JORF n°0003 du 5 janvier 2011

4.1.4.6. Une asymétrie totale dans la relation entre agrégateurs de SMS
et opérateurs mobiles, qu'il convient de corriger

Les limitations techniques et contractuelles imposées aux agrégateurs de SMS exposées ci-dessus caractérisent l'asymétrie très forte de la relation entre agrégateurs de SMS et opérateurs de réseaux mobiles.
Ces derniers s'appuient sur leur détention de l'infrastructure essentielle que constitue la terminaison de SMS pour conserver la maîtrise de la totalité de la chaîne de valeur associée à la fourniture de SMS de contenu.
A ces limitations techniques et contractuelles s'ajoute l'absence de baisses significatives des prix de gros offerts aux agrégateurs de SMS au cours du premier cycle de régulation.
Ainsi, les agrégateurs de SMS ne semblent pas disposer d'un contre-pouvoir de négociation leur permettant d'obtenir des avancées techniques, tarifaires et contractuelles nécessaires au bon développement de leur activité et au lancement de nouveaux services par SMS.
L'Autorité estime qu'il est nécessaire de mettre en place un cadre permettant de corriger ce déséquilibre dans les pouvoirs de négociation. Elle entend également mener des réunions multilatérales avec les opérateurs mobiles et les agrégateurs de SMS afin de faciliter et d'améliorer leurs échanges sur les points soulevés précédemment, comme l'y a invitée Orange France.

4.2. Pertinence des marchés pour une régulation ex ante

Appliquant les trois critères en recommandation n° 2 de la Commission en date du 17 décembre 2007, l'Autorité envisage successivement l'existence de barrières à l'entrée ou d'entraves au développement de la concurrence sur le marché de la fourniture de terminaison d'appel SMS, l'absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective de ce marché et l'efficacité relative du droit de la concurrence ainsi que l'utilité d'une régulation ex ante complémentaire à cet égard. Ces développements valent tant pour la métropole que pour l'outre-mer.

4.2.1. Existence de barrières à l'entrée
ou d'entraves au développement de la concurrence

La présente sous-section tend à déterminer une absence de pression concurrentielle sur les niveaux de terminaison d'appel SMS conduisant, en l'absence de régulation, à la fixation de niveaux de prix naturellement élevés sur cette prestation.
Selon la recommandation et ses considérants :
« (5) [...]. Le premier critère est la présence de barrières élevées et non provisoires à l'entrée, qu'elles soient de nature structurelle, légale ou réglementaire. Cependant, eu égard au caractère dynamique et au fonctionnement des marchés des communications électroniques, les possibilités de lever ces barrières à l'entrée dans un délai adéquat doivent également être prises en considération dans l'analyse prospective effectuée en vue de recenser les marchés pertinents susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante.
(6) En ce qui concerne les premier et deuxième critères, les principaux indicateurs à considérer lors de l'évaluation sont analogues à ceux examinés dans le contexte d'une analyse de marché prospective. Il s'agit en particulier des indicateurs concernant les barrières à l'entrée en l'absence de réglementation (notamment l'ampleur des coûts irrécupérables), la structure du marché, les performances et la dynamique du marché, notamment des indicateurs comme les parts de marché et les tendances en la matière, les prix du marché et les tendances en la matière, ainsi que l'étendue et la couverture des réseaux ou infrastructures en concurrence. Tout marché est susceptible de faire l'objet d'une réglementation ex ante s'il répond aux trois critères en l'absence de celle-ci.
(8) Deux types de barrières à l'entrée ont été retenus aux fins de la présente recommandation : les barrières structurelles et les barrières légales ou réglementaires.
(9) Les barrières structurelles découlent des caractéristiques initiales du niveau de la demande ou de la structure de coûts qui en découle créant des conditions asymétriques entre les opérateurs en place et les nouveaux arrivants, freinant ou empêchant l'entrée sur le marché de ces derniers. Ainsi, les barrières structurelles peuvent s'avérer élevées sur un marché caractérisé par des avantages de coûts absolus, des économies d'échelle et/ou de gamme massives, des contraintes de capacité et par des coûts irrécupérables importants. A l'heure actuelle, ce type de barrières entrave encore le déploiement et/ou la fourniture généralisée de réseaux d'accès local en positions déterminées. On est également en présence d'une barrière structurelle lorsque la fourniture de services requiert un élément de réseau qui ne peut être reproduit pour des raisons techniques ou seulement à un coût dissuasif pour les concurrents.
(10) Les barrières légales ou réglementaires ne résultent pas de conditions économiques mais de mesures législatives, administratives ou d'autres actes des pouvoirs publics ayant un effet direct sur les conditions d'entrée et/ou la position des opérateurs sur le marché pertinent. »
De même que pour la terminaison d'appel vocal, il y a aujourd'hui une impossibilité technique et structurelle pour un nouvel entrant de fournir la terminaison de SMS vers un client d'un certain opérateur mobile disposant d'un réseau radio (ou d'un MVNO utilisant le réseau radio de cet opérateur) : seul cet opérateur peut en effet terminer le trafic SMS à destination de l'appelé.
La prestation de terminaison SMS est ainsi incontournable. En effet, il ressort de la définition même de ces marchés, à savoir le marché de gros de la terminaison SMS sur chacun des réseaux des opérateurs mobiles, que seuls ces opérateurs peuvent fournir les prestations concernées. Pour tout autre opérateur, l'achat des prestations de terminaison SMS est nécessaire pour garantir à ses utilisateurs la possibilité de joindre les utilisateurs des réseaux mobiles.

