JORF n°185 du 11 août 2006

Chapitre 4 : Obligations

4.1. Introduction

Si l'analyse du niveau de développement de la concurrence conclut qu'un marché n'est pas effectivement concurrentiel, l'Autorité impose aux entreprises identifiées comme puissantes les obligations spécifiques appropriées, conformément à l'article L. 38 du CPCE. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE.
Les objectifs de la régulation mentionnés au II de l'article L. 32-1 du même code sont de veiller :
« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;
2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;
6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;
7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;
8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;
9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;
11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;
12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;
13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;
14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »
En vertu de l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) :
« I. - Les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 :
1° Rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ; l'Autorité de régulation des télécommunications peut imposer, à tout moment, des modifications à une telle offre pour la mettre en conformité avec les dispositions du présent code. L'opérateur communique à cette fin à l'Autorité de régulation des télécommunications toute information nécessaire ;
2° Fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;
3° Faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
4° Ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
5° Isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ; le respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un organisme indépendant désigné par l'Autorité ;
6° Le cas échéant, dans des circonstances exceptionnelles, respecter toutes autres obligations définies, après accord de la Commission européenne, en vue de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective identifiés lors de l'analyse du marché prévue à l'article L. 37-1.
(...)
V. - Dans son appréciation du caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer en application du 3° du I, l'Autorité prend notamment en considération les éléments suivants :
a) La viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concernés ;
b) Le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible ;
c) L'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement ;
d) La nécessité de préserver la concurrence à long terme ;
e) Le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents ;
f) La fourniture de services paneuropéens. »
S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finaux.
Dans ce cadre, l'Autorité peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.

4.1.1. Identification des problèmes concurrentiels
et pertinence des marchés

Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, il appartient à l'Autorité de déterminer les marchés pertinents « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ». Les obligations prévues à l'article L. 38 sont par ailleurs « établies, maintenues ou supprimées, compte tenu de l'analyse du marché prévue à l'article L. 37-1 ».

4.1.1.1. Problèmes concurrentiels sur le marché de gros
4.1.1.1.1. Vis-à-vis des opérateurs mobiles en fonction de la taille de leur parc de clients

La TA SMS d'un opérateur mobile A constitue un coût variable pour l'opérateur mobile B souhaitant acheminer un SMS off net à destination d'une ligne de l'opérateur A. A contrario, lorsque l'opérateur B achemine un SMS on net, il supporte uniquement des coûts propres, notamment ses coûts de réseau pour la prestation de terminaison du SMS. Lorsque la TA SMS est significativement plus élevée que les coûts correspondants, les opérateurs mobiles supportent donc des coûts variables significativement différents entre un SMS on net et un SMS off net. Or, au vu des éléments en sa possession (cf. annexe C), l'Autorité constate que la TA SMS (5,336 c, puis 4,3 c par SMS depuis novembre 2005) actuellement pratiquée par les trois opérateurs de métropole est nettement plus élevée que les coûts correspondants, tenant compte des coûts de réseau liés à l'usage des SMS ainsi qu'une juste contribution aux coûts communs, estimés en annexe C de la présente décision.

Conséquence sur les coûts supportés par les opérateurs mobiles
pour la fourniture du service SMS au détail

Statistiquement, les SMS envoyés par un utilisateur se répartissent suivant les réseaux mobiles de destination en fonction des parts de marché en parc de chaque réseau (c'est-à-dire que la probabilité qu'un correspondant soit client d'un opérateur A est égale à la part de marché de A en parc). En particulier, si x désigne la part de marché de l'opérateur B, la proportion des SMS sortants on net sera, théoriquement, de x, et de (1 - x) pour les SMS sortants off net (62). Si c désigne le coût d'une terminaison SMS (on net), t le niveau de TA SMS des autres opérateurs, le coût moyen de terminaison supporté par B pour un SMS sortant s'établit alors à : x * c + (1 - x) * t = c + (1 - x) * (t - c). Ce coût s'avère alors d'autant plus élevé que la part de marché de l'opérateur est faible et que le niveau de la TA SMS est élevé par rapport aux coûts.
En considérant pour fixer les idées c = 3 c pour tous les opérateurs de métropole, et avec t = 5,336 c ainsi que des parts de marché SMS de 47,1 % pour Orange France, 35,7 % pour SFR et 17,2 % pour Bouygues Telecom (63), le coût moyen de terminaison d'un SMS s'établit à 4,2 cEUR pour Orange France, 4,5 cEUR pour SFR et 4,9 cEUR pour Bouygues Telecom. En particulier, le coût moyen de terminaison de Bouygues Telecom apparaît plus de 15 % plus élevé que celui d'Orange France.
Le niveau élevé de la TA SMS accroît donc mécaniquement les coûts des opérateurs dont le parc est plus modeste, sans que cela résulte de leur moindre efficacité.
Il pourrait néanmoins être objecté que, dans l'hypothèse où les clients des différents opérateurs mobiles ont une consommation moyenne identique de SMS sortants, les trafics entrants et sortants des différents opérateurs s'équilibrent : si N est le nombre de SMS mobile vers mobile envoyés sur un mois, x la part de marché de l'opérateur A et y la part de marché de l'opérateur B, alors le trafic A vers B est égal, en théorie, à N * x * y et le trafic B vers A à N * y * x. D'après les éléments dont dispose l'Autorité, cette identité est d'ailleurs respectée à plus ou moins 5 % dans la réalité (au moins jusqu'en 2003). Dans la mesure où la TA SMS est identique pour les trois opérateurs, il en résulte que les flux de facturation entrant et sortant se compensent globalement. Au final, le niveau de la TA SMS semble neutre sur l'économie globale des SMS (entrants et sortants) de chaque opérateur.
Cet argument se heurte néanmoins au fait qu'un opérateur, à supposer qu'il appréhende effectivement son activité SMS de manière globale, c'est-à-dire à la fois sur le trafic entrant et le trafic sortant, n'adoptera pas une telle approche sur l'ensemble de l'activité SMS, mais bien davantage offre de détail par offre de détail.
En effet, une des particularités liée aux SMS réside dans la distribution très inégale des clients en fonction de leur consommation de SMS effective. Ainsi, d'après les opérateurs mobiles, environ 40 % des clients mobiles n'envoient jamais de SMS (mais ils en reçoivent), tandis que 5 % des clients génèrent environ 50 % du trafic et 66 % des revenus (y compris SMS + et Vote +). Cette dernière catégorie de clients fortement consommatrice de SMS (en sus des services vocaux) constitue une cible très prisée par les opérateurs, mais elle est source de déséquilibres potentiels importants surtout pour le plus petit opérateur, qui, d'une part, ne dispose pas d'une part de marché SMS suffisante pour faire jouer les « effets club » (lui permettant pour une partie importante du trafic sortant de supporter ses coûts propres plutôt que les charges d'interconnexion fixées par les autres opérateurs) et, d'autre part, ne peut pas adresser les très gros consommateurs de SMS sans risquer de mettre en péril ses équilibres financiers, notamment compte tenu des charges d'interconnexion que l'opérateur doit payer au titre du trafic de SMS sortants émis par ces consommateurs à destination des autres réseaux mobiles.
En effet, si les trafics entrant et sortant restent, d'un point de vue macroéconomique, globalement équilibrés, il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue microéconomique, il existe des déséquilibres importants selon la catégorie de consommateurs considérée. Ainsi, un client n'envoyant jamais de SMS peut recevoir de l'ordre d'une dizaine de SMS par mois, ce qui se traduit pour l'opérateur mobile hôte par un solde d'interconnexion positif. Réciproquement, un très gros consommateur envoyant plus d'une centaine de SMS par mois enverra, selon les ratios communiqués par [SDA] et [SDA] dans le cadre de la présente procédure, 15 à 35 % fois plus de SMS qu'il n'en recevra, ce qui se traduit pour l'opérateur hôte par un solde d'interconnexion négatif.
En observant les offres existantes, on peut effectivement constater que les tarifs de détail SMS sont généralement plus avantageux pour les clients qui les consomment en quantité importante (cf. annexe B). Le trafic sortant moyen d'un client, et donc son trafic sortant off net est ainsi très différent d'une offre à l'autre. A contrario, le trafic entrant moyen d'un client est une donnée plus homogène sur l'ensemble de la clientèle, même si un client envoyant de nombreux SMS aura également tendance à en recevoir beaucoup. Il en résulte que, lorsque la TA SMS est élevée par rapport aux coûts, le coût net de terminaison (incluant les coûts et revenus liés à la terminaison) est d'autant plus grand que la consommation des clients sur l'offre est importante. Ce différentiel est par ailleurs d'autant plus important que la part de marché de l'opérateur est faible.

Ceci n'incite pas les opérateurs à développer le marché puisque les clients qui consomment peu apparaissent artificiellement plus rentables. Autrement dit, en adoptant une stratégie agressive à destination des clients ayant une forte consommation, un opérateur s'exposerait au risque de voir se détériorer son solde de trafic SMS entrant/sortant. Ceci pénalise doublement le plus petit opérateur qui, non seulement supporte le différentiel de coût le plus important, mais encore tend généralement à se positionner sur les clients ayant une forte consommation en tant que dernier entrant.
Aussi la TA SMS apparaît-elle bien comme un coût du trafic sortant, particulièrement pour les offres présentant un tarif de détail plus avantageux. A l'extrême, en proposant un tarif off net inférieur à la TA SMS, un opérateur mobile s'exposerait d'ailleurs au risque de voir certains acteurs développer des solutions de type « hérisson », c'est-à-dire des solutions techniques de contournement de la TA SMS par le biais de prestations SMS de bout en bout. Enfin, l'existence de pratiques de différenciation tarifaire on net/off net (cf. ci-dessous) peut rendre compte de l'existence de différences de coûts entre l'acheminement d'un SMS on net et d'un SMS off net.

Différenciation tarifaire

La pratique de différenciations tarifaires on net/off net est apparue fin 2003. Ainsi que le décrit l'annexe B, elle se présente, d'une part, sous la forme de bonus (possibilité d'envoyer quelques SMS on net gratuitement) et intervient, d'autre part, dans le cadre des forfaits de consommation importante (chez Orange France et, jusqu'en mars 2005, chez SFR) ainsi que d'offres d'abondance (textos et MMS illimités vers 3 numéros préférés chez SFR). Sans être anecdotique, cette pratique reste donc limitée à ce jour en comparaison d'une différenciation généralisée, qui porterait sur le prix du SMS « à l'unité ».
Sur un plan concurrentiel, ce type de pratique n'est pas nécessairement problématique, notamment lorsqu'elle reflète des différences de coût (cf. l'avis n° 2001-A-01 du 16 mars 2001 du Conseil de la concurrence portant sur la tarification par France Télécom des communications téléphoniques au départ de son réseau vers des réseaux tiers). La différenciation on net/off net favorise néanmoins l'« effet club », c'est-à-dire le fait qu'un prospect préférera, toutes choses égales par ailleurs, souscrire auprès de l'opérateur auprès de qui ses correspondants sont déjà abonnés, afin de bénéficier du tarif on net sur un maximum de SMS. Réciproquement, ses correspondants pourront l'inciter à souscrire auprès du même opérateur qu'eux, de façon à payer le tarif on net lorsqu'ils lui enverront des SMS.
Tout opérateur peut, a priori, faire jouer un effet club. Néanmoins, celui-ci sera d'autant plus fort que les correspondants du prospect auront tendanciellement souscrit auprès de cet opérateur plutôt qu'un autre. Or ceci est d'autant plus probable que le parc de clients de l'opérateur est important.
En considérant, pour fixer les idées, un prospect ayant 10 correspondants (64), la probabilité que, parmi ces 10 correspondants, il y en ait strictement plus qui sont chez un opérateur donné plutôt que chez un autre, s'établit à 56,3 % pour Orange France, 26,6 % pour SFR et 3,4 % pour Bouygues Telecom (65).
La différenciation tarifaire on net/off net défavorise donc mécaniquement, par effet club, les opérateurs dont le parc est plus modeste. Dans sa décision n° 2002-D-69 du 26 novembre 2002 relative aux saisines et aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Telecom, l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, le Conseil de la concurrence relevait ainsi que « la différenciation tarifaire peut influer sur le choix des clients lors du premier achat ou d'un renouvellement, dans la mesure où ils seront désormais susceptibles de tenir compte des réseaux auxquels appartiennent leurs principaux correspondants. Ces effets sont de nature à limiter l'interopérabilité des réseaux et donc à favoriser le plus grand des parcs, les clients valorisant la possibilité d'appeler et d'être appelés par le plus grand nombre possible de correspondants ».
Il pourrait néanmoins être objecté que la différenciation tarifaire on net/off net induit une dynamique proconcurrentielle en incitant chaque opérateur à accroître sa part de marché pour bénéficier au maximum de l'effet club.
Cet argument, issu de la littérature économique, revêt une certaine pertinence lorsque les parts de marché des opérateurs sont équilibrées. Chacun tire alors un même bénéfice de l'effet club et cherche à prendre un avantage sur ses concurrents. En revanche, lorsque les parts de marché sont déséquilibrées, comme c'est le cas en métropole, l'effet club crée au contraire un handicap pour les plus petits opérateurs, enfermant ces derniers dans un « cercle vicieux » : plus leur part de marché est faible, moins leurs offres sont attractives plus leur part de marché est faible, etc.
En tout état de cause, l'effet bénéfique de cette dynamique pro concurrentielle, lorsqu'il existe, ne constitue qu'un optimum de second rang par rapport à une situation dans laquelle les TA SMS restent proches des coûts.

