Annexe
Qualification de projet d'intérpêt national majeur au sens de l'article L. 300-6-2 du code de l'urbanisme du projet d'unité de conversion de nickel et de cobalt de la société Electro Mobility Materials Europe
Dans l'objectif d'accélérer l'implantation des projets industriels les plus stratégiques pour la transition écologique ou la souveraineté nationale, la loi « Industrie verte » du 23 octobre 2023 introduit le statut de « Projet d'intérêt national majeur » (PINM) en son article 19, codifié avec l'article L. 300-6-2 du code de l'urbanisme.
Ce statut permet aux projets concernés de bénéficier de mesures d'accélération de certaines procédures préalables à leur implantation. Il est ainsi possible de procéder à une mise en compatibilité accélérée des documents d'urbanisme et de prioriser le raccordement du projet au réseau d'électricité à la suite de la qualification de PINM, ainsi que d'anticiper une dérogation à la protection des espèces protégées par la reconnaissance anticipée d'une raison impérative d'intérêt public majeur dès le décret de qualification de PINM.
Le projet Electro Mobility Materials Europe (EMME) consiste à implanter sur une zone industrialo portuaire sur les communes de Parempuyre et Blanquefort (Gironde) une unité de conversion de nickel et de cobalt utilisés pour la production de composants critiques de batteries Li-ion riches en nickel, ainsi qu'un laboratoire de recherche appliquée en science des matériaux et génie du procédé. Ce projet, annoncé au sommet Choose France en mai 2024, est un projet d'envergure nationale ou européenne d'intérêt général majeur (11). Il est encouragé par une aide publique, car a obtenu de la part de la direction générale des finances publiques (DGFiP) l'agrément fiscal lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt au titre des « Investissements dans l'industrie verte » (C3IV), puisqu'il appartient à une filière relevant du champ de l'industrie verte défini par le décret du 5 juillet 2024 (12) d'application de la loi industrie verte.
Les services déconcentrés de l'Etat ont identifié, pour ce projet d'implantation de la société EMME d'un site industriel de raffinage de nickel et de cobalt (sous forme de sulfates) sur la zone industrialo-portuaire de Parempuyre et de Blanquefort (Gironde), des freins nécessitant, vu l'ampleur et le caractère stratégique de l'installation, la qualification de projet d'intérêt national majeur.
La société EMME SAS, domiciliée à Bordeaux, est spécialisée dans la recherche appliquée en science des matériaux ainsi que dans la transformation, la valorisation, la production et le recyclage de matériaux à haut potentiel énergétique. Elle regroupe des experts internationaux techniques et commerciaux, expérimentés et reconnus dans la filière des matériaux critiques, ainsi que des procédés hydro-métallurgiques. Sur le marché des véhicules électriques et des batteries associées, le projet EMME se positionne sur la partie amont de la chaîne de valeur, dans la production et fourniture des matériaux critiques des cathodes des batteries. Les clients directs sont les fabricants de précurseurs de CAM (Cathode Active Materials). Le chiffre d'affaires prévisionnel associé est de 500 M€, avec une rentabilité de l'ordre de 15 %.
La direction générale des entreprises (DGE) a ainsi été alertée et ses services ont initié une première instruction, en lien avec la direction générale de l'aménagement, de la nature et du logement (DGALN), mettant en évidence que le projet EMME présentait des caractéristiques permettant de la qualifier de PINM. A ce titre, deux critères ont été utilisés pour conduire l'analyse : (i) l'éligibilité du projet d'une part, au regard de sa taille, son impact sur l'emploi et son importance pour la transition écologique ou la souveraineté française, et (ii) la nécessité du recours au statut de PINM d'autre part, notamment l'appréciation des situations liées à la dérogation à la protection des espèces (dite « dérogation espèces protégées ») et au raccordement au réseau électrique pour ce projet.
