JORF n°0254 du 31 octobre 2019

Titre III : DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRISE DE DÉCISION AU SEIN DE LA COPROPRIÉTÉ

Le titre III est composé de 9 articles répartis en deux chapitres.
Le chapitre Ier, qui comprend un unique article (article 22), a pour objet de clarifier les règles de représentation aux assemblées générales en cas de démembrement du droit de propriété, en modifiant l'article 23 de la loi du 10 juillet 1965.
Le principe de l'unicité du vote pour chaque lot nécessite la désignation d'un mandataire commun en présence de plusieurs titulaires de droits sur un même lot. Si aucun mandataire commun n'a été désigné, d'un commun accord ou judiciairement, le syndic est tenu de convoquer tous les titulaires de droits réels sur le lot. A défaut, l'assemblée générale est susceptible d'être annulée dans son intégralité.
Partant du constat que le désaccord entre les intéressés est source d'insécurité juridique, il est désormais prévu, sur le modèle du troisième alinéa de l'article 1844 du code civil, qu'en l'absence d'accord entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, le mandataire commun sera le nu-propriétaire. Celui-ci a en effet vocation à recouvrer à terme la pleine propriété du bien, tandis que l'usufruitier n'est titulaire que d'un droit de jouissance par nature temporaire. En tout état de cause, le nu-propriétaire ne peut rien faire qui nuise à la jouissance de l'usufruitier en application du premier alinéa de l'article 599 du code civil.
Cette mesure devrait permettre de régler les difficultés en cas de désaccord entre l'usufruitier et le nu-propriétaire et de limiter les cas de recours au juge, en cas de pluralité de nus-propriétaires.
Selon la même logique tendant à privilégier le propriétaire du bien, la même règle sera applicable dans les autres hypothèses de démembrement du droit de propriété, telles que par exemple pour les lots grevés d'un droit d'usage et d'habitation réglementé par les articles 625 et suivants du code civil.
Les règles applicables en cas d'indivision ne sont pas modifiées et le recours au mandataire commun, ou à défaut d'accord, à un mandataire judiciaire, reste indispensable en raison des droits concurrents et égaux des co-indivisaires sur le bien indivis.
Le chapitre II, composé de huit articles, contient diverses mesures tendant à favoriser la prise de décision en assemblée générale.
L'article 23 de l'ordonnance crée un nouvel article 17-1 AA dans la loi du 10 juillet 1965 afin de permettre à tout copropriétaire de solliciter la convocation et la tenue d'une assemblée générale, à ses frais, pour faire inscrire à l'ordre du jour une ou plusieurs questions ne concernant que ses droits et obligations.
En application de l'article 7 du décret du 17 mars 1967, et sauf cas particuliers, l'assemblée générale est convoquée par le syndic. L'article 8 de ce décret précise en outre que cette convocation est de droit lorsqu'elle est demandée soit par le conseil syndical, s'il en existe un, soit par un ou plusieurs copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires, sauf si le règlement de copropriété prévoit un nombre inférieur de voix.
Toutefois, certains copropriétaires ne peuvent pas attendre la tenue de l'assemblée générale annuelle, par exemple pour réaliser certains travaux lourds touchant à des murs porteurs au sein de leur lot. Afin de prévenir le risque d'une multiplication des assemblées générales de copropriétaires au cours d'une même année, le copropriétaire demandeur devra assumer l'intégralité des frais de convocation et de tenue de l'assemblée générale dont il sollicite la convocation et qui ne concerne que ses droits et obligations.
L'article 24 de l'ordonnance modifie les modalités d'appréciation du seuil de majorité prévu à l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 afin de tenir compte de la création par la loi ELAN de la possibilité pour les copropriétaires de voter par correspondance, avant la tenue de l'assemblée générale. La majorité de droit commun au sein de la copropriété est donc désormais celle des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.
En outre, le e du II de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, relatif à l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais certains travaux d'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, est supprimé, dans la mesure où la possibilité de réaliser de tels travaux est désormais ouverte de droit à chaque copropriétaire, sous certaines conditions et sauf opposition motivée de l'assemblée générale, au nouvel article 25-2 (cf. infra).