Conclusion

Le caractère élevé de la TA SMS par rapport aux coûts accroît artificiellement les coûts supportés par les plus petits opérateurs au niveau du détail, ce qui réduit la capacité de ces opérateurs à retenir et conquérir les gros consommateurs de SMS par rapport à leurs concurrents de plus grande taille et peut notamment leur rendre difficile la « réplication » de certaines offres, notamment promotionnelles ou d'abondance.
Le caractère élevé de la TA SMS par rapport aux coûts favorise également la différenciation tarifaire on net/off net, qui handicape, par effet club, les plus petits opérateurs.
Bouygues Telecom a ainsi fait valoir à l'Autorité, dans le cadre de l'analyse des marchés, ses difficultés à développer son activité SMS. L'évolution des trafics mensuels par client actif des trois opérateurs mobiles métropolitains depuis 2003 souligne en effet un rattrapage d'Orange France et une croissance soutenue de SFR par rapport à une relative stagnation chez Bouygues Telecom (croissance de 68,9 % pour Orange France et 40,2 % pour SFR sur la période, contre 27 % pour Bouygues Telecom).

Trafic SMS mensuel moyen par client actif entre le 31 décembre 2002 et le 30 juin 2005

4.1.1.1.2. Vis-à-vis des autres exploitants de réseau ouvert au public

Ainsi qu'il a été développé au chapitre 3, les exploitants de réseau ouvert au public non mobiles disposent d'un contre-pouvoir d'acheteur encore plus faible que celui des opérateurs mobiles entre eux. Aussi ces acteurs subissent-ils de façon plus directe encore le pouvoir monopolistique de chaque opérateur mobile sur sa TA SMS.
Certains fournisseurs d'accès à Internet (FAI) proposent des services de SMS interpersonnels, notamment au départ de leur portail. Toutefois, ces services sont aujourd'hui limités du fait du niveau jugé élevé de la TA SMS, qui rend notamment difficile l'interopérabilité entre des services de messagerie instantanée (fondés sur un modèle économique différent, cf. section 1.5.3.2) et les SMS. De la même manière, des opérateurs fixes ou multi-play ont indiqué à l'Autorité leur intérêt pour le lancement ou le développement de services de SMS interpersonnels, à condition toutefois que la TA SMS soit ramenée à un niveau raisonnable, de façon à présenter au détail des tarifs compatibles avec la disposition à payer des clients.
D'une manière générale, l'Autorité souscrit à l'analyse selon laquelle des tarifs d'interconnexion trop élevés freinent la mise en place des interconnexions nécessaires à l'interopérabilité la plus grande des services. S'agissant plus particulièrement du SMS interpersonnel, il est possible que des usages au départ ou à destination des réseaux fixes se développent à côté des SMS mobile vers mobile, qui représentent aujourd'hui la quasi-totalité du trafic SMS. A l'heure actuelle, aucune interconnexion n'a été mise en place dans ce cadre, les acteurs concernés préférant recourir à des offres de SMS Push étant donné le caractère limité des volumes en jeu.
L'Autorité considère que les niveaux de TA SMS actuellement pratiqués limitent le développement de services SMS alternatifs en renchérissant leur prix au niveau du détail. Au surplus, à supposer que certains opérateurs lancent de tels services, il est crédible, au vu de la structuration actuelle du marché du SMS, autour du mobile, que les usagers aient tendance, au moins initialement, à envoyer plus de SMS qu'ils n'en reçoivent, ce qui désavantage encore les nouveaux entrants dans l'économie globale du service (trafic sortant et entrant).
A titre incident, l'Autorité signale que certains FAI et agrégateurs ont évoqué des pratiques tarifaires des opérateurs mobiles jugées discriminatoires : la possibilité d'envoyer gratuitement des SMS (ou des WebSMS) on net dans le cadre d'offres promotionnelles ponctuelles, la distinction entre des tarifs de détail heure pleine/heure creuse qui n'existe pas sur le marché de gros, voire l'introduction de forfaits proposant l'envoi de SMS à des prix inférieurs à 6 cEUR HT. L'Autorité comprend néanmoins que la portée de telles pratiques, à les supposer établies, serait grandement limitée par la mise en place d'interconnexions entre ces acteurs et les opérateurs mobiles concernés.

4.1.1.2. Problèmes concurrentiels sur le marché de détail
4.1.1.2.1. Un jeu concurrentiel bridé au niveau du détail
Le niveau actuel de la charge de terminaison d'appel SMS
constitue un frein au libre jeu de la concurrence au niveau du détail

L'ARCEP a élaboré, au cours de l'été 2005, un comparatif international des niveaux de terminaison d'appel SMS et des prix de détail SMS avec l'aide des ARN concernées. Le champ couvert par ce comparatif comprend les 25 membres de l'Union européenne, ainsi que la Bulgarie, l'Islande, la Norvège, la Roumanie et la Suisse. L'annexe G précise la méthodologie qui a été mise en oeuvre pour construire ce benchmark.
Le graphique ci-dessous représente, pour ces pays, les prix de détail des SMS en fonction des charges d'interconnexion SMS nationales pratiquées au 1er septembre 2005. Les prix de détail concernés sont calculés comme la moyenne arithmétique des prix hors taxe des SMS off net, en heure pleine, appliqués aux clients post-payé, hors forfait par chaque opérateur mobile présent dans le pays. Les charges d'interconnexion concernées sont calculées comme la moyenne arithmétique des charges pratiquées par les opérateurs dans le pays lorsque celles-ci différent ou présentent une modulation horaire.
A la demande des ARN concernées, la correspondance entre les pays et les points sur le graphique est soumise au secret des affaires.

Ce comparatif appelle plusieurs observations.
En premier lieu, la TA SMS apparaît bien comme une composante du prix de détail des SMS et plus précisément comme un coût pour la fourniture de SMS au détail (ce qui confirme l'analyse développée en section 4.1.1.1.1). En effet, d'une part, il existe bien une corrélation (coefficient de corrélation supérieur à 0,70) entre le niveau de la TA SMS d'un pays et le niveau des prix de détail SMS dans ce pays. D'autre part, pour vingt-huit des trente pays recensés, la TA SMS représente un prix minimum en deçà duquel il n'existe pas d'offres de services SMS.
En deuxième lieu, avec une TA SMS égale à 5,336 c en métropole, la France faisait partie en septembre 2005 des cinq pays d'Europe où la charge d'interconnexion était la plus élevée en valeur absolue, la moyenne pondérée par la population des pays de l'Union européenne s'établissant à 4,77 c.
En dernier lieu, il apparaît que plus la terminaison a été fixée tardivement, plus elle s'établit à un niveau bas. C'est notamment le cas d'un certain nombre de pays qui pratiquaient encore le « bill and keep » (66) pour les SMS jusqu'en 2002 ou en 2003. Les pays d'Europe de l'Est, représentés en vert sur le graphique, en sont une bonne illustration. Cette tendance est confirmée par le cas de la Suède où la charge de TA SMS a baissé de 30 % depuis janvier 2002. Cet élément dynamique doit être pris en compte lorsqu'on analyse les niveaux de terminaison d'appel SMS en Europe.
Si les niveaux de prix pratiqués en France se situent globalement dans la moyenne européenne, le montant de la charge d'interconnexion SMS apparaît en revanche très élevé dans la mesure où il représente près de 50 % du prix hors taxe d'un SMS. En ce sens, le niveau élevé de la TA SMS en métropole résulte d'une situation historique et constitue un obstacle au plein exercice de la concurrence au niveau du détail, et notamment à la baisse des prix de détail.

Relative stagnation des prix de détail des SMS

Ainsi que l'Autorité a eu l'occasion de le développer dans son analyse des marchés de gros de l'accès et du départ d'appel mobile (67), le marché de détail en métropole se caractérise par un certain essoufflement de la dynamique concurrentielle ces dernières années. S'agissant plus particulièrement des SMS, les tarifs de détail n'ont connu, depuis 1999, qu'une seule baisse significative intervenue à l'été 2004 (68), suite à la demande des associations de consommateurs relayée par les pouvoirs publics.
Le graphique suivant présente l'évolution du prix moyen (TTC) du SMS depuis le premier trimestre 2002 en France (où il s'établissait à 12,57 c), comparée à l'évolution du prix moyen (TTC) par minute de voix sortante (de 25,42 c à l'époque). Il en ressort notamment que les prix ont baissé d'environ 10 % au cours de l'été 2004, baisse qui reste néanmoins à confirmer dans la durée.

(67) http://www.arcep.fr/dossiers/mvno/projet-art-05-0331.pdf.
(68) Les tarifs des SMS hors forfait en heure pleine des trois opérateurs mobiles métropolitains sont ainsi passés de 0,15 c TTC à 0,15 c TTC pour SFR, 0,13 c TTC pour Orange France et 0,12 c TTC pour Bouygues Telecom. Cette baisse s'est accompagnée pour Orange France et SFR d'une modulation horaire heure pleine/heure creuse (0,10 c TTC en heure creuse pour ces deux opérateurs).

4.1.1.2.2. Différenciation tarifaire on net/off net

A titre incident, l'Autorité relève que la distinction entre SMS on net et SMS off net, au-delà des aspects déjà évoqués en section 4.1.1.1.1, n'a pas de réelle pertinence pour l'utilisateur, qui souhaite avant tout envoyer un SMS à un correspondant. Sur un plan économique, la différenciation tarifaire on net/off net conduit donc à une discrimination du marché de détail qui n'est pas fondée sur des différences de préférence de la part des demandeurs.
Ainsi que cela a déjà été signalé, la différenciation tarifaire on net/off net ne saurait donc relever que d'un optimum de second rang, réponse à la distorsion de marché relative au caractère élevé des TA SMS par rapport aux coûts.

4.1.1.3. Conclusion

L'Autorité comprend que la TA SMS a été fixée, en métropole, à l'époque du démarrage du SMS fin 1999, à un niveau qui était cohérent avec le prix de détail d'un service alors en plein essor et vraisemblablement avec le niveau de coûts correspondant. Depuis lors, le SMS s'est largement généralisé et ses coûts de production ont nettement diminué (cf. annexe C), de sorte qu'un tel niveau de TA SMS ne se justifie plus. D'ailleurs, dans les pays où les opérateurs, après avoir fonctionné en bill and keep, ont fixé une TA SMS plus récemment, celle-ci s'établit à un niveau nettement moindre.
Individuellement, chaque opérateur souhaite pratiquer la TA SMS la plus élevée possible, mais voudrait voir ses concurrents pratiquer la TA SMS la plus basse possible. Ceci conduit à une situation stable (équilibre de Nash) dans laquelle les opérateurs pratiquent tous la même TA SMS et où aucun opérateur n'a intérêt à baisser sa propre TA SMS (cf. section 3.2.2.2.1). Cette mécanique a pu participer au fait que, depuis sa fixation fin 1999 et jusqu'en novembre 2005, la TA SMS n'a pas baissé.
Durant la phase de développement du marché (2000-2002), les opérateurs ont pu trouver un espace suffisant entre le prix de détail du SMS « à l'unité » et la TA SMS pour pratiquer des réductions au volume, notamment dans le cadre de forfaits SMS, selon une stratégie dite de « développement des usages » (les grilles tarifaires incitent les clients à utiliser davantage le service). Il est d'ailleurs possible que cet espace, apparaissant progressivement insuffisant avec la généralisation du SMS, ait amené les opérateurs SFR et surtout Orange France à utiliser à partir de fin 2003 le prix des SMS on net comme levier de développement des usages (ce prix étant moins contraint par le niveau de la TA SMS).
Les pratiques de différenciation tarifaire on net/off net, si elles relèvent de la réaction normale des acteurs, ne constituent néanmoins qu'un optimum de second rang. Elles désavantagent notamment par effet club les opérateurs dont le parc est plus modeste, en l'espèce Bouygues Telecom (69). Limitées à ce jour, il n'est pas à exclure qu'elles se généralisent. Aussi le jeu de la concurrence au niveau du détail doit-il pouvoir s'exprimer sans que cela se traduise nécessairement par une différenciation tarifaire on net/off net. Or le niveau actuel de TA SMS constitue un obstacle à une telle évolution, notamment à une baisse des prix de détail.
En outre, ce niveau artificiellement élevé induit mécaniquement un surcoût de production pour Bouygues Telecom, du fait de l'importance de son trafic off net.
Enfin et surtout, le niveau de la TA SMS freine considérablement le développement d'offres SMS alternatives que souhaiteraient proposer des FAI ou des opérateurs fixes.