Cet examen a conduit le préfet de Gironde, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, a sollicité la qualification de PINM pour ce projet, par un courrier en date du 5 août 2025 adressé au ministre de l'économie, des finances, de la suveraineté industrielle et du numérique (MEFSIN) et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
- Sur l'intérêt national majeur du projet EMME
Le projet EMME prévoit la création d'une unité de production de sulfates de nickel et de cobalt pour les batteries de véhicules électriques, d'une capacité de production annuelle de 90 000 tonnes de sulfate de nickel (20 000 tonnes de nickel en forme élémentaire) et 14 500 tonnes de sulfate de cobalt (3 000 tonnes de cobalt en forme élémentaire métal) à compter de 2028, ainsi qu'un laboratoire de recherche appliquée en science des matériaux et génie du procédé.
Caractère stratégique du projet EMME pour la souveraineté nationale et la transition écologique
Le projet d'implantation industrielle EMME est d'une envergure très significative dans le secteur des batteries pour les véhicules électriques, technologie participant à la décarbonation de notre économie. Cette activité de production de matériaux essentiels et critiques pour la filière de fabrication d'une batterie est unique et pionnière en France.
Outre les applications pour le secteur de la batterie, l'unité industrielle de conversion présente un caractère dual lui permettant le cas échéant de convertir les métaux critiques dans des formes pures essentielles aux alliages spéciaux nécessaires aux produits des industries aérospatiales et de défense.
Le projet représente un investissement à date de 530 M€, dont 440 M€ d'investissements industriels et prévoit la création de 200 emplois directs sur site et jusqu'à 300 emplois indirects et en sous-traitance.
Si le projet EMME présente une importance nationale par l'ampleur de son investissement et de son impact sur l'emploi, il revêt par ailleurs un caractère stratégique pour la France par sa contribution au développement d'une filière batterie pour les véhicules électriques indispensable à la transition écologique comme le présente la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).
La France s'est engagée en 2019 à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. En 2021, le législateur a fixé une feuille de route pour la décarbonation par l'adoption de la loi climat et résilience du 22 aout 2021. La SNBC reprend cet objectif pour le secteur des transports, secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) (secteur qui comptait en 2017 pour 30 % des GES émis en France), avec un objectif d'une décarbonation complète d'ici à 2050 du secteur des transports terrestres. Le développement des véhicules électriques est indispensable pour l'atteinte de cet objectif puisque cette technologie réduit la consommation d'énergie et limite les émissions de GES en comparaison des véhicules thermiques.
Par ailleurs, cet engagement pour la décarbonation du secteur des transports se traduit au niveau européen par une interdiction de la commercialisation des véhicules thermiques neufs en 2035 (13).
L'Europe est ainsi devenue le premier marché mondial de véhicules électriques en 2020 devant la Chine et, après un ralentissement temporaire en 2024, les experts prévoient une accélération des ventes de véhicules électriques (EV) en Europe, jusqu'à représenter 93 % des ventes de véhicules neufs à horizon 2035 (14).
Dans ce contexte, les 20 000 tonnes de nickel et les 3 000 tonnes de cobalt devraient permettre le remplacement d'environ 400 000 véhicules thermiques, soit d'éviter l'émission de 2 millions de tonnes de C02 par an, soit 1,5 % des émissions du secteur.
Par ailleurs, le projet EMME, par sa localisation européenne et un procédé de production exemplaire, permettrait d'éviter une émission de CO2 jusqu'à 1,6 million de tonnes supplémentaires par an par rapport à la même quantité produite en Chine avec les procédés les plus émetteurs de CO2 (par ex. : pyrométallurgie).
D'importance stratégique pour la transition écologique, le projet EMME contribue également à la maîtrise et au dérisquage de la chaîne de valeurs de production des batteries, stratégique pour la souveraineté de la France et de l'Union européenne.
Actuellement, plus 80 % de la production de matériaux critiques pour les batteries de véhicules électriques provient de Chine (15). La capacité de production européenne de sulfate de nickel de qualité batterie est estimée à 35.000 tonnes en 2023, représentant 21 % des ventes totales de véhicules électriques en Europe en 2022. Cela correspond à environ 584 000 véhicules électriques. Les besoins théoriques de l'Europe à horizon 2030 seront de l'ordre de 120 000 tonnes (16) par an. Les projets d'usines de raffinage de nickel en cours de développement dans l'Union ne permettront pas d'atteindre cette cible (17).
Cette dépendance vis-à-vis des producteurs asiatiques constitue autant de risques pour l'Europe, notamment liés aux aléas géopolitiques et à la position dominante des acteurs chinois, de ralentir la transition vers la mobilité électrique ainsi que d'obérer les objectifs de réduction de GES.
