JORF n°0018 du 23 janvier 2018

Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 30 mai 2016, sous le numéro 12-38-16, présentée par la société Engie à l'encontre de la société GRTgaz.
Elle est relative à l'utilisation par la société GRTgaz, gestionnaire du réseau public de transport de gaz naturel, d'une modulation des flux de gaz à bas pouvoir calorifique (ci-après « gaz B »), attribués à la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L.
En application des dispositions de l'article 5 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, désormais codifiées à l'article L. 111-7 du code de l'énergie et qui prévoit que « La gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz est assurée par des personnes morales distinctes qui exercent des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz », la société Gaz de France a séparé juridiquement ses activités de transport des activités de production ou de fourniture de gaz naturel.
En conséquence, le 1er janvier 2005, la société Gaz de France Réseau Transport, devenue GRTgaz, a été créée afin d'assurer les missions de transport de gaz naturel. Elle est ainsi le gestionnaire du réseau public de transport de gaz naturel sur le réseau de gaz à bas pouvoir calorifique (ci-après « Gaz B »).
Le 22 juillet 2008, la société Gaz de France et la société Suez ont fusionné et donné naissance au groupe GDF Suez, lequel a changé sa dénomination sociale, le 29 juillet 2015, pour devenir « Engie ».

Le 25 février 2005, la société Gaz de France Réseau Transport et la société Gaz de France ont conclu un contrat d'acheminement sur le réseau de transport de gaz naturel.
Le 26 avril 2005, elles ont également conclu un contrat de conversion du gaz H en gaz B, également appelé « contrat de swap de gaz H en gaz B ».
Le 16 mai 2008, la Commission européenne a ouvert une procédure à l'encontre de la société GDF Suez en vertu de l'article 2 du règlement n° 773/2004 de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE »), anciennement articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne (ci-après « TCE »).
Le 21 octobre 2009, aux termes des engagements proposés formellement par les sociétés GDF Suez, GRTgaz et Elengy dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39-316, la société GDF Suez s'est engagée « […] à continuer le service de swap de Gaz H en Gaz B fourni à GRTgaz dans des conditions financières raisonnables sensiblement identiques aux conditions en vigueur à la date d'effet, pour que celui-ci puisse pérenniser le service régulé de conversion du gaz H en gaz B, qui permet à un expéditeur disposant de gaz H d'échanger celui-ci contre du gaz B afin d'alimenter des clients desservis en gaz B ».
Le 3 décembre 2009, la Commission européenne a rendu une décision relative à la procédure d'application de l'article 102 du TFUE de l'article 54 de l'accord EEE. S'agissant des engagements relatifs au gaz B, la Commission européenne a jugé que :
« L'engagement de GDF Suez de continuer dans des conditions sensiblement identiques aux conditions en vigueur le service de swap de gaz H en gaz B fourni à GRTgaz pour que celui-ci puisse pérenniser le service régulé de conversion du gaz H en gaz B répond de manière proportionnée aux préoccupations exprimées par la Commission concernant le verrouillage des capacités d'importation de gaz B en France et l'absence de possibilité pour les expéditeurs tiers de contester la position dominante de GDF Suez sur le marché français de la fourniture de gaz B. En effet, cet engagement permettra aux expéditeurs tiers d'avoir accès à une source d'approvisionnement de gaz B à l'intérieur du territoire français dans des conditions économiques leur permettant de concurrencer efficacement GDF Suez. »
Le 8 novembre 2010, la société GDF Suez a informé la société GRTgaz qu'elle s'est retrouvée « dans l'impossibilité, du fait de GRTgaz, pendant 488 heures, de respecter son obligation contractuelle d'enlèvement minimum horaire sur le contrat B86 alimentant la zone B. »
A ce titre, la société GDF Suez a fait valoir que la société GasTerra l'a mise en demeure de lui communiquer les données horaires permettant de calculer précisément les défauts sur les périodes et de respecter son obligation contractuelle par le biais d'actions appropriées.
Par conséquent, elle a indiqué qu'elle souhaitait que « des contacts soient pris dès la mi-novembre 2010 entre les équipes de GRTgaz et [GDF Suez] afin de contractualiser rapidement les réclamations légitimement formulées par [GasTerra]. »
Enfin, la société GDF Suez a informé la société GRTgaz de sa demande d'entrevue à la Commission de régulation de l'énergie pour l'informer de ce sujet et des actions qu'elle souhaite engager.
Le 30 novembre 2010, la société GRTgaz a rappelé à la société GDF Suez que leur dispatching ne fait « aujourd'hui l'objet d'aucun encadrement contractuel ». Elle a également indiqué que des discussions sur un contrat de flexibilité journalière étaient en cours afin de permettre à la société GRTgaz d'assurer l'équilibre journalier du réseau « sans faire subir à [GDF Suez] de pénalités d'équilibrage au titre de son contrat d'acheminement ». De surcroît, la société GRTgaz a reconnu la nécessité de conclure « un contrat de flexibilité intra-journalière permettant à GRTgaz d'assurer l'équilibrage à tout instant de ce réseau sans faire subir à [GDF Suez] de préjudices au titre de son contrat d'approvisionnement en gaz B. »
Le 20 avril 2011, la société GDF Suez a transmis à la société GRTgaz un projet de protocole opératoire pour la transmission par la société GRTgaz à la société GDF Suez des données de pilotage des enlèvements à Taisnières B. Ledit projet a pour objet de « formaliser contractuellement le service de prestation de flexibilité fourni par GDF Suez à GRTgaz pour l'équilibrage de la Zone B (« Contrat de flexibilité Taisnières B »), une fois que certains éléments économiques relatifs notamment au prix de ce service de flexibilité et aux pénalités dues par GRTgaz en cas de non-respect des contraintes de flexibilité convenues entre les parties auront été déterminées. »
Le 27 mai 2011, la société GDF Suez a demandé à la société GRTgaz de s'engager sur le niveau de flexibilité dont elle avait besoin jusqu'en 2016 et de prendre à sa charge les conséquences financières des ajustements du contrat d'approvisionnement « B86 » pour la campagne d'injection au titre de l'année 2011. Le même jour, la société GDF Suez a transmis à la société GRTgaz une estimation chiffrée de la « prestation de flexibilité » par la société GRTgaz à partir des coûts fixes du contrat d'approvisionnement « B86 » et du coût de la chaîne de transport depuis le point de livraison du contrat. Le montant s'élevait à hauteur [entre 30 et 40] millions d'euros par an. Par ailleurs, la société GDF Suez a sollicité la signature - dans des délais compatibles avec la mise en place du tarif pour l'année 2012 - d'un contrat encadrant la prestation de flexibilité.
Le 29 juillet 2011, la société GRTgaz a demandé à la société GDF Suez de préciser les éléments ayant conduit à cette évaluation de coût, fixée à hauteur de [entre 30 et 40] millions d'euros par an, afin de pouvoir demander à la Commission de régulation de l'énergie sa prise en charge dans le tarif du transport pour l'année 2012. La société GRTgaz a également indiqué dans ce courrier avoir pris des mesures en interne afin de mieux piloter les flux à Taisnières B au pas de temps journalier et infra-journalier.
Le 10 octobre 2011, la société GDF Suez a transmis à la société GRTgaz la lettre adressée à la Commission de régulation de l'énergie par laquelle elle a demandé la création rapide, sous son égide, d'un groupe de travail différent de la concertation Gaz et réunissant spécifiquement les sociétés GDF Suez et GRTgaz afin de permettre « l'adoption, en vue de la prochaine mise à jour de la grille tarifaire prévue au 1er avril 2012, du cadre opérationnel et financier permettant la viabilité de [la] prestation de flexibilité et, ainsi, la réalisation de la mission d'équilibrage conférée à GRTgaz par la loi du 3 janvier 2003 ».
Le 29 octobre 2012, la Commission de régulation de l'énergie a adressé un courrier à la société GRTgaz en réponse à sa demande tendant à la prise en compte dans le tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel (ATRT) d'un montant de [entre 30 et 40] millions d'euros par an correspondant à la facturation par la société GDF Suez d'une prestation de flexibilité pour la zone B à compter de l'année 2013.
La Commission de régulation de l'énergie a d'abord indiqué que la société GDF Suez n'avait pas négocié de distinction ou rémunération complémentaire particulière au titre de la flexibilité mise à disposition de la société GRTgaz depuis 2005 dans le cadre des engagements pris par la société GDF Suez vis-à-vis de la Commission européenne. Elle s'est ensuite interrogée sur la compatibilité de la facturation d'une « prestation de flexibilité » pour la zone B avec les objectifs poursuivis par la Commission européenne.
Enfin, elle a indiqué à la société GRTgaz qu'il revenait à la société GDF Suez d'obtenir auprès de la Commission européenne la confirmation de la compatibilité de cette demande avec les engagements pris dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39-316. En cas de réponse positive, il reviendrait ensuite à la société GDF Suez de fournir à la société GRTgaz l'ensemble des éléments justificatifs du montant annuel de cette prestation afin qu'elle puisse être couverte par le tarif ATRT5.
Le 15 février 2013, la société GRTgaz et la société GDF Suez ont signé un accord valant règlement de la médiation engagées par elles.
Le 1er mars 2013, la société GRTgaz et la société GDF Suez ont conclu une convention de mission de médiation.
[confidentiel]
Le médiateur a précisé que le contrat de conversion de gaz H en gaz B ne couvre par la prestation de flexibilité bien qu'« il offre une certaine tolérance journalière d'écart entre le niveau d'utilisation programmée d'une journée et le niveau réalisé. » De même, le médiateur a fait valoir que le contrat d'acheminement ne couvre pas la prestation de flexibilité. La Médiation a, par conséquent, estimé nécessaire la signature d'un accord entre les sociétés Engie et GRTgaz qui aurait pour objet la prestation de flexibilité.
S'agissant de la charge financière de la prestation, le médiateur a précisé qu'elle est un élément à inclure dans les tarifs d'utilisation des réseaux de transport, les charges d'équilibrage devant être supportées in fine par les utilisateurs du réseau. Le médiateur a indiqué que la compensation due à la société GDF Suez pour la prestation de flexibilité doit « n'inclure que les coûts réellement subis et directement attribuables à la fourniture de la prestation. » [confidentiel] Le médiateur a ainsi recommandé qu'un régime autonome de pénalités tarifaires soit appliqué par les parties en cas de dépassement de bornes minimales et maximales de flexibilité qui auraient été préalablement fixées par les parties.
Le 20 mai 2016, la société Engie a informé la société GRTgaz de la baisse de production croissante de gaz B au sein de l'exploitation du gisement de Groningue qui pourrait engendrer « une baisse inattendue et rapide des volumes de gaz B livrés par Gasterra ». La société Engie a également indiqué que le plan de conversion devrait s'achever en 2028. Dès lors, la société Engie, « en tant qu'opérateur prudent et raisonnable et dans l'intérêt de la sécurité d'approvisionnement du marché gazier français », a demandé à la société GRTgaz qu'un projet alternatif de conversion accéléré soit étudié et proposé d'ici septembre 2016.

Vu la saisine, enregistrée le 30 mai 2016, présentée par la société Engie, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 542 107 651, dont le siège social est situé 1, place Samuel de Champlain, 92400 Courbevoie, représentée par son représentant légal dûment habilité, ayant pour avocats Mes Michel GUENAIRE et Pierre-Adrien LIENHARDT, cabinet Gide Loyrette Nouel, 22, cours Albert 1er, 75008 Paris.
En application des dispositions des articles L. 431-3 à L. 431-5 du code de l'énergie, la société Engie fait d'abord valoir que la société GRTgaz est tenue d'assurer l'équilibrage du réseau « à tout instant » et, à cette fin, mettre en place des moyens physiques et contractuels appropriés. Autrement dit, la société GRTgaz doit assurer l'équilibrage au pas de temps le plus court possible pour la gestion des flux, soit le pas de temps horaire ou « intra-journalier ». La société Engie rappelle que les expéditeurs sont également soumis par la société GRTgaz à une obligation d'équilibrage au pas de temps journalier. Elle précise que la flexibilité intra-journalière correspond à « l'écart instantané entre les entrées de gaz et les consommations. »
Dès lors, la société Engie en déduit qu'il appartient à la société GRTgaz « d'encadrer et de sécuriser cette prestation spécifique de flexibilité horaire, dans le respect des règles d'attribution et de contractualisation applicables, le cas échéant. » A ce titre, elle ajoute que le gestionnaire de réseaux a la faculté de modifier de son propre chef, chaque heure, à la hausse ou à la baisse, la quantité programmée par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L grâce aux volumes enlevés et nominés au pas de temps horaire au titre du contrat d'approvisionnement de long terme conclu entre la société Gas Terra et la société Engie.
Par conséquent, la société Engie définit la « prestation de flexibilité » comme « la faculté utilisée par GRTgaz d'enlever ou de restituer au point d'interconnexion Taisnières B (réseau GRTgaz) - Blaregnies B (réseau Fluxys, en Belgique), heure par heure, des volumes de gaz dans un délai court, et sans préavis. »
Aux termes du rapport de médiation du 10 octobre 2013, des travaux préparatoires de l'ATRT 5 et de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie portant décision de ce tarif, elle en déduit que la prestation de flexibilité qu'elle réalise au profit de la société GRTgaz bénéficie à l'équilibrage du réseau de gaz B dont cette dernière à la charge.
Toutefois, la société Engie indique que cette prestation de flexibilité est réalisée en dehors de tout cadre contractuel dès lors qu'aucun des deux contrats qui la lient actuellement à la société GRTgaz ne recouvre ni ne concerne ladite prestation.
D'une part, s'agissant du contrat d'acheminement conclu avec la société GRTgaz, elle fait valoir que son article 2.2.1 des conditions générales ne prévoit qu'une obligation d'équilibrage journalier qui relève du droit commun applicable à tous les expéditeurs et ne saurait être confondue avec la prestation de flexibilité qu'elle réalise et qui est relative à l'équilibrage horaire de la zone B. Elle ajoute ainsi qu'elle effectue un « service supplémentaire » qui va au-delà de son obligation d'équilibrer le réseau sur un pas de temps journalier. En outre, elle soutient que les stipulations de l'annexe 1.1 complétant l'article 13.1 des conditions générales du contrat d'acheminement n'ont pas pour objet d'équilibrer le réseau au pas de temps horaire [confidentiel].
D'autre part, s'agissant du contrat de conversion de gaz H en gaz B, elle fait valoir qu'il a une finalité bien distincte de celle de la « prestation de flexibilité » qui a pour objet de « définir les conditions dans lesquelles Engie assure au bénéfice de GRTgaz une prestation permettant à GRTgaz de rendre un service de conversion de quantités de gaz H en quantités de gaz B aux fournisseurs de clients sur la zone B, en fonction des nominations journalières desdits fournisseurs » et, in fine, de permettre l'émergence d'une offre concurrente de la sienne lors de l'ouverture des marchés. Elle ajoute que la prestation de conversion n'envisage aucune flexibilité horaire dès lors qu'il s'agit d'un service rendu sur base journalière. Elle indique que les stipulations de l'article 7 du contrat de conversion de gaz H en gaz B, qui prévoient une tolérance de [entre 0 et 20] % entre la quantité journalière effectivement convertie et la quantité journalière qui avait été programmée par la société GRTgaz, a pour finalité de couvrir des erreurs de prévision des expéditeurs tiers sans pouvoir être utilisée à des fins de flexibilité horaire. Elle ajoute qu'une telle tolérance, qui est habituelle des contrats gaziers, répond avant tout à une exigence de gestion opérationnelle du réseau de transport qui est sujette à quantités d'aléas, contraintes et maintenances techniques.
Enfin, la société Engie soutient que les relations contractuelles qui la lient à la société GRTgaz doivent évoluer afin d'encadrer l'ensemble de la prestation de flexibilité. En effet, en application des dispositions de l'article 1371 du code civil, la société Engie fait valoir que la société GRTgaz bénéficie depuis plusieurs années d'une prestation de flexibilité qu'elle ne paie pas. Il en résulte un enrichissement de la société GRTgaz corrélatif à un appauvrissement de la société Engie qui devrait lui ouvrir droit au versement d'une indemnité au titre de la « prestation de flexibilité » qu'elle réalise pour la société GRTgaz.
De surcroît, en application des règles régissant les entreprises verticalement intégrées, la société Engie indique que la prestation de flexibilité nécessite « un accord commercial et financier ayant pour objet l'équilibrage horaire du réseau gazier exécuté par Engie au bénéfice de GRTgaz, doit donc (a) faire l'objet d'un contrat, (b) qui doit être approuvé par la Commission de régulation de l'énergie, et (c) être conforme aux conditions du marché. » Or, la société Engie fait valoir qu'aucune des trois conditions précitées n'est remplie.
De plus, la société Engie rappelle que les règles de transparence et de non-discrimination impliquent que les expéditeurs soient traités de la même manière par le gestionnaire du réseau de transport ainsi que la mise en place d'une procédure d'appel d'offres lorsque le gestionnaire de réseau de transport souhaite recourir à un expéditeur pour la satisfaction de ses besoins.
Enfin, et par analogie avec les règles applicables au secteur de l'électricité, la société Engie indique que lorsque le gestionnaire du réseau de transport recourt à des mécanismes permettant d'assurer l'équilibrage, ces derniers donnent lieu à la conclusion d'un contrat et au paiement d'une rémunération.
La société Engie demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :

- « constater que la prestation de flexibilité participe de l'équilibrage du réseau de transport de gaz naturel géré par GRTgaz ;
- constater que GRTgaz doit assumer la prestation de flexibilité et que, si elle ne peut l'assurer, elle doit la confier à un prestataire et la soumettre à un encadrement contractuel et une contrepartie financière dans les conditions prévues par le Code de l'énergie ;
- constater, tant que Engie est le seul prestataire de service retenu, que la rémunération de la prestation de flexibilité doit (i) compenser le coût de flexibilité horaire achetée par Engie auprès de GasTerra, (ii) compenser le coût de transport de la flexibilité horaire à travers le réseau belge, (iii) compenser tout autre coût exposé et justifié par Engie qui serait directement lié à la fourniture de la prestation de flexibilité, et (iv) intégrer une marge raisonnable pour Engie ;
- dire que le montant de la rémunération due par GRTgaz à Engie devra être évalué chaque année en fonction des coûts effectivement supportés par Engie ;
- dire qu'il sera fait une juste appréciation du montant annuel dû par GRTgaz à Engie au titre de la Prestation de flexibilité en le fixant à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015 ;
- enjoindre à GRTgaz de transmettre à Engie une convention conforme aux motifs de la décision du CORDIS à intervenir, de signer et d'exécuter cette convention. »

