JORF n°0194 du 23 août 2023

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Décision du Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (CoRDiS) du 28 août 2023 relative à la société TEEGF

Résumé Le CoRDiS a été saisi par la présidente de la CRE le 18 avril 2023 concernant des manquements présumés à la réglementation REMIT de la part de la société TEEGF.

Le 20 juin 2023, le greffe du CoRDiS a invité, jusqu'au 23 juin 2023, la société TEEGF « à utiliser la solution TransfertPro de transfert sécurisé de fichiers » pour consulter et télécharger le dossier d'instruction.
« Afin de tenir compte de la réponse automatique par laquelle [l'] adresse de messagerie électronique a migré vers la société Totalenergies.com », le greffe du CoRDiS a transféré le même jour à la nouvelle adresse électronique indiquée les renseignements utiles à la société mise en cause pour accéder, dans le cadre de la demande de consultation, à l'ensemble du dossier.
Le 21 juin 2023, la société TEEGF a sollicité un délai supplémentaire jusqu'au 20 juillet 2023 pour produire ses observations écrites.
Le 23 juin 2023, le président du CoRDiS a prolongé le délai accordé à la société TEEGF pour produire ses observations jusqu'au 10 juillet 2023 à 17 heures, ainsi que l'accès au dossier d'instruction sur la plateforme sécurisée TransferPro jusqu'au 27 juin 2023.

  1. Observations en réponse à la notification des griefs

Par des observations en réponse à la notification des griefs enregistrées le 10 juillet 2023, la société TEEGF, représentée par Me Le Bihan-Graf, cabinet De Pardieu Brocas Maffei, demande au CoRDiS de prononcer le huis-clos pour la séance à intervenir et de bien vouloir :

- constater qu'elle n'a commis aucun manquement sur le fondement du Règlement REMIT ;
- constater qu'aucun des griefs retenus par la notification des griefs n'est fondé.

Elle demande par conséquent au CoRDiS de conclure qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sanction à son encontre, et en tout état de cause, de décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à la publication de la décision à intervenir.
A titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire le CoRDiS décidait de publier sa décision, elle lui demande de :

- limiter la durée de la publication ;
- limiter cette publication au Journal officiel et au site de la CRE ;
- anonymiser la décision à son égard ;
- masquer les données du dossier protégées par le secret des affaires et la confidentialité.

Elle soutient que :

- les publications des sept informations relatives à la variation de la disponibilité de moyens de production ont été effectuées en temps utile et que le délai d'une heure pour la publication en temps utile résulte uniquement des recommandations non contraignantes de l'ACER ; que le membre désigné a appliqué ces recommandations à tort, dès lors que le législateur européen a considéré que la publication devait intervenir en temps utile, laissant ainsi une marge d'appréciation in concreto ; qu'en effet, le temps utile s'apprécie au regard des circonstances de l'espèce et peut justifier un délai supérieur à une heure ; qu'en outre, la réglementation financière prévoyant une publication « dès que possible » et non un délai maximum pour publier devrait s'appliquer pour la mise en œuvre du Règlement REMIT ;
- la notification des griefs ne procède à aucune analyse des circonstances propres à chacune des sept occurrences, se bornant à évoquer des délais de publication compris entre 73 minutes et 417 minutes à partir de la survenance de l'événement jusqu'à la publication effective sur le site Transparence de RTE ; que s'agissant du cas n° 8, la publication est intervenue en temps utile, puisque l'information a été transmise en dépassant le délai d'une heure de seulement 8 minutes ou 13 minutes en tenant compte de la latence du site de RTE ; que s'agissant des autres cas, les publications dépassant un délai contraignant d'une heure demeurent conformes à l'obligation de publication en temps utile, puisque pour les cas 1, 6 et 9, les indisponibilités portaient sur des arrêts fortuits ou des problèmes de redémarrage nocturnes, qui ont été publiés en tout début de matinée, tandis que pour les cas 10, 11 et 12, les publications concernaient des actualisations d'une indisponibilité ; qu'en retenant un délai maximum d'une heure, la notification des griefs fait abstraction du contexte et ne tient pas compte de la finalité du règlement REMIT tendant à évaluer le délai de publication au regard des effets potentiels de celle-ci sur le comportement des acteurs du marché ;
- aucune sanction ne pourra être prononcée à son encontre, dès lors que les éléments d'appréciation sur sa situation sont insuffisants et que la notification des griefs ne démontre pas d'une quelconque gravité des faits reprochés ; que sa qualité d'« acteur expérimenté » ne justifie pas de prononcer une sanction, d'autant plus que les faits en cause ont eu lieu pendant la pandémie de covid-19, à la suite du rachat de deux centrales de production et au cours d'une réorganisation de ses équipes ; que les délais de publication reprochés résultent d'erreurs opérationnelles humaines, involontaires et isolées, qui ne lui ont pas profité ; que sa nouvelle organisation consistant à internaliser le processus de publication et à mettre en place un dispatcheur travaillant 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 en relation directe avec les centrales de production, permet désormais d'éviter que de telles erreurs ne se reproduisent ; qu'en outre, une publication intervenue quelques minutes après le délai d'une heure ne revêt aucune gravité, tout comme les autres manquements dont la durée est supérieure à une heure, dans la mesure où ils sont sans conséquence sur le bon fonctionnement du marché de gros ; que le nombre de manquements n'atteste également pas d'une quelconque gravité ;
- la notification des griefs ne procède à aucune évaluation des prétendus dommages d'un préjudice indirect pour les consommateurs ; qu'elle n'a retiré aucun avantage ou gain des manquements qui lui sont reprochés, d'autant plus qu'aucune opération d'initiée prohibée par l'article 3 du règlement REMIT n'a été constatée ; que le montant de la sanction proposée est inapproprié et disproportionné au regard de l'absence de gravité des manquements reprochés ; qu'elle n'est pas individualisée et attachée à chacun de ces prétendus manquements ;
- une éventuelle sanction ne peut pas être accompagnée de mesures de publicité, dès lors qu'une telle décision ne doit pas être appréciée au regard des exigences de l'intérêt général ; que si cette décision doit être connue de l'ensemble des acteurs des marchés, la connaissance de l'identité de l'acteur de marché n'est ni nécessaire ni justifiée, d'autant plus que des améliorations organisationnelles ont été mises en œuvre depuis le début de l'enquête en 2021 ;
- enfin, la mise en ligne de la décision sur son site apparaît comme disproportionnée au regard des manquements reprochés et révèlerait son identité, tout en portant atteinte à la réputation du groupe ; qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où le CoRDiS déciderait de publier sa décision, il devra tenir compte du secret des affaires ainsi que de la confidentialité des éléments développés au cours de la procédure, notamment ceux relatifs à l'organisation du groupe, à ses plans et aux stratégies mises en œuvre.

