JORF n°0078 du 31 mars 2012

Avis n°2011-1335 du 15 novembre 2011

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associées ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), et notamment son article L. 36-5 ;
Vu la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, et notamment son article 17 ;
Vu l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques ;
Vu l'avis de l'Autorité n° 2011-0524 du 10 mai 2011 portant sur un projet d'ordonnance relative aux communications électroniques ;
Vu le règlement intérieur de l'Autorité ;
Vu la lettre en date du 26 octobre 2011, par laquelle le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique a saisi l'Autorité, pour avis, de trois projets de décrets destinés à assurer la transposition du nouveau cadre réglementaire européen ;
Après en avoir délibéré le 15 novembre 2011,

I. ― Contexte de la saisine

Le Parlement européen et le Conseil de l'Union ont adopté, le 25 novembre 2009, deux directives qui révisent et complètent le paquet télécom de 2002. La directive 2009/140/CE, dite directive « mieux réguler » a modifié les directives « cadre », « accès » et « autorisation », tandis que la directive 2009/136/CE, dite directive « droits des citoyens » a modifié les directives « service universel » et « vie privée ».
Les dispositions du I de l'article 17 de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques autorisent le Gouvernement à adopter, par voie d'ordonnance, les dispositions législatives nécessaires à la transposition des directives du 25 novembre 2009.
L'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques a été publiée au Journal officiel de la République française du 26 août 2011.
L'Autorité se félicite de la consultation publique organisée par le Gouvernement du 22 juin au 20 juillet 2011 sur les dispositions réglementaires nécessaires à la transposition du « paquet télécom », à laquelle elle a pris part par sa réponse du 20 juillet 2011.
En application de l'article L. 36-5 du CPCE, aux termes duquel : « L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques », le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique a saisi le 26 octobre 2011 l'Autorité, pour avis, de trois projets de décrets pris en application de l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 :
― un décret en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et relatif à la prévention et à la notification des violations de données à caractère personnel ;
― un décret en Conseil d'Etat portant transposition du nouveau cadre réglementaire européen dans le code des postes et des communications électroniques et portant renforcement de la sécurité des moyens d'interception des communications électroniques ;
― et un décret simple portant modification des obligations des opérateurs prévues par le code des postes et des communications électroniques conformément au nouveau cadre réglementaire européen.
L'Autorité prend acte avec satisfaction de l'achèvement du processus national de transposition des directives 2009/136/CE et 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009.

II. ― Observations de l'Autorité

Le projet de décret en Conseil d'Etat portant transposition du nouveau cadre réglementaire européen dans le code des postes et des communications électroniques et portant renforcement de la sécurité des moyens d'interception des communications électroniques ainsi que le projet de décret simple portant modification des obligations des opérateurs prévues par le code des postes et des communications électroniques conformément au nouveau cadre réglementaire européen, soumis pour avis, appellent, de la part de l'Autorité, les observations suivantes.
L'Autorité note que de nombreuses dispositions complètent la transposition déjà effectuée par ordonnance s'agissant des nouvelles règles de procédure prévues par les directives 2009/136/CE et 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009.
L'Autorité prend acte des nouvelles dispositions tirant les conséquences de la scission de la première composante du service universel en deux éléments (à savoir le raccordement à un réseau fixe ouvert au public et le service téléphonique) ainsi que des règles de procédure relatives à la coopération avec les autorités de régulation nationales des autres Etats membres.
L'ensemble de ces mesures n'appelle pas de commentaire particulier autre que le constat d'une correcte transposition des directives 2009/136/CE et 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009.

