JORF n°0084 du 8 avril 2017

Décision n°2017-018 du 22 février 2017

L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ci-après « l'Autorité »),
Vu la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen ;
Vu le code des transports, notamment son article L. 1263-2 ;
Vu le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 modifié relatif à l'utilisation du réseau ferroviaire ;
Vu le décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 modifié relatif aux installations de services du réseau ferroviaire ;
Vu l'avis et décision n° 2012-016 du 11 juillet 2012 relatifs au coût d'immobilisation du capital employé pour l'établissement des redevances des prestations régulées dans les gares de voyageurs pour l'horaire de service 2014 ;
Vu l'avis n° 2013-024 du 22 octobre 2013 relatif au coût d'immobilisation du capital employé pour l'établissement des redevances des prestations régulées dans les gares de voyageurs pour les horaires de service 2014 et 2015 ;
Vu la décision n° 2015-028 du 15 juillet 2015 portant sur la demande formée par le Syndicat des transports d'Île-de-France dans le cadre d'un différend l'opposant à SNCF Réseau et à la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues par SNCF Réseau dans les gares de voyageurs ;
Vu l'avis n° 2015-029 du 15 juillet 2015 portant sur les redevances relatives aux prestations régulées fournies par SNCF Réseau dans les gares de voyageurs pour l'horaire de service 2016 ;
Vu la décision n° 2015-030 du 15 juillet 2015 portant sur la demande formée par la Région Pays de la Loire dans le cadre d'un différend l'opposant à SNCF Réseau relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs ;
Vu l'avis n° 2016-003 du 13 janvier 2016 portant sur les redevances relatives aux prestations régulées fournies par SNCF Réseau dans les gares de voyageurs pour l'horaire de service 2016 ;
Vu le règlement intérieur du collège de l'Autorité ;
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 2 février 2016 au greffe de l'Autorité, présentée pour la Région - Aquitaine - Limousin Poitou-Charentes, devenue la Région Nouvelle-Aquitaine, dont le siège est situé 14, rue François de Sourdis à Bordeaux (33000), par Maîtres Aurélien Burel et Jean-David Dreyfus de la SELARL D4 Avocats Associés, et les observations complémentaires enregistrées le 9 mai 2016, le 13 juin 2016 et le 17 janvier 2017 ;
Vu les observations en défense, enregistrées le 25 avril 2016, présentées pour SNCF Réseau, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège social est situé au 15 /17, rue Jean-Philippe Rameau à la Plaine-Saint-Denis (93418), et les observations complémentaires enregistrées le 27 mai 2016, le 16 octobre 2016 et le 9 janvier 2017 ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er février 2017, présentée par SNCF Réseau, et les observations présentées pour la Région Nouvelle Aquitaine, enregistrées le 7 février 2017 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu lors de l'audience du 25 janvier 2017 :

- les conclusions du rapporteur ;
- les observations de Maître Aurélien Burel pour la Région Nouvelle-Aquitaine ;
- les observations de Messieurs Nicolas Fourrier et Eric Veillard pour SNCF Réseau ;

Après en avoir délibéré le 22 février 2017,

  1. Faits et procédure
    1.1. Contexte
    1.1.1. Les parties au différend

  2. La Région Nouvelle-Aquitaine (ci-après « La Région ») est une autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional au sens de l'article L. 2121-3 du code des transports. Conformément à l'article L. 2121-4 du même code, elle a conclu avec la Société nationale des chemins de fer français (devenue SNCF Mobilités) une convention pour l'exploitation des services de transport ferroviaires régionaux de personnes relevant de sa compétence.

  3. SNCF Réseau (anciennement Réseau ferré de France) est le gestionnaire du réseau ferré national. En vertu de l'article L. 2111-9 du code des transports, il a notamment pour mission d'assurer l'accès à l'infrastructure ferroviaire, la gestion opérationnelle des circulations et la gestion des installations de service dont il est propriétaire.

  4. Le patrimoine au sein des gares de voyageurs fait l'objet, depuis la loi n° 97-135 du 13 février 1997, d'un partage entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Ce dernier est en effet propriétaire de l'ensemble des quais, des marquises et des ouvrages d'accès aux voies tandis que SNCF Mobilités est affectataire des bâtiments des gares de voyageurs.

  5. La gestion des quais de voyageurs est toutefois confiée à la direction autonome SNCF Gares & Connexions de SNCF Mobilités. Cette gestion est, en vertu de l'article 16-1 du décret du 7 mars 2003 susvisé, encadrée par une convention de service en gares (ci-après « CSG »).

  6. La CSG en vigueur au titre de la période en litige a été conclue le 2 octobre 2012 et a été prorogée par avenant pour couvrir la période 2012-2016. Elle contient des clauses précisant la manière dont SNCF Gares & Connexions gère les biens de SNCF Réseau et les gares de voyageurs (articles 2.1 et 2.2), la nature des missions confiées (nettoyage, déneigement, surveillances, etc. - article 4), les audits des missions couvertes par la convention pouvant être menés par SNCF Réseau (article 20), un système de bonus-malus pour l'atteinte d'objectifs de rénovations (16.4.c), des montants prévisionnels des postes d'entretien des quais et un objectif de productivité annuelle applicable de 0,9 % pour la durée de la convention (article 16.2). Au même article, un objectif de rénovation des biens et d'amélioration de leur disponibilité est défini en annexe 1.

1.1.2. Le cadre juridique du différend

  1. Le présent différend porte sur la tarification ainsi que sur les conditions dans lesquelles sont fournies les prestations régulées par SNCF Réseau dans les gares de voyageurs situées en Région Nouvelle-Aquitaine.
  2. Aux termes de l'article L. 2123-3-1 du code des transports, les candidats disposent d'un droit d'accès dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes aux installations de service et aux services qui y sont fournis.
  3. L'article 4 du décret du 20 janvier 2012 modifié décrit le service de base et les prestations complémentaires fournies aux entreprises ferroviaires dans les gares de voyageurs. Le service de base, ainsi que les prestations complémentaires lorsqu'elles ne sont proposées que par un seul fournisseur, sont qualifiées de prestations régulées.
  4. En application de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 modifié, le directeur des gares établit chaque année un document de référence des gares (ci-après « le DRG »). Ce document, qui intègre les données fournies par SNCF Réseau, précise, « pour chaque gare de voyageurs du réseau ferré national, les prestations régulées qui y sont rendues, les conditions dans lesquelles elles sont rendues, notamment les horaires et périodes pendant lesquels elles sont fournies, et les tarifs des redevances associées ».
  5. S'agissant de la tarification des prestations régulées, l'article 31, paragraphe 7, de la directive 2012/34/UE pose le principe selon lequel « [l]a redevance imposée […] ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d'un bénéfice raisonnable ».
  6. Les modalités de calcul des redevances devant être acquittées par les candidats pour les prestations régulées fournies dans les gares de voyageurs sont définies à l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié. A cette fin, les gares de voyageurs sont réparties en trois catégories, définies en fonction des seuils fixés par un arrêté du ministre chargé des transports :

