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Protection du débatpublic face aux procédures-bâillons
Assemblée plénière du 13 février 2025 (Adoption à l'unanimité)
Introduction - Dévoiler et combattre les procédures-bâillons : un impératif pour protéger le débat public
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En 2017, Daphne Caruana Galizia, journaliste maltaise d'investigation, était tuée dans un attentat à la voiture piégée. L'enquête sur son assassinat allait établir qu'elle était ciblée pour ses révélations sur la corruption de la classe politique et les abus d'entreprises maltaises. Au moment de sa mort, elle faisait l'objet de 47 procédures judiciaires engagées par des personnalités politiques et des sociétés qu'elle avait dénoncées afin de la faire taire en la harcelant et en la ruinant financièrement (1). Cette affaire dramatique est considérée comme l'un des éléments déclencheurs de l'adoption d'un instrument dédié à la lutte contre les procédures-bâillons au niveau européen (2).
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Dans son avis du 30 novembre 2023, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) faisait état, dans le contexte français, de plusieurs cas de dissuasion de la participation des défenseurs des droits humains au débat public, notamment à travers une stigmatisation et un dénigrement de leurs actions mais également des menaces de coupes de subventions ou encore des campagnes de harcèlement judiciaire de la part d'autorités publiques et d'acteurs privés (3).
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Aujourd'hui, la CNCDH souhaite insister sur l'utilisation de la voie judiciaire dans un but de dissuasion de la participation au débat public, par le recours à des procédures dites « bâillons ». Elle formule les recommandations suivantes en vue de la transposition, en droit interne, de la directive du 11 avril 2024 sur les « poursuites stratégiques altérant le débat public » (4). Ces recommandations visent à ménager un juste équilibre entre, d'une part, la protection du débat public et de l'intérêt général et, d'autre part, la préservation du droit d'accès à un tribunal. Elles s'inscrivent dans la continuité de celles déjà formulés en 2023 dans le cadre du Rapport Entreprises et droits de l'homme de la CNCDH (5) et de celles formulées par le réseau européen des institutions nationales des droits de l'Homme (ENNHRI) (6).
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Les travaux conduits à l'échelle nationale, européenne et internationale démontrent l'importance grandissante accordée à la problématique des procédures-bâillons. Au niveau européen d'abord, dès 2021 le Parlement européen invitait la Commission européenne à proposer un ensemble d'instruments juridiques pour faire face au nombre croissant de poursuites-bâillons (7). A la suite de la proposition de la Commission et de ses recommandations du 27 avril 2022 (8), la directive européenne sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les demandes en justice manifestement infondées ou les procédures judiciaires abusives était adoptée le 11 avril 2024 (9). Elle devra être transposée dans le droit national avant le 7 mai 2026. Parallèlement, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe adoptait le 5 avril 2024 une Recommandation sur la lutte contre l'utilisation des poursuites stratégiques contre la participation publique (10).
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Au niveau international ensuite, en novembre 2023 le Rapporteur Spécial des Nations unies sur les défenseurs de l'environnement publiait une lettre commentant en cinq points le projet de directive européenne (11). En avril 2024, le Haut-commissariat aux droits de l'homme alertait sur l'impact des procédures-bâillons sur les droits humains (12). Puis, en septembre 2024, la Rapporteure spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats attirait l'attention sur l'instrumentalisation des systèmes de justice afin de faire la promotion d'intérêts privés au détriment des droits humains au moyen de procès-bâillons (13).
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Au niveau national enfin, le rapport des Etats généraux de l'information, publié le 12 septembre 2024 (14), soulignait la nécessité de « veiller à une transposition rapide, complète et ambitieuse de la directive sur les procédures-bâillons » afin d'introduire un cadre plus protecteur en droit français. Dans le même sens, dans un avis de mars 2024, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) préconisait de renforcer la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures-bâillons (15). Si ces travaux sont récents, dès 2017 un rapport était effectué à la demande du gouvernement sur les procédures-bâillons engagées contre les enseignants-chercheurs (16).
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Pour autant, aucune définition des procédures-bâillons n'existe aujourd'hui en droit français. Faute de précision textuelle, ce terme est actuellement utilisé dans le débat public pour recouvrir des situations très différentes. Ainsi, dans une proposition de loi du 15 octobre 2024 portant sur la protection de la presse et de l'information (17), il était envisagé d'intégrer une définition des procédures-bâillons dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui aurait été limitée aux procédures portant atteinte à la protection des sources des journalistes. Or, la directive définit les procédures-bâillons de manière beaucoup plus large comme « des procédures judiciaires qui ne sont pas engagées en vue de faire véritablement valoir ou exercer un droit, mais qui ont pour principale finalité d'empêcher, de restreindre ou de pénaliser le débat public, fréquemment en exploitant un déséquilibre de pouvoir entre les parties, et qui tendent à faire aboutir des demandes en justice infondées ».
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La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive, cette définition soit complétée en y ajoutant la référence à l'intention de harceler ou d'intimider la cible, telle que formulée par la Recommandation du Conseil de l'Europe (18) (recommandation n° 1).
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Afin de faciliter l'identification des procédures-bâillons, la CNCDH s'est appuyée sur les finalités et indicateurs prévus par la directive et la Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe afin d'établir la liste non limitative d'indicateurs suivante, qui pourrait être intégrée à la définition ci-dessus :
- tentative d'exploitation par le demandeur d'un déséquilibre de pouvoir, de son avantage financier ou encore de son influence politique ou sociale, pour faire pression sur le défendeur ;
- argumentaire du demandeur partiellement ou totalement infondé ;
- caractère disproportionné, excessif ou déraisonnable de la demande en justice formulée par le demandeur ;
- abus de droit ou des procédures par l'action en justice introduite par le demandeur ;
- recours par le demandeur à des manœuvres procédurales ou contentieuses visant à augmenter les frais occasionnés pour le défendeur, tels que le fait d'user de manœuvres dilatoires, de choisir une juridiction défavorable à la participation publique ou vexatoire pour le défendeur, d'engendrer une charge de travail onéreuse, de se désister de mauvaise foi à un stade ultérieur de la procédure ou de faire un appel abusif ;
- action en justice visant délibérément des personnes plutôt que les organisations responsables de l'acte contesté ;
- action en justice s'accompagnant d'une offensive de relations publiques visant à harceler, intimider ou à discréditer les acteurs participant au débat public, ou à détourner l'attention de la question de fond en jeu ;
- actes d'intimidation juridique, harcèlement ou menaces par le requérant ou ses représentants ;
- engagement d'actions en justice multiples et coordonnées ou transfrontières par le demandeur ou des parties associées, fondées sur le même ensemble de faits ou qui concernent des questions similaires. -
La diversité des procédures-bâillons se reflète tant dans le panel de voies de droit utilisées que dans la pluralité des acteurs concernés. Ce dernier point rend complexe l'émergence de caractéristiques permettant d'identifier un demandeur et un défendeur « types » au-delà de la position de pouvoir du demandeur et de la finalité poursuivie (19). Les exemples suivants concernent des affaires dans lesquelles le terme « procédure-bâillon », au sens de la définition supra, a été invoqué dans le débat public. S'agissant des voies de droit, la voie pénale est prédominante (20) à travers principalement la plainte en diffamation (21) prévue par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; mais également la dénonciation calomnieuse (22), le faux et usage de faux (23), la violation du secret de l'instruction (24) ou encore l'apologie du terrorisme (25). Les voies civile et commerciale sont également utilisées au travers de poursuites engagées notamment sur le fondement du dénigrement (26), de la violation du secret des affaires (27) ou d'infractions au code monétaire et financier (28). S'agissant des demandeurs, ils peuvent être tant des personnes morales - de la Petite et moyenne entreprise (PME) (29) à la multinationale (30) - que des personnes physiques - personnalités publiques, politiques (31), hommes d'affaires. Quant aux personnes victimes, ce sont notamment des défenseurs des droits humains - particulièrement en matière environnementale (32) - des journalistes et des médias (33), des universitaires (34), des syndicalistes ou bien encore des personnes victimes de violences sexistes et sexuelles (35).
