JORF n°0055 du 6 mars 2009

Les vingt propositions

Proposition n° 1 : favoriser les regroupements volontaires de régions et la modification de leurs limites territoriales pour en réduire le nombre à une quinzaine
Certaines régions françaises sont moins peuplées que leurs homologues européennes, et leur périmètre est parfois contesté. L'objectif est de leur donner une taille critique de 3 à 4 millions d'habitants. Pour faciliter les regroupements de régions, il est proposé de simplifier la législation en prévoyant que suffiront, dans les régions qui le souhaitent, soit l'assentiment des conseils régionaux, soit un référendum. Pour les modifications des limites des régions, il est proposé que le vote du Parlement ne soit plus requis mais que suffisent les délibérations concordantes des régions et départements concernés, assorti d'un avis favorable des conseils généraux des départements de chaque région.

Proposition n° 2 : favoriser les regroupements volontaires de départements par des dispositions législatives de même nature que pour les régions
Il n'existe, dans le droit actuel, aucune disposition prévoyant la procédure à suivre lorsque deux départements, ou plus, souhaitent se regrouper. Or, certains départements manifestent cette volonté. Il est donc proposé de transposer aux départements la législation envisagée pour favoriser les regroupements de régions.

Proposition n° 3 : désigner par une même élection, à partir de 2014, les conseillers régionaux et départementaux ; en conséquence, supprimer les cantons et procéder à cette élection au scrutin de liste
Afin de renforcer le rôle des régions tout en les rapprochant des départements et en modernisant le mode d'élection des représentants de la population à chacun de ces deux niveaux d'administration territoriale, il est proposé de procéder simultanément à cette élection, dans le cadre d'un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d'une prime majoritaire. Les listes présentées le même jour aux suffrages comporteraient autant de candidats que de sièges à pourvoir dans les conseils départementaux. Les premiers de liste seraient, dans une proportion à déterminer en fonction de la population, désignés pour siéger au conseil régional et au conseil départemental, les suivants de liste siégeant exclusivement au conseil départemental. Il s'en déduit que les cantons, même redessinés, seraient des circonscriptions électorales inadaptées. L'élection se déroulerait donc dans le cadre de circonscriptions infra-départementales, de manière à ce que l'identité des territoires continue à être prise en compte à l'échelon départemental et le soit mieux qu'elle ne l'est aujourd'hui au niveau régional.

Proposition n° 4 : achever, avant 2014, la carte de l'intercommunalité
Presque toutes les communes françaises sont membres d'un groupement de communes, mais, dans certaines régions, la carte de l'intercommunalité demeure inachevée. Il convient que les communes qui ne sont membres ni d'une communauté urbaine, ni d'une communauté d'agglomérations, ni d'une communauté de communes rejoignent, avant 2014, la forme de groupement correspondant à l'importance de leur population.

Proposition n° 5 : rationaliser, avant 2014, la carte des syndicats de communes
Afin de simplifier le fonctionnement des administrations locales et de diminuer le nombre des échelons d'administration, il est proposé qu'avant 2014 tous les SIVOM et SIVU soient, lorsque leur périmètre correspond à celui d'un groupement de communes, absorbés par celui-ci et que soient précisées les conditions d'adhésion des communes à des syndicats dont le périmètre ne recoupe que partiellement celui du groupement de communes auquel elles appartiennent.

Proposition n° 6 : ne plus créer de nouveaux " pays " au sens de la loi du 4 février 1995
La plupart des " pays " ont été des structures de préfiguration des groupements de communes. Ils ont, pour l'essentiel, rempli leur office. Il est donc proposé de proscrire la constitution de nouveaux " pays " au sens où le prévoyait la loi du 4 février 1995.

Proposition n° 7 : instaurer l'élection des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux
La plupart des groupements de communes exercent, en fait, des compétences très larges, en lieu et place des communes qui les constituent. Or, les organes délibérants de ces groupements ne procèdent que du suffrage indirect. Il est proposé d'étendre le champ de la démocratie locale en prévoyant que les membres de ces organes délibérants soient élus au suffrage direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux, les premiers de liste ayant vocation à siéger au conseil de l'intercommunalité et au conseil municipal de leur commune, les suivants de liste siégeant exclusivement dans leur conseil municipal. Afin que toutes les communes soient représentées dans des conditions satisfaisantes au conseil communautaire, il serait prévu que les critères démographiques de représentation soient assortis d'une disposition permettant que chaque commune dispose au moins d'un représentant au conseil communautaire. Il se déduit de tout ce qui précède que les mandats exécutifs intercommunaux devraient entrer dans le champ de la législation relative à la limitation du cumul des mandats.

Proposition n° 8 : créer par la loi onze premières métropoles, à compter de 2014, d'autres intercommunalités pouvant ensuite, sur la base du volontariat, accéder à ce statut
A. C'est en 1966 qu'ont été créées, par la loi, les communautés urbaines. Pour donner une nouvelle impulsion aux plus importantes d'entre elles et doter notre pays d'agglomérations d'une force suffisante, il est proposé de créer, par la loi, avant 2014, un premier groupe de métropoles (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Toulon et Rennes), auquel auraient ensuite vocation à se joindre, si elles le souhaitent, les intercommunalités remplissant les conditions posées par cette loi.
B. Les métropoles ainsi constituées seraient des collectivités locales à statut particulier, exerçant, outre certaines des compétences des communes, les compétences, notamment sociales, dévolues aux départements.
C. Soit les communes membres des communautés urbaines ou d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles seraient créées les métropoles auraient la qualité de " villes ", personnes morales de droit public dotées de compétences et de ressources fiscales propres et de conseils élus. Les conseillers métropolitains seraient élus sur la même liste et le même jour que les conseillers de villes, selon les modalités déjà décrites pour les autres élections simultanées recommandées par le Comité.
Soit les communes membres des communautés urbaines ou d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles seraient créées les métropoles conserveraient la qualité de collectivités locales, ce qui impliquerait que soient modifiées les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution, qui proscrivent la tutelle d'une collectivité locale sur une autre. Dans cette hypothèse, les conseillers métropolitains seraient également élus sur la même liste et le même jour que les conseillers municipaux, selon les modalités déjà décrites.