4.2.2. Absence d'évolution possible
vers une situation de concurrence effective

Selon la recommandation précitée (considérants 11 et 12) : « L'importance des barrières à l'entrée peut être relativisée sur des marchés orientés vers l'innovation, évoluant au rythme des progrès technologiques. En effet, les pressions concurrentielles découlent souvent dans ce cas des ambitions innovatrices de concurrents potentiels qui ne sont pas encore présents sur le marché. Sur ces marchés d'innovation, une concurrence dynamique ou à plus long terme peut naître entre des entreprises qui ne sont pas nécessairement concurrentes sur un marché "statique” existant. La présente recommandation ne recense pas les marchés à l'entrée desquels les barrières ne sont pas supposées persister au-delà d'un délai prévisible. Pour déterminer si des barrières à l'entrée sont susceptibles de persister en l'absence de réglementation, il est nécessaire d'examiner si le secteur a connu des entrées fréquentes et réussies sur le marché, et si ces entrées sont suffisamment imminentes et persistantes, ou le seront probablement, pour limiter la puissance sur le marché. La portée des barrières à l'entrée dépendra entre autres du volume de production effectif minimal et des coûts irrécupérables.
(12) Même lorsqu'un marché est caractérisé par des barrières élevées à l'entrée, d'autres facteurs structurels peuvent indiquer que les entreprises présentes tendront vers un comportement effectivement concurrentiel au cours de la période visée. La dynamique du marché peut provenir par exemple d'évolutions technologiques ou de la convergence de produits et de marchés, qui peut donner lieu à des pressions concurrentielles entre opérateurs actifs sur des marchés de produits distincts. C'est aussi le cas des marchés abritant un nombre limité, mais suffisant, d'entreprises qui se distinguent par leur structure de coûts et répondent à une demande élastique par rapport au prix. Il peut également arriver qu'un excès de capacités sur un marché encourage des entreprises rivales à augmenter très rapidement leur production à chaque hausse de prix. Sur ces marchés, on peut observer une variation dans le temps des parts de marché et/ou des chutes de prix. Lorsque la dynamique du marché évolue rapidement, il convient d'apporter un soin particulier au choix du délai, afin que les évolutions pertinentes du marché soient visibles. »
La barrière technique et structurelle évoquée ci-dessus n'est pas susceptible d'évoluer. Ainsi, comme pour la terminaison d'appel vocal, le monopole structurel de chaque opérateur sur la terminaison de SMS sur son réseau va perdurer.
Par ailleurs, du fait du modèle économique dit du calling party pays qui prévaut, les conditions économiques de la vente de ces prestations influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail ainsi que sur les possibilités de développements d'offres SMS alternatives.
En effet, dans ce modèle économique, c'est l'appelant qui se voit facturer l'intégralité des charges liées à l'acheminement des SMS vers ses correspondants, y compris vers les clients d'autres réseaux.