  1. Procédure de sanction

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-25 à L. 134-34 et R. 134-29 à R. 134-37 ;
Vu la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 juin 2023 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de sanction enregistrée sous le numéro 02-40-23 ;

La société TEEGF a été régulièrement convoquée à la séance publique, qui s'est tenue le 25 juillet 2023, du CoRDiS, composé de M. Tuot, président, Mme Ducloz et M. Simonel, membres, en présence de :
M. Botteghi, membre désigné par le président du CoRDiS,
Mme Bonhomme, directrice des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché,
M. Laurent, rapporteur,
Les représentants de la société TEEGF, assistés de Me Le Bihan-Graf.

A l'ouverture de la séance, interrogé par le président du CoRDiS, le conseil de la société TEEGF a confirmé sa demande tendant à ce que la séance se déroule hors de la présence du public.
Dans ces conditions, le CoRDiS a décidé que la séance se déroulerait, portes fermées, hors de la présence du public. Outre les représentants et conseils de la société TEEGF, dûment identifiés, ont assisté à la séance, sur autorisation du président du comité, des agents des services de la CRE qui sont tenus au secret professionnel.
Après avoir entendu :

- le rapport de M. Laurent, présentant les faits, la saisine du CoRDiS par la présidente de la CRE, les griefs notifiés et les observations écrites en réponse aux griefs ;
- les observations de M. Botteghi présentées au soutien des griefs notifiés, précisant la nature pécuniaire de la sanction proposée ainsi que la fourchette dans laquelle devrait s'inscrire le montant de la sanction à prononcer et précisant les modalités de publication de la décision du CoRDiS à intervenir ;
- les observations de Me Le Bihan-Graf et des représentants de la société TEEGF par lesquelles cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions, notamment s'agissant de l'appréciation du délai utile dans lequel la divulgation de l'information privilégiée doit intervenir, et à qui la parole a été donnée en dernier.

Le CoRDiS en a délibéré, après que le membre désigné, le rapporteur, la société TEEGF, partie mise en cause, et les agents des services se sont retirés.

  1. Motifs de la décision du comité de règlement des différends et des sanctions
    7.1. Présentation de la société TEEGF

  2. La société TEEGF est une filiale du groupe TotalEnergies, qui exerce une activité de fourniture et de production d'électricité et de gaz depuis 2003 sur le marché français. Elle a réalisé en 2018 un chiffre d'affaires de 4,78 milliards d'euros.