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Comme le souligne un collectif de journalistes, les exemples de poursuites engagées sur le fondement du dénigrement commercial ou l'atteinte au secret des affaires « constituent une menace d'autant plus grave qu'elles contournent les dispositions protectrices de la liberté d'expression contenues dans la loi de 1881, et soumettent les affaires à une justice commerciale déconnectée des enjeux de protection des journalistes, associations et militants » (36).
| La victime d'une procédure-bâillon n'est pas forcément un lanceur d'alerte |
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|En droit français, un lanceur d'alerte « est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement » (37).
Dans ce régime juridique spécifique, des sanctions (un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende) sont prévues en cas d'action visant à faire obstacle à un signalement, ce qui inclut l'engagement d'une procédure dite « bâillon » (38). En outre, toute procédure abusive ou dilatoire dirigée contre un lanceur d'alerte à l'occasion d'une plainte pour diffamation est passible d'une amende civile de 60 000 euros (39).
Toutefois, toute personne contre laquelle est engagée une procédure judiciaire en vue d'empêcher, retreindre ou pénaliser sa participation au débat public ne remplit pas nécessairement les conditions pour bénéficier du statut protecteur du lanceur d'alerte qui est strictement encadré par la loi (40).|
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En l'absence de qualification en droit français et d'outil statistique adéquat du phénomène, aucune comptabilisation officielle des procédures-bâillons n'existe actuellement (41).
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La CNCDH alerte sur le fait que les procédures-bâillons ne sont pas simplement des stratégies de dissuasion ayant un impact négatif sur des situations individuelles mais bien un procédé qui conduit à une fragilisation du débat public dans son ensemble (42). Face à ce constat, elle formule une série de recommandations visant à mettre en place un cadre protecteur des droits humains en droit national, à l'occasion de la transposition de la directive qui doit intervenir avant le 7 mai 2026.
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Le présent avis porte sur la manière de garantir un cadre large et protecteur des droits humains contre toutes les formes de procédures-bâillons (1), propose un système de protection ayant pour objectif de lutter efficacement contre ce phénomène (2) et présente les moyens de parvenir à une meilleure identification de ce type de poursuites (3).
Partie 1 - Garantir un cadre large et protecteur des droits humains contre toutes les formes de procédures-bâillons
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La directive du 11 avril 2024 vise à protéger « toute personne physique ou morale qui participe au débat public » (43). La CNCDH approuve ce champ ratione personae.
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En effet, comme on l'a vu supra, les personnes victimes de procédures-bâillons ne sont pas seulement des personnes physiques, mais aussi des personnes morales rendues vulnérables par la multiplication de procédures judiciaires, généralement accompagnées de demandes de dommages-intérêts pouvant atteindre plusieurs millions d'euros pour un article, un rapport ou une émission critique (44).
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En revanche, la directive ne vise que les seules procédures transfrontières.
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Si cette importante restriction s'explique par la base juridique de la directive (45), la transposition en droit interne n'a aucune raison d'écarter de son champ d'application les situations purement nationales, qui représentent la majorité du phénomène (46). Il serait incompréhensible que les garanties instituées ne s'appliquent pas à toutes les procédures-bâillons engagées devant les juridictions françaises, qu'elles présentent ou non un élément d'extranéité. La Commission européenne se prononce d'ailleurs elle-même en ce sens dans une recommandation adressée aux Etats membres (47). La CNCDH recommande donc l'instauration d'un cadre protecteur contre les procédures-bâillons incluant les affaires purement nationales (recommandation n° 2).
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Ensuite, la directive prévoit un champ matériel restreint aux « questions de nature civile et commerciale ». Là encore, cette restriction, qui exclut les procédures engagées au pénal, s'explique par la base juridique de la directive et mérite d'être dépassée dans le cadre de la transposition. Comme l'a souligné le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, les procédures-bâillons engagées au pénal ont des conséquences encore « plus lourdes pour la personne concernée et […]un effet encore plus dissuasif » (48), ce qui peut expliquer le recours préférentiel à la voie pénale par les demandeurs abusifs.
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En effet, au plan européen, la majorité des procédures-bâillons identifiées sont engagées sur la base des dispositions législatives nationales relatives à la diffamation (49), qui en droit français est une infraction pénale (50). La CNCDH recommande donc, pour atteindre l'objectif poursuivi par la directive, que les garanties, ou au moins certaines d'entre elles, soient étendues à la matière pénale (recommandation n° 3).
Partie 2 - Lutter efficacement contre les procédures-bâillons : se doter d'un système protecteur solide
- Afin d'assurer la garantie adéquate de la liberté d'expression ainsi que la protection effective des personnes victimes de procédures-bâillons, la CNCDH propose un ensemble structuré de mesures visant à dissuader les poursuites, neutraliser les abus et réparer les préjudices. La mise en œuvre de ce cadre complet permettra aux différentes mesures envisagées de se renforcer mutuellement pour atteindre l'objectif recherché.
