- La communication au public et à la presse des résultats
Chaque électeur doit être libre de son comportement, en décidant de se rendre ou non au bureau de vote, et de son choix en faveur de tel ou tel candidat. Une annonce prématurée de résultats est de nature à modifier l'un ou l'autre ou les deux. Il convient donc de conjurer le risque de voir certains électeurs renoncer à voter parce que le résultat serait prématurément présenté comme acquis ou de voir leur vote influencé par des informations diffusées illégalement et dont l'ensemble du corps électoral n'aurait pu disposer.
Ce principe se justifie par l'absolue nécessité de préserver de toute interférence extérieure le droit de chaque citoyen à la libre expression de son suffrage. Deux séries de dispositions visent à en garantir l'effectivité.
D'une part, les dispositions de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, modifiée par la loi du 19 février 2002, interdisent le jour du scrutin la diffusion et le commentaire par quelque moyen que ce soit de tout sondage. Cette disposition s'applique aux éventuels sondages réalisés à la sortie des urnes auprès des électeurs.
D'autre part, en vertu de l'article L. 52-2 du code électoral, « en cas d'élections générales, aucun résultat d'élection, partiel ou définitif, ne peut être communiqué au public, par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, en métropole, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain. Il en est de même dans les départements d'outre-mer avant la fermeture du dernier bureau de vote dans chacun des départements concernés ». Cet article est applicable dans les autres collectivités d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) en application des dispositions combinées du II de l'article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 et de l'article L. 388 du code électoral.
La commission a veillé au respect de ces dispositions à un double titre : en prenant les initiatives nécessaires pour éviter une diffusion prématurée des résultats du scrutin avant la fermeture du dernier bureau de vote et en demandant qu'aucune diffusion des résultats obtenus dans les collectivités d'outre-mer ayant voté le samedi n'intervienne avant la fermeture du dernier bureau de vote en métropole.
4.1. La diffusion prématurée des résultats du scrutin
Le risque d'une diffusion prématurée d'indications sur l'issue du scrutin alors que l'ensemble des bureaux de vote n'était pas fermé, déjà présent en 2002, a pris en 2007 une ampleur inégalée. Des personnalités du monde des médias ou de l'internet annonçaient à l'envi qu'elles diffuseraient sur leur site internet ou sur leur « blog » les résultats de sondages sortis des urnes ou les estimations de résultat.
La commission a entrepris une action déterminée afin que le libre choix des électeurs puisse ainsi être garanti et de ce fait également la sincérité du scrutin.
En premier lieu, elle a publié deux communiqués, communs avec la commission des sondages, en date du 18 avril 2007, pour le premier tour de scrutin, et du 3 mai 2007, pour le second tour, par lesquels elle a rappelé la portée que ces deux organismes ont donnée à l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977. Elle a estimé que cet article interdisait, jusqu'à la fermeture, le dimanche, du dernier bureau de vote en métropole, la diffusion et le commentaire, sur l'ensemble du territoire de la République, par quelque moyen que ce soit, des éventuels sondages réalisés à la sortie des urnes auprès des électeurs ayant voté le samedi ou le dimanche 6 mai ainsi que des résultats des opérations ayant pour objet de donner une connaissance immédiate des résultats de chaque tour de scrutin. Elle a aussi indiqué que ces dispositions interdisaient également qu'il fût publiquement fait état, par quelque moyen que ce soit, de simples tendances qui seraient issues de ces différentes opérations. Elle a, par ailleurs, rappelé que la méconnaissance de ces prescriptions constituait une infraction pénale susceptible, en vertu de l'article 12 de la loi du 19 juillet 1977 et de l'article L. 90-1 du code électoral, d'être punie d'une amende de 75 000 euros par infraction constatée. La commission avait averti que tout fait répréhensible serait immédiatement porté à la connaissance du procureur de la République. La commission a expliqué de manière résolue sur les divers supports des médias (presse écrite, radio, télévision) le sens de sa position et manifesté ainsi sa détermination.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et le Conseil constitutionnel ont pris position dans le même sens. Finalement, nombre des initiatives annoncées ne se sont pas concrétisées.
En deuxième lieu, elle a appelé l'attention des fournisseurs d'accès et des hébergeurs des sites internet sur les dispositions de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Cet article permet, dans les conditions qu'il prévoit, d'engager la responsabilité des fournisseurs d'accès ou des hébergeurs de site s'ils ont eu effectivement connaissance du caractère illicite d'une information mise à la disposition du public à la demande d'un destinataire de services de communication au public. L'information, dont la diffusion est prohibée en vertu de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977, présentant un caractère illicite au sens de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004, la commission a tenu à en faire part, par courrier, au fournisseur d'accès ou à l'hébergeur dans l'hypothèse où un site pour lequel il aurait cette qualité serait susceptible de contenir une telle information. Elle a invité le destinataire de ces correspondances à prendre sans délai les mesures s'imposant pour éviter la diffusion au public d'informations illicites. Cette demande a été suivie d'effet.
Enfin, la commission a mis en place un dispositif de suivi de nombreux sites internet pour chacun des deux tours de scrutin. Par ailleurs, elle a décidé de se réunir le dimanche 22 avril à partir de 18 heures.
Pour le premier tour de scrutin, des indications sur les résultats de l'élection ont, certes, pu être accessibles dès 18 heures à des internautes ayant réussi à se connecter à des sites francophones situés à l'étranger. En revanche, les règles légales ont généralement été respectées sur le territoire français. Sans doute, des indications assez précises ont-elles pu être obtenues à partir de 19 h 30 au vu des images des quartiers de campagne diffusées par les chaînes de télévision. Mais, pour regrettable qu'elle soit, cette situation n'a pas affecté la sincérité des opérations électorales.
En revanche, pour le second tour, des sites internet de la presse francophone, situés dans des pays riverains de la France, ont diffusé dès 17 h 30 des résultats des sondages réalisés à la sortie des urnes puis, après 18 heures, des estimations des résultats effectuées à partir du dépouillement des bulletins dans des bureaux présélectionnés. Le résultat prévisible du scrutin a également été annoncé dès 18 h 15 sur de nombreux sites d'organes d'information français.
La commission considère que ces difficultés pourraient, en grande partie, être surmontées si la fermeture des bureaux de vote en métropole intervenait à la même heure. Le décalage de deux heures entre la fermeture des premiers bureaux de vote à 18 heures (concernant 75 % du corps électoral) et celle des derniers bureaux à 20 heures (représentant 20 % des électeurs) (33) est propice à la divulgation des estimations du résultat final réalisées à partir des résultats obtenus dans des petits bureaux dont le dépouillement est achevé moins d'un quart d'heure après la fermeture du bureau de vote à 18 heures. Par ailleurs, il conviendrait que l'interdiction, avant la fermeture du dernier bureau de vote en métropole, de la diffusion par tout moyen des sondages « sortie des urnes » ou des estimations de résultats soit assortie de sanctions effectivement dissuasives afin qu'en soit garantie l'effectivité.
Ainsi et afin de préserver jusqu'à son terme la sincérité du scrutin, la commission recommande de fixer en métropole un horaire unique de fermeture des bureaux de vote et de renforcer de manière significative les sanctions encourues en cas de violation de l'interdiction de diffusion, avant cette fermeture, des sondages « sortie des urnes » ou des estimations de résultats (34).
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