Monsieur le Président de la République,
L'article 82 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République autorise le Gouvernement à supprimer, par voie d'ordonnance :
- les compétences contentieuses et disciplinaires du Conseil supérieur de l'éducation (CSE) prévues à la section II du chapitre Ier du titre III du livre II du code de l'éducation ;
- et, par voie de conséquence, celles des conseils académiques de l'éducation nationale (CAEN) prévues au chapitre IV du titre III du livre II du code de l'éducation et de la commission des titres d'ingénieur (CTI) prévues au chapitre II du titre IV du livre VI du même code, dont les décisions sont susceptibles d'appel devant le CSE.
L'article 82 du projet de loi habilite également le Gouvernement à prévoir les dispositifs qui se substituent à ceux ainsi supprimés.
Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à l'instar des autres départements ministériels, a initié depuis quelques années un mouvement tendant à supprimer les juridictions administratives spécialisées relevant de leur domaine de compétences, en transformant en procédures administratives les procédures juridictionnelles devant des instances spécialisées, et en les soumettant au contrôle de droit commun de la juridiction administrative.
A titre d'exemple, on peut citer la suppression des commissions spéciales de la taxe d'apprentissage par l'article 26 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, ou la suppression des compétences juridictionnelles du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) en matière de fraude au baccalauréat par le décret n° 2012-640 du 3 mai 2012 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux candidats au baccalauréat.
L'objet de la présente ordonnance est de supprimer les compétences contentieuses et disciplinaires du CSE et des CAEN qui constituent, lorsqu'ils exercent ces compétences, des juridictions administratives spécialisées.
En l'état actuel du droit et en vertu de l'article L. 231-6 du code de l'éducation, le CSE statue en appel et en dernier ressort sur les jugements rendus en matière contentieuse et en matière disciplinaire par les CAEN et sur les décisions prises par la CTI relativement aux écoles privées légalement ouvertes qui demandent à délivrer les diplômes d'ingénieur. Il est également compétent (en vertu de l'article L. 231-10 du même code) pour décider le relèvement des déchéances et des incapacités résultant des décisions ayant prononcé à l'encontre des membres de l'enseignement public ou privé l'interdiction du droit d'enseigner ou la suspension du droit de diriger un établissement privé, ainsi que celles résultant, pour les membres de l'enseignement public secondaire, de leur révocation ou de leur suspension par les conseils disciplinaires.
Les CAEN sont, quant à eux, compétents pour prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre de personnels des établissements d'enseignement privés (1°, 2° et 3° de l'article L. 234-3 du code de l'éducation) et pour statuer sur les décisions d'opposition à l'ouverture d'un établissement d'enseignement privé pour des raisons d'ordre public (4° de l'article L. 234-3).
Or, l'existence d'une procédure contentieuse et disciplinaire devant le CAEN ne revêt, sur le plan juridique, aucune nécessité. Elle se comprend essentiellement au regard des considérations qui ont pu prévaloir lors de la mise en place de ce type d'instances dans le courant de la deuxième moitié du xixe siècle. La création de telles instances spécifiques reposait sur l'idée qu'il était opportun de mettre en œuvre, de façon générale, un régime de responsabilité disciplinaire dérogatoire au droit commun pour les enseignants. Cependant, les compétences disciplinaires et juridictionnelles de ce type de juridictions spécialisées se sont progressivement réduites, en particulier, de manière substantielle, lorsque les décrets du 4 juillet 1972 ont sorti de leur champ de compétences des enseignants des établissements publics, depuis lors soumis au droit commun de la fonction publique. Désormais, on voit difficilement en quoi les missions en cause requerraient, davantage que les autres, l'existence d'instances de type juridictionnel ad hoc.
Outre que la procédure actuelle paraît relativement datée, elle présente de surcroît l'inconvénient d'être une source évidente de complexité.
Toutes ces raisons expliquent pourquoi le Gouvernement vous propose de supprimer les compétences contentieuses et disciplinaires du CSE et des CAEN, ainsi que l'y a autorisé le Parlement.
Il vous est cependant proposé de ne pas supprimer les compétences contentieuses et disciplinaires de la CTI en raison de la technicité des questions qu'elle est conduite à traiter, alors même que l'article 82 de la loi du 8 juillet 2013 autorise le Gouvernement à le faire. La CTI demeurera par conséquent compétente pour autoriser les écoles techniques privées à délivrer des diplômes d'ingénieur et pour procéder au retrait de ces autorisations (articles L. 642-4 et L. 642-6 du code de l'éducation). Cette commission a rendu dans ces domaines seize décisions en 2011, dix-neuf en 2012 et dix-neuf en 2013.