Vu les observations en défense, enregistrées le 27 juillet 2016, présentées par la société GRTgaz, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 440 117 620, dont le siège social est situé au 6, rue Raoul Nordling, 92270 Bois Colombes, représentée par son représentant légal, ayant pour avocats Mes Paul Ravetto et Jody Granados, cabinet Ravetto Associés, 6, square de l'Opéra Louis Jouvet, 75009 Paris.
A titre liminaire, la société GRTgaz fait valoir que la procédure de règlement de différend introduite devant le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n'est en aucun cas le prolongement de la médiation [confidentiel].
En premier lieu, la société GRTgaz indique que la prestation de flexibilité est d'ores et déjà contractualisée dans le cadre de clauses spécifiques du contrat de conversion d'une part, et du contrat d'acheminement, d'autre part.
S'agissant du contrat de conversion conclu entre les parties le 26 avril 2005, la société GRTgaz précise qu'il porte à titre principal sur une prestation d'échange de gaz, et non sur une prestation de flexibilité. Toutefois, la société GRTgaz fait valoir que les stipulations de l'article 7 du contrat de conversion, relatif aux règles d'allocations, introduisent une tolérance entre la quantité journalière convertie et la quantité journalière programmée en ce qu'elles prévoient que la valeur absolue de l'écart entre ces deux valeurs ne peut excéder [entre 0 et 20] %. Ainsi, elle en déduit qu'elle peut faire appel à un tel service pour couvrir ses besoins de flexibilité journalière dès lors que l'écart est imputable à une erreur de prévision de la consommation des autres expéditeurs ayant une offre de fourniture sur la zone B, point qui, selon elle, n'est pas contesté par la société Engie. La société GRTgaz en déduit qu'une partie de la flexibilité fournie par la société Engie est contractualisée aux termes du contrat de conversion.
S'agissant du contrat d'acheminement conclu entre les parties le 25 février 2005, la société GRTgaz fait valoir que son annexe 5.1 contient une clause relative à la détermination des quantités de gaz à Taisnières B qui stipule que la quantité enlevée à Taisnières B est égale à la quantité mesurée diminuée de la somme des quantités allouées aux autres expéditeurs. Elle en conclut qu'une telle clause l'autorise à affecter à la société Engie l'écart entre les flux réalisés à Taisnières B et les quantités affectées aux autres expéditeurs.
La société GRTgaz ajoute que la distinction opérée par la société Engie entre « flexibilité horaire » et « flexibilité journalière » est « artificielle ». Elle indique qu'aucune disposition n'encadre les conditions et modalités de recours aux différentes sources de flexibilité lui permettant d'assurer sa mission d'équilibrage du réseau telle que précisée à l'article L. 431-3 du code de l'énergie. La société GRTgaz en déduit qu'elle dispose de facto d'une certaine marge de manœuvre et qu'il n'y a pas lieu d'affecter un pas de temps spécifique à la flexibilité.
Au surplus, elle soutient que la société Engie n'a pas toujours considéré que la notion de flexibilité horaire devait être nécessairement associée à la prestation de flexibilité puisqu'elle aurait admis auparavant, à plusieurs reprises, que la prestation couvrait les besoins de la société GRTgaz en « flexibilité journalière et intra-jounalière » et que la flexibilité intra-journalière n'était qu'un accessoire, tant en volumes qu'en montants.
En deuxième lieu, la société GRTgaz précise que la prestation de flexibilité est d'ores et déjà rémunérée aux termes des stipulations du contrat de conversion. Dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316, la société GRTgaz indique qu'il convient de s'interroger sur la compatibilité de la demande de rémunération additionnelle formulée par la société Engie et de son engagement pris le 21 octobre 2009. Elle fait valoir qu'une telle demande pourrait aller à l'encontre de l'objectif d'ouverture à la concurrence du marché de gaz B et que toute rémunération additionnelle « aurait vocation à intégrer les coûts couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux » [confidentiel].Elle précise également que la prise en compte d'une rémunération supplémentaire de la flexibilité aurait pour conséquence une « augmentation considérable du prix d'entrée à Taisnières B » ce qui conduirait à dégrader les conditions d'exercice de l'activité des concurrents de la société Engie sur le marché du gaz B. En conséquence, la société GRTgaz demande au comité de bien vouloir auditionner le mandataire indépendant qui a été désigné pour superviser le respect des engagements pris par la société Engie dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316 pour s'assurer de la compatibilité d'une telle demande avec les engagements pris par la société Engie auprès de la Commission européenne.
En outre, la société GRTgaz soutient que les coûts liés à la fourniture de gaz B sont couverts par les tarifs réglementés de vente en application du principe de couverture totale des coûts d'approvisionnement et des coûts hors approvisionnement supportés par un fournisseur historique tels qu'énoncés aux articles L. 445-3, R. 445-2 et R. 445-4 du code de l'énergie. A ce titre, elle précise qu'une partie significative de ces coûts provient des contrats d'approvisionnement à long terme conclus par la société Engie.
Elle en conclut qu'à défaut pour la société Engie de pouvoir apporter la preuve du contraire, sa demande de rémunération additionnelle devra être rejetée par le comité car elle ne peut bénéficier d'une double rémunération. Au surplus, elle ajoute que les parties sont liées par un « accord tacite concernant l'absence de rémunération particulière et additionnelle à la fourniture de flexibilité. »
Enfin, la société GRTgaz fait valoir que la rémunération additionnelle soulevée par la société Engie au titre de la réalisation de la prestation de flexibilité engendrerait une distorsion de concurrence d'une part, et méconnaîtrait le principe de transparence, d'autre part.
En particulier, la société GRTgaz soutient que la prestation de flexibilité réalisée par la société Engie à son profit ne méconnait pas les règles sur l'indépendance du gestionnaire de réseau telles qu'énoncées à l'article L. 111-18 du code de l'énergie. Au contraire, elle fait valoir que la rémunération additionnelle sollicitée par la société Engie est de nature à méconnaître les conditions de neutralité puisqu'elle instaurerait une distorsion de concurrence dans la mesure où l'augmentation du tarif ATRT en résultant pénaliserait les expéditeurs concurrents de la société Engie qui ne sont pas les principaux bénéficiaires de la prestation d'équilibrage.
Elle ajoute que l'octroi d'une rémunération additionnelle telle que sollicitée par la société Engie au titre de la prestation de flexibilité serait contraire au principe de transparence énoncé aux dispositions des articles L. 431-3 et L. 441-3 du code de l'énergie dès lors que la société Engie ne fournit aucun élément tangible et fiable permettant de vérifier l'exactitude et le bien-fondé du montant qu'elle sollicite.
La société GRTgaz demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- « constater que la Prestation de flexibilité ne se résume pas à la prestation de « flexibilité horaire » invoquée par la société Engie ;
- constater que la Prestation de flexibilité est déjà contractualisée et rémunérée ;

Par conséquent :

- rejeter les demandes formulées par la société Engie tendant à ce que le comité :
- « [constate] que Engie est le seul prestataire de service retenu, que la rémunération de la Prestation de flexibilité doit (i) compenser le coût de flexibilité horaire achetée par Engie auprès de GasTerra, (ii) compenser le coût de transport de la flexibilité horaire à travers le réseau belge, (iii) compenser tout autre coût exposé et justifié par Engie qui serait directement lié à la fourniture de la prestation de flexibilité, et (iv) intégrer une marge raisonnable pour Engie ;
- [dise] que le montant de la rémunération due par GRTgaz à Engie devra être évalué chaque année en fonction des coûts effectivement supportés par Engie ;
- [dise] qu'il sera fait une juste appréciation du montant annuel dû par GRTgaz à Engie au titre de la Prestation de flexibilité en le fixant à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015 ;
- [enjoigne] à GRTgaz de transmettre à Engie une convention conforme aux motifs de la décision du CORDIS à intervenir, de signer et d'exécuter cette convention. »

Vu les observations en réplique, enregistrées le 25 octobre 2016, présentées par la société Engie.
A titre préliminaire, la société Engie fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie est parfaitement compétent pour connaître du différend qui l'oppose à la société GRTgaz. En application du dernier alinéa de l'article L. 134-19 du code de l'énergie, elle soutient que le comité est compétent pour « interpréter les contrats existants entre Engie et GRTgaz pour déterminer si la Prestation de flexibilité y est ou non prévue et il peut également apprécier le respect par GRTgaz des obligations qui s'imposent à lui s'agissant de ses relations avec les autres entreprises de l'entreprise verticalement intégrée à laquelle elle appartient. »
La société Engie rappelle que si la société GRTgaz a recours à de la flexibilité intra-journalière, celle-ci ne peut être que sur une base horaire dès lors que, pour des raisons opérationnelles, il s'agit du pas de temps le plus court en « entrée France ».
Dans le cadre de l'exécution du contrat de conversion, elle ajoute que la société GRTgaz est mal venue à contester la réalité d'une prestation horaire dès lors qu'elle en fait l'utilisation au travers d'appels de flexibilité horaire et qu'elle en reconnait l'existence aux termes de ses écrits dans le cadre des échanges relatifs au Protocole au pilotage de la prestation.
S'agissant du contrat d'acheminement, la société Engie fait valoir que son annexe 1.1 avait vocation à être provisoire au moment de la conclusion dudit contrat dès lors que la société Engie détenait la majorité de la clientèle de la zone. Elle indique qu'elle avait alors le rôle d'« expéditeur d'équilibre » qui a désormais disparu à l'issue de la mise en place entre la société GRTgaz et les expéditeurs tiers de réseaux adjacents dans la zone B. Ainsi, elle précise que la société GRTgaz a utilisé cette annexe « aux fins de détourner une ressource d'un expéditeur au bénéfice des autres expéditeurs de la zone, de façon totalement abusive. » Enfin, elle ajoute que la règle d'allocation prévue à l'annexe 1.1 du contrat d'acheminement renvoie à un équilibrage journalier et ne saurait, contrairement à ce qu'indique la société GRTgaz, ne faire qu'un avec la notion d'équilibrage horaire. Elle précise que depuis la mise en place d'un « operational balancing account » (ci-après « OBA »), conclu le 1er octobre 2016, l'annexe 1.1 a disparu ce qui met un terme à son rôle d'expéditeur d'équilibre que la société GRTgaz a fait abusivement peser sur elle. Au surplus, la société Engie soutient que les dispositions du contrat d'acheminement n'incluent pas la prestation de flexibilité dès lors qu'elles n'ont jamais eu pour objet d'assurer l'équilibrage du réseau au pas de temps horaire.
S'agissant du contrat de conversion, la société Engie rappelle qu'elle ne peut faire droit à une demande de modification du programme journalier de conversion à l'intérieur de la journée gazière que sous réserve du respect d'un préavis de trois heures et pour des volumes limités et décroissants vers zéro à la fin de la journée. Elle ajoute que les demandes de modification sont effectuées en tenant compte du prorata de la quantité journalière programmée préalablement pour les heures passées et de telle sorte que la variation n'excède pas un vingt-quatrième de la capacité journalière sur les heures restantes du jour.
La société Engie fait valoir que la prestation de flexibilité est utilisée par la société GRTgaz pour l'équilibrage du réseau. A ce titre, elle soutient qu'elle doit être intégrée en tant que telle au tarif d'utilisation de son réseau et qu'il ne peut être allégué que la société Engie est intégralement rémunérée de la prestation au moyen des tarifs réglementés de vente. Elle précise que cela revient à considérer que le coût d'une prestation rendue pour l'équilibrage du réseau au bénéfice de tous « soit facturé à une catégorie isolée et minoritaire de clients ayant opté pour une fourniture aux tarifs réglementés de vente. » A ce titre, elle fait valoir que les ventes aux tarifs réglementés ne représentent qu'une part minime de ses volumes annuellement importés.
Elle indique que la société GRTgaz n'apporte aucun élément justifiant que le contrat d'acheminement prévoie une rémunération pour l'exécution de la prestation de flexibilité.
La société Engie indique que l'allégation par la société GRTgaz s'agissant de l'existence d'un accord tacite entre les deux sociétés ne résiste pas à l'analyse dès lors qu'à la fin des années 60, elles constituaient une personne morale unique et qu'une telle prestation n'a été clairement identifiée et isolée qu'à partir de 2010.
S'agissant des règles régissant les entreprises verticalement intégrées, la société Engie rappelle que le code de l'énergie impose au gestionnaire de réseau lorsqu'il acquiert des prestations auprès de tiers, de le faire dans des conditions justes et transparentes et d'appliquer aux entreprises de l'entreprise verticalement intégrée le même traitement que celui qu'aurait reçu toute entreprise prestant à son profit des services et non des conditions plus défavorables.
Enfin, la société Engie soutient que la société GRTgaz est mal venue « à prétexter que la rémunération demandée par Engie aurait pour effet de renchérir le coût du tarif de transport pour les autres usagers » ce qui serait de nature à instaurer une discrimination entre utilisateurs de réseau. En effet, elle indique que s'il existe un objectif de limitation des coûts liés au tarif de transport, le gestionnaire de réseau ne peut pour autant revendiquer la gratuité des prestations qui lui sont fournies par des tiers dans le cadre des missions qui lui sont confiées.
La société Engie persiste, par conséquent, dans ses précédentes écritures.

Vu les observations en duplique, enregistrées le 16 janvier 2017, présentées par la société GRTgaz.
La société GRTgaz fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n'est pas compétent pour apprécier le montant annuel prétendument dû à la société Engie au titre de la prestation de flexibilité.
Selon la société GRTgaz, une telle demande de paiement relève de la compétence du juge du contrat, et en particulier du tribunal de commerce, le comité ne pouvant se substituer à ce dernier. Dès lors, la société GRTgaz fait valoir que le comité ne pourra que rejeter la demande de la société Engie tendant à fixer le montant annuel prétendument dû à la société Engie à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015.
Au surplus, et en tout état de cause, la société GRTgaz soutient que le comité ne saurait faire droit à une telle demande « eu égard aux données parcellaires et partiales invoquées par la société Engie pour justifier le niveau de cette rémunération. »
S'agissant de l'exécution de la prestation de flexibilité dans le cadre du Contrat de swap, la société GRTgaz ajoute que la société Engie ne conteste pas la possibilité offerte à la société GRTgaz de faire appel au service de conversion pour couvrir ses besoins de flexibilité journalière.
S'agissant de l'exécution de la prestation de flexibilité dans le cadre du Contrat d'acheminement, la société GRTgaz fait valoir que l'annexe 1.1 est toujours applicable dans la mesure où aucun avenant au contrat d'acheminement n'a été signé à ce jour à la suite de la mise en place de l'Operational balancing agreement (OBA).
En tout état de cause, la société GRTgaz fait valoir que ce moyen est dénué de portée juridique dès lors que ses demandes formulées devant le comité portent sur les années 2010-2015, soit sur une période antérieure à la mise en place de l'OBA.
En deuxième lieu, la société GRTgaz indique que la société Engie n'apporte aucun élément justifiant que ses « doléances » portent effectivement sur la flexibilité sur la zone B.
En dernier lieu, la société GRTgaz fait valoir que la société Engie ne peut valablement soutenir qu'elle a utilisé l'annexe litigieuse aux fins de détourner une ressource d'un expéditeur au bénéfice des autres expéditeurs de la zone, de façon totalement abusive, puisque la société Engie est le principal expéditeur et l'unique importateur sur la zone B. Elle ajoute que le principe de non-discrimination n'exclut pas de traiter de façon différente des situations différentes.
Par ailleurs, la société GRTgaz soutient que la société Engie part d'un postulat erroné qui repose sur une instrumentalisation d'un protocole à visée purement opérationnelle pour écarter la prise en compte de la flexibilité assurée dans le cadre du contrat de swap et du contrat d'acheminement.
S'agissant de la couverture des coûts d'approvisionnement en gaz, la société GRTgaz fait valoir qu'elle n'a jamais prétendu faire peser sur un client final de la société Engie un coût attaché à la mission du transporteur dès lors qu'elle la rémunère pour sa prestation de flexibilité et que les coûts ainsi supportés par le gestionnaire ont vocation à être intégré dans l'ATRT. Elle rappelle que les coûts d'approvisionnement du fournisseur historique sont en principe couverts par les tarifs réglementés de vente et par les offres de marché. Dès lors, la société GRTgaz invite le comité à constater que la société Engie ne subit aucune « spoliation » du fait de la mise à disposition de la société GRTgaz à Taisnières B d'une partie de l'énergie achetée auprès de l'opérateur Gas Terra.
S'agissant de la demande de rémunérations complémentaires, la société GRTgaz rappelle que les premiers textes imposant une dissociation entre les activités régulées et les activités concurrentielles ont été adoptées avant la création de la société GRTgaz en 2005 et se traduisaient notamment, en pratique, par l'adoption d'un protocole qui est un « accord de nature contractuelle conclu au sein d'une même personne ». Dès lors, la société Engie ne peut valablement prétendre qu'aucun accord n'a été conclu en 2010.
La société GRTgaz persiste, par conséquent, dans ses dernières écritures et demande également au comité :

- d'auditionner le mandataire désigné dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316, pour s'assurer de la compatibilité entre la rémunération additionnelle sollicitée par la société Engie et l'engagement pris par cette dernière aux termes de la procédure susvisée ;
- d'auditionner le directeur des marchés de la Commission de régulation de l'énergie sur la couverture des coûts liés à la fourniture de gaz B par les tarifs réglementés de vente depuis la fin des années 60 ou, depuis l'ouverture du marché de la fourniture du gaz à la concurrence, par le prix des offres de marché.

Vu la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, a demandé à la société Engie de bien vouloir lui adresser avant le 27 février 2017 :

- le contrat d'approvisionnement de long terme conclu entre la société Engie et la société Gas Terra, dit contrat « B86 », ainsi que ses avenants depuis le 25 février 2005 ;
- le bilan des pénalités versées par Engie à Gas Terra au titre du contrat « B86 » depuis le 26 avril 2005, qui seraient la conséquence de dépassements de capacités converties par GRTgaz au titre du contrat de conversion de gaz H en gaz B : montants journaliers versés, éléments ayant conduit à la facturation de ces pénalités et dates d'occurrence.