4.1.2. Un contexte national particulier

Avant d'examiner les trois critères cumulatifs permettant de conclure à l'éventuelle pertinence du marché de gros considéré, l'Autorité tient tout d'abord à souligner que le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles s'inscrit dans un contexte national particulier.
En effet, s'agissant des marchés de détail, l'Autorité signale qu'en novembre 2003 une plainte a été déposée devant le Conseil de la concurrence par l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir « pour abus de position dominante conjointe » sur le marché du SMS en France. L'association accuse notamment les trois opérateurs mobiles d'être à l'origine d'« un cartel dont les adolescents sont les principales victimes » (70). Cette plainte est actuellement en cours d'instruction.
S'agissant des marchés de gros, l'Autorité rappelle qu'elle a été amenée à se prononcer le 8 novembre 2005 sur deux différends ayant opposé Bouygues Telecom, d'une part, à Orange France et SFR, d'autre part, et portant sur les conditions tarifaires de la terminaison d'appel SMS. Cette saisine résultait notamment de la volonté manifestée par l'opérateur troisième entrant de développer les usages liés au SMS. Pour ce faire, Bouygues Telecom demandait entre autres à l'Autorité de fixer la TA SMS de ses deux concurrents à 2,5 cEUR, tout en fixant son propre tarif à 3 cEUR. Dans la mesure notamment où le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles ne constituait pas un marché pertinent à la date de la décision et que cette prestation n'était soumise à aucune obligation tarifaire ex ante, l'Autorité a estimé qu'au cas d'espèce, sur la seule base de l'équité et compte tenu des moyens développés par les parties, elle ne pouvait pas accéder aux demandes de la société requérante, Bouygues Telecom.
Pour plus de détail sur chacune de ces plaintes, l'Autorité renvoie à l'annexe F de la présente décision et aux décisions n°s 2005-0929 et 2005-0930 qui précisent le contexte dans lequel s'inscrit cette analyse de marché. En tout état de cause, l'Autorité estime que ces deux plaintes, déposées à un an et demi d'intervalle, sont révélatrices de circonstances nationales particulières et participent à la spécificité du marché français en ce qu'elles confirment que la situation concurrentielle sur ce marché n'est pas satisfaisante.

4.1.3. Examen des trois critères

La Commission européenne, dans l'exposé des motifs de sa recommandation concernant les marchés pertinents, définit trois critères pour recenser sa liste des marchés, dont les caractéristiques peuvent justifier l'imposition des obligations réglementaires définies dans les directives particulières. Conformément au point 9 de la recommandation, il appartient aux ARN d'examiner ces trois critères lorsqu'elles envisagent de recenser des marchés qui ne figurent pas dans la recommandation. Ces trois critères sont les suivants :
- existence de barrières à l'entrée ou d'entraves au développement de la concurrence ;
- absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective ;
- efficacité relative du droit de la concurrence et utilité d'une régulation ex ante complémentaire.

4.1.3.1. Barrières à l'entrée et entraves au développement de la concurrence

« Le premier critère consiste à déterminer si un marché présente des barrières à l'entrée élevées et non provisoires. [...] deux catégories de barrières à l'entrée et d'entraves au développement de la concurrence dans le secteur des communications électroniques semblent présenter un intérêt : les barrières structurelles et les barrières légales ou réglementaires.
Il y a barrières structurelles à l'entrée d'un marché lorsque, compte tenu du niveau de la demande, l'état de la technologie ainsi que la structure des coûts qui en découle créent des conditions asymétriques entre les opérateurs en place et les nouveaux arrivants, freinant ou empêchant l'entrée sur le marché de ces derniers.
Les barrières légales ou réglementaires ne résultent pas de conditions économiques mais de mesures législatives, administratives ou autres actes des pouvoirs publics ayant un effet direct sur les conditions d'entrée et/ou la position des opérateurs sur le marché pertinent. »
Comme pour la terminaison d'appel vocal, il y a aujourd'hui une impossibilité technique et structurelle d'arrivée d'un nouvel entrant pour fournir la terminaison de SMS vers un client d'un certain opérateur mobile disposant d'un réseau radio (ou d'un MVNO utilisant le réseau radio de cet opérateur) : seul cet opérateur peut en effet terminer, sur un plan technique, le trafic SMS à destination de l'appelé.
La prestation technique de terminaison SMS est ainsi incontournable ; or seuls les opérateurs mobiles métropolitains, Orange France, SFR et Bouygues Telecom, peuvent fournir ces prestations techniques qui sollicitent des macroéléments de leur réseau. Pour tout autre opérateur, l'achat des prestations de terminaison SMS auprès d'Orange France, de SFR et de Bouygues Telecom est nécessaire pour garantir à ses utilisateurs la possibilité de joindre les utilisateurs des réseaux mobiles.
Les entraves au développement de la concurrence ont par ailleurs été mises en évidence en section 4.1.1.

4.1.3.2. Absence d'évolution possible vers une situation de concurrence effective

« Le deuxième critère consiste, par conséquent, à déterminer si les caractéristiques d'un marché présagent une évolution vers une situation de concurrence effective. Ce critère est de nature dynamique et prend en compte un certain nombre d'aspects structurels et comportementaux qui, l'un dans l'autre, permettent de savoir si, sur la période considérée, le marché présente des caractéristiques susceptibles de justifier l'imposition des obligations réglementaires énoncées dans les directives particulières du nouveau cadre réglementaire. »
La barrière technique et structurelle évoquée ci-dessus n'est pas susceptible d'évoluer. Ainsi, comme pour la terminaison d'appel vocal, le monopole structurel de chaque opérateur sur la terminaison de SMS sur son réseau va perdurer.
Par conséquent, en l'absence de régulation, la situation tarifaire constatée selon laquelle, les prix n'ont pas baissé depuis plusieurs années alors que l'utilisation de ces services a été démultipliée et que ses coûts de production ont considérablement diminué, devrait perdurer.
Par ailleurs, du fait du modèle économique dit du calling party pays qui prévaut, les conditions économiques de la vente de ces prestations influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail, ainsi que sur les possibilité de développements d'offres SMS alternatives.
En effet, dans ce modèle économique, c'est l'appelant qui se voit facturer l'intégralité des charges liées à l'acheminement des SMS vers ses correspondants, y compris vers les clients d'autres réseaux.
Ainsi l'offre des opérateurs, notamment dans sa dimension tarifaire, est contrainte par les charges de terminaison SMS qui leur sont facturées par les opérateurs mobiles, qui peuvent être en même temps leurs concurrents sur le marché de détail.
Il en résulte qu'il n'existe intrinsèquement pas ou peu d'incitation économique pour les opérateurs métropolitains à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
Comme exposé précédemment, cette situation est également confirmée par les plaintes, d'une association de consommateurs et de l'opérateur mobile 3e entrant.

4.1.3.3. Efficacité relative du droit de la concurrence
et utilité d'une régulation ex ante complémentaire

« Le troisième critère envisage l'efficacité suffisante du droit de la concurrence en lui-même (sans réglementation ex ante), compte tenu des caractéristiques du secteur des communications électroniques.
La décision finale de recenser un marché répondant aux deux premiers critères (barrières à l'entrée élevées et persistantes, et absence de caractéristiques suggérant une évolution vers une concurrence effective) comme susceptible d'être soumis à une réglementation ex ante va dépendre d'une appréciation de la capacité suffisante du droit de la concurrence en lui-même (sans réglementation ex ante) d'atténuer ou de supprimer ces entraves, ou de restaurer une concurrence effective.
La réglementation ex ante pourrait utilement compléter le droit de la concurrence dans les cas où son application ne suffirait pas à remédier aux défaillances du marché concerné. Il s'agirait, par exemple, de situations où une intervention visant à remédier aux défaillances du marché doit satisfaire à un grand nombre de critères de conformité (comptabilité détaillée à des fins réglementaires, évaluation des coûts, contrôle des modalités, y compris des paramètres techniques, etc.), de situations qui requièrent des interventions fréquentes et/ou réalisées dans un délai imparti ou de situations où la sécurité juridique constitue une préoccupation primordiale. »
De même que la terminaison d'appel vocal, la terminaison SMS constitue un goulot d'étranglement, passage obligé pour tout opérateur tiers souhaitant acheminer des SMS à destination des clients de l'opérateur concerné.
En posant le principe de l'interopérabilité des services et donc de l'interconnexion des réseaux, la régulation sectorielle crée l'obligation de vente, mais aussi d'achat de prestations d'interconnexion lorsque celles-ci correspondent à des goulots d'étranglement. Il en résulte dans ce dernier cas un pouvoir de marché, parfois artificiel, pour l'opérateur offreur, qui peut justifier une intervention supplémentaire, afin de donner sa pleine mesure au principe d'interopérabilité. Il s'agit, au-delà de l'obligation d'accorder l'interconnexion :

- des obligations de non-discrimination, de transparence et de contrôle tarifaire ;
- des mesures nécessaires au contrôle du respect de ces prescriptions, telles que les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable.
Or l'Autorité comprend que le droit de la concurrence ne serait pas nécessairement en mesure d'imposer un contrôle adéquat des prestations de TA SMS.
La régulation ex ante dispose en effet d'outils adaptés tels que le contrôle tarifaire ex ante ou la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts. La spécification et la mise en oeuvre de ces obligations nécessitent en effet une connaissance approfondie des pratiques techniques et des comptabilités réglementaires, ainsi qu'un travail récurrent de traitement, de suivi et d'évolution du dispositif de comptabilisation et de restitution des coûts ainsi mis en place, en cohérence avec celui déjà existant pour les prestations vocales. Le seul droit de la concurrence peut, sur ce plan, apparaître insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existants sur ces marchés.
Plus précisément, la mise en place d'un contrôle tarifaire semble nécessaire, comme pour la terminaison d'appel vocal, pour remédier aux défaillances du marché constatées sur les marchés de gros de la terminaison de SMS (cf. 4.1.1). La mise en place de telles mesures nécessite l'utilisation de comptabilités réglementaires détaillées, l'évaluation des coûts, la prise en compte de nombreux paramètres techniques, ainsi qu'un travail de traitement et de suivi des données, généralement sur une base annuelle.
En outre, les méthodes de comptabilisation des coûts relatifs aux SMS ne sont pas décorrélées de celles retenues par l'ARCEP dans le cadre de l'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal. En effet, l'essentiel des coûts d'un réseau mobile sont communs à la voix et au SMS (coûts joints), dans la mesure où un même macro-élément de réseau peut être sollicité pour la fourniture de prestations vocales et pour le transport de SMS. Des règles précises d'allocation de ces coûts joints à la voix et au SMS doivent donc être définies de manière préalable aux restitutions réglementaires relatives aux prestations vocales, d'une part, et aux prestations SMS, d'autre part.
Enfin, le dispositif doit être revu régulièrement afin de prendre en compte l'évolution du marché et les évolutions technologiques. Ainsi, depuis 2003, ont émergé en France les WebSMS et les mini messages depuis le réseau fixe de France Télécom. Parallèlement, le rôle des agrégateurs se développe en Europe. Surtout, d'importantes évolutions sont à prévoir du fait du lancement de nouveaux services, notamment via l'UMTS.

