JORF n°0166 du 18 juillet 2008

Décision n°2008-0513 du 27 mai 2008

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs à l'égard des réseaux et services de communications électroniques (« directive service universel ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 33-1, L. 33-4, L. 34-8, L. 36-6, L. 44 et D. 406-18 à D. 406-19 ;

Vu la décision n° 2005-1085 modifiée de l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques en date du 15 décembre 2005 fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation ;

Vu la décision n° 2006-0381 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 30 mars 2006 précisant les modalités d'application de la portabilité des numéros mobiles en métropole ;

Vu l'arrêté du ministre en charge des communications électroniques en date du 13 avril 2006 homologuant la décision n° 2006-0381 susvisée ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision sur les méthodes de comptabilisation et de recouvrement des coûts de la portabilité des numéros mobiles en métropole, lancée le 6 décembre 2007 et clôturée le 11 janvier 2008 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu l'avis de la Commission consultative des radiocommunications, consultée le 20 février 2008 ;

Vu l'avis de la Commission consultative des réseaux et services de communications électroniques, consultée le 25 avril 2008 ;

Après en avoir délibéré le 27 mai 2008,

Le lancement le 21 mai 2007 en métropole du processus de conservation du numéro mobile simple guichet est le résultat de la mise en œuvre du nouveau dispositif législatif et réglementaire par les opérateurs mobiles métropolitains (1).

Les modifications intervenues dans le cadre du nouveau processus de conservation des numéros sont nombreuses et se caractérisent plus particulièrement par un rôle désormais prédominant de l'opérateur receveur (OPR) dans l'ensemble du processus.

Dans le cadre de l'ouverture de la nouvelle fonctionnalité de conservation des numéros mobiles (« PNM v2 »), il est apparu que dans de nombreux cas les opérateurs mobiles n'ont pas réussi à finaliser les modalités financières des contrats d'interconnexion relatives à la conservation des numéros. Il s'avère notamment que les opérateurs n'ont pas réussi à s'accorder sur les prestations devant être prises en compte pour la détermination du tarif payable par l'opérateur receveur à l'opérateur donneur et/ou attributaire au titre du nouveau processus de conservation des numéros mobiles.

L'Autorité estime donc nécessaire de préciser les modalités de détermination des coûts recouvrables au titre du nouveau processus de conservation des numéros mobiles mis en œuvre par les opérateurs mobiles.

Ainsi, la décision traite des coûts relatifs à la prestation de conservation du numéro (transfert d'un numéro d'un opérateur A à un opérateur B). Dans ce cadre, et conformément à l'article D. 406-19-IV du CPCE, l'Autorité s'est attachée à ce que les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et de comptabilisation des coûts promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable, optimisent les avantages pour le consommateur et assurent une rémunération raisonnable des capitaux employés.

La décision ne traite pas des méthodes de comptabilisation et de recouvrement des coûts des prestations fournies par le « GIE EGP » au titre de la mise en œuvre du système de portabilité des numéros mobiles et pour lesquels, cette entité facture l'opérateur receveur, initiateur des flux d'informations intermédiés par le GIE EGP. Sur ce point, l'Autorité souhaite rappeler que, conformément à l'article 11 de la décision n° 2006-0381 susvisée : « Les opérateurs peuvent recourir à une entité de gestion commune de la portabilité pour intermédier l'échange de flux d'information entre opérateurs receveur, donneur, attributaire et tiers dans la mesure où les prestations fournies sont conformes aux obligations des opérateurs résultant du code des postes et des communications électroniques et des décisions qui en découlent.

Dans ce cas, les opérateurs veillent à ce que les prestations fournies respectent notamment les principes de reflet des coûts, de non-discrimination et ne créent pas d'obstacle artificiel au libre exercice d'une concurrence loyale entre opérateurs. »

L'Autorité s'attache dans ce qui suit à préciser en tant que de besoin les méthodes :

― de comptabilisation des coûts, c'est-à-dire de définir la typologie des coûts induits par cette prestation ;

― de recouvrement des différents types de coûts précédemment définis ;

― de tarification de ces coûts liés à la nouvelle fonctionnalité de conservation des numéros mobiles.

