ANNEXE 6
AVIS DE LA HAUTE AUTORITÉ POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE SUR LE CODE DE DÉONTOLOGIE DES CONSEILLER-E-S DE PARIS
Délibération n° 2014-43 du 17 juillet 2014 relative à la demande d'avis de la maire de Paris
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique,
Vu la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 et notamment son article 20 ;
Vu la lettre, en date du 13 juin 2014, par laquelle la maire de Paris a transmis à cette autorité, pour avis, le code de déontologie adopté par le Conseil de Paris lors de sa séance du 29 mai 2014 ;
Vu le projet de délibération relatif à la création d'une commission de déontologie des conseillers de Paris transmis par les services de la direction juridique de la Ville de Paris le 26 juin 2014 ;
Ayant entendu, lors de ses séances du 19 juin et du 17 juillet 2014, Mme Catherine Bergeal en son rapport,
A adopté l'avis dont la teneur suit :
Sur le code de déontologie adopté par le Conseil de Paris :
- La Haute Autorité approuve l'initiative de la Ville de Paris d'adopter un code de déontologie des conseillers de Paris. Elle observe que cette initiative est conforme aux objectifs que le législateur a fixés par les lois n° 2013-906 et 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique. Elle est favorable à ce que la pratique de tels codes se développe dans l'ensemble des collectivités publiques et concerne tant les élus que les agents.
- La Haute Autorité prend acte que les cinq valeurs d'intérêt public, de probité, d'impartialité, d'indépendance et d'exemplarité sont celles que le Conseil de Paris a tout particulièrement décidé de distinguer comme celles qu'il entend voir guider son action.
- La Haute Autorité approuve le rappel exprès dans le code des termes de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 définissant le conflit d'intérêts, notamment en ce que cette définition met en évidence qu'un conflit d'intérêts peut naitre non seulement entre un intérêt public et un intérêt privé, mais aussi entre deux intérêts publics.
- Il résulte de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 que la maire, les adjoints au maire et les conseillers de Paris titulaires d'une délégation de signature sont tenus d'adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la déclaration de situation patrimoniale et la déclaration d'intérêts établies dans les conditions prévues à l'article 4 de la même loi. La Haute Autorité prend acte de ce que l'ensemble des conseillers de Paris ont décidé d'adresser à la Ville de Paris une déclaration d'intérêts dans les quatre mois suivant leur élection et, dans le même délai et un mois avant la fin de leur mandat, une déclaration de situation patrimoniale, pour publication pour ceux qui le souhaitent sur le site www.paris.fr. Elle observe que ces obligations ont été adoptées à l'unanimité du Conseil de Paris et sur le fondement du volontariat.
- En ce qui concerne la déclaration d'intérêt, la Haute Autorité s'interroge sur les raisons ayant conduit le Conseil de Paris à retenir un contenu plus restrictif que celui déterminé par le législateur à l'article 4 de la loi du 11 octobre 2013, en n'incluant pas dans ces déclarations les activités de consultant (3° de l'article 4), les fonctions et mandats électifs (9° de l'article 4) et les activités professionnelles exercées par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin (6° de l'article 4). Ces exclusions ne paraissent pas cohérentes avec les objectifs des lois du 11 octobre 2013 et la définition du conflit d'intérêt donné par son article 2 dont les dispositions sont rappelées par le code adopté par le Conseil de Paris.
- La Haute Autorité rappelle enfin qu'en tout état de cause, la maire, ses adjoints et les conseillers de Paris titulaires d'une délégation de signature resteront tenus d'adresser à la Haute Autorité la déclaration complète prévue par le législateur.
- En ce qui concerne la déclaration de patrimoine, la Haute Autorité observe que le code devrait indiquer avec davantage de précision le contenu de la déclaration, notamment s'il s'agit de la reproduction exacte de tout ou partie de la déclaration de situation patrimoniale mentionnée au II de l'article 4 de la loi 2013-907 du 11 octobre 2013.
- En ce qui concerne l'option de rendre publiques, sur la base du volontariat, les déclarations de situation patrimoniale et non les déclarations d'intérêts, la Haute Autorité souligne que le législateur a fait un choix inverse, compte tenu notamment du cadre juridique fixé par le conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013.
Il résulte en effet de la loi que seuls les membres du Gouvernement voient leurs déclarations patrimoniales et leurs déclarations d'intérêts rendues publiques, sur le site de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. En ce qui concerne les parlementaires, seules les déclarations d'intérêts sont rendues publiques sur le site de la Haute Autorité ; les déclarations de situation patrimoniale ne sont rendues accessibles qu'en préfecture et selon des modalités particulières. Pour les élus locaux mentionnés à l'article 11 de la loi du 11 octobre 2013, seules les déclarations d'intérêts sont rendues publiques sur le site de la Haute Autorité ; leurs déclarations de situation patrimoniale ne le sont pas. Par sa décision n° 2013-676 DC, le Conseil constitutionnel a jugé en effet que si la publication de la déclaration d'intérêts des élus ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée au regard de l'objectif de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci, il n'en allait en revanche pas de même pour la publication de leur situation patrimoniale. La disposition législative prévoyant cette publicité a donc été invalidée par le Conseil constitutionnel.