4.1.3.4. Conclusion sur le caractère pertinent des marchés au sens de l'article L. 37-1

Les obstacles au développement d'une concurrence effective et les circonstances nationales spécifiques à la France, relevés dans les sections 4.1.1 et 4.1.2, justifient que l'Autorité considère comme pertinents les marchés de gros de la terminaison de SMS sur les réseaux mobiles individuels de métropole au sens de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques.
Conformément à la recommandation précitée de la Commission sur les marchés pertinents, ces marchés vérifient également les trois critères permettant de déterminer leur pertinence pour une régulation ex ante.
Cette analyse a été confirmée par celle du Conseil de la concurrence dans son avis n° 2006-A-05 du 10 mars 2006 précité. L'Autorité renvoie sur ce point aux observations du Conseil de la concurrence synthétisée au paragraphe 4.1.5 de la présente décision.

4.1.4. Prise en compte des contributions aux consultations publiques
sur l'examen des trois critères
4.1.4.1. Principales remarques des acteurs sur l'examen des trois critères
4.1.4.1.1. Tableau synthétique des contributions à la première consultation publique
concernant l'examen des trois critères

Le tableau ci-dessous a pour objectif de donner une vision synthétique des contributions reçues par l'ARCEP suite à la première consultation publique qu'elle a lancée. Par nature, ce tableau ne peut pas refléter le sens complet des contributions qui, pour certaines, sont couvertes par le secret des affaires, mais donne une idée du point de vue défendu par chacun.
Les cases non renseignées signifient que le contributeur ne s'est pas prononcé explicitement pour ou contre la proposition de l'Autorité.

Source : Réponses à la consultation publique
du 24 octobre 2005, décembre 2005
4.1.4.1.2. Sur l'examen des trois critères et le caractère non concurrentiel du marché

Du point de vue des trois opérateurs mobiles métropolitains, l'Autorité ne rapporte pas la preuve de l'absence de concurrence effective dans la mesure notamment où elle ne démontre pas de problèmes concurrentiels sur le marché de détail. Tous trois mettent en avant le caractère attractif des offres SMS des opérateurs mobiles virtuels nouvellement entrés sur le marché, tandis que le niveau absolu des prix français se situent globalement dans la moyenne européenne, ce qui légitime une non-intervention de l'Autorité.
[SDA] approuve l'analyse de l'Autorité en ce qu'elle estime que le niveau élevé de la TA SMS est particulièrement défavorable au plus petit opérateur, tant en termes de marge de manoeuvre commerciale pour ce dernier que dans les dérives d'une différenciation on net/off net qu'il engendre. En revanche, la société estime que l'ARCEP occulte les moyens de régulation ex post dont elle dispose et ne tient pas compte de sa situation concurrentielle défavorable dans ce cadre.
Orange France estime quant à elle que les trois critères listés dans la recommandation de la Commission sur les marchés pertinents ne sont pas remplis en l'espèce, notamment concernant la non-efficacité relative du droit de la concurrence. A ce titre, la société rappelle qu'une plainte actuellement en cours d'instruction a été déposée en novembre 2003 devant le Conseil de la concurrence par l'association UFC Que Choisir et indique qu'il n'est dès lors pas possible de se prononcer sur l'impact du droit de la concurrence tant que cette procédure n'est pas close.
[SDA] estime pour sa part qu'aucun des trois critères indispensables pour identifier un marché pertinent au regard de la régulation ex ante n'est réuni. Par ailleurs, selon la société, le lien intangible de causalité entre les tarifs de terminaison et les prix de détail des SMS est contestable, comme le prouve notamment l'équilibre entre revenus et charges de TA SMS. Quand bien même un certain lien de causalité pourrait être démontré, cela ne signifierait pas pour autant que les opérateurs mobiles auraient un réel intérêt à fixer des tarifs de TA SMS élevés qu'ils répercuteraient dans leurs tarifs de détail sur les SMS, au détriment des consommateurs. Pour justifier sa position, [SDA] s'appuie sur une étude économique interne qui tend à montrer que « (...) les opérateurs, même s'ils déterminent conjointement le niveau de la TA SMS, n'ont pas intérêt à la fixer à un niveau excessif ». La société précise par ailleurs que « [ce] résultat théorique, à lui seul, suffit à réfuter l'idée selon laquelle l'existence de déséquilibres individuels renforcerait la justification d'une régulation de la TA SMS » et que « (...) les données disponibles (...) démentent l'importance de ces déséquilibres individuels ». Elle conclut enfin que « (...) la différenciation tarifaire (...) est dans l'ensemble proconcurrentielle, et qu'il est peu probable que les gros opérateurs aient intérêt à augmenter la TA SMS pour faire jouer les effets club au détriment d'une stratégie de concurrence par les prix ».
Dans sa contribution à la deuxième consultation publique, [SDA] considère que la situation concurrentielle observée sur le marché de détail mobile français est satisfaisante, notamment sur les services SMS et que, en conséquence, elle ne semble pas nécessiter l'introduction d'une régulation ex ante. De surcroît, cette société réfute les arguments relatifs au contexte national particulier avancés par l'ARCEP, en indiquant notamment qu'il est prématuré de tirer des conclusions sur les SMS en France à la lumière de la seule communication de UFC Que Choisir, dans la mesure où l'instruction de la plainte que l'association a déposée est encore en cours.
Dans sa contribution à la deuxième consultation publique, Orange Caraïbe partage l'avis de sa maison mère selon lequel la définition d'un marché de terminaison d'appel SMS à des fins de régulation ex ante n'est pas pertinente.
Enfin, [SDA] dans sa contribution à la deuxième consultation publique est préoccupé par le fait que l'ARCEP réfute le principe même d'un lien entre marché de détail et marché de gros, alors que le cadre réglementaire explicite bien cette relation. Cet opérateur mentionne à cet égard un avis du Conseil de la concurrence relatif à la terminaison d'appel mobile d'Outremer Telecom et de Tel Cell, en juin dernier.

4.1.4.2. Réponses de l'Autorité

S'agissant de la vitalité et la spécificité des offres SMS des MVNO avancées par certains contributeurs, il convient de souligner que, même s'ils sont appelés à se développer, l'ensemble des MVNO représentant, selon les derniers chiffres publiés par l'ARCEP (71), 0,91 % du marché métropolitain, on ne peut raisonnablement pas soutenir que les offres SMS des MVNO suffiront, à l'horizon de la présente analyse, à concurrencer un marché marqué par une très grande stabilité des prix de détail depuis janvier 2000. En tout état de cause, l'Autorité souligne que le développement des MVNO est sans impact sur la TA SMS et renvoie aux observations du conseil de la concurrence synthétisée au paragraphe 4.1.5 de la présente décision.
Concernant l'examen des trois critères et conformément aux standards de preuve exigés par le droit national et le droit communautaire, l'Autorité estime qu'elle a réuni suffisamment d'éléments permettant de démontrer un faisceau d'indices précis et concordants indiquant que chacun des trois critères est bien vérifié en l'espèce. S'agissant de l'argument selon lequel la régulation sectorielle ex post serait suffisant, l'Autorité renvoie en section 1.8.2.1 et rappelle que le troisième critère concerne le droit de la concurrence ex post et non le droit sectoriel ex post. En réponse à Orange France, l'Autorité précise qu'une saisine contentieuse déposée devant le Conseil de concurrence n'est pas en elle-même suffisante pour enlever à l'Autorité toute capacité d'appréciation. A ce titre, l'Autorité rappelle que les deux institutions ont des compétences complémentaires et disposent d'outils différents. Au cas d'espèce, l'Autorité a souligné que le conseil ne disposait pas des compétences ex ante nécessaires pour permettre le développement concurrentiel de ce marché, en particulier en ce qui concerne l'imposition d'obligations de contrôle tarifaire, d'interconnexion, d'accès ou d'obligations comptables. Au surplus, l'Autorité note que l'analyse développée par le Conseil de la concurrence dans son avis est en tout point conforme à la sienne et renvoie aux observations du Conseil de la concurrence synthétisée au paragraphe 4.1.5 de la présente décision.
Concernant les comparaisons des prix de gros des SMS en Europe présentées par les opérateurs mobiles dans leur contribution, l'Autorité tient à faire trois remarques méthodologiques (complétées dans la section 4.2.7.2.1 par des observations de fond). D'une part, ces benchmarks ne sont pas toujours cohérents entre eux et comportent certaines inexactitudes et omissions. Contrairement à ce qu'affirment Orange France et [SDA] dans leur contribution, imposer un tarif plafond de terminaison d'appel SMS de l'ordre de 3 à 3,5 c ne conduirait pas à faire de la France le pays où les tarifs de TA SMS seraient les plus faibles d'Europe, dans la mesure notamment où certains pays de l'Union européenne ont une TA SMS inférieure aux niveaux avancés. D'autre part, contrairement à l'étude comparative présentée par l'Autorité dans la section 4.1.1.2.1 et l'annexe G de la présente analyse (72), ces benchmarks ne permettent pas d'étayer une analyse objective dans la mesure où ils portent sur un nombre trop restreint de pays. Enfin, ils ne comportent ni source vérifiable, ni date, ni aucune indication sur la méthodologie retenue. Dans ces conditions et étant donné les nombreuses difficultés attenantes à la construction d'un tel comparatif, l'Autorité émet des réserves sur la pertinence des benchmarks présentés par les opérateurs mobiles dans le cadre de la présente analyse de marché.
S'agissant des observations spécifiques de [SDA], l'Autorité renvoie à la section 4.1.1.2.1 et à l'annexe G de la présente analyse. S'agissant de la thèse selon laquelle la marge dégagée sur les SMS inciterait « à offrir des subventions généreuses », l'Autorité relève que ce type de tarification ne s'applique que dans des conditions particulières qui ne sont pas nécessairement remplies en l'espèce. En effet, lorsque les biens sont indépendants, les prix sont au contraire fixés en fonction des coûts marginaux propres à chaque prestation. Par ailleurs, l'Autorité ne comprend pas la segmentation des abonnés que la société a mise en oeuvre pour mettre en évidence l'absence de déséquilibre entre trafic SMS entrant et trafic SMS sortant suivant les catégories de consommateurs. L'Autorité émet par conséquent des doutes sérieux sur la pertinence de la partie empirique de l'analyse et a demandé à l'opérateur des éléments d'information complémentaires sur ce point. Enfin, l'Autorité souligne l'incohérence de la position défendue par la société dans son étude théorique eu égard à sa situation réelle : si, comme [SDA] est la seule à le prétendre, les prix de gros n'ont aucun impact sur les prix de détail - les revenus et les charges de TA SMS se compensant sur chaque offre -, l'Autorité ne comprend pas pourquoi cette charge d'interconnexion est demeurée aussi éloignée des coûts réellement supportés par les opérateurs mobiles sur une période de temps aussi longue, ni pourquoi [SDA] a toujours refusé d'accéder aux demandes réitérées de Bouygues Telecom de baisser la TA SMS de 50 %, malgré plus de huit mois de négociations commerciales (cf. annexe F). Au surplus, l'Autorité constate qu'à compter du mois d'avril 2006, l'opérateur a baissé ses prix de détail de 20 % sur l'ensemble de ses offres SMS (73). Cette baisse de 20 % intervenue en avril 2006 doit notamment s'apprécier au regard de la baisse de 20 % des tarifs de TA SMS, intervenue en novembre 2005 sur les marchés de gros.
Enfin, s'agissant des arguments relatifs au lien entre marché de détail et marché de gros, l'ARCEP précise d'abord qu'elle n'entend pas « qualifier » le marché de détail au titre de la régulation ex ante, même s'il semble utile d'examiner son fonctionnement dans le cadre de la présente décision afin de mieux appréhender celui du marché de gros et d'être en mesure de délimiter sur le marché de gros de la TA SMS les prestations incluses dans le marché, comme le démontre la partie chapitre 2, ainsi que d'analyser les éventuels contre-pouvoirs d'acheteur (cf. partie chapitre 3). Enfin, la section 4.1.1 du présent chapitre motive effectivement l'intervention de l'Autorité sur le marché de la terminaison d'appel SMS au vu notamment de son importance vis-à-vis du marché de détail.
Par ailleurs, il convient de noter que l'avis du Conseil de la concurrence mentionné par [SDA] porte sur l'analyse des marchés de la terminaison d'appel mobile vocal sur des réseaux mobiles ouverts au public d'opérateurs d'outre-mer et que, dans l'avis susvisé relatif au projet de décision concernant la TA SMS que le conseil a rendu, ce dernier a validé l'approche de l'Autorité.
En outre, il importe de relever la spécificité des marchés de terminaison, fixe ou mobile, voix ou data, en termes de régulation. Tout d'abord, dans la mesure où en vertu du cadre réglementaire des communications électroniques, les opérateurs de réseaux ouverts au public doivent faire droit aux demandes raisonnables d'interconnexion d'autres opérateurs de réseaux ouverts au public, ces marchés de gros, contrairement à d'autres comme celui des marchés de l'accès, existent comme conséquence directe de ce droit à l'interconnexion établi par la loi. Ensuite, l'opérateur qui termine l'appel est, en raison du principe du calling party pays (CPP) et du monopole de fait qu'il exerce sur sa boucle locale, incité à élever ses tarifs de gros ; ce comportement lui permet en effet à la fois d'accroître ses propres revenus et d'impacter ceux de ses concurrents directs sur le marché de détail.
Enfin, s'agissant des évolutions à venir sur le marché de détail, l'Autorité renvoie au chapitre 2 illustrant qu'elle a effectivement pris en compte le développement des services tels que le MMS ou la messagerie interpersonnelle pour en conclure qu'à ce stade ils n'étaient pas encore substituables au SMS.