Le rapporteur a également demandé à la société Engie de bien vouloir lui indiquer avant le 27 février 2017 dans le cadre du contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B :

- les Quantités journalières converties et les Quantités journalières programmées (nominations initiales et renominations) de conversion entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2015 en mettant en évidence les occurrences éventuelles de dépassement journalier et intra-journalier du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % (en valeur absolue) entre les quantités programmées et les quantités converties survenues entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2015 ;
- la procédure de communication, ou sa description si celle-ci n'est pas formalisée (informations communiquées, vecteurs de communication et plage horaire de communication), appliquée par la société GRTgaz et la société Engie concernant les nominations et renominations à Taisnières B dans le cadre de conversion de gaz H en gaz B pendant la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011 et depuis le 1er avril 2011 ;
- le bilan des pénalités payées par la société GRTgaz à la société Engie, au titre de dépassements de la capacité journalière de conversion (montants journaliers versés et dates d'occurrence) depuis le 26 avril 2005.

Vu la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, a demandé à la société GRTgaz de bien vouloir lui adresser avant le 27 février 2017 :

- les quantités journalières allouées agrégées par point (PITS, PITD, PIC, PIR) sur le réseau de gaz à bas pouvoir calorifique (gaz B) en France entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2015 ;
- l'historique des nominations et renominations à Taisnières B depuis le 1er janvier 2010.

Le rapporteur a également demandé à la société GRTgaz de bien vouloir lui indiquer avant le 27 février 2017 dans le cadre du contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B :

- la procédure de communication, ou sa description si celle-ci n'est pas formalisée (informations communiquées, vecteurs de communication et plage horaire de communication), appliquée par la société GRTgaz et la société Engie concernant les nominations et renominations à Taisnières B dans le cadre du contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B pendant la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011 et depuis le 1er avril 2011 ;
- les cas de dépassement journalier et intra-journalier du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % (en valeur absolue), entre les quantités converties et les quantités programmées depuis le 26 avril 2005 : liste des éventuels cas de dépassement, en indiquant pour chaque cas la date, la plage horaire, la quantité convertie et la quantité programmée ;
- le bilan des pénalités payées par la société GRTgaz à la société Engie, au titre de dépassements de la capacité journalière de conversion depuis le 26 avril 2005.

Vu la réponse en date du 27 février 2017, de la société GRTgaz à la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle elle a adressé au rapporteur, en charge de l'instruction du dossier :

- les allocations au point d'interconnexion réseau Taisnières B, aux points d'interface transport distribution et aux points de livraison clients situés en zone B, au point d'interface transport stockage Nord B, ainsi qu'au point d'interface transport production d'Arleux, pour la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2015 ;
- les nominations au point Taisnières B, pour la période allant du 1er janvier 2010 au 13 février 2017. Les données antérieures au 25 février 2012 correspondent à la dernière nomination de la journée gazière. Les données postérieures au 25 février 2012 comprennent toutes les nominations et renominations de la journée gazière ;
- une note technique décrivant la procédure de communication mise en œuvre par les sociétés GRTgaz et Engie depuis le 1er avril 2013 dans le cadre de la réalisation du service de conversion de gaz H en gaz B ;

Aux termes de ladite note, et s'agissant de la transmission des prévisions hebdomadaires, il est précisé que la société GRTgaz envoie à la société Engie des programmes hebdomadaires de conversion deux fois par semaines :

- un envoi chaque vendredi à 12 heures ;
- un envoi chaque lundi à 14 h 30.
- chaque programme couvre la période des Journées Gazières JG+1 à JG+7. Le programme contient la Quantité Journalière Demandée de Conversion pour chaque Journée Gazière, exprimée en kWh à 25°C.

Il est également précisé que s'agissant de la transmission de la quantité journalière demandée de conversion, la société GRTgaz envoie à la société Engie la quantité journalière demandée avant 16 h en J-1. Cette quantité journalière demandée de conversion peut être actualisée à la suite d'une révision des prévisions de consommation des expéditeurs tiers actifs sur la zone B. La demande actualisée est transmise par la société GRTgaz à la société Engie entre 16 h JG-1 et 3 h JG.
S'agissant de la nomination de la société Engie sur la zone B, la société Engie intègre la quantité journalière demandée de conversion dans ses nominations sur les points de la zone B. Les nominations de la société Engie sur la zone B contiennent les besoins de consommation de ses propres clients et ceux des expéditeurs tiers.
La société Engie gère son équilibrage sur la zone Nord et son équilibrage spécifique sur la zone Nord B via le respect des bornes des paramètres :

- écart de Bilan Journalier (EBJ) ;
- écart de Bilan Cumulé (EBC).

Les nominations de la société Engie sont transmises avant 14 h en J-1 et peuvent être modifiées entre 14 h en J-1 et 3 h en J.
La transmission des programmes est réalisée par voie électronique, par le moyen de messages Edigas.
S'agissant de la procédure de communication mise en œuvre par la société GRTgaz et la société Engie dans le cadre de la réalisation du service de conversion de gaz H en gaz B, la société GRTgaz renvoie en outre à l'annexe 3 du contrat de conversion de gaz H en gaz B, intitulée « Communication de la quantité journalière de conversion entre GRTgaz et Engie ».

- les résultats de l'indicateur de suivi de l'écart entre la quantité programmée de conversion pour un jour donné et la quantité journalière convertie, ainsi que les cas de dépassement de la tolérance fixée à [entre 0 et 20] % de la capacité journalière souscrite, pour la période allant du 1er avril 2013 au 31 décembre 2016 ;
- le bilan des pénalités payées par la société GRTgaz à la société Engie, au titre de dépassements de la capacité journalière de conversion depuis le 26 avril 2005 ;
- la facture à échéance du 28 janvier 2013 adressée par la société Engie à la société GRTgaz au titre d'un dépassement de la capacité journalière souscrite dans le cadre du contrat de conversion de gaz H en gaz B ;
- l'annexe 3, intitulée « Procédures opérationnelles », du contrat de conversion de gaz H en gaz B.

La société GRTgaz a indiqué que l'écart, en valeur absolue, entre la quantité programmée de conversion pour un jour donné et la quantité journalière convertie a été supérieur à [entre 0 et 20] % de la capacité journalière de conversion souscrite en 17 occurrences entre le 1er avril 2013 et le 31 décembre 2016, soit 1,2 % du temps sur la période considérée.
La société GRTgaz a également précisé qu'un dépassement de la capacité journalière de conversion souscrite au titre du contrat de conversion de gaz H en gaz B est à relever entre le mois de décembre 2006 et le mois de décembre 2016, le 13 décembre 2012. La société GRTgaz a, à ce titre, versé une pénalité à la société Engie.

Vu la réponse en date du 6 mars 2017, de la société Engie à la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle elle a adressé au rapporteur, en charge de l'instruction du dossier :

- une note technique relative à la mesure d'instruction du 23 janvier 2017 ayant pour objet de répondre aux demandes d'informations et de communication du rapporteur ;
- le contrat de vente de gaz naturel entre N.V. Nederlandse Gasunie et Le Gaz de France, dit « contrat B86 », ainsi que ses avenants n° 12 et 14, dont, d'une part, certains passages ont été noircis et, d'autre part, certaines parties sont rédigées en langue anglaise ;
- la capacité journalière de conversion souscrite, les quantités journalières converties et la dernière quantité journalière programmée de conversion par la société GRTgaz, pour la période allant du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2013 ;
- la capacité journalière de conversion souscrite, les quantités journalières converties et la dernière quantité journalière programmée de conversion, ainsi que les nominations initiales et les renominations par la société GRTgaz, pour la période allant du 1er août 2013 au 31 décembre 2015 ;
- les occurrences de dépassement du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % (en valeur absolue) entre les quantités programmées et les quantités converties sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015 ;
- le contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B conclu par les société Engie et GRTgaz le 26 avril 2005 ;
- l'avenant n° 19 au contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B, conclu par les sociétés GRTgaz et Engie le 1er décembre 2006.

La société Engie a également indiqué qu'« il ne peut être établi aucune relation entre les dépassements du contrat B86 et ceux du contrat de conversion ». En outre, la société Engie a précisé qu'elle « n'a pas directement versé à GasTerra des montants facturés au titre de pénalités de ces dépassements horaires. […]
Les dépassements horaires ont imposé à Engie, notamment de

- [confidentiel]. »

La société Engie a également fait valoir qu'« il ne saurait y avoir de dépassement « intrajournalier » ou « horaire » du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % prévu dans le contrat de conversion dans la mesure où le contrat de conversion fait l'objet de nominations qui ne peuvent être qu'au pas de temps journalier (article 6 du contrat. »
S'agissant du contrat de conversion de gaz H en gaz B, la société Engie a précisé que les livraisons sont effectuées en des points virtuels de conversion H et B, rattachés respectivement à la zone Nord H et à la zone Nord B.
S'agissant de la procédure de communication appliquée par la société GRTgaz et la société Engie concernant les nominations et renominations dans le cadre du contrat de conversion, la société Engie a renvoyé aux articles 6 et 7, intitulés respectivement « Prévision et programmation » et « Allocations », et à l'annexe 3, intitulée « Procédures opérationnelles », du contrat de conversion de gaz H en gaz B.

Vu la mesure d'instruction du 24 mai 2017, par laquelle le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, a demandé à la direction générale de la Concurrence de bien vouloir répondre aux questions suivantes avant le 16 juin 2017 :

- « les services de la Commission européenne considèrent-ils que l'engagement souscrit par la société Engie dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316 relatif au service de conversion de gaz H en gaz B à la société GRTgaz, comprend la fourniture d'une prestation de flexibilité ? Dans l'affirmative, les services de la Commission européenne peuvent-ils préciser la nature et l'étendue de cette prestation de flexibilité ?
- dans l'hypothèse où les services de la Commission européenne considéreraient que l'engagement souscrit par la société Engie mentionné à la première question comprend la fourniture d'une prestation de flexibilité au bénéfice de la société GRTgaz, dans quelle mesure la société Engie peut-elle bénéficier d'une rémunération spécifique pour la fourniture de cette prestation ? ».

Vu les observations, enregistrées le 31 mai 2017, par lesquelles la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a répondu à la mesure d'instruction en date du 24 mai 2017.
En réponse à la première question qui lui a été adressée, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a indiqué que « l'existence d'une éventuelle prestation de flexibilité comprise dans l'engagement d'Engie de continuer à fournir le service de conversion de gaz H en gaz B à GRTgaz doit donc être appréciée au regard des dispositions de ce contrat telles qu'elles étaient en vigueur à la date d'adoption de la décision de la Commission C (2009) 9375 final, soit le 3 décembre 2009. »
Elle a fait valoir que « le CoRDiS est le mieux placé pour examiner les dispositions contractuelles régissant le service de conversion afin de déterminer si celui-ci comprend la fourniture d'une prestation de flexibilité et d'en caractériser, le cas échéant, la nature et l'étendue exactes. »
En réponse à la seconde question qui lui a été adressée, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a indiqué que dans une telle hypothèse, la prestation de flexibilité entrerait dans le champ de l'engagement d'Engie et que, par conséquent, la société Engie « devrait continuer à la fournir dans des conditions en vigueur à la date d'adoption de la décision de la Commission C (2009) 9375 final, soit le 3 décembre 2009. »
Elle a précisé que « les caractères « raisonnable » et « sensiblement identiques » des conditions financières dans lesquelles GDF Suez doit continuer à fournir le service de conversion à GRTgaz constituent deux conditions d'égale importance qui doivent donc être conciliées.
Enfin, elle a fait valoir que « cela implique qu'Engie pourrait bénéficier d'une rémunération spécifique pour la prestation de flexibilité dans l'un ou l'autre cas de figure suivant :

- si cela était déjà le cas au moment de l'adoption de la décision de la Commission ;
- dans la mesure où cela serait nécessaire pour continuer à assurer le caractère raisonnable des conditions financières dans lesquelles elle fournit le service de conversion à GRTgaz.

Dans les deux cas de figure, toute modification des conditions financières dans lesquelles Engie fournit le service de conversion à GRTgaz par rapport aux conditions en vigueur le 3 décembre 2009 doit être strictement proportionnée à l'évolution des différentes catégories de coûts effectivement supportés par Engie pour la fourniture de ce service.
En effet, une augmentation tarifaire correspondant à une augmentation en valeur absolue des coûts effectivement supportés par Engie ne serait pas conforme à l'engagement d'Engie dans la mesure où, en altérant sensiblement le ratio entre les revenus et les différentes catégories de coûts générés par le service de conversion, elle reviendrait à modifier substantiellement les conditions financières tarifaires du service par rapport à celles en vigueur le 3 décembre 2009. »

Vu le courrier adressé le 28 juillet 2017 à la société GRTgaz par lequel le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, lui a demandé de bien vouloir lui indiquer précisément, avant le 15 septembre 2017, les informations à occulter dans les éléments de réponse à la mesure d'instruction transmis le 27 février 2017, en fournissant une justification de ces demandes d'occultation, afin de pouvoir assurer le contradictoire.

Vu le courrier adressé le 28 juillet 2017 à la société Engie par lequel le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier :

- a demandé à la société Engie de bien vouloir lui indiquer précisément, avant le 15 septembre 2017, les informations à occulter dans les éléments de réponse à la mesure d'instruction transmis le 6 mars 2017, en fournissant une justification de ces demandes d'occultation, afin de pouvoir assurer le contradictoire ;
- a demandé à la société Engie de bien vouloir lui transmettre avant le 15 septembre 2017 une version traduite assermentée en langue française de l'ensemble du contrat B86 et de ses avenants depuis le 25 février 2005.

Vu la réponse, enregistrée le 15 septembre 2017, par laquelle la société GRTgaz a répondu à la demande du rapporteur en date du 28 juillet 2017.
La société GRTgaz a transmis ses éléments de réponse à la mesure d'instruction, après occultation des informations commercialement sensibles.

Vu la réponse, enregistrée le 22 septembre 2017, par laquelle la société Engie a répondu à la demande du rapporteur en date du 28 juillet 2017
La société Engie a transmis ses éléments de réponse à la mesure d'instruction, après occultation des informations commercialement sensibles, ainsi qu'une version traduite assermentée en langue française de l'ensemble du contrat B86 et de ses avenants.

Vu les observations récapitulatives, enregistrées le 23 octobre 2017, présentées par la société Engie.
A titre préliminaire, la société Engie fait valoir que les demandes d'audition de la société GRTgaz sont parfaitement inutiles puisque le mandataire indépendant ne bénéficie d'aucun pouvoir propre pour décider de la compatibilité des demandes de la société Engie avec ses engagements européens et que le directeur des marchés de la Commission de régulation de l'énergie est placé sous l'autorité du président du comité. Elle ajoute que le comité est le seul compétent pour examiner les dispositions contractuelles du contrat de conversion, comme l'a indiqué la direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Elle conclut sur ce point en indiquant qu'il ne revient pas au comité de s'administrer la preuve des prétentions de la société GRTgaz.
S'agissant de la compétence du comité pour trancher le différend, la société Engie ajoute qu'elle n'a formulé aucune demande indemnitaire en demandant au comité de se prononcer sur la rémunération due par la société GRTgaz. A ce titre, et en application de l'article L. 134-20 du code de l'énergie et de la pratique décisionnelle du comité, elle précise qu'il est tenu de fixer les conditions financières de règlement des différends qu'il doit trancher.
Par ailleurs, la société Engie rappelle que les dispositions de l'article L. 431-5 du code de l'énergie précisent que la société GRTgaz commercialise et facture à ses clients, via le contrat d'acheminement, des capacités de livraison intra-journalière aux points de consommation sur une base horaire.
Elle ajoute qu'à la lecture du rapport de médiation et des décisions de la Commission de régulation de l'énergie pour l'ATRT5 et l'ATRT6, la société GRTgaz ne peut nier l'existence de cette « prestation de flexibilité ».
S'agissant de l'encadrement contractuel de la « prestation de flexibilité », la société Engie fait valoir que les réponses apportées par la société GRTgaz à la mesure d'instruction réalisée le 23 janvier 2017 soulignent, d'une part, que les nominations et allocations de quantités au titre du contrat d'acheminement sont effectuées au pas de temps journalier et, d'autre part, que les quantités demandées et allouées au titre du contrat de conversion de gaz H en gaz B sont également au pas de temps journalier ce qui exclut la possibilité de dépassements « intra journalier » ou « horaire ». Elle ajoute que dans le cadre du contrat de conversion toute quantité de gaz B livrée par Engie au point de conversion B « PCB » est compensée à l'identique et le jour même par une quantité de gaz H livrée par la société Engie à la société GRTgaz au point de conversion H »PCH ». Dès lors, elle indique que « si la prestation de flexibilité était totalement ou partiellement intégrée dans la prestation de swap, comme l'affirme GRTgaz, tout ajustement des quantités de gaz B au titre de la flexibilité devrait faire l'objet d'un ajustement simultané en sens inverse en gaz H » ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La société Engie précise, qu'en raison des dépassements des minimum et maximum horaires, elle a subi un appauvrissement, au sens de l'article 1303 du code civil [confidentiel].
Enfin, s'agissant du niveau de rémunération de la « prestation de flexibilité », la société Engie précise, pour le passé, que les éventuelles pénalités auxquelles elles auraient pu être sujette dans le cadre du contrat B86 ne sont pas la cause de sa demande de rémunération puisqu'elle est, en réalité, liée « au montant du service réalisé au profit du gestionnaire de réseau ».

Vu le courrier, enregistré le 27 octobre 2017, aux termes duquel la société GRTgaz demande au comité de règlement des différends et des sanctions de bien vouloir écarter des débats les dernières observations récapitulatives d'Engie, enregistrées le 23 octobre 2017, qui ont été produites dans les derniers jours avant la clôture d'instruction, et qu'elle n'est ainsi pas mise en situation d'apporter la contradiction sur les éléments nouveaux produits par la société Engie.

Vu le courrier, enregistré le 30 octobre 2017, aux termes duquel la société Engie fait valoir que ses dernières observations, en date du 23 octobre 2017, ne peuvent être écartées des débats dès lors qu'elles ont été produites avant la clôture de l'instruction et qu'elles reprennent des éléments qui ont d'ores et déjà été portés à la connaissance de la société GRTgaz lors de la transmission des éléments de réponse à la mesure d'instruction réalisée le 23 janvier 2017.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2017, présentée par la société Engie.
La société Engie produit à l'attention exclusive du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie et à titre confidentiel une « note en délibéré » ainsi que des pièces qui y sont annexées.

