Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise en application du II de l'article 215 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). Afin d'améliorer le droit de la copropriété, le Gouvernement est autorisé, selon les termes de l'habilitation, à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à améliorer la gestion des immeubles et à prévenir les contentieux, destinées à :
1° Redéfinir le champ d'application et adapter les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis au regard des caractéristiques des immeubles, de leur destination et de la taille de la copropriété, d'une part, et modifier les règles d'ordre public applicables à ces copropriétés, d'autre part ;
2° Clarifier, moderniser, simplifier et adapter les règles d'organisation et de gouvernance de la copropriété, celles relatives à la prise de décision par le syndicat des copropriétaires ainsi que les droits et obligations des copropriétaires, du syndicat des copropriétaires, du conseil syndical et du syndic.
Genèse de la réforme
Après la copropriété « par étage » instaurée par l'article 664 du code civil et la copropriété « par appartement » issue de la loi du 28 juin 1938, la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis a créé la notion de « lot » composé de manière indivisible d'une partie privative et d'une quote-part corrélative de parties communes. Cette loi est la principale source du droit de la copropriété que complète son décret d'application n° 67-223 du 17 mars 1967.
Ces deux textes ont subi de très nombreuses réformes depuis leur adoption, de sorte que leur physionomie en a été profondément modifiée. Au cours des seules 25 dernières années, le nombre d'articles de la loi a été multiplié par cinq et l'addition des seuls articles de la loi et de son décret d'application conduit à comptabiliser aujourd'hui 234 articles.
Les réformes les plus importantes sont issues de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et renouvellement urbains et de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
La loi du 13 décembre 2000 a notamment introduit dans la loi de 1965 des dispositions relatives à la gestion des grands ensembles immobiliers (scission des copropriétés, création d'unions de syndicats voisins). Elle a également inséré des dispositions favorisant le recouvrement des charges ou encore la prise de décision en assouplissant les règles de majorité.
La loi du 24 mars 2014 a quant à elle favorisé la réalisation de travaux dans les copropriétés et contient un dispositif destiné au redressement des copropriétés en difficulté.
En 2015, le 50e anniversaire de la loi du 10 juillet 1965 a été l'occasion pour la doctrine et les praticiens de s'interroger sur les difficultés d'application du statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Il a alors été mis en lumière la nécessité de préserver ce système original, fondé sur des grands principes issus du droit des biens (propriété, indivision), du droit des personnes (personnalité morale du syndicat des copropriétaires, dotée d'un « patrimoine ») et du droit des obligations (paiement des charges), qui a inspiré de nombreux pays (Québec, Belgique, Algérie, Côte d'Ivoire, Haïti, etc.). Dans le même temps, ont également été soulignées les limites de ce statut, certes protecteur, mais n'offrant pas la possibilité d'une adaptation aux spécificités de chaque copropriété, qu'il s'agisse notamment de leur taille, de leur structure ou de leur destination.
Le constat a également été partagé par les professionnels du secteur de l'existence d'un formalisme parfois excessif du droit de la copropriété, qui s'est renforcé au fur et à mesure des réformes intervenues depuis l'adoption de la loi du 10 juillet 1965, et qui a pu constituer un frein à la bonne gestion de certaines copropriétés.
A enfin été soulignée la nécessité d'une meilleure prise en compte par les copropriétaires de la dimension collective de la copropriété et de la nécessité de préserver leur patrimoine commun, en anticipant la réalisation de travaux indispensables à la conservation de leur immeuble.
Il est donc apparu indispensable, conformément au vœu émis non seulement par la doctrine, mais également par de nombreux acteurs de terrain (représentants des syndics professionnels, consommateurs, copropriétaires, membres de conseils syndicaux), de clarifier et de moderniser le statut, tout en conservant l'esprit des rédacteurs de la loi du 10 juillet 1965.
Compte tenu des enjeux importants liés à une telle réforme, alors que la France compte aujourd'hui près de 10 millions de logements en copropriété, il a été procédé à une large consultation de l'ensemble des professionnels du secteur (syndics, notaires, avocats spécialisés, géomètres-experts, etc.) et associations de représentants des copropriétaires.
A cette fin, un questionnaire ouvert a été adressé aux principales parties prenantes au mois de février 2018, portant sur des thématiques précisément identifiées, à savoir la modernisation du processus décisionnel, la facilitation des décisions de travaux, la place et les pouvoirs du conseil syndical, l'adaptation du statut de la copropriété en fonction des caractéristiques, de la taille et de la nature de l'immeuble, la clarification et la simplification des actions en justice.