Proposition n° 9 : permettre aux intercommunalités de se transformer en communes nouvelles en redéployant, en leur faveur, les aides à l'intégration des communes
L'objectif à atteindre est, à terme, que les intercommunalités se transforment en communes de plein exercice, ce qui permettrait à la France de compter des communes fortes, en nombre raisonnable. Afin d'encourager ce mouvement, il est proposé que les aides à l'intégration soient redéployées en faveur des intercommunalités où le besoin d'intégration est le plus manifeste, qu'une date butoir soit fixée par la loi pour l'attribution de ces aides et que, passé le délai ainsi accordé aux communes pour s'engager dans la voie de l'intégration, ces aides soient gelées puis diminuent progressivement.

Proposition n° 10 : réduire d'un tiers les effectifs maximaux des exécutifs intercommunaux
La France se caractérise par le nombre élevé des membres des exécutifs locaux, en particulier à l'échelon intercommunal. Il en résulte, outre des dépenses de fonctionnement parfois peu justifiées, une dilution des responsabilités. Aussi est-il proposé une réduction d'un tiers des effectifs des exécutifs intercommunaux.

Proposition n° 11 : confirmer la clause de compétence générale au niveau communal (métropoles, communes nouvelles issues des intercommunalités et autres communes) et spécialiser les compétences des départements et des régions
Une fois définis les champs de compétences respectifs de chaque niveau de collectivités locales, il est proposé que les départements et les régions ne puissent intervenir que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue, de manière à limiter les excès des financements croisés. En revanche, afin de garantir aux élus les plus proches des populations et de leurs besoins la capacité de prendre des initiatives dans les cas non prévus par les textes législatifs et réglementaires, les communes dans leur forme actuelle, les communes nouvelles issues des intercommunalités et les métropoles exerceraient, outre leurs compétences d'attribution, une compétence générale. Par ailleurs, les départements conserveraient la faculté d'apporter leur concours aux investissements des communes.

Proposition n° 12 : clarifier la répartition des compétences entre les collectivités locales et entre celles-ci et l'Etat
La répartition des compétences entre collectivités locales relève de textes multiples et épars. Il est proposé que les pouvoirs publics engagent et mènent à bien avant la fin de la présente législature une révision générale de ces compétences permettant de distinguer les compétences qui doivent demeurer partagées entre plusieurs niveaux d'administration locale, celles qui doivent être attribuées de manière exclusive à une seule catégorie de collectivités locales et celles qui sont susceptibles de faire l'objet de délégations de compétences.

Proposition n° 13 : prévoir, à l'occasion de la révision générale des politiques publiques, de tirer toutes les conséquences des lois de décentralisation, de telle sorte que les services ou parties de services déconcentrés de l'Etat qui interviennent dans les champs de compétences des collectivités locales soient supprimés
Plus d'un quart de siècle après les grandes lois de décentralisation, l'Etat n'en a pas encore tiré les conséquences en termes d'organisation de ses services déconcentrés et de nombreux doublons subsistent, qui compliquent les procédures de décision et en alourdissent le coût. Il est proposé que, chaque fois que l'Etat continue à intervenir dans une matière relevant des compétences exclusives des collectivités locales, il supprime les services ou parties de services déconcentrés correspondants.

Proposition n° 14 : définir, dans le cadre d'un débat annuel au Parlement, un objectif annuel d'évolution de la dépense publique locale
On peut regretter que, compte tenu de son importance, la dépense publique locale demeure mal connue et ne soit évoquée devant le Parlement qu'à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Pour la clarté du débat démocratique et pour l'information des gestionnaires locaux, il est proposé que le Parlement organise chaque année un débat sur ce point et que celui-ci soit alimenté par un constat mis au point par une instance ad hoc chargée de définir, sous le contrôle du Parlement, des indicateurs de performance et un guide de bonnes pratiques dans la gestion des finances locales. Les collectivités locales seraient ainsi mieux éclairées sur les conséquences de leurs dépenses et notre pays mieux à même de veiller à la cohérence de ses engagements européens.

Proposition n° 15 : réviser les bases foncières des impôts directs locaux et prévoir leur réactualisation tous les six ans
Actuellement, les bases foncières des impôts directs locaux sont celles fixées en 1970. Il est proposé que la révision de ces bases fasse partie de la réforme globale des collectivités locales, qu'elle s'effectue en fonction de valeurs locatives administrées qui tiennent compte du marché immobilier, que la loi encadre les transferts de charges en résultant pour les contribuables, mette en place un mécanisme d'étalement de ces transferts de charges sur plusieurs années et établisse une procédure automatique de réévaluation tous les six ans.

Proposition n° 16 : compenser intégralement la suppression de la taxe professionnelle par un autre mode de taxation de l'activité économique, fondée notamment sur les valeurs locatives foncières réévaluées et la valeur ajoutée des entreprises
La suppression annoncée de la taxe professionnelle et sa nécessaire compensation, qui représente un enjeu de quelque 22 milliards d'euros pour les collectivités locales, ont conduit le Comité à réaffirmer son attachement à la persistance d'un lien fiscal entre les entreprises et les collectivités sur le territoire desquelles elles sont implantées. Après avoir examiné les différentes options possibles, le Comité a écarté l'idée d'un partage d'impôts nationaux et celle d'une taxation de la consommation d'énergie, qui frapperait également les ménages. Il propose, afin d'assurer la neutralité de la réforme pour les finances publiques, ce qui nécessite une ressource de 8 milliards d'euros, qu'outre la part foncière, réévaluée, de la taxation des entreprises celles-ci soient imposées en fonction de la valeur ajoutée qu'elles dégagent, le taux de cette taxation, qui serait affectée aux collectivités locales, ne pouvant excéder un plafond fixé à l'échelon national. Le reste à combler pour les collectivités locales serait financé sous la forme de dotations budgétaires et du transfert de divers impôts indirects, comme la taxe supplémentaire sur les conventions d'assurance.

Proposition n° 17 : limiter les cumuls d'impôts sur une même assiette d'imposition
Quelque 39 000 entités distinctes disposent, en France, de la capacité de lever l'impôt. Il en résulte une opacité du système fiscal qui nuit à l'exercice de la démocratie locale. Aussi est-il proposé d'éviter qu'un trop grand nombre de niveaux de collectivités locales ne disposent du pouvoir de fixer le taux d'impositions reposant sur une même assiette, tout en laissant à chaque niveau de collectivités locales la possibilité de fixer librement le taux d'au moins une imposition. La répartition proposée par le Comité se rapproche de cet objectif, tout en tenant compte du volume des dépenses exposées par chaque catégorie de collectivités locales.