4.1.5. Prise en compte de l'avis du Conseil de la concurrence
sur l'examen des trois critères et la pertinence des marchés
4.1.5.1. Avis du Conseil de la concurrence

Sur le respect des trois critères définis par la Commission européenne, le Conseil de la concurrence rappelle dans son avis du 10 mars 2006 précité (§ 26) que « l'inscription de marchés pertinents sur la liste des marchés régulables au titre de l'application des articles L. 38, L. 38-1 et L. 38-2 du CPCE ne se justifie que si trois critères cumulatifs sont remplis : l'existence de barrières à l'entrée et d'entraves au développement de la concurrence, l'absence de dynamisme de la concurrence, enfin l'insuffisance du droit de la concurrence pour remédier à ces obstacles ».
S'agissant du premier critère, le Conseil de la concurrence indique (§ 27) que « en l'espèce, les barrières à l'entrée sur les marchés de la terminaison SMS sont très fortes : le nombre limité de licences GSM et UMTS conjugué au coût considérable du développement d'un réseau rend peu probable le déploiement d'un nouveau réseau de téléphonie mobile en métropole ».
S'agissant du second critère, le Conseil de la concurrence constate (§ 27 et § 28) que « seule l'émergence de Full MVNO (MVNO étendus disposant de tous les éléments de réseaux) permettrait d'animer la concurrence sur le marché de gros de la terminaison SMS » et que « l'absence de pression concurrentielle sur le niveau de la terminaison SMS explique que celle-ci soit restée stable pendant près de six années : seule l'intervention de l'ARCEP a provoqué une baisse en novembre 2005 ».
Enfin, s'agissant du troisième critère, le Conseil de la concurrence souligne (§ 28) que « la terminaison SMS pourrait être analysée, du point de vue du droit de la concurrence, comme une charge d'accès à une infrastructure essentielle, devant répondre à des conditions de transparence, d'objectivité et de non-discrimination, et permettre l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail, sans effet de ciseau tarifaire. Toutefois, la position de monopole des trois opérateurs sur les marchés concernés ainsi que le rôle différencié joué par les ressources correspondantes dans l'équilibre financier de chaque opérateur peuvent justifier une régulation plus précise de ces tarifs, à même d'assurer que ne soit pas affaiblie la position d'un acteur en particulier, et notamment celui qui dispose de la part de marché la plus faible ».

4.1.5.2. Commentaires de l'Autorité

L'Autorité note que le Conseil de la concurrence a clairement confirmé dans son avis que les trois critères utilisés par la Commission européenne pour la définition des marchés pertinents étaient bien remplis en l'espèce.

4.1.6. Commentaires des autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne

Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'Autorité.
La Commission européenne n'a pas transmis d'observation à l'Autorité sur cette partie de l'analyse ; elle a ainsi validé la création de ce nouveau marché pertinent pour une régulation ex ante.

4.2. Obligations
4.2.1. Périmètre des obligations

Conformément à l'article 16 de la directive « cadre » et à l'article D. 303 du CPCE, l'Autorité doit imposer au moins une obligation à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Néanmoins, une obligation peut n'être imposée que sur une partie des prestations offertes par cet opérateur sur le marché identifié.
Cette possibilité a déjà été reconnue par la Commission européenne dans ses lettres de commentaire dans le cadre de la procédure de notification des analyses de marchés, notamment en ce qui concerne les marchés de détail de la téléphonie fixe notifiés par l'Autorité (cf. lettre de la Commission européenne du 14 septembre 2005, cas FR/2005/0221 à 226).
Au cas d'espèce, les obligations imposées par la présente décision ne visent pas l'ensemble des prestations faisant partie des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS, tels que délimités au 2.5, mais les prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux seules offres d'interconnexion SMS, à l'exclusion des offres de SMS Push.
Dans une analyse prospective, l'Autorité considère en effet que les agrégateurs, les FAI et les opérateurs de téléphonie fixe enverront des SMS sur les réseaux mobiles via l'interconnexion et non par le biais des offres de SMS Push, comme c'est le cas actuellement (cf. 1.6). Lors de la phase de négociation des modalités d'interconnexion avec Orange France, SFR et Bouygues Telecom, les tarifs de terminaison d'appel SMS pratiqués par les opérateurs mobiles pour les prestations d'interconnexion SMS constitueront un élément de référence pour la négociation des tarifs d'une prestation d'interconnexion qui pourra ouvrir une architecture distincte, pour un exploitant de réseau tiers non mobile.
En outre, la régulation des offres d'interconnexion SMS est susceptible de bénéficier aux acheteurs d'offres SMS Push (comme les éditeurs par exemple), dans la mesure où les niveaux des tarifs relatifs aux offres d'interconnexion SMS, en particulier celui de la TA SMS, constitueront un élément de référence pertinent pour la fixation des prix des services SMS Push.
L'Autorité rappelle qu'elle dispose de la possibilité, si les évolutions du marché le justifient, d'anticiper une nouvelle analyse de marché avant le terme de la présente décision.

4.2.2. Obligation d'accès et d'interconnexion

L'article L. 38 (I, 3°) du CPCE et l'article 12 de la directive « accès » prévoient que l'Autorité peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative.
Afin de permettre l'interopérabilité des services et des investissements efficaces au titre de l'interconnexion ou de l'accès et compte tenu de la position monopolistique de chaque opérateur mobile sur le marché, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à chaque opérateur mobile une obligation de faire droit à toute demande raisonnable d'interconnexion et d'accès relatives aux offres d'interconnexion SMS, à des fins de terminer du trafic SMS à destination des clients d'Orange France, de SFR et de Bouygues Telecom (ou de MVNO utilisant leur réseau respectif) conformément à l'article D. 310 (1°) du CPCE. Tout refus d'une de ces sociétés de fournir ces prestations doit être dûment motivé.
L'Autorité constate que ces trois opérateurs font déjà droit à ce type de demande. Elle ne constitue donc pas une obligation disproportionnée pour eux.
Il est également nécessaire et proportionné, au regard notamment de l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité, que les conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès fournies par chacun des opérateurs mobiles soient suffisamment détaillées pour faire apparaître les divers éléments propres à répondre à la demande, et qu'ils ne subordonnent pas l'octroi d'une prestation d'accès ou d'interconnexion relative aux offres d'interconnexion SMS à la fourniture de services, de moyens ou de toute autre ressource, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.
En outre, l'Autorité estime également nécessaire que, face à une demande relative aux prestations des marchés pertinents précités, ou aux prestations qui leur sont associées, ces trois opérateurs puissants négocient de bonne foi avec l'exploitant de réseau ouvert au public qui demande la fourniture de prestations, conformément à l'article D. 310 (2°) afin, d'une part, de minimiser les cas de litige, et, d'autre part, de ne pas profiter de l'influence significative qu'ils exercent sur ces marchés pour « durcir » les négociations avec les opérateurs. Enfin, compte tenu des investissements réalisés par les acteurs qui demandent l'interconnexion, il est également justifié que ces trois opérateurs puissants soient soumis à l'obligation de ne pas retirer un accès déjà accordé, ou une prestation déjà fournie, sauf accord préalable de l'Autorité ou de l'exploitant de réseau ouvert au public tiers concerné.
Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur souhaitant terminer un SMS sur le réseau de déployer ses propres infrastructures, ces obligations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS sont justifiées et proportionnées, notamment au regard de l'objectif fixé à l'article L. 32-1 (II) du CPCE visant à définir des « conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ».

4.2.3. Obligation de non-discrimination

L'article L. 38 (I, 2°) du CPCE et l'article 10 de la directive « accès » prévoient la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.

Les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux opérateurs tiers, et qu'ils fournissent à ces opérateurs des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.
Comme le précise le considérant 17 de la directive « accès », l'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur les marchés de détail avals, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.
La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée pour un opérateur puissant l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.
Des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail faisant intervenir de la terminaison SMS.
L'obligation de non-discrimination vise notamment dans ce cas à éviter que les opérateurs mobiles n'augmentent leurs charges ou ne dégradent la qualité de service vis-à-vis d'opérateurs acheteurs d'offres d'interconnexion SMS dont le pouvoir de négociation serait limité ou inexistant, ou qu'ils n'avantagent leurs partenaires ou leurs filiales en concurrence avec les autres acheteurs d'offres d'interconnexion SMS. De telles pratiques auraient pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre les opérateurs sur les marchés de détail.
Il est donc justifié et proportionné d'imposer une obligation de non-discrimination, d'une part, entre clients et, d'autre part, entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ».
Ainsi, un opérateur puissant n'est pas autorisé à pratiquer des conditions artificiellement différenciées, notamment lorsque la prestation d'interconnexion fournie est comparable, et ce quel que soit le type d'acheteur (opérateurs mobiles tiers, agrégateurs, etc.) ou la provenance du SMS (métropole, outre-mer, international). Cette obligation n'exclut toutefois pas la possibilité, pour un opérateur, de différencier ses prestations en fonction de critères objectifs, notamment d'ordre technique, liés à la nature des réseaux.

4.2.4. Obligation de transparence

L'article 9 de la directive « accès » relatif aux obligations de transparence et l'article L. 38 (I, 1°) du CPCE prévoient que l'Autorité peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès.
S'agissant des conventions d'interconnexion ou d'accès, l'article L. 34-8 du CPCE prévoit que toute convention doit être transmise à l'ARCEP à sa demande. Afin de donner la pleine mesure à cette disposition, et d'être en mesure de vérifier le respect de l'obligation de non-discrimination, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'informer l'Autorité de la signature d'une nouvelle convention d'interconnexion ou d'accès, ou d'un avenant à une convention existante, dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.
L'analyse de la situation conduit en revanche l'Autorité à considérer que, en l'état actuel du marché, il n'est pas nécessaire d'imposer la publication d'une offre de référence aux opérateurs mobiles. En effet, et conformément à l'article D. 307-III du CPCE, il est justifié et proportionné que les opérateurs publient sur leur site Internet leurs principaux tarifs relatifs aux offres d'interconnexion SMS, en respectant des délais de préavis raisonnables.
L'imposition de telles obligations pour les prestations relatives aux offres d'interconnexion SMS permet ainsi d'assurer le respect de l'obligation de non-discrimination ou, en tout état de cause, de dissuader les opérateurs mobiles de mettre en oeuvre des pratiques discriminatoires.
Ces obligations doivent en outre permettre de faciliter les négociations en vue de la mise en oeuvre de l'interconnexion.
Ces obligations paraissent justifiées et proportionnées, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ».

4.2.5. Obligation de contrôle tarifaire
4.2.5.1. Tarifs de gros reflétant les coûts correspondants

L'article 13 de la directive « accès » et l'article L. 38 (4°) du CPCE prévoient que l'Autorité peut imposer « de ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ».
Chacun des trois opérateurs mobiles métropolitains dispose d'une position durable de puissance sur leur marché correspondant, compte tenu de leur position monopolistique vis-à-vis de leurs clients (ou ceux des MVNO utilisant leur réseau).
L'analyse de la puissance sur ces marchés a montré que ces prestations sont incontournables pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques souhaitant développer un service SMS, qui ne disposent dès lors d'aucun contre-pouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont disposent les trois opérateurs mobiles. En outre, le Conseil de la concurrence a également qualifié ces prestations de facilités essentielles.
L'Autorité note que l'absence d'obligation de reflet des coûts permet à Orange France, SFR et Bouygues Telecom de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique, ce qui soulève de nombreux problèmes concurrentiels (cf. section 4.1.1) et entrave notamment l'exercice d'une concurrence effective sur les prix de détail du SMS interpersonnel.
L'Autorité estime donc que les tarifs des prestations relatives aux offres d'interconnexion SMS doivent refléter les coûts. Les coûts considérés recouvrent, comme pour la terminaison d'appel vocal, les seuls coûts de réseau liés à la terminaison d'appel SMS, augmentés d'une contribution équitable aux coûts communs de l'opérateur, à l'exclusion, en particulier, des charges liées à une activité commerciale autre que celles spécifiques à l'interconnexion SMS.