Sous-partie 1 - Dissuader d'engager des poursuites-bâillons : des mesures adaptées pour corriger les inégalités de moyens
- L'une des difficultés majeures à laquelle sont confrontés les défendeurs à une procédure-bâillon est le coût très important des frais de procédure, que, contrairement aux demandeurs, ils ne sont pas toujours en mesure de supporter. Afin de rétablir l'égalité de moyens dans le procès, la directive prévoit la mise en place d'une garantie financière en début de procédure et l'indemnisation des frais du défendeur à l'issue de celle-ci.
Créer un mécanisme de garantie financière :
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L'article 10 de la directive prévoit « que la juridiction saisie puisse exiger, sans préjudice du droit d'accès à la justice, que le requérant constitue une caution pour les frais de procédure estimés, qui peuvent comprendre les frais de représentation en justice engagés par le défendeur ainsi que, si le droit national le prévoit, les dommages et intérêts ».
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En droit français, la loi sur la protection des lanceurs d'alerte a instauré un mécanisme de garantie financière (51). Ce dernier permet au juge d'ordonner le versement d'une provision par le demandeur pour couvrir les frais du défendeur. La demande de provision est accordée « en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure ou lorsque sa situation financière s'est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique ». Le juge peut en outre décider, à tout moment de la procédure, que cette provision est définitivement acquise quelle que soit l'issue du procès.
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Ceci pourrait inspirer la création d'une garantie financière accordée au défendeur dès le début d'une procédure-bâillon, dès lors que ce dernier démontrerait que l'objet de la procédure engagée à son encontre a trait au débat public (52).
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Une provision permettrait, d'une part, que le juge établisse dès l'introduction de la procédure le montant de la provision mis à la charge du demandeur à l'action civile ou pénale, et, d'autre part, que le coût repose sur le demandeur (53), ce qui remplit l'objectif de dissuasion poursuivi par la directive.
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Afin que la provision remplisse pleinement son rôle dissuasif, la CNCDH recommande qu'elle soit fixée en prenant en compte tant les frais de procédure estimés que les dommages-intérêts que serait en droit de demander le défendeur si la procédure se révélait être à terme une procédure-bâillon, sans préjudice du droit d'accès à la justice du demandeur (recommandation n° 4).
Garantir une prise en charge effective des frais engagés à l'issue de la procédure :
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La directive prévoit « qu'un requérant qui a engagé une procédure judiciaire abusive altérant le débat public puisse être condamné à supporter tous les types de frais de procédure qui peuvent être alloués au titre du droit national, y compris l'intégralité des frais de représentation en justice engagés par le défendeur, à moins que ces frais ne soient excessifs ».
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Or les mécanismes existant en droit français sont insuffisants ou trop difficiles à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.
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Devant les juridictions civiles et commerciales, les articles 696 et 700 du code de procédure civile prévoient la possibilité pour le juge de mettre à la charge du demandeur le paiement des frais de procédure. Cependant, il ressort des auditions menées par la CNCDH qu'en pratique l'indemnisation allouée est partielle, généralement très en-deçà des frais réellement exposés par le défendeur, et peut s'apparenter à une forfaitisation (54).
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C'est pourquoi, afin d'assurer l'objectif de la directive, la CNCDH recommande de créer dans le code de procédure civile une disposition prévoyant qu'en présence d'une procédure-bâillon le juge est tenu de condamner le demandeur au remboursement de la totalité des honoraires de l'avocat du défendeur, dès lors que ces derniers ne sont pas excessifs, ainsi qu'à l'ensemble des dépens (55) (recommandation n° 5).
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Devant les juridictions pénales, l'article 475-1 du code de procédure pénale appelle exactement les mêmes observations, à ceci près que, s'il permet au juge de mettre à la charge de la personne condamnée les frais de procédure engagés par la partie civile, il ne prévoit pas la situation inverse et donc d'indemniser le défendeur quand la partie civile perd le procès. Cette inégalité entre les parties doit, de l'avis de la CNCDH, être corrigée.
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Certes, l'article 800-2 du code de procédure pénale prévoit que la personne poursuivie peut obtenir le remboursement de ses frais en cas de non-lieu, relaxe, acquittement ou toute décision autre qu'une condamnation ou déclaration d'irresponsabilité pénale. Mais, outre que son application est soumise à un formalisme excessif (nécessité de déposer une requête distincte, réquisitions conformes du ministère public prises avant l'audience, ce qui est rare en raison du caractère oral de la procédure), le montant alloué par les juges est plafonné, notamment pour les frais d'avocats à hauteur du montant prévu par l'aide juridictionnelle, ce qui ne permet donc pas l'indemnisation intégrale prévue par la directive.
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La CNCDH recommande donc la modification des articles 475-1 et 800-2 du code de procédure pénale et des dispositions réglementaires afférentes, afin de rétablir le principe d'égalité des armes entre les parties au procès, et, spécifiquement de prévoir que le juge sera tenu de mettre à la charge de la partie civile, lorsque la procédure est reconnue comme une procédure-bâillon, l'intégralité des frais d‘avocat engagés par le défendeur dès lors qu'ils ne sont pas excessifs, ainsi que l'ensemble des dépens (recommandation n° 6).
Admettre les interventions au soutien du défendeur :
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Afin de corriger le déséquilibre pouvant exister entre les parties, l'article 9 de la directive prévoit que la juridiction saisie d'une procédure-bâillon « puisse accepter que des associations, des organisations, des syndicats et d'autres entités qui ont, conformément aux critères fixés par leur droit national, un intérêt légitime à assurer la protection ou la promotion des droits des personnes participant au débat public, puissent soutenir le défendeur, avec son accord, ou fournir des informations dans le cadre de cette procédure ».
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La CNCDH recommande dans ce but le développement et l'extension de la pratique de l'amicus curiae à d'autres juridictions que la Cour de cassation (56) (recommandation n° 7).
Instaurer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives :
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Les amendes civiles d'ores et déjà prévues pour sanctionner les procédures engagées de manière dilatoire ou abusive, tant devant les juridictions civiles et commerciales (amendes de 10 000 euros prévues par l'article 32-1 du code de procédure civile) que devant les juridictions pénales (amendes de 15 000 euros prévues par les articles 177-2 du code de procédure pénale devant le juge d'instruction et 392-1 du même code devant le tribunal correctionnel) pourraient permettre de décourager l'engagement de procédures-bâillons, sous réserve que leur montant soit relevé afin qu'elles soient véritablement « effectives, proportionnées et dissuasives », comme le prévoit l'article 15 de la directive.
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En effet, au civil, une jurisprudence très restrictive de la Cour de cassation (57) exige des juges une motivation renforcée sur le caractère dilatoire ou abusif de l'action, ce qui limite la portée de cette disposition. Au pénal également, il ressort des auditions de la CNCDH que les juridictions prononcent très peu d'amendes sur ce fondement.
