JORF n°0176 du 31 juillet 2013

  1. La CNCDH n'ignore pas que la mention du sexe demeure, dans notre droit, un élément essentiel de l'identification des personnes et que l'état civil revêt une forte importance symbolique dans la tradition républicaine française. L'état des personnes a en effet un rôle essentiel, à la fois au regard de l'intérêt général (puisqu'il permet une identification simple et sûre d'autrui) et au regard du sujet lui-même.
  2. La CNCDH est par ailleurs consciente de la situation très précaire des personnes transidentitaires en France, victimes de discriminations et d'exclusion sociale. Le droit, non seulement n'est pas suffisamment protecteur pour ces personnes, mais contribue aussi à les maintenir pendant de nombreuses années dans une situation de grande vulnérabilité sociale. C'est pourquoi la CNCDH estime nécessaire une refonte de la législation française concernant l'identité de genre et le processus de changement de sexe à l'état civil. Les questions abordées, dont l'enjeu est d'améliorer la lutte contre les discriminations et de défendre le principe de l'égalité devant la loi, apparaissent pleinement et étroitement liées à la promotion des droits fondamentaux.
  3. Pour fonder son avis, la CNCDH a sollicité la jurisprudence interne et les textes internationaux relatifs aux questions traitées. Elle a en outre procédé à de nombreuses auditions de chercheurs, de professeurs de droit, de représentants associatifs et de membres du Sénat. Des contributions écrites, adressées par des ONG, des médecins, des chercheurs en sciences sociales, et par le Défenseur des droits, ont permis de compléter le panel des arguments entendus.
  4. De l'ensemble de ces travaux, et après débats contradictoires entre ses membres, la CNCDH a retenu le principe de l'introduction dans la loi du critère d'« identité de genre ». L'urgence d'un changement dans la procédure de modification de la mention de sexe dans l'état civil a par ailleurs incité les membres à recommander une démédicalisation totale et une déjudiciarisation partielle de la procédure.

I. ― L'identité de genre

  1. Le concept d'identité de genre n'est pas présent dans le droit français. Lors du vote de la loi sur le harcèlement sexuel du 6 août 2012, la notion d'identité sexuelle a été préférée à celle d'identité de genre (2). Elle a été ajoutée au côté de la mention de l'orientation sexuelle afin de protéger les personnes transsexuelles ou transgenres, comme le précise la circulaire CRIM 2012-15/E8-07.08.2012 d'application de cette loi. Les termes « orientation sexuelle » qui figuraient dans l'article 225-1 du code pénal ont ainsi été remplacés par l'article 4 de la loi par les termes « orientation ou identité sexuelle (3).

(2) Pour comprendre ce choix, il faut resituer le vote de la loi dans son contexte. La loi sur le harcèlement sexuel visait à combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel d'invalider la loi existante sur le harcèlement sexuel. Introduire la notion d'identité de genre à ce moment-là aurait pu susciter des débats propres à retarder et peut-être à mettre en péril le vote de la loi. Des députés de l'opposition s'étaient en effet prononcés contre l'introduction par amendement de la notion d'identité de genre, assimilant cette notion à la « théorie du genre » qu'ils dénoncent comme un révisionnisme anthropologique. (3) Cette modification a également été effectuée dans toutes les dispositions législatives qui utilisaient l'expression orientation sexuelle, notamment celles des articles 132-77, 21-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 222-18-1, 222-24, 222-30, 226-19, 311-4 et 312-2 du code pénal prévoyant les circonstances aggravantes commises en raison de l'orientation sexuelle de la victime, et celles des articles 24, 32, 33 et 48-4 de la loi sur la presse réprimant les provocations, diffamations et injures commises en raison de cette orientation sexuelle.


Historique des versions

Version 1

2. La CNCDH n'ignore pas que la mention du sexe demeure, dans notre droit, un élément essentiel de l'identification des personnes et que l'état civil revêt une forte importance symbolique dans la tradition républicaine française. L'état des personnes a en effet un rôle essentiel, à la fois au regard de l'intérêt général (puisqu'il permet une identification simple et sûre d'autrui) et au regard du sujet lui-même.

3. La CNCDH est par ailleurs consciente de la situation très précaire des personnes transidentitaires en France, victimes de discriminations et d'exclusion sociale. Le droit, non seulement n'est pas suffisamment protecteur pour ces personnes, mais contribue aussi à les maintenir pendant de nombreuses années dans une situation de grande vulnérabilité sociale. C'est pourquoi la CNCDH estime nécessaire une refonte de la législation française concernant l'identité de genre et le processus de changement de sexe à l'état civil. Les questions abordées, dont l'enjeu est d'améliorer la lutte contre les discriminations et de défendre le principe de l'égalité devant la loi, apparaissent pleinement et étroitement liées à la promotion des droits fondamentaux.

4. Pour fonder son avis, la CNCDH a sollicité la jurisprudence interne et les textes internationaux relatifs aux questions traitées. Elle a en outre procédé à de nombreuses auditions de chercheurs, de professeurs de droit, de représentants associatifs et de membres du Sénat. Des contributions écrites, adressées par des ONG, des médecins, des chercheurs en sciences sociales, et par le Défenseur des droits, ont permis de compléter le panel des arguments entendus.

5. De l'ensemble de ces travaux, et après débats contradictoires entre ses membres, la CNCDH a retenu le principe de l'introduction dans la loi du critère d'« identité de genre ». L'urgence d'un changement dans la procédure de modification de la mention de sexe dans l'état civil a par ailleurs incité les membres à recommander une démédicalisation totale et une déjudiciarisation partielle de la procédure.

I. ― L'identité de genre

6. Le concept d'identité de genre n'est pas présent dans le droit français. Lors du vote de la loi sur le harcèlement sexuel du 6 août 2012, la notion d'identité sexuelle a été préférée à celle d'identité de genre (2). Elle a été ajoutée au côté de la mention de l'orientation sexuelle afin de protéger les personnes transsexuelles ou transgenres, comme le précise la circulaire CRIM 2012-15/E8-07.08.2012 d'application de cette loi. Les termes « orientation sexuelle » qui figuraient dans l'article 225-1 du code pénal ont ainsi été remplacés par l'article 4 de la loi par les termes « orientation ou identité sexuelle (3).

(2) Pour comprendre ce choix, il faut resituer le vote de la loi dans son contexte. La loi sur le harcèlement sexuel visait à combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel d'invalider la loi existante sur le harcèlement sexuel. Introduire la notion d'identité de genre à ce moment-là aurait pu susciter des débats propres à retarder et peut-être à mettre en péril le vote de la loi. Des députés de l'opposition s'étaient en effet prononcés contre l'introduction par amendement de la notion d'identité de genre, assimilant cette notion à la « théorie du genre » qu'ils dénoncent comme un révisionnisme anthropologique. (3) Cette modification a également été effectuée dans toutes les dispositions législatives qui utilisaient l'expression orientation sexuelle, notamment celles des articles 132-77, 21-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 222-18-1, 222-24, 222-30, 226-19, 311-4 et 312-2 du code pénal prévoyant les circonstances aggravantes commises en raison de l'orientation sexuelle de la victime, et celles des articles 24, 32, 33 et 48-4 de la loi sur la presse réprimant les provocations, diffamations et injures commises en raison de cette orientation sexuelle.