JORF n°0304 du 30 décembre 2012

Votre décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998 marque d'ailleurs un resserrement significatif de la jurisprudence constitutionnelle car un intérêt général « suffisant » est désormais exigé pour justifier la rétroactivité d'une loi fiscale. Ainsi, pour apprécier la constitutionnalité d'une loi fiscale rétroactive, le Conseil constitutionnel apprécie la proportionnalité entre le motif d'intérêt général avancé et la sécurité des situations des contribuables.
« 5. Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ; que, néanmoins, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
« 6. Considérant que la disposition critiquée aurait pour conséquence de majorer, pour un nombre significatif d'entreprises, une contribution qui n'était due qu'au titre de l'exercice 1995 et a été recouvrée au cours de l'exercice 1996 ;
« 7. Considérant que le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier auxdites conséquences ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, l'article 10 doit être déclaré contraire à la Constitution. »
Votre Conseil admet ainsi des mesures comprenant une « petite rétroactivité », c'est-à-dire une modification du régime fiscal concernant des opérations déjà réalisées mais qui n'ont pas encore été soumises à l'impôt, dès lors qu'il existe un lien de proportionnalité entre l'intensité de la rétroactivité et l'éminence du but poursuivi.
Enfin, le Conseil et les juridictions vérifient que cette rétroactivité ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique et de confiance légitime en remettant en cause des droits que les contribuables pouvaient, en application du droit positif, considérer comme acquis.
Dans son arrêt du 9 mai 2012, en s'appuyant sur l'article 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, le Conseil d'Etat a ainsi considéré qu'une entreprise est fondée à demander le bénéfice d'un crédit d'impôt rétroactivement supprimé dès lors que :
― lors de sa création, le bénéfice du crédit d'impôt a été fixé pour trois ans et qu'on est légitimement en droit « d'espérer son application sur l'ensemble de la période prévue, contrairement à d'autres mesures fiscales adoptées sans durée » ;
― à la date de réalisation de l'opération donnant droit au crédit d'impôt, aucun élément ne permettait d'envisager une remise en cause de ce système (ni déclaration publique d'un ministre ni rapport parlementaire en recommandant la suppression).
Mais avant qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le respect des conditions subordonnant la constitutionnalité de la « petite rétroactivité », encore faudrait-il être en présence d'une « petite rétroactivité » telle qu'admise par votre jurisprudence. Le sommes-nous réellement compte tenu du caractère irrévocable du choix du contribuable pour le prélèvement reconnu par le Conseil d'Etat ?
Le Conseil d'Etat a en effet été saisi d'une QPC relative au prélèvement forfaitaire libératoire de l'article 117 quater du code général des impôts et au caractère irrévocable du choix qu'il implique.
Le Conseil d'Etat a notamment validé le caractère irrévocable de l'option pour la taxation au prélèvement forfaitaire eu égard à la nature de prélèvement à la source de ce prélèvement.
« Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 117 quater du CGI permettent aux contribuables d'opter pour l'imposition des revenus de capitaux mobiliers à un taux forfaitaire, égal à 18 % au titre de l'année 2008, libératoire de l'impôt sur le revenu ; que, si l'option pour ce prélèvement forfaitaire libératoire peut, dans certains cas, conduire le contribuable à supporter au titre des revenus concernés une imposition plus élevée que celle qui aurait résulté de l'application du barème progressif de l'impôt sur le revenu, la différence de traitement qui en découle résulte uniquement du choix opéré par le contribuable lui-même entre les deux modalités d'imposition qui s'offrent à lui ; que, si les dispositions de l'article 117 quater précisent que l'option pour le prélèvement forfaitaire libératoire est irrévocable pour rencaissement auquel elle s'applique, cette règle, qui ne fait pas obstacle à ce que le contribuable opte pour l'imposition au barème progressif au titre de revenus de même nature perçus la même année, n'est pas, par elle-même, de nature à créer une rupture d'égalité entre contribuables ; que le caractère irrévocable du choix se justifie par la nature de prélèvement à la source du prélèvement forfaitaire libératoire, laquelle implique que le contribuable se soit déterminé à la date d'encaissement des revenus ; que, par suite, les dispositions de l'article 117 quater du CGI ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques. » Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée (Conseil d'Etat QPC du 28 mars 2012 n° 356227, 9e et 10e sous-sections.)
Ainsi, dès lors que le contribuable opte pour le prélèvement, il choisit de faire l'objet d'un prélèvement à la source qui, selon l'article 117 quater, « libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu ».
Il ne s'agit plus d'une « petite rétroactivité » s'appliquant jusqu'ici valablement à l'impôt sur le revenu mais d'une vraie rétroactivité s'appliquant à un prélèvement à la source dont le fait générateur qui est l'encaissement du revenu est antérieur à la loi.
Ainsi, en prévoyant que les revenus correspondant aux dividendes et intérêts de l'ensemble de l'année 2012, quelle que soit la date à laquelle ces revenus ont été perçus, seront soumis au barème de façon rétroactive, l'article 5 du PLF n'est pas conforme au principe de la « petite rétroactivité » puisque les revenus pour lesquels le contribuable a opté pour le prélèvement libératoire ont été, de par la loi en vigueur lors de cette option, définitivement sortis de l'assiette de l'impôt.
La suppression rétroactive d'un prélèvement dont il est clairement indiqué dans la loi qu'il libère de l'impôt sur le revenu est une atteinte aux principes susmentionnés et aucun motif d'intérêt général suffisant n'est avancé pour justifier une telle remise en cause d'une situation acquise.
L'application de l'article 5 de la loi déférée qui transforme un prélèvement libératoire en acompte constitue une atteinte aux biens au sens de l'article 1er de la CEDH. Il porte ainsi atteinte au droit de propriété tel qu'il est protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ainsi qu'à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Constitution. Il convient dès lors de le censurer.
Articles 5, 6 et 7 :
Les revenus du patrimoine et de placement subissent un taux de CSG (8,2 %) supérieur à celui applicable aux revenus d'activité (7,5 %). Pour tenir compte de ce différentiel de niveau de taxation, la part de CSG déductible des revenus du patrimoine (5,8 %) était, jusqu'à présent, supérieure à celle susceptible d'être déduite des revenus d'activité (5,1 %).