Vu le courrier, enregistré le 29 novembre 2017, présenté par la société Engie.
La société Engie transmet une traduction assermentée en langue française d'une des pièces annexées à la « note en délibéré » précitée.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et ses articles R. 134-7 et suivants ;
Vu la décision du 30 mai 2016 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 12-38-16 ;
Vu la décision du 4 octobre 2017 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, fixant la date de clôture de l'instruction relative au différend qui oppose la société Engie à la société GRTgaz.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 24 novembre 2017, du comité de règlement des différends et des sanctions composé de M. Bruno LASSERRE, président, Mme Henriette CHAUBON, M. Claude GRELLIER et Mme Marie-Laure DENIS membres, en présence de :
Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique représentant le directeur général empêché.
Mme Louise RULLAUD, rapporteur.
Les représentants de la société Engie, assistés de Me Michel GUENAIRE.
Les représentants de la société GRTgaz, assistés de Mes Paul RAVETTO et Jody GRANADOS.
Avant d'entendre le rapport oral, le conseil de la société Engie a demandé que la séance se déroule hors de la présence du public.
Invité à faire part de ses observations, le conseil de la société GRTgaz ne s'y est pas opposé.
Dans ces conditions, après s'être retiré et en avoir délibéré, le comité de règlement des différends et des sanctions a décidé que la séance se déroulerait hors de la présence du public qui a été invité à quitter la salle.
Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Louise RULLAUD, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Michel GUENAIRE pour la société Engie ; la société Engie persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Paul RAVETTO pour la société GRTgaz ; la société GRTgaz persiste dans ses moyens et conclusions.

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, et la directrice juridique se sont retirés.

Le comité de règlement des différends et des sanctions.
Sur la recevabilité de la note en délibéré et des pièces qui y sont annexées, enregistrées le 27 novembre 2017 et le 29 novembre 2017, présentées par la société Engie
Aux termes des dispositions de l'article R. 134-12 du code de l'énergie : « Après la clôture de l'instruction, aucune observation ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. »
Il résulte de ces dispositions que, sauf dans le cas où le comité invite lui-même les parties à produire des pièces ou à répondre par écrit à une question qui leur aurait été posée au cours de la séance, les parties ne sont pas recevables à présenter de leur propre initiative des observations ou à produire de nouvelles pièces postérieurement à la séance.
Si au cours de la séance qui s'est tenue le 24 novembre 2017 le président a posé plusieurs questions à la société Engie, il n'a pas pour autant demandé à cette dernière de présenter une note en délibéré ou de produire de nouvelles pièces.
Dans ces conditions, le comité écarte comme irrecevables la « note en délibéré » et les pièces qui y sont annexées, produites le 27 novembre 2017 et le 29 novembre 2017 par la société Engie, qui, au surplus, l'ont été « à l'attention exclusive [du président] et à titre confidentiel ».
Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions
La société GRTgaz fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n'est pas compétent pour apprécier le montant annuel « prétendument dû » à la société Engie au titre de son utilisation d'une modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L. Selon la société GRTgaz, une telle demande de paiement relève de la compétence du juge du contrat, et en particulier du tribunal de commerce, le comité ne pouvant se substituer à ce dernier.
L'article L. 134-19 du code de l'énergie dispose :
« Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend :
[…]
2° Entre les opérateurs et les utilisateurs des ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel ;
[…] Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement. […] »
L'article L. 134-20 du code de l'énergie prévoit que :
« […] La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés.
Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. […] »
Il ressort des termes mêmes de la loi qu'un différend n'entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d'attribution, qu'à une double condition tenant, l'une à la qualité des personnes qu'un différend oppose, et l'autre à l'objet du différend. Dès lors, il ne suffit pas qu'un différend oppose un gestionnaire de réseau à un utilisateur pour que le comité soit compétent pour le trancher. Encore faut-il que l'objet du différend corresponde à l'une des catégories limitativement énoncées par la loi.
La société Engie, en sa qualité de fournisseur, bénéficie d'un droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel en application des dispositions de l'article L. 111-97 du code de l'énergie. Par conséquent, elle est utilisatrice du réseau public de transport de gaz naturel dont la société GRTgaz est le gestionnaire.
Le présent litige, qui concerne les conditions dans lesquelles la société GRTgaz utilise la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L, est relatif à l'accès ou l'utilisation du réseau public de transport de gaz naturel.
Dans ces conditions, le comité est compétent pour connaître du présent différend.

Il ressort des pièces du dossier que le différend est relatif aux conditions dans lesquelles la société GRTgaz utilise une modulation des flux de gaz B, apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L, que les parties nomment « Prestation de flexibilité ».
Ces flux sont destinés à alimenter la zone B en gaz B, laquelle est caractérisée par son unique point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L et par le fait que la société Engie est la seule à disposer d'un contrat d'approvisionnement en gaz B et à détenir la quasi-totalité des capacités d'entrée en ce point.
Sur l'existence par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L qui participe à la mission d'équilibrage à tout instant du gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel
La société Engie demande au comité de règlement des différends et des sanctions de bien vouloir « constater que la prestation de flexibilité participe de l'équilibrage du réseau de transport de gaz naturel géré par GRTgaz. »
A cet effet, elle soutient que la société GRTgaz est chargée par la loi d'assurer une mission d'équilibrage de son réseau de transport. A ce titre, elle fait valoir que la modulation des flux physiques de gaz B apportés par la société Engie contribue à l'accomplissement de ladite mission.
L'existence de cette mission ainsi que l'utilisation de cette modulation ne sont pas contestées par la société GRTgaz.
Les dispositions de l'article L. 431-3 du code de l'énergie prévoient que la société GRTgaz, en tant que gestionnaire du réseau public de transport de gaz naturel : « […] assure, à tout instant, la sécurité et l'efficacité de son réseau et l'équilibre des flux de gaz naturel en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci. Il veille à la disponibilité et à la mise en œuvre des services et des réserves nécessaires au fonctionnement du réseau et au respect des règles relatives à l'interconnexion des réseaux de transport de gaz naturel. […] »
Il ressort des dispositions précitées que la société GRTgaz, en tant que gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel, a pour mission d'équilibrer à tout instant son réseau.
En outre, il n'est pas contesté par les parties que la société GRTgaz utilise la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L aux fins d'équilibrer son réseau de transport de gaz naturel.
Dès lors, le comité constate qu'il existe une utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux de gaz B, apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L, pour équilibrer, à tout instant, le réseau de transport de gaz naturel.
Sur l'encadrement contractuel de l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L
La société Engie demande au comité de règlement des différends et des sanctions de « constater que GRTgaz doit assumer la prestation de flexibilité et que, si elle ne peut l'assurer, elle doit la confier à un prestataire et la soumettre à un encadrement contractuel et une contrepartie financière dans les conditions prévues par le Code de l'énergie. »
A cet égard, la société Engie soutient qu'aucun des contrats par lesquels elle est liée à la société GRTgaz ne recouvre ni ne concerne la « prestation de flexibilité ».
La société GRTgaz indique que la « prestation de flexibilité » ne fait pas l'objet d'un contrat dédié mais est toutefois contractualisée par des clauses spécifiques dans le contrat d'acheminement, d'une part, et dans le contrat de conversion de gaz H en gaz B, d'autre part.
Sur l'encadrement par le contrat d'acheminement de l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L
Il ressort des pièces du dossier que la société Engie a conclu avec la société GRTgaz, le 25 février 2005, un contrat d'acheminement sur le réseau de transport de gaz naturel.
Le 25 février 2005, la société Engie et la société GRTgaz ont conclu un avenant audit contrat d'acheminement qui introduit une annexe 5.1, intitulée « Modifications de l'annexe 1 du contrat relatif à l'utilisation du point de conversion et à la détermination des quantités ». Ladite annexe 5.1 est devenue l'annexe 1.1 aux termes d'un avenant ultérieur qui a pris effet au 1er janvier 2009. Elle modifie les conditions générales du contrat d'acheminement et en particulier les conditions relatives à l'utilisation des points de conversion et à la détermination des quantités.
Les stipulations de l'article 8.1.2 de l'annexe1.1, intitulé « Points d'entrée de Obergailbach et Taisnières B », précisent que :
« Chaque jour, la quantité journalière enlevée au point d'entrée est égale à la quantité journalière totale enlevée en ce point d'entrée diminuée de la somme des quantités journalières enlevées en ce point d'entrée par les autres expéditeurs ayant un contrat d'acheminement avec l'exploitant. »
L'annexe 1.1 du contrat d'acheminement, conclu entre la société Engie et la société GRTgaz, prévoit donc un encadrement de la situation particulière liée à l'alimentation en gaz B de la zone B, laquelle est caractérisée à la fois par son unique point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L et par le fait que la société Engie est la seule à disposer d'un contrat d'approvisionnement en gaz B et à détenir la quasi-totalité des capacités d'entrée en ce point.
Il résulte également des stipulations de l'article 8.1.2 de l'annexe 1.1 que l'écart entre les flux réalisés et les quantités allouées aux expéditeurs par la société GRTgaz, autres que la société Engie, est imputé à la société Engie.
Enfin, contrairement à ce que soutient la société Engie, la circonstance qu'un accord d'interconnexion ait été conclu entre la société Fluxys et la société GRTgaz n'a, en tout état de cause, pas pour effet de rendre la clause 8.1.2 de l'annexe précitée caduque.
Dès lors, il existe une possibilité de modulation des quantités journalières de gaz B, enlevées au point d'entrée Taisnières B - Blaregnies L, au bénéfice de la société GRTgaz pour permettre l'équilibrage résiduel de la zone B.
Cette possibilité de modulation des flux de gaz B, livrés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies dans le cadre de l'exécution du contrat d'acheminement, concourt in fine à la réalisation de l'équilibrage à tout instant du réseau de transport de gaz naturel en zone B.
En outre, aucune stipulation du contrat d'acheminement ne fait obstacle à ce que la société GRTgaz puisse utiliser la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L aux fins d'équilibrer à tout instant son réseau.
Sur l'encadrement par le contrat de conversion de l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L
Il ressort des pièces du dossier que la société GRTgaz et la société Engie ont conclu, le 26 avril 2005, un contrat de conversion de gaz H en gaz B afin de permettre le développement de la concurrence entre fournisseurs de gaz naturel dans la zone B.
Aux termes dudit contrat, la société Engie assure un service de conversion pour la société GRTgaz de volumes de gaz H en gaz B, lesquels correspondent à la quantité que les expéditeurs, autres que la société Engie, souhaitent fournir à leurs clients situés en zone B. Ainsi la société Engie exécute un service de conversion, pour la société GRTgaz, qui consiste à recevoir des quantités de gaz H en un point virtuel de conversion H et à restituer simultanément des quantités de gaz B en un point virtuel de conversion B. Il permet, en conséquence, à la société GRTgaz de proposer aux fournisseurs ne disposant d'aucun approvisionnement en gaz B un service régulé de conversion dont la finalité est de garantir l'accès au réseau B aux expéditeurs autres que la société Engie.
Le 3 décembre 2009, pour clore une procédure ouverte sur le fondement de l'article 102 du TFUE qui prohibe les abus de position dominante, la Commission européenne a accepté et rendu obligatoires plusieurs engagements dont celui, pour la société Engie, « de continuer le [service de conversion] de gaz H en gaz B fourni à GRTgaz dans des conditions financières raisonnables sensiblement identiques aux conditions en vigueur à la date d'effet, pour que celui-ci puisse pérenniser le service régulé de conversion du gaz H en gaz B, qui permet à un expéditeur disposant de gaz H d'échanger celui-ci contre du gaz B afin d'alimenter des clients desservis en gaz B. »
Il résulte de la décision précitée de la Commission européenne que le maintien du contrat de conversion dans des « conditions sensiblement identiques » aux conditions en vigueur au moment de cette décision « répond de manière proportionnée aux préoccupations exprimées par la Commission concernant le verrouillage des capacité d'importation de gaz B en France et l'absence de possibilité pour les expéditeurs tiers de contester la position dominante de GDF Suez sur le marché français de la fourniture de gaz B. »
Ainsi, la société Engie s'est engagée auprès de la Commission européenne à poursuivre l'alimentation de la zone B en gaz B pour permettre à la société GRTgaz de proposer un service régulé de conversion permettant aux expéditeurs tiers d'alimenter des clients en zone B.
Dans le cadre de l'exécution de la prestation de conversion, la société GRTgaz communique quotidiennement à la société Engie, la quantité journalière qu'elle souhaite convertir pour le jour suivant dans les conditions prévues à l'article 6.2 du contrat, intitulé « Programmation des quantités journalières » qui précise que :
« Chaque jour, dans les conditions fixées aux procédures opérationnelles, le client communique au fournisseur la quantité journalière demandée de conversion pour le jour suivant.
[…]
Chaque jour, dans les conditions fixées aux procédures opérationnelles, le fournisseur fait ses meilleurs efforts pour communiquer au client la quantité journalière programmée de conversion pour le jour suivant. […] »
Le même article du contrat de conversion prévoit la possibilité pour la société GRTgaz de modifier sa quantité journalière programmée de conversion au cours de la journée gazière dans des conditions fixées aux procédures opérationnelles :
[confidentiel]
Il résulte des stipulations précitées que la société GRTgaz a la faculté de modifier sa quantité journalière programmée de conversion au cours de la journée gazière dans la limite des règles prévues dans la procédure opérationnelle annexée au contrat de conversion.
Enfin, l'article 7 du contrat de conversion, intitulé « Allocations », prévoit la possibilité pour la société GRTgaz de moduler, à hauteur de [entre 0 et 20] pour cent en valeur absolue de la capacité journalière de conversion, sa quantité journalière convertie par rapport à la quantité journalière programmée de conversion :
« Chaque jour, la quantité journalière convertie au titre du contrat est déterminée par le client sur la base des quantités journalières converties par les utilisateurs de la conversion au titre de leur contrat d'acheminement avec le client, tout en respectant les contraintes suivantes :

- la quantité journalière convertie au titre du contrat ne peut pas excéder la capacité journalière de conversion définie en annexe 2 ;
- la valeur absolue de l'écart entre la quantité journalière convertie au titre du contrat et la quantité journalière programmée de conversion ne peut pas excéder [entre 0 et 20] % [confidentiel] de la capacité journalière de conversion en annexe 2. »

Il résulte de l'ensemble des stipulations du contrat de conversion précitées qu'il existe une possibilité de modulation des quantités de gaz B programmées de conversion, au bénéfice de la société GRTgaz pour prendre en compte les modifications de programmation des fournisseurs tiers ayant une activité de fourniture en zone B.
Cette possibilité de modulation des flux de gaz B, apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies pour réaliser sa prestation de conversion de gaz H en gaz B, concourt in fine à la réalisation de l'équilibrage à tout instant du réseau de transport de gaz naturel en zone B.
En outre, aucune stipulation du contrat de conversion de gaz H en gaz B ne fait obstacle à ce que la société GRTgaz puisse utiliser la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L aux fins d'équilibrer à tout instant le réseau.

Par conséquent, il résulte de la lecture combinée du contrat d'approvisionnement et du contrat de conversion de gaz H en gaz B conclus avec la société GRTgaz, que la société Engie a une obligation particulière, liée à la situation singulière de l'alimentation en gaz B de la zone B, de permettre à la société GRTgaz de moduler les flux de gaz B qui lui sont apportés au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L.
Enfin, et en tout état de cause, la société Engie n'apporte pas la preuve suffisante que l'utilisation par la société GRTgaz de la modulation des flux de gaz B qui lui sont apportés au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L doit fait l'objet d'un encadrement contractuel spécifique, autre que celui qui résulte du contrat d'acheminement et du contrat de conversion de gaz H en gaz B.
Sur la nécessité d'établir une rémunération spécifique pour l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés à la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L
La société Engie demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- « constater, tant que Engie est le seul prestataire de service retenu, que la rémunération de la prestation de flexibilité doit (i) compenser le coût de flexibilité horaire achetée par Engie auprès de GasTerra, (ii) compenser le coût de transport de la flexibilité horaire à travers le réseau belge, (iii) compenser tout autre coût exposé et justifié par Engie qui serait directement lié à la fourniture de la prestation de flexibilité, et (iv) intégrer une marge raisonnable pour Engie ;
- dire que le montant de la rémunération due par GRTgaz à Engie devra être évalué chaque année en fonction des coûts effectivement supportés par Engie ;
- dire qu'il sera fait une juste appréciation du montant annuel dû par GRTgaz à Engie au titre de la Prestation de flexibilité en le fixant à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015 ; ».

La société Engie fait valoir que la « prestation de flexibilité » ne fait l'objet d'aucune contrepartie financière alors qu'elle est utilisée par la société GRTgaz dans le cadre de sa mission d'équilibrage du réseau. Elle devrait en tant que telle être intégrée au tarif d'utilisation de son réseau de transport.
La société GRTgaz indique que la « prestation de flexibilité » est déjà rémunérée dans le cadre du contrat de conversion. Elle soutient également que les coûts d'approvisionnement facturés par la société néerlandaise GasTerra à la société Engie sont couverts par les tarifs réglementés de vente de gaz naturel.
Interrogée dans le cadre de l'instruction du présent litige sur la portée des engagements souscrits par la société Engie et rendus obligatoires le 3 décembre 2009, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a précisé que dans le cas où le comité constaterait que la « prestation de flexibilité » est prévue contractuellement, toute demande de rémunération spécifique ne serait légitime que dans les deux cas suivants :
« […]

- si cela était déjà le cas au moment de l'adoption de la décision de la Commission ;
- dans la mesure où cela serait nécessaire pour continuer à assurer le caractère raisonnable des conditions financières dans lesquelles elle fournit le service de conversion à GRTgaz. […] ».

Elle a ajouté que dans un tel cas de figure, cette rémunération spécifique doit être strictement proportionnée à l'évolution des différentes catégories de coûts effectivement supportés par la société Engie pour l'utilisation d'une modulation par la société GRTgaz des flux apportés par la société Engie. La prise en compte d'un tel surcoût ne pourrait entraîner une augmentation tarifaire qui aurait pour conséquence de « modifier substantiellement les conditions financières tarifaires du service par rapport à celles en vigueur le 3 décembre 2009 ».
Il ressort des pièces du dossier que si la société Engie fait valoir que sous la menace de pénalités, dont elle ne justifie ni la réalité ni le montant, elle aurait [confidentiel], elle n'apporte pas la preuve qu'elle a effectivement supporté des surcoûts au-delà de la rémunération contractuelle dont elle bénéficie.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu pour le comité de faire droit aux demandes de la société Engie qui tendent à modifier les conditions de cette rémunération.

Décide :


Historique des versions

Version 1

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 30 mai 2016, sous le numéro 12-38-16, présentée par la société Engie à l'encontre de la société GRTgaz.