I. - Typologie des coûts induits
par la conservation des numéros

La mise en œuvre de la fonctionnalité de conservation du numéro se traduit par de nombreuses modifications ou adaptations des systèmes d'information existants et des processus internes de l'entreprise. L'ensemble des grands postes de coûts des opérateurs sont donc impactés par la conservation du numéro. Ces postes de coûts sont de manière générale les suivants :
― les coûts de systèmes d'information ;
― les coûts de réseau ;
― les coûts commerciaux.
La délimitation précise de l'ensemble des charges découlant de la mise en œuvre de l'obligation de conservation du numéro est alors particulièrement complexe. Certains coûts de conservation des numéros font ainsi partie intégrante de coûts d'investissement et d'exploitation de l'opérateur, sans qu'il soit pour autant possible de mesurer précisément l'écart avec les coûts qui auraient été supportés si cette fonctionnalité n'était pas obligatoire. Les systèmes d'information auraient été relativement moins complexes, les choix d'architecture peut-être différents.
Pour autant, certains coûts de mise en œuvre de la conservation des numéros sont directement observables car strictement spécifiques à la mise en œuvre de cette fonctionnalité. Il peut s'agir par exemple des coûts liés au serveur vocal interactif prévu par l'article 5 de la décision n° 2006-0381 susvisée, destiné à renseigner les clients désireux de conserver leur numéro.
L'ensemble des coûts encourus par un opérateur lui permet de remplir les trois fonctions qui lui incombent suivant les circonstances :
― en tant qu'opérateur receveur : il doit recevoir la demande du client de conserver son numéro lors de la souscription d'un nouveau contrat et lui donner effet ;
― en tant qu'opérateur donneur : il doit recevoir la demande de l'opérateur receveur de transférer un numéro faisant l'objet d'une demande de conservation et lui donner effet ;
― en tant qu'opérateur attributaire : il doit recevoir les demandes des opérateurs tiers souhaitant connaître la liste des numéros dont il est attributaire et ayant fait l'objet d'une demande de conservation et y faire droit.
Certains de ces coûts sont clairement identifiables et affectables à chacune de ces fonctions, mais la plupart d'entre eux ne le sont pas (exemple : le coût de mise à disposition du RIO est attribuable à la fonction d'opérateur donneur). Mais d'autres sont joints pour l'ensemble de ces trois fonctions (exemple : le coût de conception et de gestion du projet de déploiement des systèmes de portabilité ne peut être alloué qu'à l'ensemble des trois fonctions). Enfin, de nombreux coûts induits le sont dans des postes de coûts qui découlent de l'activité générale d'opérateur indépendamment de l'obligation de portabilité (exemple : l'insertion dans un support de facturation, ou sur un espace client sur un site internet, de la mention du RIO induit un surcoût dans la fonction facturation, ou espace client internet, lors de sa mise en place sans impliquer nécessairement une hausse du coût de production des factures ou d'édition de l'espace client internet).
En outre, l'adaptation de son organisation à cette obligation peut être l'occasion d'introduire de manière simultanée d'autres modifications d'organisation indépendantes de l'obligation de conservation du numéro tout en mutualisant un certain nombre de coûts à cette occasion.

II. - Modes de recouvrement des coûts
II-1. Modes de recouvrement des coûts de l'opérateur receveur

L'opérateur receveur offre à son client la possibilité de conserver son numéro. A ce titre, il prend en charge l'ensemble de la mise en œuvre de cette demande, y compris la résiliation de la ligne sur laquelle le numéro était précédemment actif. Cette prestation lui permet d'acquérir de nouveaux abonnés et ainsi de développer son activité commerciale de fournisseur de communications électroniques.
Les coûts subis par l'opérateur receveur peuvent être recouvrés selon les deux modes suivants :
― auprès de l'abonné qui fait une demande de conservation du numéro, via un tarif spécifique et explicite de l'offre de conservation du numéro ;
― au titre de son activité générale d'opérateur, via ses tarifs de détails (frais d'accès au service, abonnement mensuel, tarif des communications électroniques, etc.). Le coût reste à sa charge et est finalement supporté par l'ensemble de ses abonnés sans tarification explicite et identifiée de cette prestation offerte.
La possibilité de recouvrer auprès de son nouvel abonné des coûts générés par le portage du numéro demandé est toutefois encadrée. L'article L. 44 du CPCE dispose en effet :
« Les opérateurs sont tenus de proposer à un tarif raisonnable à leurs abonnés les offres permettant à ces derniers de conserver leur numéro [...] non géographique, fixe ou mobile [...]. »
La mise en œuvre de la conservation du numéro se faisant au bénéfice de l'opérateur receveur, qui peut ainsi développer son activité auprès de nouveaux clients, cet opérateur est naturellement incité à pratiquer une tarification raisonnable. Il ne convient donc pas de préciser plus avant les modalités de recouvrements des coûts qu'il encourt en sa capacité d'opérateur receveur.