La suppression des vide-ordures pour des impératifs d'hygiène (g de l'article 25) et l'autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties communes (i de l'article 25) relèvent désormais de la majorité de l'article 24, ce qui facilitera l'adoption de ces deux catégories de décisions qui répondent à un intérêt collectif impérieux (nouveaux e et h du II de l'article 24).
Enfin, le III de l'article 24, relatif à la répartition de certaines dépenses au sein du règlement de copropriété, est déplacé au dernier alinéa de l'article 10 de la loi de 1965 (cf. supra, développements sur l'article 9 de l'ordonnance).
L'article 25 de l'ordonnance modifie l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965. Par cohérence avec les nouvelles dispositions des articles 21-1 à 21-5 relatifs aux délégations de pouvoir accordées au conseil syndical, le a de l'article 25 élève partiellement au niveau législatif les dispositions de l'article 21 du décret du 17 mars 1967 relatif aux délégations de pouvoirs ponctuelles accordées par l'assemblée générale de prendre l'une des décisions mentionnées à l'article 24.
En revanche, la délégation de pouvoir concernant la mise en application et le suivi des travaux et contrats financés dans le cadre du budget prévisionnel lorsque le syndicat comporte au plus quinze lots est supprimée. Certaines parties prenantes ont souligné que cette possibilité, introduite par la loi ALUR, conduisait à faire peser sur le conseil syndical une obligation qui devrait normalement reposer sur le syndic, s'agissant de travaux et contrats financés dans le cadre du budget prévisionnel. Par le biais de ce type de délégations, le syndic se faisait substituer dans sa gestion par le conseil syndical, alors que le IV de l'article 18 de la loi de 1965 interdit en principe toute substitution. Ces délégations pouvaient en outre poser des problèmes de frontières entre les attributions déléguées au conseil syndical et les pouvoirs propres du syndic en matière de suivi de certains travaux d'entretien ou de maintenance relevant du budget prévisionnel. Lorsque le syndic est un professionnel rémunéré, il apparaît ainsi légitime qu'il assume l'intégralité de sa mission, alors que les membres du conseil syndical sont des bénévoles non rémunérés, qui ne disposent pas nécessairement des compétences requises pour assurer le suivi de travaux et contrats, en particulier dans les copropriétés de petite taille.
Afin de faciliter la mise en place de dispositifs automatiques de fermeture de l'entrée des immeubles en copropriété (digicode, interphone, badge, etc.), notamment pour des raisons de sécurité, il est proposé de soumettre la décision portant sur les modalités d'ouverture de portes d'accès aux immeubles (ancien c de l'article 26) à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat en lieu et place de la double majorité de l'article 26.
Enfin, le i de l'article 25 est remplacé afin de prévoir que la délégation de pouvoir donnée au président du conseil syndical d'introduire une action judiciaire contre le syndic en réparation du préjudice collectif subi par le syndicat des copropriétaires relève de la majorité des voix de tous les copropriétaires.
L'article 26 de l'ordonnance modifie l'article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965, relatif au mécanisme dit de « la passerelle » qui permet de soumettre au vote à la majorité simple de l'article 24 une résolution qui n'a pas recueilli la majorité des voix des copropriétaires composant le syndicat, dès lors qu'elle a recueilli au moins le tiers de celles-ci.
Pour favoriser la prise de décision et lutter contre les effets néfastes de l'absentionnisme au sein des copropriétés, cette procédure de la passerelle est désormais étendue à toutes les décisions relevant de la majorité absolue de l'article 25. Elle sera ainsi applicable non seulement aux travaux d'amélioration et à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau (ancien n et o de l'article 25) mais également à la décision de retrait du syndicat initial de bâtiments pour constituer une propriété séparée, lorsque la division au sol est possible ou en cas de division en volumes (article 28), à la décision d'aliéner le droit de surélever un bâtiment se situant dans le périmètre d'un droit de préemption urbain (article 35), à l'ouverture d'un compte séparé dans un établissement bancaire choisi par l'assemblée générale (II de l'article 18), ou encore à l'adhésion à une union de syndicats (article 29).