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En outre, le montant de 10 000 et même celui de 15 000 euros peuvent s'avérer dérisoires en présence d'acteurs disposant de moyens économiques très importants, comme cela est souvent le cas en matière de procédures-bâillons (58).
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De plus, en droit de la presse, la combinaison de ces dispositions ne permet pas au tribunal correctionnel de condamner la partie civile à une amende civile en cas de jugement de relaxe, lorsque la procédure a été mise en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile abusive (59). L'article 392-1 du code de procédure pénale ne le permet pas non plus lorsque la partie civile se désiste avant le jugement ou dans les cas où elle perd le procès pour des raisons tenant à l'irrecevabilité ou à la nullité de son action, alors même qu'elle peut ainsi avoir atteint son objectif d'intimidation.
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C'est pourquoi la CNCDH recommande qu'en matière de procédures-bâillons, le plafond des amendes civiles soit aligné sur ce qui est prévu en matière de protection du secret des affaires (60), soit une amende civile pouvant atteindre 20 % des dommages-intérêts demandés - ou 60 000 euros s'il n'est pas demandé de dommages-intérêts -, seul moyen de décourager les demandes de sommes disproportionnées, excessives ou déraisonnables formulées dans l'optique de décourager la participation au débat public (recommandations n° 8 et 9).
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S'agissant plus spécifiquement des articles 177-2 et 392-1 du code de procédure pénale, la CNCDH recommande leur modification pour élargir la possibilité d'imposition d'une amende civile aux cas où la procédure a pris fin à la suite d'un désistement tardif ou d'une exception de procédure (61), dès lors qu'il est établi que ladite procédure poursuivait l'une des finalités d'une procédure-bâillon (recommandation n° 9).
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Les indicateurs listés supra pourront utilement permettre au juge de constater l'existence d'une procédure-bâillon conduisant au prononcé d'une amende civile.
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Enfin, la CNCDH souligne qu'une peine complémentaire d'affichage ou de diffusion du jugement caractérisant une procédure-bâillon est particulièrement dissuasive en ce qu'elle touche à l'image de l'acteur concerné, les demandeurs à des procédures-bâillons disposant souvent « d'une réputation dans la sphère publique qu'elle[s] cherche[nt] à préserver par la contre-attaque que constitue la procédure-bâillon [afin de] limiter ce qui apparaît comme une mauvaise publicité ou la mise en lumière de pratiques qui nuisent à leur image » (62).
Sous-partie 2 - Neutraliser les abus : des outils procéduraux efficaces pour garantir une justice rapide et équitable
- Tant la directive que la Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe prévoient la création d'une procédure de rejet rapide des demandes en justice manifestement infondées. Pour transposer ces objectifs dans le droit interne, la CNCDH propose plusieurs pistes qui permettraient d'éviter tant une procédure longue, coûteuse et éprouvante psychologiquement pour le défendeur que l'utilisation impropre et abusive du système de justice français. En effet, ce mésusage porte atteinte aux droits humains au lieu de les protéger (63).
Au civil :
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Devant les juridictions civiles et commerciales, la CNCDH recommande de s'inspirer du mécanisme de la césure prévu aux articles 807-1 et suivants du code de procédure civile qui permet au juge de scinder le litige en tranchant d'abord, à bref délai, une ou plusieurs questions préliminaires, si l'ensemble des parties le lui demande (recommandation n° 10).
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En présence d'une demande affectant le débat public, le défendeur pourrait, conformément à l'article 15.2 de la directive, être admis à solliciter - mais sans l'accord du demandeur, à la différence de la césure existante - qu'un jugement partiel soit rendu pour apprécier si la procédure engagée n'est pas manifestement infondée. Il reviendrait alors au demandeur de démontrer, dans le cadre d'une procédure contradictoire, que sa demande n'est pas dénuée de tout fondement ou, selon les termes de la Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (64), qu'elle « constitue une cause d'action raisonnable afin de s'engager dans un procès ». La procédure ne se poursuivrait que si le caractère manifestement infondé était écarté. Cette première audience permettrait aussi au juge de statuer sur la demande de provision si le défendeur la sollicitait.
Au pénal :
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Devant les juridictions pénales, la CNCDH recommande de modifier les dispositions relatives au non-lieu ab initio (65) prévues par l'article 86, alinéa 4 du code de procédure pénale afin de créer un mécanisme de rejet rapide dans le cadre de l'instruction (recommandation n° 11).
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Cette modification pourrait permettre au procureur de la République de « prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa (66) », que la plainte est manifestement infondée et vise à faire obstacle au débat public. Lorsqu'il serait envisagé des réquisitions sur ce fondement, le procureur de la République et le juge devraient entendre la partie plaignante. Un recours devrait également être prévu devant la chambre de l'instruction.
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En raison de la spécificité de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et particulièrement de son article 51-1 prévoyant un office restreint du juge d'instruction, la CNCDH considère que ce mécanisme de rejet rapide ne devra pas être applicable en matière de presse, afin de conserver la cohérence de cette loi.
Sous-partie 3 - Réparer les préjudices : des compensations justes à la hauteur des dommages subis
Des voies de droit existantes mais ne couvrant pas l'ensemble des situations :
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L'article 15 de la directive prévoit que des dommages-intérêts puissent être obtenus en cas de procédures judiciaires abusives altérant le débat public. Le droit commun prévoit déjà de nombreux dispositifs procéduraux, applicables aux procédures-bâillons, permettant d'obtenir des dommages-intérêts.
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Devant les juridictions civiles et commerciales, une demande de dommages-intérêts est possible sur le fondement de l'article 1240 du code civil, sous réserve de démontrer l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux. La personne victime d'une procédure-bâillon peut ainsi obtenir réparation dès lors qu'elle démontre l'existence d'une procédure abusive caractérisée par « l'absence manifeste de tout fondement à l'action, par le caractère malveillant de celle-ci, par l'intention de nuire, par l'évidente mauvaise foi ou encore par la volonté de multiplier les procédures engagées » (67).
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Devant les juridictions pénales, l'article 91 du code de procédure pénale prévoit qu'après une information ouverte sur constitution de partie civile à l'issue de laquelle une ordonnance de non-lieu a été rendue, la personne mise en examen et toutes les personnes visées dans la plainte peuvent formuler une demande de dommages-intérêts contre la partie civile.
