JORF n°0307 du 20 décembre 2020

Avis

Assemblée plénière du 14 décembre 2020 Adoption à 42 voix pour, 1 abstention

Introduction

  1. Lors de la onzième journée mondiale de l'aide humanitaire, le 19 août 2020, l'Organisation des Nations Unies (ONU) soulignait que l'année 2019 a été l'une des plus violentes jamais enregistrée pour le personnel humanitaire (1). Selon la base de données sur la sécurité du personnel humanitaire (2), 483 travailleurs humanitaires (3) ont été tués, enlevés ou blessés en 2019, en particulier en Syrie, au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo, en Afghanistan, en République centrafricaine, au Mali et au Yémen, dont plus de 90% étaient des membres du personnel humanitaire local (4). L'année 2020 a également été marquée par des évènements dramatiques impliquant notamment des organisations non gouvernementales (ONG) françaises qui illustrent l'augmentation de ces violences, tels l'assassinat au Niger, revendiqué par l'Etat islamique, de huit victimes, dont sept humanitaires en août 2020, ou l'enlèvement puis l'assassinat au Nigéria de cinq humanitaires par un groupe armé non étatique affilié à l'Etat islamique, en Afrique de l'Ouest (ISWAP) en juin 2020. L'augmentation du nombre de violences visant le personnel humanitaire est à mettre en rapport avec l'accroissement de ses effectifs, qui répond à la hausse considérable des besoins humanitaires (5). Au-delà des chiffres, c'est donc avant tout l'intensité et la gravité de ces violences - avec un accroissement de la proportion de décès et de blessés - qui est frappante (6).
  2. Inquiète de cette recrudescence de crimes perpétrés à l'encontre du personnel humanitaire et sollicitée par des députés à ce sujet, la CNCDH, commission nationale de mise en œuvre du droit international humanitaire (DIH) (7), souhaite saisir l'occasion de la prochaine conférence nationale humanitaire du 17 décembre 2020, pour contribuer aux réflexions en cours visant à améliorer le respect et la protection du personnel humanitaire (8), qu'il intervienne dans des situations de conflits armés ou dans d'autres situations. Le présent avis a pour objet de compléter ses précédents avis adoptés sur le sujet (9) sur deux aspects qui lui paraissent essentiels : la prévention et la lutte contre l'impunité. Au préalable, la CNCDH formule les trois observations suivantes.
  3. D'une part, elle souligne qu'une meilleure protection du personnel humanitaire requiert un renforcement de la mise en œuvre du droit existant, qu'il s'agisse du droit international des droits de l'Homme, applicable en tout temps, ou du droit international humanitaire, applicable en cas de conflit armé (10). A cet égard, elle salue les initiatives engagées par la France en ce sens, telles que la déclaration politique de 2017 sur la protection des soins médicaux dans les conflits armés (11) ou l'" appel à l'action humanitaire " (Humanitarian Call for Action) (12) lancé conjointement avec l'Allemagne en 2019. Elle prend note de l'annonce faite par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en février 2020, d'une initiative de formation au DIH des acteurs étatiques et de certains acteurs non étatiques ainsi que d'un plan national de formation au DIH (13). La CNCDH encourage la France à mobiliser davantage d'Etats autour de ces engagements et à adopter toutes mesures propres à favoriser une meilleure diffusion et un respect plus fidèle du droit international humanitaire (14).
  4. D'autre part, depuis l'avis adopté par la CNCDH en 2014, il n'existe toujours aucun statut international propre au personnel humanitaire, applicable en toutes circonstances et quels que soient le statut et la nationalité du personnel concerné (15). La CNCDH recommande ainsi à nouveau à la France de concourir à la création d'un tel statut, qui couvrirait indistinctement les situations de conflit armé et les autres situations, tout en tenant compte de la spécificité du droit international humanitaire, en se fondant sur la définition large du personnel humanitaire retenue par elle. Selon la définition proposée par la CNCDH, le personnel humanitaire désigne " toute personne qui accomplit une action humanitaire conformément aux principes [humanitaires]. Il s'agit de l'ensemble du personnel, quel que soit le degré de sa participation à l'action humanitaire (…), quel que soit son statut à l'égard de son employeur (salarié, volontaire, stagiaire, bénévole) et quelle que soit sa nationalité (personnel local (…) et personnel expatrié ressortissant du pays siège de l'organisation ou non) "(16).
  5. Enfin, la CNCDH insiste sur l'enjeu que représentent la sécurité et les conditions de travail du personnel humanitaire pour l'effectivité même de l'action humanitaire (17), essentielle pour répondre aux besoins et contribuer au respect des droits (18) des populations confrontées à des situations de conflit armé ou à d'autres situations de violence, à des catastrophes naturelles ou à des épidémies. C'est ainsi la sauvegarde de l'" espace humanitaire ", " patrimoine commun " (19), qui est en jeu, dans un contexte complexe qui affecte la capacité du personnel humanitaire à mener ses missions à bien et à satisfaire des besoins humanitaires sans précédent.
    Améliorer la prévention des crimes commis contre le personnel humanitaire en respectant les principes humanitaires