Ce constat a conduit l'Union Européenne à adopter, en mars 2024, le règlement européen sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act) (18), qui définit la liste des matériaux critiques et stratégiques, dont font partie le nickel et le cobalt, et à définir pour ces métaux des objectifs (19) à horizon 2030 pour accroître la production européenne, réduire la dépendance aux pays détenteurs des ressources et des capacités de production et accroître la résilience de la filière des batteries.
Le projet EMME pourrait répondre à environ 25-30 % des besoins français en nickel et cobalt pour la production de cellules de batteries en France à horizon 2030 (20). Il comportera une dimension circulaire en pouvant substituer à terme une partie de ses approvisionnements en hydroxydes mixtes de nickel et de cobalt (MHP) à raffiner par de la « black mass », une poudre noire riche en métaux critiques obtenue par le broyage de déchets de batteries et rebuts de fabrication de cellules. L'incorporation de nickel et cobalt recyclé dans les batteries émises sur le marché européen à partir de 2031 est une obligation introduite par le règlement européen « batteries » (21) adopté en 2023 et renforce la résilience de la filière batterie en diminuant sa dépendance à des approvisionnements tiers importés et la pression sur l'extraction minière des ressources.
Le projet EMME s'inscrit pleinement dans la stratégie nationale sur les batteries dont deux des piliers consistent à développer une offre industrielle compétitive sur l'ensemble de la chaîne de valeur et à favoriser les batteries les plus responsables et vertueuses sur le plan environnemental.
Son empreinte carbone est réduite grâce aux mesures spécifiques à chaque étape du processus :
- la circularité des co-produits, ce qui permet de réduire les déchets par rapport aux autres procédés ;
- la traçabilité complète des matériaux ;
- la possibilité d'intégrer de plus en plus de matières venant de batteries recyclées localement ;
- la qualification de ses fournisseurs aux normes et pratiques sociales du référentiel IRMA.
Le projet renforce également et accélère le développement de la filière nationale (et européenne) par les synergies avec les industriels de la filière. EMME a déjà engagé des discussions, notamment :
- accords commerciaux avec d'autres acteurs nationaux de la filière, par ex. ORANO, Axens ;
- discussions et synergies industrielles, de R&D, de formation (Battena) et d'emplois qualifiés avec les acteurs locaux de la filière : Arkema, Solvay, ACC, Saft, Pôle Avenia ;
- plateforme de développement en science des matériaux utile aux nouvelles générations de batteries NMC et état solide (Syensqo, Bolloré, Arkema).
Le projet EMME est aligné avec les objectifs du plan d'action de la Commission européenne pour stimuler l'innovation, la durabilité et la compétitivité du secteur automobile et des batteries, présenté le 5 mars 2025. En particulier, des mesures additionnelles seront proposées dans le cadre d'un « Battery Booster » mi-septembre 2025 pour soutenir la production d'éléments, composants et matériaux critiques de batteries y compris via des critères hors-prix de résilience et de contenu local. Ce plan propose également des mesures adressant le développement de projets de raffinage de métaux critiques et de recyclage de batteries, ainsi que de coopération et de renforcement des liens entre offreurs et acheteurs de matières premières critiques.
Enfin, le projet EMME pourra également répondre aux besoins de matériaux ultrapurs engendrés par la demande croissante des secteurs de la défense et de l'aéronautique tout en réduisant nos dépendances à l'approvisionnement en nickel russe.
La construction d'une infrastructure spécialisée dans les métaux critiques, en particulier le nickel et le cobalt, est également une opportunité pour la France et l'Europe de réduire ses dépendances d'approvisionnement et technologiques pour les industries aéronautiques et de défense.
En effet, seuls deux acteurs à proximité ou au sein l'Union Européenne produisent ces matériaux ultrapurs nécessaires aux secteurs de la défense et l'aéronautique : la raffinerie de Nikkelverk de Glencore en Norvège, utilisant des matières premières principalement du Canada et la raffinerie de Nornickel en Finlande, utilisant des matières premières approvisionnée de Russie. En 2022, l'entreprise russe Nornickel fournissait à l'Europe jusqu'à 50 % des métaux indispensables aux superalliages utilisés dans les secteurs de l'aérospatial et de la défense.