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Au stade de l'audience, l'article 472 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour une personne relaxée de former une demande de dommages-intérêts contre la partie civile pour abus de constitution de partie civile, lorsque la procédure a été mise en mouvement par voie de citation directe. Néanmoins, depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2018, il est possible « d'obtenir la condamnation de la partie civile au paiement de dommages intérêts en cas d'abus, sans distinguer selon que l'action publique a été mise en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction ou par voie de citation directe » (68). Si la CNCDH se réjouit de cette évolution jurisprudentielle, elle constate qu'elle n'a pas été codifiée à ce jour.
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Au cours des auditions menées, la CNCDH a pu constater le cadre strict entourant l'application de l'article 472 du code de procédure pénale. En effet, aucune réparation ne peut être obtenue, en matière de droit de la presse, lorsque le défendeur a été relaxé sur le fondement de la bonne foi ou de sa participation à un débat d'intérêt général, seule l'absence de caractérisation de l'infraction permettant que la partie civile soit poursuivie pour constitution abusive (69). Cette disposition s'avère donc inadaptée aux procédures-bâillons, dès lors qu'en l'espèce des défendeurs peuvent être amenés à tenir des propos diffamatoires pour lesquels ils ne seront pas condamnés s'ils se voient reconnaître l'excuse de bonne foi (70). Enfin, cette disposition exclut l'indemnisation pour procédure abusive en cas de désistement tardif, de nullité de la procédure ou encore d'irrecevabilité de la demande, seule la relaxe ouvrant droit à la formulation d'une demande pour constitution abusive de partie civile.
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La CNCDH recommande donc une modification de l'article 472 du code de procédure pénale afin que lorsqu'une procédure-bâillon est constatée, les dommages-intérêts ne soient plus subordonnés à la condition d'une décision de relaxe, mais qu'ils puissent être accordés dans des situations de désistement tardif, d'irrecevabilité ou d'annulation de procédure, que la procédure ait été mise en mouvement par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile (recommandation n° 12).
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Les indicateurs permettant l'identification d'une procédure-bâillon (voir supra) pourront utilement éclairer le juge pour ouvrir le droit à une demande de dommages-intérêts.
La difficulté de l'obtention d'une réparation intégrale et adaptée aux besoins des victimes :
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Les procédures-bâillons font peser un coût financier, psychologique et réputationnel (71) important encore aggravé par la longueur de ces procédures.
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Si le système juridique français tant devant les juridictions civiles, commerciales que pénales ouvre déjà le droit à une indemnisation intégrale des préjudices subis à travers les demandes de dommages-intérêts, son application ne permet pas toujours de répondre à la spécificité des procédures-bâillons et aux objectifs poursuivis par la directive. La CNCDH alerte sur les différences d'impact que peuvent avoir les procédures-bâillons selon le type de défendeur. Ainsi, le préjudice moral subi par la personne victime d'une procédure-bâillon sera plus important lorsqu'elle se trouve dans une situation de vulnérabilité préexistant à la procédure.
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En ce sens, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe « [note] avec inquiétude que les femmes et les personnes ayant une orientation sexuelle, une identité de genre, une expression de genre et des caractéristiques sexuelles différentes sont confrontées à des dangers particuliers en leur qualité de journalistes, de défenseures des droits humains ou d'observatrices critiques de la vie publique, notamment lorsqu'elles sont la cible de poursuites-bâillons, et [note] la nécessité de prendre en compte l'impact différencié des risques et des difficultés qu'elles rencontrent ».
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La CNCDH recommande donc que l'impact différencié résultant, notamment du genre, de l'orientation et des caractéristiques sexuelles du défendeur, soit pris en compte dans la détermination du préjudice subi.
Partie 3 - Mieux identifier le phénomène des procédures-bâillons pour donner à la société les moyens de les combattre
Sous-partie 1 - Former les professions judiciaires à l'identification et au traitement des procédures-bâillons
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Dans sa Recommandation, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe recommande aux Etats membres d'encourager les organismes compétents à construire des programmes d'enseignement et de formation incluant « une formation sur mesure pour les professionnels de la justice et du droit, et les autorités publiques concernées, en tenant compte de la jurisprudence établie par la Cour, des outils procéduraux existants, des normes essentielles, ainsi que des valeurs fondamentales et des règles déontologiques de la profession » (72).
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En ce sens, la CNCDH recommande la mise en place, pour les magistrats et les avocats, de formations initiales et continues spécifiques abordant les indicateurs d'identification des procédures-bâillons, l'importance d'un rejet rapide en matière civile et pénale (73), l'importance les garanties financières et procédurales prévues pour les défendeurs, l'importance de les indemniser si besoin, en prêtant attention à l'impact différencié que peuvent avoir ces procédures selon les victimes, et l'importance des amendes civiles et de la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion encourues (recommandation n° 13).
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S'agissant particulièrement des avocats, les enseignements de déontologie devraient alerter, notamment au titre du devoir de prudence, sur le caractère illégitime des procédures-bâillons et le fait qu'engager de telles procédures expose leurs clients au paiement d'amendes civiles et d'indemnités élevées.
Sous-partie 2 - Affirmer les liens entre obligation de vigilance et lutte contre les procédures-bâillons pour prévenir les atteintes aux droits humains
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La lutte contre les procédures-bâillons fait partie intégrante de la responsabilité qui incombe aux entreprises de respecter les droits de l'Homme reconnue par les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme (74) et les Principes directeurs de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (75). Les entreprises devraient « s'abstenir d'exercer des représailles », notamment par le biais de procédures-bâillons, « et prendre des mesures pour prévenir ces pratiques, y compris par des entités avec lesquelles l'entreprise entretient une relation d'affaires », de même que contribuer à la réparation de leurs impacts négatifs lorsqu'ils surviennent (76). Il s'agit de « protéger l'espace civique » et d'« éviter de nuire à tout groupe ou individu » qui souhaite faire part de ses préoccupations concernant les impacts négatifs liés aux activités, produits ou services d'une entreprise (77).
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La protection contre les représailles est ainsi identifiée comme un facteur déterminant pour faciliter l'accès aux voies de recours et à la réparation et comme une composante de l'obligation de vigilance (78). En France, l'obligation de vigilance en matière de droits humains et d'environnement est imposée à certaines entreprises par la loi du 27 mars 2017 (79). Cette obligation requiert notamment l'implication et la consultation des parties prenantes, parmi lesquelles les défenseurs des droits, y compris les syndicats, qui ne peuvent être réalisés sans climat sûr dans lequel une libre expression est possible (80).
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La CNCDH recommande donc aux pouvoirs publics d'attirer l'attention des entreprises sur le fait que les mesures de prévention des procédures-bâillons et la contribution à la réparation de leurs impacts négatifs font partie intégrante de leur obligation de vigilance en matière de droits humains et d'environnement (recommandation n° 14). La lutte contre les procédures-bâillons doit être intégrée dans les mesures que les entreprises doivent prendre pour empêcher, plus largement, toute forme de représailles (81).