  1. En uniformisant à 5,1 % le taux de CSG déductible, le 2° du G du I de l'article 5 crée une rupture d'égalité entre revenus au regard d'une même imposition, à savoir l'impôt sur le revenu.
    En effet, il est certes possible d'avoir des taux différents de CSG par catégorie de revenus, mais il faut que cette différence d'imposition soit « neutralisée » de façon identique à l'égard de l'impôt sur le revenu.
    Or, le 2° du G du I de l'article 5 crée une différence de traitement qui n'est pas justifiée dès lors que tous les revenus (sauf les plus-values immobilières) sont désormais imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
    Dans le considérant 31 de votre décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, votre Conseil a relevé que la mesure du projet de loi de finances pour 1998 qui augmentait de la même façon la CSG déductible concernant les revenus du capital et les revenus d'activité « n'a ni pour objet, ni pour effet de traiter les revenus et produits du patrimoine différemment des autres revenus au regard de la déductibilité de la contribution sociale généralisée ; qu'en effet, ces revenus et produits, dans leur ensemble, bénéficient de cette déductibilité dès lors qu'ils sont soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu ».
    A contrario, avec l'article 5 du PLF 2013, des revenus soumis à la CSG à des taux différents bénéficient d'un même taux de déductibilité et ne sont donc pas traités de la même façon. Dès lors, il n'est pas possible de s'exonérer de l'inconstitutionnalité résultant de cette différence de traitement en estimant, comme le ministre en séance le 13 décembre, que d'autres impositions touchent spécifiquement les seuls revenus du capital, de sorte qu'il y a déjà une différence de traitement au regard de la déductibilité.
    En effet, le législateur peut très bien décider de choisir quel impôt il rend déductible de l'impôt sur le revenu, et il peut très bien ne pas rendre déductible de l'impôt sur le revenu un impôt qui pèse sur la même catégorie de revenus qu'un autre impôt, au regard de la finalité de chaque impôt ; mais lorsque le législateur a décidé de rendre déductible un impôt (la CSG) d'un autre (l'IR), il doit le faire de manière à traiter de façon égale au regard de l'IR tous les revenus soumis à la CSG, et donc en compensant à l'IR une éventuelle différence de taux à la CSG ; à défaut, ce qui est le cas de l'article 5 du PLF 2013, l'IR est plus progressif au regard des revenus du capital qui ont subi une imposition plus forte à la CSG que des revenus d'activité.
    Puisque le taux de CSG non déductible n'est plus le même pour tous les revenus, certains revenus (ceux du capital), qui sont plus imposés à la CSG, sont intégrés dans l'assiette de l'IR dans une proportion plus importante que les revenus d'activité, et subissent donc dans une proportion plus importante la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu qui apprécie de manière globale et indifférenciée l'ensemble des revenus ; les capacités contributives des contribuables ne sont donc pas appréciées de manière juste, mais avec une rupture d'égalité entre catégories de revenus.
  2. D'autre part, les requérants considèrent que la rupture d'égalité est liée au différentiel de taux de CSG et de prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine et de placement, d'une part (15,5 %), et aux revenus d'activité, d'autre part (8 %).
    Les requérants font également valoir qu'il existe une différence d'assiette, les revenus d'activité étant imposés pour 98,25 % de leur montant et les plus-values, dividendes et intérêts pour la totalité de leur montant.
    Pour ces deux raisons, les articles 5 et 6, qui ont pour objet d'aligner la fiscalité du capital sur celle du travail induisent une rupture d'égalité au regard des prélèvements sociaux si bien que, in fine, la loi va au-delà de l'objectif recherché.
    En effet, l'objectif affiché est d'aligner le niveau d'imposition des revenus du capital sur celui du travail. Or, la somme des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les revenus du capital conduit à une surimposition de ces revenus. La comparaison ― sur la base des taux marginaux ― donne les résultats suivants [1] :
    ― traitements et salaires : 57,85 % (45 % + 4 % + 8,85 %)
    ― plus-values mobilières : 64,5 % [2] (45 % + 4 % + 15,5 %)
    ― intérêts : 64,5 % (45 % + 4 % + 15,5 %)
    ― plus-values immobilières : 34,5 % (19 % + 15,5 %), voire exonération (résidence principale, détention > trente ans, certains cas de remploi).