Si les efforts mis en place depuis 2022 ont permis de réduire en partie cette dépendance, les experts estiment que, sans développement spécifique, la dépendance restera au minimum de 30 % envers la Russie et Finlande (22).
Avec ses installations de production de matériaux critiques et son centre de recherche en science des matériaux et génie du procédé, le projet EMME a la capacité de faire évoluer sa production vers des formes ultrapures uniques en France essentielles aux applications telles que les lanceurs, les turbines de moteur d'avions et les missiles.
Dans ce contexte, la capacité de l'usine EMME à produire ces métaux ultrapurs, en parallèle des sulfates de nickel pour la filière batterie, est une dualité d'intérêt stratégique majeur.
Emprise foncière du projet :
Le projet est localisé sur la zone industrialo-portuaire de Parempuyre et de Blanquefort, en bord de Garonne (33). La localisation du site à cet endroit résulte d'une prospection large de plusieurs sites sur plusieurs mois, évalués selon les critères suivants :
- surface disponible : le site devait proposer une trentaine d'hectares pour l'activité, si possible d'un seul tenant, ainsi que des surfaces de compensation environnementale ;
- logistique maritime/fluviale : le site doit proposer un accès industrialo-portuaire proche d'une voie navigable pour l'approvisionnement et les expéditions par voie maritime ;
- accès aux réseaux d'électrique et d'eau : le site doit être raccordé aux réseaux ou des travaux de raccordement doivent être techniquement envisageables ;
- bassin d'employabilité : le site doit être implanté sur un territoire attractif et en capacité de fournir une partie des futurs emplois ;
- territoire d'industries : le site doit être proche d'autres industries afin d'identifier de potentiels clients, partenaires ou sous-traitants ;
- soutiens institutionnels : le projet doit faire l'objet de soutiens institutionnels locaux ;
- en complément des critères de faisabilité industrielle, le porteur de projet a pris en compte les critères environnementaux en privilégiant la recherche de terrains déjà artificialisés, en friche industrielle ou anthropisés.
Le terminal de Grattequina, appartenant au Grand port maritime de Bordeaux (GPMB), situé à cheval sur les communes de Parempuyre et Blanquefort, s'est avéré satisfaire l'ensemble des critères précités. Ce site couvre environ 32 hectares à vocation industrialo-portuaire. Surtout, il possède un quai modernisé en 2014 par le GPMB à des fins d'utilisation industrielle. Par ses dimensions et sa localisation en bord de Garonne, le quai constitue un atout majeur pour le projet EMME.
Les premiers travaux de l'étude de dangers ont conforté le choix de localisation et les surfaces disponibles. En effet, cette rive est peu densément peuplée. Il n'y a pas d'interception de plan de prévention des risques technologiques (PPRT) de tiers. Les études hydrauliques ont démontré, dans le cas de scénarios d'inondation les plus pessimistes, la possibilité de mettre le site en sécurité par un remblai sans créer d'impact sur les tiers.
Le site est en majorité déjà anthropisé par une agriculture conventionnelle céréalière. L'étude d'impact faune flore a confirmé par la suite que 73 % des habitats étaient artificialisés ou anthropisés. Les enjeux les plus forts, localisés au nord du site, dans le corridor écologique ou sur les berges, peuvent être évités en partie.
Les surfaces disponibles permettent de planifier les différentes zones de l'usine avec les distances et mises en sécurité. Elles permettent également de positionner à proximité du site les surfaces de compensation nécessaires, ce qui assure la meilleure continuité pour les espèces faune flore concernées.
La réussite de l'implantation de cette usine sur les communes de Parempuyre et Blanquefort en Gironde est donc essentielle pour répondre à une exigence de souveraineté pour l'Europe et la France, et pour accompagner le développement ou la reconversion économique d'un territoire disposant de salariés expérimentés.