Elle est relative à l'utilisation par la société GRTgaz, gestionnaire du réseau public de transport de gaz naturel, d'une modulation des flux de gaz à bas pouvoir calorifique (ci-après « gaz B »), attribués à la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L.

En application des dispositions de l'article 5 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, désormais codifiées à l'article L. 111-7 du code de l'énergie et qui prévoit que « La gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz est assurée par des personnes morales distinctes qui exercent des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz », la société Gaz de France a séparé juridiquement ses activités de transport des activités de production ou de fourniture de gaz naturel.

En conséquence, le 1er janvier 2005, la société Gaz de France Réseau Transport, devenue GRTgaz, a été créée afin d'assurer les missions de transport de gaz naturel. Elle est ainsi le gestionnaire du réseau public de transport de gaz naturel sur le réseau de gaz à bas pouvoir calorifique (ci-après « Gaz B »).

Le 22 juillet 2008, la société Gaz de France et la société Suez ont fusionné et donné naissance au groupe GDF Suez, lequel a changé sa dénomination sociale, le 29 juillet 2015, pour devenir « Engie ».

Le 25 février 2005, la société Gaz de France Réseau Transport et la société Gaz de France ont conclu un contrat d'acheminement sur le réseau de transport de gaz naturel.

Le 26 avril 2005, elles ont également conclu un contrat de conversion du gaz H en gaz B, également appelé « contrat de swap de gaz H en gaz B ».

Le 16 mai 2008, la Commission européenne a ouvert une procédure à l'encontre de la société GDF Suez en vertu de l'article 2 du règlement n° 773/2004 de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE »), anciennement articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne (ci-après « TCE »).

Le 21 octobre 2009, aux termes des engagements proposés formellement par les sociétés GDF Suez, GRTgaz et Elengy dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39-316, la société GDF Suez s'est engagée « […] à continuer le service de swap de Gaz H en Gaz B fourni à GRTgaz dans des conditions financières raisonnables sensiblement identiques aux conditions en vigueur à la date d'effet, pour que celui-ci puisse pérenniser le service régulé de conversion du gaz H en gaz B, qui permet à un expéditeur disposant de gaz H d'échanger celui-ci contre du gaz B afin d'alimenter des clients desservis en gaz B ».

Le 3 décembre 2009, la Commission européenne a rendu une décision relative à la procédure d'application de l'article 102 du TFUE de l'article 54 de l'accord EEE. S'agissant des engagements relatifs au gaz B, la Commission européenne a jugé que :

« L'engagement de GDF Suez de continuer dans des conditions sensiblement identiques aux conditions en vigueur le service de swap de gaz H en gaz B fourni à GRTgaz pour que celui-ci puisse pérenniser le service régulé de conversion du gaz H en gaz B répond de manière proportionnée aux préoccupations exprimées par la Commission concernant le verrouillage des capacités d'importation de gaz B en France et l'absence de possibilité pour les expéditeurs tiers de contester la position dominante de GDF Suez sur le marché français de la fourniture de gaz B. En effet, cet engagement permettra aux expéditeurs tiers d'avoir accès à une source d'approvisionnement de gaz B à l'intérieur du territoire français dans des conditions économiques leur permettant de concurrencer efficacement GDF Suez. »

Le 8 novembre 2010, la société GDF Suez a informé la société GRTgaz qu'elle s'est retrouvée « dans l'impossibilité, du fait de GRTgaz, pendant 488 heures, de respecter son obligation contractuelle d'enlèvement minimum horaire sur le contrat B86 alimentant la zone B. »

A ce titre, la société GDF Suez a fait valoir que la société GasTerra l'a mise en demeure de lui communiquer les données horaires permettant de calculer précisément les défauts sur les périodes et de respecter son obligation contractuelle par le biais d'actions appropriées.

Par conséquent, elle a indiqué qu'elle souhaitait que « des contacts soient pris dès la mi-novembre 2010 entre les équipes de GRTgaz et [GDF Suez] afin de contractualiser rapidement les réclamations légitimement formulées par [GasTerra]. »

Enfin, la société GDF Suez a informé la société GRTgaz de sa demande d'entrevue à la Commission de régulation de l'énergie pour l'informer de ce sujet et des actions qu'elle souhaite engager.

Le 30 novembre 2010, la société GRTgaz a rappelé à la société GDF Suez que leur dispatching ne fait « aujourd'hui l'objet d'aucun encadrement contractuel ». Elle a également indiqué que des discussions sur un contrat de flexibilité journalière étaient en cours afin de permettre à la société GRTgaz d'assurer l'équilibre journalier du réseau « sans faire subir à [GDF Suez] de pénalités d'équilibrage au titre de son contrat d'acheminement ». De surcroît, la société GRTgaz a reconnu la nécessité de conclure « un contrat de flexibilité intra-journalière permettant à GRTgaz d'assurer l'équilibrage à tout instant de ce réseau sans faire subir à [GDF Suez] de préjudices au titre de son contrat d'approvisionnement en gaz B. »

Le 20 avril 2011, la société GDF Suez a transmis à la société GRTgaz un projet de protocole opératoire pour la transmission par la société GRTgaz à la société GDF Suez des données de pilotage des enlèvements à Taisnières B. Ledit projet a pour objet de « formaliser contractuellement le service de prestation de flexibilité fourni par GDF Suez à GRTgaz pour l'équilibrage de la Zone B (« Contrat de flexibilité Taisnières B »), une fois que certains éléments économiques relatifs notamment au prix de ce service de flexibilité et aux pénalités dues par GRTgaz en cas de non-respect des contraintes de flexibilité convenues entre les parties auront été déterminées. »

Le 27 mai 2011, la société GDF Suez a demandé à la société GRTgaz de s'engager sur le niveau de flexibilité dont elle avait besoin jusqu'en 2016 et de prendre à sa charge les conséquences financières des ajustements du contrat d'approvisionnement « B86 » pour la campagne d'injection au titre de l'année 2011. Le même jour, la société GDF Suez a transmis à la société GRTgaz une estimation chiffrée de la « prestation de flexibilité » par la société GRTgaz à partir des coûts fixes du contrat d'approvisionnement « B86 » et du coût de la chaîne de transport depuis le point de livraison du contrat. Le montant s'élevait à hauteur [entre 30 et 40] millions d'euros par an. Par ailleurs, la société GDF Suez a sollicité la signature - dans des délais compatibles avec la mise en place du tarif pour l'année 2012 - d'un contrat encadrant la prestation de flexibilité.

Le 29 juillet 2011, la société GRTgaz a demandé à la société GDF Suez de préciser les éléments ayant conduit à cette évaluation de coût, fixée à hauteur de [entre 30 et 40] millions d'euros par an, afin de pouvoir demander à la Commission de régulation de l'énergie sa prise en charge dans le tarif du transport pour l'année 2012. La société GRTgaz a également indiqué dans ce courrier avoir pris des mesures en interne afin de mieux piloter les flux à Taisnières B au pas de temps journalier et infra-journalier.

Le 10 octobre 2011, la société GDF Suez a transmis à la société GRTgaz la lettre adressée à la Commission de régulation de l'énergie par laquelle elle a demandé la création rapide, sous son égide, d'un groupe de travail différent de la concertation Gaz et réunissant spécifiquement les sociétés GDF Suez et GRTgaz afin de permettre « l'adoption, en vue de la prochaine mise à jour de la grille tarifaire prévue au 1er avril 2012, du cadre opérationnel et financier permettant la viabilité de [la] prestation de flexibilité et, ainsi, la réalisation de la mission d'équilibrage conférée à GRTgaz par la loi du 3 janvier 2003 ».

Le 29 octobre 2012, la Commission de régulation de l'énergie a adressé un courrier à la société GRTgaz en réponse à sa demande tendant à la prise en compte dans le tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel (ATRT) d'un montant de [entre 30 et 40] millions d'euros par an correspondant à la facturation par la société GDF Suez d'une prestation de flexibilité pour la zone B à compter de l'année 2013.

La Commission de régulation de l'énergie a d'abord indiqué que la société GDF Suez n'avait pas négocié de distinction ou rémunération complémentaire particulière au titre de la flexibilité mise à disposition de la société GRTgaz depuis 2005 dans le cadre des engagements pris par la société GDF Suez vis-à-vis de la Commission européenne. Elle s'est ensuite interrogée sur la compatibilité de la facturation d'une « prestation de flexibilité » pour la zone B avec les objectifs poursuivis par la Commission européenne.

Enfin, elle a indiqué à la société GRTgaz qu'il revenait à la société GDF Suez d'obtenir auprès de la Commission européenne la confirmation de la compatibilité de cette demande avec les engagements pris dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39-316. En cas de réponse positive, il reviendrait ensuite à la société GDF Suez de fournir à la société GRTgaz l'ensemble des éléments justificatifs du montant annuel de cette prestation afin qu'elle puisse être couverte par le tarif ATRT5.

Le 15 février 2013, la société GRTgaz et la société GDF Suez ont signé un accord valant règlement de la médiation engagées par elles.

Le 1er mars 2013, la société GRTgaz et la société GDF Suez ont conclu une convention de mission de médiation.

[confidentiel]

Le médiateur a précisé que le contrat de conversion de gaz H en gaz B ne couvre par la prestation de flexibilité bien qu'« il offre une certaine tolérance journalière d'écart entre le niveau d'utilisation programmée d'une journée et le niveau réalisé. » De même, le médiateur a fait valoir que le contrat d'acheminement ne couvre pas la prestation de flexibilité. La Médiation a, par conséquent, estimé nécessaire la signature d'un accord entre les sociétés Engie et GRTgaz qui aurait pour objet la prestation de flexibilité.

S'agissant de la charge financière de la prestation, le médiateur a précisé qu'elle est un élément à inclure dans les tarifs d'utilisation des réseaux de transport, les charges d'équilibrage devant être supportées in fine par les utilisateurs du réseau. Le médiateur a indiqué que la compensation due à la société GDF Suez pour la prestation de flexibilité doit « n'inclure que les coûts réellement subis et directement attribuables à la fourniture de la prestation. » [confidentiel] Le médiateur a ainsi recommandé qu'un régime autonome de pénalités tarifaires soit appliqué par les parties en cas de dépassement de bornes minimales et maximales de flexibilité qui auraient été préalablement fixées par les parties.

Le 20 mai 2016, la société Engie a informé la société GRTgaz de la baisse de production croissante de gaz B au sein de l'exploitation du gisement de Groningue qui pourrait engendrer « une baisse inattendue et rapide des volumes de gaz B livrés par Gasterra ». La société Engie a également indiqué que le plan de conversion devrait s'achever en 2028. Dès lors, la société Engie, « en tant qu'opérateur prudent et raisonnable et dans l'intérêt de la sécurité d'approvisionnement du marché gazier français », a demandé à la société GRTgaz qu'un projet alternatif de conversion accéléré soit étudié et proposé d'ici septembre 2016.

Vu la saisine, enregistrée le 30 mai 2016, présentée par la société Engie, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 542 107 651, dont le siège social est situé 1, place Samuel de Champlain, 92400 Courbevoie, représentée par son représentant légal dûment habilité, ayant pour avocats Mes Michel GUENAIRE et Pierre-Adrien LIENHARDT, cabinet Gide Loyrette Nouel, 22, cours Albert 1er, 75008 Paris.

En application des dispositions des articles L. 431-3 à L. 431-5 du code de l'énergie, la société Engie fait d'abord valoir que la société GRTgaz est tenue d'assurer l'équilibrage du réseau « à tout instant » et, à cette fin, mettre en place des moyens physiques et contractuels appropriés. Autrement dit, la société GRTgaz doit assurer l'équilibrage au pas de temps le plus court possible pour la gestion des flux, soit le pas de temps horaire ou « intra-journalier ». La société Engie rappelle que les expéditeurs sont également soumis par la société GRTgaz à une obligation d'équilibrage au pas de temps journalier. Elle précise que la flexibilité intra-journalière correspond à « l'écart instantané entre les entrées de gaz et les consommations. »

Dès lors, la société Engie en déduit qu'il appartient à la société GRTgaz « d'encadrer et de sécuriser cette prestation spécifique de flexibilité horaire, dans le respect des règles d'attribution et de contractualisation applicables, le cas échéant. » A ce titre, elle ajoute que le gestionnaire de réseaux a la faculté de modifier de son propre chef, chaque heure, à la hausse ou à la baisse, la quantité programmée par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L grâce aux volumes enlevés et nominés au pas de temps horaire au titre du contrat d'approvisionnement de long terme conclu entre la société Gas Terra et la société Engie.

Par conséquent, la société Engie définit la « prestation de flexibilité » comme « la faculté utilisée par GRTgaz d'enlever ou de restituer au point d'interconnexion Taisnières B (réseau GRTgaz) - Blaregnies B (réseau Fluxys, en Belgique), heure par heure, des volumes de gaz dans un délai court, et sans préavis. »

Aux termes du rapport de médiation du 10 octobre 2013, des travaux préparatoires de l'ATRT 5 et de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie portant décision de ce tarif, elle en déduit que la prestation de flexibilité qu'elle réalise au profit de la société GRTgaz bénéficie à l'équilibrage du réseau de gaz B dont cette dernière à la charge.

Toutefois, la société Engie indique que cette prestation de flexibilité est réalisée en dehors de tout cadre contractuel dès lors qu'aucun des deux contrats qui la lient actuellement à la société GRTgaz ne recouvre ni ne concerne ladite prestation.

D'une part, s'agissant du contrat d'acheminement conclu avec la société GRTgaz, elle fait valoir que son article 2.2.1 des conditions générales ne prévoit qu'une obligation d'équilibrage journalier qui relève du droit commun applicable à tous les expéditeurs et ne saurait être confondue avec la prestation de flexibilité qu'elle réalise et qui est relative à l'équilibrage horaire de la zone B. Elle ajoute ainsi qu'elle effectue un « service supplémentaire » qui va au-delà de son obligation d'équilibrer le réseau sur un pas de temps journalier. En outre, elle soutient que les stipulations de l'annexe 1.1 complétant l'article 13.1 des conditions générales du contrat d'acheminement n'ont pas pour objet d'équilibrer le réseau au pas de temps horaire [confidentiel].

D'autre part, s'agissant du contrat de conversion de gaz H en gaz B, elle fait valoir qu'il a une finalité bien distincte de celle de la « prestation de flexibilité » qui a pour objet de « définir les conditions dans lesquelles Engie assure au bénéfice de GRTgaz une prestation permettant à GRTgaz de rendre un service de conversion de quantités de gaz H en quantités de gaz B aux fournisseurs de clients sur la zone B, en fonction des nominations journalières desdits fournisseurs » et, in fine, de permettre l'émergence d'une offre concurrente de la sienne lors de l'ouverture des marchés. Elle ajoute que la prestation de conversion n'envisage aucune flexibilité horaire dès lors qu'il s'agit d'un service rendu sur base journalière. Elle indique que les stipulations de l'article 7 du contrat de conversion de gaz H en gaz B, qui prévoient une tolérance de [entre 0 et 20] % entre la quantité journalière effectivement convertie et la quantité journalière qui avait été programmée par la société GRTgaz, a pour finalité de couvrir des erreurs de prévision des expéditeurs tiers sans pouvoir être utilisée à des fins de flexibilité horaire. Elle ajoute qu'une telle tolérance, qui est habituelle des contrats gaziers, répond avant tout à une exigence de gestion opérationnelle du réseau de transport qui est sujette à quantités d'aléas, contraintes et maintenances techniques.

Enfin, la société Engie soutient que les relations contractuelles qui la lient à la société GRTgaz doivent évoluer afin d'encadrer l'ensemble de la prestation de flexibilité. En effet, en application des dispositions de l'article 1371 du code civil, la société Engie fait valoir que la société GRTgaz bénéficie depuis plusieurs années d'une prestation de flexibilité qu'elle ne paie pas. Il en résulte un enrichissement de la société GRTgaz corrélatif à un appauvrissement de la société Engie qui devrait lui ouvrir droit au versement d'une indemnité au titre de la « prestation de flexibilité » qu'elle réalise pour la société GRTgaz.

De surcroît, en application des règles régissant les entreprises verticalement intégrées, la société Engie indique que la prestation de flexibilité nécessite « un accord commercial et financier ayant pour objet l'équilibrage horaire du réseau gazier exécuté par Engie au bénéfice de GRTgaz, doit donc (a) faire l'objet d'un contrat, (b) qui doit être approuvé par la Commission de régulation de l'énergie, et (c) être conforme aux conditions du marché. » Or, la société Engie fait valoir qu'aucune des trois conditions précitées n'est remplie.

De plus, la société Engie rappelle que les règles de transparence et de non-discrimination impliquent que les expéditeurs soient traités de la même manière par le gestionnaire du réseau de transport ainsi que la mise en place d'une procédure d'appel d'offres lorsque le gestionnaire de réseau de transport souhaite recourir à un expéditeur pour la satisfaction de ses besoins.

Enfin, et par analogie avec les règles applicables au secteur de l'électricité, la société Engie indique que lorsque le gestionnaire du réseau de transport recourt à des mécanismes permettant d'assurer l'équilibrage, ces derniers donnent lieu à la conclusion d'un contrat et au paiement d'une rémunération.

La société Engie demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :

- « constater que la prestation de flexibilité participe de l'équilibrage du réseau de transport de gaz naturel géré par GRTgaz ;

- constater que GRTgaz doit assumer la prestation de flexibilité et que, si elle ne peut l'assurer, elle doit la confier à un prestataire et la soumettre à un encadrement contractuel et une contrepartie financière dans les conditions prévues par le Code de l'énergie ;

- constater, tant que Engie est le seul prestataire de service retenu, que la rémunération de la prestation de flexibilité doit (i) compenser le coût de flexibilité horaire achetée par Engie auprès de GasTerra, (ii) compenser le coût de transport de la flexibilité horaire à travers le réseau belge, (iii) compenser tout autre coût exposé et justifié par Engie qui serait directement lié à la fourniture de la prestation de flexibilité, et (iv) intégrer une marge raisonnable pour Engie ;

- dire que le montant de la rémunération due par GRTgaz à Engie devra être évalué chaque année en fonction des coûts effectivement supportés par Engie ;

- dire qu'il sera fait une juste appréciation du montant annuel dû par GRTgaz à Engie au titre de la Prestation de flexibilité en le fixant à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015 ;

- enjoindre à GRTgaz de transmettre à Engie une convention conforme aux motifs de la décision du CORDIS à intervenir, de signer et d'exécuter cette convention. »

Vu les observations en défense, enregistrées le 27 juillet 2016, présentées par la société GRTgaz, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 440 117 620, dont le siège social est situé au 6, rue Raoul Nordling, 92270 Bois Colombes, représentée par son représentant légal, ayant pour avocats Mes Paul Ravetto et Jody Granados, cabinet Ravetto Associés, 6, square de l'Opéra Louis Jouvet, 75009 Paris.