En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 (II) du CPCE et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».
L'Autorité comprend toutefois que si le niveau de la TA SMS devait atteindre un niveau très bas, proche de la gratuité, il s'ensuivrait un risque élevé de messages non sollicités. Des acteurs mal intentionnés pourraient en effet profiter d'un prix modique de SMS Push pour rentabiliser des campagnes de marketing direct massives et non ciblées, au mépris du principe selon lequel un client ne peut recevoir de message de ce type sans en avoir donné l'autorisation expresse (opt-in). En particulier, il n'est pas certain que les agrégateurs de SMS soient en mesure d'opérer un contrôle a priori sur leurs partenaires ou clients de façon à prévenir ce type de pratiques.
La prise en compte du risque de spam, c'est-à-dire l'envoi massif de messages vers des numéros générés de manière aléatoire, dans l'encadrement tarifaire des prestations relatives aux offres d'interconnexion SMS paraît en outre proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 (II) du CPCE, notamment « un niveau élevé de protection des consommateurs » ainsi que « l'intégrité et la sécurité des réseaux ».
En revanche, l'Autorité considère qu'une TA SMS qui resterait supérieure à 1 cEUR par SMS ne lui paraît pas pouvoir, a priori, présenter un risque sérieux en matière de spam. Ce point est notamment développé dans la section 4.2.7.2.1.

4.2.5.2. Fixation, pour chaque opérateur disposant d'une influence significative
sur son marché de gros de TA SMS, des tarifs plafonds de TA SMS

En vertu du I de l'article D. 311 du CPCE, l'Autorité peut, dans le cadre de ses obligations de contrôle tarifaire, « demander à ces opérateurs de respecter un encadrement pluriannuel des tarifs ou de justifier intégralement leurs tarifs et, si nécessaire, en exiger l'adaptation ».
Si l'ensemble des offres d'interconnexion SMS, celles qui sont offertes aujourd'hui ou celles qui le seront demain, sont concernées par les obligations précédemment exposées, la précision de l'obligation de reflet des coûts ne concerne que les prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS à destination des seuls exploitants de réseau mobile ouvert au public, c'est-à-dire celles qu'Orange France, SFR et Bouygues Telecom se fournissent mutuellement.
Lors de la première consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles lancée le 24 octobre 2005, et au vu des éléments alors communiqués par les opérateurs (cf. annexe C), l'Autorité avait indiqué « que le coût d'une TA SMS en métropole, prenant en compte les coûts de réseau liés à l'usage des SMS ainsi qu'une juste contribution aux coûts communs, serait de l'ordre de 2,50 cEUR maximum par SMS. »
A l'issue et au vu des contributions des acteurs à cette consultation publique, des auditions susvisées des sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom, ainsi que de la finalisation de l'analyse des coûts de réseau relatifs à la TA SMS compte tenu des éléments disponibles, l'Autorité considère, d'une part, être en mesure de déterminer un niveau de TA SMS maximum applicable à compter de l'entrée en vigueur de la présente analyse de marché, et, d'autre part, qu'au vu des éléments en sa possession (cf. annexe C) et des objectifs d'efficacité économique, de promotion d'une concurrence effective et loyale entre les opérateurs, ainsi que d'optimisation des avantages pour le consommateur qu'elle vise à concilier, il est justifié et proportionné de fixer le tarif maximal de TA SMS en métropole (prenant en compte les coûts de réseau liés à l'usage des SMS, ainsi qu'une juste contribution aux coûts communs) à 3 centimes d'euro par SMS-MT efficace pour Orange France et SFR, et à 3,5 centimes d'euro par SMS-MT efficace pour Bouygues Telecom.
S'agissant de l'écart tarifaire instauré entre, d'une part, Orange France et SFR et, d'autre part, Bouygues Telecom, l'Autorité précise que son introduction se justifie, d'une part, par l'analyse des coûts menée par l'Autorité (cf. annexe C) et, d'autre part, par le risque de marginalisation pesant sur la société Bouygues Telecom, dû notamment à une part de marché significativement plus faible et à l'absence « d'effet club » (cf. section 4.1.1.1.1). En cela, l'Autorité a suivi la recommandation du Conseil de la concurrence qui note dans son avis (§ 28) que « (...) la position de monopole des trois opérateurs sur les marchés concernés ainsi que le rôle différencié joué par les ressources correspondantes dans l'équilibre financier de chaque opérateur, peuvent justifier une régulation plus précise de ces tarifs, à même d'assurer que ne soit pas affaiblie la position d'un acteur en particulier, et notamment celui qui dispose de la part de marché la plus faible ».
L'Autorité tient toutefois à souligner le caractère transitoire de cet écart. En effet, l'Autorité considère au cas d'espèce que l'introduction d'une différenciation tarifaire en faveur de Bouygues Telecom permettra à la société de corriger les effets pervers engendrés par des niveaux de terminaison d'appel SMS élevés par rapport aux coûts, mais qu'à terme, une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer.
Les opérateurs mobiles visés par la présente décision disposent de 30 jours à compter de sa date de publication au Journal officiel de la République française pour se mettre en conformité avec la présente décision.
Ainsi qu'indiqué en section 4.3, les tarifs plafonds de TA SMS fixés dans le cadre de la présente décision sont valables au plus pendant une période de deux ans à compter de la publication au Journal officiel de cette décision. L'Autorité réexaminera, dans un délai maximum de deux ans à compter de la publication de cette décision, le niveau des plafonds tarifaires notamment au vu des données de coûts fournies par les opérateurs, en application des obligations comptables, en particulier de comptabilisation et de restitution des coûts, que l'Autorité leur impose dans le cadre de la présente décision (cf. section 4.2.6). Sur cette base et au vu du degré de fluidité du marché de détail sous-jacent, l'Autorité fixera de nouveaux plafonds tarifaires et par voie de conséquence redéfinira le niveau de l'écart entre la terminaison d'appel de Bouygues Telecom et celle de SFR et d'Orange France, qu'il est justifié d'accorder transitoirement à Bouygues Telecom, et spécifiera les conditions de convergence des terminaisons d'appel vers un price cap symétrique.

4.2.6. Obligations comptables
4.2.6.1. Objectifs généraux

Les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts sont des obligations distinctes que peut imposer l'Autorité à un opérateur déclaré puissant sur un marché donné au terme des analyses de marché menées selon la procédure déclinée dans l'article 16 de la directive « cadre ».
L'article 11 de la directive « accès » prévoit que l'Autorité peut « imposer des obligations de séparation comptable en ce qui concerne certaines activités dans le domaine de l'interconnexion et/ou de l'accès » et ce, dans l'objectif de contribuer à la vérification du respect des obligations de transparence et de non-discrimination.
En particulier, l'Autorité peut « obliger une entreprise intégrée verticalement à rendre ses prix de gros et ses prix de transferts internes transparents, entre autres pour garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue à l'article 10 ou, en cas de nécessité, pour empêcher des subventions croisées abusives. »
A ce titre, l'Autorité peut « spécifier le format et les méthodologies comptables à utiliser » et « exiger que les documents comptables, y compris les données concernant les recettes provenant de tiers, lui soient fournis si elle en fait la demande ».
L'obligation de comptabilisation des coûts est prévue par l'article 13 de la directive « accès », incluant également les obligations liées à la récupération des coûts, au contrôle des prix et à l'orientation des prix en fonction des coûts. L'objectif de l'imposition de ces obligations est d'éviter que l'opérateur concerné, « en l'absence de concurrence efficace, ne maintienne des prix à un niveau excessivement élevé, ou ne comprime les prix, au détriment des utilisateurs finals ».
L'article L. 38 (I, 5°) du code des postes et des communications électroniques précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des télécommunications électroniques peuvent se voir imposer (...) [d'] isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ».
Le caractère intégré et le positionnement de chacun des trois opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom sur les marchés de la terminaison d'appel SMS peut se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et de détail, qui peuvent être mises sous surveillance grâce notamment à l'imposition d'une obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts.
Elle est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier les 2°, 3° et 4°. Ces obligations constituent le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de comportements anticoncurrentiels et du respect de l'obligation de reflet des coûts.

4.2.6.2. Spécifications et principes

La comptabilisation des coûts et la séparation comptable devront notamment permettre :
- de disposer d'informations cohérentes entre opérateurs indispensables pour le contrôle tarifaire ;
- d'identifier l'activité réseau, et notamment les conditions d'utilisation des différentes ressources par les services internes et externes de l'opérateur ;
- de distinguer les activités de détail des activités de gros de l'opérateur mobile, selon un détail et un format rendu nécessaire pour le suivi des obligations liées à ce marché.
Le format du rapport des comptes répondra au besoin du suivi spécifique des obligations portant sur le marché de gros analysé. Il devra par ailleurs fournir à l'Autorité une vision suffisamment exhaustive pour lui permettre de s'assurer de la cohérence d'ensemble du dispositif comptable mis en place.

Au titre de cette obligation, et afin de respecter une cohérence entre opérateurs, l'Autorité dispose de la possibilité d'établir, en vertu de l'article D. 312 du code des postes et des communications électroniques, les spécifications du système de comptabilisation des coûts ainsi que les méthodes de valorisation et les règles d'allocation des coûts. Elle précise par ailleurs le format et le degré de détail des comptes, pour permettre la vérification du respect des obligations de non-discrimination et de reflet des coûts, lorsqu'elles s'appliquent.
Afin d'assurer un degré d'information suffisant, les éléments pertinents du système d'information et les données comptables sont tenus à la disposition de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la demande de cette dernière.
L'Autorité arrêtera ultérieurement l'ensemble des règles relatives aux SMS concernant les spécifications éventuelles des systèmes de comptabilisation des coûts, les méthodes de valorisation et les règles d'allocation des coûts, ainsi que le format des comptes à produire, dans un souci de cohérence et notamment de prise en compte des spécifications, méthodes et règles existantes relatives aux prestations vocales.

4.2.6.3. Audits

Conformément à l'article L. 38 (5°) du CPCE, et suite à l'imposition d'obligations de séparation comptable ainsi que de comptabilisation des coûts sur le marché de gros en cause, les comptes produits et les systèmes de comptabilisation des coûts relatifs aux prestations SMS sont audités annuellement par des organismes indépendants. Ces organismes sont désignés par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Cette vérification est assurée aux frais des opérateurs concernés. Les organismes désignés publient annuellement une attestation de conformité des comptes.

4.2.7. Prise en compte des contributions aux consultations publiques sur la partie obligations
4.2.7.1. Principales remarques des acteurs sur la partie obligations
4.2.7.1.1. Tableau synthétique des contributions à la première consultation publique
concernant les obligations envisagées par l'Autorité

Le tableau ci-dessous a pour objectif de donner une vision synthétique des contributions reçues par l'ARCEP suite à la première consultation publique qu'elle a lancée. Par nature, ce tableau ne peut pas refléter le sens complet des contributions qui, pour certaines, sont couvertes par le secret des affaires, mais donne une idée du point de vue défendu par chacun.
Les cases non renseignées signifient que le contributeur ne s'est pas prononcé explicitement pour ou contre la proposition de l'Autorité.

Acteurs ayant exprimé un accord avec le point de vue défendu par l'ARCEP
dans son projet d'analyse de marché

4.2.7.1.2. Sur le périmètre des obligations

[SDA] regrette que l'Autorité n'ait pas souhaité inclure dans le périmètre des prestations concernées par les obligations imposées aux opérateurs mobiles les prestations de SMS Push, notamment dans la mesure où, selon cet acteur, les niveaux tarifaires de ces offres n'ont pas évolué.

