JORF n°185 du 11 août 2006

ANALYSE QUANTITATIVE PORTANT SUR LA NON-SUBSTITUABILITÉ VOIX - SMS

L'analyse développée ci-dessous s'appuie sur les données de l'Observatoire des marchés (enquête trimestrielle), publiées sur le site Internet de l'ARCEP (80). Il s'agit en particulier de données globales, portant sur l'ensemble des opérateurs. Les effets étudiés sont donc des effets globaux qui portent sur des comportements de masse.

D.1. Le SMS et la voix n'ont pas connu les mêmes évolutions entre 2000 et 2005
D.1.1. Le trafic SMS a progressé 3,7 fois plus vite que la voix en volume entre 2000 et 2005

Le nombre de SMS échangés a très fortement augmenté entre 2000 et 2005. En l'espace de six ans, ce nombre a été multiplié par 8.5, passant de 1,5 milliard en 2000 à près de 13 milliards en 2005, tandis que, dans le même temps, le trafic voix a doublé en volume, passant de 35,8 milliards de minutes à 81,7 milliards de minutes en 2005 (81). Les données trimestrielles recueillies depuis 2001 confirment cette tendance, comme le montrent les quatre graphiques suivants. Ils suggèrent notamment un fonctionnement propre du marché du SMS, partiellement décorrélé de celui de la voix (82).
En effet, sous l'hypothèse d'une parfaite substituabilité entre le SMS et la voix, la pente de ces deux courbes devraient théoriquement être la même, ce qui n'est manifestement pas le cas. Cela est d'autant plus vrai que la croissance du trafic SMS ne semble pas devoir se tarir, bien que ce marché commence aujourd'hui à arriver à maturité.

D.1.2. Parallèlement, le SMS prend de plus en plus de place
dans la structure de revenus des opérateurs mobiles métropolitains

Pour compléter cette analyse en volume, il peut être intéressant de noter qu'entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2005 les revenus générés par le SMS ont progressé 3 fois plus vite que ceux générés par la voix (cf. graphiques suivants).

Certes, le SMS ne représente qu'une part limitée (inférieure à 9 %) du chiffre d'affaires des trois opérateurs métropolitains (cf. graphiques suivants), mais cette part a plus que doublé en l'espace de cinq ans, passant de 3,3 % au premier trimestre 2001 à 8,6 % au quatrième trimestre 2005. Au total, les échanges de données représentent aujourd'hui plus de 10 % des revenus des opérateurs mobiles et sont amenés à se développer très fortement dans les mois et les années à venir.

Cette dernière remarque est accentuée par le fait que le SMS et, dans une moindre mesure, les autres données contribuent fortement à la croissance du chiffre d'affaires des opérateurs mobiles, notamment pendant la période des fêtes de fin d'année (cf. graphiques suivants).

D.2. Mise en évidence d'effets de saisonnalité asymétriques
entre le SMS et la voix sur les données de volume
D.2.1. Point méthodologique sur le retraitement des données :
la prise en compte des effets de parc

Dans la suite de l'étude, et notamment pour le calcul des corrélations entre les séries de trafic SMS et voix, il convient de prendre en compte l'accroissement du parc.
En effet, la croissance des trafics SMS et voix a deux composantes : une composante interne, essentiellement liée au développement des usages, c'est-à-dire à l'évolution du comportement des consommateurs (chaque utilisateur, suivant ses préférences, décide d'augmenter ou non sa consommation SMS/voix) et une composante externe, liée à l'accroissement du parc (les trafics SMS et voix augmentent mécaniquement par le simple fait que les personnes utilisant un téléphone portable sont de plus en plus nombreuses).
Ainsi, pour isoler dans l'analyse la partie liée aux comportements des consommateurs, il est nécessaire de travailler sur des données de trafic SMS (respectivement voix) corrigées des effets de parc, par exemple en divisant le nombre de SMS envoyés (respectivement les minutes consommées) par la taille du parc total.

D.2.2. Mise en évidence d'effets de saisonnalité à la fois asynchrones
et d'amplitude plus marquée pour le SMS que pour la voix

Il peut être pertinent de s'intéresser non plus aux chiffres bruts, mais aux taux de croissance trimestriels des trafics SMS et voix corrigés des effets de parc.
Dans ce cadre, il convient tout d'abord de constater que la croissance de ces deux trafics est marquée par une certaine saisonnalité (cf. graphiques suivants), qui n'est pas identique d'une série à l'autre.

En effet, les pics relatifs au trafic SMS ont une amplitude moyenne de 19,7 % sur la période 2001-2005, tandis que ceux correspondant au trafic voix s'élèvent respectivement à 4,9 % (trafic voix total) et 7,4 % (trafic M2M) sur la même période (83). Force est de constater que le SMS est marqué par des effets de saisonnalité beaucoup plus prononcés que ceux correspondant à la voix (cf. tableau suivant) :

D'autre part, il convient également de remarquer que les périodes sur lesquelles portent ces effets de saisonnalité sont décalées dans le temps. En effet, le moment où la propension des utilisateurs à envoyer des SMS est la plus forte est le premier trimestre de l'année (janvier, février, mars), tandis que le rythme de cette consommation chute régulièrement lors du deuxième trimestre (avril, mai, juin), avant de remonter lors des deux trimestres suivants.
Il en va tout autrement de la voix. Si le premier trimestre (janvier, février, mars) semble demeurer la période de l'année où les utilisateurs de téléphone portable recourent le plus massivement à la voix, le trimestre où le trafic croît généralement moins vite n'est pas le deuxième, mais le troisième trimestre de l'année (juillet, août, septembre), ce qui indique assez clairement une absence de corrélation entre les trafics SMS et voix.

D.2.3. Une décorrélation entre les trafics SMS et voix

Cette absence de corrélation est confirmée par le calcul des coefficients de corrélation entre les séries de croissance trimestrielle SMS et voix corrigées des effets de parc sur la période 2001-2005 (cf. tableau suivant) :

L'Autorité rappelle que le signe d'un coefficient de corrélation peut être positif ou négatif (séries variant en sens inverse), tandis que sa valeur absolue est, par construction, toujours comprise entre 0 (absence totale de corrélation) et 1 (corrélation parfaite).
La valeur du coefficient de corrélation entre les séries de croissance trimestrielle SMS et voix corrigées des effets de parc sur la période 2001-2005 s'élevant respectivement à 0,242 (trafic voix total) et 0,131 (trafic M2M), il en ressort que les deux séries de données sont très imparfaitement corrélées l'une à l'autre, et donc que la situation du SMS par rapport à la voix est plus proche de la non-substituabilité que de la substituabilité.

D.3. Conclusion de l'analyse comparée des données de trafics voix et SMS

Les différents éléments d'analyse portant sur les données de volume confortent la thèse selon laquelle les usages du SMS interpersonnel diffèrent de ceux de la voix. La forte croissance du trafic SMS et la mise en évidence d'effets de saisonnalité à la fois asynchrones et d'amplitudes plus marquées que ceux de la voix indiquent assez clairement que l'envoi de SMS interpersonnels et le recours à la voix sont deux modes de communication distincts qui ne sont que très imparfaitement substituables.

A N N E X E E