A titre liminaire, la société GRTgaz fait valoir que la procédure de règlement de différend introduite devant le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n'est en aucun cas le prolongement de la médiation [confidentiel].

En premier lieu, la société GRTgaz indique que la prestation de flexibilité est d'ores et déjà contractualisée dans le cadre de clauses spécifiques du contrat de conversion d'une part, et du contrat d'acheminement, d'autre part.

S'agissant du contrat de conversion conclu entre les parties le 26 avril 2005, la société GRTgaz précise qu'il porte à titre principal sur une prestation d'échange de gaz, et non sur une prestation de flexibilité. Toutefois, la société GRTgaz fait valoir que les stipulations de l'article 7 du contrat de conversion, relatif aux règles d'allocations, introduisent une tolérance entre la quantité journalière convertie et la quantité journalière programmée en ce qu'elles prévoient que la valeur absolue de l'écart entre ces deux valeurs ne peut excéder [entre 0 et 20] %. Ainsi, elle en déduit qu'elle peut faire appel à un tel service pour couvrir ses besoins de flexibilité journalière dès lors que l'écart est imputable à une erreur de prévision de la consommation des autres expéditeurs ayant une offre de fourniture sur la zone B, point qui, selon elle, n'est pas contesté par la société Engie. La société GRTgaz en déduit qu'une partie de la flexibilité fournie par la société Engie est contractualisée aux termes du contrat de conversion.

S'agissant du contrat d'acheminement conclu entre les parties le 25 février 2005, la société GRTgaz fait valoir que son annexe 5.1 contient une clause relative à la détermination des quantités de gaz à Taisnières B qui stipule que la quantité enlevée à Taisnières B est égale à la quantité mesurée diminuée de la somme des quantités allouées aux autres expéditeurs. Elle en conclut qu'une telle clause l'autorise à affecter à la société Engie l'écart entre les flux réalisés à Taisnières B et les quantités affectées aux autres expéditeurs.

La société GRTgaz ajoute que la distinction opérée par la société Engie entre « flexibilité horaire » et « flexibilité journalière » est « artificielle ». Elle indique qu'aucune disposition n'encadre les conditions et modalités de recours aux différentes sources de flexibilité lui permettant d'assurer sa mission d'équilibrage du réseau telle que précisée à l'article L. 431-3 du code de l'énergie. La société GRTgaz en déduit qu'elle dispose de facto d'une certaine marge de manœuvre et qu'il n'y a pas lieu d'affecter un pas de temps spécifique à la flexibilité.

Au surplus, elle soutient que la société Engie n'a pas toujours considéré que la notion de flexibilité horaire devait être nécessairement associée à la prestation de flexibilité puisqu'elle aurait admis auparavant, à plusieurs reprises, que la prestation couvrait les besoins de la société GRTgaz en « flexibilité journalière et intra-jounalière » et que la flexibilité intra-journalière n'était qu'un accessoire, tant en volumes qu'en montants.

En deuxième lieu, la société GRTgaz précise que la prestation de flexibilité est d'ores et déjà rémunérée aux termes des stipulations du contrat de conversion. Dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316, la société GRTgaz indique qu'il convient de s'interroger sur la compatibilité de la demande de rémunération additionnelle formulée par la société Engie et de son engagement pris le 21 octobre 2009. Elle fait valoir qu'une telle demande pourrait aller à l'encontre de l'objectif d'ouverture à la concurrence du marché de gaz B et que toute rémunération additionnelle « aurait vocation à intégrer les coûts couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux » [confidentiel].Elle précise également que la prise en compte d'une rémunération supplémentaire de la flexibilité aurait pour conséquence une « augmentation considérable du prix d'entrée à Taisnières B » ce qui conduirait à dégrader les conditions d'exercice de l'activité des concurrents de la société Engie sur le marché du gaz B. En conséquence, la société GRTgaz demande au comité de bien vouloir auditionner le mandataire indépendant qui a été désigné pour superviser le respect des engagements pris par la société Engie dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316 pour s'assurer de la compatibilité d'une telle demande avec les engagements pris par la société Engie auprès de la Commission européenne.

En outre, la société GRTgaz soutient que les coûts liés à la fourniture de gaz B sont couverts par les tarifs réglementés de vente en application du principe de couverture totale des coûts d'approvisionnement et des coûts hors approvisionnement supportés par un fournisseur historique tels qu'énoncés aux articles L. 445-3, R. 445-2 et R. 445-4 du code de l'énergie. A ce titre, elle précise qu'une partie significative de ces coûts provient des contrats d'approvisionnement à long terme conclus par la société Engie.

Elle en conclut qu'à défaut pour la société Engie de pouvoir apporter la preuve du contraire, sa demande de rémunération additionnelle devra être rejetée par le comité car elle ne peut bénéficier d'une double rémunération. Au surplus, elle ajoute que les parties sont liées par un « accord tacite concernant l'absence de rémunération particulière et additionnelle à la fourniture de flexibilité. »

Enfin, la société GRTgaz fait valoir que la rémunération additionnelle soulevée par la société Engie au titre de la réalisation de la prestation de flexibilité engendrerait une distorsion de concurrence d'une part, et méconnaîtrait le principe de transparence, d'autre part.

En particulier, la société GRTgaz soutient que la prestation de flexibilité réalisée par la société Engie à son profit ne méconnait pas les règles sur l'indépendance du gestionnaire de réseau telles qu'énoncées à l'article L. 111-18 du code de l'énergie. Au contraire, elle fait valoir que la rémunération additionnelle sollicitée par la société Engie est de nature à méconnaître les conditions de neutralité puisqu'elle instaurerait une distorsion de concurrence dans la mesure où l'augmentation du tarif ATRT en résultant pénaliserait les expéditeurs concurrents de la société Engie qui ne sont pas les principaux bénéficiaires de la prestation d'équilibrage.

Elle ajoute que l'octroi d'une rémunération additionnelle telle que sollicitée par la société Engie au titre de la prestation de flexibilité serait contraire au principe de transparence énoncé aux dispositions des articles L. 431-3 et L. 441-3 du code de l'énergie dès lors que la société Engie ne fournit aucun élément tangible et fiable permettant de vérifier l'exactitude et le bien-fondé du montant qu'elle sollicite.

La société GRTgaz demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- « constater que la Prestation de flexibilité ne se résume pas à la prestation de « flexibilité horaire » invoquée par la société Engie ;

- constater que la Prestation de flexibilité est déjà contractualisée et rémunérée ;

Par conséquent :

- rejeter les demandes formulées par la société Engie tendant à ce que le comité :

- « [constate] que Engie est le seul prestataire de service retenu, que la rémunération de la Prestation de flexibilité doit (i) compenser le coût de flexibilité horaire achetée par Engie auprès de GasTerra, (ii) compenser le coût de transport de la flexibilité horaire à travers le réseau belge, (iii) compenser tout autre coût exposé et justifié par Engie qui serait directement lié à la fourniture de la prestation de flexibilité, et (iv) intégrer une marge raisonnable pour Engie ;

- [dise] que le montant de la rémunération due par GRTgaz à Engie devra être évalué chaque année en fonction des coûts effectivement supportés par Engie ;

- [dise] qu'il sera fait une juste appréciation du montant annuel dû par GRTgaz à Engie au titre de la Prestation de flexibilité en le fixant à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015 ;

- [enjoigne] à GRTgaz de transmettre à Engie une convention conforme aux motifs de la décision du CORDIS à intervenir, de signer et d'exécuter cette convention. »

Vu les observations en réplique, enregistrées le 25 octobre 2016, présentées par la société Engie.

A titre préliminaire, la société Engie fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie est parfaitement compétent pour connaître du différend qui l'oppose à la société GRTgaz. En application du dernier alinéa de l'article L. 134-19 du code de l'énergie, elle soutient que le comité est compétent pour « interpréter les contrats existants entre Engie et GRTgaz pour déterminer si la Prestation de flexibilité y est ou non prévue et il peut également apprécier le respect par GRTgaz des obligations qui s'imposent à lui s'agissant de ses relations avec les autres entreprises de l'entreprise verticalement intégrée à laquelle elle appartient. »

La société Engie rappelle que si la société GRTgaz a recours à de la flexibilité intra-journalière, celle-ci ne peut être que sur une base horaire dès lors que, pour des raisons opérationnelles, il s'agit du pas de temps le plus court en « entrée France ».

Dans le cadre de l'exécution du contrat de conversion, elle ajoute que la société GRTgaz est mal venue à contester la réalité d'une prestation horaire dès lors qu'elle en fait l'utilisation au travers d'appels de flexibilité horaire et qu'elle en reconnait l'existence aux termes de ses écrits dans le cadre des échanges relatifs au Protocole au pilotage de la prestation.

S'agissant du contrat d'acheminement, la société Engie fait valoir que son annexe 1.1 avait vocation à être provisoire au moment de la conclusion dudit contrat dès lors que la société Engie détenait la majorité de la clientèle de la zone. Elle indique qu'elle avait alors le rôle d'« expéditeur d'équilibre » qui a désormais disparu à l'issue de la mise en place entre la société GRTgaz et les expéditeurs tiers de réseaux adjacents dans la zone B. Ainsi, elle précise que la société GRTgaz a utilisé cette annexe « aux fins de détourner une ressource d'un expéditeur au bénéfice des autres expéditeurs de la zone, de façon totalement abusive. » Enfin, elle ajoute que la règle d'allocation prévue à l'annexe 1.1 du contrat d'acheminement renvoie à un équilibrage journalier et ne saurait, contrairement à ce qu'indique la société GRTgaz, ne faire qu'un avec la notion d'équilibrage horaire. Elle précise que depuis la mise en place d'un « operational balancing account » (ci-après « OBA »), conclu le 1er octobre 2016, l'annexe 1.1 a disparu ce qui met un terme à son rôle d'expéditeur d'équilibre que la société GRTgaz a fait abusivement peser sur elle. Au surplus, la société Engie soutient que les dispositions du contrat d'acheminement n'incluent pas la prestation de flexibilité dès lors qu'elles n'ont jamais eu pour objet d'assurer l'équilibrage du réseau au pas de temps horaire.

S'agissant du contrat de conversion, la société Engie rappelle qu'elle ne peut faire droit à une demande de modification du programme journalier de conversion à l'intérieur de la journée gazière que sous réserve du respect d'un préavis de trois heures et pour des volumes limités et décroissants vers zéro à la fin de la journée. Elle ajoute que les demandes de modification sont effectuées en tenant compte du prorata de la quantité journalière programmée préalablement pour les heures passées et de telle sorte que la variation n'excède pas un vingt-quatrième de la capacité journalière sur les heures restantes du jour.

La société Engie fait valoir que la prestation de flexibilité est utilisée par la société GRTgaz pour l'équilibrage du réseau. A ce titre, elle soutient qu'elle doit être intégrée en tant que telle au tarif d'utilisation de son réseau et qu'il ne peut être allégué que la société Engie est intégralement rémunérée de la prestation au moyen des tarifs réglementés de vente. Elle précise que cela revient à considérer que le coût d'une prestation rendue pour l'équilibrage du réseau au bénéfice de tous « soit facturé à une catégorie isolée et minoritaire de clients ayant opté pour une fourniture aux tarifs réglementés de vente. » A ce titre, elle fait valoir que les ventes aux tarifs réglementés ne représentent qu'une part minime de ses volumes annuellement importés.

Elle indique que la société GRTgaz n'apporte aucun élément justifiant que le contrat d'acheminement prévoie une rémunération pour l'exécution de la prestation de flexibilité.

La société Engie indique que l'allégation par la société GRTgaz s'agissant de l'existence d'un accord tacite entre les deux sociétés ne résiste pas à l'analyse dès lors qu'à la fin des années 60, elles constituaient une personne morale unique et qu'une telle prestation n'a été clairement identifiée et isolée qu'à partir de 2010.

S'agissant des règles régissant les entreprises verticalement intégrées, la société Engie rappelle que le code de l'énergie impose au gestionnaire de réseau lorsqu'il acquiert des prestations auprès de tiers, de le faire dans des conditions justes et transparentes et d'appliquer aux entreprises de l'entreprise verticalement intégrée le même traitement que celui qu'aurait reçu toute entreprise prestant à son profit des services et non des conditions plus défavorables.

Enfin, la société Engie soutient que la société GRTgaz est mal venue « à prétexter que la rémunération demandée par Engie aurait pour effet de renchérir le coût du tarif de transport pour les autres usagers » ce qui serait de nature à instaurer une discrimination entre utilisateurs de réseau. En effet, elle indique que s'il existe un objectif de limitation des coûts liés au tarif de transport, le gestionnaire de réseau ne peut pour autant revendiquer la gratuité des prestations qui lui sont fournies par des tiers dans le cadre des missions qui lui sont confiées.

La société Engie persiste, par conséquent, dans ses précédentes écritures.

Vu les observations en duplique, enregistrées le 16 janvier 2017, présentées par la société GRTgaz.

La société GRTgaz fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n'est pas compétent pour apprécier le montant annuel prétendument dû à la société Engie au titre de la prestation de flexibilité.

Selon la société GRTgaz, une telle demande de paiement relève de la compétence du juge du contrat, et en particulier du tribunal de commerce, le comité ne pouvant se substituer à ce dernier. Dès lors, la société GRTgaz fait valoir que le comité ne pourra que rejeter la demande de la société Engie tendant à fixer le montant annuel prétendument dû à la société Engie à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015.

Au surplus, et en tout état de cause, la société GRTgaz soutient que le comité ne saurait faire droit à une telle demande « eu égard aux données parcellaires et partiales invoquées par la société Engie pour justifier le niveau de cette rémunération. »

S'agissant de l'exécution de la prestation de flexibilité dans le cadre du Contrat de swap, la société GRTgaz ajoute que la société Engie ne conteste pas la possibilité offerte à la société GRTgaz de faire appel au service de conversion pour couvrir ses besoins de flexibilité journalière.

S'agissant de l'exécution de la prestation de flexibilité dans le cadre du Contrat d'acheminement, la société GRTgaz fait valoir que l'annexe 1.1 est toujours applicable dans la mesure où aucun avenant au contrat d'acheminement n'a été signé à ce jour à la suite de la mise en place de l'Operational balancing agreement (OBA).

En tout état de cause, la société GRTgaz fait valoir que ce moyen est dénué de portée juridique dès lors que ses demandes formulées devant le comité portent sur les années 2010-2015, soit sur une période antérieure à la mise en place de l'OBA.

En deuxième lieu, la société GRTgaz indique que la société Engie n'apporte aucun élément justifiant que ses « doléances » portent effectivement sur la flexibilité sur la zone B.

En dernier lieu, la société GRTgaz fait valoir que la société Engie ne peut valablement soutenir qu'elle a utilisé l'annexe litigieuse aux fins de détourner une ressource d'un expéditeur au bénéfice des autres expéditeurs de la zone, de façon totalement abusive, puisque la société Engie est le principal expéditeur et l'unique importateur sur la zone B. Elle ajoute que le principe de non-discrimination n'exclut pas de traiter de façon différente des situations différentes.

Par ailleurs, la société GRTgaz soutient que la société Engie part d'un postulat erroné qui repose sur une instrumentalisation d'un protocole à visée purement opérationnelle pour écarter la prise en compte de la flexibilité assurée dans le cadre du contrat de swap et du contrat d'acheminement.

S'agissant de la couverture des coûts d'approvisionnement en gaz, la société GRTgaz fait valoir qu'elle n'a jamais prétendu faire peser sur un client final de la société Engie un coût attaché à la mission du transporteur dès lors qu'elle la rémunère pour sa prestation de flexibilité et que les coûts ainsi supportés par le gestionnaire ont vocation à être intégré dans l'ATRT. Elle rappelle que les coûts d'approvisionnement du fournisseur historique sont en principe couverts par les tarifs réglementés de vente et par les offres de marché. Dès lors, la société GRTgaz invite le comité à constater que la société Engie ne subit aucune « spoliation » du fait de la mise à disposition de la société GRTgaz à Taisnières B d'une partie de l'énergie achetée auprès de l'opérateur Gas Terra.

S'agissant de la demande de rémunérations complémentaires, la société GRTgaz rappelle que les premiers textes imposant une dissociation entre les activités régulées et les activités concurrentielles ont été adoptées avant la création de la société GRTgaz en 2005 et se traduisaient notamment, en pratique, par l'adoption d'un protocole qui est un « accord de nature contractuelle conclu au sein d'une même personne ». Dès lors, la société Engie ne peut valablement prétendre qu'aucun accord n'a été conclu en 2010.

La société GRTgaz persiste, par conséquent, dans ses dernières écritures et demande également au comité :

- d'auditionner le mandataire désigné dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316, pour s'assurer de la compatibilité entre la rémunération additionnelle sollicitée par la société Engie et l'engagement pris par cette dernière aux termes de la procédure susvisée ;

- d'auditionner le directeur des marchés de la Commission de régulation de l'énergie sur la couverture des coûts liés à la fourniture de gaz B par les tarifs réglementés de vente depuis la fin des années 60 ou, depuis l'ouverture du marché de la fourniture du gaz à la concurrence, par le prix des offres de marché.

Vu la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, a demandé à la société Engie de bien vouloir lui adresser avant le 27 février 2017 :

- le contrat d'approvisionnement de long terme conclu entre la société Engie et la société Gas Terra, dit contrat « B86 », ainsi que ses avenants depuis le 25 février 2005 ;

- le bilan des pénalités versées par Engie à Gas Terra au titre du contrat « B86 » depuis le 26 avril 2005, qui seraient la conséquence de dépassements de capacités converties par GRTgaz au titre du contrat de conversion de gaz H en gaz B : montants journaliers versés, éléments ayant conduit à la facturation de ces pénalités et dates d'occurrence.

Le rapporteur a également demandé à la société Engie de bien vouloir lui indiquer avant le 27 février 2017 dans le cadre du contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B :

- les Quantités journalières converties et les Quantités journalières programmées (nominations initiales et renominations) de conversion entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2015 en mettant en évidence les occurrences éventuelles de dépassement journalier et intra-journalier du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % (en valeur absolue) entre les quantités programmées et les quantités converties survenues entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2015 ;

- la procédure de communication, ou sa description si celle-ci n'est pas formalisée (informations communiquées, vecteurs de communication et plage horaire de communication), appliquée par la société GRTgaz et la société Engie concernant les nominations et renominations à Taisnières B dans le cadre de conversion de gaz H en gaz B pendant la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011 et depuis le 1er avril 2011 ;

- le bilan des pénalités payées par la société GRTgaz à la société Engie, au titre de dépassements de la capacité journalière de conversion (montants journaliers versés et dates d'occurrence) depuis le 26 avril 2005.