- les gares de voyageurs d'intérêt national (dites gares de catégorie « A »), sont celles dont la fréquentation par des usagers des services nationaux et internationaux est au moins égale à 250 000 voyageurs ou dont la fréquentation par ces mêmes usagers correspond à 100 % des voyageurs. Le périmètre de gestion de ces gares correspond à une gare de voyageurs ou à un ensemble fonctionnel de gares de voyageurs ;
- les gares de voyageurs d'intérêt régional (dites gares de catégorie « B »), sont celles dont la fréquentation totale est au moins égale à 100 000 voyageurs. Le périmètre de gestion de ces gares correspond, dans chaque région, à l'ensemble des gares de cette catégorie ;
- les gares de voyageurs d'intérêt local (dites gares de catégorie « C »), qui sont celles qui ne relèvent d'aucune des catégories précédentes. Le périmètre de gestion de ces gares correspond, dans chaque région, à l'ensemble des gares de cette catégorie.

  1. Pour chacun des périmètres de gestion ainsi définis, le II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié prévoit que les redevances liées aux prestations régulées dans les gares de voyageurs sont établies annuellement par SNCF Gares & Connexions, sur proposition du directeur des gares, et par SNCF Réseau, chacun pour les biens et services qu'il gère, « aux fins de couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations ».
  2. Les charges prévisionnelles comprennent l'ensemble des charges courantes d'entretien et d'exploitation, le financement de la dotation aux amortissements des investissements et « le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements ». En outre, les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte « des coûts constatés en comptabilité pour l'exercice le plus récent et des objectifs de performance et de productivité pour la gestion des gares de voyageurs ».
  3. Enfin, le IV de l'article 13-1 du même décret prévoit que pour chaque périmètre de gestion des gares, « une comptabilité analytique distingue les charges liées aux prestations régulées, les charges liées aux prestations non régulées et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées […]. Elle permet de retracer les produits et les charges liés aux prestations régulées sur chacun de ces périmètres. Elle est communiquée sur demande à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ainsi qu'aux autorités organisatrices et aux entreprises ferroviaires concernées ».

1.2. Echanges préalables entre les parties

  1. La Région a rendu des avis défavorables sur les projets de DRG pour les horaires de service 2014 2015 et 2016, respectivement les 17 décembre 2012, 16 décembre 2013 et 15 décembre 2014, dans le cadre de la consultation annuelle des autorités organisatrices des transports prévue par le II de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 modifié. Elle a notamment demandé à SNCF Réseau d'intégrer dans le DRG :

- un référentiel de qualité comprenant des objectifs annuels pour l'ensemble des services compris dans le service de base. Ce référentiel devait comprendre un processus d'évaluation de la qualité ainsi qu'un mécanisme de réfaction sur les redevances versées en cas d'inexécution des services ;
- un mécanisme d'incitation à la maîtrise des coûts à la production du service de base ;
- des objectifs de performance et de maîtrise du coût global d'investissements.

  1. En outre, la Région estimait que la méthode de valorisation en coût courant ainsi que la méthode de calcul des amortissements de certains actifs du patrimoine étaient contestables.

1.3. Demandes de la Région dans le cadre du présent règlement de différend

  1. La Région demande à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à venir, de modifier le document de référence des gares à compter de l'horaire de service 2014 et de procéder aux régularisations qui s'imposent afin que :

  2. La comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion des gares situées dans l'ancienne Région Aquitaine soit communiquée annuellement, au moins deux mois avant le début de l'horaire de service, selon le modèle défini par l'Autorité ;

  3. Le taux de rémunération des capitaux investis soit fixé à 4,6 % au maximum ;

  4. Les modalités de valorisation des amortissements de certains investissements en « coût courant » soient modifiées afin d'amortir l'ensemble de ses investissements en coûts historiques et que soient appliquées des durées d'amortissement pour les investissements liés aux grandes halles de voyageurs, ascenseurs et escaliers mécaniques conformes aux règles de comptabilité générale, tenant compte de la durée d'utilité des actifs. Préalablement, la valeur des actifs manquants, notamment pour les grandes halles de voyageurs, devra être complétée via une étude technique.

  5. Les engagements de SNCF Réseau en matière de productivité y soient inscrits, ainsi que les valeurs d'indexation des coûts pris en compte pour les gares de voyageurs en Région Nouvelle Aquitaine ;

  6. Des objectifs de qualité clairement définis et des mécanismes incitatifs permettant une réfaction en cas de non-respect de ces derniers soient mis en place ;

  7. SNCF Réseau conclut au rejet des demandes formulées par la Région du fait qu'elles sont désormais dépourvues d'objet, les injonctions des décisions de règlement de différend n° 2015-028 et 2015-030 du 15 juillet 2015 ayant été appliquées à tous les acteurs.

  8. Sur les dernières observations produites par SNCF Réseau

  9. A la suite de la note en délibéré présentée par SNCF Réseau, enregistrée le 1er février 2017, et des observations en réponse présentées pour la Région Nouvelle-Aquitaine, enregistrées le 7 février 2017, SNCF Réseau a produit de nouvelles observations, enregistrées le 9 février 2017. Ces observations ne contiennent l'exposé d'aucun élément de fait ou de droit nouveau utile à la solution du litige. En conséquence, elles doivent être écartées des débats.

  10. Sur le désistement partiel

  11. Dans sa demande de règlement de différend, la Région demandait à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau de fixer, dans le DRG, le taux de rémunération du capital au maximum à 4,6 %, de modifier la méthode de valorisation des amortissements de certains actifs et d'inscrire des engagements en matière de productivité dans le DRG pour l'horaire de service 2016 ainsi que, rétroactivement, pour les horaires de service 2014 et 2015. Toutefois, dans ses observations enregistrées le 13 juin 2016, la Région estime que, compte tenu de l'avis favorable donné par l'Autorité le 13 janvier 2016 au DRG pour l'horaire de service 2016 sur ces points, ses demandes sont désormais sans objet en tant qu'elles portent sur l'horaire de service 2016.

