a) Textes déférés : art. 29 decies (§ II, 2e alinéa) et art. 33 octies (3e et 4e alinéa) :
L'article 29 decies (22) dispose :
« II. ― Pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, les électeurs votent dans le bureau ouvert au chef-lieu de la circonscription électorale.
Ils peuvent, par dérogation à l'article L. 54 du code électoral, voter le deuxième vendredi précédant la date du scrutin, dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 33 octies de la présente loi. »
L'article 33 octies (3e et 4e alinéa) dispose :
« Les membres du collège électoral peuvent également voter le deuxième samedi précédant le scrutin, dans leur circonscription d'élection, auprès de l'ambassadeur ou du chef de poste consulaire. Après passage dans l'isoloir, l'électeur remet en mains propres à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire un pli contenant son bulletin de vote dans une enveloppe.
L'électeur signe ce pli ainsi que la liste d'émargement, sur laquelle figure le numéro du pli, il est remis à l'électeur un récépissé sur lequel figurent le nom du votant et le numéro du pli. Les conditions de l'enregistrement, de la conservation et du transfert du pli au bureau de vote, de nature à respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin, sont définies par décret en Conseil d'Etat.
« Chaque liste peut désigner, auprès du bureau de vote réuni au ministère des affaires étrangères ainsi que dans chaque ambassade ou poste consulaire où le vote a lieu, un délégué chargé de suivre l'ensemble des opérations de vote. »
b) Absence de garanties législatives aux améliorations insuffisantes apportées au cours de la discussion du projet de loi :
L'article 26 (pour l'élection des conseillers à l'AFE) et l'article 35 (5°) (pour les élections sénatoriales) du projet de loi initial se bornaient à prévoir la remise par l'électeur de son enveloppe de scrutin contenant son bulletin de vote à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire en mains propres, cette autorité délivrant un récépissé à l'intéressé. Toutes les autres modalités étaient renvoyées à un décret en Conseil d'Etat, au prétexte fallacieux qu'elles relevaient du domaine réglementaire.
Aucune autre garantie du secret et de l'intégrité du vote n'était prévue hormis la remise de l'enveloppe à un fonctionnaire, certes digne de confiance, et la délivrance d'un récépissé. Contrairement à tous les principes de la législation électorale, aucun contrôle démocratique de ces opérations n'était prévu, le projet de loi n'accordant aucune place aux délégués des candidats ou listes qui ont, en France, un rôle essentiel.
Le Sénat, en première lecture, a d'abord supprimé ce mode de vote si singulier pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger (3).
Pour les élections sénatoriales, le Sénat, suivi sur ce point par l'Assemblée nationale, a également tenté de rendre le système plus acceptable en insérant dans la loi elle-même plusieurs garanties :
― faculté pour les électeurs de recourir à ce mode de vote un jour déterminé fixé par la loi : le deuxième samedi précédant le scrutin (art. 33 octies) ;
― passage de l'électeur votant dans un poste diplomatique ou consulaire dans un isoloir ;
― dispositions concernant l'enveloppe qui sera prénumérotée, fermée et sécurisée ;
― signature de la liste d'émargement par l'électeur constatant son vote ainsi que le numéro de l'enveloppe ;
― rappel des principes de secret du vote et de sincérité du scrutin que le pouvoir réglementaire devra respecter ;
― possibilité pour chaque liste de désigner un délégué à Paris et dans chaque ambassade ou poste consulaire où le vote a lieu, chargé de suivre l'ensemble des opérations de vote.
L'Assemblée nationale a rétabli ce mode de vote inédit pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger et en a précisé les modalités, l'article 29 decies concernant l'élection de l'AFE renvoyant à l'article 33 octies (3e alinéa) concernant les élections sénatoriales.
Malgré toutes les précautions imaginées par les auteurs de ce mode de vote, ce système comporte encore de nombreuses lacunes, qui l'entachent d'inconstitutionnalité, en ne garantissant pas effectivement le secret du vote et l'intégrité du scrutin.
En effet, alors qu'il ne s'agit pas d'un vote par correspondance comme l'a souligné à plusieurs reprises le Gouvernement durant les débats, ce mode de vote, totalement inédit, est profondément dérogatoire au droit commun électoral dont il transgresse plusieurs principes majeurs que notre législation républicaine a progressivement consacrés depuis plus d'un siècle et demi :
― soustraction de bulletins à toute surveillance démocratique pendant plusieurs jours ou heures ;
― conservation de ces bulletins par la seule administration ;
― absence de toute garantie législative de conservation ou de sécurisation des bulletins ;
― absence de tout contrôle démocratique de ces opérations pendant le transport des bulletins du poste diplomatique ou consulaire à Paris, aucune place ni même possibilité de présence n'étant accordée aux délégués des candidats ou listes, fût-ce aux frais des intéressés.
(3) Sénat, n° 120 (2012-2013), projet de loi adopté par le Sénat, le 19 avril 2013, article 29 decies.
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