JORF n°0309 du 31 décembre 2024

Avis n°2024-086 du 28 novembre 2024

| N° de demande d'avis : 24015815. | Thématiques : décret NIR, SISERI, radioprotection, dosimétrie | |:---------------------------------------------------------------------------|:------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------| |Organisme(s) à l'origine de la saisine : direction générale du travail (DGT)|Fondement de la saisine : article 8.I.4°.a) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés|

L'essentiel :
Le projet de décret assure la cohérence des textes liés à la fusion de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).
La CNIL estime que les durées maximales de conservation des données traitées dans le traitement SISERI, dont la gestion est confiée à l'ASNR, devraient être précisées.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD) ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (« loi informatique et libertés »), notamment son article 8.I.4°.a) ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Marie-Laure Denis, présidente, et les observations de Mme Céline Boyer, adjointe au commissaire du Gouvernement,
Adopte la délibération suivante :

I. - La saisine
A. - Le contexte

La loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la protection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire a prévu la fusion de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Les missions de ces deux organismes sont désormais confiées à l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

B. - L'objet de la saisine

Le projet de décret soumis à la CNIL pour avis par la Direction générale du travail vise à mettre en cohérence plusieurs textes règlementaires, notamment le décret n° 2019-341 du 19 avril 2019 (ci-après « décret NIR ») et des parties du code du travail encadrant le traitement « Système d'information de la surveillance des expositions aux rayonnements ionisants » (ci-après « SISERI »).

II. - L'avis de la CNIL
A. - Sur la modification du décret NIR

L'article 3 du projet de décret prévoit la modification de l'article 2.B.9° du décret NIR qui autorise l'IRSN à traiter le NIR « pour sa mission de centralisation, d'exploitation et de conservation des informations relatives à la surveillance de l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants et à leur suivi médical ».
La réforme conduisant à la disparition de l'IRSN, le projet prévoit que dorénavant, le traitement du NIR à ces mêmes fins pourra être effectué par l'ASNR ainsi que par « les organismes accrédités ou autorisés mentionnés à l'article R. 4451-66 du code du travail ».
Interrogé sur le point de savoir quels sont précisément les organismes susceptibles de faire l'objet d'une accréditation au sens des articles R. 4451-65 et R. 4451-66 projetés, le ministère a indiqué que la procédure d'accréditation est actuellement régie par le 6° de l'article R.4451-73 du code du travail, non modifié par le texte soumis à l'avis de la CNIL.
Par ailleurs, l'arrêté du 26 juin 2019 « relatif à la surveillance individuelle de l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants », pris pour l'application du 6° de l'article R. 4451-73 du code du travail précise à cet égard dans son article 24 que peuvent faire l'objet de l'accréditation mentionnée à l'article R. 4451-65 du code du travail « les organismes de dosimétrie, les services de santé au travail ou les laboratoires de biologie médicale ».
Au regard de ces éléments, la CNIL estime que le projet de décret devrait être modifié de manière à y préciser le périmètre de ces organismes accrédités.

