JORF n°0144 du 23 juin 2021

Par un courrier en date du 18 décembre 2020, la ministre de la culture, a saisi pour avis le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après : « le Conseil »), conformément à l'article 9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, d'un projet de décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande. Le Conseil, après en avoir délibéré le 17 mars 2021, émet un avis favorable, assorti des observations suivantes.
I. - Observations générales
Ce texte marque une étape majeure dans l'adaptation et la modernisation du dispositif de financement de la création française et européenne, dans un contexte de mutation profonde du secteur audiovisuel. Il fixe en particulier les modalités de l'assujettissement aux obligations de contribution au financement de la production audiovisuelle et cinématographique des éditeurs établis hors du territoire national et ciblant la France. Le Conseil souligne la détermination du Gouvernement à porter une ambition forte dans l'élaboration de ce texte face à la diversité des intérêts en jeu et à l'intensité des forces concurrentielles à l'œuvre dans ce secteur.
Dans son économie générale, le projet de décret répond à la préoccupation exprimée à plusieurs reprises par le Conseil en matière d'articulation des différentes sources de normes. Il ménage ainsi au régulateur le pouvoir de moduler certaines modalités des obligations applicables aux éditeurs afin de tenir compte de leurs caractéristiques. Le Conseil pourra à cet égard s'appuyer sur les accords interprofessionnels susceptibles d'être conclus entre éditeurs et organisations professionnelles du secteur de la création. Il pourra également user de cette faculté de modulation en l'absence de tels accords.
Le Conseil souligne toutefois la complexité des dispositions résultant de cette démarche d'ensemble, ainsi que les difficultés susceptibles d'être soulevées par leur mise en œuvre. Il souhaite à cet égard formuler trois observations.
En premier lieu, le projet de décret intervient dans un contexte marqué par deux autres réformes majeures pour le secteur audiovisuel. D'une part, les règles relatives à la chronologie des médias, étroitement imbriquées avec celles proposées dans ce projet, font actuellement l'objet d'une renégociation. D'autre part, des discussions ont été engagées par le Gouvernement pour la révision des textes réglementaires relatifs aux obligations des éditeurs de services de télévision - « décret TNT » et « décret Cabsat ». Le Conseil estime que la pleine portée du présent texte ne pourra être appréciée qu'à l'aune des équilibres déterminés par le nouveau paysage réglementaire résultant de ces réformes.
A cet égard, le Conseil invite à la vigilance quant à la cohérence d'ensemble du futur cadre rénové, qui doit répondre à la nécessité de corriger les asymétries réglementaires entre les catégories d'éditeurs de services de médias audiovisuels, au bénéfice notamment de la compétitivité des acteurs nationaux et du financement de la création. Le Conseil y sera particulièrement attentif.
Par ailleurs, le Conseil relève la complexité et les difficultés auxquelles pourraient être confrontés les éditeurs, les producteurs et, pour la partie qui affecte directement leurs intérêts, les organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs, pour mener à bien leurs négociations professionnelles. En conséquence, il suggère de leur laisser un délai raisonnable pour la conclusion des accords interprofessionnels ou, à tout le moins, d'aménager certaines des dispositions transitoires et de montée en charge prévues par le texte.
En second lieu, le régulateur attire l'attention du Gouvernement sur la préservation de la cohérence d'ensemble du système de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique. Celui-ci repose, d'une part, sur les obligations de contribution au financement de la création des éditeurs, et, d'autre part, sur un système d'aides financières accordées en particulier aux producteurs indépendants, administré par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et financé par des taxes prélevées sur les opérateurs économiques exploitant les œuvres.
Le Conseil, conscient des tensions budgétaires sérieuses qui affectent le budget du CNC en raison des effets de la crise sanitaire, considère néanmoins que ce système a vocation à être progressivement étendu aux œuvres financées par l'ensemble des éditeurs de SMAD soumis aux obligations de contribution au financement de la création. Il souligne qu'il sera naturellement attentif au respect par les éditeurs concernés, dès l'entrée en vigueur du décret, de leurs obligations en matière de production indépendante.
La troisième observation du Conseil porte sur certaines difficultés importantes susceptibles de relever de la mise en application concrète du projet de décret, sans préjudice des remarques plus détaillées qui figurent dans la suite de son avis.
La première porte sur la complexité du mécanisme de répartition des obligations de chaque éditeur entre leur composante audiovisuelle et leur composante cinématographique. De même, le Conseil souligne que le critère de l'audience, qui conditionne l'assujettissement des éditeurs de services de vidéo à la demande aux obligations de financement comme d'exposition des œuvres, sera difficile à appliquer, compte tenu de l'absence de mesure d'audience fiable et consensuelle de ces services.
Enfin, la fixation du chiffre d'affaires de référence (l'« assiette ») des éditeurs, sur lequel repose le calcul de leurs obligations de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique, est susceptible de soulever de sérieuses difficultés. Lorsque le service de vidéo à la demande est commercialisé au sein d'un ensemble plus large de services, le Conseil devra en effet déterminer cette assiette en prenant en compte notamment la « valeur économique du service ». Cette opération pourrait s'avérer délicate, d'autant que les dispositions de la directive « Services de médias audiovisuels » excluent de pouvoir fonder le calcul des obligations sur un minimum garanti par abonné.
Au-delà de ces observations générales, le Conseil souhaite formuler un ensemble d'observations spécifiques à plusieurs dispositions du projet de décret.
II. - Observations détaillées
2.1. Assiette des obligations (IV de l'article 1er)
Afin de déterminer l'assiette des obligations, le projet de décret prévoit la communication par les éditeurs au Conseil de déclarations d'éléments financiers certifiées par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes. Le Conseil souhaite que les données qui lui seront transmises soient certifiées par un commissaire aux comptes.
2.2. Taux de contribution (I de l'article 5)
Le taux de contribution au développement de la production applicable aux services de médias audiovisuels à la demande par abonnement est fixé à 20% des ressources totales annuelles ou à 25 % lorsque le service « propose annuellement au moins une œuvre cinématographique de longue durée dans un délai inférieur à douze mois après sa sortie en salles en France ». La mise en œuvre concrète de ce mécanisme est conditionnée à l'évolution concomitante des règles relatives à la chronologie des medias.
A ce titre, le Conseil considère que le critère de différenciation retenu introduit une instabilité dans la fixation de l'un ou l'autre des taux alternatifs puisque son appréciation doit être établie « annuellement » et que le seuil du nombre de films prévu est très bas (un seul sous le délai de 12 mois). Pour limiter cette fluctuation, le Conseil souhaite qu'un mécanisme soit mis en place pour garantir la stabilité du taux applicable à chaque éditeur dans leurs conventions respectives.
S'agissant de la ventilation de cette contribution entre les œuvres cinématographiques et audiovisuelles, il revient à la convention de la déterminer, la part du genre minoritaire ne pouvant être inférieure à une proportion de 20 % de la contribution totale. Cette proportion minimale peut être portée à 30% pour la part consacrée aux œuvres cinématographiques dans le cas où le taux de contribution applicable s'élève à 25%. La ventilation doit prendre en compte trois critères : la proportion des deux genres dans le téléchargement ou le visionnage, leur proportion dans l'offre au sein du catalogue et leur mise en valeur.
En outre, des majorations du taux de contribution au développement de la production cinématographique pourront être opérées « pour tenir compte du positionnement des œuvres cinématographiques du service dans la chronologie des médias, sans que cette majoration n'affecte la contribution réservée aux œuvres audiovisuelles », ce qui conduirait à la fixation d'un taux de contribution global supérieur au taux de droit commun (20 % ou 25 %). Le Conseil s'interroge sur les conditions de mise en œuvre pratique de cette disposition, qui peut être source d'incertitude pour les éditeurs.
2.3. Nature des dépenses