4.2.7.1.3. Sur l'obligation de contrôle tarifaire et le risque de messages non sollicités

L'ARCEP note tout d'abord que de nombreux acteurs, dont les associations de consommateurs, considèrent que le principe de cette obligation est tout à fait justifié et proportionné.
Dans le cadre des contributions à la première consultation publique, l'AdUF (Association des utilisateurs de Free), l'AFUTT (Association française des utilisateurs de télécommunications) et Télé2 formulent toutefois deux critiques. D'une part, les réserves émises par l'ARCEP quant au risque de spam leur semblent hors de propos. Il s'agirait en effet, selon eux, d'un argument fallacieux avancé par les opérateurs mobiles métropolitains leur permettant d'exploiter une « rente de situation indue », et il n'est par ailleurs pas prouvé qu'une baisse de la TA SMS aurait l'effet redouté. D'autre part, concernant l'analyse des coûts, les associations de consommateurs et Télé2 estiment que, les coûts de TA SMS étant inférieurs aux plafonds déterminés par l'autorité, l'autorité doit imposer des paliers tarifaires plus bas que ceux préconisés dans le cadre de la présente décision.
L'AduF semble toutefois revenir sur sa première contribution en indiquant dans sa contribution à la deuxième consultation publique que les mesures envisagées par l'Autorité semblent principalement profiter aux agrégateurs et de ce fait aux sociétés qui s'adonnent aux SMS publicitaires de type spam. L'AduF indique par ailleurs qu'elle craint que les baisses de TA SMS ne soient pas répercutées sur les prix de détail des SMS au bénéfice des consommateurs.
S'agissant de la répercussion des baisses des tarifs de gros, [SDA] souhaite que l'Autorité veille à ce qu'elle soit également effective sur les prix consentis par les agrégateurs ou les opérateurs aux éditeurs de services.

Pour sa part, MMA France (Mobile Marketing Association), si elle ne se prononce pas sur le principe d'une baisse des tarifs de gros, « craint qu'une baisse trop brutale de la TA SMS (...) [n']entraîne une croissance incontrôlée, exponentielle et irréversible du spam sur mobile ». Si une baisse doit intervenir, MMA France recommande qu'elle soit progressive afin de contrôler l'impact du spam sur mobile.
Orange France estime quant à elle que l'obligation de contrôle tarifaire envisagée par l'Autorité aurait des conséquences négatives pour les consommateurs. D'une part, une telle obligation réduirait les incitations des acteurs à innover et à investir. D'autre part, en accroissant le risque de spam, elle nuirait gravement aux intérêts des consommateurs.
A ce titre, [SDA] indique que le faible niveau de spam constaté aujourd'hui à destination des réseaux mobiles métropolitains serait principalement dû au prix actuel de la TA SMS, mais que cette protection est très précaire. Par ailleurs, la société estime que l'imposition d'une obligation de respecter un plafond tarifaire de TA SMS dès l'entrée en vigueur de la présente obligation n'est pas proportionnée au regard des prix de gros effectivement pratiqués en Europe. Enfin, dans l'hypothèse où l'ARCEP maintiendrait une obligation de contrôle tarifaire ex ante, celle-ci, dans un souci de proportionnalité, devrait se limiter selon la société à une obligation de symétrie tarifaire.
Pour [SDA], en imposant un premier palier commun aux trois opérateurs mobiles, l'Autorité ne tient pas compte des différentiels de coûts supportés par les différents opérateurs mobiles sur leurs réseaux. Selon la société, les différences de coûts de TA SMS justifient la mise en place d'une asymétrie tarifaire à son avantage, d'autant plus qu'une telle asymétrie existe sur le marché de la terminaison d'appel vocal.

Introduction d'une différenciation tarifaire en faveur de Bouygues Telecom

[SDA] considère que l'imposition d'un encadrement tarifaire asymétrique entre les opérateurs mobiles français n'est ni justifié, ni pertinent que ce soit sur le plan réglementaire, économique ou commercial.
[SDA] s'agissant de l'asymétrie tarifaire, [SDA] considère que celle-ci n'est pas justifiée, notamment car le risque de marginalisation de Bouygues Telecom mis en avant par l'Autorité est limité au regard de la part que les revenus issus des services SMS représentent dans le revenu global des opérateurs. De surcroît, [SDA] considère que cette asymétrie n'est pas pertinente, dans la mesure où les volumes de SMS échangés entre les opérateurs sont globalement équilibrés, où la réciprocité tarifaire jusque lors en vigueur n'a jamais soulevé de questions entre les acteurs jusque très récemment, et où l'introduction de cette différenciation consiste en fait à faire bénéficier à Bouygues Telecom d'une rente de dernier arrivé sur le marché.

4.2.7.1.4. Sur les autres obligations envisagées par l'Autorité

Si Télé2 considère « tout à fait adéquates et proportionnées » l'ensemble des obligations envisagées par l'Autorité dans le cadre de la présente analyse, la société précise toutefois que « le cas des MVNO semble devoir être envisagé de manière spécifique » dans la mesure notamment où « il n'est pas certain que la baisse de terminaison d'appel SMS, envisagée par l'Autorité dans le cadre de la présente analyse de marché, [soit] strictement répercutée aux MVNO » et où il peut y avoir un « décalage d'application ». Face à ce risque, Télé2 souhaite ainsi que « l'Autorité impose aux opérateurs hôtes de répercuter strictement et immédiatement toute baisse des tarifs de terminaison d'appel sur leurs tarifs de gros des SMS ».
[SDA] rappelle pour sa part que les agrégateurs de SMS doivent être considérés comme des exploitants de réseau ouvert au public. A ce titre, ils doivent avoir accès à la TA SMS. Selon la société, « [il] apparaît donc logique d'imposer à chaque opérateur puissant de ces marchés pertinents une obligation de faire droit à toute demande raisonnable d'interconnexion et d'accès ». La société précise par ailleurs qu'« [afin] de conserver un marché concurrentiel permettant de maintenir une qualité de service satisfaisante, il est nécessaire de définir des obligations de prestation de service minimal en tant qu'agrégateur ».
S'agissant des offres d'interconnexion que les opérateurs sont tenus de fournir dans des conditions transparentes et non discriminatoires, [SDA] indique qu'il est important que ces offres soient rapidement mises en place pour être proposées aux acteurs éligibles à l'interconnexion, et qu'à leur tour, les acteurs bénéficiant de l'interconnexion SMS offrent aux éditeurs des offres de prestation transparentes et détaillées limitées à la seule fonction d'agrégation.
Les opérateurs mobiles métropolitains considèrent quant à eux que les remèdes proposés par l'Autorité ne sont ni justifiés ni proportionnés :
- s'agissant des obligations d'interconnexion et d'accès, [SDA] estime qu'il n'est pas envisageable d'étendre la prestation de TA SMS via les réseaux SS7 au-delà de ce qui est fait aujourd'hui par les opérateurs mobiles. Selon la société, une telle interconnexion donnerait en effet accès à des ressources particulièrement sensibles pour les opérateurs et mettrait en danger la sécurité et l'intégrité des réseaux mobiles. [SDA] considère pour sa part que cette obligation est superflue, dans la mesure où elle ne viendrait corriger aucun dysfonctionnement constaté. Enfin, Orange France estime que l'absence de cadrage, quant au champ exact de l'obligation et de ses modalités, et l'interprétation très large des notions d'interconnexion et d'accès constituent un obstacle à la sécurité juridique et à la visibilité des acteurs sur le marché.
- s'agissant des obligations de non-discrimination et de transparence, les opérateurs mobiles estiment que cette obligation n'est pas utile dans la mesure où elle est déjà respectée. Au surplus, [SDA] note que, dans le cadre de l'itinérance internationale, une différence de conditions tarifaires peut être justifiée, sans qu'il s'agisse d'une discrimination, dans la mesure où des mécanismes de filtrage s'avèrent nécessaires. Orange France indique pour sa part que les obligations de non-discrimination et de transparence imposent aux opérateurs « d'appliquer des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres entreprises fournissant des services équivalents ». En contestant aux agrégateurs de SMS la qualité d'exploitant de réseaux ouverts au public, la société indique qu'elle n'est pas tenue de faire droit aux demandes d'interconnexion émanant de ces acteurs ;
- s'agissant des obligations comptables, [SDA] estime qu'au-delà de leur caractère lourd, ces pratiques comptables risqueraient de mettre à mal la cohérence des comptes de la société et augmenteraient les risques d'erreurs. D'autre part, la mise en place d'une nouvelle comptabilité entraînerait inéluctablement des coûts supplémentaires qui seraient supportés in fine par les utilisateurs finals. Enfin, [SDA] estime que, les obligations de non-discrimination et de transparence étant déjà respectées, les obligations comptables envisagées ne sont ni proportionnées, ni justifiées.
Enfin, [SDA] soulève les difficultés qui pourraient résulter d'une part de l'imposition de l'obligation de fournir dans des conditions transparentes et non discriminatoires, à des prix reflétant les coûts correspondants, leurs prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS, et d'autre part une interprétation très large de la notion d'opérateur de réseau ouvert au public. Ces difficultés pourraient notamment être la remise en cause du modèle d'agrégateur ou la recrudescence des spams, susceptible de perturber la qualité du réseau et des services mobiles. Ces remarques rejoignent celles formulées sur la partie introductive (cf. 1.8.1).

4.2.7.2. Réponses de l'Autorité
4.2.7.2.1. Sur l'obligation de contrôle tarifaire et le risque de messages non sollicités

A titre liminaire, l'Autorité tient à préciser qu'elle ne peut pas exclure la problématique du spam du champ de la présente analyse, même si elle considère que le spam sur mobile constitue un sujet à part entière. En effet, l'Autorité rappelle qu'au titre de l'article L. 32-1 (II) du CPCE, elle a notamment pour mission de veiller à un niveau élevé de protection des consommateurs et au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures. A cet égard, l'Autorité note que le Conseil d'Etat, dans son arrêt en date du 5 décembre 2005 UFC Que Choisir/ART, dont les requêtes n°s 277441, 277443 et 277445 portaient sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles, souligne que l'Autorité doit « concilier lorsqu'elle fixe le niveau des plafonds tarifaires, les objectifs d'efficacité économique, de promotion d'une concurrence durable entre les opérateurs et d'optimisation des avantages pour le consommateur ; que dès lors l'ART pouvait légalement prévoir, au vu des considérations, une baisse progressive de plafonds tarifaires vers un niveau de prix reflétant les coûts ».
De la même manière, le Conseil de concurrence, dans son avis du 10 mars 2006 précité (§ 32), a tenu à attirer « l'attention de l'ARCEP sur les risques que présente pour les consommateurs le développement massif de SMS publicitaires de type spam », indiquant que « (...), la baisse brutale de la terminaison SMS pourrait encourager une augmentation particulièrement sensible du trafic de SMS publicitaires. S'il existe déjà des mécanismes légaux de protection des consommateurs contre le "spamming, il convient que l'ARCEP, comme elle l'envisage d'ailleurs dans son analyse, veille à ce que son action soit globalement profitable au consommateur non seulement en terme de prix mais aussi en termes de qualité de service et protection de son bien-être ».
Sur ce point, l'Autorité considère que la présente analyse répond aux objectifs qui lui sont assignés, à savoir veiller à ce que les tarifs de TA SMS reflètent les coûts, tout en ne favorisant pas excessivement le développement de SMS publicitaires non sollicités.
En réponse aux diverses critiques exprimées, l'Autorité note que des moyens efficaces de lutte contre le spam existent et rappelle que de telles pratiques sont encadrées par ailleurs. Ainsi, l'article L. 34-5 du CPCE interdit « la prospection directe (...) utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d'une personne physique qui n'a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen ». Enfin, comme la plupart des opérateurs, l'Autorité constate que le mobile est aujourd'hui relativement épargné par le phénomène et considère qu'à partir du moment où les prestations de TA SMS ne sont pas gratuites, la dénonciation du risque de spam paraît exagérée à ce stade.
Concernant l'analyse des coûts et l'identification d'un plafond a maxima, l'Autorité renvoie à l'annexe C de la présente analyse. Suite aux éléments nouveaux versés par les opérateurs mobiles, notamment par [SDA], et en l'absence de règles définitives de comptabilisation des coûts relatifs aux prestations SMS, l'Autorité estime justifié et proportionné de fixer ce niveau tarifaire à 3 centimes d'euros pour Orange France et SFR et à 3,5 centimes pour Bouygues Telecom. L'Autorité considère par ailleurs que les diverses estimations faites par certains contributeurs ne sont pas suffisamment robustes pour fixer un niveau tarifaire plus bas, mais précise que ces niveaux de terminaison sont sans préjudice de ceux qui pourront être fixés ultérieurement sur la base d'éléments de coûts audités.
Concernant les tarifs de TA SMS pratiqués en Europe, l'Autorité réfute totalement les observations de [SDA] et d'Orange France. Pour justifier sa position, l'Autorité renvoie à la section 4.1.1.2.1 de la présente analyse en précisant que, loin d'aller contre ce qui se pratique ailleurs en Europe, la fixation de tarifs de TA SMS à 3 et 3,5 centimes d'euro s'inscrit dans la tendance européenne. En effet, l'étude comparative menée par l'Autorité au cours de l'été 2005 indique que plus la terminaison a été fixée tardivement, plus elle s'établit à un niveau bas. Cette tendance est manifeste lorsqu'on examine le cas de la Suède et des pays qui pratiquaient encore le bill and keep pour les SMS jusqu'en 2002 ou en 2003. Cet élément dynamique doit être pris en compte lorsqu'on analyse les niveaux de terminaison d'appel SMS en Europe (74).
Enfin, concernant la nécessité d'imposer une différenciation tarifaire, l'Autorité renvoie à la section 4.2.5.2 de la présente décision.