  1. Sur la gestion du spectre

Le Gouvernement a choisi de transposer, au II de l'article 59 de l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, la procédure facultative pour les Etats membres de mise en conformité, avant l'année 2016, des autorisations d'utilisation de fréquences avec les principes de neutralité technologique et des services.
L'Autorité souhaite souligner que les dispositions du I de l'article 9 bis de la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 n'imposent pas, lorsqu'un Etat membre décide de procéder à une telle transposition facultative, de préciser un délai de réponse à une demande de réexamen des conditions d'autorisation des utilisations des fréquences. Si un délai était néanmoins fixé, il devrait être suffisant pour permettre à l'Autorité d'assurer le respect des principes communautaires de transparence et de neutralité. Ainsi, dans la plupart des cas, afin de vérifier que l'application des principes de neutralité n'est pas susceptible de porter atteinte aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE, l'Autorité sera tenue de procéder à une consultation publique auprès des acteurs du secteur des communications électroniques. Le résultat de cette consultation sera rendu public, sous réserve des secrets protégés par la loi. A titre d'exemple, la consultation publique sur la réutilisation des fréquences 900 MHz par les réseaux 3G organisée à la suite du besoin manifesté par les opérateurs mobiles a révélé l'intérêt d'autres acteurs pour l'octroi de la quatrième autorisation 3G. L'examen de ce dossier, conditionné par l'attribution de la quatrième licence 3G, s'est donc étalé sur presque deux ans.
Si un certain nombre de demandes ne nécessiteront qu'un bref délai d'examen s'agissant en particulier des fréquences qui ne sont pas en situation de rareté (exemple : les faisceaux hertziens), d'autres demandes justifieraient qu'un délai suffisant soit ménagé. Il est rappelé que, dans le cadre d'attributions de fréquences en situation de rareté au sens de l'article L. 42-2 du CPCE, les articles R. 20-44-9 et D. 406-14 du CPCE prévoient que le délai entre le dépôt du dossier de candidature et la décision d'attribution est au maximum de huit mois, afin « de garantir l'objectivité, l'équité et la transparence de la procédure ». Un tel délai n'englobe pas, par définition, l'organisation préalable de consultations publiques ni la phase d'élaboration de l'appel à candidatures, qui constituent pourtant des phases essentielles pour garantir la qualité des décisions prises. Dans le même ordre de grandeur, l'article D. 406-16 du CPCE prévoit un délai minimal d'un an, dans lequel sont notifiés au titulaire les conditions de renouvellement ou les motifs d'un refus de renouvellement des autorisations d'utilisation de fréquences dont il est titulaire.
En conséquence, même si le délai désormais envisagé a été porté à six mois (au lieu du délai de trois mois prévu dans le projet de texte soumis à consultation publique), il reste insuffisant et doit impérativement être porté au minimum à huit mois, afin de permettre à l'Autorité d'exercer ses compétences conformément aux objectifs fixés par le législateur. Ce délai n'inclut pas l'organisation d'une consultation publique qui, au demeurant, nécessitera une durée d'instruction supplémentaire postérieurement à son résultat. Le délai supplémentaire postérieur à la consultation publique sera, en outre, pertinent dans l'hypothèse où cette consultation révélerait l'opportunité de compléter des dispositions réglementaires relatives aux redevances exigibles.
L'Autorité propose donc au Gouvernement de substituer à la rédaction actuelle du projet d'article 27 du décret en Conseil d'Etat la rédaction suivante :
« L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes informe sans délai le ministre chargé des communications électroniques de la réception d'une demande de réexamen prévue au II de l'article 59 de l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques. Dans un délai de huit mois à compter de la réception de cette demande, l'Autorité notifie au demandeur la conclusion de son réexamen ainsi que, le cas échéant, les nouvelles conditions d'autorisation d'utilisation de fréquences envisagées.
Toutefois, lorsque l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes doit procéder à une consultation publique dans les conditions prévues au III de l'article L. 32-1 parce qu'elle considère que l'application du principe de neutralité est susceptible de porter atteinte aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, la publication du résultat de cette consultation proroge le délai de notification mentionné à l'alinéa précédent.
Pendant une période d'un mois suivant la notification des nouvelles conditions d'autorisation d'utilisation des fréquences, le demandeur peut retirer sa demande de réexamen. Si le titulaire de l'autorisation retire sa demande, son autorisation reste inchangée. Dans le cas contraire, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes lui notifie les nouvelles autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques. »

