Code rural ancien

Chapitre II-1 : De l'utilisation des eaux d'irrigation

Article 128-1

En vue d'assurer aux irrigants des garanties supplémentaires dans l'exercice de leurs droits et de faciliter le développement des irrigations, il peut être institué, sous réserve des conventions particulières ou des dispositions prévues pour la réglementation des eaux de la Durance, et notamment celles de la loi du 11 juillet 1907, par décret en Conseil d'Etat, pour un bassin ou pour un cours d'eau ou section de cours d'eau désigné par le ministre de l'agriculture, en accord, s'il s'agit de cours d'eau domaniaux, avec le ministre chargé des travaux publics, un établissement public administratif compétent pour proposer le règlement des problèmes relatifs aux réseaux d'irrigation agricole alimentés par un bassin ou cours d'eau.

L'organisme directeur de cet établissement public doit comporter une représentation majoritaire d'agriculteurs usagers. Il est pourvu aux dépenses de l'établissement au moyen de redevances dont l'assiette est déterminée conformément aux dispositions du décret créant l'établissement et dont le taux est arrêté par le préfet.

Article 128-2

L'établissement public prévu à l'article précédent a qualité pour proposer au préfet de modifier de façon définitive ou temporaire les différentes autorisations de prises d'eau pour l'irrigation, de façon à affecter à chaque prise une dotation normale en eau, tenant compte de l'utilisation la meilleure de l'eau et respectant les besoins réels, résultant eux-mêmes d'éléments tels que la nature des cultures, des sols et du climat, la surface irriguée, les investissements déjà réalisés par les particuliers ou les collectivités d'irrigants, les usages de l'eau antérieurs à la date de promulgation de la loi n° 60-792 du 2 août 1960.

La révision des autorisations intervenues ainsi a lieu dans les conditions du droit commun et sous réserve des droits des tiers.

Le préfet peut, en outre, sur proposition de l'établissement public prévu à l'article 128-1, déterminer en cas de pénurie d'eau et en fonction de cette pénurie, l'importance des réductions à apporter temporairement au prélèvement autorisé. Les prélèvements qui seront autorisés dans ce cas le seront pour assurer l'utilisation de l'eau dans les conditions ci-dessus définies.

Article 128-3

Les organisations collectives d'irrigation sont tenues, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, d'effectuer les irrigations conformément aux prescriptions des règlements techniques qui peuvent être établis par le ministre de l'agriculture pour les différents modes d'irrigation.

Ces règlements doivent tenir compte des caractéristiques des installations existantes et des nécessités régionales.

Article 128-4

Le droit à l'arrosage gratuit exercé à l'égard des organisations collectives d'irrigation est limité à la fourniture, pendant la période des arrosages, d'une quantité d'eau correspondant à un litre par seconde et par hectare effectivement irrigué, le module d'irrigation étant adapté à la nature des sols, des cultures et à l'importance des parcelles.

Les titulaires de droits à l'arrosage gratuit qui établissent que cette limitation met obstacle à l'irrigation rationnelle de leurs terres peuvent néanmoins obtenir des autorités qualifiées pour fixer la quantité d'eau mise à la disposition de chaque irrigant que celle mise gratuitement à leur disposition soit majorée exceptionnellement dans la mesure nécessaire à cette irrigation. Cette limitation ne concerne pas les prélèvements sur la nappe phréatique, sauf décision préfectorale contraire.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux arrosages destinés aux zones rizicoles, aux zones viticoles menacées par le phylloxéra, ni aux zones de terres salées, dont le périmètre sera délimité par les services agricoles départementaux, en accord avec les services du génie rural.

Article 128-5

Les dispositions visées par les articles 128-2 à 128-4 ne s'appliquent pas au prélèvement d'eau souterraine réalisé par les exploitants sur leur propre terre, tant en ce qui concerne la dotation dont ils disposent que la gratuité des droits sur l'eau. Ces dispositions ne remettent pas davantage en cause la gratuité de l'eau dérivée de cours d'eau ne faisant pas partie du domaine public de l'Etat.

Article 128-6

Les riverains de celles des sections de canaux d'irrigation pour lesquelles l'application des dispositions du présent article aura été déclarée d'utilité publique sont tenus de permettre le libre passage et l'emploi sur leurs propriétés, dans la limite d'une largeur de quatre mètres à partir de la rive, des engins mécaniques servant aux opérations d'entretien. Ils doivent également permettre en certains endroits le dépôt des produits de curage et de faucardement. A ces endroits, la zone grevée de servitude peut atteindre le double de la largeur existant entre les crêtes des berges opposées du canal reprofilé.

Les terrains bâtis ou clos de murs, les cours et jardins attenant aux habitations à la date de publication de l'acte prescrivant l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique sont exonérés des servitudes de passage et de dépôt.

Si le propriétaire le requiert, l'expropriation des terrains grevés de la servitude de dépôt est obligatoire.

L'établissement des servitudes donne droit à indemnité.

A l'intérieur des zones soumises aux servitudes, toute nouvelle construction, toute élévation de clôture fixe, toute plantation est soumise à autorisation préfectorale.

Les constructions, clôtures ou plantations édifiées sans cette autorisation pourront être supprimées à la diligence du gestionnaire du canal, à ce habilité par le préfet.

Les propriétaires de clôtures, arbres et arbustes existant dans les zones grevées de servitudes antérieurement à la publication de l'acte prescrivant l'enquête peuvent être mis en demeure par le préfet de supprimer ces clôtures, arbres et arbustes. Cette suppression ouvre droit à indemnité. En cas d'inexécution, les clôtures, arbres et arbustes peuvent être supprimés aux frais des propriétaires par l'organisme gestionnaire du canal, à ce habilité par le préfet. Cette exécution d'office ne fait pas disparaître le droit à indemnité.

Au cas où une clôture, dont la suppression n'est pas ordonnée, doit être déplacée pour permettre le passage des engins mécaniques, son déplacement et sa remise en place incombent à la collectivité ou à l'organisme chargé de l'entretien du canal.

Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'établissement et l'exercice des servitudes ainsi que la fixation des indemnités dues aux propriétaires intéressés sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Article 128-7

Il est institué, au profit des collectivités publiques et de leurs concessionnaires ainsi qu'au profit des établissements publics, une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure, dans les conditions les plus rationnelles et les moins dommageables à l'exploitation présente et future, en vue de l'irrigation, des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant à des habitations.

L'établissement de cette servitude ouvre droit à indemnité. Les contestations relatives aux indemnités sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Article 128-8

Lorsqu'une usine en activité installée sur un canal d'irrigation entrave le développement des irrigations, le rachat partiel ou total des droits de l'usinier à l'usage de l'eau peut être déclaré d'utilité publique et être opéré par la collectivité gestionnaire du canal.

Article 128-9

Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.