- Service à l'origine des investissements (article 9)

Le projet de décret assujettit aux obligations de contribution à la production de nouveaux services, dont certains sont établis hors de France, et qui sont parfois filiales de sociétés extra-européennes. Ces services peuvent en outre être liés à des structures de production françaises ou étrangères. Compte tenu de ces caractéristiques, le Conseil estime utile d'inscrire dans le décret que les dépenses d'investissements susceptibles d'être valorisées au titre des obligations doivent relever de contrats signés par la société éditrice du service. Il propose à cette fin que l'article 9 du projet de décret soit complété comme suit : « I. - Constituent des dépenses contribuant au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d'expression originale française, les sommes consacrées par la société éditant le service assujetti (…) ».

- Droits d'exploitation hors de la France (III de l'article 5)

La prise en compte des droits d'exploitation sur d'autres territoires que la France au titre des dépenses consacrées aux œuvres audiovisuelles devrait contribuer à la meilleure exposition de la création française à l'étranger.
Le choix retenu pour les œuvres cinématographiques, compte tenu des spécificités de leur financement, consiste à ne prendre en compte que les seuls droits d'exploitation sur le territoire français, dans la limite de 75 % du montant de l'ensemble des droits lorsque des dépenses sont engagées au titre de l'exploitation sur d'autres territoires. A ce titre, le Conseil estime nécessaire de préciser que ce plafonnement s'applique aux dépenses déclarées au Conseil et ne s'impose pas dans le cadre de la négociation contractuelle.
Le Conseil estime en outre que la valeur forfaitaire unique de ce plafond pourrait s'avérer inadaptée aux services établis en France et destinés aux seuls marchés francophones. En conséquence, il suggère qu'il soit porté à 85 % lorsque le service acquiert les droits d'exploitation d'une œuvre pour la France et les territoires francophones.

