réforme constitutionnelle de 2008, onze députés représentent les Français établis hors de France. Les ministères en charge des affaires étrangères et européennes (MAEE) et de l'intérieur (MIN) (ci-après « le ministère ») sont chargés d'organiser les élections de ces députés. Pour les élections de juin 2012, un système de vote électronique doit être mis en œuvre.
Le ministère a saisi la CNIL d'une demande d'avis, parvenue complétée du rapport initial d'expertise indépendante, le 23 février 2012.
Le projet d'arrêté détaille la mise en œuvre du traitement prévu à l'article R. 176-3 du code électoral, introduit par le décret n° 2011-843 pris après avis de la commission (délibération n° 2011-160). Le système de vote électronique décrit doit être mis en œuvre dès les élections, par les Français établis hors de France, de leurs députés en juin 2012.
L'article R. 176-3-III du code électoral prévoit :
« III. ― Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères précise les caractéristiques du traitement prévu au I.
Il fixe notamment :
1° Les catégories de données à caractère personnel enregistrées dans le traitement ;
2° Les modalités de l'expertise indépendante prévue au II ;
3° Les garanties entourant le recours éventuel à un prestataire technique chargé, dans le respect des obligations de sécurité résultant de la présente sous-section, de la maîtrise d'œuvre du traitement automatisé ainsi que les modalités de son intervention ;
4° Les modalités de transmission de l'identifiant et de l'authentifiant prévues à l'article R. 176-3-7 ainsi que les modalités de récupération par l'électeur de son authentifiant ;
5° Les conditions de mise en œuvre d'un dispositif de secours en cas de défaillance. »
En application de l'article 27-11 (4°) de la loi « Informatique et libertés », le projet d'arrêté est soumis à la CNIL pour avis.
A titre liminaire :
La commission souligne qu'elle est très attentive aux conditions de développement du vote électronique. Compte tenu des risques particuliers que ces traitements peuvent présenter pour les personnes, notamment la divulgation de leurs opinions politiques, la manipulation de leur droit de vote, il convient de mettre en place des mesures de sécurité adéquates. C'est pourquoi la commission avait rappelé, dans sa délibération n° 2010-371, les principes paraissant devoir s'imposer en matière de sécurité dans le cadre du vote électronique. En outre, la commission tient à préciser, qu'au cas par cas, des mesures de sécurité additionnelles peuvent être prévues, comme par exemple la conduite d'une analyse de risques dans le cas d'élections de grande ampleur et/ou à fort enjeu national.
- Sur la finalité du traitement :
La finalité est de mettre en œuvre le système du vote électronique pour les élections des députés par les Français établis hors de France. - Sur l'expertise indépendante du dispositif de vote électronique :
L'article 2 du projet d'arrêté détaille la procédure de l'expertise indépendante du dispositif de vote électronique, sans définir la notion de l'« indépendance ».
La commission tient à rappeler les critères de l'indépendance pour un expert extérieur, à savoir :
― être un informaticien spécialisé dans la sécurité ;
― ne pas avoir d'intérêt financier dans la société qui a créé la solution de vote à expertiser, ni dans la société responsable de traitement qui a décidé d'utiliser la solution de vote ;
― posséder une expérience dans l'analyse des systèmes de vote, si possible en ayant expertisé les systèmes de vote électronique d'au moins deux prestataires différents ;
― avoir participé à l'atelier organisé par la CNIL sur le vote électronique.
La commission estime que les critères de la notion d'« indépendance » devraient être précisés dans l'arrêté.