  1. Sur les opérateurs exerçant une influence significative sur un marché

i) La séparation fonctionnelle :
Concernant les nouvelles dispositions relatives aux analyses de marché, l'Autorité prend acte des modalités d'application de son nouveau pouvoir d'imposer la séparation fonctionnelle d'un opérateur verticalement intégré et réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques.
Le deuxième alinéa du II du projet d'article R. 9-5 du CPCE dispose que le projet de décision de l'Autorité comporte notamment : « ― la nature et le degré précis de séparation et, en particulier, le statut juridique de l'entité économique fonctionnellement indépendante ».
La séparation fonctionnelle n'entrainant pas obligatoirement la création d'une nouvelle entité juridique, l'Autorité propose au Gouvernement de remplacer le terme « en particulier » par l'expression « le cas échéant ».
ii) La notification des projets de cession des installations et équipements de réseau d'accès local :
Les dispositions du projet d'article R. 9-6 du CPCE prévoient que la notification, prévue par l'article L. 38-2-1 du CPCE par les opérateurs exerçant une influence significative sur un ou plusieurs marchés pertinents, de tout projet de cession de leurs installations et équipements de réseau d'accès local, ou d'une partie importante de ceux-ci, à l'Autorité doit intervenir « dès que le cessionnaire est pressenti et au plus tard quatre mois avant la date de la cession ».
L'Autorité souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le délai minimal de quatre mois prévu par ce projet d'article R. 9-6. Un tel délai ne semble pas compatible avec les dispositions de l'article L. 38-2-1 du CPCE qui transposent littéralement l'article 13 ter de la directive « accès » modifiée. Ce dernier dispose que ces opérateurs notifient à l'autorité réglementaire nationale, « au préalable et en temps utile, afin de lui permettre d'évaluer l'incidence de la transaction envisagée [sur les obligations réglementaires existant en vertu de la directive cadre] ». Le 2 de l'article 13 ter de la directive « accès » modifiée précise en effet qu'« A cet effet, l'autorité réglementaire nationale procède à une analyse coordonnée des différents marchés liés au réseau d'accès selon la procédure visée à l'article 16 de la directive 2002/21/CE (directive "cadre”).
Sur la base de son évaluation, l'autorité réglementaire nationale impose, maintient, modifie ou retire des obligations conformément aux articles 6 et 7 de la directive 2002/21/CE (directive "cadre”). »
Ainsi, le II de l'article L. 38-2-1 du CPCE, introduit par l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011, prévoit que « l'Autorité procède à une analyse coordonnée des différents marchés liés au réseau d'accès conformément à l'article L. 37-1 et, le cas échéant, fixe des obligations conformément à l'article L. 37-2 ».
En application de ces dispositions, l'Autorité devra, d'une part, réexaminer le périmètre des marchés pertinents, d'autre part, concernant l'acquéreur potentiel des installations et équipements de réseau d'accès local, vérifier si ce dernier doit être qualifié d'opérateur puissant sur ces marchés pertinents et, le cas échéant, déterminer les obligations qui lui seront imposées au titre du L. 37-2 du CPCE.
La mise en œuvre d'une telle révision conduit l'Autorité à évaluer la pertinence du transfert, de l'opérateur cédant à l'acquéreur potentiel, des obligations imposées au titre du L. 37-2 du CPCE, notamment les obligations d'accès à des éléments de réseaux ou à des moyens associés, de contrôle tarifaire ainsi que de comptabilisation des coûts et de séparation comptable.
