3.6. La campagne électorale à l'étranger
Les Français établis à l'étranger représentaient 380 000 électeurs en 2002. Le nombre d'inscrits sur les listes électorales s'est, en 2007, élevé à 850 000 électeurs. Si ces électeurs étaient regroupés dans une même collectivité, celle-ci se situerait au 11e rang par ordre d'importance du nombre d'électeurs. Cette situation explique que plusieurs candidats soient allés à leur rencontre à l'occasion de déplacements à des fins électorales dans les pays correspondants.
Lors de l'élection présidentielle de 2002, l'article 10 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République interdisait toute propagande électorale à l'étranger.
Avant la loi organique du 20 juillet 2005, le Conseil d'Etat avait jugé que cette interdiction était compatible avec les articles 19, 21, 22 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ainsi qu'avec les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 du premier protocole additionnel à cette convention eu égard, d'une part, à l'ensemble des mesures édictées par la loi afin de garantir le libre choix des électeurs et, d'autre part, aux contraintes particulières auxquelles sont soumises les élections organisées à l'étranger (29).
Cette disposition a été modifiée par le 1° de l'article 3 de la loi organique n° 2005-821 du 20 juillet 2005. Le législateur a en effet estimé que la rédaction antérieure de la loi organique était incompatible avec les traités communautaires et la Convention européenne des droits de l'homme. Il a donc introduit une distinction entre les pays, selon qu'ils relèvent ou non de l'Union européenne et plus largement de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans le premier cas, la propagande électorale à l'étranger est autorisée et, dans le second, elle demeure interdite.
La commission a ainsi été conduite à prendre position sur la portée de ces dispositions (30). Elle s'est attachée à en déterminer le cadre temporel et géographique et a immédiatement porté à la connaissance des candidats, déclarés ou présumés, sa position arrêtée dès le 14 mars 2007.
Sur le premier point, elle a considéré que la période concernée par l'interdiction de toute propagande électorale visée par l'article 10 de la loi organique du 31 janvier 1976 s'entendait seulement de celle correspondant à la campagne électorale dont la durée est déterminée par l'article 10 du décret du 8 mars 2001. Pour l'élection présidentielle de 2007, cette interdiction s'appliquait ainsi à partir du 9 avril 2007 pour le premier tour et, pour le second tour, à partir du jour de la publication au Journal officiel des noms des deux candidats habilités à se présenter. Pour la période antérieure à l'ouverture de la campagne électorale, toute propagande électorale n'était donc pas interdite, quel que soit le pays où elle était effectuée, sous réserve naturellement de la législation de ce pays et de l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 janvier 1976 précitée.
Sur le second point, la commission a relevé que, par les dispositions de l'article 10, éclairées par les travaux préparatoires, le législateur avait entendu instituer un régime différent (31), selon que le pays en cause appartient à l'un ou l'autre des deux groupes suivants :
- si le pays est membre de l'Union européenne ou partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la propagande électorale est, sous les mêmes réserves énoncées ci-dessus, autorisée pendant la période précitée ;
- si le pays ne relève pas de ce groupe, toute propagande est interdite pendant cette période.
Toutefois, la commission s'est fortement interrogée sur le respect par la France de ses engagements internationaux. Elle nourrit à cet égard les doutes les plus sérieux. En effet, la modification de la loi, introduite en 2005 et effectuant la distinction entre ces deux groupes de pays, a été justifiée par le fait que la législation antérieure restreignait l'exercice de la liberté d'expression garanti par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Or cette liberté ne se divise pas et un tel motif pourrait être invoqué pour faire échec à l'application de l'article 10 de la loi de 1976 modifié, quel que soit le pays où le candidat entendrait faire campagne. Autrement dit, le respect de l'exercice de la liberté d'expression, garanti par cet article de la Convention européenne des droits de l'homme, commande d'autoriser la propagande à l'étranger sans discrimination entre les pays tout en tenant compte naturellement des contraintes particulières inhérentes à la législation de chaque pays où des Français sont établis.
En conséquence, la commission propose que l'article 10 de la loi organique du 31 janvier 1976 soit modifié et prévoie l'autorisation de la propagande électorale à l'étranger sans aucune discrimination entre les pays, sous réserve naturellement que la législation du pays en cause autorise sur son territoire une telle propagande (32).
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