- Le barème institué par l'article 9 de la loi déférée, dans les circonstances actuelles, revêt un caractère confiscatoire et fait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
La situation résultant de ces dispositions est totalement inédite, du fait de la faiblesse du rendement des placements à revenu fixe ainsi que de la création d'une nouvelle tranche d'imposition à 45 % et de l'alignement de la fiscalité des revenus du capital sur la fiscalité des revenus du travail, réalisés par la même loi de finances.
Ainsi, un contribuable qui, gérant son patrimoine « en bon père de famille », l'investit dans des titres d'Etat (OAT) à dix ans obtient aujourd'hui un rendement de 2,02 % (17). Après application de l'impôt sur le revenu au taux marginal de 45 % et des prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, soit au total 60,5 %, le rendement net est de 0,8 % (18). Si l'Etat devait prélever l'impôt de solidarité sur la fortune au taux marginal que prévoit l'article déféré, soit 1,5 %, le contribuable subirait une amputation de son patrimoine égale à 0,7 % par an.
Les chiffres qui précèdent sont donnés en euros courants. Exprimé en euros constants, c'est-à-dire après prise en compte d'une inflation égale à 1,9 % (19), la perte de patrimoine s'élèverait à 2,6 %.
Au surplus, les calculs qui précèdent ne prennent pas en compte la contribution sur les hauts revenus, prélevée au taux de 3 % ou 4 % selon que les revenus du contribuable sont supérieurs à 250 000 EUR ou à 500 000 EUR, qui restera applicable jusqu'à l'imposition des revenus de l'année au titre de laquelle le déficit des administrations publiques sera nul (20). Si l'on ajoute cette contribution exceptionnelle, la perte nette en capital s'établit respectivement à 0,76 % ou à 0,78 % sans inflation et à 2,66 % ou à 2,68 % avec prise en compte de l'inflation.
Un dernier calcul, effectué « à l'envers », permet de déterminer le taux d'intérêt que devrait rechercher le contribuable soucieux d'éviter une perte en capital. Pour compenser une inflation de 1,9 % après paiement de l'impôt sur la fortune au taux marginal de 1,5 %, il faudrait obtenir 3,4 % après impôts dus au titre des revenus, soit un taux avant impôt de 8,6 % (21).
Un tel taux est actuellement impossible à obtenir, sauf sur des placements extrêmement risqués.
Il suffira de rappeler, pour établir le caractère inédit de tels prélèvements, que, lorsque l'impôt de solidarité sur la fortune a été institué par la loi du 23 décembre 1988 avec un taux marginal de 1,1 %, le taux servi sur les emprunts d'Etat à dix ans était de 8,62 % (22) et le taux du prélèvement libératoire de 26 %, ce qui garantissait à l'épargnant un rendement après impôt de 6,38 %.
Il n'est jamais arrivé que le législateur institue une imposition sur la fortune qui, combinée avec l'imposition des revenus, aboutisse à une confiscation intégrale du revenu et à une confiscation partielle du capital investi dans un placement sans risque.
Par ailleurs, la suppression de la réduction d'impôt de 300 EUR par personne à charge prévue à l'article 885-V du CGI porte atteinte à l'article 13 de la Déclaration de 1789. En effet, si votre Conseil a validé dans sa décision n° 2010-44 QPC l'absence de quotient pour l'ISF, l'absence totale de prise en compte des charges de famille avec la suppression d'une réduction d'impôt qui existe depuis la création de l'ISF en 1989 porte atteinte à la prise en compte des capacités contributives réelles des contribuables.
La fiscalité instituée par l'article déféré est ainsi incompatible avec une gestion prudente, comme par exemple celle que doit nécessairement choisir un tuteur qui, selon l'article 496 du code civil, « est tenu d'apporter, dans [la gestion du patrimoine de la personne protégée], des soins prudents, diligents et avisés », ou celui qui gère les affaires d'autrui, lequel, selon l'article 1374 du même code, « est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins d'un bon père de famille » ou, plus généralement, toute personne qui ne veut pas mettre en risque son patrimoine.
Ainsi, l'impôt de solidarité sur la fortune, perçu selon les taux institués par l'article 9 de la loi de finances pour 2013, ferait peser sur certaines catégories de contribuables une charge excessive au regard de leurs capacités contributives et porterait dès lors atteinte à l'égalité devant l'impôt et à l'égalité devant les charges publiques garanties par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.
(17) Taux moyen applicable sur la première semaine de décembre 2012 (source : Agence France Trésor). (18) 2,1 % × (1 ― 0,605) = 0,80 %. (19) Variation sur un an (source : INSEE). (20) Loi n° 2011-1977, article 2. (21) 8,6 % × (1 ― 0,605) = 3,4 %. (22) Source : INSEE, banque de données macro-économiques.
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