  6. La CNCDH souhaite ici insister sur l'importance d'une bonne compréhension et du respect des principes humanitaires - d'humanité, d'impartialité, de neutralité et d'indépendance (20), universellement reconnus (21) - afin de favoriser l'acceptation par la population locale du mandat humanitaire et son respect par tous les acteurs concernés, facteurs essentiels de protection du personnel humanitaire (22). L'augmentation des attaques délibérées commises contre le personnel humanitaire s'explique en effet, en partie, par la politisation de l'action humanitaire qui résulte notamment du non-respect, dans leur lettre ou dans leur esprit, des principes humanitaires (23). Il est ainsi essentiel que la France, les ONG françaises ainsi que leurs ONG partenaires respectent et fassent respecter fidèlement ces principes (24). La France a pris des engagements en ce sens à propos de ses forces armées et de sécurité, du personnel diplomatique, des forces armées partenaires, ainsi que des groupes armés non étatiques (25). La CNCDH l'encourage toutefois à promouvoir plus largement la connaissance, la bonne compréhension et le respect des principes humanitaires par le plus grand nombre et en priorité par les autorités françaises en charge des dossiers humanitaires.
  7. En outre, la CNCDH invite le Gouvernement français à respecter et faire respecter plus scrupuleusement les principes humanitaires, en adoptant des mesures politiques et juridiques permettant de préserver effectivement une action humanitaire neutre, indépendante et impartiale. Parmi ces mesures, la CNCDH recommande de s'assurer que les financements de projets humanitaires soient exclusivement fondés sur les besoins et qu'ils ne soient en aucun cas conditionnés par un agenda politique ou sécuritaire (26), y compris de lutte contre le terrorisme (27). De même, la France doit renoncer à toute clause imposant aux organisations humanitaires, destinataires d'un financement, une sélection des bénéficiaires finaux de leurs actions (clauses dites de " criblage ") (28). Ces clauses sont en effet contraires aux dispositions et à l'essence même du DIH et aux principes humanitaires (29). En outre, elles contribuent à une perception partiale ou non-neutre de l'action des organisations humanitaires et peut donc leur faire courir des risques ainsi qu'à leurs partenaires locaux. Mettre fin à ces exigences contribuera donc à renforcer la protection du personnel humanitaire et à favoriser l'accès des populations à l'aide humanitaire ainsi que l'acceptation de cette dernière.
  8. Ensuite, la CNCDH recommande au Parlement d'intégrer dans le code pénal des dispositions claires rendant inapplicables les règles relatives à la complicité de terrorisme aux actions d'aide et d'assistance accomplies par le personnel d'organisations humanitaires impartiales. La pénalisation de l'aide humanitaire fait courir des risques importants au personnel humanitaire en condamnant des activités pourtant licites au regard du droit international et des principes humanitaires et compromet l'accès des populations à l'aide humanitaire (30). Il est ainsi essentiel, comme le reconnaît l'" appel à l'action " initié par la France (31), que le personnel humanitaire qui agit dans le respect de ces principes ne soit pas poursuivi dans le cadre de ses missions. La CNCDH recommande à la France de réaffirmer avec force auprès de ses Etats partenaires que les organisations humanitaires doivent entretenir un dialogue avec toutes les parties à un conflit, étatiques comme non étatiques, y compris celles qui sont désignées comme " terroristes ", pour garantir l'évaluation appropriée des besoins et une réponse basée sur les principes humanitaires (32).
  9. De même, la CNCDH recommande à nouveau à la France de mettre en œuvre fidèlement et de soutenir les clauses de sauvegarde du DIH et d'" exemptions " humanitaires dans les régimes internationaux de " sanctions " (33), en adoptant toutes les mesures politiques et juridiques qui permettent de respecter les obligations conventionnelles et coutumières découlant du DIH et de préserver l'action humanitaire neutre, indépendante et impartiale (34).
  10. D'autres mesures peuvent être prises pour améliorer la sécurité et les conditions de travail du personnel humanitaire et participer à la levée des entraves aux activités humanitaires. La CNCDH renvoie ici à son avis de 2014 et recommande notamment à nouveau que la France, en tant que bailleur de fonds, accorde une meilleure prise en charge, dans les projets financés, des dépenses relatives à la sécurité, notamment à celles du personnel local. De même, elle l'encourage à user de son influence pour lutter contre le prélèvement arbitraire de taxes imposées par certains Etats aux organisations humanitaires ou d'autres formes d'entraves financières ou bureaucratiques (35). Elle l'invite en outre à étendre au personnel local, lorsqu'il est employé par une organisation française, les mesures de protection qui peuvent être accordées au personnel humanitaire français, telles que les mesures d'évacuation, en cas de danger extrême les contraignant à fuir leur zone d'intervention (36). Enfin, la CNCDH recommande de mettre en place un accès facilité et accéléré aux procédures de séjour existantes pour tout personnel humanitaire local, victime d'un crime ou d'un délit, devant être évacué, afin qu'il puisse bénéficier du système de santé et de protection sociale français.
    Renforcer la lutte contre l'impunité des auteurs de crimes commis à l'encontre du personnel humanitaire