  12. Dès lors, la Région doit être regardée comme ayant entendu se désister de ses demandes relatives au taux de rémunération du capital (conclusion n° 2), à la valorisation des amortissements de certains investissements (conclusions n° 3) ainsi qu'à la mise en œuvre d'objectifs de productivité (conclusion n° 4) en tant qu'elles portent sur l'horaire de service 2016.

  13. L'Autorité considère que ce désistement partiel est pur et simple et que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

  14. Sur le bien-fondé des conclusions de la région
    4.1. Sur la période couverte par le différend
    4.1.1. Moyens des parties

  15. La Région soutient que, dès son avis relatif au projet de DRG 2014, elle avait émis des critiques relatives aux obligations de transparence, au taux de rémunération du capital, aux objectifs de performance et de productivité ainsi qu'aux engagements de qualité. Elle estime, en outre, que l'application de la rétroactivité ne saurait être subordonnée à l'existence d'une contestation formelle du DRG, aucun texte ni aucun principe n'imposant que la contestation ait eu lieu sous une forme déterminée.

4.1.2. Analyse de l'Autorité

  1. En application de l'article L. 1263-2 du code des transports, l'Autorité est compétente pour préciser, dans sa décision, les conditions d'ordre technique et financier du règlement du différend dans le délai qu'elle accorde. Elle peut, en outre, fixer, lorsque c'est nécessaire pour le règlement du différend, les modalités d'accès au réseau et ses conditions d'utilisation.
  2. A cette fin, l'Autorité peut imposer le respect, par le gestionnaire des quais, des principes d'ordre public économique garantissant l'accès au réseau et aux installations de service dans des conditions objectives, non discriminatoires et proportionnées pour tous les acteurs lorsque ces principes n'ont pas été respectés par celui-ci. Dans ce cadre, l'Autorité peut exercer sa compétence sur l'ensemble de la période couverte par le différend dont elle se trouve saisie, sous réserve des règles de prescription applicables en la matière et indépendamment de la date de son émergence entre les parties.
  3. En l'espèce, le différend dont la Région Nouvelle-Aquitaine a saisi l'Autorité porte sur les horaires de service 2014 et suivants. Il trouve son origine dans la méconnaissance alléguée des prescriptions, notamment tarifaires, imposées à SNCF Réseau par le décret susvisé du 20 janvier 2012 relatif aux installations de services du réseau ferroviaire, qui a modifié le décret du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferroviaire, et qui est applicable à compter de l'horaire de service 2014.
  4. Par voie de conséquence, la période couverte par le présent différend débute à l'entrée en vigueur de l'horaire de service 2014, comme le demande la Région. Celle-ci, au demeurant, avait exprimé les 17 décembre 2012, 16 décembre 2013 et 15 décembre 2014 son opposition au projet de document de référence des gares dans le cadre de la consultation organisée à cet effet, ainsi qu'il est précisé au point 15. La Région est ainsi recevable à demander qu'il soit enjoint à SNCF Réseau de modifier le DRG à compter de cette date.

4.2. Sur la transmission de la comptabilité analytique à compter de l'horaire de service 2014 (Conclusion n° 1)
4.2.1. Moyens des parties

  1. La Région soutient que SNCF Réseau ne satisfait pas aux exigences de transparence qui lui sont imposées par le IV de l'article 13-1 et le II de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003, modifié par le décret du 20 janvier 2012. Elle estime qu'en application de ces dispositions, elle doit se voir communiquer, sur simple demande auprès de SNCF Réseau, une comptabilité analytique détaillée pour chaque ligne de charges d'exploitation et d'investissement pour chaque périmètre de gestion des gares situées sur son territoire. Elle ajoute que cette comptabilité analytique doit détailler l'ensemble des bases comptables de chacune des gares considérées. Enfin, elle indique accepter que ces données soient fournies selon le modèle annexé à la décision de l'Autorité n° 2015-030 du 15 juillet 2015.

4.2.2. Analyse de l'Autorité

  1. En application du IV de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié par le décret du 20 janvier 2012 susvisé, SNCF Réseau doit établir, pour chaque périmètre de gestion, une comptabilité analytique distinguant les charges liées aux prestations régulées, les charges liées aux prestations non régulées et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées. Cette disposition prévoit, en outre, que cette comptabilité doit permettre de retracer les produits et les charges liés aux prestations régulées sur chacun de ces périmètres. Enfin, la comptabilité analytique doit être communiquée sur demande aux autorités organisatrices des transports et aux entreprises ferroviaires concernées.
  2. En outre, le II de l'article 14-1 du même décret prévoit que le DRG justifie notamment, pour chaque périmètre de gestion, « la prévision des coûts liés aux installations et aux services en distinguant les charges directement liées aux prestations régulées et les charges communes » et « les programmes d'investissements ainsi que la structure des financements correspondants justifiant les amortissements et le calcul du coût des capitaux engagées prévus à l'article 13-1 ».
  3. Dans ses décisions n° 2015-028 et 2015-030 du 15 juillet 2015 susvisées, l'Autorité a enjoint à SNCF Réseau de transmettre à la Région Pays de la Loire et au Syndicat des transports d'Ile-de-France, pour les périmètres de gestion correspondants, deux mois avant chaque horaire de service, le fichier de données renseigné sur le modèle de l'annexe 1 à ces décisions, à compter de l'horaire de service 2016. Ce fichier de données unique, destiné à éviter la communication dispersée des informations exigées, contenait, pour chaque périmètre de gestion, le montant des charges d'exploitation, de la dotation aux amortissements et de la rémunération du capital (données réalisées pour les années A-3 et A-2, montant du tarif de l'année A-1 et A). En outre, SNCF Réseau devait apporter des détails sur les investissements prévisionnels envisagés (durée d'amortissement, montant des fonds propres et des subventions, impact sur le tarif de la prestation de base).
  4. A la suite de ces décisions, SNCF Réseau a publié en annexe B3 du DRG des comptabilités analytiques pour chaque périmètre de gestion ainsi que le détail des charges de la CSG au titre de l'horaire de service 2016 pour chaque périmètre de gestion. Toutefois, ces informations demeurent lacunaires au regard des obligations mentionnées aux points 29 et 30 ci-dessus en ce qu'elles ne permettent pas de retracer les produits et les charges liés aux prestations régulées pour chacun de ces périmètres sur les exercices comptables réalisés et qu'elles ne détaillent pas les programmes d'investissement prévisionnels et leur impact sur la redevance quais.
  5. Il résulte de ces constatations que SNCF Réseau ne respecte pas les exigences de transparence issues des articles 13-1 et 14-1 du décret du 7 mars 2003 précité, applicables depuis l'horaire de service 2014.
  6. Aux termes de l'article L. 1263-2 du code des transports, l'Autorité peut, lorsque c'est nécessaire pour le règlement du différend, fixer les conditions d'accès au réseau et ses conditions d'utilisation.
  7. En l'espèce, la comptabilité analytique figure à l'annexe B3 du DRG, acte réglementaire applicable à l'ensemble des opérateurs. Afin de garantir à l'avenir un niveau de transparence conforme aux exigences des articles 13-1 et 14-1 du décret du 7 mars 2003 précité et, de surcroît, commun à l'ensemble des utilisateurs des infrastructures en gares détenues par SNCF Réseau, il apparaît nécessaire au règlement du différend que l'annexe B3 du DRG comporte, au bénéfice de tous les acteurs concernés, tant pour l'horaire de service 2016 que pour les horaires de service à venir, les informations comptables sur l'exercice clos le plus récent ainsi que le détail des programmes d'investissement. Par voie de conséquence, il convient d'enjoindre à SNCF Réseau de modifier l'annexe B3 du DRG pour l'horaire de service 2016 et les suivants en y intégrant ces éléments, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.
  8. S'agissant de l'application de cette injonction aux horaires de service 2014 et 2015, l'Autorité rappelle que SNCF Réseau publie les éléments de comptabilité analytique en annexe du DRG alors qu'aux termes de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 précité, la communication de la comptabilité analytique s'opère sur demande expresse d'une autorité organisatrice de transports ou d'une entreprise ferroviaire. Or, il ne résulte pas de l'instruction que la Région aurait formé une telle demande auprès des services de SNCF Réseau. Au regard de ces éléments, l'Autorité ne peut que rejeter les conclusions de la Région sur ce point.