II-2. Modes de recouvrement des coûts de l'opérateur donneur

En théorie, l'ensemble des coûts subis par l'opérateur en sa qualité d'opérateur donneur et présentés précédemment peuvent être recouvrés auprès de trois sources, non exclusives les unes des autres. Ces sources sont :
― la facturation d'une prestation de « portabilité sortante » à son abonné lorsque celui-ci résilie son contrat et demande à conserver son numéro ;
― la facturation d'une prestation de « portabilité sortante » à l'opérateur receveur qui demande le transfert d'un numéro suite à la demande d'un de ses clients lors de la souscription d'une offre de détail ;
― l'activité générale de l'opérateur via la tarification de ses offres de détail sans qu'il existe un tarif spécifique et identifié de cette prestation. Le coût reste à sa charge et il est finalement supporté par l'ensemble de ses abonnés, qu'ils exercent ou non leur droit à conserver leur numéro en cas de changement d'opérateur.
Parmi ces possibilités théoriques, l'une est exclue par le cadre réglementaire, puisque l'article D. 406-19 du CPCE prévoit en son premier alinéa que : « L'opérateur donneur ne peut facturer les coûts de portage à l'abonné. » Ainsi, l'opérateur donneur ne peut faire payer un abonné qui résilie son contrat et demande à cette occasion à conserver son numéro.
Pour autant, comme il a été vu au paragraphe précédent, le CPCE ouvre la possibilité de recouvrer des coûts de conservation des numéros auprès d'abonnés entrants, à condition que la tarification reste raisonnable. Dans ce cas, l'opérateur est naturellement incité à ne pas décourager l'arrivée de nouveaux clients.
De même, lorsqu'il recouvre ses coûts via son activité générale, l'opérateur est soumis à la pression du jeu concurrentiel et est donc naturellement incité à modérer ses tarifs.
En revanche, l'opérateur en sa qualité d'opérateur donneur peut recouvrer ses coûts partiellement via la facturation d'une prestation de « portabilité sortante » à l'opérateur receveur. L'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques prévoit que les tarifs de la prestation de « portabilité sortante » sont orientés vers les coûts : « Les opérateurs prévoient les dispositions nécessaires dans les conventions d'accès et d'interconnexion, à des tarifs reflétant les coûts correspondants. » Par ailleurs, chaque opérateur ayant intérêt individuellement à ne pas prendre à sa charge ces coûts, la question de la part des coûts recouvrables auprès de l'opérateur receveur ne trouve pas d'équilibre naturel et doit donc être précisée conformément aux dispositions du cadre réglementaire en vigueur.

II-3. Modes de recouvrement des coûts de l'opérateur attributaire

L'opérateur attributaire doit maintenir une liste des numéros dont il est attributaire et ayant fait l'objet d'une demande de conservation. Cette liste précise la référence du réseau sur lequel le numéro est actuellement actif. A cette fin, l'opérateur receveur informe l'opérateur attributaire du portage d'un numéro sur son réseau. Il fait droit aux demandes des opérateurs tiers souhaitant connaitre cette liste. Conformément à l'article D. 406-19-II du CPCE, « l'opérateur attributaire peut recouvrer les coûts encourus pour la transmission de ces informations ».
Pour remplir cette obligation, l'opérateur encourt des coûts pour la constitution et le maintien de cette liste, d'une part, et pour sa transmission, d'autre part.
La transmission de ces informations se faisant au bénéfice des opérateurs tiers ayant demandé communication de cette liste, les coûts de transmission peuvent être recouvrés auprès de ces opérateurs.
Les coûts de constitution et de maintien de la liste des numéros portés peuvent être recouvrés auprès de deux sources, non exclusives l'une de l'autre. Ces sources sont :
― la facturation d'une prestation de « portabilité attributaire » à l'opérateur receveur qui demande le transfert d'un numéro suite à la demande d'un de ses clients lors de la souscription d'une offre de détail ;
― l'activité générale de l'opérateur via la tarification de ses offres de détail. Le coût reste à sa charge et il est finalement supporté par l'ensemble de ses abonnés.
Lorsqu'il recouvre ses coûts via son activité générale, l'opérateur est soumis à la pression du jeu concurrentiel et est donc naturellement incité à modérer ses tarifs.
En revanche, l'opérateur en sa qualité d'opérateur attributaire peut recouvrer ses coûts partiellement via la facturation d'une prestation de « portabilité attributaire » à l'opérateur receveur. Chaque opérateur ayant intérêt individuellement à ne pas prendre à sa charge ces coûts, la question de la part des coûts recouvrables auprès de l'opérateur receveur ne trouve pas d'équilibre naturel et doit donc être précisée conformément aux dispositions du cadre réglementaire en vigueur.