Sous-partie 3 - Créer une comptabilisation ministérielle des procédures-bâillons
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L'article 20 de la directive prévoit une transmission à la Commission européenne des données statistiques disponibles. La CNCDH souligne l'importance de cette comptabilisation pour ajuster le cadre protecteur à la réalité du phénomène. En France, cette mission incombe au service de la statistique, des études et de la recherche (SSER) du ministère de la Justice.
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Les auditions de la CNCDH ont permis de constater qu'une enquête auprès des juridictions françaises avait été initiée par le ministère de la Justice avec un comptage manuel des dossiers. Ce procédé, outre qu'il est chronophage, et mobilise des personnels judiciaires déjà surchargés, ne permet pas de répondre efficacement à l'objectif poursuivi.
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En conséquence, si la CNCDH salue le travail de comptabilisation initié par le ministère de la Justice, elle recommande néanmoins la création d'une codification transversale, permettant aux services de greffes d'attribuer un code statistique « procédure-bâillon » aux décisions correspondantes, suite à la décision du juge, quel que soit le stade de la procédure (recommandation n° 15).
Recommandations formulées par la CNCDH
Introduction
Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur adopte la définition de la procédure-bâillon prévue par la directive en y ajoutant la référence à l'intention de harceler ou d'intimider la cible et une liste d'indicateurs.
Garantir un cadre large et protecteur des droits humains contre toutes les formes de procédures-bâillons :
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur instaure un cadre protecteur contre les procédures-bâillons incluant les affaires purement nationales.
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur instaure un cadre protecteur contre les procédures-bâillons incluant les procédures engagées devant les juridictions pénales.
Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur crée un mécanisme de provision pouvant être accordée au défendeur dans le cadre d'une procédure-bâillon dès l'ouverture de la procédure, sur le modèle de celle existant pour la protection des lanceurs d'alerte, et couvrant à la fois les frais de représentation en justice et les dommages-intérêts pouvant être alloués en cas de caractérisation d'une procédure-bâillon.
Lutter efficacement contre les procédures-bâillons : se doter d'un système protecteur solide :
Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur crée dans le code de procédure civile une disposition spécifique aux procédures-bâillons prévoyant que le juge est tenu de condamner le demandeur au remboursement de la totalité des honoraires de l'avocat du défendeur, dès lors qu'ils ne sont pas excessifs, ainsi qu'à l'ensemble des dépens.
Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur modifie les articles 475-1 et 800-2 du code de procédure pénale et les dispositions réglementaires afférentes, afin de prévoir que le juge sera tenu de mettre à la charge de la partie civile, lorsque la procédure est reconnue comme une procédure-bâillon, l'intégralité des frais d'avocat engagés par le défendeur, dès lors qu'ils ne sont pas excessifs, ainsi que l'ensemble des dépens.
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur favorise l'implication de la société civile au soutien du défendeur dans le cadre de procédures-bâillons en étendant à toutes les juridictions la pratique de l'amicus curiae prévue à l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur modifie l'article 32-1 du code de procédure civile en prévoyant que, lorsqu'elle poursuit l'une des finalités d'une procédures-bâillons, l'amende civile puisse atteindre 20 % des dommages-intérêts demandés ou 60 000 euros s'il n'est pas demandé de dommages-intérêts.
Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur modifie les articles 392-1 et 177-2 du code de procédure pénale pour élargir la possibilité d'imposition d'une amende civile aux cas où la procédure a pris fin à la suite d'un désistement tardif ou d'une exception de procédure, dès lors qu'il est établi que ladite procédure poursuivait l'une des finalités d'une procédure-bâillon. De plus, la CNCDH recommande que, comme en matière civile, le montant de l'amende civile prononcé en matière pénale puisse atteindre 20 % des dommages-intérêts demandés ou 60 000 euros s'il n'est pas demandé de dommages-intérêts.
Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur crée un mécanisme de rejet rapide devant les juridictions civiles et commerciales, inspiré de la césure, permettant un jugement partiel à bref délai.
Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur modifie les dispositions relatives au non-lieu ab initio prévues par l'article 86, alinéa 4 du code de procédure pénale, pour permettre au procureur de la République de prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où la plainte est manifestement infondée et vise à faire obstacle au débat public, en s'assurant que la partie plaignante soit entendue et qu'un recours soit possible devant la chambre de l'instruction.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande qu'à l'occasion de la transposition de la directive européenne du 11 avril 2024, le législateur modifie de l'article 472 du code de procédure pénale afin que lorsqu'une procédure-bâillon est constatée, les dommages-intérêts ne soient plus subordonnés à la condition d'une décision de relaxe, mais qu'ils puissent être accordés dans des situations de désistement tardif, d'irrecevabilité ou d'annulation de procédure, que la procédure ait été mise en mouvement par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile.
Mieux identifier le phénomène des procédures-bâillons pour donner à la société les moyens de les combattre :
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande à l'Ecole nationale de la magistrature et au Conseil national des barreaux la mise en place de formations - initiale et continue - spécifiques abordant les indicateurs d'identification des procédures-bâillons, l'importance d'un rejet rapide en matière civile et pénale, les garanties financières et procédurales prévues pour les défendeurs, l'importance de les indemniser si besoin, en prêtant attention à l'impact différencié que peuvent avoir ces procédures selon les victimes, et l'importance des amendes civiles et de la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion encourues.
Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande au ministère chargé de l'économie et des finances d'attirer spécifiquement l'attention des entreprises sur le fait que les mesures de prévention des procédures-bâillons et la contribution à la réparation de leurs impacts négatifs font partie intégrante de leur obligation de vigilance en matière de droits humains et d'environnement.
Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande au ministère de la justice la création d'une codification statistique ministérielle permettant la comptabilisation des procédures-bâillons.
(1) France Inter, Forbidden Stories : qui a assassiné la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia ?, 17 avril 2018.
(2) C. ENKAOUA, Procédures-bâillons et avocats : un projet de directive qui fait débat, Dalloz actualité, 23 septembre 2022 ; L. GAY, « La directive (UE) 2024/1069 du 11 avril 2024 du Parlement européen et du Conseil contre les SLAPP : un coup d'épée dans l'eau », Dalloz actualités, 24 mai 2024 ; F. MAOLI, SLAPPs and their global relevance : recent developments and persisting gaps in human rights law and in (EU) PIL, Freedom, Security & Justice : European Legal Studies, 2024, n° 2.