Vu la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, a demandé à la société GRTgaz de bien vouloir lui adresser avant le 27 février 2017 :

- les quantités journalières allouées agrégées par point (PITS, PITD, PIC, PIR) sur le réseau de gaz à bas pouvoir calorifique (gaz B) en France entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2015 ;

- l'historique des nominations et renominations à Taisnières B depuis le 1er janvier 2010.

Le rapporteur a également demandé à la société GRTgaz de bien vouloir lui indiquer avant le 27 février 2017 dans le cadre du contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B :

- la procédure de communication, ou sa description si celle-ci n'est pas formalisée (informations communiquées, vecteurs de communication et plage horaire de communication), appliquée par la société GRTgaz et la société Engie concernant les nominations et renominations à Taisnières B dans le cadre du contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B pendant la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011 et depuis le 1er avril 2011 ;

- les cas de dépassement journalier et intra-journalier du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % (en valeur absolue), entre les quantités converties et les quantités programmées depuis le 26 avril 2005 : liste des éventuels cas de dépassement, en indiquant pour chaque cas la date, la plage horaire, la quantité convertie et la quantité programmée ;

- le bilan des pénalités payées par la société GRTgaz à la société Engie, au titre de dépassements de la capacité journalière de conversion depuis le 26 avril 2005.

Vu la réponse en date du 27 février 2017, de la société GRTgaz à la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle elle a adressé au rapporteur, en charge de l'instruction du dossier :

- les allocations au point d'interconnexion réseau Taisnières B, aux points d'interface transport distribution et aux points de livraison clients situés en zone B, au point d'interface transport stockage Nord B, ainsi qu'au point d'interface transport production d'Arleux, pour la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2015 ;

- les nominations au point Taisnières B, pour la période allant du 1er janvier 2010 au 13 février 2017. Les données antérieures au 25 février 2012 correspondent à la dernière nomination de la journée gazière. Les données postérieures au 25 février 2012 comprennent toutes les nominations et renominations de la journée gazière ;

- une note technique décrivant la procédure de communication mise en œuvre par les sociétés GRTgaz et Engie depuis le 1er avril 2013 dans le cadre de la réalisation du service de conversion de gaz H en gaz B ;

Aux termes de ladite note, et s'agissant de la transmission des prévisions hebdomadaires, il est précisé que la société GRTgaz envoie à la société Engie des programmes hebdomadaires de conversion deux fois par semaines :

- un envoi chaque vendredi à 12 heures ;

- un envoi chaque lundi à 14 h 30.

- chaque programme couvre la période des Journées Gazières JG+1 à JG+7. Le programme contient la Quantité Journalière Demandée de Conversion pour chaque Journée Gazière, exprimée en kWh à 25°C.

Il est également précisé que s'agissant de la transmission de la quantité journalière demandée de conversion, la société GRTgaz envoie à la société Engie la quantité journalière demandée avant 16 h en J-1. Cette quantité journalière demandée de conversion peut être actualisée à la suite d'une révision des prévisions de consommation des expéditeurs tiers actifs sur la zone B. La demande actualisée est transmise par la société GRTgaz à la société Engie entre 16 h JG-1 et 3 h JG.

S'agissant de la nomination de la société Engie sur la zone B, la société Engie intègre la quantité journalière demandée de conversion dans ses nominations sur les points de la zone B. Les nominations de la société Engie sur la zone B contiennent les besoins de consommation de ses propres clients et ceux des expéditeurs tiers.

La société Engie gère son équilibrage sur la zone Nord et son équilibrage spécifique sur la zone Nord B via le respect des bornes des paramètres :

- écart de Bilan Journalier (EBJ) ;

- écart de Bilan Cumulé (EBC).

Les nominations de la société Engie sont transmises avant 14 h en J-1 et peuvent être modifiées entre 14 h en J-1 et 3 h en J.

La transmission des programmes est réalisée par voie électronique, par le moyen de messages Edigas.

S'agissant de la procédure de communication mise en œuvre par la société GRTgaz et la société Engie dans le cadre de la réalisation du service de conversion de gaz H en gaz B, la société GRTgaz renvoie en outre à l'annexe 3 du contrat de conversion de gaz H en gaz B, intitulée « Communication de la quantité journalière de conversion entre GRTgaz et Engie ».

- les résultats de l'indicateur de suivi de l'écart entre la quantité programmée de conversion pour un jour donné et la quantité journalière convertie, ainsi que les cas de dépassement de la tolérance fixée à [entre 0 et 20] % de la capacité journalière souscrite, pour la période allant du 1er avril 2013 au 31 décembre 2016 ;

- le bilan des pénalités payées par la société GRTgaz à la société Engie, au titre de dépassements de la capacité journalière de conversion depuis le 26 avril 2005 ;

- la facture à échéance du 28 janvier 2013 adressée par la société Engie à la société GRTgaz au titre d'un dépassement de la capacité journalière souscrite dans le cadre du contrat de conversion de gaz H en gaz B ;

- l'annexe 3, intitulée « Procédures opérationnelles », du contrat de conversion de gaz H en gaz B.

La société GRTgaz a indiqué que l'écart, en valeur absolue, entre la quantité programmée de conversion pour un jour donné et la quantité journalière convertie a été supérieur à [entre 0 et 20] % de la capacité journalière de conversion souscrite en 17 occurrences entre le 1er avril 2013 et le 31 décembre 2016, soit 1,2 % du temps sur la période considérée.

La société GRTgaz a également précisé qu'un dépassement de la capacité journalière de conversion souscrite au titre du contrat de conversion de gaz H en gaz B est à relever entre le mois de décembre 2006 et le mois de décembre 2016, le 13 décembre 2012. La société GRTgaz a, à ce titre, versé une pénalité à la société Engie.

Vu la réponse en date du 6 mars 2017, de la société Engie à la mesure d'instruction du 23 janvier 2017, par laquelle elle a adressé au rapporteur, en charge de l'instruction du dossier :

- une note technique relative à la mesure d'instruction du 23 janvier 2017 ayant pour objet de répondre aux demandes d'informations et de communication du rapporteur ;

- le contrat de vente de gaz naturel entre N.V. Nederlandse Gasunie et Le Gaz de France, dit « contrat B86 », ainsi que ses avenants n° 12 et 14, dont, d'une part, certains passages ont été noircis et, d'autre part, certaines parties sont rédigées en langue anglaise ;

- la capacité journalière de conversion souscrite, les quantités journalières converties et la dernière quantité journalière programmée de conversion par la société GRTgaz, pour la période allant du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2013 ;

- la capacité journalière de conversion souscrite, les quantités journalières converties et la dernière quantité journalière programmée de conversion, ainsi que les nominations initiales et les renominations par la société GRTgaz, pour la période allant du 1er août 2013 au 31 décembre 2015 ;

- les occurrences de dépassement du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % (en valeur absolue) entre les quantités programmées et les quantités converties sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015 ;

- le contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B conclu par les société Engie et GRTgaz le 26 avril 2005 ;

- l'avenant n° 19 au contrat portant sur le service de conversion de gaz H en gaz B, conclu par les sociétés GRTgaz et Engie le 1er décembre 2006.

La société Engie a également indiqué qu'« il ne peut être établi aucune relation entre les dépassements du contrat B86 et ceux du contrat de conversion ». En outre, la société Engie a précisé qu'elle « n'a pas directement versé à GasTerra des montants facturés au titre de pénalités de ces dépassements horaires. […]

Les dépassements horaires ont imposé à Engie, notamment de

- [confidentiel]. »

La société Engie a également fait valoir qu'« il ne saurait y avoir de dépassement « intrajournalier » ou « horaire » du seuil de tolérance de [entre 0 et 20] % prévu dans le contrat de conversion dans la mesure où le contrat de conversion fait l'objet de nominations qui ne peuvent être qu'au pas de temps journalier (article 6 du contrat. »

S'agissant du contrat de conversion de gaz H en gaz B, la société Engie a précisé que les livraisons sont effectuées en des points virtuels de conversion H et B, rattachés respectivement à la zone Nord H et à la zone Nord B.

S'agissant de la procédure de communication appliquée par la société GRTgaz et la société Engie concernant les nominations et renominations dans le cadre du contrat de conversion, la société Engie a renvoyé aux articles 6 et 7, intitulés respectivement « Prévision et programmation » et « Allocations », et à l'annexe 3, intitulée « Procédures opérationnelles », du contrat de conversion de gaz H en gaz B.

Vu la mesure d'instruction du 24 mai 2017, par laquelle le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, a demandé à la direction générale de la Concurrence de bien vouloir répondre aux questions suivantes avant le 16 juin 2017 :

- « les services de la Commission européenne considèrent-ils que l'engagement souscrit par la société Engie dans le cadre de la procédure COMP/B-1/39.316 relatif au service de conversion de gaz H en gaz B à la société GRTgaz, comprend la fourniture d'une prestation de flexibilité ? Dans l'affirmative, les services de la Commission européenne peuvent-ils préciser la nature et l'étendue de cette prestation de flexibilité ?

- dans l'hypothèse où les services de la Commission européenne considéreraient que l'engagement souscrit par la société Engie mentionné à la première question comprend la fourniture d'une prestation de flexibilité au bénéfice de la société GRTgaz, dans quelle mesure la société Engie peut-elle bénéficier d'une rémunération spécifique pour la fourniture de cette prestation ? ».

Vu les observations, enregistrées le 31 mai 2017, par lesquelles la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a répondu à la mesure d'instruction en date du 24 mai 2017.

En réponse à la première question qui lui a été adressée, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a indiqué que « l'existence d'une éventuelle prestation de flexibilité comprise dans l'engagement d'Engie de continuer à fournir le service de conversion de gaz H en gaz B à GRTgaz doit donc être appréciée au regard des dispositions de ce contrat telles qu'elles étaient en vigueur à la date d'adoption de la décision de la Commission C (2009) 9375 final, soit le 3 décembre 2009. »

Elle a fait valoir que « le CoRDiS est le mieux placé pour examiner les dispositions contractuelles régissant le service de conversion afin de déterminer si celui-ci comprend la fourniture d'une prestation de flexibilité et d'en caractériser, le cas échéant, la nature et l'étendue exactes. »

En réponse à la seconde question qui lui a été adressée, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a indiqué que dans une telle hypothèse, la prestation de flexibilité entrerait dans le champ de l'engagement d'Engie et que, par conséquent, la société Engie « devrait continuer à la fournir dans des conditions en vigueur à la date d'adoption de la décision de la Commission C (2009) 9375 final, soit le 3 décembre 2009. »

Elle a précisé que « les caractères « raisonnable » et « sensiblement identiques » des conditions financières dans lesquelles GDF Suez doit continuer à fournir le service de conversion à GRTgaz constituent deux conditions d'égale importance qui doivent donc être conciliées.

Enfin, elle a fait valoir que « cela implique qu'Engie pourrait bénéficier d'une rémunération spécifique pour la prestation de flexibilité dans l'un ou l'autre cas de figure suivant :

- si cela était déjà le cas au moment de l'adoption de la décision de la Commission ;

- dans la mesure où cela serait nécessaire pour continuer à assurer le caractère raisonnable des conditions financières dans lesquelles elle fournit le service de conversion à GRTgaz.

Dans les deux cas de figure, toute modification des conditions financières dans lesquelles Engie fournit le service de conversion à GRTgaz par rapport aux conditions en vigueur le 3 décembre 2009 doit être strictement proportionnée à l'évolution des différentes catégories de coûts effectivement supportés par Engie pour la fourniture de ce service.

En effet, une augmentation tarifaire correspondant à une augmentation en valeur absolue des coûts effectivement supportés par Engie ne serait pas conforme à l'engagement d'Engie dans la mesure où, en altérant sensiblement le ratio entre les revenus et les différentes catégories de coûts générés par le service de conversion, elle reviendrait à modifier substantiellement les conditions financières tarifaires du service par rapport à celles en vigueur le 3 décembre 2009. »

Vu le courrier adressé le 28 juillet 2017 à la société GRTgaz par lequel le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier, lui a demandé de bien vouloir lui indiquer précisément, avant le 15 septembre 2017, les informations à occulter dans les éléments de réponse à la mesure d'instruction transmis le 27 février 2017, en fournissant une justification de ces demandes d'occultation, afin de pouvoir assurer le contradictoire.

Vu le courrier adressé le 28 juillet 2017 à la société Engie par lequel le rapporteur, en charge de l'instruction du dossier :

- a demandé à la société Engie de bien vouloir lui indiquer précisément, avant le 15 septembre 2017, les informations à occulter dans les éléments de réponse à la mesure d'instruction transmis le 6 mars 2017, en fournissant une justification de ces demandes d'occultation, afin de pouvoir assurer le contradictoire ;

- a demandé à la société Engie de bien vouloir lui transmettre avant le 15 septembre 2017 une version traduite assermentée en langue française de l'ensemble du contrat B86 et de ses avenants depuis le 25 février 2005.

Vu la réponse, enregistrée le 15 septembre 2017, par laquelle la société GRTgaz a répondu à la demande du rapporteur en date du 28 juillet 2017.

La société GRTgaz a transmis ses éléments de réponse à la mesure d'instruction, après occultation des informations commercialement sensibles.

Vu la réponse, enregistrée le 22 septembre 2017, par laquelle la société Engie a répondu à la demande du rapporteur en date du 28 juillet 2017

La société Engie a transmis ses éléments de réponse à la mesure d'instruction, après occultation des informations commercialement sensibles, ainsi qu'une version traduite assermentée en langue française de l'ensemble du contrat B86 et de ses avenants.

Vu les observations récapitulatives, enregistrées le 23 octobre 2017, présentées par la société Engie.

A titre préliminaire, la société Engie fait valoir que les demandes d'audition de la société GRTgaz sont parfaitement inutiles puisque le mandataire indépendant ne bénéficie d'aucun pouvoir propre pour décider de la compatibilité des demandes de la société Engie avec ses engagements européens et que le directeur des marchés de la Commission de régulation de l'énergie est placé sous l'autorité du président du comité. Elle ajoute que le comité est le seul compétent pour examiner les dispositions contractuelles du contrat de conversion, comme l'a indiqué la direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Elle conclut sur ce point en indiquant qu'il ne revient pas au comité de s'administrer la preuve des prétentions de la société GRTgaz.

S'agissant de la compétence du comité pour trancher le différend, la société Engie ajoute qu'elle n'a formulé aucune demande indemnitaire en demandant au comité de se prononcer sur la rémunération due par la société GRTgaz. A ce titre, et en application de l'article L. 134-20 du code de l'énergie et de la pratique décisionnelle du comité, elle précise qu'il est tenu de fixer les conditions financières de règlement des différends qu'il doit trancher.

Par ailleurs, la société Engie rappelle que les dispositions de l'article L. 431-5 du code de l'énergie précisent que la société GRTgaz commercialise et facture à ses clients, via le contrat d'acheminement, des capacités de livraison intra-journalière aux points de consommation sur une base horaire.

Elle ajoute qu'à la lecture du rapport de médiation et des décisions de la Commission de régulation de l'énergie pour l'ATRT5 et l'ATRT6, la société GRTgaz ne peut nier l'existence de cette « prestation de flexibilité ».

S'agissant de l'encadrement contractuel de la « prestation de flexibilité », la société Engie fait valoir que les réponses apportées par la société GRTgaz à la mesure d'instruction réalisée le 23 janvier 2017 soulignent, d'une part, que les nominations et allocations de quantités au titre du contrat d'acheminement sont effectuées au pas de temps journalier et, d'autre part, que les quantités demandées et allouées au titre du contrat de conversion de gaz H en gaz B sont également au pas de temps journalier ce qui exclut la possibilité de dépassements « intra journalier » ou « horaire ». Elle ajoute que dans le cadre du contrat de conversion toute quantité de gaz B livrée par Engie au point de conversion B « PCB » est compensée à l'identique et le jour même par une quantité de gaz H livrée par la société Engie à la société GRTgaz au point de conversion H »PCH ». Dès lors, elle indique que « si la prestation de flexibilité était totalement ou partiellement intégrée dans la prestation de swap, comme l'affirme GRTgaz, tout ajustement des quantités de gaz B au titre de la flexibilité devrait faire l'objet d'un ajustement simultané en sens inverse en gaz H » ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La société Engie précise, qu'en raison des dépassements des minimum et maximum horaires, elle a subi un appauvrissement, au sens de l'article 1303 du code civil [confidentiel].

Enfin, s'agissant du niveau de rémunération de la « prestation de flexibilité », la société Engie précise, pour le passé, que les éventuelles pénalités auxquelles elles auraient pu être sujette dans le cadre du contrat B86 ne sont pas la cause de sa demande de rémunération puisqu'elle est, en réalité, liée « au montant du service réalisé au profit du gestionnaire de réseau ».

Vu le courrier, enregistré le 27 octobre 2017, aux termes duquel la société GRTgaz demande au comité de règlement des différends et des sanctions de bien vouloir écarter des débats les dernières observations récapitulatives d'Engie, enregistrées le 23 octobre 2017, qui ont été produites dans les derniers jours avant la clôture d'instruction, et qu'elle n'est ainsi pas mise en situation d'apporter la contradiction sur les éléments nouveaux produits par la société Engie.

Vu le courrier, enregistré le 30 octobre 2017, aux termes duquel la société Engie fait valoir que ses dernières observations, en date du 23 octobre 2017, ne peuvent être écartées des débats dès lors qu'elles ont été produites avant la clôture de l'instruction et qu'elles reprennent des éléments qui ont d'ores et déjà été portés à la connaissance de la société GRTgaz lors de la transmission des éléments de réponse à la mesure d'instruction réalisée le 23 janvier 2017.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2017, présentée par la société Engie.

La société Engie produit à l'attention exclusive du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie et à titre confidentiel une « note en délibéré » ainsi que des pièces qui y sont annexées.

Vu le courrier, enregistré le 29 novembre 2017, présenté par la société Engie.