III. - Mécanismes de comptabilisation,
principes de recouvrement et méthodes de tarification

L'Autorité estime donc nécessaire de préciser les mécanismes permettant de recouvrer les coûts induits par cette nouvelle fonctionnalité par les opérateurs en leur qualité d'opérateur donneur et/ou attributaire vis-à-vis d'un opérateur receveur au regard de quatre objectifs précédemment cités que sont :
― promouvoir l'efficacité économique ;
― favoriser une concurrence durable ;
― optimiser les avantages pour le consommateur ;
― assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés.
Dans ce qui suit l'Autorité étudie comment les principes ci-dessus s'appliquent à la typologie de coûts et aux méthodes de recouvrement précédemment exposées.

III-1. Promouvoir l'efficacité économique

L'Autorité estime qu'il est quasiment impossible pour un opérateur de comptabiliser de manière effective l'ensemble des coûts induits par la mise en œuvre de l'obligation de portabilité. En effet, la fonctionnalité de portabilité des numéros étant imbriquée avec l'ensemble des grandes fonctionnalités des opérateurs (systèmes d'informations, réseaux, commercialisation), elles-mêmes dépendant des caractéristiques propres à chaque opérateur, la mise en œuvre d'une comptabilisation réglementaire propre à cette fonctionnalité serait irréalisable et induirait des coûts de contrôle disproportionnés.
Par ailleurs, afin de promouvoir l'efficacité économique, les coûts pertinents induits par le mécanisme de conservation des numéros mobiles doivent respecter le principe d'efficacité ; les inefficacités éventuelles d'un opérateur ne peuvent être prises en compte dans la formation du tarif de portabilité. Les coûts pertinents sont donc ceux d'un opérateur efficace mettant en œuvre le processus de conservation des numéros précisé par la décision n° 2006-0381 susvisée.

III-2. Favoriser une concurrence durable

Dans un marché déjà développé, la concurrence entre les acteurs ne peut être durable que si ce marché est suffisamment fluide de sorte que les opérateurs aient une véritable incitation à être compétitifs pour tenter de conquérir de nouveaux clients, mais aussi pour conserver leurs propres abonnés. Sans cette fluidité, les opérateurs risqueraient au contraire d'être incités à « exploiter » une base d'abonnés captifs.
Parmi les conditions essentielles de l'émergence d'une concurrence durable, on peut citer l'absence de barrière à l'entrée et le faible niveau des coûts de changement d'opérateur pour les utilisateurs finals. Au cas d'espèce, les coûts d'acquisition de clients par les nouveaux entrants doivent être proportionnés de manière à favoriser une concurrence saine entre les différents acteurs. Des tarifs trop élevés constitueraient en effet une barrière à l'entrée pour les nouveaux entrants et induirait des coûts de changement d'opérateur plus élevés pour les clients finals, ce qui limiterait le jeu concurrentiel.

III-3. Optimiser les avantages des consommateurs

La pratique de tarifs de portabilité inter-opérateurs élevés inciterait les opérateurs receveurs à en répercuter les coûts sur les nouveaux abonnés. Ces coûts de changements réduiraient la fluidité du marché, ce qui nuirait au jeu concurrentiel, et limiterait la pression à la baisse sur les tarifs de détail proposés aux utilisateurs finals. Ceci serait particulièrement sensible sur les petits consommateurs et les clients de formules prépayées pour qui ce coût représenterait une part importante du coût induit par le changement d'opérateur.
Par ailleurs, l'Autorité observe que proposer aux clients la possibilité de conserver leur numéro est une obligation pour chaque opérateur envers l'ensemble de ses abonnés, que ceux-ci décident de faire jouer ce droit, ou non. Cette obligation est de nature « symétrique », i.e. elle s'impose au titre des règles liées aux activités d'opérateur, et bénéficie à l'ensemble des utilisateurs finals. Les coûts liés à la conception, la modification ou la maintenance des systèmes d'un opérateur pour rendre possible la conservation du numéro sont donc supportés par chaque opérateur pour ses propres abonnés, et les coûts qu'il encourt à ce titre dépendent principalement du nombre d'abonnés qu'il possède (2) et non du nombre d'abonnés qui le quittent en invoquant leur droit à conserver leur numéro.