Au niveau local, le projet s'inscrit en cohérence avec les ambitions de la métropole de Bordeaux :
- le projet s'inscrit dans le plan d'aménagement et de développement durable (« PADD ») du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de Bordeaux Métropole : « développer l'attractivité de l'agglomération en favorisant le maintien et l'émergence de pôles d'excellence économiques et scientifiques, mais aussi permettre l'implantation et le maintien de tous les types d'emplois, tant productifs que ceux nécessaires aux besoins de la population ». Cette orientation est justifiée par la volonté de faciliter l'exploitation industrielle et de renforcer les complémentarités techniques et l'excellence de certaines filières ;
- le projet s'inscrit dans les orientations générales du schéma de cohérence territoriale (SCoT) Grenelle de l'aire métropolitaine bordelaise. En particulier, le SCoT met l'accent sur la nécessité de conserver et de développer un tissu économique productif lié à des processus d'innovation technologique afin de maintenir la compétitivité de la Métropole sur le plan mondial et offrir un cadre économique de qualité, répondant aux attentes des acteurs économiques. Sur la nécessité de conserver et de développer un tissu économique productif lié à des processus d'innovation technologique afin de maintenir la compétitivité de la Métropole sur le plan mondial, le projet EMME, avec son activité de recherche appliquée en sciences des matériaux et sa démarche industrielle innovante, se positionne comme un acteur clé ;
- le projet s'inscrit aussi dans les prévisions futures du SCoT bioclimatique de l'aire métropolitaine bordelaise : « faire de l'aire métropolitaine un territoire actif et en essor », en particulier sur la nécessité d'accompagner la politique de réindustrialisation en soutenant les filières stratégiques et émergentes ainsi que de faciliter le développement des sites de formation et de recherche.
Financements publics et fonds propres :
Le projet a obtenu un agrément fiscal suite à une instruction conduite par la DGFiP lui permettant de bénéficier d'une aide publique de 150 M€ sous la forme d'un crédit d'impôt « Industrie verte » (C3IV) étalé sur plusieurs années. Par ailleurs un dossier a été déposé en avril 2025 auprès du fonds européen pour l'innovation pour un montant d'aide de 30 M€.
Les fonds propres représenteront près de 55 % du financement, permettant un niveau d'endettement raisonnable (financement en fonds propres, y compris crédit d'impôt, d'environ 275 M€ et financement par dette bancaire d'environ 240 M€.)
Consultation du public :
Pour donner suite aux questions posées par le public lors de la concertation engagée dans le cadre de la procédure de déclaration de projet nécessitant une mise en compatibilité des documents d'urbanisme (MECDU) organisée par le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB), début 2024, afin de permettre la mise en compatibilité du PLUi de Bordeaux Métropole avec le projet d'implantation de l'unité de conversion de la société EMME, et lors de la concertation menée par EMME au 2e semestre 2024, la société EMME a décidé de solliciter en décembre 2024 une concertation sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Le projet EMME, compte tenu des nombreux enjeux (aménagement du territoire, sociaux, économiques, environnement notamment) qu'il présente a été soumis à débat public. Celui-ci a eu lieu du 25 mars 2025 au 15 mai 2025.
Outre un dossier présentant en détail le projet sur l'ensemble de ces aspects, mis à disposition des collectivités et du public, plusieurs réunions, ateliers et conférences-débats ont été proposés au cours de ces plus de 7 semaines, à Parempuyre, Blanquefort et dans les communes situées aux alentours. Au total, 15 rencontres ont été organisées, avec plus de 1 000 participants. Les comptes-rendus ont tous été publiés. 500 questions ont été reçues via le site internet de la concertation ou lors des rencontres et ateliers et ont fait l'objet de réponses documentées par l'équipe EMME. Les garants de la concertation ont publié le 10 juin 2025 leur bilan de la concertation.
Pour toutes les raisons, il apparaît que le projet EMME répond aux critères d'éligibilité du statut de PINM tels que définis par l'article L.300-6-2 du code de l'urbanisme : « un projet industriel qui revêt, eu égard à son objet et à son envergure, notamment en termes d'investissement et d'emploi, une importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale ».
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Sur la nécessité du projet d'avoir recours au statut PINM
A. - Sur le besoin de reconnaissance anticipée de la raison impérative d'intérêt public majeur du projet
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Identification d'un besoin de dérogation espèces protégées
Le site industrialo-portuaire accueillant les infrastructures du projet EMME se situe dans un milieu en partie anthropisé constitué de la plateforme portuaire artificialisée en 2014 par le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) et des routes d'accès (~ 20 % de la surface du site) et, très majoritairement, d'espaces agricoles de cultures conventionnelles céréalières. Ce site est parsemé ponctuellement d'alignements d'arbres et d'espaces arborés (petits bois, bosquets).