La société Engie transmet une traduction assermentée en langue française d'une des pièces annexées à la « note en délibéré » précitée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et ses articles R. 134-7 et suivants ;

Vu la décision du 30 mai 2016 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 12-38-16 ;

Vu la décision du 4 octobre 2017 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, fixant la date de clôture de l'instruction relative au différend qui oppose la société Engie à la société GRTgaz.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 24 novembre 2017, du comité de règlement des différends et des sanctions composé de M. Bruno LASSERRE, président, Mme Henriette CHAUBON, M. Claude GRELLIER et Mme Marie-Laure DENIS membres, en présence de :

Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique représentant le directeur général empêché.

Mme Louise RULLAUD, rapporteur.

Les représentants de la société Engie, assistés de Me Michel GUENAIRE.

Les représentants de la société GRTgaz, assistés de Mes Paul RAVETTO et Jody GRANADOS.

Avant d'entendre le rapport oral, le conseil de la société Engie a demandé que la séance se déroule hors de la présence du public.

Invité à faire part de ses observations, le conseil de la société GRTgaz ne s'y est pas opposé.

Dans ces conditions, après s'être retiré et en avoir délibéré, le comité de règlement des différends et des sanctions a décidé que la séance se déroulerait hors de la présence du public qui a été invité à quitter la salle.

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Louise RULLAUD, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Me Michel GUENAIRE pour la société Engie ; la société Engie persiste dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Me Paul RAVETTO pour la société GRTgaz ; la société GRTgaz persiste dans ses moyens et conclusions.

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, et la directrice juridique se sont retirés.

Le comité de règlement des différends et des sanctions.

Sur la recevabilité de la note en délibéré et des pièces qui y sont annexées, enregistrées le 27 novembre 2017 et le 29 novembre 2017, présentées par la société Engie

Aux termes des dispositions de l'article R. 134-12 du code de l'énergie : « Après la clôture de l'instruction, aucune observation ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. »

Il résulte de ces dispositions que, sauf dans le cas où le comité invite lui-même les parties à produire des pièces ou à répondre par écrit à une question qui leur aurait été posée au cours de la séance, les parties ne sont pas recevables à présenter de leur propre initiative des observations ou à produire de nouvelles pièces postérieurement à la séance.

Si au cours de la séance qui s'est tenue le 24 novembre 2017 le président a posé plusieurs questions à la société Engie, il n'a pas pour autant demandé à cette dernière de présenter une note en délibéré ou de produire de nouvelles pièces.

Dans ces conditions, le comité écarte comme irrecevables la « note en délibéré » et les pièces qui y sont annexées, produites le 27 novembre 2017 et le 29 novembre 2017 par la société Engie, qui, au surplus, l'ont été « à l'attention exclusive [du président] et à titre confidentiel ».

Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions

La société GRTgaz fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n'est pas compétent pour apprécier le montant annuel « prétendument dû » à la société Engie au titre de son utilisation d'une modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L. Selon la société GRTgaz, une telle demande de paiement relève de la compétence du juge du contrat, et en particulier du tribunal de commerce, le comité ne pouvant se substituer à ce dernier.

L'article L. 134-19 du code de l'énergie dispose :

« Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend :

[…]

2° Entre les opérateurs et les utilisateurs des ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel ;

[…] Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement. […] »

L'article L. 134-20 du code de l'énergie prévoit que :

« […] La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés.

Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. […] »

Il ressort des termes mêmes de la loi qu'un différend n'entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d'attribution, qu'à une double condition tenant, l'une à la qualité des personnes qu'un différend oppose, et l'autre à l'objet du différend. Dès lors, il ne suffit pas qu'un différend oppose un gestionnaire de réseau à un utilisateur pour que le comité soit compétent pour le trancher. Encore faut-il que l'objet du différend corresponde à l'une des catégories limitativement énoncées par la loi.

La société Engie, en sa qualité de fournisseur, bénéficie d'un droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel en application des dispositions de l'article L. 111-97 du code de l'énergie. Par conséquent, elle est utilisatrice du réseau public de transport de gaz naturel dont la société GRTgaz est le gestionnaire.

Le présent litige, qui concerne les conditions dans lesquelles la société GRTgaz utilise la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L, est relatif à l'accès ou l'utilisation du réseau public de transport de gaz naturel.

Dans ces conditions, le comité est compétent pour connaître du présent différend.

Il ressort des pièces du dossier que le différend est relatif aux conditions dans lesquelles la société GRTgaz utilise une modulation des flux de gaz B, apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L, que les parties nomment « Prestation de flexibilité ».

Ces flux sont destinés à alimenter la zone B en gaz B, laquelle est caractérisée par son unique point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L et par le fait que la société Engie est la seule à disposer d'un contrat d'approvisionnement en gaz B et à détenir la quasi-totalité des capacités d'entrée en ce point.

Sur l'existence par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L qui participe à la mission d'équilibrage à tout instant du gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel

La société Engie demande au comité de règlement des différends et des sanctions de bien vouloir « constater que la prestation de flexibilité participe de l'équilibrage du réseau de transport de gaz naturel géré par GRTgaz. »

A cet effet, elle soutient que la société GRTgaz est chargée par la loi d'assurer une mission d'équilibrage de son réseau de transport. A ce titre, elle fait valoir que la modulation des flux physiques de gaz B apportés par la société Engie contribue à l'accomplissement de ladite mission.

L'existence de cette mission ainsi que l'utilisation de cette modulation ne sont pas contestées par la société GRTgaz.

Les dispositions de l'article L. 431-3 du code de l'énergie prévoient que la société GRTgaz, en tant que gestionnaire du réseau public de transport de gaz naturel : « […] assure, à tout instant, la sécurité et l'efficacité de son réseau et l'équilibre des flux de gaz naturel en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci. Il veille à la disponibilité et à la mise en œuvre des services et des réserves nécessaires au fonctionnement du réseau et au respect des règles relatives à l'interconnexion des réseaux de transport de gaz naturel. […] »

Il ressort des dispositions précitées que la société GRTgaz, en tant que gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel, a pour mission d'équilibrer à tout instant son réseau.

En outre, il n'est pas contesté par les parties que la société GRTgaz utilise la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L aux fins d'équilibrer son réseau de transport de gaz naturel.

Dès lors, le comité constate qu'il existe une utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux de gaz B, apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L, pour équilibrer, à tout instant, le réseau de transport de gaz naturel.

Sur l'encadrement contractuel de l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L

La société Engie demande au comité de règlement des différends et des sanctions de « constater que GRTgaz doit assumer la prestation de flexibilité et que, si elle ne peut l'assurer, elle doit la confier à un prestataire et la soumettre à un encadrement contractuel et une contrepartie financière dans les conditions prévues par le Code de l'énergie. »

A cet égard, la société Engie soutient qu'aucun des contrats par lesquels elle est liée à la société GRTgaz ne recouvre ni ne concerne la « prestation de flexibilité ».

La société GRTgaz indique que la « prestation de flexibilité » ne fait pas l'objet d'un contrat dédié mais est toutefois contractualisée par des clauses spécifiques dans le contrat d'acheminement, d'une part, et dans le contrat de conversion de gaz H en gaz B, d'autre part.

Sur l'encadrement par le contrat d'acheminement de l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L

Il ressort des pièces du dossier que la société Engie a conclu avec la société GRTgaz, le 25 février 2005, un contrat d'acheminement sur le réseau de transport de gaz naturel.

Le 25 février 2005, la société Engie et la société GRTgaz ont conclu un avenant audit contrat d'acheminement qui introduit une annexe 5.1, intitulée « Modifications de l'annexe 1 du contrat relatif à l'utilisation du point de conversion et à la détermination des quantités ». Ladite annexe 5.1 est devenue l'annexe 1.1 aux termes d'un avenant ultérieur qui a pris effet au 1er janvier 2009. Elle modifie les conditions générales du contrat d'acheminement et en particulier les conditions relatives à l'utilisation des points de conversion et à la détermination des quantités.

Les stipulations de l'article 8.1.2 de l'annexe1.1, intitulé « Points d'entrée de Obergailbach et Taisnières B », précisent que :

« Chaque jour, la quantité journalière enlevée au point d'entrée est égale à la quantité journalière totale enlevée en ce point d'entrée diminuée de la somme des quantités journalières enlevées en ce point d'entrée par les autres expéditeurs ayant un contrat d'acheminement avec l'exploitant. »

L'annexe 1.1 du contrat d'acheminement, conclu entre la société Engie et la société GRTgaz, prévoit donc un encadrement de la situation particulière liée à l'alimentation en gaz B de la zone B, laquelle est caractérisée à la fois par son unique point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L et par le fait que la société Engie est la seule à disposer d'un contrat d'approvisionnement en gaz B et à détenir la quasi-totalité des capacités d'entrée en ce point.

Il résulte également des stipulations de l'article 8.1.2 de l'annexe 1.1 que l'écart entre les flux réalisés et les quantités allouées aux expéditeurs par la société GRTgaz, autres que la société Engie, est imputé à la société Engie.

Enfin, contrairement à ce que soutient la société Engie, la circonstance qu'un accord d'interconnexion ait été conclu entre la société Fluxys et la société GRTgaz n'a, en tout état de cause, pas pour effet de rendre la clause 8.1.2 de l'annexe précitée caduque.

Dès lors, il existe une possibilité de modulation des quantités journalières de gaz B, enlevées au point d'entrée Taisnières B - Blaregnies L, au bénéfice de la société GRTgaz pour permettre l'équilibrage résiduel de la zone B.

Cette possibilité de modulation des flux de gaz B, livrés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies dans le cadre de l'exécution du contrat d'acheminement, concourt in fine à la réalisation de l'équilibrage à tout instant du réseau de transport de gaz naturel en zone B.

En outre, aucune stipulation du contrat d'acheminement ne fait obstacle à ce que la société GRTgaz puisse utiliser la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L aux fins d'équilibrer à tout instant son réseau.

Sur l'encadrement par le contrat de conversion de l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L

Il ressort des pièces du dossier que la société GRTgaz et la société Engie ont conclu, le 26 avril 2005, un contrat de conversion de gaz H en gaz B afin de permettre le développement de la concurrence entre fournisseurs de gaz naturel dans la zone B.

Aux termes dudit contrat, la société Engie assure un service de conversion pour la société GRTgaz de volumes de gaz H en gaz B, lesquels correspondent à la quantité que les expéditeurs, autres que la société Engie, souhaitent fournir à leurs clients situés en zone B. Ainsi la société Engie exécute un service de conversion, pour la société GRTgaz, qui consiste à recevoir des quantités de gaz H en un point virtuel de conversion H et à restituer simultanément des quantités de gaz B en un point virtuel de conversion B. Il permet, en conséquence, à la société GRTgaz de proposer aux fournisseurs ne disposant d'aucun approvisionnement en gaz B un service régulé de conversion dont la finalité est de garantir l'accès au réseau B aux expéditeurs autres que la société Engie.

Le 3 décembre 2009, pour clore une procédure ouverte sur le fondement de l'article 102 du TFUE qui prohibe les abus de position dominante, la Commission européenne a accepté et rendu obligatoires plusieurs engagements dont celui, pour la société Engie, « de continuer le [service de conversion] de gaz H en gaz B fourni à GRTgaz dans des conditions financières raisonnables sensiblement identiques aux conditions en vigueur à la date d'effet, pour que celui-ci puisse pérenniser le service régulé de conversion du gaz H en gaz B, qui permet à un expéditeur disposant de gaz H d'échanger celui-ci contre du gaz B afin d'alimenter des clients desservis en gaz B. »

Il résulte de la décision précitée de la Commission européenne que le maintien du contrat de conversion dans des « conditions sensiblement identiques » aux conditions en vigueur au moment de cette décision « répond de manière proportionnée aux préoccupations exprimées par la Commission concernant le verrouillage des capacité d'importation de gaz B en France et l'absence de possibilité pour les expéditeurs tiers de contester la position dominante de GDF Suez sur le marché français de la fourniture de gaz B. »

Ainsi, la société Engie s'est engagée auprès de la Commission européenne à poursuivre l'alimentation de la zone B en gaz B pour permettre à la société GRTgaz de proposer un service régulé de conversion permettant aux expéditeurs tiers d'alimenter des clients en zone B.

Dans le cadre de l'exécution de la prestation de conversion, la société GRTgaz communique quotidiennement à la société Engie, la quantité journalière qu'elle souhaite convertir pour le jour suivant dans les conditions prévues à l'article 6.2 du contrat, intitulé « Programmation des quantités journalières » qui précise que :

« Chaque jour, dans les conditions fixées aux procédures opérationnelles, le client communique au fournisseur la quantité journalière demandée de conversion pour le jour suivant.

[…]

Chaque jour, dans les conditions fixées aux procédures opérationnelles, le fournisseur fait ses meilleurs efforts pour communiquer au client la quantité journalière programmée de conversion pour le jour suivant. […] »

Le même article du contrat de conversion prévoit la possibilité pour la société GRTgaz de modifier sa quantité journalière programmée de conversion au cours de la journée gazière dans des conditions fixées aux procédures opérationnelles :

[confidentiel]

Il résulte des stipulations précitées que la société GRTgaz a la faculté de modifier sa quantité journalière programmée de conversion au cours de la journée gazière dans la limite des règles prévues dans la procédure opérationnelle annexée au contrat de conversion.

Enfin, l'article 7 du contrat de conversion, intitulé « Allocations », prévoit la possibilité pour la société GRTgaz de moduler, à hauteur de [entre 0 et 20] pour cent en valeur absolue de la capacité journalière de conversion, sa quantité journalière convertie par rapport à la quantité journalière programmée de conversion :

« Chaque jour, la quantité journalière convertie au titre du contrat est déterminée par le client sur la base des quantités journalières converties par les utilisateurs de la conversion au titre de leur contrat d'acheminement avec le client, tout en respectant les contraintes suivantes :

- la quantité journalière convertie au titre du contrat ne peut pas excéder la capacité journalière de conversion définie en annexe 2 ;

- la valeur absolue de l'écart entre la quantité journalière convertie au titre du contrat et la quantité journalière programmée de conversion ne peut pas excéder [entre 0 et 20] % [confidentiel] de la capacité journalière de conversion en annexe 2. »

Il résulte de l'ensemble des stipulations du contrat de conversion précitées qu'il existe une possibilité de modulation des quantités de gaz B programmées de conversion, au bénéfice de la société GRTgaz pour prendre en compte les modifications de programmation des fournisseurs tiers ayant une activité de fourniture en zone B.

Cette possibilité de modulation des flux de gaz B, apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies pour réaliser sa prestation de conversion de gaz H en gaz B, concourt in fine à la réalisation de l'équilibrage à tout instant du réseau de transport de gaz naturel en zone B.

En outre, aucune stipulation du contrat de conversion de gaz H en gaz B ne fait obstacle à ce que la société GRTgaz puisse utiliser la modulation des flux de gaz B apportés par la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L aux fins d'équilibrer à tout instant le réseau.

Par conséquent, il résulte de la lecture combinée du contrat d'approvisionnement et du contrat de conversion de gaz H en gaz B conclus avec la société GRTgaz, que la société Engie a une obligation particulière, liée à la situation singulière de l'alimentation en gaz B de la zone B, de permettre à la société GRTgaz de moduler les flux de gaz B qui lui sont apportés au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L.

Enfin, et en tout état de cause, la société Engie n'apporte pas la preuve suffisante que l'utilisation par la société GRTgaz de la modulation des flux de gaz B qui lui sont apportés au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L doit fait l'objet d'un encadrement contractuel spécifique, autre que celui qui résulte du contrat d'acheminement et du contrat de conversion de gaz H en gaz B.

Sur la nécessité d'établir une rémunération spécifique pour l'utilisation par la société GRTgaz d'une modulation des flux apportés à la société Engie au point d'interconnexion Taisnières B - Blaregnies L

La société Engie demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- « constater, tant que Engie est le seul prestataire de service retenu, que la rémunération de la prestation de flexibilité doit (i) compenser le coût de flexibilité horaire achetée par Engie auprès de GasTerra, (ii) compenser le coût de transport de la flexibilité horaire à travers le réseau belge, (iii) compenser tout autre coût exposé et justifié par Engie qui serait directement lié à la fourniture de la prestation de flexibilité, et (iv) intégrer une marge raisonnable pour Engie ;

- dire que le montant de la rémunération due par GRTgaz à Engie devra être évalué chaque année en fonction des coûts effectivement supportés par Engie ;

- dire qu'il sera fait une juste appréciation du montant annuel dû par GRTgaz à Engie au titre de la Prestation de flexibilité en le fixant à 161 millions d'euros pour les années 2010 à 2015 ; ».

La société Engie fait valoir que la « prestation de flexibilité » ne fait l'objet d'aucune contrepartie financière alors qu'elle est utilisée par la société GRTgaz dans le cadre de sa mission d'équilibrage du réseau. Elle devrait en tant que telle être intégrée au tarif d'utilisation de son réseau de transport.

La société GRTgaz indique que la « prestation de flexibilité » est déjà rémunérée dans le cadre du contrat de conversion. Elle soutient également que les coûts d'approvisionnement facturés par la société néerlandaise GasTerra à la société Engie sont couverts par les tarifs réglementés de vente de gaz naturel.

Interrogée dans le cadre de l'instruction du présent litige sur la portée des engagements souscrits par la société Engie et rendus obligatoires le 3 décembre 2009, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a précisé que dans le cas où le comité constaterait que la « prestation de flexibilité » est prévue contractuellement, toute demande de rémunération spécifique ne serait légitime que dans les deux cas suivants :

« […]

- si cela était déjà le cas au moment de l'adoption de la décision de la Commission ;

- dans la mesure où cela serait nécessaire pour continuer à assurer le caractère raisonnable des conditions financières dans lesquelles elle fournit le service de conversion à GRTgaz. […] ».

Elle a ajouté que dans un tel cas de figure, cette rémunération spécifique doit être strictement proportionnée à l'évolution des différentes catégories de coûts effectivement supportés par la société Engie pour l'utilisation d'une modulation par la société GRTgaz des flux apportés par la société Engie. La prise en compte d'un tel surcoût ne pourrait entraîner une augmentation tarifaire qui aurait pour conséquence de « modifier substantiellement les conditions financières tarifaires du service par rapport à celles en vigueur le 3 décembre 2009 ».

Il ressort des pièces du dossier que si la société Engie fait valoir que sous la menace de pénalités, dont elle ne justifie ni la réalité ni le montant, elle aurait [confidentiel], elle n'apporte pas la preuve qu'elle a effectivement supporté des surcoûts au-delà de la rémunération contractuelle dont elle bénéficie.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu pour le comité de faire droit aux demandes de la société Engie qui tendent à modifier les conditions de cette rémunération.

Décide :