Au demeurant, l'Autorité souhaite rappeler qu'en application des articles L. 37-1 à L. 37-3 du CPCE, lorsqu'elle procède à l'analyse des marchés pertinents liés au réseau d'accès, elle doit :
― procéder à une consultation publique laissant au moins un mois aux acteurs pour formuler leurs observations (III de l'article L. 32-1 et article D. 304 du CPCE) ;
― soumettre les projets de mesures pris en application des deux premiers alinéas de l'article L. 37-1 à avis de l'Autorité de la concurrence et, lorsqu'ils incluent la diffusion de la radio ou de la télévision dans le périmètre d'un marché pertinent, du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui se prononcent dans un délai de six semaines (articles L. 37-1, D. 301 et D. 302 du CPCE) ;
― transmettre les projets de décisions à la Commission européenne qui dispose d'un délai d'un mois, à compter de la date de réception de la notification, pour se prononcer (articles L. 37-3 et D. 305 du CPCE).
La réalisation de l'ensemble des consultations qui ne constitue qu'une étape du processus d'adoption d'une analyse coordonnée nécessite d'ores et déjà un délai de trois mois et demi.
Par ailleurs, et afin d'assurer la continuité des obligations portant sur les installations et équipements de réseau d'accès local cédés, l'Autorité estime indispensable de pouvoir procéder à l'analyse coordonnée avant la cession effective.
En effet, si une telle cession intervenait avant la fin du processus d'élaboration des décisions d'analyse des marchés, l'acquéreur n'étant soumis à aucune obligation serait libre de ne pas fournir l'accès à ses installations et équipements de réseau d'accès local. Dans cette hypothèse, l'ensemble de la régulation asymétrique édictée par l'Autorité sur l'accès à ces installations et équipements de réseau d'accès local serait amenée à disparaitre et les opérateurs alternatifs ne seraient plus à même de fournir aux utilisateurs finals l'ensemble des services liés aux installations et équipements cédés.
S'il est vrai que les dispositions de l'article L. 37-3 du CPCE donnent compétence à l'Autorité, dans des circonstances exceptionnelles afin de préserver la concurrence et de protéger les intérêts des utilisateurs, pour adopter immédiatement des mesures proportionnées qui ne sont applicables que pour une période de six mois, il serait paradoxal d'utiliser cette compétence « exceptionnelle » pour pallier les conséquences d'une mauvaise transposition, alors que tant la directive à transposer que l'article L. 38-2-1 du CPCE envisagent le recours à une analyse de marché classique.
En conséquence, au regard des objectifs de régulation tels que définis à l'article L. 32-1 du CPCE et compte tenu des délais déjà définis dans le CPCE, il est nécessaire de prévoir un délai suffisant qui ne peut être inférieur à huit mois, afin de permettre à l'Autorité d'évaluer l'incidence de la transaction envisagée, en procédant à une analyse coordonnée des différents marchés liés au réseau d'accès, avant la cession effective. De façon générale, la fixation de délais s'imposant à l'Autorité doit la mettre à même de respecter les obligations de consultation, et ne doit pas être de nature à l'empêcher d'agir à un « moment opportun » ainsi que le prévoit l'article 3 de la directive « cadre » modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 qui tend à renforcer l'indépendance du régulateur.
L'Autorité propose donc au Gouvernement la rédaction suivante :