B. - Sur la modification des dispositions relatives au traitement SISERI

La réforme entraine la modification du responsable du traitement « SISERI », dont la gestion est désormais confiée à l'ASNR. Ce traitement centralise, consolide et conserve l'ensemble des résultats issus de la surveillance dosimétrique individuelle dans le cadre de la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants.
Les données de « SISERI » sont, sous certaines conditions, accessibles notamment aux professionnels de santé au travail assurant le suivi individuel de l'état de santé du travailleur ainsi qu'aux conseillers en radioprotection.
L'article 1er du projet soumis à la CNIL prévoit de mettre à jour le code du travail reprenant pour l'essentiel les dispositions existantes, tout en y apportant plusieurs modifications.
Interrogé sur ce point, le ministère a indiqué que les modifications n'ont pas pour objet ni pour effet de faire évoluer les caractéristiques du traitement SISERI, telles que les finalités de traitement, les catégories de données traitées et leur granularité, les durées de leur conservation, les modalités d'information des personnes et de l'exercice des droits, qui demeurent constantes, mais uniquement à assurer sa cohérence avec le transfert de compétences de l'IRSN et de l'ASN vers l'ASNR.
Toutefois, ces dispositions appellent les observations suivantes.
a) Sur la durée de conservation des données
Le projet d'article R. 4451-130 nouveau du code du travail prévoit, dans sa partie III, que les données nominatives des salariés seront conservées dans le traitement SISERI « pour une durée minimale de cinquante ans à compter de la dernière exposition du travailleur concerné ».
Il s'agit d'une rédaction à droit constant, identique à celle de l'article R. 4451-127 actuel du code du travail.
La CNIL relève que ce texte ne prévoit pas de limite de la durée de conservation.
Le ministère a indiqué que le choix de cette durée de conservation a été motivé par la nécessité de respecter la définition réglementaire de la « dose efficace engagée » visée à l'article 4.14) de la Directive 2013/59/EURATOM du Conseil du 5 décembre 2013.
En effet, selon ce texte « (…) aux fins du respect des limites de dose spécifiées dans la présente directive, τ est une période de 50 ans après incorporation pour les adultes, et le nombre d'années restant jusqu'à l'âge de 70 ans pour les nourrissons et les enfants. »
Par ailleurs, l'article 43.3 de la directive exige que les résultats de la surveillance radiologique individuelle soient conservés « pendant toute la durée de la vie professionnelle de l'intéressé comportant une exposition aux rayonnements ionisants, puis jusqu'au moment où celui-ci a ou aurait atteint l'âge de 75 ans, et en tout état de cause pendant une période d'au moins trente ans à compter de la fin de l'activité professionnelle comportant une exposition. »
Le ministère précise que les durées de conservation figurent dans l'arrêté du 23 juin 2023 relatif aux modalités d'enregistrement et d'accès au système d'information et de surveillance de l'exposition aux rayonnements ionisants « SISERI », particulièrement à son article 6.
Pour tenir compte des observations de la CNIL, le ministère propose de modifier la rédaction du III du projet d'article R. 4451-130 comme suit : « III. - L'ensemble des données et informations mentionnées au I sont conservées dans le traitement “SISERI” pour une durée minimale de cinquante ans et pour une durée maximale de soixante ans à compter de la dernière exposition du travailleur concerné. Les données et informations non identifiantes nécessaires à la réalisation d'études ou de recherches portant sur l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants sont conservées pour une durée maximale de cent ans. »
La CNIL accueille favorablement cette proposition. Elle rappelle à cet égard que, conformément à l'article 14.2 du RGPD, il incombera à l'ASNR, en sa qualité de responsable du traitement SISERI, de fournir notamment aux personnes concernées une information concernant « la durée pendant laquelle les données à caractère personnel seront conservées ou, lorsque ce n'est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ».
b) Sur le traitement des données de la dose efficace
Le projet d'article R. 4451-130.I.2° du code du travail prévoit que les catégories de données susceptibles d'être enregistrées dans SISERI comprennent notamment « les données de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants et aux conditions de cette exposition en milieu de travail ». Rentrent notamment dans cette catégorie les informations relatives à la « dose efficace » d'irradiation reçue par les travailleurs.
Conformément aux dispositions de l'article 15 du RGPD, les personnes concernées ont, lorsque des données de dose efficace font effectivement l'objet de traitement dans SISERI, le droit d'obtenir du responsable de traitement l'accès à ces données.
La rédaction actuelle de l'article R. 4451-67 du code du travail prévoit à cet égard que « le travailleur a accès à tous les résultats issus de la surveillance dosimétrique individuelle dont il fait l'objet ainsi qu'à la dose efficace le concernant. »
Or, la modification projetée prévoit de modifier ce texte de manière à en retirer les mots « ainsi qu'à la dose efficace le concernant ». Une telle modification suggérerait que dorénavant, les intéressées ne pourront plus avoir accès à cette donnée.
Le ministère a indiqué que la modification était purement rédactionnelle et n'impacte en rien le fonctionnement du traitement SISERI, lequel continuera de fournir aux personnes l'accès à l'ensemble des données traitées, et notamment aux divers calculs de la dose efficace. En effet :

- les personnes concernées continueront à avoir accès à tous les résultats dosimétriques les concernant, y compris à la dose efficace ;
- les catégories précises de données faisant l'objet de traitement et auxquelles les personnes concernées pourraient avoir accès, sont détaillées dans l'arrêté du 26 juin 2019 relatif à la surveillance individuelle de l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, si bien que l'article R.4451-67 du code du travail n'a pas à mentionner cette catégorie spécifiquement.

La CNIL prend note de ces précisions, qui n'appellent pas d'observations de sa part.
Les autres dispositions du projet de décret n'appellent pas d'observations de la part de la CNIL.

La présidente,

M.-L. Denis