Elle prend acte que l'article 2 du projet sera complété d'un quatrième paragraphe qui pourrait être rédigé en ces termes :
Cette expertise indépendante est conduite par un informaticien spécialisé dans la sécurité, possédant une expérience dans l'analyse des systèmes de vote et ayant participé à l'atelier organisé par la commission nationale de l'informatique et des libertés dédié aux experts de vote électronique. L'expert indépendant ne doit pas avoir d'intérêts financiers dans la société qui a créé la solution de vote à expertiser. - Sur les catégories de données personnelles traitées et leur utilisation :
L'article 1er du projet d'arrêté liste, selon l'acteur concerné, les données personnelles enregistrées dans le système de vote électronique, en ces termes :
« Les catégories de données personnelles enregistrées dans la traitement automatisé prévu au I de l'article P.176-3 du code électoral sont :
1° Pour les électeurs :
― les mentions portées sur la liste électorale consulaire sur laquelle ils sont inscrits, prévues à l'article 8 de la loi du 31 décembre 1976 susvisée ;
― leur numéro d'identification consulaire, prévu au II de l'article 11 du décret du 31 décembre 2003 susvisé ;
2° Pour les candidats :
― les nom et prénoms des candidats et de leur remplaçant ;
― la circonscription électorale dans laquelle ils se présentent ;
― le cas échéant, l'étiquette politique qu'ils ont choisie ;
― une copie numérisée du bulletin de vote remis, en application de l'article R. 38 du code électoral, à la commission électorale mentionnée à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1976 susvisée. Le fichier contenant cette copie est au format « PNG » et son volume ne peut excéder cinquante kilo (1) octets. »
La référence à la loi du 31 décembre 1976 doit être remplacée par 31 janvier 1976.
Pour chaque électeur, en plus de son numéro d'identification consulaire (NumIC), le système de vote électronique enregistre les données personnelles composant la liste électorale consulaire (« LEC »), à savoir :
― ses nom, prénoms, domicile ou résidence comportant la rue et le numéro (art. L. 18 du code électoral) ;
― ses date et lieu de naissance (art. L. 19 du code électoral) ;
― son rattachement à un bureau de vote et son adresse électronique (loi organique n° 76-97 ― art. 8).
L'adresse postale est utilisée pour communiquer par courrier la carte à gratter portant son identifiant nécessaire pour se connecter au site de vote électronique.
L'année de naissance est la réponse au « défi/réponse », mesure de sécurité pour récupérer son authentifiant et pour valider son vote.
L'adresse électronique, qui est utilisée pour communiquer par courriel son authentifiant ou le récupérer, est la troisième information indispensable pour se connecter au site de vote électronique. Il est toutefois possible à l'électeur d'indiquer à son consulat une seconde adresse électronique, qui sera réservée à la communication avec le consulat et ne sera pas mentionnée sur la LEC.
La commission demande que soient ajoutés, à la liste des données personnelles concernées par le dispositif de vote électronique, les identifiants et authentifiants attribués à chaque électeur ainsi que la table de correspondance confiée au service du Chiffre du MAEE, aucune mise en relation entre ces différents éléments, l'identité et le vote de l'électeur n'étant rendue possible.
Par ailleurs, comme toute liste électorale, la liste consulaire est susceptible d'être communiquée et utilisée par tout électeur, candidat, parti ou groupement politique qui en fait la demande (cf. art. L. 330-4 du code électoral). En l'absence de dérogation explicite prévue par le législateur, les données personnelles composant la liste consulaire sont communiquées, y compris l'adresse électronique de chaque électeur Français établis hors de France.
Comme l'année de naissance, qui est une des données personnelles les plus aisément accessibles, est également portée sur ta liste consulaire, il n'est pas judicieux qu'elle soit utilisée à titre de sécurité en réponse au « défi/réponse ».
Constatant que le caractère accessible de ces données personnelles impacte les mesures de sécurité du système de vote, la commission formule ses observations au point 7.b « Sur la sécurité des données » de la délibération.
(1) Cf. loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modulée relative aux listes électorales consulaire et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, notamment ses articles 7 et 8. (2)Le numéro d'inscription consulaire (NUMIC) est délivré à toute personne qui s'inscrit au registre consulaire. Ce numéro personnel permet notamment de s'identifier et d'accéder via le portail de téléservice « MonConsulat.fr » à son dossier administratif et autres démarches.
1 version