  11. En cas de violations du DIH ou du droit international des droits de l'Homme visant à protéger le personnel humanitaire, la poursuite des auteurs de telles violations est essentielle et participe tant à la lutte contre l'impunité qu'à la prévention de leur commission (37). Sans revenir sur l'ensemble des moyens dont la France dispose et la manière dont elle peut participer à l'effort collectif de lutte contre l'impunité (38), la CNCDH souhaite formuler ici deux séries de recommandations. Celles-ci visent, d'une part, à étendre la compétence des juridictions pénales françaises pour connaître de ces violations (lorsqu'elles sont commises en période de conflit armé) et, d'autre part, dans certaines conditions, à modifier les peines encourues par leurs auteurs (lorsqu'elles sont commises dans d'autres situations).
  12. Lorsque des crimes sont commis contre le personnel humanitaire lors d'un conflit armé, ceux-ci constituent des crimes de guerre. Ils peuvent être qualifiés d'infractions graves au sens des Conventions de Genève du 12 août 1949 (39) et, partant, de crimes de guerre au sens du Statut de Rome (40) (article 8 alinéa 2.a), sous réserve d'être commis dans le cadre d'un conflit armé international et que le personnel humanitaire concerné relève des personnes protégées par les dispositions de ces Conventions (41). De même, le Statut de Rome qualifie de crime de guerre " le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire (…) pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil ", que celles-ci aient lieu dans le cadre d'un conflit armé international (article 8 alinéa 2.b.iii) ou non international (article 8 alinéa 2.e.iii). Il en va de même pour " le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève " (42).
  13. Ces crimes peuvent également constituer un crime contre l'humanité s'ils répondent aux critères exigés - à savoir que l'un des actes listés (43) soit " commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque " (44), étant entendu que, contrairement aux crimes de guerre, les crimes contre l'humanité peuvent être commis en dehors des situations de conflit armé.
  14. Ces crimes définis par le Statut de Rome relèvent en premier lieu de la compétence des juridictions pénales nationales (45). Or le code de procédure pénale français encadre strictement cette compétence extra-territoriale et malgré des améliorations apportées en 2019, continue de l'assortir de conditions qui ne sont pas posées par le Statut de Rome, entravant ainsi la lutte contre l'impunité, y compris à l'égard des auteurs de crimes commis contre le personnel humanitaire.
  15. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (46) a apporté des modifications importantes à l'article 689-11 du code de procédure pénale, en supprimant la condition de la double incrimination pour le crime de génocide et en reformulant l'exigence d'une déclinaison de sa compétence par la Cour pénale internationale. La CNCDH constate toutefois que les principaux obstacles à l'exercice de la compétence extra-territoriale des juridictions françaises subsistent. Le monopole des poursuites est toujours laissé au Parquet, ce qui exclut l'engagement de l'action publique par une plainte avec constitution de partie civile ; l'exigence d'une résidence habituelle en France de la personne recherchée est maintenue alors qu'une véritable compétence universelle ne devrait pas requérir d'élément de rattachement et, qu'à tout le moins, la simple présence ou suspicion de présence de l'auteur des crimes sur le territoire français pourrait suffire ; l'exigence d'une double incrimination subsiste pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ; ainsi que celle de l'absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale, en contradiction avec le principe de complémentarité inscrit dans le Statut de Rome. La CNCDH recommande que ces conditions soient levées afin de prévoir une compétence qui soit réellement universelle (47), dont l'objectif est de prévenir l'impunité et de refuser le refuge (safe haven) aux auteurs présumés de ces crimes (48).
  16. En outre, elle réitère sa recommandation que le principe d'imprescriptibilité des crimes de guerre soit intégré dans la législation française, conformément à l'article 29 du Statut de Rome, comme c'est le cas pour le génocide et le crime contre l'humanité (49), afin d'assurer l'unité du régime applicable à l'ensemble des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale (50) et d'envoyer le signal fort que les auteurs de crimes de guerre ne peuvent s'abriter derrière le temps qui passe pour échapper à des poursuites.
  17. Lorsque des infractions sont commises contre le personnel humanitaire indépendamment d'une situation de conflit armé, le code de procédure pénale prévoit des cas, limités, de compétence extra-territoriale dans lesquels la seule présence de l'auteur sur le territoire français suffit à déclencher la compétence des juridictions pénales françaises pour certaines infractions, même si elles sont commises hors du territoire français et sans considération de la nationalité de la victime ou de l'auteur. Sont particulièrement concernées ici, les personnes coupables de torture (hors du territoire français) au sens de l'article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée le 10 décembre 1984 (51) ; de différents crimes et/ou délits terroristes selon les conditions énumérées (52) ; ou encore les personnes coupables de disparitions forcées au sens de l'article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006 (53). A ce propos, la CNCDH recommande d'étendre, dans le droit pénal français, la définition des disparitions forcées aux personnes ou groupes de personnes agissant sans l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'Etat, comme l'y invite l'article 3 de la Convention sur les disparitions forcées, afin de faciliter les enquêtes et les poursuites relatives à ces agissements.