L'étude de l'état initial du milieu naturel, de la faune et de la flore de l'étude rapprochée du site, effectuée par les experts écologues a identifié la présence de plusieurs espèces protégées de la faune et de la flore, dont le régime de protection est défini par l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
EMME a mis en place les mesures d'évitement, de réduction et de compensation, notamment :
- évitement : redimensionnement du projet pour éviter les zones humides, l'habitat favorable aux chiroptères, le couloir écologique et les ripisylves ;
- réduction : installation de clôtures perméables à la petite faune, adaptation de l'éclairage à la sensibilité de la faune, prévention et gestion des pollutions accidentelles en phase chantier... ;
- compensation : au total, 40 hectares de surfaces de compensation seront mis en place, dont pour la faune et la flore : 28,1 ha à proximité immédiate du site (ratio de 2 vs 13,8 ha impactés) et pour les zones humides : 22,5 ha adjacents aux zones impactées (ratio de 1,5 vs 14,8 ha impactés).
Cependant, ces mesures n'empêchant pas la destruction d'habitats, d'aires de repos ou de spécimens d'espèces protégées, le projet nécessite l'obtention d'une dérogation espèces protégées en application du code de l'environnement.
La reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) du projet constitue l'un des trois critères nécessaires à l'octroi d'une dérogation espèces protégées.
Le statut de projet d'intérêt national majeur permet d'anticiper et de sécuriser la reconnaissance de cette RIIPM (RIIPM attachée au décret PINM). Il réduit ainsi le risque de contentieux tardif et rallongé. A ce titre, la présence de cette RIIPM a été étudiée pour le projet.
- Identification des critères de reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur dégagés par le juge
La jurisprudence constante établit un faisceau d'indices permettant d'identifier la RIIPM d'un projet. Plusieurs aspects du projet sont examinés, sans que ces conditions soient cumulatives :
- les caractéristiques principales du projet, sa raison d'être et sa cohérence avec le projet du territoire dans lequel il s'inscrit (décrits ci-dessus) ;
- le nombre d'emplois que le projet permet de créer et la contribution (avérée, chiffrée et identifiée) que le projet apporte au bassin d'emploi dans lequel il s'inscrit ;
- la description des enjeux attachés au projet urbain ou au programme de développement local ou national dans lequel s'inscrit le projet.
Le projet EMME s'inscrit dans le projet territorial en raison du développement économique, de la création d'emplois et de l'attractivité du territoire qu'il permettra. Les soutiens apportés respectivement par la préfecture de région et par le président de la région Nouvelle-Aquitaine mettent en exergue l'importance de ce projet pour ce territoire.
Le développement de la filière batterie est un axe majeur de développement économique de la région Nouvelle-Aquitaine, qu'elle entend continuer de renforcer, développer, fédérer et animer, sensibiliser et promouvoir. La région est ainsi à l'initiative du projet BATTENA (formations BATTerie En Nouvelle-Aquitaine) qui vise à développer des formations sur l'ensemble des métiers de la filière batterie pour répondre aux besoins croissants des industries locales.
Aujourd'hui, plus de 85 acteurs et structures constituent la filière batterie dans cette région.
Le projet EMME s'inscrit totalement dans ce programme de développement régional, notamment par son positionnement dans la filière de la batterie et par les synergies avec les industriels, ainsi qu'avec les acteurs universitaires et académiques locaux. De plus, les 500 emplois générés (dont 200 emplois directs liés à l'exploitation de la future usine) par EMME s'appuieraient sur la filière de formation « BATTENA », tout en y contribuant.
En outre, l'implantation du projet sur un terrain stratégique à proximité du terminal portuaire favorise l'accès aux infrastructures logistiques nécessaires, facilitant ainsi la chaîne d'approvisionnement et de distribution des produits de l'usine, conformément aux orientations du SCoT pour encourager l'implantation d'établissements industriels de grande taille. Le projet EMME participe ainsi à la diversification du tissu économique local, tout en renforçant la position de la métropole bordelaise comme un hub d'innovation technologique.