Proposition n° 18 : créer, en 2014, une collectivité locale à statut particulier, dénommée " Grand Paris ", sur le territoire de Paris et des départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine. Cette création serait précédée d'une consultation associant les représentants des collectivités locales intéressées, des partenaires sociaux et des forces économiques

La ville de Paris et les trois départements de la " petite couronne " rassemblent plus de six millions d'habitants. Au sein de cet ensemble, les besoins de coordination des politiques publiques sont criants et la voie de la coopération intercommunale n'y a guère été empruntée, à la différence des communautés urbaines qui existent dans les autres zones urbanisées de notre pays. Aussi est-il proposé, afin de permettre l'émergence d'une grande métropole nouvelle, de créer en 2014, à l'issue d'une consultation publique appropriée, une collectivité locale spécifique, dotée de compétences d'attribution qui seraient celles des départements supprimés et des intercommunalités les plus importantes qui s'y trouvent. Les communes comprises dans le périmètre du " Grand Paris " conserveraient leur qualité de collectivités locales ainsi que le mode de scrutin actuel pour la désignation de leurs conseils municipaux. Les conseillers du " Grand Paris " seraient élus, dans le cadre de circonscriptions découpées à l'intérieur des départements actuels, au scrutin de liste à deux tours à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, les premiers de liste siégeant au conseil régional et les suivants de liste au conseil du " Grand Paris ".

Proposition n° 19 : modifier certaines dispositions du mode de scrutin actuel pour la désignation des membres de l'Assemblée de Corse
Tant que l'élection de l'Assemblée de Corse reste distincte de celle des assemblées départementales, des modifications à la loi existante, en ce qui concerne la prime majoritaire et les conditions de maintien ou de fusion des listes, permettraient la constitution d'une majorité au sein de cette assemblée.

Proposition n° 20 : instaurer, dans les départements et régions d'outre-mer, une assemblée unique
Contrairement à la règle applicable en métropole qui veut qu'une seule collectivité locale administre un même territoire, les départements d'outre-mer ont également le caractère de régions. Les inconvénients qui en résultent sont nombreux, en termes d'exercice de la démocratie locale et de coût de fonctionnement. Il est proposé que ces départements soient administrés, après consultation des électeurs, par une assemblée unique.

Les propositions n°s 1, 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19 et 20 ont été adoptées à l'unanimité des membres du Comité.
La proposition n° 3 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre et M. Verpeaux s'abstenant.
Le A et le C de la proposition n° 8 ont été adoptés à l'unanimité des membres du Comité ; le B a été adopté à la majorité des membres du Comité, MM. Mauroy, Vallini et Julliard votant contre.
La proposition n° 11 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre et MM. Julliard, Verpeaux et Casanova s'abstenant.
La proposition n° 18 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre.

Observations personnelles
de MM. Pierre Mauroy et André Vallini

Si nous avons accepté, sur la proposition du président de la République, de participer au " Comité Balladur ", dont la mission était de formuler des propositions pour " réformer les collectivités locales ", c'était dans le but d'approfondir la régionalisation et la décentralisation initiées dans le même esprit que celui qui a présidé aux grandes lois de 1982-1983.
Au fil du temps, les avancées que ces lois ont réalisées ont été reconnues par ceux-là mêmes qui les avaient combattues alors avec vigueur. Elles ont été amplifiées par les lois Joxe (1992), Chevènement (1999) et Vaillant (2002). En 2003, le gouvernement Raffarin n'a pas répondu aux espoirs suscités par ce qui devait être " l'An 2 " de la décentralisation, s'il a permis cependant quelques progrès, notamment dans la rédaction du Préambule de la Constitution (qui précise que la France est une " République décentralisée ") et en ouvrant aux collectivités territoriales la voie de l'expérimentation.
C'est donc avec un grand intérêt que nous avons participé avec assiduité aux travaux du Comité animé par Edouard Balladur, qui les a conduits avec rigueur et souplesse. Les débats se sont déroulés dans une ambiance très cordiale. Nous avons apprécié le remarquable travail de synthèse effectué par les collaborateurs du Comité et par les rédacteurs du rapport qui sera remis au Président de la République.
A l'issue de ses travaux, le Comité a retenu vingt propositions. Cette note fait état de nos points d'accord et de désaccord et explique les raisons qui motivent nos prises de positions.
Pour résumer, nous approuvons celles des propositions qui participent à l'approfondissement de la régionalisation et de la décentralisation et qui s'inscrivent dans la suite de ce qui a été réalisé depuis une quarantaine d'années. Mais nous déplorons que certaines, auxquelles nous nous sommes opposés, marquent plus un recul qu'une progression dans la marche en avant de la décentralisation et de la régionalisation. Il s'agit encore, à nos yeux, d'un rendez-vous en grande partie manqué avec ce qui aurait pu ― et dû― être " l'An 3 " de la décentralisation.