4.3. Sur le taux de rémunération des capitaux investis pour les horaires de service 2014 et 2015 (conclusion n° 2)

  1. Conformément au II de l'article 13-1 du décret n° 2003-194, les redevances liées aux prestations régulées doivent permettre de « couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations ». Parmi ces charges prévisionnelles figure notamment « le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements ». Ainsi, la rémunération des capitaux prise en compte au sein des charges prévisionnelles correspond aux charges liées à la dette et au coût d'immobilisation des fonds propres du gestionnaire de gares.
  2. Le coût moyen pondéré du capital se définit comme la moyenne pondérée du coût de la dette et du coût des fonds propres selon la formule suivante :

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Avec :

- D/(CP+D) correspondant à la part de la dette dans le financement de l'actif (ou « gearing ») et CP/(CP+D) à la part des capitaux propres.
- TIS = Taux d'Impôt sur les sociétés
- Coût de la dette = KD = Rf + p

Où :

- Rf est le taux sans risque
- p est la prime de dette ou spread
- Coût des fonds propres = KCP = Rf + * RM

Où :

- est le beta des fonds propres
- RM est la prime de risque du marché
- * RM est la prime de risque spécifique aux activités de SNCF Réseau

  1. Sans remettre en cause la formule de calcul retenue par SNCF Réseau, la Région demande à l'Autorité de fixer le taux de rémunération des capitaux investis à 4,6 % avant impôt au maximum. Elle estime que le niveau du taux sans risque, le montant de la prime de risque spécifique ( × RM) et le taux d'impôt sur les sociétés pris en compte par le gestionnaire des quais doivent être réexaminés.

4.3.1. Sur le calcul de la prime de risque
a) Moyens des parties

  1. La Région soutient que la prime de risque spécifique a été surévaluée par SNCF Réseau pour les horaires de service 2014 et 2015. Le gestionnaire des quais a fixé la composante RM à 6 % et le coefficient à 0,52.
  2. La Région estime, d'une part, que le facteur RM ne saurait être fixé à 6 %, le caractère régulé de l'activité de SNCF Réseau étant faiblement sensible aux variations de l'ensemble de l'économie. En outre, le système de tarification permet au gestionnaire des quais de couvrir l'ensemble de ses coûts en réajustant annuellement sa trajectoire financière et de neutraliser le risque lié au volume de trafic pour les gares de catégorie « A » grâce à un mécanisme de régularisation tarifaire ex post en cas d'erreurs de prévision. La Région estime utile de se rapporter aux travaux de la mission « Evaluation des risques socioéconomique des investissements publics » présidée par Monsieur Emile Quinet, lesquels suggèrent un taux de 2 %, pour fixer le facteur RM applicable à l'activité de gestion des gares de voyageurs.
  3. D'autre part, la Région estime que le coefficient devrait être établi entre 0,33 et 0,42 et non par comparaison au secteur aéroportuaire dans la mesure où, contrairement aux gares de voyageurs, les gestionnaires d'aéroport exercent leur activité dans un environnement de concurrence entre sites, les revenus des gestionnaires d'aéroports directement liés au trafic de passagers sont beaucoup plus sensibles à la conjoncture économique. La régulation du secteur aérien est généralement fondée sur des contrats pluriannuels assortis de plafonds de prix et d'objectifs de productivité.