[1] Sans prise en compte de l'effet de la CSG déductible qui serait identique quel que soit le revenu et de l'effet de l'ISF. [2] Cession avant le délai de deux ans.


Historique des versions

Version 1

Votre décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998 marque d'ailleurs un resserrement significatif de la jurisprudence constitutionnelle car un intérêt général « suffisant » est désormais exigé pour justifier la rétroactivité d'une loi fiscale. Ainsi, pour apprécier la constitutionnalité d'une loi fiscale rétroactive, le Conseil constitutionnel apprécie la proportionnalité entre le motif d'intérêt général avancé et la sécurité des situations des contribuables.

« 5. Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ; que, néanmoins, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

« 6. Considérant que la disposition critiquée aurait pour conséquence de majorer, pour un nombre significatif d'entreprises, une contribution qui n'était due qu'au titre de l'exercice 1995 et a été recouvrée au cours de l'exercice 1996 ;

« 7. Considérant que le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier auxdites conséquences ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, l'article 10 doit être déclaré contraire à la Constitution. »

Votre Conseil admet ainsi des mesures comprenant une « petite rétroactivité », c'est-à-dire une modification du régime fiscal concernant des opérations déjà réalisées mais qui n'ont pas encore été soumises à l'impôt, dès lors qu'il existe un lien de proportionnalité entre l'intensité de la rétroactivité et l'éminence du but poursuivi.

Enfin, le Conseil et les juridictions vérifient que cette rétroactivité ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique et de confiance légitime en remettant en cause des droits que les contribuables pouvaient, en application du droit positif, considérer comme acquis.

Dans son arrêt du 9 mai 2012, en s'appuyant sur l'article 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, le Conseil d'Etat a ainsi considéré qu'une entreprise est fondée à demander le bénéfice d'un crédit d'impôt rétroactivement supprimé dès lors que :

― lors de sa création, le bénéfice du crédit d'impôt a été fixé pour trois ans et qu'on est légitimement en droit « d'espérer son application sur l'ensemble de la période prévue, contrairement à d'autres mesures fiscales adoptées sans durée » ;

― à la date de réalisation de l'opération donnant droit au crédit d'impôt, aucun élément ne permettait d'envisager une remise en cause de ce système (ni déclaration publique d'un ministre ni rapport parlementaire en recommandant la suppression).