Le projet EMME, situé sur le terminal portuaire de Parempuyre-Blanquefort, fait partie du plan stratégique du Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) comme levier de désenclavement pour les zones d'activités de la rive gauche et catalyseur de réindustrialisation.
Les terrains d'implantation du projet EMME étant la propriété du GPMB, les loyers annuels de plus de 1 M€ par an contribueront au développement économique du GPMB. Et, surtout, les volumes de matières premières et produits à transporter du projet, 500 000 tonnes par an, dont 99 % par voie maritime génèreront pour le GPMB augmentation de l'ordre de 20 à 30 % du trafic de conteneurs. Face à une tendance, depuis quelques années, à la réduction du trafic maritime du GPMB, le projet EMME constitue un élément majeur du plan stratégique de redynamisation et de renforcement de l'activité.
Enfin, pendant la phase chantier, on estime que 1 000 emplois seront mobilisés pendant deux ans (génie civil, électricité, réseaux, construction générale et infrastructure, environnement). La commune de Blanquefort a été fortement impactée en 2019 par la cessation d'activité de l'usine Ford, entraînant la suppression de 850 emplois. Dans ce contexte, la mise en place de l'unité de conversion EMME générant 500 emplois industriels permettra de redynamiser économiquement et socialement Blanquefort, Parempuyre et les communes alentour.
Pour toutes ces raisons, la raison d'intérêt impératif public majeur du projet EMME peut être présumée.
Il apparaît ainsi que la reconnaissance du projet EMME comme projet d'intérêt national majeur est nécessaire afin d'anticiper la reconnaissance de la RIIPM du projet, le sécuriser et de permettre ainsi son installation.
B. - Sur le besoin de priorisation de raccordement
La réussite du projet EMME dépend étroitement de son raccordement au réseau de transport d'électricité. Le projet ayant des besoins électriques de 30MW, il nécessite un raccordement au réseau public de transport d'électricité via une ligne souterraine de 7 km. Ce projet de raccordement doit être sécurisé pour respecter le calendrier de déploiement du projet.
Bien que la proposition technique et financière de RTE est compatible avec l'objectif du projet EMME de démarrage de la production, RTE signale plusieurs risques majeurs sur ce calendrier prévisionnel de raccordement :
- le fuseau de moindre impact (FMI) n'est pas encore validé et est attendu pour novembre 2025. Néanmoins, en cas de refus du tracé préférentiel, les études du raccordement devraient être intégralement reprises, soit un décalage du projet estimé à 24 mois (définition du nouveau tracé, étude 4 saisons, réunions avec le public, etc.) ;
- le calendrier prévoit en novembre 2025 le dépôt d'une déclaration au titre de la loi sur l'eau, liée au pompage nécessaire pendant la phase travaux. Une incertitude existe quant au régime applicable et une autorisation pourrait être requise au regard de certains seuils prescrits par la réglementation. Dans le cas où une procédure d'autorisation serait nécessaire, le raccordement serait décalé de six mois minimum ;
- le tracé implique le passage sous voie SNCF. RTE n'a pas la confirmation de la SNCF quant à la possibilité d'intervenir sur la voie aux dates prévues dans le calendrier. Dans le cas où la SNCF n'autoriserait pas les travaux à la date du calendrier prévisionnel, le raccordement pourrait être décalé de 1 an.
Les conséquences de ces risques de décalage de calendrier sont particulièrement importantes sur le calendrier du projet. Le raccordement au réseau électrique est donc sur le chemin critique du projet EMME. Tout retard sur le raccordement impacterait directement la mise en service et la montée en cadence de l'usine, la livraison des premières commandes clients et réduirait la profitabilité et la viabilité du projet. Sur le plan financier, un mois de retard de mise en service du projet équivaut à plus de 6 M€ de perte nette.
Le statut de PINM permettra d'assurer le calendrier des procédures de raccordement en contribuant, lors des discussions et négociations avec les parties prenantes impactant le calendrier, à faire valoir l'importance du projet au niveau national et permettre sa priorisation. Le statut de PINM permettra également d'informer le public du caractère stratégique du projet, améliorer sa recevabilité et ainsi limiter le risque contentieux. Le projet traverse notamment des zones urbanisées sur près de 4 km et passe le long d'une route fréquentée et dense sur près de 3 km.