b) Analyse de l'Autorité

  1. A titre liminaire, l'Autorité rappelle que le DRG précise que le calcul de la prime de risque ( × RM) doit tenir compte de la nature des activités régulées du gestionnaire de quais, de la sensibilité de ses résultats aux aléas économiques, de son modèle tarifaire et de son caractère public (1).
  2. En l'espèce, les activités régulées de SNCF Réseau sont faiblement sensibles aux variations de l'ensemble de l'économie en raison de l'importance des besoins de transports quotidiens contraints et du poids des activités conventionnées dans le chiffre d'affaires du gestionnaire des quais, dont l'activité est, dès lors, à flux de trésorerie prévisible. En outre, SNCF Réseau est un établissement public à caractère industriel et commercial investissant sur des infrastructures essentielles de long terme dans un cadre monopolistique.
  3. En outre, et contrairement aux secteurs régulés où la tarification est fixée sur une base pluriannuelle, le système de tarification de type « cost plus » applicable à SNCF Réseau lui permet de couvrir l'essentiel de ses coûts en réajustant annuellement sa trajectoire financière.
  4. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité estime que les risques spécifiques aux activités de gestion des quais des gares de voyageurs doivent être appréhendés en référence aux méthodologies développées en matière de risques liés aux investissements publics. En effet, la nature pérenne du gestionnaire des quais et de son activité de gestion d'infrastructures essentielles de long terme se rapproche des propriétés des investissements publics considérés dans ces méthodologies.
  5. En premier lieu, pour déterminer la composante RM de la prime de risque ( × RM), l'Autorité se rapporte au résultat des travaux menés dans le cadre du rapport « Gollier », qui préconise une fourchette haute de 3 %, et plus récemment, du rapport de la mission présidée par M. Emile Quinet « Evaluation socio-économique des investissements publics », qui suggère un taux de 2%. Une fourchette comprise entre 2 % et 3 % peut donc être retenue.
  6. S'agissant, en second lieu, du coefficient , l'Autorité estime que sa valeur peut être fixée par référence aux d'autres secteurs économiques. Toutefois, l'échantillon retenu par SNCF Réseau, qui conduisait à fixer ce coefficient par comparaison aux utilisés par d'autres catégories de gestionnaires d'infrastructure n'est pas pertinent, le profil de risque du gestionnaire des quais étant différent de celui des activités choisies comme comparables.
  7. Pour ces raisons, l'Autorité avait proposé dans son avis et décision n° 2012-016 du 11 juillet 2012, pour la définition du CMPC des horaires de services 2014 et 2015, de retenir un d'une valeur de 0,42, par analogie aux moyennes observées dans le secteur de l'électricité. Cette valeur a été revue à 0,33 dans les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité (2). En outre, l'Autorité avait précisé que le retenu ne saurait excéder 0,5, correspondant à l'évaluation par la mission présidée par Monsieur Emile Quinet de la sensibilité moyenne du secteur des transports aux aléas économiques. En tout état de cause, cette fourchette haute demeure supérieure aux retenus par les régulateurs britannique et allemand du secteur ferroviaire.
  8. Au vu de ce qui précède, l'Autorité retient une valeur du comprise entre 0,33 et 0,5 pour la détermination de la prime de risque.

4.3.2. Sur la prise en compte de l'impôt sur les sociétés
a) Moyens des parties

  1. La Région estime que, pour éviter les fluctuations qui nuiraient au besoin de visibilité des acteurs soumis aux redevances, le prise en compte de l'impôt sur les sociétés dans la rémunération du capital doit être limitée à un taux normatif fixé à 34,43 %, et ce, en écartant la prise en compte de la surtaxe temporaire à l'impôt sur les sociétés de 10,7 % applicable aux entreprises réalisant plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires.

b) Analyse de l'Autorité

  1. Dans son avis n° 2013-024 du 22 octobre 2013, l'Autorité avait confirmé la prise en compte de l'impôt sur les sociétés dans le calcul du coût du capital de SNCF Réseau. Dans ce même avis, l'Autorité avait privilégié la prise en compte d'un taux normatif de 34,43 % pour des raisons de visibilité et de stabilité.
  2. Il est cependant constaté que SNCF Réseau est régulièrement assujetti à une imposition réduite et que, sous réserve d'éventuelles évolutions fiscales, une telle situation devrait perdurer, compte tenu à la fois de l'ampleur des déficits reportables et d'une perspective de retour à l'équilibre repoussée à une échéance qui apparaît a priori éloignée (3). Le report en avant des déficits est limité depuis les exercices clos à compter du 31 décembre 2012 à hauteur de 50 % du bénéfice de l'exercice (4). Cela conduit à un taux d'impôt minimal de 17,22 % au lieu de 34,43 %.
  3. En conséquence, l'Autorité estime qu'il convient de tenir compte de la charge d'impôt sur les sociétés générée par la rémunération des capitaux avec un taux d'impôt minimal de 17,22 %.

4.3.3. Sur le taux de CMPC à appliquer

  1. Il résulte de tout ce qui précède que, pour le calcul du taux du coût moyen pondéré du capital applicable aux redevances pour les horaires de service 2014 et 2015, il y a lieu de retenir un facteur RM de la prime de risque situé dans une fourchette comprise entre 2 % et 3 %, un coefficient de la prime de risque situé dans une fourchette comprise entre 0,33 et 0,5 et un taux d'impôt sur les sociétés réduit de 17,22 %.
  2. En outre, la détermination du taux de CMPC à appliquer implique de prendre en compte un taux sans risque. Le rendement des obligations assimilables du Trésor français (OAT) est habituellement retenu pour estimer le taux sans risque par les régulateurs dès lors qu'il est considéré comme correspondant aux placements les moins risqués. Pour tenir compte de l'horizon de financement des activités et pour éviter les effets de cycles, il est ainsi pertinent de fixer le taux sans risque sur la base du rendement moyen à dix ans des obligations d'Etat à dix ans. Cette moyenne s'établissait à 3,7 % avant la publication du DRG 2014 et à 3,5 % avant la publication du DRG 2015. Enfin, il est constant que la part de la dette dans le financement de l'actif (ou « gearing ») était de 73,3 % pour l'horaire de service 2014 et de 72,4 % pour l'horaire de service 2015.
  3. Ainsi, en application de ces paramètres, le coût moyen pondéré du capital servant à l'établissement des redevances pour le service de base dans les gares de voyageurs doit être fixé à un taux qui ne saurait dépasser un plafond de 5,6 % avant impôt ou 4,6 % après impôt pour l'horaire de service 2014 et à un taux qui ne saurait dépasser un plafond de 5,5 % avant impôt ou 4,6 % après impôt pour l'horaire de service 2015. Ces taux correspondent à ceux déjà calculés dans les décisions n° 2015-028 et 2015-030 relatives au règlement des différends relatifs aux prestations régulées dans les gares de voyageurs en Ile-de-France et en région Pays de la Loire.
  4. En l'espèce, SNCF Réseau a publié à l'attention des parties intéressées, dans l'espace relatif au DRG de son site internet, une note relative à la régularisation de la redevance de quai (RQ) au titre de l'horaire de service 2014 et une note relative à la régularisation de la redevance de quai au titre de l'horaire de service 2015, respectivement, le 7 octobre 2016 et le 30 novembre 2016. Ces documents précisent les ajustements apportés aux DRG 2014 et 2015 dans le cadre du mécanisme de régularisation de la redevance quai prévu dans les DRG eux-mêmes, intégrant notamment les mesures rétroactives imposées par l'Autorité dans le cadre de ses décisions de règlement de différend n° 2015-028 et n° 2015-030 du 15 juillet 2015. Les notes prévoient ainsi, dans le cadre de la mise en conformité des DRG au titre de ces décisions, « la révision du coût moyen pondéré du capital (CMPC) au taux » de « 5,6 % pour le DRG 2014 » et de « 5,5 % pour le DRG 2015 ».
  5. Les dispositions de ces notes, qui emportent ainsi modification rétroactive des DRG pour les horaires de service 2014 et 2015, ont pour effet de rendre ces derniers conformes aux calculs de l'Autorité sur la détermination des taux de CMPC applicables, SNCF Réseau s'étant placé, avec des taux avant impôt de 5,6 % au titre de l'horaire de service 2014, et 5,5 % au titre de l'horaire de service 2015, en conformité avec le plafond précisé au point 57.
  6. Par voie de conséquence, la Région n'est pas fondée à demander à ce qu'il soit enjoint à SNCF Réseau de modifier le document de référence des gares à compter de l'horaire de service 2014 afin que le taux de rémunération des capitaux investis soit inférieur à ces seuils.
  7. En revanche, si le gestionnaire des quais a produit, dans le cadre de la note en délibéré, une série de factures de régularisation de la redevance quai au titre des horaires de service 2014 et 2015, ces factures se bornent à mentionner, sans explication, un montant global et ne sont accompagnées, à l'exception du calcul relatif à la redevance quai de la gare de Dax, d'aucun élément détaillant le montant de chaque régularisation opérée, tant pour l'activité TER Aquitaine que pour l'ensemble des autorités organisatrices de transport et transporteurs concernés par ces modifications du DRG. En l'absence de toute précision et de toute justification sur le calcul de ces factures, l'Autorité, pas plus que les personnes concernées, ne sont mises en mesure de vérifier que les régularisations opérées sont conformes aux modifications des DRG relatifs aux horaires de service 2014 et 2015 effectuées en application des décisions de règlement de différend de 2015 susvisées, en méconnaissance des exigences du I de l'article 3 du décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 susvisé (5). Par suite, la demande de la Région Nouvelle-Aquitaine tendant à ce qu'il soit enjoint à SNCF Réseau de procéder à cette régularisation ne peut être regardée comme ayant perdu son objet.
  8. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la régularisation, au profit de toutes les personnes concernées, de la redevance quai facturée au titre des horaires de service 2014 et 2015 correspondant, conformément aux notes des 7 octobre et 30 novembre 2016, à la différence entre le taux de 6,2 % avant impôt appliqué au titre des DRG relatifs aux horaires de service 2014 et 2015 avant leur modification et les taux mentionnés dans ces mêmes notes, toutes choses étant égales par ailleurs.