(2) Au-delà d'une part fixe indépendante du nombre d'abonnés.

III-4. Assurer une rémunération
raisonnable des capitaux employés

Les références de coût établies par la présente décision tiennent compte d'une rémunération raisonnable des capitaux employés. A cette fin, un coût du capital réglementaire normatif est défini, conformément au CPCE. Il prend en compte les éléments suivants :
― le risque lié à l'activité d'opérateur mobile ;
― le taux d'imposition, le taux sans risque et la prime de marché, qui sont évalués avec les mêmes sources et selon les mêmes principes que ceux utilisés par l'Autorité dans les décisions de fixation de taux de rémunération du capital ;
― le levier financier et la prime de dette, qui correspondent aux différents types d'opérateurs.
Ainsi, à la date d'adoption de la présente décision, un tel taux a été défini par l'Autorité dans sa décision n° 2008-0163 en date du 7 février 2008 (3).
Par extension pour la présente décision, le taux réglementaire en vigueur utilisé pour les opérateurs mobiles sera utilisé pour l'évaluation des coûts de portabilité.

(3) Décision n° 2008-0163 de l'Arcep en date du 7 février 2008 fixant le taux de rémunération du capital pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des opérateurs mobiles pour les années 2008 et 2009.

III-5. Application des principes

Le partage des coûts induits par la conservation des numéros entre facturation à l'opérateur receveur et recouvrement via l'activité générale de l'opérateur doit respecter les principes décrits précédemment. En particulier, il découle de ces principes que :
― le coût devrait être établi selon une estimation du coût efficace du processus de portabilité ;
― le coût facturé par l'opérateur donneur à l'opérateur receveur devrait rester faible pour favoriser une concurrence durable et optimiser les avantages pour le consommateur ;
― les coûts nécessaires pour rendre possible la conservation du numéro découlent d'une obligation de chaque opérateur envers ses propres abonnés indépendamment de l'exercice éventuel de ce droit.
Ainsi, tous les coûts d'investissement et les coûts d'exploitation, excepté la part de ces coûts qui découlent directement du traitement d'une demande d'un opérateur receveur, encourus par un opérateur donneur doivent rester à la charge de ce dernier opérateur, indépendamment de l'exercice de ce droit par les abonnés. Ces coûts sont recouvrés sur son activité générale, et in fine sur l'ensemble des abonnés qui bénéficient de la possibilité de conserver leur numéro.
A l'inverse, lorsqu'un client décide d'exercer ce droit et demande le portage effectif de son numéro, les coûts directement liés au traitement de cette demande peuvent être refacturés à l'opérateur receveur par l'opérateur donneur et/ou attributaire. Ils sont alors estimés en référence aux coûts d'un opérateur efficace mettant en œuvre le processus de portabilité et tiennent compte d'une rémunération raisonnable des capitaux employés, conformément à l'article D. 406-19 du CPCE.