Ainsi, l'offre des opérateurs, notamment dans sa dimension tarifaire, est contrainte par les charges de terminaison SMS qui leur sont facturées par les opérateurs mobiles, qui peuvent être en même temps leurs concurrents sur le marché de détail.
Il en résulte qu'en dehors de toute action du régulateur, il n'existe intrinsèquement pas ou peu d'incitation économique pour les opérateurs à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
De même, il n'existe intrinsèquement pas ou peu d'incitation économique pour les opérateurs à proposer aux exploitants de réseaux, notamment aux agrégateurs, des offres d'interconnexion satisfaisantes d'un point de vue technique et tarifaire et à négocier de bonne foi sans profiter de la maîtrise qu'ils exercent sur ces marchés.
Ces éléments valent tant pour la métropole que pour l'outre-mer.
Prise en compte des contributions à la consultation publique de l'automne 2009 sur ce deuxième critère :
En ce qui concerne la métropole :
Dans leurs réponses respectives à la consultation publique de l'automne 2009, les opérateurs métropolitains font valoir les accords de baisses tarifaires auxquels ils sont parvenus récemment et qui rendent le présent critère non opérant en métropole. Dès lors, selon ces trois opérateurs, la régulation de la terminaison d'appel SMS des opérateurs métropolitains n'est pas justifiée.
L'Autorité estime que les baisses issues des accords entre opérateurs mobiles métropolitains ne sont pas suffisantes et relève par ailleurs que ces niveaux ne bénéficient qu'aux opérateurs mobiles métropolitains entre eux et ne profitent pas en particulier aux opérateurs ultramarins. Par ailleurs, l'Autorité ne constate pas d'éléments nouveaux permettant de remettre en cause l'absence ou du moins la faiblesse de l'incitation économique des opérateurs mobiles métropolitains à proposer des offres d'interconnexion satisfaisantes aux autres acheteurs de terminaison d'appel SMS, les agrégateurs de SMS. Dès lors, l'Autorité maintient sa conclusion quant à la pertinence de ce deuxième critère.
En ce qui concerne l'outre-mer :
SRR fait valoir que l'ensemble des opérateurs de la zone Réunion-Mayotte partagent la nécessité de revoir les niveaux tarifaires de la terminaison d'appel SMS et qu'ils sont engagés dans un processus de négociations qui devrait aboutir rapidement. Selon SRR, la régulation ex ante n'est pas nécessaire pour parvenir à des tarifs concurrentiels.
Orange Caraïbe et Orange Réunion estiment également que la régulation ex ante n'est pas nécessaire et que les prix de gros seront progressivement mis en cohérence avec les prix de détail.
Au contraire, Outremer Telecom juge qu'il est essentiel de réguler les marchés de la terminaison d'appel SMS sur la zone Antilles-Guyane et la zone Réunion-Mayotte.
L'Autorité relève que des négociations ont été entamées ces derniers mois par l'ensemble des opérateurs mobiles ultramarins en vue d'une baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS. Toutefois, elle observe que ces négociations n'ont pas abouti en raison de profonds désaccords entre opérateurs. A ce jour, les tarifs de terminaison d'appel SMS outre-mer restent significativement élevés. Au regard de ces faits, l'Autorité maintient son analyse quant à l'absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective en outre-mer.