  18. En dehors de ces cas, la compétence des juridictions pénales françaises exige un lien de rattachement, soit territorial, soit personnel, actif ou passif (54). En conséquence, si les crimes ou délits punis d'emprisonnement commis contre le personnel humanitaire en dehors du territoire français ne relèvent pas des qualifications mentionnées ci-dessus, ces juridictions ne pourront exercer leur compétence que si leur auteur ou les victimes sont français (55). Ces limites révèlent toute la difficulté à engager des poursuites et à juger, en France, les auteurs de crimes ou délits commis à l'étranger contre le personnel humanitaire, quelles que soient leur nationalité et celle des victimes. Elles rendent d'autant plus nécessaire l'adoption de normes internationales visant à protéger le personnel humanitaire où qu'il se trouve, indépendamment de sa nationalité et de son intervention dans une situation de conflit armé ou non.
  19. Pour cette raison également, la CNCDH recommande au Parlement de réfléchir à un éventuel élargissement de la compétence pénale dite " personnelle passive " aux crimes et délits punis d'emprisonnement commis hors du territoire français sur des victimes appartenant au personnel humanitaire de personnes morales françaises. En vertu de cette compétence, la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger, hors du territoire de la République, lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction (56). Cette compétence est fondée sur l'idée que tout crime ou délit commis à l'encontre d'une victime de nationalité française constituant une atteinte à l'ordre public français, l'Etat doit protéger pénalement, même en dehors de son territoire, les membres de la communauté nationale contre les comportements qu'il érige en crime ou délit. Dans ce cadre, le législateur ne pourrait-il pas considérer que les atteintes au personnel humanitaire de nationalité étrangère mais œuvrant pour le compte d'organisations humanitaires de droit français, sont assimilables, du point de vue de la compétence pénale française, à des atteintes à des victimes françaises ? Ainsi, de même que la résidence habituelle en France d'un étranger est devenue, dans certaines hypothèses, un élément de rattachement commun aux compétences personnelles active (57) et passive (58), l'appartenance d'un humanitaire étranger à une organisation de droit français pourrait, à son tour, autoriser le rattachement des faits à la compétence personnelle passive des juridictions françaises.
  20. S'agissant maintenant des peines encourues, la CNCDH avait recommandé, dans son avis de 2014, d'" envisager la création d'une circonstance aggravante pour certains actes de violence commis contre le personnel humanitaire en dehors des situations de conflits armés " (59) ; recommandation reprise, parmi d'autres, dans le rapport de la mission d'information parlementaire sur le droit international humanitaire à l'épreuve des conflits, du 4 décembre 2019 (60). La CNCDH saisit ici l'occasion de préciser cette recommandation. Tout d'abord, elle tient à rappeler que celle-ci est étroitement liée à la nécessaire création en droit international d'un statut et d'une définition du personnel humanitaire, afin d'éviter l'exclusion du personnel local. Ensuite, la CNCDH précise qu'elle ne souhaite en aucun cas encourager, d'une manière générale, la multiplication de circonstances pouvant aggraver des peines parfois déjà lourdes. Elle regrette, en outre, que le légiféré en droit pénal s'inscrive souvent en réaction à une actualité dramatique et conduise à porter atteinte à la lisibilité et la cohérence du code pénal. Pour autant, la CNCDH n'est pas opposée à l'extension, au personnel humanitaire, de circonstances aggravantes déjà prévues par le code pénal pour certaines atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique. Dans ces hypothèses, le droit pénal français prévoit de nombreuses circonstances aggravantes, dont quelques-unes sont liées à la qualité de la victime et, parmi elles, aux fonctions ou missions exercées par celle-ci. Il convient de préciser que les faits doivent avoir été commis " dans l'exercice ou du fait des fonctions " - ou de la mission - et que la qualité de la victime doit être apparente ou connue de l'auteur. C'est ainsi le cas des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires ou encore des professionnels de santé (61), dont les missions peuvent être rapprochées de celles exercées par le personnel humanitaire tel que défini ici. Toutefois, la CNCDH ne recommande pas d'ajouter une telle circonstance aggravante lorsque les infractions concernées ne sont pas déjà assorties, au sein du code pénal, de causes d'aggravation liées aux fonctions ou missions exercées par la victime (62), pour les raisons susmentionnées.
  21. En tout état de cause, la réponse pénale ne saurait constituer le seul moyen de faire respecter et de protéger le personnel humanitaire victime. Un ensemble de mesures, essentiellement de prévention et d'accompagnement, est en effet indispensable. La CNCDH invite la France à réaffirmer avec force la légitimité de l'action humanitaire ainsi qu'à adopter et mettre en œuvre des mesures effectives, telles celles recommandées dans le présent avis, afin de traduire en actes ses obligations et engagements politiques.