7.2. Cadre juridique applicable

  1. Selon son article 2(7), le règlement REMIT s'applique aux acteurs du marché, c'est-à-dire à toute personne physique ou morale effectuant des transactions sur les marchés de gros de l'énergie. Selon son article 2(6), est un marché de gros « tout marché dans l'Union sur lequel des produits énergétiques de gros sont négociés ».
  2. Aux termes de l'article 2(1) de ce même règlement : « Aux fins du présent règlement, on entend par : 1) “information privilégiée”, une information de nature précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros ». Les dispositions de l'article 2 de ce règlement prévoient encore qu'« on entend par “information” : / a) une information qui doit être rendue publique conformément aux règlements (CE) n° 714/2009 et (CE) n° 715/2009, notamment les orientations et les codes de réseau adoptés en vertu desdits règlements ; /(…) c) une information qui doit être diffusée conformément aux dispositions juridiques ou réglementaires au niveau de l'Union ou national, aux règles du marché et aux contrats ou aux coutumes en vigueur sur le marché de gros de l'énergie en question ; dans la mesure où, si elle était rendue publique cette information serait susceptible d'influencer de façon sensible les prix des produits énergétiques de gros ; et/ d) toute autre information qu'un acteur du marché raisonnable serait susceptible d'utiliser pour fonder sa décision d'effectuer une transaction ou d'émettre un ordre portant sur un produit énergétique de gros ».
  3. Aux termes de l'article 2(4) de ce même règlement, sont des « produits énergétiques de gros », « les contrats et produits dérivés suivants, indépendamment du lieu et de la façon dont ils sont négociés : / a) les contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel avec livraison dans l'Union ; /b) les produits dérivés en rapport avec l'électricité ou le gaz naturel produits, négociés ou livrés dans l'Union ; /c) les contrats relatifs au transport d'électricité ou de gaz naturel dans l'Union ; d) les produits dérivés en rapport avec le transport d'électricité ou de gaz naturel dans l'Union. / Les contrats de fourniture et de distribution d'électricité ou de gaz naturel destinés aux clients finaux ne constituent pas des produits énergétiques de gros. Cependant, les contrats de fourniture et de distribution d'électricité ou de gaz naturel à des clients finaux ayant une capacité de consommation supérieure au seuil établi au point 5), deuxième alinéa, sont considérés comme des produits énergétiques de gros ; ».
  4. Aux termes de l'article 4(1) du règlement REMIT : « Les acteurs du marché divulguent publiquement, effectivement et en temps utile, une information privilégiée qu'ils détiennent concernant une entreprise ou des installations que l'acteur du marché concerné, ou son entreprise mère ou une entreprise liée, possède ou dirige ou dont ledit acteur ou ladite entreprise, est responsable, pour ce qui est des questions opérationnelles, en tout ou en partie. Cette divulgation contient des éléments concernant la capacité et l'utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport d'électricité ou de gaz naturel ou des informations relatives à la capacité et à l'utilisation des installations de GNL, y compris l'indisponibilité prévue ou imprévue desdites installations ».
  5. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 134-25 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut (…) sanctionner les manquements aux règles définies aux articles 3, 4, 5, 8, 9 et 15 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (…) qu'il constate de la part de toute personne concernée, dans les conditions fixées aux articles L. 134-26 à L. 134-34, sans qu'il y ait lieu de la mettre préalablement en demeure ».
  6. Il résulte de ces dispositions qu'une information est susceptible d'être qualifiée d'« information privilégiée » au sens et pour l'application du règlement REMIT si elle répond aux quatre conditions cumulatives suivantes : qu'elle revête un caractère précis ; qu'elle n'ait pas été rendue publique ; qu'elle concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros ; et que sa publicité soit susceptible d'influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros.
  7. Conformément aux dispositions de l'article 4(1) du règlement REMIT, la divulgation publique d'une « information privilégiée » en relation avec un produit énergétique de gros doit s'effectuer en temps utile, c'est-à-dire le plus promptement possible par rapport à la survenance de l'événement qui est à son origine, en portant sur l'intégralité de ses éléments et en informant de manière efficace tous les autres acteurs du marché de gros considéré. La certitude que cette publication intervient en temps utile assoit la crédibilité du fonctionnement du marché tant pour les consommateurs que pour les compétiteurs. Elle garantit, notamment lorsqu'elle porte sur les capacités et leur disponibilité, un égal accès de tous les acteurs à une information fiable à partir de laquelle ils déterminent leur comportement et contribuent ainsi à la formation des prix. Il appartient aux autorités de régulation d'employer les pouvoirs d'enquête et de sanction de manière à renforcer le bon fonctionnement du marché sur ce point. Dès lors, la circonstance que le défaut de publication n'ait été suivi d'aucun effet, n'ait donné lieu à aucune protestation, ou n'ait permis aucun comportement contraire au règlement est sans incidence sur le caractère fautif de l'agissement, qui laisse fonctionner le marché sur la base d'informations erronées, en violation des obligations de leur auteur.

7.3. Analyse des griefs retenus par le membre désigné
7.3.1 Sur le caractère privilégié des informations relatives à la disponibilité des unités de production de la société TEEGF

  1. La notification des griefs relève qu'entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, à sept reprises, la société TEEGF n'a pas publié en temps utile des informations qu'elle détenait relatives à la variation de la disponibilité de certaines unités de production lui appartenant.
  2. Il résulte de l'instruction qu'en l'espèce les informations relatives à l'indisponibilité de quatre unités de production pour une puissance à chaque fois supérieure à 400 MW étaient, d'une part, précises en ce qu'elles portaient sur des unités de production identifiées avec des capacités de production disponibles déterminées et pour des durées d'indisponibilité estimées par leur exploitant, d'autre part susceptibles d'exercer une influence sensible sur le prix infra-journalier de l'électricité compte tenu de l'importance de ces installations, de leur rôle déterminant dans l'équilibre entre l'offre et la demande et de l'importance des indisponibilités en cause.
  3. Les informations relatives aux sept variations des disponibilités des centrales de production précitées, identifiées dans la notification des griefs, ont, dès lors, la nature d'« informations privilégiées » au sens de l'article 2 du règlement REMIT.