  1. Points d'accord

Certaines propositions du rapport répondent à l'esprit des lois de 1982. Elles vont dans le bon sens. Nous les approuvons donc.
Il en va ainsi des propositions 1 et 2 qui prônent la nécessité de réduire, sur une base volontaire, le nombre actuel de régions à une quinzaine. Ces dispositions vont permettre la nécessaire montée en puissance des régions françaises à la hauteur des grandes régions européennes, interlocutrices privilégiées de l'Etat et de l'Union européenne.
Nous approuvons également les propositions 4, 5 et 6 qui vont dans le sens de l'achèvement de l'intercommunalité et de la simplification des structures administratives comme de la réduction des dépenses publiques avec pour objectif la limitation, voire la fin, de la multiplication des structures locales qui font souvent doublons (syndicats de communes, pays, etc.).
Surtout, nous sommes très favorables à la proposition 7 qui porte sur les EPCI à fiscalité propre et qui instaure l'élection de leurs organes délibérants au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux, les élevant au rang de collectivité territoriale de plein exercice, dotée de la clause de compétence générale et de l'autonomie financière. Il y a là une avancée forte de la démocratie locale et de la bonne gestion des territoires au bénéfice des populations. L'intercommunalité a été un succès. Il faut la poursuivre et l'approfondir. Cette mesure y contribuera largement.
Nous soutenons également la création par la loi de 11 métropoles d'ici à 2014 (proposition 8). Le nombre de ces métropoles a varié au fil des débats pour se fixer à onze. Nous préconisions la création d'emblée d'une vingtaine de métropoles car nous pensons que la " métropolisation " permettra aux villes françaises de se hisser à la hauteur de leurs concurrentes européennes et de rivaliser en puissance et en notoriété avec elles.
En revanche, nous désapprouvons le projet de faire des communes membres des intercommunalités et des métropoles, qui sont aujourd'hui des collectivités locales de plein exercice, de simples personnes morales de droit public (EPCI). Cette " rétrogradation " ne nous paraît pas justifiée et sera difficilement acceptée par les communes intéressées. Au plus, devraient-elles devenir des " communes intégrées ", bénéficiant de la qualité de collectivité locale, partageant leurs activités avec la métropole.
Si nous approuvons le principe de spécialisation des compétences des collectivités locales (proposition 12), il convient d'aller plus loin dans l'attribution de compétences propres, tout en laissant ouverte la possibilité de délégation de compétences entre collectivités, gage de souplesse dans leur exercice.
Les régions ayant vocation à œuvrer pour la compétitivité des territoires, l'agriculture, l'industrie, le tourisme, les grandes infrastructures ferroviaires, les ports et les aéroports, la formation, la recherche et l'enseignement supérieur sont des compétences dont il faut achever la décentralisation de l'Etat vers les régions.
Les départements ayant en charge la solidarité et la qualité de vie, des compétences encore exercées par les services déconcentrés de l'Etat doivent leur être transférées en matière de sport, de santé, d'hébergement d'urgence ou d'environnement. Les routes nationales doivent être départementalisées et en matière d'enseignement il convient d'attribuer au département la gestion des lycées en plus de celle des collèges, ainsi que les cadres gestionnaires des établissements et les agents de médecine scolaire, dans un souci de cohérence avec le transfert des TOS.
En revanche, une compétence départementale doit être recentralisée : celle des services départementaux d'incendie et de secours qui relèvent d'une mission régalienne de l'Etat, la sécurité (le détail de ces propositions est présenté dans le tableau en annexe page 7).
Enfin et afin que les collectivités locales aient tous les moyens et capacités d'exercer pleinement et entièrement leurs responsabilités, il faut les doter d'un pouvoir réglementaire autonome dans le cadre de lois qui en préciseront les modalités et les limites. C'est une condition indispensable au transfert de certaines missions au département, en matière d'eau et d'environnement par exemple.
Nous approuvons encore pour des raisons de cohérence et d'efficacité, la proposition 13 qui supprime les services ou parties de services déconcentrés de l'Etat qui interviennent dans les champs de compétence des collectivités locales.
Enfin, si nous avons approuvé les propositions 14 à 17 qui abordent la question essentielle des finances locales, nous tenons à préciser en revanche que la suppression de la taxe professionnelle n'est envisageable que si trois conditions sont réunies : le montant des ressources des collectivités doit être garanti par une autre recette fiscale dynamique ; le lien fiscal entre les entreprises et le territoire où elles s'implantent doit être maintenu ; enfin, la réforme de la fiscalité locale doit être globale.
Concernant la Corse, la proposition 19 va dans le bon sens.

  1. Points de désaccord

Ces points de désaccord sont très importants.
Ils portent d'abord sur la proposition 3, qui prévoit la désignation, par une même élection, sur une même liste et dans le cadre de circonscriptions infradépartementales, des conseillers régionaux et départementaux.
Le comité distingue " les politiques publiques de soutien à l'activité et à la compétitivité ", qu'il propose de confier aux régions en complément de l'Etat et de l'Europe, et " l'action de proximité à destination des habitants ", sur laquelle pourrait être centrée l'action des départements, des intercommunalités et des communes. Partageant la vision de ces deux " blocs ", Europe ― Etat ― régions, d'une part, et départements ― intercommunalités et communes, d'autre part, nous considérons qu'il faut en tirer les conséquences en distinguant clairement les scrutins régionaux et départementaux. Or, la réforme proposée risque d'aboutir à une " cantonalisation " des régions, en opposition avec la nécessité de faire émerger de grandes régions puissantes et articulées sur l'Europe.
L'élection des conseillers régionaux doit donc être organisée sur la base de listes régionales au scrutin proportionnel assorti d'une prime majoritaire (sur le mode du scrutin municipal). Au niveau départemental, l'élection devrait se tenir sur la base de listes départementales au scrutin proportionnel avec prime majoritaire, avec la possibilité de circonscriptions électorales dans les grands départements, pour garantir le lien des élus avec les territoires et les populations qu'ils représentent. L'élection des conseils municipaux et celle des conseils départementaux se tiendraient le même jour.
Nous n'approuvons pas non plus la proposition 11 qui, certes, confirme la clause de compétence générale au niveau communal (métropoles, communes issues des intercommunalités et autres communes) mais la retire aux régions et aux départements. Cette suppression poserait deux problèmes. D'une part, les régions et surtout les départements assurent un rôle de péréquation financière et donc de solidarité entre les territoires qui doit pouvoir être modulé en fonction des circonstances (catastrophes naturelles, crise économique, défaillances d'entreprises, etc.).
D'autre part, dans une société en mouvement, la clause générale de compétence permet aux collectivités de répondre aux mutations économiques et sociales et aux nouveaux besoins de la population. Il convient donc de maintenir la clause de compétence générale aux régions et départements mais de limiter l'enchevêtrement des financements croisés. Pour y parvenir, il est nécessaire de limiter le financement d'un même projet à deux collectivités ; l'apport de la collectivité secondaire (qui n'est pas à l'origine du projet et n'aura pas à en assumer la gestion) devrait être plafonné à 50 % de la dépense subventionnable ; enfin, une collectivité ne pourrait faire appel qu'à une collectivité de niveau supérieur : le bloc communal pourrait faire appel au financement du département ou de la région, le département rechercherait celui de la région, la région ne pouvant obtenir une aide que de l'Etat ou de l'Europe.
Reste la question du " Grand Paris ".
Les débats qui se sont déroulés sur cette question au sein du Comité ont confirmé le fait que la capitale de la France ne pourra pas se développer comme elle le doit si on s'en tient au statu quo. La superficie et la population actuelles de Paris ne sont pas à la hauteur de cette ville universelle.
Pour autant, les auditions auxquelles le Comité a procédé ont montré l'absence de propositions des élus parisiens et franciliens sur cette question centrale, même s'ils ont récemment amorcé un rassemblement au sein du " syndicat mixte Paris-Métropole ". Il nous semble donc prématuré d'avancer telle ou telle proposition avant que le débat ne se soit poursuivi et approfondi dans les prochains mois avec tous les acteurs concernés. C'est pourquoi, à ce moment de la réflexion, nous ne soutenons pas la proposition 18 du rapport, même si elle a le mérite de lancer le débat.
Enfin, concernant les départements et régions d'outre-mer, là encore, la proposition 20, qui prévoit d'y instaurer une collectivité unique, doit être discutée avec les collectivités intéressées.