Les procédures des articles 27 et 28 de la loi d'accélération de production des énergies renouvelables pourront également être déployées si elles permettent de contenir le calendrier du projet de raccordement.
Il apparaît ainsi que la reconnaissance du projet EMME comme projet d'intérêt national majeur est nécessaire afin de sécuriser l'approvisionnement en électricité du projet et de permettre ainsi son installation.
Les deux critères d'éligibilité et de nécessité du projet étant réunis, l'octroi du statut de projet d'intérêt national majeur au projet d'implantation EMME sur le terminal portuaire de Parempuyre-Blanquefort est justifié.
(11) Arrêté du 31 mai 2024 relatif à la mutualisation nationale de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers des projets d'envergure nationale ou européenne d'intérêt général majeur.
(12) Décret n° 2024-704 du 5 juillet 2024 modifiant le code de l'urbanisme et le code de l'environnement en vue de favoriser l'implantation des installations industrielles vertes.
(13) Règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023.
(14) Voltaire Minerals, 2024.
(15) Plus de 80 % du sulfate de nickel de qualité batteries est produit en Chine et/ou contrôlée par des acteurs chinois. 80 % des capacités mondiales de raffinage de cobalt sont également concentrées en Chine.
(16) Prévisions Wood Mackenzie, 2024.
(17) WoodMackenzie, 2023 : Bloomberg, Electric Vehicle Outlook 2023.
(18) Règlement (UE) n° 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11/04/24 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques.
(19) Article 5 du règlement (UE) n° 2024/1252 : « 1. La Commission et les Etats membres renforcent les différentes étapes de la chaîne de valeur des matières premières stratégiques au moyen des mesures relevant du présent chapitre afin : a) de faire en sorte qu'à l'horizon 2030, les capacités de l'Union en ce qui concerne toutes les matières premières stratégiques aient sensiblement augmenté de façon à atteindre les niveaux de référence suivants : i) la capacité d'extraction de l'Union permet d'extraire les minerais, minéraux ou concentrés nécessaires à une production satisfaisant au moins 10 % de la consommation annuelle de matières premières stratégiques de l'Union, dans la mesure du possible compte tenu des réserves de l'Union ; ii) la capacité de transformation de l'Union, y compris toutes les étapes de transformation intermédiaires, permet de produire des quantités satisfaisant au moins 40 % de la consommation annuelle de matières premières stratégiques de l'Union ; iii) la capacité de recyclage de l'Union, y compris toutes les étapes de recyclage intermédiaires, permet de produire des quantités satisfaisant au moins 25 % de la consommation annuelle de matières premières stratégiques de l'Union et de recycler des quantités sensiblement croissantes de chaque matière première stratégique contenue dans les déchets ; b) de diversifier les sources d'importation des matières premières stratégiques de l'Union en vue de faire en sorte qu'à l'horizon 2030, la consommation annuelle de l'Union de chaque type de matières premières stratégiques à une étape quelconque de la transformation puisse reposer sur les importations provenant de plusieurs pays tiers ou de pays ou territoires d'outre-mer (PTOM), et sans qu'aucun de ces derniers ne représente plus de 65 % de la consommation annuelle de l'Union de ces matières premières stratégiques.
(20) Modélisation des besoins des gigafactories françaises réalisée par l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (OFREMI) en 2023-2024.
(21) Le règlement (UE) 2023/1542 batteries prévoit une obligation de contenu recyclé incorporé dans les batteries industrielles, de véhicules électriques et de SLI mises sur le marché européen, soit 16 % de cobalt et 6 % de nickel recyclé à partir de 2031 et 26 % de cobalt et de 15 % de nickel recyclé à partir de 2036.
(22) Voltaire Minerals.
(23) Le montant de 150 M€ pourrait être révisé à la hausse en cas de classement d'ici la fin de l'année 2025 de la commune de Parempuyre dans la cartographie des communes françaises ouvrant droit à des aides à finalité régionale, ayant pour conséquence de majorer l'intensité d'aide et le plafond d'aide maximal applicable au projet EMME.