Recommandations de la CNCDH

Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande à la France d'encourager l'adoption de normes internationales applicables au personnel humanitaire indépendamment de l'existence ou non d'un conflit armé, en se fondant sur une définition large, telle que celle retenue par la CNCDH.
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande à la France de promouvoir la diffusion, la bonne compréhension et le respect des principes humanitaires par le plus grand nombre, en priorité les autorités françaises en charge des dossiers humanitaires.
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande à la France de s'assurer que les financements des projets humanitaires sont exclusivement fondés sur les besoins et qu'ils sont octroyés en dehors de tout agenda politique ou sécuritaire.
Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande à la France de renoncer à toute clause dite de " criblage " imposant aux organisations humanitaires destinataires d'un financement une sélection des bénéficiaires finaux de leurs actions.
Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande d'intégrer dans le code pénal des dispositions claires rendant inapplicables les règles relatives à la complicité de terrorisme aux actions d'aide et d'assistance accomplies par le personnel d'organisations humanitaires impartiales.
Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande à la France de respecter et de faire respecter par ses Etats partenaires l'obligation, pour les organisations humanitaires, d'entretenir un dialogue avec l'ensemble des parties à un conflit, étatiques comme non étatiques, y compris celles qui sont désignées comme " terroristes ".
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande à la France de mettre en œuvre fidèlement et de soutenir les clauses de sauvegarde du droit international humanitaire et d'" exemptions " humanitaires sectorielles dans tous les régimes internationaux de " sanctions ".
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande à la France, en tant que bailleur de fonds, d'accorder une meilleure prise en charge, dans les projets financés, des dépenses relatives à la sécurité, notamment à celle du personnel local.
Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande à la France d'user de son influence pour lutter contre le prélèvement arbitraire de taxes imposées par certains Etats aux organisations humanitaires et contre toutes autres formes d'entraves financières ou bureaucratiques.
Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande de mettre en place un dispositif permettant d'accueillir temporairement, en procédure d'urgence, sur le territoire français, à la demande de l'organisation humanitaire française concernée, tout employé ressortissant du pays de l'action humanitaire qui ferait l'objet de menaces spécifiques liées à cette action.
Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande de mettre en place un accès facilité et accéléré aux procédures de séjour existantes pour tout personnel humanitaire local, victime d'un crime ou d'un délit, devant être évacué, afin qu'il puisse bénéficier du système de santé et de protection sociale français.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande que l'article 689-11 du code de procédure pénale soit modifié de façon à supprimer les conditions faisant obstacle à l'exercice d'une véritable compétence universelle pour les crimes relevant du Statut de Rome.
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande d'inscrire dans le code de procédure pénale, comme pour le génocide et le crime contre l'humanité, le principe d'imprescriptibilité des crimes de guerre.
Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de modifier l'article 221-12 du code pénal afin d'étendre l'incrimination de disparition forcée aux hypothèses dans lesquelles les auteurs sont des personnes ou groupes de personnes agissant sans l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'Etat.
Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande que soit étudiée l'opportunité d'élargir la compétence pénale dite " personnelle passive " aux crimes et délits punis d'emprisonnement commis hors du territoire français sur des victimes étrangères faisant partie du personnel d'organisations humanitaires de droit français.
Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande que soit étudiée l'opportunité, conformément au principe de nécessité des peines (article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen), d'étendre au personnel humanitaire les circonstances aggravantes déjà prévues par le code pénal pour certaines atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de personnes protégées en raison des missions qu'elles exercent.

(1) https://www.who.int/fr/news/item/19-08-2020-world-humanitarian-day-2020-a-tribute-to-aid-workers-on-the-front-lines. Pour un graphique du nombre d'incidents de 1997 à 2019, voir : https://aidworkersecurity.org/incidents/report/incidents.

(2) Humanitarian Outcomes, Aid Worker Security Report 2020, Contending with threats to humanitarian health workers in the age of epidemics, août 2020. Si les chiffres en la matière doivent être pris avec précaution, tant les terminologies employées, voire le type de personnel concerné, ainsi que les méthodes de collecte des données peuvent varier, cette base de données constitue une référence très utile. Pour des chiffres concernant principalement le personnel des Nations Unies (NU) et le personnel associé, voir le dernier rapport annuel du secrétaire général du 21 septembre 2020 (A/75/246). S'agissant des soins de santé, voir le système de surveillance des attaques contre les soins de santé (SAS) mis en place par l'Organisation mondiale de la santé ou l'initiative " les soins de santé en danger " du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

(3) Pour la définition des travailleurs humanitaires retenue dans ces rapports, qui existent depuis 1997, voir : https://aidworkersecurity.org/about.