Historique des versions

Version 1

Les vingt propositions

Proposition n° 1 : favoriser les regroupements volontaires de régions et la modification de leurs limites territoriales pour en réduire le nombre à une quinzaine

Certaines régions françaises sont moins peuplées que leurs homologues européennes, et leur périmètre est parfois contesté. L'objectif est de leur donner une taille critique de 3 à 4 millions d'habitants. Pour faciliter les regroupements de régions, il est proposé de simplifier la législation en prévoyant que suffiront, dans les régions qui le souhaitent, soit l'assentiment des conseils régionaux, soit un référendum. Pour les modifications des limites des régions, il est proposé que le vote du Parlement ne soit plus requis mais que suffisent les délibérations concordantes des régions et départements concernés, assorti d'un avis favorable des conseils généraux des départements de chaque région.

Proposition n° 2 : favoriser les regroupements volontaires de départements par des dispositions législatives de même nature que pour les régions

Il n'existe, dans le droit actuel, aucune disposition prévoyant la procédure à suivre lorsque deux départements, ou plus, souhaitent se regrouper. Or, certains départements manifestent cette volonté. Il est donc proposé de transposer aux départements la législation envisagée pour favoriser les regroupements de régions.

Proposition n° 3 : désigner par une même élection, à partir de 2014, les conseillers régionaux et départementaux ; en conséquence, supprimer les cantons et procéder à cette élection au scrutin de liste

Afin de renforcer le rôle des régions tout en les rapprochant des départements et en modernisant le mode d'élection des représentants de la population à chacun de ces deux niveaux d'administration territoriale, il est proposé de procéder simultanément à cette élection, dans le cadre d'un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d'une prime majoritaire. Les listes présentées le même jour aux suffrages comporteraient autant de candidats que de sièges à pourvoir dans les conseils départementaux. Les premiers de liste seraient, dans une proportion à déterminer en fonction de la population, désignés pour siéger au conseil régional et au conseil départemental, les suivants de liste siégeant exclusivement au conseil départemental. Il s'en déduit que les cantons, même redessinés, seraient des circonscriptions électorales inadaptées. L'élection se déroulerait donc dans le cadre de circonscriptions infra-départementales, de manière à ce que l'identité des territoires continue à être prise en compte à l'échelon départemental et le soit mieux qu'elle ne l'est aujourd'hui au niveau régional.

Proposition n° 4 : achever, avant 2014, la carte de l'intercommunalité

Presque toutes les communes françaises sont membres d'un groupement de communes, mais, dans certaines régions, la carte de l'intercommunalité demeure inachevée. Il convient que les communes qui ne sont membres ni d'une communauté urbaine, ni d'une communauté d'agglomérations, ni d'une communauté de communes rejoignent, avant 2014, la forme de groupement correspondant à l'importance de leur population.

Proposition n° 5 : rationaliser, avant 2014, la carte des syndicats de communes

Afin de simplifier le fonctionnement des administrations locales et de diminuer le nombre des échelons d'administration, il est proposé qu'avant 2014 tous les SIVOM et SIVU soient, lorsque leur périmètre correspond à celui d'un groupement de communes, absorbés par celui-ci et que soient précisées les conditions d'adhésion des communes à des syndicats dont le périmètre ne recoupe que partiellement celui du groupement de communes auquel elles appartiennent.

Proposition n° 6 : ne plus créer de nouveaux " pays " au sens de la loi du 4 février 1995

La plupart des " pays " ont été des structures de préfiguration des groupements de communes. Ils ont, pour l'essentiel, rempli leur office. Il est donc proposé de proscrire la constitution de nouveaux " pays " au sens où le prévoyait la loi du 4 février 1995.

Proposition n° 7 : instaurer l'élection des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux

La plupart des groupements de communes exercent, en fait, des compétences très larges, en lieu et place des communes qui les constituent. Or, les organes délibérants de ces groupements ne procèdent que du suffrage indirect. Il est proposé d'étendre le champ de la démocratie locale en prévoyant que les membres de ces organes délibérants soient élus au suffrage direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux, les premiers de liste ayant vocation à siéger au conseil de l'intercommunalité et au conseil municipal de leur commune, les suivants de liste siégeant exclusivement dans leur conseil municipal. Afin que toutes les communes soient représentées dans des conditions satisfaisantes au conseil communautaire, il serait prévu que les critères démographiques de représentation soient assortis d'une disposition permettant que chaque commune dispose au moins d'un représentant au conseil communautaire. Il se déduit de tout ce qui précède que les mandats exécutifs intercommunaux devraient entrer dans le champ de la législation relative à la limitation du cumul des mandats.

Proposition n° 8 : créer par la loi onze premières métropoles, à compter de 2014, d'autres intercommunalités pouvant ensuite, sur la base du volontariat, accéder à ce statut

A. C'est en 1966 qu'ont été créées, par la loi, les communautés urbaines. Pour donner une nouvelle impulsion aux plus importantes d'entre elles et doter notre pays d'agglomérations d'une force suffisante, il est proposé de créer, par la loi, avant 2014, un premier groupe de métropoles (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Toulon et Rennes), auquel auraient ensuite vocation à se joindre, si elles le souhaitent, les intercommunalités remplissant les conditions posées par cette loi.

B. Les métropoles ainsi constituées seraient des collectivités locales à statut particulier, exerçant, outre certaines des compétences des communes, les compétences, notamment sociales, dévolues aux départements.

C. Soit les communes membres des communautés urbaines ou d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles seraient créées les métropoles auraient la qualité de " villes ", personnes morales de droit public dotées de compétences et de ressources fiscales propres et de conseils élus. Les conseillers métropolitains seraient élus sur la même liste et le même jour que les conseillers de villes, selon les modalités déjà décrites pour les autres élections simultanées recommandées par le Comité.

Soit les communes membres des communautés urbaines ou d'agglomération sur la base et dans le périmètre desquelles seraient créées les métropoles conserveraient la qualité de collectivités locales, ce qui impliquerait que soient modifiées les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution, qui proscrivent la tutelle d'une collectivité locale sur une autre. Dans cette hypothèse, les conseillers métropolitains seraient également élus sur la même liste et le même jour que les conseillers municipaux, selon les modalités déjà décrites.

Proposition n° 9 : permettre aux intercommunalités de se transformer en communes nouvelles en redéployant, en leur faveur, les aides à l'intégration des communes

L'objectif à atteindre est, à terme, que les intercommunalités se transforment en communes de plein exercice, ce qui permettrait à la France de compter des communes fortes, en nombre raisonnable. Afin d'encourager ce mouvement, il est proposé que les aides à l'intégration soient redéployées en faveur des intercommunalités où le besoin d'intégration est le plus manifeste, qu'une date butoir soit fixée par la loi pour l'attribution de ces aides et que, passé le délai ainsi accordé aux communes pour s'engager dans la voie de l'intégration, ces aides soient gelées puis diminuent progressivement.