« Le projet de cession mentionné à l'article L. 38-2-1 est notifié à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dès que le cessionnaire le pressent et au plus tard huit mois avant la date de cession, afin de lui permettre d'évaluer l'incidence de la transaction envisagée.
Les modifications du projet de cession intervenant postérieurement ainsi que le résultat final du processus de cession sont notifiés sans délai à l'Autorité. »
iii) Sur les articles D. 308 et D. 310 du CPCE :
L'Autorité prend acte avec satisfaction des modifications apportées à l'article D. 310 du CPCE qui résultent de la transposition des définitions issues des directives 2009/140/CE et 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009. En effet, dans la mise en place d'obligations d'accès imposées par l'Autorité, ce projet d'article prévoit désormais les obligations liées aux ressources associées et services associés tels que définis aux 19° et 20° de l'article L. 32 du CPCE.
En revanche, l'Autorité doute de la pertinence du maintien de l'article D. 308 dans le CPCE, y compris dans sa version modifiée par le projet de décret. D'une part, il convient de rappeler que l'article D. 308, dans sa rédaction initiale, visait à « transposer » la liste minimale des éléments qui doivent figurer dans l'offre de référence pour l'accès dégroupé à la boucle locale qu'il appartient aux opérateurs notifiés de publier et figurant en annexe du règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, qui a été abrogée par l'article 4 de la directive 2009/140/CE. Le maintien de la liste figurant dans ce règlement n'était plus nécessaire compte tenu de la mise en place de l'outil d'analyse de marché par le « paquet télécom » de 2002.
D'autre part, comme le relève la CJUE (Commission contre Allemagne, 3 décembre 2009 C-424/07 points 60 et 61), « les ARN, lorsqu'elles adoptent des obligations réglementaires ex ante (...), doivent tenir compte des objectifs énoncés à l'article 8 de la directive "cadre”. Les obligations réglementaires ex ante doivent être proportionnelles et justifiées au regard desdits objectifs. Dans l'exercice de ces fonctions de réglementation, les ARN disposent d'un pouvoir étendu, afin qu'elles puissent apprécier le besoin de réglementation d'un marché en fonction de chaque situation au cas par cas (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2008, Arcor, C-55/06, Rec. p. I-2931, points 153 à 156) ». Ainsi, à la lumière de cette analyse, une disposition telle que le projet d''article D. 308 semble interférer avec la marge discrétionnaire dont dispose l'Autorité pour établir, conformément à l'article L. 37-2 du CPCE, les obligations appropriées à chaque situation analysée.
Au demeurant, les dispositions de l'article L. 38 du CPCE prévoient la faculté pour l'Autorité d'imposer à l'opérateur réputé exercer une influence significative sur un marché la publication d'une offre technique et tarifaire détaillée d'accès et de contrôler le contenu de cette offre. L'article D. 308 est ainsi au minimum superfétatoire.
Au regard de ces éléments, l'Autorité recommande, à titre principal, la suppression de l'article D. 308 du CPCE.
En tout état de cause, si ce projet d'article était maintenu, il conviendrait de clarifier le fait que l'imposition d'une offre de référence n'est pas limitée à l'hypothèse d'un opérateur opérant sur une boucle locale. L'Autorité recommande donc la modification suivante de l'alinéa 2 du projet d'article : « (...) Lorsqu'elle concerne l'accès aux boucles locales, l'offre mentionnée à l'alinéa précédent peut notamment comporter les éléments suivants : (...) ».