Mais avant qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le respect des conditions subordonnant la constitutionnalité de la « petite rétroactivité », encore faudrait-il être en présence d'une « petite rétroactivité » telle qu'admise par votre jurisprudence. Le sommes-nous réellement compte tenu du caractère irrévocable du choix du contribuable pour le prélèvement reconnu par le Conseil d'Etat ?

Le Conseil d'Etat a en effet été saisi d'une QPC relative au prélèvement forfaitaire libératoire de l'article 117 quater du code général des impôts et au caractère irrévocable du choix qu'il implique.

Le Conseil d'Etat a notamment validé le caractère irrévocable de l'option pour la taxation au prélèvement forfaitaire eu égard à la nature de prélèvement à la source de ce prélèvement.

« Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 117 quater du CGI permettent aux contribuables d'opter pour l'imposition des revenus de capitaux mobiliers à un taux forfaitaire, égal à 18 % au titre de l'année 2008, libératoire de l'impôt sur le revenu ; que, si l'option pour ce prélèvement forfaitaire libératoire peut, dans certains cas, conduire le contribuable à supporter au titre des revenus concernés une imposition plus élevée que celle qui aurait résulté de l'application du barème progressif de l'impôt sur le revenu, la différence de traitement qui en découle résulte uniquement du choix opéré par le contribuable lui-même entre les deux modalités d'imposition qui s'offrent à lui ; que, si les dispositions de l'article 117 quater précisent que l'option pour le prélèvement forfaitaire libératoire est irrévocable pour rencaissement auquel elle s'applique, cette règle, qui ne fait pas obstacle à ce que le contribuable opte pour l'imposition au barème progressif au titre de revenus de même nature perçus la même année, n'est pas, par elle-même, de nature à créer une rupture d'égalité entre contribuables ; que le caractère irrévocable du choix se justifie par la nature de prélèvement à la source du prélèvement forfaitaire libératoire, laquelle implique que le contribuable se soit déterminé à la date d'encaissement des revenus ; que, par suite, les dispositions de l'article 117 quater du CGI ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques. » Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée (Conseil d'Etat QPC du 28 mars 2012 n° 356227, 9e et 10e sous-sections.)

Ainsi, dès lors que le contribuable opte pour le prélèvement, il choisit de faire l'objet d'un prélèvement à la source qui, selon l'article 117 quater, « libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu ».

Il ne s'agit plus d'une « petite rétroactivité » s'appliquant jusqu'ici valablement à l'impôt sur le revenu mais d'une vraie rétroactivité s'appliquant à un prélèvement à la source dont le fait générateur qui est l'encaissement du revenu est antérieur à la loi.

Ainsi, en prévoyant que les revenus correspondant aux dividendes et intérêts de l'ensemble de l'année 2012, quelle que soit la date à laquelle ces revenus ont été perçus, seront soumis au barème de façon rétroactive, l'article 5 du PLF n'est pas conforme au principe de la « petite rétroactivité » puisque les revenus pour lesquels le contribuable a opté pour le prélèvement libératoire ont été, de par la loi en vigueur lors de cette option, définitivement sortis de l'assiette de l'impôt.

La suppression rétroactive d'un prélèvement dont il est clairement indiqué dans la loi qu'il libère de l'impôt sur le revenu est une atteinte aux principes susmentionnés et aucun motif d'intérêt général suffisant n'est avancé pour justifier une telle remise en cause d'une situation acquise.

L'application de l'article 5 de la loi déférée qui transforme un prélèvement libératoire en acompte constitue une atteinte aux biens au sens de l'article 1er de la CEDH. Il porte ainsi atteinte au droit de propriété tel qu'il est protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ainsi qu'à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Constitution. Il convient dès lors de le censurer.

Articles 5, 6 et 7 :

Les revenus du patrimoine et de placement subissent un taux de CSG (8,2 %) supérieur à celui applicable aux revenus d'activité (7,5 %). Pour tenir compte de ce différentiel de niveau de taxation, la part de CSG déductible des revenus du patrimoine (5,8 %) était, jusqu'à présent, supérieure à celle susceptible d'être déduite des revenus d'activité (5,1 %).

1. En uniformisant à 5,1 % le taux de CSG déductible, le 2° du G du I de l'article 5 crée une rupture d'égalité entre revenus au regard d'une même imposition, à savoir l'impôt sur le revenu.