Proposition n° 10 : réduire d'un tiers les effectifs maximaux des exécutifs intercommunaux

La France se caractérise par le nombre élevé des membres des exécutifs locaux, en particulier à l'échelon intercommunal. Il en résulte, outre des dépenses de fonctionnement parfois peu justifiées, une dilution des responsabilités. Aussi est-il proposé une réduction d'un tiers des effectifs des exécutifs intercommunaux.

Proposition n° 11 : confirmer la clause de compétence générale au niveau communal (métropoles, communes nouvelles issues des intercommunalités et autres communes) et spécialiser les compétences des départements et des régions

Une fois définis les champs de compétences respectifs de chaque niveau de collectivités locales, il est proposé que les départements et les régions ne puissent intervenir que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue, de manière à limiter les excès des financements croisés. En revanche, afin de garantir aux élus les plus proches des populations et de leurs besoins la capacité de prendre des initiatives dans les cas non prévus par les textes législatifs et réglementaires, les communes dans leur forme actuelle, les communes nouvelles issues des intercommunalités et les métropoles exerceraient, outre leurs compétences d'attribution, une compétence générale. Par ailleurs, les départements conserveraient la faculté d'apporter leur concours aux investissements des communes.

Proposition n° 12 : clarifier la répartition des compétences entre les collectivités locales et entre celles-ci et l'Etat

La répartition des compétences entre collectivités locales relève de textes multiples et épars. Il est proposé que les pouvoirs publics engagent et mènent à bien avant la fin de la présente législature une révision générale de ces compétences permettant de distinguer les compétences qui doivent demeurer partagées entre plusieurs niveaux d'administration locale, celles qui doivent être attribuées de manière exclusive à une seule catégorie de collectivités locales et celles qui sont susceptibles de faire l'objet de délégations de compétences.

Proposition n° 13 : prévoir, à l'occasion de la révision générale des politiques publiques, de tirer toutes les conséquences des lois de décentralisation, de telle sorte que les services ou parties de services déconcentrés de l'Etat qui interviennent dans les champs de compétences des collectivités locales soient supprimés

Plus d'un quart de siècle après les grandes lois de décentralisation, l'Etat n'en a pas encore tiré les conséquences en termes d'organisation de ses services déconcentrés et de nombreux doublons subsistent, qui compliquent les procédures de décision et en alourdissent le coût. Il est proposé que, chaque fois que l'Etat continue à intervenir dans une matière relevant des compétences exclusives des collectivités locales, il supprime les services ou parties de services déconcentrés correspondants.

Proposition n° 14 : définir, dans le cadre d'un débat annuel au Parlement, un objectif annuel d'évolution de la dépense publique locale

On peut regretter que, compte tenu de son importance, la dépense publique locale demeure mal connue et ne soit évoquée devant le Parlement qu'à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Pour la clarté du débat démocratique et pour l'information des gestionnaires locaux, il est proposé que le Parlement organise chaque année un débat sur ce point et que celui-ci soit alimenté par un constat mis au point par une instance ad hoc chargée de définir, sous le contrôle du Parlement, des indicateurs de performance et un guide de bonnes pratiques dans la gestion des finances locales. Les collectivités locales seraient ainsi mieux éclairées sur les conséquences de leurs dépenses et notre pays mieux à même de veiller à la cohérence de ses engagements européens.

Proposition n° 15 : réviser les bases foncières des impôts directs locaux et prévoir leur réactualisation tous les six ans

Actuellement, les bases foncières des impôts directs locaux sont celles fixées en 1970. Il est proposé que la révision de ces bases fasse partie de la réforme globale des collectivités locales, qu'elle s'effectue en fonction de valeurs locatives administrées qui tiennent compte du marché immobilier, que la loi encadre les transferts de charges en résultant pour les contribuables, mette en place un mécanisme d'étalement de ces transferts de charges sur plusieurs années et établisse une procédure automatique de réévaluation tous les six ans.

Proposition n° 16 : compenser intégralement la suppression de la taxe professionnelle par un autre mode de taxation de l'activité économique, fondée notamment sur les valeurs locatives foncières réévaluées et la valeur ajoutée des entreprises

La suppression annoncée de la taxe professionnelle et sa nécessaire compensation, qui représente un enjeu de quelque 22 milliards d'euros pour les collectivités locales, ont conduit le Comité à réaffirmer son attachement à la persistance d'un lien fiscal entre les entreprises et les collectivités sur le territoire desquelles elles sont implantées. Après avoir examiné les différentes options possibles, le Comité a écarté l'idée d'un partage d'impôts nationaux et celle d'une taxation de la consommation d'énergie, qui frapperait également les ménages. Il propose, afin d'assurer la neutralité de la réforme pour les finances publiques, ce qui nécessite une ressource de 8 milliards d'euros, qu'outre la part foncière, réévaluée, de la taxation des entreprises celles-ci soient imposées en fonction de la valeur ajoutée qu'elles dégagent, le taux de cette taxation, qui serait affectée aux collectivités locales, ne pouvant excéder un plafond fixé à l'échelon national. Le reste à combler pour les collectivités locales serait financé sous la forme de dotations budgétaires et du transfert de divers impôts indirects, comme la taxe supplémentaire sur les conventions d'assurance.

Proposition n° 17 : limiter les cumuls d'impôts sur une même assiette d'imposition

Quelque 39 000 entités distinctes disposent, en France, de la capacité de lever l'impôt. Il en résulte une opacité du système fiscal qui nuit à l'exercice de la démocratie locale. Aussi est-il proposé d'éviter qu'un trop grand nombre de niveaux de collectivités locales ne disposent du pouvoir de fixer le taux d'impositions reposant sur une même assiette, tout en laissant à chaque niveau de collectivités locales la possibilité de fixer librement le taux d'au moins une imposition. La répartition proposée par le Comité se rapproche de cet objectif, tout en tenant compte du volume des dépenses exposées par chaque catégorie de collectivités locales.

