JORF n°0304 du 30 décembre 2012

  1. La mesure contrevient au principe d'annualité de l'impôt.
    Le caractère provisoire de l'impôt, qui ne vaut qu'en raison du II, ne saurait être retenu pour exonérer le dispositif de ces griefs. En dépit de l'affirmation de son caractère « exceptionnel », la contribution pourrait être ou non reconduite par une loi de finances ultérieure.
    Au demeurant, le caractère exceptionnel de cette contribution comporte en lui-même une inconstitutionnalité manifeste. Tout impôt, en vertu de la règle de l'annualité budgétaire d'application constante depuis la loi du 26 mai 1817 comme par l'ordonnance du 2 janvier 1959 puis la LOLF, n'est établi dans la loi de finances initiale que pour une année. Si cette règle connaît certains tempéraments en matière de programmation de dépenses, elle ne saurait en permettre en matière de recettes ainsi que le manifeste l'autorisation annuelle de percevoir l'impôt figurant à l'article 1er de chaque projet de loi de finances annuel. Une loi de finances annuelle ne peut établir un impôt pour deux ans.
    Par surcroît, la mention selon laquelle la contribution sera applicable aux revenus de 2013 ne peut trouver sa place en première partie, puisqu'elle n'a aucune incidence sur l'équilibre budgétaire de 2013, mais seulement une incidence attendue en 2014. Il ressort de l'article 34-II-7, a, de la loi organique relative aux lois de finances que seule la deuxième partie « peut comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ». Tel est bien le cas d'une contribution exceptionnelle perçue au titre de l'année n + 2.
    Ce dispositif méconnaît tout à la fois l'annualité budgétaire et le caractère impératif de la présentation du texte en deux parties, telle qu'elle ressort des articles 34 et 42 de la LOLF, dont la décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 a nettement affirmé la nécessaire présence dans la loi organique et la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2102 (considérant 11) fait une application récente.
    Si le Conseil admettait, contrairement à la lettre même de l'article 34-II de la LOLF, que les mots « et 2013 » ne sont pas détachables du reste de l'article, alors qu'ils sont dénués de toute portée opératoire dans l'attente de la prochaine loi de finances pour 2014, on serait alors confronté à une méconnaissance de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire en loi de finances, où le caractère impératif des deux parties structure et impose les règles et le contenu même des débats : des dispositions de deuxième partie, même facultatives, ne peuvent figurer en première partie.
    Enfin, si le Conseil se fondait sur le caractère impératif de cette mention, pour le juger non détachable, en considérant qu'elle vaut au-delà d'un exercice budgétaire, il s'agirait d'une injonction faite par la loi de finances pour 2013 au Gouvernement devant établir le projet de loi de finances de l'année 2014.
    Quelle que soit donc l'interprétation qu'on lui donne, ni en termes de procédure, ni en termes d'annualité budgétaire, ni en termes d'injonction faite au Gouvernement par le législateur, la création d'une imposition pour deux ans ne peut échapper à la censure.
    S'il est loisible au législateur d'établir provisoirement un impôt ― caractère qui d'ailleurs ne vaut juridiquement que jusqu'à une éventuelle disposition contraire, on connaît ainsi de nombreux cas d'impositions provisoires devenues pérennes ―, il ne peut l'établir en méconnaissance flagrante de règles fondamentales du droit budgétaire.
    Article 9 :
    L'article 9 de la loi de finances pour 2013, qui rétablit un article 885-V bis au code général des impôts, a notamment pour objet de modifier le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, en rétablissant un barème proche de celui qui prévalait avant l'année 2012, et d'instituer un plafonnement égal à 75 % des revenus réalisés au cours de l'année, tels que ces revenus sont définis au E du même article.
    Les dispositions de cet article sont contraires au principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ainsi qu'au droit de propriété garanti par l'article 17 de la même Déclaration.
    Votre Conseil a indiqué à plusieurs reprises que s'il appartient au législateur de déterminer les règles selon lesquelles doivent être appréciées les capacités contributives il doit le faire dans le respect des principes constitutionnels. Cette appréciation des facultés contributives ne doit notamment pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (12).
    Ainsi, l'exigence qui découle de l'article 13 de la Déclaration de 1789 « ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » (13).
    S'agissant en particulier de l'impôt de solidarité sur la fortune, votre Conseil a relevé que le législateur, pour ne pas créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, a inclus dans le régime de cet impôt, depuis sa création par la loi du 23 décembre 1988, « des règles de plafonnement qui ne procèdent pas d'un calcul impôt par impôt et qui limitent la somme de l'impôt de solidarité sur la fortune et des impôts dus au titre des revenus et produits de l'année précédente à une fraction totale des revenus nets de l'année précédente » (14).
    Lorsque le législateur a institué le mécanisme de plafonnement connu sous le nom de « bouclier fiscal », votre Conseil a estimé que « dans son principe, l'article contesté, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » (15).
    Tout récemment encore, votre Conseil a précisé que « le législateur ne saurait établir un barème de l'impôt de solidarité sur la fortune tel que celui en vigueur avant l'année 2012 sans l'assortir d'un dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents destiné à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » (16).

(12) Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ; décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009. (13) Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 ; décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007. (14) Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012. (15) Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005. (16) Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012.