IV. ― Coûts directement liés à une demande
de portage pour un opérateur donneur

Les coûts directement liés à une demande de portage sont les coûts qui sont variables en fonction du nombre de demandes. Il s'agit alors de coûts incrémentaux occasionnés par chaque demande de portage.
Les coûts non variables en fonction des demandes de portage relèvent de l'obligation réglementaire prévue à l'article L. 44 du CPCE imposant aux opérateurs envers leurs abonnés de leur donner la possibilité de conserver leur numéro, que ces derniers exercent ou non cette possibilité.
Les coûts directs et variables sont donc ceux encourus par l'opérateur donneur pour réaliser les opérations prévues par la décision n° 2006-0381 susvisée aux fins des demandes de portage, à savoir :
i. Réponse à la consultation par l'abonné des informations nécessaires au portage dans le système de l'opérateur donneur. Il s'agit en particulier du relevé d'identité opérateur (« RIO »), transmis grâce à un serveur vocal d'information (« SVI ») et par SMS pour les abonnés grand public, et via un espace client internet ou sur la facture pour les abonnés entreprises ;
ii. Contrôle d'éligibilité de conservation du numéro, lorsqu'une demande est transmise via l'opérateur receveur. Cela consiste à vérifier que le numéro mobile et le « RIO » sont exacts, que le numéro mobile est toujours actif et, enfin, que ce numéro ne fait pas l'objet d'une demande de portabilité en cours (vérification réalisée par le GIE EGP). Une fois ces vérifications effectuées, l'opérateur donneur informe l'opérateur receveur sur l'éligibilité de la demande. En cas d'inéligibilité, il doit en indiquer le motif.
Le traitement de ces coûts est décrit ci-après.
i. La transmission des informations nécessaires au portage :
L'article 5 de la décision n° 2006-0381 susvisée prévoit que les informations doivent être mises gratuitement à disposition des abonnés mobiles. Par abonné mobile, on entend personne physique ou morale utilisant le service fourni par un opérateur mobile et à laquelle a été affecté un numéro mobile. Il s'agit donc des abonnés grand public et des abonnés entreprises ou entités publiques (4).
Dans tous les cas, les coûts sous-jacents à l'obligation d'information gratuite des abonnés sur leur RIO et les informations connexes à celui-ci (information sur le titulaire de la ligne et sur une éventuelle durée contractuelle minimum d'engagement) ne sauraient être refacturés dans leur intégralité par l'opérateur donneur à l'opérateur receveur. De nombreux clients peuvent en effet s'informer sur les modalités nécessaires à l'exercice de leur droit à la portabilité sans pour autant décider in fine de changer d'opérateur.
En revanche, lorsque cette interrogation donne lieu à une demande de portage, la prestation réalisée par l'opérateur donneur n'est plus une simple information destinée à son abonné, mais bien la transmission des informations nécessaires à l'opérateur receveur en vue de réaliser pour le compte de l'abonné la demande de portage.
Ainsi, à l'évidence, la transmission du RIO n'a pas pour finalité l'information de l'abonné mais constitue bien, lorsqu'il est transmis par l'abonné à l'opérateur receveur, le flux d'information technique correspondant à la première étape du processus de portage entre opérateurs.
Dans le cas des abonnés grand public, la décision précitée prévoit que la consultation des informations pour ces abonnés se fait par interrogation gratuite d'un serveur vocal d'information suivie par l'envoi d'un SMS reprenant les mêmes informations.
Les coûts variables directement liés à une demande effective de portage d'un numéro mobile sont refacturés à l'opérateur receveur par l'opérateur donneur, en référence aux coûts d'un opérateur efficace mettant en œuvre ce processus.
Dans le cadre de ce processus, l'Autorité estime donc légitime que l'opérateur donneur facture à l'opérateur receveur, suite à une demande de portage d'un abonné, les coûts liés au processus déclenchant cette demande, et qui sont constitués par les prestations suivantes :
― la mise à disposition d'information aux abonnés mobiles conformément à la décision n° 2006-0381 de l'Autorité susvisée, comprenant :
― un appel d'interrogation du serveur vocal d'information dédié à la portabilité des numéros permettant d'obtenir le RIO de l'abonné (coût direct lié à un seul appel au SVI de l'OPD), et ;
― l'envoi d'un SMS à l'abonné mobile (coût direct lié à un seul envoi par l'OPD) ;
― la vérification du caractère éligible de la demande de conservation du numéro et la transmission du résultat à l'opérateur receveur.
Concernant les abonnés entreprises, les informations nécessaires au portage sont mises à leur disposition, soit sous forme électronique par le biais d'un espace client accessible par le réseau internet, soit par une mention sur le support de facturation.
Dans les deux cas, et contrairement aux abonnés grand public, il semble très difficile de distinguer les coûts liés à l'information gratuite des abonnés de ceux induits directement par le déclenchement effectif d'une demande de conservation du numéro d'autant qu'une demande peut concerner un nombre très variable de numéros.
Les coûts directs et variables, évalués unitairement par numéro, ne sauraient cependant être supérieurs à ceux mis en évidence dans le cas des demandes d'abonnés grand public qui mettent en œuvre des processus plus couteux que la simple édition d'une information supplémentaire (le RIO) sur une facture ou un site web comme un appel au SVI ou l'envoi d'un SMS. L'Autorité considère ainsi a priori que, dans le cas d'une demande de portabilité pour les abonnés entreprises, les coûts directs et variables « grand public » (interrogation de SVI et envoi de SMS) constituent un majorant des coûts qui peuvent être refacturés par un opérateur donneur à un opérateur receveur.
ii. Contrôle de l'éligibilité de la demande de conservation du numéro :
L'opérateur donneur a l'obligation de vérifier que la demande de conservation de numéro qui lui est présentée par l'opérateur receveur est « éligible » conformément aux dispositions de l'article 4 de la décision n° 2006-0381 précitée, puis d'informer l'opérateur receveur du résultat de cette vérification. Cette vérification correspond à une interrogation dans la base de gestion client de l'opérateur donneur pour chaque numéro objet d'une demande de portage.
Les coûts susceptibles d'être refacturés sont donc ceux entraînés par la formulation d'une requête sur une base de données interne préexistante.
iii. Traitement d'une demande de portabilité hors processus nominal :
Dans le cadre d'un processus dit nominal répondant à une demande de portabilité d'un abonné grand public, entreprise ou entité publique, les opérateurs mobiles métropolitains ont mis en place un processus entièrement automatisé, décrit précédemment. Toutefois, du fait de l'opérateur receveur, un processus spécifique, par exemple un processus manuel, peut être mis en place. Dans ce cas, des coûts directs différents peuvent apparaître et ainsi faire l'objet d'une tarification particulière dès lors que l'opérateur donneur y a recours du fait de l'opérateur receveur.