7.3.2. Sur le délai de publication en temps utile de l'information privilégiée

  1. Comme indiqué ci-dessus, l'article 4(1) du règlement REMIT dispose : « Les acteurs du marché divulguent publiquement, effectivement et en temps utile, une information privilégiée qu'ils détiennent concernant une entreprise ou des installations que l'acteur du marché concerné, ou son entreprise mère ou une entreprise liée, possède ou dirige ou dont ledit acteur ou ladite entreprise, est responsable, pour ce qui est des questions opérationnelles, en tout ou en partie. Cette divulgation contient des éléments concernant la capacité et l'utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport d'électricité ou de gaz naturel ou des informations relatives à la capacité et à l'utilisation des installations de GNL, y compris l'indisponibilité prévue ou imprévue desdites installations ».
  2. Conformément à l'article 16(1) du règlement REMIT et pour permettre aux différentes autorités de régulation compétentes au sein de l'Union de remplir leurs missions de manière coordonnée et uniforme, l'ACER « publie, le cas échéant, des orientations non contraignantes sur l'application des définitions énoncées à l'article 2. ».
  3. A cet égard, il ressort des orientations publiées par l'ACER en date du 17 juin 2016, mises à jour en dernier lieu le 22 juillet 2021 (8), que la publication d'une « information privilégiée » doit s'effectuer dès que possible et, en principe à défaut de prescription explicite différente, au plus tard dans un délai d'une heure.
  4. Ce délai de principe d'une heure, énoncé par l'ACER à titre d'orientation non-contraignante, opère une conciliation raisonnable et dénuée d'arbitraire entre, d'une part, l'impératif de divulguer publiquement une « information privilégiée » en temps utile et, d'autre part, le coût et les contraintes de la mise en œuvre de moyens humains, matériels et d'organisation par les opérateurs pour garantir cette divulgation dans les conditions requises. Par conséquent, si le dépassement du délai indicatif retenu par l'ACER conformément aux compétences qui lui sont reconnues ne peut par lui-même être par principe regardé comme constitutif d'une violation du règlement, il incombe cependant à l'acteur du marché qui ne s'est pas tenu à ce délai de justifier des raisons de l'écart par des motifs objectifs qui ne caractérisent pas, eux-mêmes, une méconnaissance de l'économie générale du règlement REMIT et de ses finalités d'ordre public économique au sein de l'Union.
  5. En l'espèce, toutes les occurrences dénoncées par la notification des griefs portent sur des indisponibilités de moyens de production qui ont été divulguées au marché dans un délai supérieur à une heure. Or, la société TEEGF s'est bornée à justifier ces sept dépassements (supérieurs à trois heures pour les occurrences n° 1, 6, 10 et 11, supérieurs à deux heures pour l'occurrence n° 9 et supérieurs à une heure pour les occurrences n° 8 et 12) par des motifs tirés soit des nécessités d'ajustement imposées par de récentes acquisitions d'actifs ; soit des horaires nocturnes au cours desquels sont nées les « informations privilégiées » en cause portant sur le début, la fin ou la modification d'une indisponibilité d'une centrale de production qu'elle exploite ; soit, encore des obligations de travail à distance, hors site de production, imposés par la crise sanitaire en cours au moment des faits incriminés, motifs qu'ont pu contribuer à renforcer en outre des difficultés matérielles de communication téléphonique, de disponibilité de matériel informatique ou de mauvaises connexions. Il résulte pourtant du règlement tel qu'analysé ci-dessus, que ce dernier impose à tout opérateur, quel que soit sa taille et son expérience, de n'agir sur le marché qu'en s'étant mis en mesure, par les moyens de toute nature appropriés à ces exigences, de procéder à la divulgation des « informations privilégiées », sauf à justifier de sa carence. Les motifs invoqués auraient pu être prévenus par le recours à des moyens humains supplémentaires, à des modalités de supervision, à la mise en place de procédures et de moyens redondants palliant les pannes éventuelles. Ces mesures et procédures ont d'ailleurs été ultérieurement mises en place par la société. Leur absence lors des faits témoigne d'une négligence dans le degré de priorité et d'exigence résultant des obligations faites à l'opérateur par le règlement. Ils sont, en eux-mêmes, invoqués en violation de ce règlement et conduisent à regarder les faits établis comme constituant des manquements aux obligations faites par le règlement.
  6. Il résulte de ce qui précède que le comité considère qu'eu égard à la nature des « informations privilégiées » en cause et à l'insuffisance, révélée par l'examen de chacune des sept occurrences incriminées par la notification de griefs, des moyens mis en place par la société TEEGF pour se conformer à son obligation de publication en temps utile, celle-ci a méconnu à sept reprises entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 les dispositions de l'article 4(1) du règlement REMIT.