En effet, il est certes possible d'avoir des taux différents de CSG par catégorie de revenus, mais il faut que cette différence d'imposition soit « neutralisée » de façon identique à l'égard de l'impôt sur le revenu.

Or, le 2° du G du I de l'article 5 crée une différence de traitement qui n'est pas justifiée dès lors que tous les revenus (sauf les plus-values immobilières) sont désormais imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu.

Dans le considérant 31 de votre décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, votre Conseil a relevé que la mesure du projet de loi de finances pour 1998 qui augmentait de la même façon la CSG déductible concernant les revenus du capital et les revenus d'activité « n'a ni pour objet, ni pour effet de traiter les revenus et produits du patrimoine différemment des autres revenus au regard de la déductibilité de la contribution sociale généralisée ; qu'en effet, ces revenus et produits, dans leur ensemble, bénéficient de cette déductibilité dès lors qu'ils sont soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu ».

A contrario, avec l'article 5 du PLF 2013, des revenus soumis à la CSG à des taux différents bénéficient d'un même taux de déductibilité et ne sont donc pas traités de la même façon. Dès lors, il n'est pas possible de s'exonérer de l'inconstitutionnalité résultant de cette différence de traitement en estimant, comme le ministre en séance le 13 décembre, que d'autres impositions touchent spécifiquement les seuls revenus du capital, de sorte qu'il y a déjà une différence de traitement au regard de la déductibilité.

En effet, le législateur peut très bien décider de choisir quel impôt il rend déductible de l'impôt sur le revenu, et il peut très bien ne pas rendre déductible de l'impôt sur le revenu un impôt qui pèse sur la même catégorie de revenus qu'un autre impôt, au regard de la finalité de chaque impôt ; mais lorsque le législateur a décidé de rendre déductible un impôt (la CSG) d'un autre (l'IR), il doit le faire de manière à traiter de façon égale au regard de l'IR tous les revenus soumis à la CSG, et donc en compensant à l'IR une éventuelle différence de taux à la CSG ; à défaut, ce qui est le cas de l'article 5 du PLF 2013, l'IR est plus progressif au regard des revenus du capital qui ont subi une imposition plus forte à la CSG que des revenus d'activité.

Puisque le taux de CSG non déductible n'est plus le même pour tous les revenus, certains revenus (ceux du capital), qui sont plus imposés à la CSG, sont intégrés dans l'assiette de l'IR dans une proportion plus importante que les revenus d'activité, et subissent donc dans une proportion plus importante la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu qui apprécie de manière globale et indifférenciée l'ensemble des revenus ; les capacités contributives des contribuables ne sont donc pas appréciées de manière juste, mais avec une rupture d'égalité entre catégories de revenus.

2. D'autre part, les requérants considèrent que la rupture d'égalité est liée au différentiel de taux de CSG et de prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine et de placement, d'une part (15,5 %), et aux revenus d'activité, d'autre part (8 %).

Les requérants font également valoir qu'il existe une différence d'assiette, les revenus d'activité étant imposés pour 98,25 % de leur montant et les plus-values, dividendes et intérêts pour la totalité de leur montant.

Pour ces deux raisons, les articles 5 et 6, qui ont pour objet d'aligner la fiscalité du capital sur celle du travail induisent une rupture d'égalité au regard des prélèvements sociaux si bien que, in fine, la loi va au-delà de l'objectif recherché.

En effet, l'objectif affiché est d'aligner le niveau d'imposition des revenus du capital sur celui du travail. Or, la somme des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les revenus du capital conduit à une surimposition de ces revenus. La comparaison ― sur la base des taux marginaux ― donne les résultats suivants [1] :

― traitements et salaires : 57,85 % (45 % + 4 % + 8,85 %)

― plus-values mobilières : 64,5 % [2] (45 % + 4 % + 15,5 %)

― intérêts : 64,5 % (45 % + 4 % + 15,5 %)

― plus-values immobilières : 34,5 % (19 % + 15,5 %), voire exonération (résidence principale, détention > trente ans, certains cas de remploi).

[1] Sans prise en compte de l'effet de la CSG déductible qui serait identique quel que soit le revenu et de l'effet de l'ISF. [2] Cession avant le délai de deux ans.