(4) Définition donnée dans l'article 1er de la décision 2006-0381 de l'ARCEP en date du 30 mars 2006 précisant les modalités d'application de la portabilité des numéros mobiles en métropole.

V. ― Les coûts directement liés à une demande
de portabilité pour l'opérateur attributaire

Dans le cadre d'une portabilité d'un numéro mobile, l'opérateur attributaire est tenu :
― de mettre à jour le registre des numéros portés dont il est l'attributaire (y compris le préfixe de routage permettant d'identifier le réseau de l'opérateur receveur) et d'assurer la diffusion de cette information sur demande ;
― d'assurer en cas de routage indirect pour le compte de l'opérateur appelant une prestation spécifique dite de « re-routage » devant permettre le bon acheminement de la communication auprès du réseau de l'opérateur receveur.
Concernant la prestation de « re-routage », la présente décision ne traite pas des coûts générés par l'acheminement des appels à destination des numéros mobiles qui ont été portés. Ces coûts ont vocation à être recouvrés par le biais d'une facturation à l'opérateur à l'origine de l'appel. Les règles de comptabilisation et de recouvrement de ces surcoûts d'acheminement pourront, le cas échéant, au vu des modalités de mise en œuvre du routage direct et des évolutions liées en termes de routage indirect, être précisées par une décision ultérieure de l'Autorité.
Concernant les prestations de mise à jour du registre des numéros portés et de diffusion de l'information, l'Autorité note que l'opérateur attributaire n'est légitime à recouvrer les coûts induits auprès de l'opérateur receveur et l'opérateur demandant à bénéficier de cette diffusion qu'à la condition qu'il s'agisse de prestations effectivement effectuées.
En effet, ces deux prestations sont effectuées par les opérateurs membres du GIE au sein du GIE EGP qui mutualise les coûts et facture ensuite ces prestations de mise à jour aux opérateurs receveurs ou bénéficiant de la diffusion de la base. Par ailleurs, les opérateurs dans le cadre de cette entité de gestion commune de la portabilité doivent veiller à ce que les « prestations fournies respectent notamment les principes de reflet des coûts [...] » (5).
Ainsi, lorsque ces opérations sont réalisées et facturées par le GIE EGP, elles ne sauraient être recouvrées auprès de l'opérateur receveur.
Sous cette réserve et dans le respect du principe d'efficacité, l'opérateur attributaire peut recouvrer ses coûts découlant directement de la mise à jour de la liste des numéros dont il est attributaire et ayant fait l'objet d'une demande de conservation et par ailleurs variables avec le nombre de numéro portés.

(5) Cf. article 11 : modalités d'intervention d'une entité de gestion commune de la portabilité de la décision de l'ARCEP n° 2006-0381 en date du 30 mars 2006 précisant les modalités d'application de la portabilité des numéros mobiles en métropole.