(8) ACER Guidance, 22 Juillet 2021, 6e édition, section 4.3, page 48 : « Such information should therefore normally be published as soon as possible, but at the latest within one hour if not otherwise specified in applicable rules and regulations. »


Historique des versions

Version 1

Le 20 juin 2023, le greffe du CoRDiS a invité, jusqu'au 23 juin 2023, la société TEEGF « à utiliser la solution TransfertPro de transfert sécurisé de fichiers » pour consulter et télécharger le dossier d'instruction.

« Afin de tenir compte de la réponse automatique par laquelle [l'] adresse de messagerie électronique a migré vers la société Totalenergies.com », le greffe du CoRDiS a transféré le même jour à la nouvelle adresse électronique indiquée les renseignements utiles à la société mise en cause pour accéder, dans le cadre de la demande de consultation, à l'ensemble du dossier.

Le 21 juin 2023, la société TEEGF a sollicité un délai supplémentaire jusqu'au 20 juillet 2023 pour produire ses observations écrites.

Le 23 juin 2023, le président du CoRDiS a prolongé le délai accordé à la société TEEGF pour produire ses observations jusqu'au 10 juillet 2023 à 17 heures, ainsi que l'accès au dossier d'instruction sur la plateforme sécurisée TransferPro jusqu'au 27 juin 2023.

5. Observations en réponse à la notification des griefs

Par des observations en réponse à la notification des griefs enregistrées le 10 juillet 2023, la société TEEGF, représentée par Me Le Bihan-Graf, cabinet De Pardieu Brocas Maffei, demande au CoRDiS de prononcer le huis-clos pour la séance à intervenir et de bien vouloir :

- constater qu'elle n'a commis aucun manquement sur le fondement du Règlement REMIT ;

- constater qu'aucun des griefs retenus par la notification des griefs n'est fondé.

Elle demande par conséquent au CoRDiS de conclure qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sanction à son encontre, et en tout état de cause, de décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à la publication de la décision à intervenir.

A titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire le CoRDiS décidait de publier sa décision, elle lui demande de :

- limiter la durée de la publication ;

- limiter cette publication au Journal officiel et au site de la CRE ;

- anonymiser la décision à son égard ;

- masquer les données du dossier protégées par le secret des affaires et la confidentialité.

Elle soutient que :

- les publications des sept informations relatives à la variation de la disponibilité de moyens de production ont été effectuées en temps utile et que le délai d'une heure pour la publication en temps utile résulte uniquement des recommandations non contraignantes de l'ACER ; que le membre désigné a appliqué ces recommandations à tort, dès lors que le législateur européen a considéré que la publication devait intervenir en temps utile, laissant ainsi une marge d'appréciation in concreto ; qu'en effet, le temps utile s'apprécie au regard des circonstances de l'espèce et peut justifier un délai supérieur à une heure ; qu'en outre, la réglementation financière prévoyant une publication « dès que possible » et non un délai maximum pour publier devrait s'appliquer pour la mise en œuvre du Règlement REMIT ;

- la notification des griefs ne procède à aucune analyse des circonstances propres à chacune des sept occurrences, se bornant à évoquer des délais de publication compris entre 73 minutes et 417 minutes à partir de la survenance de l'événement jusqu'à la publication effective sur le site Transparence de RTE ; que s'agissant du cas n° 8, la publication est intervenue en temps utile, puisque l'information a été transmise en dépassant le délai d'une heure de seulement 8 minutes ou 13 minutes en tenant compte de la latence du site de RTE ; que s'agissant des autres cas, les publications dépassant un délai contraignant d'une heure demeurent conformes à l'obligation de publication en temps utile, puisque pour les cas 1, 6 et 9, les indisponibilités portaient sur des arrêts fortuits ou des problèmes de redémarrage nocturnes, qui ont été publiés en tout début de matinée, tandis que pour les cas 10, 11 et 12, les publications concernaient des actualisations d'une indisponibilité ; qu'en retenant un délai maximum d'une heure, la notification des griefs fait abstraction du contexte et ne tient pas compte de la finalité du règlement REMIT tendant à évaluer le délai de publication au regard des effets potentiels de celle-ci sur le comportement des acteurs du marché ;

- aucune sanction ne pourra être prononcée à son encontre, dès lors que les éléments d'appréciation sur sa situation sont insuffisants et que la notification des griefs ne démontre pas d'une quelconque gravité des faits reprochés ; que sa qualité d'« acteur expérimenté » ne justifie pas de prononcer une sanction, d'autant plus que les faits en cause ont eu lieu pendant la pandémie de covid-19, à la suite du rachat de deux centrales de production et au cours d'une réorganisation de ses équipes ; que les délais de publication reprochés résultent d'erreurs opérationnelles humaines, involontaires et isolées, qui ne lui ont pas profité ; que sa nouvelle organisation consistant à internaliser le processus de publication et à mettre en place un dispatcheur travaillant 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 en relation directe avec les centrales de production, permet désormais d'éviter que de telles erreurs ne se reproduisent ; qu'en outre, une publication intervenue quelques minutes après le délai d'une heure ne revêt aucune gravité, tout comme les autres manquements dont la durée est supérieure à une heure, dans la mesure où ils sont sans conséquence sur le bon fonctionnement du marché de gros ; que le nombre de manquements n'atteste également pas d'une quelconque gravité ;