4.2.3. Efficacité relative du droit de la concurrence
et utilité d'une régulation ex ante complémentaire

Selon la même recommandation susvisée, il est indiqué, en considérant 13 : « Avant de décider qu'un marché est susceptible d'être soumis à une réglementation ex ante, il faut aussi déterminer si le droit de la concurrence suffit à remédier aux défaillances du marché qui résultent de la conformité avec les deux premiers critères. Les interventions du droit de la concurrence seront probablement insuffisantes si une intervention visant à remédier à une défaillance du marché doit satisfaire à un grand nombre de critères de conformité ou si des interventions fréquentes et/ou réalisées dans un délai imparti sont indispensables. »
Comme la terminaison d'appel vocal, la terminaison SMS constitue un goulot d'étranglement, passage obligé pour tout opérateur tiers souhaitant acheminer des SMS à destination des clients de l'opérateur concerné.
A cet égard, dans son avis n° 06-A-05 du 10 mars 2006 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application de l'article L. 37-1 du CPCE, portant sur l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles métropolitains, le Conseil de la concurrence a pu relever que la prestation de terminaison SMS relève bien d'une prestation d'accès à une infrastructure essentielle qui tire un bénéfice d'une régulation :
« 28. Comme cela vient d'être mentionné ci-dessus, l'absence de pression concurrentielle sur le niveau de la terminaison SMS explique que celle-ci soit restée stable pendant près de six années : seule l'intervention de l'ARCEP a provoqué une baisse en novembre 2005. S'agissant d'un tarif d'interconnexion au réseau des opérateurs mobiles, la terminaison SMS pourrait être analysée, du point de vue du droit de la concurrence, comme une charge d'accès à une infrastructure essentielle, devant répondre à des conditions de transparence, d'objectivité et de non-discrimination, et permettre l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail, sans effet de ciseau tarifaire. »
La régulation ex ante dispose, en second lieu, d'outils adaptés tels que le contrôle tarifaire ex ante ou la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable. La détermination précise et la mise en œuvre des obligations techniques et tarifaires nécessitent en effet une connaissance approfondie des pratiques techniques et des comptabilités réglementaires, une cohérence avec les mesures similaires imposées à la terminaison d'appel vocal ainsi qu'un travail récurrent de traitement, de suivi et d'évolution du dispositif. Le seul droit de la concurrence peut, sur ce plan, apparaître insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existants sur ces marchés (32).
Dans leurs réponses respectives à la consultation publique de l'automne 2009, les trois opérateurs mobiles métropolitains estiment que l'Autorité occulte des moyens de régulation ex post et mentionnent la possibilité de règlement de différend ainsi que le droit de la concurrence, afin de sanctionner de sanctionner ou de mettre fin à une pratique anticoncurrentielle. Dès lors, une intervention ex ante serait inutile selon ces opérateurs.
D'autre part, ils font valoir l'isolement de l'Autorité en Europe sur la régulation de la terminaison d'appel SMS, ce marché ne faisant pas partie de la liste des marchés pertinents recensés par la Commission européenne.
Sur le premier point, l'Autorité considère que la possibilité de règlement de différend n'est pas suffisante pour palier aux problèmes concurrentiels identifiés plus haut vis-à-vis de l'ensemble des acheteurs de la terminaison d'appel SMS et notamment vis-à-vis des agrégateurs de SMS. Il convient au contraire de mettre en place un cadre permettant l'apparition d'une concurrence effective et loyale sur les marchés sous-jacents et contrebalançant l'absence de pouvoir de négociation et la dépendance de ces acheteurs vis-à-vis des opérateurs mobiles.
Sur le second point, l'Autorité rappelle comme mentionné plus haut que la Commission européenne fait référence à la terminaison d'appel SMS dans la note explicative accompagnant sa recommandation en date du 17 décembre 2007 portant sur la liste des marchés pertinents. L'Autorité interprète ces propos comme une présomption favorable de la Commission européenne à la régulation des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS. Enfin, l'Autorité observe que d'autres régulateurs européens envisagent de réguler ces marchés. En particulier, le régulateur danois a mené du 30 octobre au 7 décembre 2009 une consultation publique à ce sujet.

(32) A ce jour, les seules décisions rendues par les autorités de concurrence en matière de SMS portent sur le marché de détail de ces prestations et prennent acte de niveaux de terminaisons d'appel SMS sous-jacentes (décision n° 09-MC-02 de l'Autorité de la concurrence du 16 septembre 2009 précitée).