Cette consultation a permis de recueillir les observations des acteurs du secteur, qui ont été discutées dans le cadre de plusieurs réunions de restitution qui se sont tenues entre les mois d'avril et de septembre 2018.
A la suite du vote de l'habilitation accordée au Gouvernement pour procéder à la réforme du droit de la copropriété par voie d'ordonnance, un avant-projet de texte a été élaboré et soumis à la consultation des parties prenantes.
L'ensemble de ces travaux a permis au Gouvernement d'aboutir à un texte répondant aux objectifs de clarification, de modernisation, de simplification et d'adaptation du statut de la copropriété des immeubles bâtis, et susceptible de répondre aux attentes des professionnels du droit et des acteurs de la copropriété.
Objectifs de la réforme
L'objectif premier de la réforme est d'aboutir à une modernisation du modèle afin d'améliorer la gestion des immeubles en copropriété et de prévenir les contentieux.
Ces évolutions ont été envisagées dans le respect des prérogatives de chaque organe de la copropriété (syndicat des copropriétaires, syndic, conseil syndical) ainsi que de l'équilibre à préserver entre facilitation de la gestion collective de l'immeuble et respect des droits individuels de chaque copropriétaire.
L'amélioration de la gestion des immeubles en copropriété constitue le premier objectif poursuivi par l'ordonnance.
Elle passe notamment par une redéfinition du champ d'application de la loi du 10 juillet 1965 au regard des caractéristiques, de la destination ou de la taille des immeubles ainsi que des règles applicables à ces copropriétés. Actuellement, le champ d'application de la loi du 10 juillet 1965 est impératif, de sorte que la loi s'applique de plein droit à tout type d'immeuble bâti dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes.
Toutefois, la projection d'un régime uniforme d'ordre public pour la gestion de tous les immeubles suscite depuis longtemps des interrogations de la part de la doctrine et des praticiens, jugeant ces mécanismes trop rigides pour s'adapter aux exigences de ces différents types de copropriétés et estimant qu'il conviendrait, sous certaines conditions et dans certaines limites, de prévoir des aménagements ou assouplissements de certaines règles impératives du statut de la copropriété.
L'ordonnance prévoit donc des mesures d'adaptation pour les copropriétés qui ne sont pas à usage d'habitation, l'édiction d'un corps de règles spécifiques applicables aux petites copropriétés, ainsi que des mesures prenant en compte la structure spécifique de certains immeubles en copropriété et leur « multifonctionnalité » (copropriétés relevant du tertiaire ou à usage mixte).
Il est également apparu nécessaire, dans le respect du droit de propriété, de clarifier et de simplifier les modalités de prise de décision, afin de remédier à l'inertie de certains copropriétaires, absents lors des assemblées générales, et de faciliter la réalisation de travaux d'intérêt collectif dans les parties privatives.
Par ailleurs, le renforcement du rôle et des pouvoirs du conseil syndical (délégations de pouvoirs, mise en concurrence des contrats de syndics, saisine du juge aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc, etc.) devrait constituer un levier utile d'amélioration de la gestion des immeubles en copropriété, sans toutefois remettre en cause l'équilibre des pouvoirs entre le syndic, organe de gestion, et le conseil syndical, organe d'assistance et de contrôle.
Le second objectif de la réforme du droit de la copropriété est de prévenir les contentieux, alors qu'il ressort d'une étude récente du ministère de la justice que le nombre de contentieux de la copropriété portés devant les juridictions du premier degré a augmenté de 24 % entre 2007 et 2017, passant ainsi de 33 600 à 41 700 demandes.
Cet objectif sera atteint par la consécration de plusieurs solutions prétoriennes, rendant ainsi le droit de la copropriété plus accessible.
Il est à cet égard proposé de clarifier et sécuriser le régime juridique de certaines notions, telles que les parties communes générales, spéciales, le droit de jouissance privatif sur parties communes, le lot transitoire, les servitudes sur parties communes ou la surélévation. Il est également proposé de clarifier les règles applicables au contrat de syndic, notamment en cas de non renouvellement et de résiliation, ainsi que celles relatives à l'obligation de mise en concurrence des projets de contrats de syndic mise à la charge du conseil syndical.
Présentation de l'ordonnance
L'ordonnance comprend six titres et 42 articles.
Le titre Ier traite de la structure juridique de l'immeuble en copropriété, le titre II des dispositions relatives à l'administration de la copropriété, le titre III de la prise de décision au sein de la copropriété, le titre IV des dispositions propres à certaines copropriétés, le titre V des dispositions diverses et le titre VI des dispositions transitoires et finales.
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