  1. Sur les utilisateurs finals

i) L'information à destination des utilisateurs finals :
Le I de l'article D. 98-12 du CPCE, dans sa version envisagée par le projet, renvoie aux informations mentionnées au n du I de l'article L. 33-1 du CPCE, qui lui-même renvoie aux informations mentionnées à l'article L. 121-83-1 du code de la consommation.
En écho avec les remarques qu'elle avait formulées dans l'avis n° 2011-0524 du 10 mai 2011 portant sur le projet d'ordonnance relative aux communications électroniques, l'Autorité prend acte avec satisfaction de cette rédaction qui assure une correcte transposition des dispositions de l'article 21 de la directive « service universel » en permettant à l'Autorité de contrôler le respect de leurs obligations par les opérateurs concernant les informations extracontractuelles, que celles-ci soient à destination des consommateurs ou des autres utilisateurs. L'Autorité pourra donc contrôler le respect des obligations des opérateurs dans ces matières, le cas échéant, en exerçant son pouvoir de sanction qu'elle tient de l'article L. 36-11 du CPCE, en cas de méconnaissance par les opérateurs de leur obligation de communiquer la liste d'informations mentionnées à l'article L. 121-83-1 du code de la consommation à tout utilisateur, même potentiel, en dehors de la conclusion d'un contrat.
ii) Les utilisateurs handicapés :
L'Autorité se félicite que les propositions qu'elle a formulées dans son avis sur la partie législative de la transposition aient été reprises par le Gouvernement dans un nouvel article D. 98-13 du CPCE. Ainsi, les produits et les services seront délivrés aux utilisateurs handicapés à un tarif abordable. En outre, les informations à destination des utilisateurs finals (publicité, factures, contrats) seront mises à disposition des utilisateurs handicapés sur des supports adaptés aux handicaps. Enfin, des terminaux adaptés aux différents types de handicap devront être disponibles sur le marché.
Concernant l'obligation de mise à disposition de terminaux adaptés aux différents types de handicaps, l'Autorité estime qu'une telle obligation ne devrait pas être imposée aux opérateurs qui ne distribuent pas usuellement des terminaux. L'Autorité propose donc au Gouvernement de remplacer l'alinéa 4 du projet d'article D. 98-13 par :
« L'opérateur, distributeur de terminaux, met à la disposition des utilisateurs finals handicapés les terminaux adaptés à leur handicap disponibles sur le marché. L'opérateur tient également compte des besoins spécifiques des personnes handicapées dans la conception des équipements associés à ses offres d'accès à internet fixe. »
L'Autorité considère que les dispositions de l'article D. 98-13 du CPCE ne constituent pas, à l'évidence, un aboutissement, mais un encouragement à poursuivre les réflexions en cours sur le handicap dans le secteur des communications électroniques.
iii) La conservation du numéro :
Concernant le projet d'article D. 406-18 du CPCE soumis pour avis, l'Autorité approuve le choix du Gouvernement d'avoir précisé que le délai de portage d'un jour ouvrable ne commençait à courir qu'à l'issue d'une phase de vérification de l'éligibilité de la demande. Cette précision du point de départ du délai d'un jour ouvrable dans lequel l'abonné, qui a conclu un accord de portage, est en droit, conformément aux dispositions de l'article L. 44 du CPCE, d'obtenir l'activation de son numéro donne tout son sens à la directive tout en permettant aux opérateurs de garantir aux abonnés une qualité de service élevée lors la mise en œuvre du portage.
L'Autorité note par ailleurs que la modification de l'article D. 406-18 pourrait être l'occasion de préciser les conditions de portage du numéro, dans un souci de protection des consommateurs. En effet, de nouvelles offres multiservices sont apparues sur le marché, regroupant le service téléphonique fixe, l'accès à internet, la télévision ainsi qu'un service mobile de communications électroniques. La demande de portage qui ne porterait que sur l'un des deux numéros de téléphone, fixe ou mobile, devra donc pouvoir être satisfaite par l'opérateur, sans que soient remises en cause la fourniture et la continuité des services fournis depuis l'accès associé à l'autre numéro ainsi que la capacité de l'abonné à demander ultérieurement la conservation de l'autre numéro, fixe ou mobile. Face à la complexification des offres de détail des opérateurs, l'Autorité considère qu'il est utile, afin de rendre plus transparentes les conditions de portage des numéros, de compléter le pénultième alinéa du I de l'article D. 406-18 du CPCE par une phrase ainsi rédigée : « Il entraîne uniquement la résiliation des services fournis à partir de l'accès associé au numéro porté. »
Dans un souci de clarification, l'Autorité estime également nécessaire de reproduire, dans l'article D. 406-18 du CPCE, la condition de déclenchement du délai d'un jour ouvré relative à la disponibilité de l'accès prévue à l'article L. 44 du CPCE. L'Autorité propose donc au Gouvernement de remplacer la phrase : « Ce délai ne peut excéder un jour, sauf demande expresse de l'abonné. » par : « Ce délai ne peut excéder un jour, sous réserve de la disponibilité de l'accès, sauf demande expresse de l'abonné. »
Enfin, il convient de noter que l'article L. 44 du CPCE, dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, précise que tout retard ou abus dans la procédure de portage entraîne indemnisation. En conséquence, et pour assurer une application pleine et entière de ces dispositions, il paraît nécessaire de compléter le II de l'article D. 406-18, en ajoutant, à la liste des sujets traités par décision réglementaire de l'Autorité « les modalités d'indemnisation en cas d'abus ou de retard dans la prestation de conservation du numéro ».