(3) CNCDH, Avis sur les défenseurs des droits de l'homme (A - 2023 - 5), Assemblée plénière du 30 novembre 2023, JORF n° 0289 du 14 décembre 2023, texte n° 142.
(4) Directive sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les demandes en justice manifestement infondées ou les procédures judiciaires abusives, 2024/1069, adoptée le 11 avril 2024.
(5) CNCDH, Rapport « Entreprises et droits de l'Homme. Protéger, respecter, réparer », La Documentation française, octobre 2023, p. 367.
(6) ENNHRI, « The EU has a key role in safeguarding human rights defenders from strategic litigation against publication participation », 13 janvier 2022.
(7) Parlement européen, Résolution sur le renforcement de la démocratie ainsi que de la liberté et du pluralisme des médias dans l'UE : l'utilisation abusive d'actions au titre du droit civil et pénal pour réduire les journalistes, les ONG et la société civile au silence, 2021/2036(INI), 11 novembre 2021.
(8) Commission européenne, Proposition de directive sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives, 2022/0117 (COD), 27 avril 2022 et Recommandation sur la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives, 2022/758, 27 avril 2022.
(9) Directive sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les demandes en justice manifestement infondées ou les procédures judiciaires abusives, 2024/1069, adoptée le 11 avril 2024.
(10) En anglais : Strategic Lawsuits Against Public Participation, donnant l'acronyme SLAPP ; Conseil de l'Europe, Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres sur la lutte contre l'utilisation des poursuites stratégiques contre la participation publique, CM/Rec(2024)2, 5 avril 2024.
(11) Lettre du Rapporteur spécial sur les défenseurs de l'environnement, 27 novembre 2023.
(12) UNHCHR, « The impact of SLAPPs on human rights and how to respond », 2024.
(13) Rapport de la Rapporteure spéciale sur l'indépendance de la justice, Indépendance des juges et des avocats, A/79/362, 20 septembre 2024.
(14) Disponible sous : https://www.vie-publique.fr/rapport/295405-rapport-des-etats-generaux-de-linformation-proteger-le-droit-info
(15) CESE, Agir pour une information fiable, indépendante et pluraliste au service de la démocratie, CESL1100003X, mars 2024.
(16) Secrétariat d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche, Rapport de la Commission Mazeaud sur les procédures-bâillons, 20 avril 2017.
(17) Assemblée nationale, Proposition de loi n°377 portant sur la protection de la presse et de l'information, 15 octobre 2024.
(18) Conseil de l'Europe, Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres du 5 avril 2024, op. cit.
(19) J. BOSSAN, La procédure-bâillon. Etude d'une pathologie de la réaction judiciaire, in E. GICQUIAUD ; K. LEMERCIER. La réputation de l'entreprise, Légitech, pp. 341-355, 2024.
(20) P. DELMAS, Directive contre les procédures-bâillons : face aux limites du cadre européen, plaidoyer en faveur d'une transposition ambitieuse, Dalloz Actualité, 27 mai 2024.
(21) Le Monde, Affaire Baupin : relaxe pour les médias et les femmes qui accusaient l'ex-député d'agressions sexuelles, 19 avril 2019.
(22) Le Point, Dans l'affaire PPDA, une nouvelle plainte pour viol et des témoignages accablants, 28 avril 2022.
(23) Le Monde, Mediapart accuse Sarkozy de vouloir « intimider les journalistes », 1er mai 2012 ; L'Express, Le recours de Sarkozy contre Mediapart définitivement rejeté, 30 janvier 2019.
(24) Le Monde, Convoqués après une plainte contre X, les dirigeants du média « Le Poulpe » dénoncent « un contournement du droit de la presse », 27 juin 2024.
(25) Tribune publiée sur le site Le Club de Médiapart, L'apologie de terrorisme est le bâillon de la liberté, 16 mai 2024.
(26) France culture, Procédures-bâillons : les chercheurs visés par l'intimidation judiciaire, 24 octobre 2017.
(27) Dalloz actualité, Après Paris, Versailles : nouvelle audience sur une « procédure-bâillon », 2 décembre 2022.
(28) Le Monde, Affaire du bilan carbone : la justice annule la procédure de TotalEnergies contre Greenpeace, 28 mars 2024.
(29) Le Monde, Liberté d'expression : la justice soutient les chercheurs, 3 octobre 2017.
(30) Tribune publiée dans Le Monde, Des journalistes et des ONG dénoncent des « poursuites bâillons » de la part du groupe Bolloré, 24 janvier 2018.
(31) Le phénomène touche tant les responsables politiques au niveau national que les élus locaux. Voir notamment Le Parisien, Asnières : le maire attaque dix élus d'opposition en diffamation, 29 septembre 2023.
(32) France info, « Ils veulent nous faire taire » : comment les défenseurs de l'environnement s'organisent face aux procès bâillons, 20 février 2024.
(33) Le Monde, De nombreuses sociétés de journalistes signent une tribune appelant à lutter contre les « procédures-bâillons », 27 juin 2023.
(34) Le Monde, Les chercheurs face aux « procédures bâillons », 10 mars 2018.
(35) Challenges, En France, les « procédures bâillons » dans le viseur des féministes, 20 mars 2024 ; Mediapart, La condamnation de Denis Baupin pour procédure abusive est définitive, 3 avril 2019.
(36) Le Monde, De nombreuses sociétés de journalistes signent une tribune appelant à lutter contre les « procédures-bâillons », 27 juin 2023.
(37) Article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
(38) Défenseur des droits, La protection des lanceurs d'alerte en France 2022-2023, juin 2024, p. 14.
(39) Article 13 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée.
(40) En sont notamment exclues les personnes morales (ONG, associations…) ainsi que les personnes qui divulguent publiquement des faits, en dehors des hypothèses limitatives prévues par la loi.
(41) Les données chiffrées issues de la société civile telle la Coalition Against SLAPPs in Europe (CASE) recenseraient 1 049 procédures-bâillons en Europe entre 2010 et 2023 dont 90 auraient été initiées en France ce qui en fait le troisième pays européen le plus touché, avec une forte augmentation au cours des années 2022 et 2023. Disponible sous : https://www.the-case.eu/resources/a-2024-report-on-slapps-in-europe-mapping-trends-and-cases/
(42) J. BOSSAN, La procédure-bâillon. Etude d'une pathologie de la réaction judiciaire, op. cit.
(43) Sont notamment cités en préambule de la directive : les journalistes, les organisations de médias, les défenseurs des droits de l'homme, les universitaires, les chercheurs, les artistes et de manière générale les citoyens.