(4) Le personnel local, de plus en plus souvent dit " national ", désigne les employés ou bénévoles des organisations humanitaires recrutés localement, contrairement aux employés ou bénévoles expatriés.

(5) D'autres facteurs sont liés notamment à l'amélioration de la collecte des informations ainsi qu'au développement de l'action humanitaire (voir notamment : Alain Boinet, " Mise en cause et protection des travailleurs humanitaires ", 5 in Sandra Szurek, Marina Eudes, Philippe Ryfman (dir.), 5 Traité de droit et pratique de l'action humanitaire, 2019, pp. 887 et s.).

(6) Aid Worker Security Report, Figures at a glance, 2020.

(7) Pour une brève présentation de ces commissions, voir : CICR, " Les commissions nationales ", 1er mai 2012.

(8) Voir le discours du Président de la République française à l'Assemblée générale des Nations Unies, 22 septembre 2020.

(9) CNCDH, Avis sur le respect et la protection du personnel humanitaire, Assemblée plénière du 17 janvier 2008 ; CNCDH, Avis sur le respect et la protection des travailleurs humanitaires, Assemblée plénière du 22 mai 2014, JORF n° 0136 du 14 juin 2014, texte n° 71.

(10) Pour plus de détails, voir les avis précités de 2008 et de 2014.

(11) La Déclaration politique du 31 octobre 2017 sur la protection des soins médicaux dans les conflits armés, initiée par la France, a été endossée par 48 Etats (au 23 septembre 2020). Voir également la résolution S/RES/2286 (2016) du Conseil de sécurité du 3 mai 2016 sur les soins de santé en période de conflit armé, à l'adoption de laquelle la France a participé activement et l'engagement conjoint pris par l'Union européenne, ses Etats membres et les sociétés nationales de la Croix Rouge de l'Union européenne dans le cadre de la XXXIIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sur la protection du personnel humanitaire et de santé.

(12) L'" appel à l'action pour renforcer le respect du droit international humanitaire et de l'action humanitaire reposant sur des principes " a été endossé par 46 Etats (au 23 septembre 2020).

(13) Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian sur le multilatéralisme, à Genève, le 24 février 2020.

(14) CNCDH, Déclaration à la suite du 70e anniversaire des Conventions de Genève, Assemblée plénière du 28 janvier 2020, JORF n° 0028 du 2 février 2020, texte n° 59.

(15) CNCDH, Avis sur le respect et la protection des travailleurs humanitaires, op. cit. de 2014. L'absence d'un tel statut conduit à devoir distinguer en fonction du contexte opérationnel dans lequel agit le personnel humanitaire (dans le cadre d'un conflit armé ou dans d'autres situations) ou de son statut et de ses missions (le DIH par exemple, outre la protection générale qu'il accorde à tout civil ne participant pas aux hostilités, ne prévoit de dispositions spécifiques que pour le personnel de secours et le personnel sanitaire et religieux et essentiellement en tant que vecteur de l'assistance).

(16) CNCDH, avis de 2014 précité, §8.

(17) Comme elle l'indiquait dans son avis de 2014, " [l]es actes hostiles contre le personnel humanitaire constituent des obstacles majeurs à l'accès, d'une part, des humanitaires aux populations, et d'autre part, des populations aux secours et à la protection que leur garantit le droit international humanitaire " (ibid., §3).

(18) L'action humanitaire ne doit pas uniquement être axée autour d'une réponse fondée sur les besoins, mais inclure également une approche par les droits (CNCDH, Avis sur l'action humanitaire française, Assemblée plénière du 31 mars 2011, §5 à §7 ; CNCDH, Avis sur le Sommet humanitaire mondial, Assemblée plénière du 12 février 2015, JORF n° 0155 du 7 juillet 2015, texte n° 93, §24).

(19) Voir le discours précité du Président de la République française qui désigne l'espace humanitaire comme " patrimoine commun qu'il (…) faut protéger ".

(20) Pour plus de détails sur les quatre principes humanitaires et leur caractère interdépendant : CNCDH, Avis sur le Sommet humanitaire mondial, op. cit., §§13 et s.

(21) Voir notamment la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 19 décembre 1991, " Renforcement de la coordination de l'aide humanitaire d'urgence de l'Organisation des nations Unies " (A/RES/46/182), et la résolution A/RES/48/114 du 17 décembre 2003 qui a ajouté le principe d'indépendance. Ces principes visant à guider l'action humanitaire sont régulièrement réaffirmés par l'Assemblée générale, reconnus par de nombreuses organisations humanitaires et incorporés dans la Norme humanitaire fondamentale de qualité et de redevabilité (Core Humanitarian Standard) adoptée en 2015.

(22) En ce sens, voir l'avis de la CNCDH sur les travailleurs humanitaires de 2014 précité, §§5 et 7 ; voir également l'" appel à l'action humanitaire ", 22 op. cit.