4.2.7.2.2. Sur les autres obligations envisagées par l'Autorité

S'agissant de la demande exprimée par certains contributeurs visant à imposer une obligation de publier une offre de référence, l'Autorité estime qu'en l'état actuel du marché une telle obligation n'est pas proportionnée au regard notamment des obligations relatives aux offres, présentes et futures, d'interconnexion SMS s'imposant aux opérateurs mobiles et renvoie à la section 4.2.4 de la présente décision.
S'agissant de la demande de Télé2 d'instaurer une indexation entre les tarifs de gros de la TA SMS et les prix de gros des SMS pratiqués auprès des MVNO, l'Autorité souligne que son action à la baisse sur le niveau de la TA SMS a bien vocation, dans des marchés concurrentiels, à se répercuter à l'ensemble des prix de la chaîne de valeur : prix des SMS au détail, prix du SMS Push, conditions tarifaires accordées aux MVNO, etc.
S'agissant des obligations d'interconnexion et d'accès, l'Autorité souligne que ces obligations ne signifient pas que les conditions techniques et tarifaires d'interconnexion doivent être strictement identiques suivant la nature du demandeur (opérateur mobile, agrégateur de SMS, opérateur fixe, FAI). Ces conditions doivent néanmoins être non discriminatoires. D'autre part, étant donné le faible pouvoir de négociation de certains acteurs et compte tenu des réticences exprimées par les trois opérateurs mobiles métropolitains sur ce point, l'Autorité estime que ces obligations sont nécessaires.

S'agissant des obligations de non-discrimination et de transparence, l'Autorité considère pour les mêmes raisons que ces deux obligations sont nécessaires, tout en soulignant leur complémentarité avec les obligations précédemment évoquées.
Enfin, s'agissant des obligations comptables, l'Autorité rappelle que celles-ci se situent dans le contexte des obligations déjà imposées sur la terminaison d'appel vocal, et dans le cadre desquelles les opérateurs concernés ont déjà mis en place des systèmes de comptabilisation des coûts portant sur l'ensemble des activités mobiles, et non sur la seule famille des prestations voix. A ce titre, les obligations envisagées ne sont donc pas susceptibles de représenter un surcroît de travail disproportionné pour les opérateurs concernés, compte tenu des enjeux économiques.

4.3. Commentaires des autorités réglementaires nationales
et de la Commission européenne

Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'Autorité.
La Commission européenne a transmis le 14 juillet 2006 le commentaire suivant :
« Afin d'accroître la sécurité juridique la Commission invite l'ARCEP à spécifier dans sa décision finale la voie vers un « price cap » symétrique. En outre, la Commission invite l'ARCEP à préciser le système de comptabilisation des coûts à imposer aux opérateurs disposant d'une PSM ainsi que le modèle de coûts pour évaluer les charges de terminaison d'appel SMS des MNO, afin d'inciter tous les MNO à devenir efficaces dès que possible. »
L'Autorité souhaite rappeler d'abord qu'aujourd'hui l'Autorité ne dispose pas d'éléments de coûts relatifs aux prestations de TA SMS pour chacun des trois opérateurs mobiles métropolitains, dans la mesure où SFR et Orange France ont refusé à ce stade de répondre aux demandes d'information de l'Autorité.
L'Autorité souligne qu'une fois cette décision effective, elle sera alors en mesure d'imposer à chacun des opérateurs mobiles métropolitains de comptabiliser les coûts relatifs aux SMS selon des règles qu'elle aura spécifiées, puis de lui fournir des états de coûts et de revenus audités élaborés suivant ces règles. Sur la base notamment de l'analyse de ces éléments supplémentaires de coûts dont elle disposera, l'Autorité sera en mesure de réexaminer les plafonds tarifaires fixés à titre conservatoire et de spécifier les conditions de convergence des terminaisons d'appel SMS vers un price cap symétrique, comme la Commission européenne l'y invite.
A titre incident, l'Autorité note qu'à l'instar de la terminaison d'appel voix, la spécification de ces conditions pose certaines questions, notamment celle relative au référentiel de coûts qui doit être retenu pour apprécier le respect par chaque opérateur de l'orientation de ses tarifs vers les coûts.
La spécification des conditions de convergence des TA portera notamment sur les niveaux vers lesquels les tarifs doivent converger à terme et l'échéance à laquelle la convergence sera effective ; la spécification de l'échéance de disparition de la différenciation tarifaire existant aujourd'hui sera naturellement dépendante de l'analyse des coûts menée par l'Autorité ainsi que des niveaux vers lesquels les tarifs doivent converger à terme. De plus, pour apprécier la vitesse de convergence, il convient de prendre en compte le degré de fluidité du marché de détail qui impacte la capacité d'un opérateur à atteindre un objectif d'efficacité : l'efficacité dans le secteur des communications électroniques étant directement liée aux effets d'échelle et donc dans un marché quasiment mature aux parts de marché. Le marché métropolitain est actuellement caractérisé par sa rigidité compte tenu de l'importance prépondérante des clauses d'engagement (75 % des clients post-payés sont soumis à une telle clause) et des conditions médiocres de conservation du numéro. Il apparaît donc important de prendre en compte les effets que le nouveau processus de conservation des numéros mobiles sous la forme d'un « simple guichet en dix jours », effectif début 2007, aura sur la fluidité du marché de détail.
En conséquence, l'Autorité restreint à une période maximale de deux ans la validité de l'encadrement tarifaire fixé par l'article 11 de la présente décision. Au terme de cette période, l'Autorité réexaminera les plafonds tarifaires et notamment le niveau de l'écart entre la terminaison d'appel de Bouygues Telecom et celle de SFR et d'Orange France, qu'il est justifié d'accorder transitoirement à Bouygues Telecom, et spécifiera les conditions de convergence des terminaisons d'appel SMS vers un price cap symétrique. Le projet de décision qui en résultera sera soumis à consultation publique et notifié à la Commission européenne ainsi qu'aux autres autorités réglementaires nationales,

Décide :

Définitions

Article 1

On entend par :
Offre d'interconnexion SMS, toute offre mise en place entre deux exploitants de réseau ouvert au public pour acheminer un SMS sur le réseau de l'exploitant du réseau mobile ouvert au public de destination, depuis le point d'interconnexion jusqu'à l'utilisateur final de destination.
SMS Push, les offres à caractère commercial offertes par un exploitant de réseau ouvert au public à des tiers, en vue d'acheminer un SMS sur le réseau de l'exploitant de réseau mobile ouvert au public de destination.
SMS efficace, un SMS-MT effectivement reçu par le client.

Détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel SMS
sur les réseaux mobiles ouverts au public en métropole

Article 2

Est déclaré pertinent le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur le réseau d'Orange France à destination de ses clients, en métropole. Ce marché comprend les offres d'interconnexion SMS et les offres de SMS Push, définies à l'article 1er.

Article 3

Est déclaré pertinent le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur le réseau de SFR à destination de ses clients, en métropole. Ce marché comprend les offres d'interconnexion SMS et les offres de SMS Push, définies à l'article 1er.

Article 4

Est déclaré pertinent le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur le réseau de Bouygues Telecom à destination de ses clients, en métropole. Ce marché comprend les offres d'interconnexion SMS et les offres de SMS Push, définies à l'article 1er.

Influence significative sur les marchés pertinents de gros
de la terminaison d'appel SMS

Article 5

Les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom sont réputées exercer une influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel SMS sur leur réseau, à destination de leurs clients respectifs.

Obligations imposées à ce titre

Article 6

Les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom doivent faire droit à toute demande raisonnable d'accès et d'interconnexion relative aux offres d'interconnexion SMS.
A ce titre, lorsque la demande est raisonnable et relative aux prestations des marchés pertinents précités, ou aux prestations qui leur sont associées, Orange France, SFR et Bouygues Telecom sont notamment tenus :
- de négocier de bonne foi avec les exploitants de réseau ouvert au public qui demandent la fourniture de prestations ;
- de ne pas retirer à un exploitant de réseau ouvert au public un accès déjà accordé, ou une prestation déjà fournie, sauf accord préalable de l'Autorité ou de l'exploitant de réseau ouvert au public tiers concerné.
Tout refus d'une de ces sociétés de fournir ces prestations doit être dûment motivé.
Les conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès fournies par chacun des trois exploitants de réseau mobile ouvert au public désigné comme disposant d'une influence significative doivent être suffisamment détaillées pour faire apparaître les divers éléments propres à répondre à la demande. En particulier, la fourniture d'une prestation d'accès ou d'interconnexion relative aux offres d'interconnexion SMS ne doit pas être subordonnée à la fourniture de services, de moyens ou de toute autre ressource, qui ne seraient pas nécessaires à la fourniture de cette prestation.

Article 7

Les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom doivent offrir leurs prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS dans des conditions non discriminatoires.

Article 8

Les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom sont soumises à une obligation de transparence pour la fourniture des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS.
A ce titre, chaque opérateur informe ses clients ayant recours à une offre d'interconnexion SMS des évolutions de ses conditions techniques et tarifaires, en respectant des délais de préavis raisonnables. Les principaux tarifs des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS sont publiés sur les sites Internet des opérateurs.
Chaque opérateur informe l'Autorité de la signature d'une nouvelle convention d'interconnexion SMS ou d'un avenant à une convention existante dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.

Article 9

Les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom sont soumises à une obligation de séparation comptable et à une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS.
Les modalités de ces obligations, et notamment les spécifications du système de comptabilisation des coûts, les méthodes de valorisation et les règles d'allocation des coûts, ainsi que les spécifications des obligations de restitution des coûts, seront définies par une décision ultérieure de l'Autorité.

Article 10

S'agissant de leurs prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS, les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom doivent pratiquer des prix reflétant les coûts correspondants.

Article 11

S'agissant des offres d'interconnexion SMS à destination des seuls exploitants de réseaux mobiles ouverts au public Orange France, SFR et Bouygues Telecom, les sociétés Orange France et SFR mettent respectivement en oeuvre des tarifs de terminaison d'appel SMS qui n'excèdent pas 3 centimes d'euros par SMS-MT efficace.
S'agissant des offres d'interconnexion SMS à destination des seuls exploitants de réseaux mobiles ouverts au public Orange France et SFR, la société Bouygues Telecom met en oeuvre des tarifs de terminaison d'appel SMS qui n'excèdent pas 3,5 centimes d'euros par SMS-MT efficace.
Le présent article s'applique pendant une durée de deux ans à compter de sa publication au Journal officiel de la République française, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé, conformément aux dispositions des articles D. 301 à D. 303 du code des postes et des communications électroniques.
Les opérateurs mobiles visés par la présente décision disposent de trente jours à compter de sa date de publication au Journal officiel de la République française pour se mettre en conformité avec la présente décision.

Durée de validité et exécution

Article 12

La présente décision s'applique à compter de sa publication au Journal officiel de la République française et pour une durée de trois ans, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé, conformément aux dispositions des articles D. 301 à D. 303 du code des postes et des communications électroniques.

Article 13

Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision. Il notifiera aux sociétés Orange France, SFR et Bouygues Telecom cette décision ainsi que ses annexes qui seront publiées, à l'exclusion des parties couvertes par le secret des affaires, au Journal officiel de la République française.

A N N E X E S
A N N E X E A