(44) Ouest France, Le groupe Bolloré demande 50 millions d'euros à France Télévisions, 27 mars 2018.
(45) La base juridique de la directive est l'article 81, paragraphe 2, point f du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la coopération judiciaire en matière civile.
(46) Les chiffres de CASE indiquent qu'au niveau européen moins de 10 % des procédures-bâillons recensées entre 2010 et 2023 seraient des procédures transfrontières. Cette comptabilisation est fondée sur la définition la plus étroite du terme « transfrontière » à savoir lorsque le plaignant et le défendeur sont domiciliés dans des Etats différents ou que le domicile de l'une des parties est situé sur un autre territoire que celui du tribunal saisi de l'affaire.
(47) Dans sa recommandation du 27 avril 2022, la Commission européenne invite les Etats membres à « prévoir dans leurs législations nationales des garanties pour les affaires nationales semblables à celles prévues dans les instruments de l'Union […] Cela assurerait une protection cohérente et efficace contre ces procédures judiciaires et contribuerait à prévenir l'enracinement de ce phénomène dans l'Union ».
(48) Conseil de l'Europe, Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres du 5 avril 2024, op. cit.
(49) CASE, SLAPPs in Europe: Mapping trends and cases, décembre 2024.
(50) L'infraction de diffamation est prévue aux article 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
(51) Article 10-1 de la loi « lanceurs d'alerte » du 9 décembre 2016, telle que modifiée par la loi dite Waserman du 21 mars 2022.
(52) L'article 4, 1) de la directive définit le débat public comme « toute déclaration exprimée ou toute activité menée par une personne physique ou morale dans l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information, à la liberté des arts et des sciences ou à la liberté de réunion et d'association, ainsi que les actions préparatoires, de soutien ou d'assistance qui y sont directement liées, et qui concerne une question d'intérêt public ».
(53) Ceci serait préférable à la création d'un fonds d'indemnisation tel proposé en octobre 2024 dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2025 ; voir l'amendement en question sous : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/0324C/CION-CEDU/AC144
(54) J. BOSSAN, La procédure-bâillon. Etude d'une pathologie de la réaction judiciaire, op. cit.
(55) De manière générale, la CNCDH est en faveur d'une formation des magistrats sur l'importance d'indemniser intégralement les frais irrépétibles engagés et les honoraires demandés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
(56) L'amicus curiae permet à « toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à éclairer utilement [la juridiction] sur la solution à donner à un litige à produire des observations » dans le cadre d'une procédure judiciaire. Cela est prévu à l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire devant la Cour de cassation. Aucun texte ne régit l'amicus curiae devant les autres juridictions.
(57) Cour de cassation, 2e chambre civile, 13 novembre 2003, n° 01-13.648, publié au Bulletin.
(58) T. BESSE, Contentieux stratégique et liberté d'expression : le cas des « procédures bâillons » en France, in E. CHEVALIER, C. BOYER-CAPELLE (dir.), Contentieux stratégiques, LexisNexis, 2021.
(59) Etant rappelé qu'en droit de la presse le juge d'instruction n'a pas de marge d'appréciation et est tenu de saisir le tribunal correctionnel dès lors que l'auteur des propos poursuivis a été identifié.
(60) Article 152-8 du code de commerce.
(61) Actuellement l'imposition d'une amende civile en matière pénale est subordonnée à un non-lieu ou un jugement de relaxe.
(62) J. BOSSAN, La procédure-bâillon. Etude d'une pathologie de la réaction judiciaire, op. cit.
(63) Rapport de la Rapporteure spéciale sur l'indépendance de la justice, Indépendance des juges et des avocats, A/79/362, 20 septembre 2024.
(64) Article 25, dernier alinéa.
(65) Le non-lieu ab initio permet à la juridiction d'instruction, sur réquisitions du ministère public, de refuser une information judiciaire sur le seul résultat d'une enquête ayant révélé le caractère abusif d'une plainte simple.
(66) L'alinéa 3 de l'article 86 du code de procédure pénale prévoit que « [l]orsque la plainte n'est pas suffisamment motivée ou justifiée, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions et s'il n'y a pas été procédé d'office par le juge d'instruction, demander à ce magistrat d'entendre la partie civile et, le cas échéant, d'inviter cette dernière à produire toute pièce utile à l'appui de sa plainte ».
(67) L. GAY, « Les procédures-bâillons : une menace démocratique ? L'état du droit (2e partie), Légipresse, 2023.
(68) Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juillet 2018, n° 18-90.017, publié au Bulletin.
(69) L. GAY, « Les procédures-bâillons : une menace démocratique ? L'état du droit (2e partie), Légipresse, 2023.
(70) Cour de cassation, chambre criminelle, 5 septembre 2023, n° 22-84.763, publié au Bulletin.
(71) France culture, Procédures-bâillons : les chercheurs visés par l'intimidation judiciaire, 24 octobre 2017.
(72) Conseil de l'Europe, Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres du 5 avril 2024, op. cit.
(73) Le droit positif permet déjà de rejeter rapidement une procédure en cas de citation directe lorsqu'un jugement est rendu par le tribunal correctionnel le jour de l'audience, sans renvoi.
(74) Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations unies, adoptés par la résolution 17/4 du 16 juin 2011.
(75) OCDE, Guide OCDE sur le devoir de vigilance pour une conduite responsable des entreprises, 2018.
(76) Principes directeurs de l'OCDE, op. cit., Principes généraux, A, § 10 (voir également le § 9 portant spécifiquement sur les travailleurs, représentants syndicaux ou autres représentants des travailleurs, ainsi que le commentaire § 14 pour une définition des représailles).
(77) Principes directeurs de l'OCDE, op. cit., commentaire (§ 14).
(78) CNCDH, Rapport Entreprises et droits de l'Homme, op. cit., pp. 362 et s.
(79) Article 1er de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.
(80) CNCDH, Rapport Entreprises et droits de l'Homme, op. cit., p. 363.
(81) Voir en ce sens la directive (UE) 2024/1760 précitée. Le groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'Homme se prononce régulièrement en ce sens (voir par exemple : UNHCHR, « UN experts concerned by systematic use of SLAPP cases against human rights defenders by businesses », 2022). De même, en juillet 2024, à l'occasion des 25 ans de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme, une coalition de dix-huit organisations a invité les entreprises à « [s]'engager à ne pas recourir aux poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPP) et à d'autres tactiques de harcèlement judiciaire contre les défenseur·e·x·s des droits humains ou d'autres acteurs susceptibles de critiquer leurs opérations ». Disponible sous : https://ishr.ch/fr/defenders-toolbox/resources/declaration-25/
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