Le choix fait par le Conseil de Paris aboutit donc à la situation où seraient rendues publiques, d'une part, les déclarations d'intérêt des élus dirigeants de la Ville de Paris sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et sur le site de cette autorité et, d'autre part, des déclarations de situation patrimoniales de quelques élus sur le site de la Ville sous la seule responsabilité des déclarants. La Haute Autorité suggère, dans ces conditions, de soumettre à une nouvelle réflexion du conseil de Paris tant le contenu de la déclaration d'intérêt, que la question de la publicité.
Elle rappelle qu'en tout état de cause, seront rendues publiques sur son site internet les déclarations d'intérêts de la maire de Paris, de ses adjoints et des conseillers de Paris titulaires d'une délégation de signature. Elle attire par ailleurs l'attention de la Ville de Paris sur la nécessité, s'il est procédé à la mise sur le site internet de la ville de certaines déclarations, de ne pas publier les éléments mentionnés au III de l'article 5 de la loi n° 2013-907 du l1 octobre 2013 et, dans tous les cas, de prendre préalablement l'attache de la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour déterminer les conditions de cette mise en ligne. - la Haute Autorité rappelle que s'appliquent à la maire de Paris, à ses adjoints et aux conseillers de Paris détenteurs d'une délégation de signature les règles de déport mentionnées aux articles 5 et 6 du décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013. Elle approuve le rappel par le code du principe selon lequel les élus ne peuvent participer aux débats et aux votes sur toutes les questions pour lesquelles ils ont un intérêt personnel, familial ou professionnel. Elle observe que cette règle du déport sera d'autant plus efficace que la déclaration d'intérêts sera remplie avec rigueur (voir point 5.).
- La Haute Autorité suggère que la déclaration par laquelle la maire, les adjoints et les présidents des groupes politiques du Conseil de Paris déclarent avoir pris connaissance de la Charte du bon usage du service automobile et s'engagent à la respecter soit complétée par une déclaration de l'ensemble des élus parisiens, à tout le moins de tous ceux appelés à siéger dans des commissions d'appel d'offres, par lesquels ils déclarent avoir pris connaissance de la Charte du service des achats et s'engagent à la respecter. Elle suggère, de même, qu'à la mention de la connaissance de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales soit ajoutée celle de l'article 432-14 du code pénal relatif au délit de favoritisme dans les marchés et délégations de service public et propose que les textes de ces deux articles soient reproduits.
- La Haute Autorité prend acte de l'institution de l'obligation de déclarer les voyages effectués en rapport avec les fonctions lorsque ceux-ci ont été pris en charge par un tiers. Elle prend acte également de l'obligation de refuser les cadeaux supérieurs à une valeur de 150 euros et de déclarer annuellement les cadeaux inférieurs à cette valeur. Elle s'interroge sur la portée de l'obligation de remise de ces derniers à la collectivité, lorsqu'il s'agit de biens consommables.
- La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique prend acte de l'engagement des élus parisiens de ne pas accéder à, ni disposer d'un logement locatif social dans les limites et conditions prévues par le code de déontologie.
Sur le projet de délibération portant création d'une commission de déontologie : - La Haute Autorité approuve l'initiative de la Ville de Paris de proposer à son Conseil la création d'une commission de déontologie chargée d'aider à la mise en œuvre du code décidé par ce dernier.
- Pour que cette commission remplisse son office, il importe que sa composition offre des garanties de compétence, d'indépendance et d'impartialité. Il appartient au Conseil de Paris de décider de cette composition. Dans le projet envisagé, elle comprendrait un universitaire, deux magistrats administratifs et judiciaires en activité ou honoraire et deux anciens conseillers de Paris n'exerçant plus de fonctions électives. Cette composition n'appelle pas d'observations. La Haute Autorité attire cependant l'attention de la Ville de Paris sur la nécessité de se rapprocher des services du ministère de la justice et du Conseil d'Etat en ce qui concerne la participation de magistrats en activité, au regard notamment des dispositions de l'article R. 237-2 du code de justice administrative, aux termes desquelles "toute disposition prévoyant la participation des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à d'autres fonctions que celles mentionnées à l'article R 213-1 est soumise pour avis au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ".
- La Haute Autorité considère pertinents les choix opérés par le projet en ce qui concerne tant le nombre des membres de cette commission, la durée du mandat et son caractère non reconductible, que le décalage dans la durée des premiers mandats qui permet de ne pas renouveler en même temps l'ensemble des membres, assurant ainsi la continuité de la pratique de la commission, sur le modèle de ce que le législateur a voulu pour la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique elle-même.
- La Haute Autorité ne peut approuver le b° du point 2 du projet aux termes duquel la commission "transmet à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les déclarations d'intérêts et de patrimoine des conseillers de Paris qui relèvent du champ de contrôle de cette autorité ". L'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 fait en effet obligation à ces derniers de transmettre directement ces déclarations et leurs modifications substantielles au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans les deux mois de leur entrée en fonction, libre à eux, s'ils le souhaitent, d'en adresser par ailleurs copie à la commission de déontologie. La Haute Autorité peut en revanche être saisie, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 2 du projet de délibération, par la commission de déontologie de tout élément que cette dernière estimerait devoir porter à sa connaissance et relatif à la situation d'un conseiller de Paris relevant du champ de contrôle de la Haute Autorité.
- Si la Ville de Paris souhaite se prévaloir ou donner quelque diffusion que ce soit au présent avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique cet avis ne vaut et ne peut, par suite, être mentionné que dans son intégralité.
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