Proposition n° 18 : créer, en 2014, une collectivité locale à statut particulier, dénommée " Grand Paris ", sur le territoire de Paris et des départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine. Cette création serait précédée d'une consultation associant les représentants des collectivités locales intéressées, des partenaires sociaux et des forces économiques

La ville de Paris et les trois départements de la " petite couronne " rassemblent plus de six millions d'habitants. Au sein de cet ensemble, les besoins de coordination des politiques publiques sont criants et la voie de la coopération intercommunale n'y a guère été empruntée, à la différence des communautés urbaines qui existent dans les autres zones urbanisées de notre pays. Aussi est-il proposé, afin de permettre l'émergence d'une grande métropole nouvelle, de créer en 2014, à l'issue d'une consultation publique appropriée, une collectivité locale spécifique, dotée de compétences d'attribution qui seraient celles des départements supprimés et des intercommunalités les plus importantes qui s'y trouvent. Les communes comprises dans le périmètre du " Grand Paris " conserveraient leur qualité de collectivités locales ainsi que le mode de scrutin actuel pour la désignation de leurs conseils municipaux. Les conseillers du " Grand Paris " seraient élus, dans le cadre de circonscriptions découpées à l'intérieur des départements actuels, au scrutin de liste à deux tours à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, les premiers de liste siégeant au conseil régional et les suivants de liste au conseil du " Grand Paris ".

Proposition n° 19 : modifier certaines dispositions du mode de scrutin actuel pour la désignation des membres de l'Assemblée de Corse

Tant que l'élection de l'Assemblée de Corse reste distincte de celle des assemblées départementales, des modifications à la loi existante, en ce qui concerne la prime majoritaire et les conditions de maintien ou de fusion des listes, permettraient la constitution d'une majorité au sein de cette assemblée.

Proposition n° 20 : instaurer, dans les départements et régions d'outre-mer, une assemblée unique

Contrairement à la règle applicable en métropole qui veut qu'une seule collectivité locale administre un même territoire, les départements d'outre-mer ont également le caractère de régions. Les inconvénients qui en résultent sont nombreux, en termes d'exercice de la démocratie locale et de coût de fonctionnement. Il est proposé que ces départements soient administrés, après consultation des électeurs, par une assemblée unique.

Les propositions n°s 1, 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19 et 20 ont été adoptées à l'unanimité des membres du Comité.

La proposition n° 3 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre et M. Verpeaux s'abstenant.

Le A et le C de la proposition n° 8 ont été adoptés à l'unanimité des membres du Comité ; le B a été adopté à la majorité des membres du Comité, MM. Mauroy, Vallini et Julliard votant contre.

La proposition n° 11 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre et MM. Julliard, Verpeaux et Casanova s'abstenant.

La proposition n° 18 a été adoptée par la majorité du Comité, MM. Mauroy et Vallini votant contre.

Observations personnelles

de MM. Pierre Mauroy et André Vallini

Si nous avons accepté, sur la proposition du président de la République, de participer au " Comité Balladur ", dont la mission était de formuler des propositions pour " réformer les collectivités locales ", c'était dans le but d'approfondir la régionalisation et la décentralisation initiées dans le même esprit que celui qui a présidé aux grandes lois de 1982-1983.

Au fil du temps, les avancées que ces lois ont réalisées ont été reconnues par ceux-là mêmes qui les avaient combattues alors avec vigueur. Elles ont été amplifiées par les lois Joxe (1992), Chevènement (1999) et Vaillant (2002). En 2003, le gouvernement Raffarin n'a pas répondu aux espoirs suscités par ce qui devait être " l'An 2 " de la décentralisation, s'il a permis cependant quelques progrès, notamment dans la rédaction du Préambule de la Constitution (qui précise que la France est une " République décentralisée ") et en ouvrant aux collectivités territoriales la voie de l'expérimentation.

C'est donc avec un grand intérêt que nous avons participé avec assiduité aux travaux du Comité animé par Edouard Balladur, qui les a conduits avec rigueur et souplesse. Les débats se sont déroulés dans une ambiance très cordiale. Nous avons apprécié le remarquable travail de synthèse effectué par les collaborateurs du Comité et par les rédacteurs du rapport qui sera remis au Président de la République.

A l'issue de ses travaux, le Comité a retenu vingt propositions. Cette note fait état de nos points d'accord et de désaccord et explique les raisons qui motivent nos prises de positions.

Pour résumer, nous approuvons celles des propositions qui participent à l'approfondissement de la régionalisation et de la décentralisation et qui s'inscrivent dans la suite de ce qui a été réalisé depuis une quarantaine d'années. Mais nous déplorons que certaines, auxquelles nous nous sommes opposés, marquent plus un recul qu'une progression dans la marche en avant de la décentralisation et de la régionalisation. Il s'agit encore, à nos yeux, d'un rendez-vous en grande partie manqué avec ce qui aurait pu ― et dû― être " l'An 3 " de la décentralisation.

Points d'accord

Certaines propositions du rapport répondent à l'esprit des lois de 1982. Elles vont dans le bon sens. Nous les approuvons donc.

Il en va ainsi des propositions 1 et 2

qui prônent la nécessité de réduire, sur une base volontaire, le nombre actuel de régions à une quinzaine. Ces dispositions vont permettre la nécessaire montée en puissance des régions françaises à la hauteur des grandes régions européennes, interlocutrices privilégiées de l'Etat et de l'Union européenne.

Nous approuvons également les propositions 4, 5 et 6

qui vont dans le sens de l'achèvement de l'intercommunalité et de la simplification des structures administratives comme de la réduction des dépenses publiques avec pour objectif la limitation, voire la fin, de la multiplication des structures locales qui font souvent doublons (syndicats de communes, pays, etc.).

Surtout, nous sommes très favorables à la proposition 7

qui porte sur les EPCI à fiscalité propre et qui instaure l'élection de leurs organes délibérants au suffrage universel direct, en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux, les élevant au rang de collectivité territoriale de plein exercice, dotée de la clause de compétence générale et de l'autonomie financière. Il y a là une avancée forte de la démocratie locale et de la bonne gestion des territoires au bénéfice des populations. L'intercommunalité a été un succès. Il faut la poursuivre et l'approfondir. Cette mesure y contribuera largement.

Nous soutenons également la création par la loi de 11 métropoles d'ici à 2014 (proposition 8)

. Le nombre de ces métropoles a varié au fil des débats pour se fixer à onze. Nous préconisions la création d'emblée d'une vingtaine de métropoles car nous pensons que la " métropolisation " permettra aux villes françaises de se hisser à la hauteur de leurs concurrentes européennes et de rivaliser en puissance et en notoriété avec elles.

