JORF n°0216 du 16 septembre 2021

Sous-section 4 : Dispositions relatives à la propriété retenue ou cédée à titre de garantie

L'article 10 modifie la section 1 du chapitre 4, relative à la propriété retenue à titre de garantie. Plus précisément, il complète l'article 2372 afin de combattre une solution jurisprudentielle (Com. 5 juin 2007, n° 05-21.349) considérée comme inopportune : la Cour de cassation interdit en effet au sous-acquéreur d'un bien acquis sous réserve de propriété d'opposer au vendeur réservataire les exceptions dont il aurait pu se prévaloir contre l'acheteur-revendeur, au détriment des intérêts du sous-acquéreur de bonne foi. Le texte permet d'aligner le régime de cette sûreté avec les règles applicables à la cession de créance et à la subrogation personnelle (articles 1324 et 1346-5 du code civil).
L'article 11 concerne la section 2, relative à la propriété cédée à titre de garantie. Il crée trois sous-sections au sein de celle-ci.
La sous-section 1 est relative à la fiducie à titre de garantie ; elle comprend les articles 2372-1 à 2372-5 déjà existants.
L'article 2372-1 est complété par un nouvel alinéa, qui prévoit expressément que les dettes garanties peuvent être présentes ou futures, et que dans ce dernier cas elles doivent être déterminables. Cette règle est conforme à celles prévues pour les autres sûretés réelles (articles 2333 pour le gage, 2356 pour le nantissement, 2421 pour l'hypothèque).
L'article 2372-2 est modifié afin de supprimer l'exigence d'évaluation du bien ou du droit transféré dès lors qu'elle n'est prévue pour aucune autre sûreté. Les parties pourront toujours recourir à une telle évaluation si elles le souhaitent.
Enfin, l'article 2372-3 est complété afin d'instaurer plus de souplesse dans les modalités de vente des biens ou droits transférés tout en assurant une protection du débiteur et du créancier : une vente des biens donnés en fiducie est désormais possible à un prix différent de celui fixé par l'expert, mais seulement dans le cas où une vente à ce prix n'aurait pas été possible, ce dont le fiduciaire devra justifier. Il pourra alors vendre au prix qu'il estime correspondre à la valeur du bien, et ce sous sa responsabilité, afin de protéger les intérêts du débiteur et du créancier.
La sous sous-section 2 est relative à la cession de créance à titre de garantie. Il s'agit de permettre, aux côtés de la fiducie-sûreté et dans un souci d'attractivité internationale de la loi française, la cession de créance à titre de garantie. En l'absence de texte le prévoyant, la Cour de cassation a toujours refusé de reconnaître cette sûreté et a requalifié l'opération en nantissement de créance (Com. 19 décembre 2006, n° 05-16.395). Aujourd'hui une telle cession n'est possible qu'au profit des établissements bancaires et assimilés (cession dite Dailly régie par le code monétaire et financier).
L'article 2373 pose le principe de la cession de créance à titre de garantie, laquelle est soumise au droit commun de la cession de créance (article 1321 à 1326). Elle entraîne, au même titre que la cession Dailly, un véritable transfert de la propriété de la créance.
L'article 2373-1 prévoit que la cession de créance à titre de garantie doit respecter le principe de spécialité, quant à l'assiette de la sûreté (créances cédées) et quant aux créances garanties. Le texte reprend les mêmes éléments d'identification que prévus pour le nantissement de créance (article 2356 du code civil) ou la cession Dailly (article L. 313-23 du code monétaire et financier), cette liste n'étant toutefois qu'indicative.
L'article 2373-2 fixe le régime des sommes versées au cessionnaire par le débiteur. L'alinéa premier prévoit que, si la créance garantie est déjà échue, les sommes s'imputent alors sur celle-ci ; la solution est la même que celle prévue dans le nantissement de créance (article 2364 alinéa 1er). Le second alinéa précise que, si la créance garantie n'est pas échue, le créancier cessionnaire conserve les sommes versées par le cédé dans les conditions prévues aux articles 2374-3 et suivants, c'est-à-dire conformément aux règles relatives à la cession de somme d'argent à titre de garantie. Dans une telle hypothèse en effet, le droit de propriété dont était titulaire le cessionnaire sur la créance se reporte sur la somme d'argent versée en paiement de celle-ci ; sa sûreté-propriété sur la créance se transforme en sûreté-propriété sur la somme d'argent, ce qui conduit à lui appliquer le régime prévu pour cette sûreté.
L'article 2373-3 prévoit que, lorsque la créance garantie est intégralement payée avant que la créance cédée ne le soit, le cédant recouvre de plein droit la propriété de celle-ci. Cette solution est identique à celle retenue par la jurisprudence en matière de cession Dailly à titre de garantie (1ère Civ., 19 septembre 2007, n° 04-18.372). Elle est conforme à la logique des sûretés-propriétés : le transfert de propriété n'y est que temporaire.
La sous-section 3 est relative à la cession de somme d'argent à titre de garantie. Il s'agit de consacrer dans le code civil, dans un souci d'attractivité du droit français, de lisibilité et de sécurité juridique, la figure du « gage-espèces ». Cette sûreté, très utilisée en pratique, était en effet jusque-là dépourvue de fondement textuel.
L'article 2374 définit le gage-espèces et met en avant sa caractéristique essentielle : il opère un véritable transfert de propriété de la somme d'argent du cédant au cessionnaire.
L'article 2374-1 pose le principe de l'exigence d'un écrit à titre de validité de la sûreté, comme pour l'ensemble des sûretés. Le texte précise également les mentions devant figurer dans l'écrit, lesquelles assurent le respect du principe de spécialité quant à la créance garantie. La rédaction est alignée sur celle du nantissement (article 2356 du code civil).
L'article 2374-2 affirme que le gage-espèce est opposable aux tiers par la remise de la somme d'argent, sans formalité supplémentaire. Cette solution s'impose dès lors qu'il s'agit d'une sûreté avec dépossession.
L'article 2374-3 consacre le pouvoir de libre disposition des sommes cédées dont bénéficie le cessionnaire, ce qui est conforme à la logique du transfert de propriété : le cessionnaire étant propriétaire des sommes cédées, il en fait ce qu'il veut. Les parties sont toutefois libres d'insérer une stipulation contraire, par exemple en prévoyant que les sommes doivent être conservées sur un compte spécialement affecté.
L'article 2374-4 est relatif aux fruits et intérêts produits par la somme cédée. Deux situations sont distinguées. Si le cessionnaire n'a pas la libre disposition de la somme cédée, il est prévu à titre de règle supplétive que les fruits et intérêts de cette somme accroissent l'assiette de la garantie ; dans toutes les sûretés réelles en effet, les fruits et produits profitent économiquement au constituant. Si le cessionnaire a la libre disposition de la somme cédée, cette règle ne peut pas être appliquée : la somme s'étant mélangée dans son patrimoine, il est impossible de déterminer quels fruits elle a pu concrètement produire. Dans ce cas, les parties peuvent toutefois prévoir un intérêt.
L'article 2374-5 fixe le sort des sommes transférées à titre de garantie en cas de défaillance du débiteur : le cessionnaire peut décider de les imputer sur le montant de la créance garantie ; l'excédent éventuel doit alors être restitué au constituant afin d'éviter tout enrichissement du cessionnaire.
L'article 2374-6 détermine quant à lui le sort des sommes transférées en cas de paiement de l'intégralité de la créance garantie : elles doivent être restituées au cédant, conformément à la logique de la garantie.