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Version 1

4.1.4.6. Une asymétrie totale dans la relation entre agrégateurs de SMS

et opérateurs mobiles, qu'il convient de corriger

Les limitations techniques et contractuelles imposées aux agrégateurs de SMS exposées ci-dessus caractérisent l'asymétrie très forte de la relation entre agrégateurs de SMS et opérateurs de réseaux mobiles.

Ces derniers s'appuient sur leur détention de l'infrastructure essentielle que constitue la terminaison de SMS pour conserver la maîtrise de la totalité de la chaîne de valeur associée à la fourniture de SMS de contenu.

A ces limitations techniques et contractuelles s'ajoute l'absence de baisses significatives des prix de gros offerts aux agrégateurs de SMS au cours du premier cycle de régulation.

Ainsi, les agrégateurs de SMS ne semblent pas disposer d'un contre-pouvoir de négociation leur permettant d'obtenir des avancées techniques, tarifaires et contractuelles nécessaires au bon développement de leur activité et au lancement de nouveaux services par SMS.

L'Autorité estime qu'il est nécessaire de mettre en place un cadre permettant de corriger ce déséquilibre dans les pouvoirs de négociation. Elle entend également mener des réunions multilatérales avec les opérateurs mobiles et les agrégateurs de SMS afin de faciliter et d'améliorer leurs échanges sur les points soulevés précédemment, comme l'y a invitée Orange France.

4.2. Pertinence des marchés pour une régulation ex ante

Appliquant les trois critères en recommandation n° 2 de la Commission en date du 17 décembre 2007, l'Autorité envisage successivement l'existence de barrières à l'entrée ou d'entraves au développement de la concurrence sur le marché de la fourniture de terminaison d'appel SMS, l'absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective de ce marché et l'efficacité relative du droit de la concurrence ainsi que l'utilité d'une régulation ex ante complémentaire à cet égard. Ces développements valent tant pour la métropole que pour l'outre-mer.

4.2.1. Existence de barrières à l'entrée

ou d'entraves au développement de la concurrence

La présente sous-section tend à déterminer une absence de pression concurrentielle sur les niveaux de terminaison d'appel SMS conduisant, en l'absence de régulation, à la fixation de niveaux de prix naturellement élevés sur cette prestation.

Selon la recommandation et ses considérants :

« (5) [...]. Le premier critère est la présence de barrières élevées et non provisoires à l'entrée, qu'elles soient de nature structurelle, légale ou réglementaire. Cependant, eu égard au caractère dynamique et au fonctionnement des marchés des communications électroniques, les possibilités de lever ces barrières à l'entrée dans un délai adéquat doivent également être prises en considération dans l'analyse prospective effectuée en vue de recenser les marchés pertinents susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante.

(6) En ce qui concerne les premier et deuxième critères, les principaux indicateurs à considérer lors de l'évaluation sont analogues à ceux examinés dans le contexte d'une analyse de marché prospective. Il s'agit en particulier des indicateurs concernant les barrières à l'entrée en l'absence de réglementation (notamment l'ampleur des coûts irrécupérables), la structure du marché, les performances et la dynamique du marché, notamment des indicateurs comme les parts de marché et les tendances en la matière, les prix du marché et les tendances en la matière, ainsi que l'étendue et la couverture des réseaux ou infrastructures en concurrence. Tout marché est susceptible de faire l'objet d'une réglementation ex ante s'il répond aux trois critères en l'absence de celle-ci.

(8) Deux types de barrières à l'entrée ont été retenus aux fins de la présente recommandation : les barrières structurelles et les barrières légales ou réglementaires.

(9) Les barrières structurelles découlent des caractéristiques initiales du niveau de la demande ou de la structure de coûts qui en découle créant des conditions asymétriques entre les opérateurs en place et les nouveaux arrivants, freinant ou empêchant l'entrée sur le marché de ces derniers. Ainsi, les barrières structurelles peuvent s'avérer élevées sur un marché caractérisé par des avantages de coûts absolus, des économies d'échelle et/ou de gamme massives, des contraintes de capacité et par des coûts irrécupérables importants. A l'heure actuelle, ce type de barrières entrave encore le déploiement et/ou la fourniture généralisée de réseaux d'accès local en positions déterminées. On est également en présence d'une barrière structurelle lorsque la fourniture de services requiert un élément de réseau qui ne peut être reproduit pour des raisons techniques ou seulement à un coût dissuasif pour les concurrents.