4.4. Sur la valorisation des amortissements pour les horaires de service 2014 et 2015
4.4.1. Moyens des parties

  1. La Région soutient que la méthodologie de calcul des amortissements de certains actifs en coût courant n'est pas conforme au II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 susvisé. S'agissant en outre de la durée d'amortissement des grandes halles voyageurs, ascenseurs et escaliers mécaniques, la Région estime que SNCF Réseau doit appliquer des durées d'amortissement conformes aux règles de la comptabilité générale.

4.4.2. Analyse de l'Autorité

  1. En premier lieu, la méthode de calcul des amortissements est détaillée au II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié, qui prévoit que « les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité ». En outre, cette disposition mentionne, parmi les charges prises en compte pour la détermination des redevances, « le financement de la dotation aux amortissements des investissements ».
  2. Il résulte de cette disposition que l'établissement des redevances relatives à l'accès et aux services en gares doit nécessairement se fonder sur les coûts constatés dans la comptabilité.
  3. Or, le DRG pour l'horaire de service 2014 dispose que « [l] es actifs pour lesquels le renouvellement est une nécessité pour maintenir l'infrastructure dans son état de fonctionnement actuel font l'objet d'un amortissement en coût courant économique (grandes halles voyageurs, accès mécanisés). Ce mode d'amortissement consiste à revaloriser la valeur brute de l'actif à amortir en coût courant correspondant au coût actuel de la remise à neuf de cet actif. ». Le DRG pour l'horaire de service 2015 prévoit que « [l]es dotations aux amortissements sont recalculées par rapport à celles issues de la comptabilité de RFF, afin d'assurer le financement du renouvellement de l'infrastructure existante et de garantir le maintien du patrimoine de RFF en gares dans son périmètre actuel. Dans l'évaluation des amortissements, la valeur brute comptable des actifs est ainsi recalculée selon la politique de renouvellement des différents types d'actifs ». A cet égard, les deux DRG indiquent, pour chaque catégorie d'actifs, les durées d'amortissements appliquées.
  4. SNCF Réseau s'écarte ainsi des valeurs d'amortissements comptables en substituant à ces dernières une valorisation économique estimée des grandes halles voyageurs, ascenseurs et escaliers mécaniques. En outre, SNCF Réseau augmente cette valeur afin de prendre en compte le besoin futur d'investissement sur ces actifs. Ainsi, et contrairement à ce que prévoit le II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié, les coûts liés aux actifs pris en compte dans le calcul de la redevance ne sont pas des coûts comptables.
  5. En second lieu, concernant les durées d'amortissement retenues par SNCF Réseau, l'Autorité constate qu'elles diffèrent selon qu'elles sont utilisées dans le cadre de la comptabilité générale ou pour la construction de la tarification. Ainsi, la durée d'amortissement comptable est de 50 ans pour les grandes halles de voyageurs et de 10 ans pour les ascenseurs et escaliers mécaniques, alors que la durée retenue pour l'établissement des redevances est respectivement de 35 ans et 10 ans (6)/15 ans (7).
  6. Or, conformément au II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 précité, SNCF Réseau doit prendre en compte les durées d'amortissement énoncées dans le référentiel comptable qu'il utilise (norme IAS 16), que ce soit pour les besoins de la comptabilité générale ou pour le calcul des tarifs.
  7. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que SNCF Réseau ne respectait pas, au titre des horaires de service 2014 et 2015, les dispositions de ce décret.
  8. Dans ses décisions n° 2015-028 et n° 2015-030, l'Autorité avait déjà enjoint à SNCF Réseau de corriger la valeur comptable des grandes halles voyageurs en région Île-de-France et Pays de la Loire sur la base d'une analyse technique qui devait être conduite avant la fin de l'année 2015. Il avait également été enjoint au gestionnaire des quais de retenir, pour l'établissement des redevances pour les gares de voyageurs en régions Ile-de-France et Pays de la Loire, la valeur comptable des ascenseurs et escaliers mécaniques. Enfin, SNCF Réseau était tenu de réaliser, sous le contrôle de ses commissaires aux comptes, une étude technique avant la clôture de l'exercice comptable 2015 pour définir des durées d'amortissement correspondant à la durée d'utilisation réelle des grandes halles de voyageurs et des ascenseurs et escaliers mécaniques en régions Ile-de-France et Pays de la Loire.
  9. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 58, SNCF Réseau a publié à l'attention des parties intéressées, dans l'espace relatif au DRG de son site internet, deux notes relatives à la régularisation de la redevance de quai (RQ) au titre des horaires de service 2014 et 2015, respectivement, le 7 octobre 2016 et le 30 novembre 2016. Ces documents précisent les ajustements apportés aux DRG 2014 et 2015 dans le cadre du mécanisme de régularisation de la redevance quai prévu dans les DRG eux-mêmes, intégrant notamment les mesures rétroactives imposées par l'Autorité dans le cadre de ses décisions de règlement de différend. Sur la valorisation des amortissements pour les horaires de service 2014 et 2015, les notes prévoient ainsi, dans le cadre de la mise en conformité des DRG au titre des décisions de l'Autorité n° 2015-028 et n° 2015-030 du 15 juillet 2015, « la valorisation comptable des investissements au lieu de la méthode des amortissements économiques pour les grandes halles voyageurs (GHV), d'une part, et pour les ascenseurs et escaliers mécaniques, d'autre part. ».
  10. Les dispositions de ces notes, qui emportent ainsi modification rétroactive des DRG pour les horaires de service 2014 et 2015, ont pour effet de rendre ces derniers conformes aux prescriptions applicables du II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 susvisé.
  11. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la Région tendant à ce qu'il soit enjoint à SNCF Réseau de modifier les modalités de valorisation des amortissements de ces investissements et d'appliquer des durées d'amortissement pour les investissements liés aux grandes halles de voyageurs, ascenseurs et escaliers mécaniques conformes aux règles de comptabilité générale, tenant compte de la durée d'utilité des actifs.
  12. En revanche, si le gestionnaire des quais a produit, dans le cadre de la note en délibéré, une série de factures de régularisation de la redevance quai au titre des horaires de service 2014 et 2015, ces factures se bornent à mentionner, sans explication, un montant global et ne sont accompagnées, à l'exception du calcul relatif à la redevance quai de la gare de Dax, d'aucun élément détaillant le montant de chaque régularisation opérée, tant pour l'activité TER Aquitaine que pour l'ensemble des autorités organisatrices de transport et transporteurs concernés par ces modifications du DRG. En l'absence de toute précision et de toute justification sur le calcul de ces factures, l'Autorité, pas plus que les personnes concernées, ne sont mises en mesure de vérifier que les régularisations opérées sont conformes aux modifications des DRG relatifs aux horaires de service 2014 et 2015 effectuées en application des décisions de règlement de différend de 2015 susvisées, en méconnaissance des exigences du I de l'article 3 du décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 susvisé (8). Par suite, la demande de la Région Nouvelle-Aquitaine tendant à ce qu'il soit enjoint à SNCF Réseau de procéder à cette régularisation ne peut être regardée comme ayant perdu son objet.
  13. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la régularisation, au profit de toutes les personnes concernées, de la redevance quai facturée au titre des horaires de service 2014 et 2015 correspondant, conformément aux notes des 7 octobre et 30 novembre 2016, à la différence entre les redevances quai calculées sur la base de la valorisation et de la durée d'amortissement des grandes halles voyageurs, ascenseurs et escaliers mécaniques appliquées au titre des DRG relatifs aux horaires de service 2014 et 2015 avant leur modification et les redevances quai calculées sur la base des valorisations et des durées d'amortissements prévues dans lesdites notes, toutes choses étant égales par ailleurs.