- la notification des griefs ne procède à aucune évaluation des prétendus dommages d'un préjudice indirect pour les consommateurs ; qu'elle n'a retiré aucun avantage ou gain des manquements qui lui sont reprochés, d'autant plus qu'aucune opération d'initiée prohibée par l'article 3 du règlement REMIT n'a été constatée ; que le montant de la sanction proposée est inapproprié et disproportionné au regard de l'absence de gravité des manquements reprochés ; qu'elle n'est pas individualisée et attachée à chacun de ces prétendus manquements ;

- une éventuelle sanction ne peut pas être accompagnée de mesures de publicité, dès lors qu'une telle décision ne doit pas être appréciée au regard des exigences de l'intérêt général ; que si cette décision doit être connue de l'ensemble des acteurs des marchés, la connaissance de l'identité de l'acteur de marché n'est ni nécessaire ni justifiée, d'autant plus que des améliorations organisationnelles ont été mises en œuvre depuis le début de l'enquête en 2021 ;

- enfin, la mise en ligne de la décision sur son site apparaît comme disproportionnée au regard des manquements reprochés et révèlerait son identité, tout en portant atteinte à la réputation du groupe ; qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où le CoRDiS déciderait de publier sa décision, il devra tenir compte du secret des affaires ainsi que de la confidentialité des éléments développés au cours de la procédure, notamment ceux relatifs à l'organisation du groupe, à ses plans et aux stratégies mises en œuvre.

6. Procédure de sanction

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-25 à L. 134-34 et R. 134-29 à R. 134-37 ;

Vu la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 20 juin 2023 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de sanction enregistrée sous le numéro 02-40-23 ;

La société TEEGF a été régulièrement convoquée à la séance publique, qui s'est tenue le 25 juillet 2023, du CoRDiS, composé de M. Tuot, président, Mme Ducloz et M. Simonel, membres, en présence de :

M. Botteghi, membre désigné par le président du CoRDiS,

Mme Bonhomme, directrice des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché,

M. Laurent, rapporteur,

Les représentants de la société TEEGF, assistés de Me Le Bihan-Graf.

A l'ouverture de la séance, interrogé par le président du CoRDiS, le conseil de la société TEEGF a confirmé sa demande tendant à ce que la séance se déroule hors de la présence du public.

Dans ces conditions, le CoRDiS a décidé que la séance se déroulerait, portes fermées, hors de la présence du public. Outre les représentants et conseils de la société TEEGF, dûment identifiés, ont assisté à la séance, sur autorisation du président du comité, des agents des services de la CRE qui sont tenus au secret professionnel.

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Laurent, présentant les faits, la saisine du CoRDiS par la présidente de la CRE, les griefs notifiés et les observations écrites en réponse aux griefs ;

- les observations de M. Botteghi présentées au soutien des griefs notifiés, précisant la nature pécuniaire de la sanction proposée ainsi que la fourchette dans laquelle devrait s'inscrire le montant de la sanction à prononcer et précisant les modalités de publication de la décision du CoRDiS à intervenir ;

- les observations de Me Le Bihan-Graf et des représentants de la société TEEGF par lesquelles cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions, notamment s'agissant de l'appréciation du délai utile dans lequel la divulgation de l'information privilégiée doit intervenir, et à qui la parole a été donnée en dernier.

Le CoRDiS en a délibéré, après que le membre désigné, le rapporteur, la société TEEGF, partie mise en cause, et les agents des services se sont retirés.

7. Motifs de la décision du comité de règlement des différends et des sanctions

7.1. Présentation de la société TEEGF

1. La société TEEGF est une filiale du groupe TotalEnergies, qui exerce une activité de fourniture et de production d'électricité et de gaz depuis 2003 sur le marché français. Elle a réalisé en 2018 un chiffre d'affaires de 4,78 milliards d'euros.

7.2. Cadre juridique applicable

2. Selon son article 2(7), le règlement REMIT s'applique aux acteurs du marché, c'est-à-dire à toute personne physique ou morale effectuant des transactions sur les marchés de gros de l'énergie. Selon son article 2(6), est un marché de gros « tout marché dans l'Union sur lequel des produits énergétiques de gros sont négociés ».

3. Aux termes de l'article 2(1) de ce même règlement : « Aux fins du présent règlement, on entend par : 1) “information privilégiée”, une information de nature précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros ». Les dispositions de l'article 2 de ce règlement prévoient encore qu'« on entend par “information” : / a) une information qui doit être rendue publique conformément aux règlements (CE) n° 714/2009 et (CE) n° 715/2009, notamment les orientations et les codes de réseau adoptés en vertu desdits règlements ; /(…) c) une information qui doit être diffusée conformément aux dispositions juridiques ou réglementaires au niveau de l'Union ou national, aux règles du marché et aux contrats ou aux coutumes en vigueur sur le marché de gros de l'énergie en question ; dans la mesure où, si elle était rendue publique cette information serait susceptible d'influencer de façon sensible les prix des produits énergétiques de gros ; et/ d) toute autre information qu'un acteur du marché raisonnable serait susceptible d'utiliser pour fonder sa décision d'effectuer une transaction ou d'émettre un ordre portant sur un produit énergétique de gros ».