En revanche, ses décisions qui seront désormais rendues en premier et dernier ressort ne seront plus contestables en appel devant le CSE dont les compétences contentieuses sont supprimées par la présente ordonnance, mais pourront faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. Il convient à cet égard de préciser que, depuis qu'il exerce cette compétence d'appel contre les décisions rendues par la CTI, le CSE n'a été saisi que de deux recours présentés l'un en 1978 et l'autre en 2013.
La présente ordonnance est structurée en quatre sections.
La section 1 vise à supprimer les compétences contentieuses et disciplinaires du CSE ainsi que la formation du CSE qui exerçait ces compétences. La section II du chapitre Ier du titre III du livre II du code de l'éducation est donc supprimée : d'une part, le CSE ne sera plus compétent pour statuer en appel sur les jugements des CAEN et sur les décisions de la CTI (article 1er) et, d'autre part, les compétences qu'il exerçait jusqu'à présent en matière de relèvement des déchéances et incapacités sont désormais confiées au ministre de l'éducation nationale (article 5).
Les articles L. 231-10 à L. 231-13 qui traitaient du relèvement des déchéances et incapacités deviennent par conséquent un article L. 911-5-1 nouveau du code de l'éducation.
En raison de la suppression des compétences du CSE en matière de relèvement des exclusions, déchéances et incapacités et de l'abrogation des articles L. 231-10 à L. 231-13 du chapitre Ier du titre III du livre II du code de l'éducation, il est nécessaire de réécrire les articles qui y faisaient référence, à savoir les articles L. 232-4 à L. 232-6 du code de l'éducation relatifs à la procédure de relèvement des exclusions, déchéances et incapacités devant le CNESER (articles 2 à 4), ainsi que l'article L. 814-4 du code rural et de la pêche maritime relatif aux compétences du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (CNESERAAV) en matière de relèvement (article 6). Il s'agit uniquement d'une mesure de coordination, la procédure de relèvement devant ces deux instances demeurant inchangée.
Les compétences contentieuses et disciplinaires des CAEN sont supprimées dans la section 2 (abrogation des articles L. 234-3 à L. 234-5 par l'article 8).
S'agissant des attributions disciplinaires concernant les membres de l'enseignement privé dévolues aux CAEN par les 1°, 2° et 3° de l'article L. 234-3 actuellement en vigueur, il est prévu d'attribuer la compétence en la matière au recteur, après avis du CAEN réuni dans la formation prévue à l'article L. 234-2 (articles 7, 9, 10 et 17).
La décision du recteur sera susceptible d'être déférée devant les juridictions administratives de droit commun.
Les articles L. 914-6 et L. 444-9, auxquels font référence les 1° et 3° du II du nouvel article L. 234-2, sont modifiés en conséquence (articles 19 et 20).
En ce qui concerne les attributions des CAEN prévues par le 4° de l'article L. 234-3 relatives à l'opposition à l'ouverture des établissements d'enseignement privé, elles sont supprimées (abrogation des articles L. 441-3 et L. 441-12 par les articles 11 et 15 et modification de l'article L. 441-7 par l'article 13). Les articles 12, 14, 16 et 18 procèdent aux mesures de coordination rendues nécessaires par cette suppression.
La décision d'opposition à l'ouverture d'un établissement privé pourra donc être contestée directement devant la juridiction administrative, selon la procédure de droit commun pour toute décision administrative.
La section 3, composée des articles 21 et 22, modifie les articles L. 642-4 et L. 642-5 du code pour préciser que la commission des titres d'ingénieur statue en premier et dernier ressort par des décisions motivées. La compétence d'appel du CSE est supprimée.
L'article 23 de la section 4 met en cohérence avec les mesures de la présente ordonnance les articles du code qui énumèrent les dispositions de ce dernier qui sont applicables à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. L'article 24 prévoit que les dispositions de l'ordonnance, qui doivent faire l'objet d'un décret d'application, entreront en vigueur le 1er septembre 2015, des dispositions transitoires étant prévues pour les procédures disciplinaires et contentieuses susceptibles d'être engagées à cette date devant les CAEN, la CTI ou le CSE.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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