L'extension du recours au mécanisme de la passerelle, qui permet de faciliter le processus décisionnel sans porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété des copropriétaires, est apparue à la majorité des acteurs du secteur préférable à un abaissement généralisé des seuils de majorité, qui bouleverserait les grands équilibres de la copropriété.
Par ailleurs, dans une logique de clarification et de simplification, le recours à la passerelle est à présent systématique dès lors que les conditions requises sont réunies. Les moyens de vote étant élargis depuis la loi ELAN, les majorités pourront être plus aisément atteignables et la passerelle ne trouvera en pratique pas toujours à s'appliquer.
Enfin, le mécanisme en vigueur autorisant la convocation d'une nouvelle assemblée générale dans un délai rapproché, alors même que le projet n'a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, avec un second vote à la majorité simple de l'article 24 est supprimé. Cette seconde hypothèse de passerelle aboutissait en effet à faire passer « en force » des résolutions qui n'avaient pas obtenu lors du premier vote un seuil suffisant de voix de copropriétaires composant le syndicat en leur faveur, en engendrant des frais de convocation et de tenue d'assemblée générale, voire du contentieux supplémentaire (inscription de nouvelles questions à l'ordre du jour, modification du projet de résolution soumis au vote de la seconde assemblée générale, etc.).
L'article 27 de l'ordonnance crée, après l'article 25-1, un nouvel article 25-2 dans la loi du 10 juillet 1965 afin d'ouvrir un droit à tout copropriétaire de faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l'accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble.
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées n'oblige pas les syndicats de copropriétaires à mettre aux normes d'accessibilité les parties communes des immeubles ne comportant que des logements. Dans les immeubles anciens ne recevant pas du public, le syndicat n'a pas l'obligation de réaliser des travaux d'accessibilité du bâtiment et un copropriétaire ne peut pas exiger du syndicat des copropriétaires qu'il procède à ce type de travaux. Le dispositif en vigueur qui permet à un copropriétaire de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale de réaliser ces travaux à ses frais s'avère insuffisant même si l'autorisation est donnée à la majorité simple (e du II de l'article 24). Ainsi, des propriétaires souffrant de divers handicaps ne parviennent pas toujours à obtenir l'installation d'un monte-escalier électrique dans des immeubles dépourvus d'ascenseurs, les refus de l'assemblée générale étant parfois justifiés par des motifs d'atteinte à l'esthétique de l'immeuble. La logique du processus est désormais inversée, tout en respectant le droit de propriété des copropriétaires, puisque l'autorisation est de droit, sauf opposition de l'assemblée générale, statuant à la majorité des voix de tous les copropriétaires, fondée sur l'atteinte à la structure de l'immeuble ou ses éléments d'équipements essentiels, ou sur leur non-conformité à la destination de l'immeuble.
Par ailleurs, afin d'éviter toute difficulté d'interprétation, il est précisé expressément que le copropriétaire faisant procéder aux travaux à ses frais exercera les pouvoirs du maître d'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. Cette précision est apparue opportune dès lors qu'il n'existe pas de définition précise du maître d'ouvrage dans les textes. L'entretien des installations incombera ensuite, dans le silence ou la contradiction des titres, au syndicat des copropriétaires si, en application du huitième alinéa de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, il s'agit d'un élément incorporé aux parties communes.
L'article 27 de l'ordonnance crée, par ailleurs, un nouvel article 25-3 dans la loi du 10 juillet 1965 afin d'inciter les copropriétaires à entreprendre des travaux, en prévoyant l'inscription obligatoire à l'ordre du jour de l'assemblée générale appelée à se prononcer sur des travaux relevant de l'article 26-4 (travaux concernant les parties communes ou travaux d'intérêt collectifs sur parties privatives) de la question du recours éventuel à un emprunt collectif destiné à les financer. Une telle exigence ne présente aucun risque pour les copropriétaires, qui demeurent libres par la suite de recourir ou non à l'emprunt collectif.