4.5. Sur les objectifs de performance, de productivité et de qualité (conclusions n° 4 et 5)
4.5.1. Moyens des parties

  1. La Région soutient qu'il résulte du II de l'article 13-1 ainsi que de l'article 14-1 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 modifié que le DRG doit comprendre des objectifs de productivité et de qualité. Elle ajoute que la fixation de ces objectifs serait sans valeur si aucun mécanisme incitatif n'y était associé.

4.5.2. Analyse de l'Autorité

  1. La mise en place d'objectifs de qualité demandée par la Région doit être interprétée comme relative, en l'espèce, à la mise en place d'objectifs de performance. En effet, les objectifs de performance se distinguent des objectifs de productivité en ce sens que les premiers renvoient à la qualité du service offert en gare et donc à la performance opérationnelle, tandis que les seconds correspondent aux objectifs de maîtrise des coûts du service et donc à la gestion économique de SNCF Réseau.

a) Sur les objectifs de performance

  1. En premier lieu, il découle du II de l'article 13-1 que le niveau de performance opérationnelle et de qualité de service en gares est directement lié au niveau des charges prévisionnelles prises en compte dans l'établissement des redevances. Dès lors, il appartient au gestionnaire des quais de préciser dans le DRG, à tout le moins pour les charges d'exploitation dites maîtrisables (i.e. charges de personnel, achats, prestations de service, etc.), les objectifs de performance justifiant le montant des redevances acquittées par les entreprises ferroviaires et les autorités organisatrices. Enfin, la qualité de service n'étant pas un élément quantifiable, il apparaît nécessaire de définir des indicateurs précis permettant de l'évaluer.
  2. En l'espèce, le DRG applicable à l'horaire de service 2016 définit des indicateurs de performance et les objectifs y afférents pour les différentes natures de prestations (nettoyage, déneigement, élévatique). Ces objectifs sont construits soit sur des données chiffrées (taux de disponibilité d'une installation), soit sur une approche fondée sur le ressenti du client (état de l'installation et confort des usagers) (9).
  3. Dans son avis n° 2016-003 susvisé, l'Autorité a constaté que le DRG pour l'horaire de service 2016 détaillait désormais les objectifs de performance que SNCF Réseau s'assigne et a pris acte des travaux actuellement mis en œuvre par le gestionnaire des quais destinés à renforcer le niveau de précision de ces objectifs et à en élargir le périmètre dans la version modifiée du DRG 2017 (10).
  4. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la Région en tant qu'elle porte sur la mise en place d'indicateurs et d'objectifs de performance pour l'horaire de service 2016 dès lors que cette dernière peut être regardée comme satisfaite.
  5. S'agissant de la demande de la Région tendant à l'inscription, dans les DRG 2014 et 2015 d'objectifs de performance opérationnelle, un tel mécanisme vise, par nature, à modifier des comportements futurs. Il en résulte que la définition rétroactive d'objectifs de performance opérationnelle pour les horaires de service 2014 et 2015, qui ne saurait avoir d'effet sur ces horaires de service passés, ne présente aucune utilité pour le règlement du différend. Les conclusions de la Région doivent, par suite, être rejetées sur ce point.
  6. En second lieu, l'Autorité rappelle que la définition, dans le DRG, d'indicateurs et d'objectifs de performance doit nécessairement s'accompagner d'un mécanisme de type bonus / malus permettant d'inciter le gestionnaire à atteindre ou dépasser le niveau de performance affiché, défini en concertation avec l'ensemble des parties prenantes (11). En effet, sans s'opposer au principe de couverture de l'ensemble des charges prévisionnelles du gestionnaire des quais, ce mécanisme garantit l'adéquation du niveau des redevances acquittées par les candidats avec la qualité des services dont ils bénéficient, en dissuadant le gestionnaire de dégager une rente indue en fournissant un service de moindre qualité.
  7. En l'espèce, si SNCF Réseau inclut, dans le DRG applicable à l'horaire de service 2016, des objectifs de performance, il ne définit pas de mécanismes incitatifs de type bonus / malus y afférents.
  8. En vertu de l'article L. 1263-2 du code des transports, l'Autorité peut, lorsque c'est nécessaire pour le règlement du différend, fixer les modalités d'accès au réseau et ses conditions d'utilisation.
  9. Au regard des éléments mentionnés ci-dessus, qui compromettent l'effectivité de l'atteinte de ces objectifs, et de la nécessité de garantir des conditions d'accès similaires dans l'ensemble des installations en gares exploitées par SNCF Réseau ainsi qu'une gestion homogène de celles-ci, il y a lieu d'enjoindre à SNCF Réseau d'inclure dans le DRG un mécanisme de pénalités et gratifications financières associés aux objectifs de performance, qui soit propres, par leur incidence concrète, à inciter le gestionnaire des gares à atteindre effectivement ou dépasser ces derniers. Compte tenu de la nécessaire concertation avec l'ensemble des parties prenantes qui doit présider à cette définition, SNCF Réseau devra détailler ces mécanismes au plus tard dans le DRG afférent à l'horaire de service 2018.