4. Aux termes de l'article 2(4) de ce même règlement, sont des « produits énergétiques de gros », « les contrats et produits dérivés suivants, indépendamment du lieu et de la façon dont ils sont négociés : / a) les contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel avec livraison dans l'Union ; /b) les produits dérivés en rapport avec l'électricité ou le gaz naturel produits, négociés ou livrés dans l'Union ; /c) les contrats relatifs au transport d'électricité ou de gaz naturel dans l'Union ; d) les produits dérivés en rapport avec le transport d'électricité ou de gaz naturel dans l'Union. / Les contrats de fourniture et de distribution d'électricité ou de gaz naturel destinés aux clients finaux ne constituent pas des produits énergétiques de gros. Cependant, les contrats de fourniture et de distribution d'électricité ou de gaz naturel à des clients finaux ayant une capacité de consommation supérieure au seuil établi au point 5), deuxième alinéa, sont considérés comme des produits énergétiques de gros ; ».

5. Aux termes de l'article 4(1) du règlement REMIT : « Les acteurs du marché divulguent publiquement, effectivement et en temps utile, une information privilégiée qu'ils détiennent concernant une entreprise ou des installations que l'acteur du marché concerné, ou son entreprise mère ou une entreprise liée, possède ou dirige ou dont ledit acteur ou ladite entreprise, est responsable, pour ce qui est des questions opérationnelles, en tout ou en partie. Cette divulgation contient des éléments concernant la capacité et l'utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport d'électricité ou de gaz naturel ou des informations relatives à la capacité et à l'utilisation des installations de GNL, y compris l'indisponibilité prévue ou imprévue desdites installations ».

6. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 134-25 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut (…) sanctionner les manquements aux règles définies aux articles 3, 4, 5, 8, 9 et 15 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (…) qu'il constate de la part de toute personne concernée, dans les conditions fixées aux articles L. 134-26 à L. 134-34, sans qu'il y ait lieu de la mettre préalablement en demeure ».

7. Il résulte de ces dispositions qu'une information est susceptible d'être qualifiée d'« information privilégiée » au sens et pour l'application du règlement REMIT si elle répond aux quatre conditions cumulatives suivantes : qu'elle revête un caractère précis ; qu'elle n'ait pas été rendue publique ; qu'elle concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros ; et que sa publicité soit susceptible d'influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros.

8. Conformément aux dispositions de l'article 4(1) du règlement REMIT, la divulgation publique d'une « information privilégiée » en relation avec un produit énergétique de gros doit s'effectuer en temps utile, c'est-à-dire le plus promptement possible par rapport à la survenance de l'événement qui est à son origine, en portant sur l'intégralité de ses éléments et en informant de manière efficace tous les autres acteurs du marché de gros considéré. La certitude que cette publication intervient en temps utile assoit la crédibilité du fonctionnement du marché tant pour les consommateurs que pour les compétiteurs. Elle garantit, notamment lorsqu'elle porte sur les capacités et leur disponibilité, un égal accès de tous les acteurs à une information fiable à partir de laquelle ils déterminent leur comportement et contribuent ainsi à la formation des prix. Il appartient aux autorités de régulation d'employer les pouvoirs d'enquête et de sanction de manière à renforcer le bon fonctionnement du marché sur ce point. Dès lors, la circonstance que le défaut de publication n'ait été suivi d'aucun effet, n'ait donné lieu à aucune protestation, ou n'ait permis aucun comportement contraire au règlement est sans incidence sur le caractère fautif de l'agissement, qui laisse fonctionner le marché sur la base d'informations erronées, en violation des obligations de leur auteur.

7.3. Analyse des griefs retenus par le membre désigné

7.3.1 Sur le caractère privilégié des informations relatives à la disponibilité des unités de production de la société TEEGF

9. La notification des griefs relève qu'entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, à sept reprises, la société TEEGF n'a pas publié en temps utile des informations qu'elle détenait relatives à la variation de la disponibilité de certaines unités de production lui appartenant.

10. Il résulte de l'instruction qu'en l'espèce les informations relatives à l'indisponibilité de quatre unités de production pour une puissance à chaque fois supérieure à 400 MW étaient, d'une part, précises en ce qu'elles portaient sur des unités de production identifiées avec des capacités de production disponibles déterminées et pour des durées d'indisponibilité estimées par leur exploitant, d'autre part susceptibles d'exercer une influence sensible sur le prix infra-journalier de l'électricité compte tenu de l'importance de ces installations, de leur rôle déterminant dans l'équilibre entre l'offre et la demande et de l'importance des indisponibilités en cause.