Historique des versions

Version 1

3. La mesure contrevient au principe d'annualité de l'impôt.

Le caractère provisoire de l'impôt, qui ne vaut qu'en raison du II, ne saurait être retenu pour exonérer le dispositif de ces griefs. En dépit de l'affirmation de son caractère « exceptionnel », la contribution pourrait être ou non reconduite par une loi de finances ultérieure.

Au demeurant, le caractère exceptionnel de cette contribution comporte en lui-même une inconstitutionnalité manifeste. Tout impôt, en vertu de la règle de l'annualité budgétaire d'application constante depuis la loi du 26 mai 1817 comme par l'ordonnance du 2 janvier 1959 puis la LOLF, n'est établi dans la loi de finances initiale que pour une année. Si cette règle connaît certains tempéraments en matière de programmation de dépenses, elle ne saurait en permettre en matière de recettes ainsi que le manifeste l'autorisation annuelle de percevoir l'impôt figurant à l'article 1er de chaque projet de loi de finances annuel. Une loi de finances annuelle ne peut établir un impôt pour deux ans.

Par surcroît, la mention selon laquelle la contribution sera applicable aux revenus de 2013 ne peut trouver sa place en première partie, puisqu'elle n'a aucune incidence sur l'équilibre budgétaire de 2013, mais seulement une incidence attendue en 2014. Il ressort de l'article 34-II-7, a, de la loi organique relative aux lois de finances que seule la deuxième partie « peut comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ». Tel est bien le cas d'une contribution exceptionnelle perçue au titre de l'année n + 2.

Ce dispositif méconnaît tout à la fois l'annualité budgétaire et le caractère impératif de la présentation du texte en deux parties, telle qu'elle ressort des articles 34 et 42 de la LOLF, dont la décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 a nettement affirmé la nécessaire présence dans la loi organique et la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2102 (considérant 11) fait une application récente.

Si le Conseil admettait, contrairement à la lettre même de l'article 34-II de la LOLF, que les mots « et 2013 » ne sont pas détachables du reste de l'article, alors qu'ils sont dénués de toute portée opératoire dans l'attente de la prochaine loi de finances pour 2014, on serait alors confronté à une méconnaissance de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire en loi de finances, où le caractère impératif des deux parties structure et impose les règles et le contenu même des débats : des dispositions de deuxième partie, même facultatives, ne peuvent figurer en première partie.

Enfin, si le Conseil se fondait sur le caractère impératif de cette mention, pour le juger non détachable, en considérant qu'elle vaut au-delà d'un exercice budgétaire, il s'agirait d'une injonction faite par la loi de finances pour 2013 au Gouvernement devant établir le projet de loi de finances de l'année 2014.

Quelle que soit donc l'interprétation qu'on lui donne, ni en termes de procédure, ni en termes d'annualité budgétaire, ni en termes d'injonction faite au Gouvernement par le législateur, la création d'une imposition pour deux ans ne peut échapper à la censure.

S'il est loisible au législateur d'établir provisoirement un impôt ― caractère qui d'ailleurs ne vaut juridiquement que jusqu'à une éventuelle disposition contraire, on connaît ainsi de nombreux cas d'impositions provisoires devenues pérennes ―, il ne peut l'établir en méconnaissance flagrante de règles fondamentales du droit budgétaire.

Article 9 :

L'article 9 de la loi de finances pour 2013, qui rétablit un article 885-V bis au code général des impôts, a notamment pour objet de modifier le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, en rétablissant un barème proche de celui qui prévalait avant l'année 2012, et d'instituer un plafonnement égal à 75 % des revenus réalisés au cours de l'année, tels que ces revenus sont définis au E du même article.

Les dispositions de cet article sont contraires au principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ainsi qu'au droit de propriété garanti par l'article 17 de la même Déclaration.

Votre Conseil a indiqué à plusieurs reprises que s'il appartient au législateur de déterminer les règles selon lesquelles doivent être appréciées les capacités contributives il doit le faire dans le respect des principes constitutionnels. Cette appréciation des facultés contributives ne doit notamment pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (12).

Ainsi, l'exigence qui découle de l'article 13 de la Déclaration de 1789 « ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » (13).

S'agissant en particulier de l'impôt de solidarité sur la fortune, votre Conseil a relevé que le législateur, pour ne pas créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, a inclus dans le régime de cet impôt, depuis sa création par la loi du 23 décembre 1988, « des règles de plafonnement qui ne procèdent pas d'un calcul impôt par impôt et qui limitent la somme de l'impôt de solidarité sur la fortune et des impôts dus au titre des revenus et produits de l'année précédente à une fraction totale des revenus nets de l'année précédente » (14).

Lorsque le législateur a institué le mécanisme de plafonnement connu sous le nom de « bouclier fiscal », votre Conseil a estimé que « dans son principe, l'article contesté, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » (15).

Tout récemment encore, votre Conseil a précisé que « le législateur ne saurait établir un barème de l'impôt de solidarité sur la fortune tel que celui en vigueur avant l'année 2012 sans l'assortir d'un dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents destiné à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » (16).

(12) Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ; décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009. (13) Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 ; décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007. (14) Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012. (15) Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005. (16) Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012.