Concernant la modification des limites territoriales des régions, le droit en vigueur prévoit, à l'article L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales, qu'elle relève du législateur après consultation ― ou le cas échéant sur demande ― des conseils régionaux et généraux intéressés. Le Comité propose de faciliter ces opérations, lorsqu'elles visent à modifier le rattachement régional de tel ou tel département, en s'inspirant de la procédure décrite au paragraphe ci-dessus pour les regroupements de régions. Il s'agirait de permettre que le vote du Parlement ne soit plus requis dès lors que seraient obtenus, d'une part, les délibérations concordantes des deux régions et du département directement concernés et, d'autre part, l'avis favorable de la majorité des conseils généraux de chaque région. La loi pourrait par ailleurs préciser le régime applicable (sort du personnel, des biens, des engagements contractuels...) lorsque la procédure implique l'ensemble des départements d'une même région.
Il est par ailleurs rappelé que cette matière pourrait donner lieu à l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution, qui permettent aux électeurs, par l'exercice de leur droit de pétition, de demander l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée régionale d'un projet de fusion ou de modification du périmètre territorial de la région. En tout état de cause, le Comité recommande que de telles initiatives soient laissées à l'appréciation des assemblées des collectivités locales intéressées et, le cas échéant, de leurs électeurs.
Proposition n° 1 : favoriser les regroupements volontaires de régions et la modification de leurs limites territoriales pour en réduire le nombre à une quinzaine
Au demeurant, le Comité a relevé qu'il n'existe aucune disposition symétrique pour les regroupements de départements. Il n'y aurait donc que des avantages à transposer aux départements les dispositions légales qui viennent d'être proposées pour les regroupements de régions.L'exemple des initiatives prises en ce sens par les deux départements savoyards montre que ce n'est pas là une hypothèse d'école.
Proposition n° 2 : favoriser les regroupements volontaires de départements par des dispositions législatives de même nature que pour les régions
Il n'y a pas lieu, en revanche, de prévoir de dispositions particulières pour les fusions entre collectivités de différents niveaux, à l'image du projet porté par un certain nombre de responsables alsaciens visant à substituer à la région et aux deux départements une collectivité unique, et dont le Comité a pris connaissance avec grand intérêt. Il ressort des termes mêmes de l'article 72, premier alinéa, de la Constitution qu'il revient au législateur d'y procéder, sans même d'ailleurs que l'accord des collectivités existantes soit exigé.
En deuxième lieu, le Comité s'est interrogé sur la meilleure manière de renforcer le rôle de la région dans le paysage administratif français tout en la rapprochant du département, afin que l'exercice de leurs compétences respectives soit le plus efficace possible, que les préoccupations du monde rural trouvent un écho à l'échelon régional et que, dans le même temps, celui-ci vienne, partout où cela est nécessaire, en appui aux grands centres urbains. En d'autres termes, il est apparu au Comité que le maintien de ces deux niveaux d'administration locale était justifié si et dans la mesure où leurs rôles propres étaient à la fois plus clairement définis et mieux articulés.
A cette fin, il propose que les conseillers régionaux et les conseillers généraux, qui seraient dénommés conseillers départementaux afin de dissiper toute ambiguïté, soient désignés en même temps et selon le même mode de scrutin.
Il a semblé au Comité qu'un tel système serait de nature à fédérer les deux niveaux d'administration concernés, tout en assurant aux territoires une représentation à l'échelon régional dont ils ne bénéficient aujourd'hui que de manière imparfaite. Au surplus, la simultanéité des élections départementale et régionale renforcerait leur poids dans la vie locale et ne pourrait, en conséquence, que favoriser la clarté des choix démocratiques. On ajoutera que le rapprochement organique des assemblées délibérantes devrait permettre de limiter les interventions concurrentes des départements et des régions sur un même projet et sur un même territoire.
Pour autant, le Comité n'a pas ignoré qu'une telle innovation, tenant à l'unicité des élections des assemblées délibérantes des départements et des régions, doit être conforme au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Sans doute existe-t-il un précédent assez proche, celui de Paris où un même territoire recouvre la commune et le département, les affaires des deux collectivités étant réglées par les délibérations d'une seule et même assemblée, le Conseil de Paris. Mais il s'agit là d'un cas très particulier et la loi dont sont issus les articles L. 2512-1 et 2 et L. 3411-1 du code général des collectivités territoriales n'a pas été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Cependant, le Comité a estimé qu'il résultait de la jurisprudence constitutionnelle qu'il ne serait pas contraire à la Constitution qu'une seule opération électorale serve à désigner les conseillers départementaux et les conseillers régionaux, à la condition que les règles présidant à ce scrutin unique soient suffisamment claires et simples pour que l'électeur soit avisé des enjeux et que la sincérité des votes ne soit pas altérée.C'est à la lumière de cette exigence qu'il a examiné les diverses solutions possibles.
Encore cette proposition pose-t-elle la question de la circonscription dans laquelle, au sein de chaque département, se déroulerait l'élection simultanée ainsi recommandée.
La suppression des cantons dans leur forme actuelle est apparue au Comité comme s'imposant pour deux séries de raisons.
D'une part, il existe entre les 4 039 cantons des disparités de population telles que leur redécoupage, d'ailleurs envisagé par les pouvoirs publics, serait, en toute hypothèse, une impérieuse nécessité. Mais cette opération conduirait immanquablement à constater que la structure cantonale est inadaptée à la répartition actuelle de la population entre les villes et les campagnes et ne manquerait pas d'aboutir à la mise au jour de vastes cantons en zones rurales et de cantons excessivement petits en zone urbaine, si du moins l'autorité règlementaire appliquait les seuls critères démographiques, ce à quoi les évolutions récentes de la jurisprudence l'obligeraient sans aucun doute. Au demeurant, le canton, qui ne constitue plus aujourd'hui qu'une circonscription électorale, a perdu toute signification réelle en zone urbaine, les auditions auxquelles le Comité a procédé l'en ont convaincu.
D'autre part, il est apparu au Comité que le maintien des cantons, fussent-ils redessinés, n'était que très difficilement conciliable avec l'imbrication souhaitée des élections départementales et régionales.
En effet, l'application d'un mode de scrutin uninominal pour les élections départementales aurait nécessairement pour conséquence que chacun des conseillers départementaux ainsi élus, et non pas seulement une partie d'entre eux, siègerait également au conseil régional. De fait, l'électeur ne serait pas en mesure d'opérer lui-même une telle sélection, puisque dans ce système il est appelé à choisir un représentant unique par circonscription ; en outre, il est constitutionnellement exclu de confier au conseil départemental le soin de désigner en son sein ceux de ses membres qui seraient appelés à siéger au conseil régional : un tel système, qui était admissible lorsque la région était un établissement public, et qui l'est encore pour les intercommunalités, qui ont la même forme juridique, ne l'est pas pour une collectivité locale, dont l'article 72 exige qu'elle s'administre librement " par un conseil élu ".
Or le nombre total de conseillers généraux atteint 4 026 en métropole (46), contre 1 731 pour les conseillers régionaux. Il s'en déduit que définir l'assemblée régionale comme la simple addition des assemblées départementales conduirait soit à multiplier par 2, 3 en moyenne le nombre de conseillers régionaux, soit à diviser par le même facteur le nombre de conseillers départementaux. Aucune de ces deux perspectives n'apparaît crédible.
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(46) Hors départements d'outre-mer, mais compte tenu des conseillers de Paris qui ne sont pas élus dans des cantons.
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