(23) Voir CNCDH, Avis sur le Sommet humanitaire mondial, op. cit., §§34 et s., qui rappelle qu'elles peuvent également résulter de la volonté délibérée des groupes armés d'isoler ou de prendre en otage la population et que là encore, la diffusion et le respect des principes humanitaires sont primordiaux.

(24) A ce propos voir également l'avis sur le Sommet humanitaire mondial, op. cit., §§43 et s.

(25) " Appel à l'action humanitaire ", op. cit., qui fait référence à la formation au DIH mais aussi au respect des principes humanitaires.

(26) CNCDH, Avis sur le Sommet humanitaire mondial, op. cit., §46.

(27) CNCDH, Avis sur l'incidence de la législation relative à la lutte contre le terrorisme sur l'action humanitaire, Assemblée plénière du 2 octobre 2018, JORF n° 0238 du 14 octobre 2018, texte n° 97.

(28) Ces clauses obligent les organisations humanitaires à vérifier que les bénéficiaires de leurs actions ne soient pas visés par des mesures coercitives imposées par les Nations Unies et l'Union européenne. Voir la liste récapitulative de toutes les personnes ou entités faisant l'objet de mesures imposées par le Conseil de sécurité ; une " carte " des " sanctions " imposées par l'Union européenne est disponible sous : https://www.sanctionsmap.eu/#/main.

(29) CNCDH, Avis sur l'incidence de la législation relative à la lutte contre le terrorisme…, op. cit., §§21 et s.

(30) CNCDH, Avis sur l'incidence de la législation relative à la lutte contre le terrorisme…, op. cit., §§24 et s.

(31) " Appel à l'action humanitaire ", op. cit., p. 2.

(32) CNCDH, Avis sur le Sommet humanitaire mondial, op. cit., §47 ; Avis sur l'incidence de la législation relative à la lutte contre le terrorisme sur l'action humanitaire, op. cit., §24.

(33) Conformément à ses obligations en vertu du DIH et tel que l'y encourage le Conseil de sécurité (S/RES/2482 (2019) du 15 juillet 2019 §16) ou l'Assemblée générale (A/RES/72/284 (2018) du 26 juin 2018, §79). Plus précisément, la CNCDH encourage l'adoption d'exemptions humanitaires sectorielles, sur le modèle de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme du 15 mars 2017, §38 (CNCDH, Avis sur l'incidence de la législation relative à la lutte contre le terrorisme…, op. cit., §§28 et s.).

(34) Voir à ce propos le rapport du CICR, Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains, novembre 2019 qui invite les Etats à " combler le fossé entre les engagements et les mesures pratiques requises pour les mettre en œuvre " (p. 69).

(35) Pour des exemples récents, voir notamment le rapport du Secrétaire général sur la protection des civils en période de conflit armé du 6 mai 2020, S/2020/366, §§21 et s.

(36) Dans son avis de 2014 précité, après avoir constaté la différence de prise en charge selon que le personnel d'une organisation humanitaire françaises était expatrié ou non, la CNCDH invitait le Gouvernement français à prendre des mesures concrètes permettant d'améliorer la situation des employés locaux/nationaux d'organisations humanitaires françaises, tout en rappelant qu'il incombe à ces organisations de mettre en place des mesures de sécurité, de protection et de réparation équivalentes à celles qui s'appliquent au personnel expatrié (CNCDH, Avis sur le respect et la protection des travailleurs humanitaires, op. cit., §§30 et 31 ; voir en particulier la recommandation R3.2.

(37) Par ailleurs, la réparation accordée aux victimes est également primordiale. A ce propos, voir notamment la recommandation formulée par la CNCDH de créer un fonds spécial destiné à indemniser les employés d'organisations humanitaires françaises victimes d'attaques, quelle que soit la nationalité de ces employés (CNCDH, Avis sur le respect et la protection des travailleurs humanitaires, op. cit., recommandation 3.1).

(38) Voir notamment : CNCDH, Déclaration à la suite du 70e anniversaire des Conventions de Genève, op. cit.

(39) Articles 49 et 50 de la Convention de Genève (CG) I, 50 et 51 de la CG II, 129 et 130 de la CG III et 146 et 147 de la CG IV ; étant précisé que les actes en question doivent relever de ceux listés par ces dispositions (homicide intentionnel, torture ou traitements inhumains, fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou à la santé, prise d'otages, etc.).

(40) Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, A/CONF.183/9.

(41) Voir notamment les commentaires du CICR de 2016 relatifs à l'article 50 de la Convention de Genève I.

(42) Article 8 alinéa 2 b. xxiv) pour les conflits armés internationaux ; article 8 alinéa 2 e. ii) pour les conflits armés non internationaux. Les crimes commis contre le personnel humanitaire peuvent également relever d'autres qualifications de crimes de guerre au sens du Statut de Rome, liées à leur statut de civil ne participant pas directement aux hostilités.