(10) Les barrières légales ou réglementaires ne résultent pas de conditions économiques mais de mesures législatives, administratives ou d'autres actes des pouvoirs publics ayant un effet direct sur les conditions d'entrée et/ou la position des opérateurs sur le marché pertinent. »

De même que pour la terminaison d'appel vocal, il y a aujourd'hui une impossibilité technique et structurelle pour un nouvel entrant de fournir la terminaison de SMS vers un client d'un certain opérateur mobile disposant d'un réseau radio (ou d'un MVNO utilisant le réseau radio de cet opérateur) : seul cet opérateur peut en effet terminer le trafic SMS à destination de l'appelé.

La prestation de terminaison SMS est ainsi incontournable. En effet, il ressort de la définition même de ces marchés, à savoir le marché de gros de la terminaison SMS sur chacun des réseaux des opérateurs mobiles, que seuls ces opérateurs peuvent fournir les prestations concernées. Pour tout autre opérateur, l'achat des prestations de terminaison SMS est nécessaire pour garantir à ses utilisateurs la possibilité de joindre les utilisateurs des réseaux mobiles.

4.2.2. Absence d'évolution possible

vers une situation de concurrence effective

Selon la recommandation précitée (considérants 11 et 12) : « L'importance des barrières à l'entrée peut être relativisée sur des marchés orientés vers l'innovation, évoluant au rythme des progrès technologiques. En effet, les pressions concurrentielles découlent souvent dans ce cas des ambitions innovatrices de concurrents potentiels qui ne sont pas encore présents sur le marché. Sur ces marchés d'innovation, une concurrence dynamique ou à plus long terme peut naître entre des entreprises qui ne sont pas nécessairement concurrentes sur un marché "statique” existant. La présente recommandation ne recense pas les marchés à l'entrée desquels les barrières ne sont pas supposées persister au-delà d'un délai prévisible. Pour déterminer si des barrières à l'entrée sont susceptibles de persister en l'absence de réglementation, il est nécessaire d'examiner si le secteur a connu des entrées fréquentes et réussies sur le marché, et si ces entrées sont suffisamment imminentes et persistantes, ou le seront probablement, pour limiter la puissance sur le marché. La portée des barrières à l'entrée dépendra entre autres du volume de production effectif minimal et des coûts irrécupérables.

(12) Même lorsqu'un marché est caractérisé par des barrières élevées à l'entrée, d'autres facteurs structurels peuvent indiquer que les entreprises présentes tendront vers un comportement effectivement concurrentiel au cours de la période visée. La dynamique du marché peut provenir par exemple d'évolutions technologiques ou de la convergence de produits et de marchés, qui peut donner lieu à des pressions concurrentielles entre opérateurs actifs sur des marchés de produits distincts. C'est aussi le cas des marchés abritant un nombre limité, mais suffisant, d'entreprises qui se distinguent par leur structure de coûts et répondent à une demande élastique par rapport au prix. Il peut également arriver qu'un excès de capacités sur un marché encourage des entreprises rivales à augmenter très rapidement leur production à chaque hausse de prix. Sur ces marchés, on peut observer une variation dans le temps des parts de marché et/ou des chutes de prix. Lorsque la dynamique du marché évolue rapidement, il convient d'apporter un soin particulier au choix du délai, afin que les évolutions pertinentes du marché soient visibles. »

La barrière technique et structurelle évoquée ci-dessus n'est pas susceptible d'évoluer. Ainsi, comme pour la terminaison d'appel vocal, le monopole structurel de chaque opérateur sur la terminaison de SMS sur son réseau va perdurer.