En revanche, nous désapprouvons le projet de faire des communes membres des intercommunalités et des métropoles, qui sont aujourd'hui des collectivités locales de plein exercice, de simples personnes morales de droit public (EPCI). Cette " rétrogradation " ne nous paraît pas justifiée et sera difficilement acceptée par les communes intéressées. Au plus, devraient-elles devenir des " communes intégrées ", bénéficiant de la qualité de collectivité locale, partageant leurs activités avec la métropole.

Si nous approuvons le principe de spécialisation des compétences des collectivités locales (proposition 12)

, il convient d'aller plus loin dans l'attribution de compétences propres, tout en laissant ouverte la possibilité de délégation de compétences entre collectivités, gage de souplesse dans leur exercice.

Les régions ayant vocation à œuvrer pour la compétitivité des territoires, l'agriculture, l'industrie, le tourisme, les grandes infrastructures ferroviaires, les ports et les aéroports, la formation, la recherche et l'enseignement supérieur sont des compétences dont il faut achever la décentralisation de l'Etat vers les régions.

Les départements ayant en charge la solidarité et la qualité de vie, des compétences encore exercées par les services déconcentrés de l'Etat doivent leur être transférées en matière de sport, de santé, d'hébergement d'urgence ou d'environnement. Les routes nationales doivent être départementalisées et en matière d'enseignement il convient d'attribuer au département la gestion des lycées en plus de celle des collèges, ainsi que les cadres gestionnaires des établissements et les agents de médecine scolaire, dans un souci de cohérence avec le transfert des TOS.

En revanche, une compétence départementale doit être recentralisée : celle des services départementaux d'incendie et de secours qui relèvent d'une mission régalienne de l'Etat, la sécurité (le détail de ces propositions est présenté dans le tableau en annexe page 7).

Enfin et afin que les collectivités locales aient tous les moyens et capacités d'exercer pleinement et entièrement leurs responsabilités, il faut les doter d'un pouvoir réglementaire autonome dans le cadre de lois qui en préciseront les modalités et les limites. C'est une condition indispensable au transfert de certaines missions au département, en matière d'eau et d'environnement par exemple.

Nous approuvons encore pour des raisons de cohérence et d'efficacité, la proposition 13

qui supprime les services ou parties de services déconcentrés de l'Etat qui interviennent dans les champs de compétence des collectivités locales.

Enfin, si nous avons approuvé les propositions 14 à 17

qui abordent la question essentielle des finances locales, nous tenons à préciser en revanche que la suppression de la taxe professionnelle n'est envisageable que si trois conditions sont réunies : le montant des ressources des collectivités doit être garanti par une autre recette fiscale dynamique ; le lien fiscal entre les entreprises et le territoire où elles s'implantent doit être maintenu ; enfin, la réforme de la fiscalité locale doit être globale.

Concernant la Corse, la proposition 19 va dans le bon sens.

Points de désaccord

Ces points de désaccord sont très importants.

Ils portent d'abord sur la proposition 3

, qui prévoit la désignation, par une même élection, sur une même liste et dans le cadre de circonscriptions infradépartementales, des conseillers régionaux et départementaux.

Le comité distingue " les politiques publiques de soutien à l'activité et à la compétitivité ", qu'il propose de confier aux régions en complément de l'Etat et de l'Europe, et " l'action de proximité à destination des habitants ", sur laquelle pourrait être centrée l'action des départements, des intercommunalités et des communes. Partageant la vision de ces deux " blocs ", Europe ― Etat ― régions, d'une part, et départements ― intercommunalités et communes, d'autre part, nous considérons qu'il faut en tirer les conséquences en distinguant clairement les scrutins régionaux et départementaux. Or, la réforme proposée risque d'aboutir à une " cantonalisation " des régions, en opposition avec la nécessité de faire émerger de grandes régions puissantes et articulées sur l'Europe.

L'élection des conseillers régionaux doit donc être organisée sur la base de listes régionales au scrutin proportionnel assorti d'une prime majoritaire (sur le mode du scrutin municipal). Au niveau départemental, l'élection devrait se tenir sur la base de listes départementales au scrutin proportionnel avec prime majoritaire, avec la possibilité de circonscriptions électorales dans les grands départements, pour garantir le lien des élus avec les territoires et les populations qu'ils représentent. L'élection des conseils municipaux et celle des conseils départementaux se tiendraient le même jour.

Nous n'approuvons pas non plus la proposition 11

qui, certes, confirme la clause de compétence générale au niveau communal (métropoles, communes issues des intercommunalités et autres communes) mais la retire aux régions et aux départements. Cette suppression poserait deux problèmes. D'une part, les régions et surtout les départements assurent un rôle de péréquation financière et donc de solidarité entre les territoires qui doit pouvoir être modulé en fonction des circonstances (catastrophes naturelles, crise économique, défaillances d'entreprises, etc.).

D'autre part, dans une société en mouvement, la clause générale de compétence permet aux collectivités de répondre aux mutations économiques et sociales et aux nouveaux besoins de la population. Il convient donc de maintenir la clause de compétence générale aux régions et départements mais de limiter l'enchevêtrement des financements croisés. Pour y parvenir, il est nécessaire de limiter le financement d'un même projet à deux collectivités ; l'apport de la collectivité secondaire (qui n'est pas à l'origine du projet et n'aura pas à en assumer la gestion) devrait être plafonné à 50 % de la dépense subventionnable ; enfin, une collectivité ne pourrait faire appel qu'à une collectivité de niveau supérieur : le bloc communal pourrait faire appel au financement du département ou de la région, le département rechercherait celui de la région, la région ne pouvant obtenir une aide que de l'Etat ou de l'Europe.

Reste la question du " Grand Paris ".

Les débats qui se sont déroulés sur cette question au sein du Comité ont confirmé le fait que la capitale de la France ne pourra pas se développer comme elle le doit si on s'en tient au

statu quo

. La superficie et la population actuelles de Paris ne sont pas à la hauteur de cette ville universelle.

Pour autant, les auditions auxquelles le Comité a procédé ont montré l'absence de propositions des élus parisiens et franciliens sur cette question centrale, même s'ils ont récemment amorcé un rassemblement au sein du " syndicat mixte Paris-Métropole ". Il nous semble donc prématuré d'avancer telle ou telle proposition avant que le débat ne se soit poursuivi et approfondi dans les prochains mois avec tous les acteurs concernés. C'est pourquoi, à ce moment de la réflexion, nous ne soutenons pas la proposition 18 du rapport, même si elle a le mérite de lancer le débat.

Enfin, concernant les départements et régions d'outre-mer, là encore, la proposition 20

, qui prévoit d'y instaurer une collectivité unique, doit être discutée avec les collectivités intéressées.