  1. Sur la qualité de service

Le projet d'article D. 98-4 du CPCE précise que « l'Autorité peut demander la certification des méthodes de mesure de la qualité de service ».
L'Autorité relève que cette disposition assure la transposition du 2 de l'article 22 de la directive « service universel » modifiée qui dispose que « Les ARN peuvent préciser, entre autres, les indicateurs relatifs à la qualité de service à mesurer ainsi que le contenu, la forme et la méthode de publication des informations, y compris les éventuels mécanismes de certification de la qualité, afin de garantir que les utilisateurs finals (...) auront accès à des informations complètes, comparables, fiables et faciles à exploiter ».
Cette modification de l'article D. 98-4 du CPCE signifie que les opérateurs peuvent désigner un organisme certificateur de leur choix si cette certification leur est imposée par l'ARCEP. Il apparaît que cette certification est facultative et que, si elle est imposée, l'Autorité pourra seulement préciser la forme et la méthode de publication des informations de cette certification, c'est-à-dire des résultats. Au demeurant, en matière de qualité de service fixe, une telle certification par une entité indépendante tierce est d'ores et déjà prévue par sa décision n° 2008-1362 en date du 4 décembre 2008 relative à la publication des mesures d'indicateurs de qualité de service fixe par les opérateurs. La nouvelle disposition ne fait ainsi que fournir une base juridique plus solide à une obligation existante.

  1. Sur l'action du régulateur devant la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation

i) La procédure devant la Cour de cassation :
L'Autorité prend acte avec satisfaction de l'introduction, dans le CPCE, d'un nouvel article R. 11-10 qui donne compétence au président de l'Autorité pour présenter des observations devant la Cour de cassation, à l'occasion d'un pourvoi en cassation formé contre un arrêt par lequel la cour d'appel de Paris a statué sur une décision de règlement de différend de l'Autorité.
A ce jour et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com., 12 décembre 2006, n° 05-19.610, société France Télécom/SA Western Telecom), l'Autorité est dans l'incapacité de faire valoir ses arguments devant la Cour de cassation lorsque sont portés, devant cette juridiction, des différends préalablement réglés par l'Autorité et examinés par la cour d'appel de Paris. Cette situation est difficilement justifiable.
En effet, cette impossibilité pour l'Autorité de défendre ses décisions devant la Cour de cassation et de faire valoir l'analyse du régulateur indépendant était problématique dans son principe. Le pouvoir de règlement des différends entre opérateurs de communications électroniques découle du droit communautaire. S'agissant des autorités chargées de la concurrence, la jurisprudence communautaire estime que leur mission serait remise en cause si elles n'ont pas la possibilité de défendre leurs décisions devant les juridictions compétentes (CJUE, Vebic, 7 décembre 2010, C-439/08). L'article L. 464-8 du code de commerce reconnaît à l'Autorité de la concurrence, depuis la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, la possibilité de présenter des observations devant la Cour de cassation. Au regard de ces éléments, il est donc nécessaire de prévoir que l'Autorité, qui est chargée de veiller au respect d'objectifs d'ordre public de régulation sectorielle, puisse au minimum présenter des observations devant la Cour de cassation à l'occasion des pourvois formés contre les arrêts par lesquels la cour d'appel de Paris a statué sur les décisions de l'ARCEP.
ii) La procédure devant la cour d'appel de Paris :
L'Autorité constate que la modernisation de la procédure contentieuse dans le secteur des communications électroniques passe également par la faculté, pour l'Autorité, à l'instar des autres autorités françaises de régulation sectorielle (par exemple, l'article 15 du décret n° 2010-1023 du 1er septembre 2010 relatif à l'organisation de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires lui permet de se défendre elle-même devant la cour d'appel de Paris, sans obligation de se faire assister ou représenter). A cet égard, la rédaction actuelle de l'article R. 11-8 du CPCE est source d'ambiguïté et devrait être clarifiée. Par conséquent, l'Autorité propose de remplacer l'actuelle rédaction de l'article R. 11-8 du CPCE par : « Devant la cour d'appel et son premier président, la représentation et l'assistance des parties et de l'Autorité s'exercent dans les conditions prévues par l'article 931 du code de procédure civile ».

III. ― Conclusion

Sous réserve de la prise en compte des commentaires relatifs à l'article 27 du projet de décret en Conseil d'Etat et au projet d'article R. 9-6 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité émet un avis favorable sur les projets de décrets qui lui ont été soumis.
Le présent avis sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 15 novembre 2011.

Le président,

J.-L. Silicani