Par ailleurs, du fait du modèle économique dit du calling party pays qui prévaut, les conditions économiques de la vente de ces prestations influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail ainsi que sur les possibilités de développements d'offres SMS alternatives.

En effet, dans ce modèle économique, c'est l'appelant qui se voit facturer l'intégralité des charges liées à l'acheminement des SMS vers ses correspondants, y compris vers les clients d'autres réseaux.

Ainsi, l'offre des opérateurs, notamment dans sa dimension tarifaire, est contrainte par les charges de terminaison SMS qui leur sont facturées par les opérateurs mobiles, qui peuvent être en même temps leurs concurrents sur le marché de détail.

Il en résulte qu'en dehors de toute action du régulateur, il n'existe intrinsèquement pas ou peu d'incitation économique pour les opérateurs à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.

De même, il n'existe intrinsèquement pas ou peu d'incitation économique pour les opérateurs à proposer aux exploitants de réseaux, notamment aux agrégateurs, des offres d'interconnexion satisfaisantes d'un point de vue technique et tarifaire et à négocier de bonne foi sans profiter de la maîtrise qu'ils exercent sur ces marchés.

Ces éléments valent tant pour la métropole que pour l'outre-mer.

Prise en compte des contributions à la consultation publique de l'automne 2009 sur ce deuxième critère :

En ce qui concerne la métropole :

Dans leurs réponses respectives à la consultation publique de l'automne 2009, les opérateurs métropolitains font valoir les accords de baisses tarifaires auxquels ils sont parvenus récemment et qui rendent le présent critère non opérant en métropole. Dès lors, selon ces trois opérateurs, la régulation de la terminaison d'appel SMS des opérateurs métropolitains n'est pas justifiée.

L'Autorité estime que les baisses issues des accords entre opérateurs mobiles métropolitains ne sont pas suffisantes et relève par ailleurs que ces niveaux ne bénéficient qu'aux opérateurs mobiles métropolitains entre eux et ne profitent pas en particulier aux opérateurs ultramarins. Par ailleurs, l'Autorité ne constate pas d'éléments nouveaux permettant de remettre en cause l'absence ou du moins la faiblesse de l'incitation économique des opérateurs mobiles métropolitains à proposer des offres d'interconnexion satisfaisantes aux autres acheteurs de terminaison d'appel SMS, les agrégateurs de SMS. Dès lors, l'Autorité maintient sa conclusion quant à la pertinence de ce deuxième critère.

En ce qui concerne l'outre-mer :

SRR fait valoir que l'ensemble des opérateurs de la zone Réunion-Mayotte partagent la nécessité de revoir les niveaux tarifaires de la terminaison d'appel SMS et qu'ils sont engagés dans un processus de négociations qui devrait aboutir rapidement. Selon SRR, la régulation ex ante n'est pas nécessaire pour parvenir à des tarifs concurrentiels.

Orange Caraïbe et Orange Réunion estiment également que la régulation ex ante n'est pas nécessaire et que les prix de gros seront progressivement mis en cohérence avec les prix de détail.

Au contraire, Outremer Telecom juge qu'il est essentiel de réguler les marchés de la terminaison d'appel SMS sur la zone Antilles-Guyane et la zone Réunion-Mayotte.

L'Autorité relève que des négociations ont été entamées ces derniers mois par l'ensemble des opérateurs mobiles ultramarins en vue d'une baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS. Toutefois, elle observe que ces négociations n'ont pas abouti en raison de profonds désaccords entre opérateurs. A ce jour, les tarifs de terminaison d'appel SMS outre-mer restent significativement élevés. Au regard de ces faits, l'Autorité maintient son analyse quant à l'absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective en outre-mer.