(43) Parmi lesquels le meurtre, l'extermination, l'emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, la torture, le viol ou les disparitions forcées (article 7 du Statut de Rome).

(44) Article 7 alinéa 1 du Statut de Rome.

(45) La compétence de la Cour pénale internationale est en effet " complémentaire des juridictions pénales nationales " (article 1 du Statut de Rome ; préambule alinéa 10).

(46) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018 - 2022 et de réforme pour la justice, JORF n° 0071 du 24 mars 2019, Texte n° 2.

(47) Les Conventions de Genève de 1949 imposent aux Etats de rechercher les personnes suspectées d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, des infractions graves, de les déférer à leurs propres tribunaux et ce, " quelle que soit leur nationalité ", ou de les remettre à un autre Etat aux fins de poursuite et jugement. C'est donc bien le principe d'une compétence universelle qui est posée par ces conventions universellement ratifiées (même si elles ne concernent que les infractions graves commises dans le cadre d'un conflit armé international), à savoir une compétence fondée uniquement sur la nature du crime, sans considération du lieu où il a été commis, de la nationalité de son auteur ou de la victime ou de tout autre lien avec l'Etat exerçant sa compétence juridictionnelle (CICR, Commentaire de 2016 de l'article 50 de la Convention de Genève I, §2846, §2863).

(48) En ce sens, à propos des infractions graves en particulier, voir les commentaires de 2016 du CICR de l'article 49 de la Convention de Genève I (§2864) ou les commentaires de 2017 de l'article 50 de la Convention de Genève II (§2974).

(49) L'imprescriptibilité en droit français ne couvre en effet, à ce jour, que le génocide et les " autres crimes contre l'humanité ", tels que définis respectivement par les articles 211-1 et 212-1 du code pénal (article 7 dernier alinéa du code de procédure pénale).

(50) CNCDH, Avis sur la loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, Assemblée plénière du 6 novembre 2008.

(51) Article 689-2 du code de procédure pénale (CPP).

(52) Sont par exemple visées les personnes coupables d'un crime ou d'un délit d'acte de terrorisme ou du délit d'association terroriste prévus par le code pénal " lorsque l'infraction a été commise en employant un engin explosif ou un autre engin meurtrier défini à l'article 1 " de la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes du 12 janvier 1988 (article 689-9 CPP) ou celles coupables d'un crime ou d'un délit défini par les articles 421-1 et 421-2-2 du code pénal " lorsque cette infraction constitue un financement du terrorisme au sens de l'article 2 " de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 10 janvier 2000 (article 689-10 CPP) ;

(53) Article 689-13 du code de procédure pénale.

(54) Articles 689 du code de procédure pénale ainsi que 113-6 et 113-7 du code pénal.

(55) Articles 113-6, 113-7 et suivants du code pénal - étant observé que si la victime doit être française au moment de l'infraction, l'auteur qui n'acquiert la nationalité française que postérieurement au fait imputé est néanmoins considéré rétroactivement comme français à la date de la commission de ce dernier (article 113-6 dernier alinéa).

(56) Article 113-7 du code pénal. Néanmoins, il s'agit de compétences complémentaires alors que la compétence territoriale est, elle, une compétence principale, " de premier rang, primordiale " (C. Lombois, Droit pénal international, Dalloz, 2e éd. 1979, n° 247, p. 299).

(57) Voir par exemple en cas de " mariage forcé " imposé à l'étranger, en recourant à différents degrés de violences (article 222-16-3 bis du code pénal), voire à de la torture ou à des actes de barbarie (article 222-6-3 du code pénal).

(58) Voir par exemple en cas de " tourisme sexuel " pratiqué à l'étranger (article 227-27-1 du code pénal).

(59) CNCDH, Avis sur le respect et la protection des travailleurs humanitaires de 2014, op. cit., recommandation 2.6.

(60) Assemblée nationale, Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur le droit international humanitaire à l'épreuve des conflits, n° 2484, déposé le 4 décembre 2019 et présenté par M. Moetai Brotherson et M. Jean-François Mbaye, recommandation n° 12.

(61) C'est le cas pour le meurtre commis notamment sur un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un professionnel de santé (article 221-4 4° et 4° bis du code pénal). Il en va de même pour les tortures et actes de barbarie (article 222-3 4° et 4° bis) ainsi que pour les violences volontaires (voir les 4° et 4° bis des articles 222-7 et suivants du code pénal).

(62) Il en va ainsi du viol et des autres agressions sexuelles pour lesquels, alors même que ces infractions participent de la catégorie des " atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne ", à l'instar des violences volontaires précitées, le code pénal ne prévoit aucune circonstance aggravante liée aux fonctions ou à la mission exercées par la victime (articles 222-22 et suivants du code pénal). Il en va de même pour l'enlèvement et la séquestration, relevant eux, de la catégorie des " atteintes aux libertés de la personne " (articles 224-1 et suivants du code pénal).