VI. ― Tarification

Les coûts étant évalués par estimation des coûts d'un opérateur efficace mettant en œuvre le processus de portabilité les opérateurs doivent pratiquer un tarif uniforme pour l'ensemble des demandes reçues respectant le processus nominal de portabilité défini précédemment.
Ce tarif uniforme doit alors permettre de recouvrer le coût de transmission des informations nécessaires au portage et le contrôle de l'éligibilité de la demande.
Toutefois, il peut exister des demandes de portabilité nécessitant un traitement spécifique, hors processus nominal. Dans la mesure où le recours à ces procédures spécifiques est du fait de l'opérateur receveur, la convention d'interconnexion peut prévoir que ce traitement peut alors faire l'objet d'une tarification spécifique, en tant que de besoin. Cette tarification spécifique doit respecter les mêmes principes d'efficacité, de causalité directe avec la demande et de variabilité avec la demande.
Les coûts pris en compte étant variables selon le nombre de demandes de portage, ce tarif est établi par demande de conservation du numéro.
Il est à noter que le coût du SMS est évalué conformément à la décision de l'ARCEP portant sur la terminaison d'appel SMS en métropole (6).
Sur la base de l'ensemble des informations communiquées par les opérateurs, il apparaît que, le niveau tarifaire est, sur la base des informations disponibles, inférieur à 50 centimes d'euros pour les coûts directement liés à une demande de portage dans le cas du processus nominal.

(6) Décision n° 2006-0593 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 juillet 2006 portant sur la définition des marchés pertinents de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles en métropole, la désignation d'opérateur disposant d'influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.

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Décide :

Article 1er
Définitions

Pour l'application de la présente décision, on entend par :
1° Numéro mobile : numéro non géographique de la forme 06ABPQMCDU utilisé pour la fourniture d'un service de communications interpersonnelles mobiles conformément aux dispositions du plan national de numérotation établi par l'Autorité conformément à l'article L. 44 du CPCE.
2° Opérateur mobile : personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques, attributaire de numéros mobiles métropolitains ou bénéficiant d'une mise à disposition de tels numéros.
3° Opérateur receveur : l'opérateur auprès duquel l'abonné souscrit un nouveau contrat et vers lequel le numéro est porté.
4° Opérateur donneur : l'opérateur à partir duquel le numéro est porté.
5° Opérateur attributaire : l'opérateur à qui, conformément aux dispositions du plan national de numérotation, a été attribué le numéro objet de la demande de conservation du numéro.
6° Portabilité ou conservation d'un numéro mobile : droit pour un abonné, lorsqu'il change d'opérateur mobile, de conserver son numéro auprès de son nouvel opérateur mobile.
7° Demande de portage/conservation de numéro mobile : une demande de portage correspond à un numéro mobile. Est considérée comme demande de portage toute demande adressée par l'opérateur receveur auprès de l'opérateur donneur, et ce indépendamment de la réalisation effective ou non du portage.
8° Processus nominal de portage : processus automatisé permettant de répondre à une demande de portage mis en œuvre par les opérateurs mobiles métropolitains.

Article 2
Champ d'application

La présente décision s'applique aux opérateurs attributaires de numéros mobiles et aux opérateurs bénéficiant d'une mise à disposition de tels numéros en métropole.

Article 3
Coûts pouvant être recouvrés par l'opérateur donneur
auprès de l'opérateur receveur

I. - Dans le respect du principe d'efficacité économique, seuls les coûts directement liés à une demande de conservation de numéro mobile et variables en fonction de ces demandes peuvent être recouvrés par l'opérateur donneur auprès de l'opérateur receveur.
II. - Les opérateurs mobiles pratiquent un tarif uniforme par demande de portage respectant le processus nominal de portage. Par exception, ils peuvent mettre en œuvre, en tant que de besoin et pour des traitements spécifiques du fait de l'opérateur receveur, une tarification spécifique.

Article 4
Coûts pouvant être recouvrés par l'opérateur attributaire
auprès de l'opérateur receveur

Dans le respect du principe d'efficacité économique, seuls les coûts directement liés à la mise en œuvre d'une demande de conservation de numéro mobile, découlant de l'obligation pour un opérateur attributaire de constituer un registre des numéros portés en vue de sa diffusion à des opérateurs tiers, et variables en fonction de ces demandes peuvent être recouvrés par l'opérateur attributaire auprès de l'opérateur receveur, à la condition que des prestations soient effectivement réalisées.

Article 5
Autres coûts

Tous les autres coûts, liés au mécanisme de conservation des numéros et supportés par les opérateurs mobiles, ne peuvent être recouvrés par les opérateurs mobiles tiers auprès de l'opérateur receveur. Ils peuvent être recouvrés via l'activité générale de l'opérateur.

Article 6
Exécution

Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'exécution de la présente décision qui sera, après son homologation par le ministre chargé des communications électroniques, publiée au Journal officiel de la République française et sur le site internet de l'Autorité.
Fait à Paris, le 27 mai 2008.

Pour le président :

Le membre du collège présidant la séance,

E. Bridoux