4.2.3. Efficacité relative du droit de la concurrence

et utilité d'une régulation ex ante complémentaire

Selon la même recommandation susvisée, il est indiqué, en considérant 13 : « Avant de décider qu'un marché est susceptible d'être soumis à une réglementation ex ante, il faut aussi déterminer si le droit de la concurrence suffit à remédier aux défaillances du marché qui résultent de la conformité avec les deux premiers critères. Les interventions du droit de la concurrence seront probablement insuffisantes si une intervention visant à remédier à une défaillance du marché doit satisfaire à un grand nombre de critères de conformité ou si des interventions fréquentes et/ou réalisées dans un délai imparti sont indispensables. »

Comme la terminaison d'appel vocal, la terminaison SMS constitue un goulot d'étranglement, passage obligé pour tout opérateur tiers souhaitant acheminer des SMS à destination des clients de l'opérateur concerné.

A cet égard, dans son avis n° 06-A-05 du 10 mars 2006 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application de l'article L. 37-1 du CPCE, portant sur l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles métropolitains, le Conseil de la concurrence a pu relever que la prestation de terminaison SMS relève bien d'une prestation d'accès à une infrastructure essentielle qui tire un bénéfice d'une régulation :

« 28. Comme cela vient d'être mentionné ci-dessus, l'absence de pression concurrentielle sur le niveau de la terminaison SMS explique que celle-ci soit restée stable pendant près de six années : seule l'intervention de l'ARCEP a provoqué une baisse en novembre 2005. S'agissant d'un tarif d'interconnexion au réseau des opérateurs mobiles, la terminaison SMS pourrait être analysée, du point de vue du droit de la concurrence, comme une charge d'accès à une infrastructure essentielle, devant répondre à des conditions de transparence, d'objectivité et de non-discrimination, et permettre l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail, sans effet de ciseau tarifaire. »

La régulation ex ante dispose, en second lieu, d'outils adaptés tels que le contrôle tarifaire ex ante ou la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable. La détermination précise et la mise en œuvre des obligations techniques et tarifaires nécessitent en effet une connaissance approfondie des pratiques techniques et des comptabilités réglementaires, une cohérence avec les mesures similaires imposées à la terminaison d'appel vocal ainsi qu'un travail récurrent de traitement, de suivi et d'évolution du dispositif. Le seul droit de la concurrence peut, sur ce plan, apparaître insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existants sur ces marchés (32).

Dans leurs réponses respectives à la consultation publique de l'automne 2009, les trois opérateurs mobiles métropolitains estiment que l'Autorité occulte des moyens de régulation ex post et mentionnent la possibilité de règlement de différend ainsi que le droit de la concurrence, afin de sanctionner de sanctionner ou de mettre fin à une pratique anticoncurrentielle. Dès lors, une intervention ex ante serait inutile selon ces opérateurs.

D'autre part, ils font valoir l'isolement de l'Autorité en Europe sur la régulation de la terminaison d'appel SMS, ce marché ne faisant pas partie de la liste des marchés pertinents recensés par la Commission européenne.

Sur le premier point, l'Autorité considère que la possibilité de règlement de différend n'est pas suffisante pour palier aux problèmes concurrentiels identifiés plus haut vis-à-vis de l'ensemble des acheteurs de la terminaison d'appel SMS et notamment vis-à-vis des agrégateurs de SMS. Il convient au contraire de mettre en place un cadre permettant l'apparition d'une concurrence effective et loyale sur les marchés sous-jacents et contrebalançant l'absence de pouvoir de négociation et la dépendance de ces acheteurs vis-à-vis des opérateurs mobiles.

Sur le second point, l'Autorité rappelle comme mentionné plus haut que la Commission européenne fait référence à la terminaison d'appel SMS dans la note explicative accompagnant sa recommandation en date du 17 décembre 2007 portant sur la liste des marchés pertinents. L'Autorité interprète ces propos comme une présomption favorable de la Commission européenne à la régulation des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS. Enfin, l'Autorité observe que d'autres régulateurs européens envisagent de réguler ces marchés. En particulier, le régulateur danois a mené du 30 octobre au 7 décembre 2009 une consultation publique à ce sujet.

(32) A ce jour, les seules décisions rendues par les autorités de concurrence en matière de SMS portent sur le marché de détail de ces prestations et prennent acte de niveaux de terminaisons d'appel SMS sous-jacentes (décision n° 09-MC-02 de l'Autorité de la concurrence du 16 septembre 2009 précitée).