11. Les informations relatives aux sept variations des disponibilités des centrales de production précitées, identifiées dans la notification des griefs, ont, dès lors, la nature d'« informations privilégiées » au sens de l'article 2 du règlement REMIT.

7.3.2. Sur le délai de publication en temps utile de l'information privilégiée

12. Comme indiqué ci-dessus, l'article 4(1) du règlement REMIT dispose : « Les acteurs du marché divulguent publiquement, effectivement et en temps utile, une information privilégiée qu'ils détiennent concernant une entreprise ou des installations que l'acteur du marché concerné, ou son entreprise mère ou une entreprise liée, possède ou dirige ou dont ledit acteur ou ladite entreprise, est responsable, pour ce qui est des questions opérationnelles, en tout ou en partie. Cette divulgation contient des éléments concernant la capacité et l'utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport d'électricité ou de gaz naturel ou des informations relatives à la capacité et à l'utilisation des installations de GNL, y compris l'indisponibilité prévue ou imprévue desdites installations ».

13. Conformément à l'article 16(1) du règlement REMIT et pour permettre aux différentes autorités de régulation compétentes au sein de l'Union de remplir leurs missions de manière coordonnée et uniforme, l'ACER « publie, le cas échéant, des orientations non contraignantes sur l'application des définitions énoncées à l'article 2. ».

14. A cet égard, il ressort des orientations publiées par l'ACER en date du 17 juin 2016, mises à jour en dernier lieu le 22 juillet 2021 (8), que la publication d'une « information privilégiée » doit s'effectuer dès que possible et, en principe à défaut de prescription explicite différente, au plus tard dans un délai d'une heure.

15. Ce délai de principe d'une heure, énoncé par l'ACER à titre d'orientation non-contraignante, opère une conciliation raisonnable et dénuée d'arbitraire entre, d'une part, l'impératif de divulguer publiquement une « information privilégiée » en temps utile et, d'autre part, le coût et les contraintes de la mise en œuvre de moyens humains, matériels et d'organisation par les opérateurs pour garantir cette divulgation dans les conditions requises. Par conséquent, si le dépassement du délai indicatif retenu par l'ACER conformément aux compétences qui lui sont reconnues ne peut par lui-même être par principe regardé comme constitutif d'une violation du règlement, il incombe cependant à l'acteur du marché qui ne s'est pas tenu à ce délai de justifier des raisons de l'écart par des motifs objectifs qui ne caractérisent pas, eux-mêmes, une méconnaissance de l'économie générale du règlement REMIT et de ses finalités d'ordre public économique au sein de l'Union.

16. En l'espèce, toutes les occurrences dénoncées par la notification des griefs portent sur des indisponibilités de moyens de production qui ont été divulguées au marché dans un délai supérieur à une heure. Or, la société TEEGF s'est bornée à justifier ces sept dépassements (supérieurs à trois heures pour les occurrences n° 1, 6, 10 et 11, supérieurs à deux heures pour l'occurrence n° 9 et supérieurs à une heure pour les occurrences n° 8 et 12) par des motifs tirés soit des nécessités d'ajustement imposées par de récentes acquisitions d'actifs ; soit des horaires nocturnes au cours desquels sont nées les « informations privilégiées » en cause portant sur le début, la fin ou la modification d'une indisponibilité d'une centrale de production qu'elle exploite ; soit, encore des obligations de travail à distance, hors site de production, imposés par la crise sanitaire en cours au moment des faits incriminés, motifs qu'ont pu contribuer à renforcer en outre des difficultés matérielles de communication téléphonique, de disponibilité de matériel informatique ou de mauvaises connexions. Il résulte pourtant du règlement tel qu'analysé ci-dessus, que ce dernier impose à tout opérateur, quel que soit sa taille et son expérience, de n'agir sur le marché qu'en s'étant mis en mesure, par les moyens de toute nature appropriés à ces exigences, de procéder à la divulgation des « informations privilégiées », sauf à justifier de sa carence. Les motifs invoqués auraient pu être prévenus par le recours à des moyens humains supplémentaires, à des modalités de supervision, à la mise en place de procédures et de moyens redondants palliant les pannes éventuelles. Ces mesures et procédures ont d'ailleurs été ultérieurement mises en place par la société. Leur absence lors des faits témoigne d'une négligence dans le degré de priorité et d'exigence résultant des obligations faites à l'opérateur par le règlement. Ils sont, en eux-mêmes, invoqués en violation de ce règlement et conduisent à regarder les faits établis comme constituant des manquements aux obligations faites par le règlement.

17. Il résulte de ce qui précède que le comité considère qu'eu égard à la nature des « informations privilégiées » en cause et à l'insuffisance, révélée par l'examen de chacune des sept occurrences incriminées par la notification de griefs, des moyens mis en place par la société TEEGF pour se conformer à son obligation de publication en temps utile, celle-ci a méconnu à sept reprises entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 les dispositions de l'article 4(1) du règlement REMIT.

(8) ACER Guidance, 22 Juillet 2021, 6e édition, section 4.3, page 48 : « Such information should therefore normally be published as soon as possible, but at the latest within one hour if not otherwise specified in applicable rules and regulations. »