L'article 28 de l'ordonnance complète le dernier alinéa de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 afin de consacrer la jurisprudence selon laquelle le règlement de copropriété ne peut être modifié, en ses stipulations relatives à la destination de l'immeuble, que par une décision de l'assemblée générale prise à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires. Cette exigence d'unanimité se déduit d'articles spécifiques de la loi du 10 juillet 1965 (souscription d'un emprunt collectif, aliénation des parties communes, travaux affectant les parties communes, travaux d'amélioration, modification de la répartition des quotes-parts de charges, etc.), sans qu'un principe général ne soit posé concernant la charte commune de l'immeuble en copropriété. Ce principe fondamental, protecteur des droits des copropriétaires, est donc consacré afin de sécuriser les copropriétés et de prévenir les contentieux en évitant toute modification par l'assemblée générale de stipulations claires du règlement de copropriété concernant la destination de l'immeuble, à une majorité dégradée.
L'article 29 de l'ordonnance rétablit l'article 26-1 de la loi du 10 juillet 1965 pour consacrer un nouveau mécanisme de passerelle pour les décisions relevant de la double majorité renforcée de l'article 26, à savoir la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers de voix.
Cette majorité renforcée se justifie par la nécessité d'assurer une stabilité aux éléments essentiels du syndicat en protégeant les copropriétaires minoritaires sur des sujets particulièrement sensibles dont certains touchent à la substance même du droit de propriété indivis des copropriétaires sur les parties communes : aliénation, modification ou établissement du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes, suppression du poste de concierge ou de gardien et aliénation de son logement de fonction.
Cependant, elle se révèle très difficile à atteindre. L'absentéisme chronique des copropriétaires lors des assemblées générales complique considérablement l'adoption de décisions relevant de la double majorité renforcée, en nombre et en voix, en particulier dans les copropriétés de grande taille. Plusieurs acteurs de la copropriété ont souligné la difficulté, voire la quasi-impossibilité, en raison de l'obstruction d'une petite minorité de copropriétaires ou d'un absentéisme récurrent, à atteindre ce seuil.
La création d'une nouvelle passerelle, sur le modèle de l'article 25-1, pour les décisions relevant de la double majorité renforcée de l'article 26 devrait permettre de remédier à ces situations de blocage tout en préservant un équilibre entre gestion collective et respect du droit de propriété des copropriétaires sur leurs parties communes, en offrant une seconde chance d'adoption à un projet de résolution suffisamment « consensuel » qui a déjà reçu l'adhésion d'un seuil représentatif de copropriétaires.
Afin de continuer à protéger les copropriétaires minoritaires, la passerelle vers un second vote est autorisée lorsque l'assemblée générale n'a pas décidé pour ou contre le projet de résolution à la double majorité renforcée de l'article 26 mais que le projet a au moins recueilli l'approbation de la moitié des membres du syndicat présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires. Dans ce cas, la même assemblée procède désormais à un second vote immédiat à la majorité des voix de tous les copropriétaires (majorité de l'article 25).
Enfin, l'article 30 de l'ordonnance modifie le dernier alinéa de l'article 26-4 relatif au point de départ du délai accordé aux copropriétaires pour manifester leur souhait de souscrire un emprunt collectif. Afin que le délai parte au même moment pour tous les copropriétaires, il est proposé de fixer le point de départ de ce délai à la notification du procès-verbal d'assemblée générale. Actuellement, les copropriétaires opposants ou défaillants disposent d'un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée générale pour manifester leur volonté auprès du syndic, tandis que pour les autres copropriétaires, ayant émis un vote favorable, le délai de deux mois court à compter de la tenue de l'assemblée générale. La fixation d'un point de départ unique devrait faciliter le recensement des copropriétaires souhaitant recourir à l'emprunt collectif et permettre au syndic de joindre au procès-verbal les informations utiles incitant l'ensemble des copropriétaires ayant des besoins de financement à se manifester.