Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Olivier CHALLAN-BELVAL, Hélène GASSIN, Jean-Pierre SOTURA, Michel THIOLLIÈRE, commissaires.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, pour avis, le 15 juillet 2013, par le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, d'un projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, conformément au code de l'énergie et au décret n° 2009-975 du 12 août 2009, pour une entrée en vigueur le 1er août 2013.
Elle a reçu, le 24 juillet 2013, une saisine rectificative prenant en compte certains amendements du Conseil supérieur de l'énergie ainsi qu'un amendement du Gouvernement.
A titre liminaire, la CRE rappelle que, en application des dispositions de l'article 6 du décret du 12 août 2009, « l'avis motivé de la Commission de régulation de l'énergie est adressé aux ministres dans le mois qui suit la réception de ce projet. Ce délai peut être porté à deux mois à la demande de la commission ». Elle déplore les délais très brefs dans lesquels elle a été saisie, s'agissant au surplus d'un texte comportant des mouvements tarifaires en structure.
Le projet d'arrêté consolidé prévoit une évolution des tarifs réglementés de vente hors taxes de l'électricité applicables par Electricité de France (EDF) et les entreprises locales de distribution (ELD) conformément aux barèmes figurant en annexe.
La hausse moyenne envisagée s'élève à 5 % pour les tarifs bleus résidentiels et pour les tarifs bleus professionnels et 2,7 % pour les tarifs jaunes. Les tarifs verts présentent une évolution moyenne nulle.
L'évolution en niveau des tarifs réglementés s'accompagne d'évolutions de la structure des tarifs, sur l'ensemble des couleurs tarifaires.
Le projet d'arrêté prévoit enfin une nouvelle évolution moyenne des tarifs réglementés de vente bleus à compter du 1er août 2014, à hauteur de 5 %. Le niveau de cette évolution pourra néanmoins être ajusté « en fonction de l'évolution effective des coûts sur la période tarifaire concernée ».
Pour élaborer son avis, la CRE a auditionné les administrations concernées, les acteurs de marché et des associations de consommateurs.
- Contexte
1.1. L'élaboration des tarifs réglementés de vente doit respecter les principes de couverture des coûts (1)
et de convergence progressive vers une situation de contestabilité de ces tarifs
L'article L. 337-5 du code de l'énergie dispose que « les tarifs réglementés de vente de l'électricité sont définis en fonction des catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ».
L'article 3 du décret n° 2009-75 du 12 août 2009 dispose que les tarifs réglementés sont établis de manière à couvrir les coûts de production, les coûts d'approvisionnement, les coûts d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution et les coûts de commercialisation que supportent EDF et les distributeurs non nationalisés pour fournir leurs clients, ainsi qu'une marge raisonnable (2).
L'adoption de la loi portant Nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) du 7 décembre 2010 et l'ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code l'énergie n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de remettre en cause la légalité du décret du 12 août 2009 précité, qui demeure en vigueur.
Il en résulte que les tarifs réglementés de vente d'électricité doivent être appréciés à l'aune du principe de couverture des coûts précédemment mentionné, et doivent donc a minima couvrir les coûts de production comptables des opérateurs historiques.
Au surplus, ainsi que l'a souligné l'Autorité de la concurrence à l'occasion de son avis n° 2009-A-43 du 27 juillet 2009, le non-respect d'un tel principe conduirait, dans un marché complètement ouvert à la concurrence, à fausser le jeu de la concurrence en créant une barrière à l'entrée des nouveaux opérateurs.
Dans sa décision du 24 avril 2013 relative à l'arrêté tarifaire du 28 juin 2011 qui fixait les tarifs réglementés de vente d'électricité à compter du 1er juillet 2011, le Conseil d'Etat a considéré qu'il incombait « aux ministres chargés de l'énergie et de l'économie [...] de répercuter dans les tarifs qu'ils fixent, de façon périodique, les variations, à la hausse ou à la baisse, des coûts moyens complets de l'électricité distribuée par Electricité de France et les entreprises locales de distribution » et qu'il appartenait aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, pour satisfaire à ces obligations, et pour chaque tarif, « premièrement, de permettre au moins la couverture des coûts moyens complets des opérateurs afférents à la fourniture de l'électricité à ce tarif, tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur la période tarifaire à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date et troisièmement, d'ajuster le tarif s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarif et coûts, du fait d'une surévaluation ou d'une sous-évaluation du tarif, au moins au cours de la période tarifaire écoulée ».
En application des dispositions de l'article L. 337-6 du code de l'énergie, les tarifs réglementés de vente doivent, en outre, progressivement et au plus tard fin 2015, converger vers une construction par empilement du prix de l'ARENH, du complément à la fourniture d'électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation, ainsi que d'une rémunération normale. Cette construction correspond à la façon dont un fournisseur alternatif d'électricité peut construire ses offres de marché, compte tenu des sources d'approvisionnement dont il dispose. Comme l'a relevé le Conseil d'Etat dans la décision précitée, les tarifs réglementés de vente doivent ainsi converger progressivement vers une situation où ils seront, par construction, contestables, c'est-à-dire qu'ils pourront être concurrencés par les fournisseurs alternatifs.
(1) Rappel des textes en vigueur se rapportant aux tarifs réglementés de vente d'électricité : L'article L. 337-5 du code de l'énergie prévoit que « les tarifs réglementés de vente d'électricité sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures en fonction des coûts liés à ces fournitures ». L'article L. 337-6 prévoit que « dans un délai s'achevant au plus tard le 31 décembre 2015 les tarifs réglementés de vente d'électricité sont progressivement établis en tenant compte de l'addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément à la fourniture d'électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale ». Il prévoit également que « sous réserve que le produit total des tarifs réglementés de ventre d'électricité couvre globalement l'ensemble des coûts mentionnés précédemment, la structure et le niveau de ces tarifs hors taxes peuvent être fixés de façon à inciter les consommateurs à réduire leur consommation pendant les périodes où la consommation d'ensemble est la plus élevée ». L'article 3 du décret n° 2009-975 du 12 août 2009 prévoit que : « La part fixe et la part proportionnelle de chaque option ou version tarifaire sont chacune l'addition d'une part correspondant à l'acheminement et d'une part correspondant à la fourniture qui sont établies de manière à couvrir les coûts de production, les coûts d'approvisionnement, les coûts d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution et les coûts de commercialisation, que supportent pour fournir leurs clients Électricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, ainsi qu'une marge raisonnable. La part correspondant à l'acheminement est déterminée en fonction du tarif d'utilisation des réseaux publics en vigueur applicable à l'option ou à la version concernée. La part correspondant à la fourniture couvre les coûts de production, d'approvisionnement et de commercialisation supportés par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés pour fournir les clients ayant souscrit à cette option ou version. » (2) Dans l'analyse tarifaire menée par la CRE, aucune marge n'est introduite pour l'activité de commercialisation.
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