JORF n°0287 du 10 décembre 2016

Chapitre Ier : De l'Agence française anticorruption

Article 1

L'Agence française anticorruption est un service à compétence nationale, placé auprès du ministre de la justice et du ministre chargé du budget, ayant pour mission d'aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Article 2

L'Agence française anticorruption est dirigée par un magistrat hors hiérarchie de l'ordre judiciaire nommé par décret du Président de la République pour une durée de six ans non renouvelable. Il ne peut être mis fin à ses fonctions que sur sa demande ou en cas d'empêchement ou en cas de manquement grave.
Le magistrat qui dirige l'agence ne reçoit ni ne sollicite d'instruction d'aucune autorité administrative ou gouvernementale dans l'exercice des missions mentionnées aux 3° et 4° de l'article 3. Il ne peut être membre de la commission des sanctions ni assister à ses séances.
L'agence comprend une commission des sanctions chargée de prononcer les sanctions mentionnées au IV de l'article 17.
La commission des sanctions est composée de six membres :
1° Deux membres du Conseil d'Etat désignés par le vice-président du Conseil d'Etat ;
2° Deux membres de la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation ;
3° Deux magistrats de la Cour des comptes désignés par le premier président de la Cour des comptes.
Les membres de la commission sont nommés par décret pour un mandat de cinq ans. Le président de la commission est désigné parmi ses membres, selon les mêmes modalités.
Des suppléants sont nommés selon les mêmes modalités.
En cas de partage égal des voix, le président de la commission a voix prépondérante.
Le magistrat qui dirige l'agence et les membres de la commission des sanctions sont tenus au secret professionnel.
Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de fonctionnement de l'agence ainsi que les modalités de désignation des membres de la commission des sanctions, de manière à assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes pour chacune des catégories énumérées aux 1° à 3°.

Article 3

L'Agence française anticorruption :

1° Participe à la coordination administrative, centralise et diffuse les informations permettant d'aider à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Dans ce cadre, elle apporte son appui aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale ;

2° Elabore des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Ces recommandations sont adaptées à la taille des entités concernées et à la nature des risques identifiés. Elles sont régulièrement mises à jour pour prendre en compte l'évolution des pratiques et font l'objet d'un avis publié au Journal officiel ;

3° Contrôle, de sa propre initiative, la qualité et l'efficacité des procédures mises en œuvre au sein des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics, des sociétés d'économie mixte et des sociétés relevant du titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales, et des associations et fondations reconnues d'utilité publique pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Elle contrôle également le respect des mesures mentionnées au II de l'article 17 de la présente loi.

Ces contrôles peuvent également être effectués à la demande du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, du Premier ministre, des ministres ou, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics et sociétés relevant du titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales, du représentant de l'Etat. Ils peuvent faire suite à un signalement transmis à l'agence par une association agréée dans les conditions prévues à l'article 2-23 du code de procédure pénale.

Ces contrôles donnent lieu à l'établissement de rapports transmis aux autorités qui en sont à l'initiative ainsi qu'aux représentants de l'entité contrôlée. Ils contiennent les observations de l'agence concernant la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place au sein des entités contrôlées ainsi que des recommandations en vue de l'amélioration des procédures existantes ;

4° Exerce les attributions prévues à l'article 17 de la présente loi, à l'article 131-39-2 du code pénal et aux articles 41-1-2 et 764-44 du code de procédure pénale ;

5° Veille, à la demande du Premier ministre, au respect de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dans le cadre de l'exécution des décisions d'autorités étrangères imposant à une société dont le siège est situé sur le territoire français une obligation de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption ;

6° Avise le procureur de la République compétent en application de l'article 43 du code de procédure pénale des faits dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses missions et qui sont susceptibles de constituer un crime ou un délit. Lorsque ces faits sont susceptibles de relever de la compétence du procureur de la République financier en application des 1° à 8° de l'article 705 ou de l'article 705-1 du même code, l'Agence française anticorruption en avise simultanément ce dernier ;

7° Elabore chaque année un rapport d'activité rendu public.

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.

Article 4

Dans le cadre de ses missions définies aux 3° et 4° de l'article 3, les agents de l'Agence française anticorruption peuvent être habilités, par décret en Conseil d'Etat, à se faire communiquer par les représentants de l'entité contrôlée tout document professionnel, quel qu'en soit le support, ou toute information utile. Le cas échéant, ils peuvent en faire une copie.
Ils peuvent procéder sur place à toute vérification de l'exactitude des informations fournies. Ils peuvent s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours leur paraît nécessaire.
Les agents habilités, les experts et les personnes ou autorités qualifiées auxquels ils ont recours et, de manière générale, toute personne qui concourt à l'accomplissement des missions mentionnées à l'article 3 sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement de leurs rapports.
Nul ne peut procéder aux contrôles relatifs à une entité économique ou publique à l'égard de laquelle il détient ou a détenu un intérêt direct ou indirect.
Est puni de 30 000 € d'amende le fait de prendre toute mesure destinée à faire échec à l'exercice des fonctions dont les agents habilités mentionnés au présent article sont chargés.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts et les personnes ou autorités qualifiées auxquels il est recouru ainsi que les règles déontologiques qui leur sont applicables.

Article 5

I.-A compter de l'entrée en vigueur du décret de nomination du directeur de l'Agence française anticorruption mentionné à l'article 2 de la présente loi, les articles 1er à 6 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques sont abrogés.

II et III. A abrogé les dispositions suivantes :

> - Code de procédure pénale > > Art. 40-6 > >

A modifié les dispositions suivantes :

> - Code monétaire et financier > > Art. L561-29 > >

A abrogé les dispositions suivantes :

> - LOI n° 93-122 du 29 janvier 1993 > > Art. 1, Art. 2, Art. 3, Art. 4, Art. 5, Art. 6 > >