b) Sur les objectifs de productivité

  1. Il résulte du II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 que les charges prévisionnelles prises en compte pour le calcul des redevances en gares de voyageurs doivent comporter un niveau déterminé de productivité.
  2. En l'espèce, l'inscription, dans les DRG 2014 et 2015 d'objectifs de productivité, vise, par nature, à modifier des comportements futurs. Il en résulte que la définition rétroactive d'objectifs de productivité pour les horaires de service 2014 et 2015, qui ne saurait avoir d'effet sur ces horaires de service passés, ne présente aucune utilité pour le règlement du différend. Les conclusions de la Région doivent, par suite, être rejetées sur ce point.
    Décide :

Article 1

Il est donné acte du désistement de la Région Nouvelle-Aquitaine de ses conclusions relatives au taux de rémunération du capital (n° 2), à la valorisation de certains amortissements (n° 3) ainsi qu'à la mise en œuvre d'objectifs de productivité (n° 4) en tant qu'elles portent sur l'horaire de service 2016.

Article 2

Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la région Nouvelle Aquitaine relatives à la valorisation des amortissements pour les horaires de service 2014 et 2015 (n° 3) et à la mise en place d'indicateurs et d'objectifs de qualité (n° 4) pour l'horaire de service 2016.

Article 3

L'Autorité enjoint à SNCF Réseau, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, de modifier l'annexe B3 du DRG en y intégrant les informations comptables sur l'exercice clos le plus récent ainsi que le détail des programmes d'investissement pour l'ensemble des gares de voyageurs dans lesquelles il dispose d'actifs, et ce, tant pour l'horaire de service 2016 que pour les horaires de service à venir.

Article 4

L'Autorité enjoint à SNCF Réseau de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au bénéfice de l'ensemble des autorités organisatrices de transport et transporteurs concernés, aux régularisations de la redevance quai au titre des horaires de service 2014 et 2015 résultant, d'une part, de la prise en compte d'un taux de CMPC avant impôt de, respectivement, 5,6 % et 5,5 %, et, d'autre part, de la prise en compte de la valorisation et de la durée d'amortissement comptable des investissements pour les grandes halles voyageurs, ascenseurs et escaliers mécaniques, toutes choses étant égales par ailleurs, dans le respect des prescriptions du I de l'article 3 du décret du 20 janvier 2012 susvisé.

Article 5

L'Autorité enjoint à SNCF Réseau de préciser, après concertation avec l'ensemble des parties prenantes, des mécanismes d'incitation financière applicables aux objectifs et indicateurs de performance définis dans le DRG pour l'ensemble des gares de voyageurs, et ce, dès l'horaire de service 2018.

Article 6

Le surplus des demandes de la Région est rejeté.

Article 7

Le secrétaire général est chargé de notifier aux parties la présente décision et d'en assurer la publication sur le site internet de l'Autorité et au Journal officiel de la République française, sous réserve des secrets protégés par la loi.
L'Autorité a adopté la présente décision le 22 février 2017.
Présents : M. Bernard Roman, président ; Mme Anne Yvrande-Billon, vice-présidente ; Mme Marie Picard ainsi que M. Michel Savy, membres du collège.

Le président,

B. Roman

(1) Avis de l'Autorité n° 2015-029 du 15 juillet 2015, point 53. (2) Délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 12 décembre 2013 portant décision relative aux tarifs d'utilisation d'un réseau public d'électricité dans le domaine de tension HTA ou BT. (3) L'article L. 2111-10 du code des transports prévoit que l'avis de l'Autorité sur les projet de contrat conclu entre SNCF réseau et l'Etat porte notamment sur le niveau et la soutenabilité de la tarification et sur l'adéquation du niveau des recettes prévisionnelles avec celui des dépenses projetées, de façon à atteindre l'objectif de couverture du coût complet dans un délai de dix ans à compter de l'entrée en vigueur du premier contrat entre SNCF Réseau et l'Etat. (4) Dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts (CGI). (5) « (…) L'exploitant de l'installation de service est en mesure de prouver à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières et aux candidats que les redevances qu'il facture réellement à tout candidat sont conformes à la méthodologie, aux règles et, le cas échéant, aux barèmes publiés conformément au IV de l'article 2. (…) » (6) DRG 2014, version du 25 avril 2014 (7) DRG 2015, version du 5 décembre 2014. (8) « (…) L'exploitant de l'installation de service est en mesure de prouver à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières et aux candidats que les redevances qu'il facture réellement à tout candidat sont conformes à la méthodologie, aux règles et, le cas échéant, aux barèmes publiés conformément au IV de l'article 2. (…) » (9) DRG 2016 révisé, version du 11 juillet 2016, pt 82. (10) Voir en ce sens les points 2 à 6 de l'avis. (11) Avis de l'Autorité n° 2015-029 du 15 juillet 2015, point 42.