- Préfinancement : définition et échéancier de paiement (1° et 2° du I de l'article 9)

L'article 9 du projet de décret précise la nature des dépenses susceptibles d'être valorisées par les éditeurs au titre de leurs obligations. Les dépenses de préfinancement sont définies aux 1° et 2° du I de cet article.
Le Conseil propose, à l'instar de ce qui figure dans certaines dispositions des décrets « TNT » et « CabSat », que le projet de décret SMAD précise que le critère retenu pour qualifier une dépense de préfinancement est la date du contrat.
Par ailleurs, le texte ne prévoit aucune obligation à la charge des éditeurs en matière d'échéancier de paiement de leurs dépenses de préfinancement, ces versements pouvant de ce fait être décorrélés des besoins de trésorerie des producteurs. Le Conseil préconise qu'il y soit remédié. Les préachats de droits d'exploitation devraient ainsi être versés intégralement dans les 30 jours après la sortie en salle du film ou en tout état de cause au plus tard dans les 30 jours de l'ouverture des droits, sous réserve de la livraison d'un matériel de diffusion conforme aux normes professionnelles en vigueur. Les investissements en parts de producteur devraient, quant à eux, être versés, à concurrence d'au moins 90 % de leur montant, au plus tard le dernier jour de tournage.

- Apport de producteur (2° du I de l'article 9)

Le projet de décret ouvre la possibilité pour le service d'intervenir en tant que producteur délégué dans le cadre de son couloir de production dépendante et de comptabiliser à ce titre en préfinancement l'investissement de sa part producteur.
Le Conseil relève que ce financement pourrait ne pas revêtir un caractère forfaitaire, comme il est d'usage pour un apport de coproduction, mais que son montant pourrait évoluer entre la conclusion du préfinancement établi sur la base de budget et du plan de financement prévisionnels et l'arrêté des comptes définitifs du film. La possibilité sera ainsi donnée à l'éditeur de valoriser au titre de ses obligations la variation correspondante du montant de la part de producteur délégué, ce qui sera source de complexité dans le pilotage et le contrôle des obligations.
En outre, il conviendrait que le décret précise que l'apport en production déléguée doit être valorisé sur la base de comptes définitifs des films certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, et que son périmètre correspond à l'investissement « net » du service, déduction faite d'éventuels autres préfinancements externes.

- Préachats et achats de droits d'exploitation (1° et 3° du I de l'article 9)

S'agissant des dépenses de préachats et d'achat de droits d'exploitation engagés par l'éditeur visées aux 1° et 3° de l'article 9, le Conseil souhaite qu'il soit précisé qu'elles concernent une « exploitation sur le service qu'il [l'éditeur] exploite ». Il s'agit ainsi d'éviter que des droits acquis par un SMAD et destinés à être revendus, par exemple à un éditeur de service de télévision, puissent être valorisés au titre des obligations ou soient gelés, sans préjudice des clauses de protection qui pourraient avoir été négociées vis-à-vis d'autres modes d'exploitation.

- Bonus en faveur films de patrimoine (5° de l'article 14)

Le Conseil souligne le caractère vertueux pour la préservation et la valorisation de notre patrimoine cinématographique de la possibilité de « valoriser avec un coefficient multiplicateur, dans la limite du double de leur montant, les dépenses dans des œuvres cinématographiques sorties en salle en France depuis au moins 30 ans ». Il suggère que ce mécanisme soit encore plus incitatif pour les films sortis en salle en France depuis au moins 50 ans en donnant la possibilité de valoriser les dépenses correspondantes dans la limite du triple de leur montant.

- Part des œuvres patrimoniales au sein de la contribution à la production audiovisuelle (article 6)

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 du projet de décret, la contribution des éditeurs de services de vidéo par abonnement à la production audiovisuelle portera exclusivement sur les œuvres patrimoniales (fiction, d'animation, documentaires de création, etc.).
Toutefois, en application du 3° de l'article 14, la faculté sera donnée au régulateur de convenir avec l'éditeur d'une part d'œuvres patrimoniales d'un niveau inférieur, sans qu'elle puisse descendre en dessous de 70 %. Le Conseil approuve la souplesse ainsi introduite, qui permettra, au regard de l'équilibre d'ensemble des engagements pris par l'éditeur, de tenir compte de la stratégie éditoriale de ce dernier.

- Coefficient multiplicateur en faveur d'un préfinancement conjoint

Le Conseil estime qu'il serait pertinent d'encourager la coopération entre les SMAD étrangers ciblant le territoire français et les chaînes de télévision établies en France. Il suggère donc d'instaurer un coefficient multiplicateur pour les dépenses engagées par un SMAD dans le cadre d'un cofinancement avec l'éditeur d'un tel service.

- Bonus en faveur du spectacle vivant « de qualité » (5° de l'article 14)

Le projet de décret prévoit au 5° de son article 14 la faculté de valoriser les dépenses des éditeurs de services consacrées aux captations ou recréations de spectacles vivants « satisfaisant à un niveau de qualité artistique et technique apprécié dans les conditions définies par la convention ». Le Conseil ne s'estime pas légitime à apprécier la qualité des captations et recréations de spectacle vivant autrement que sur le fondement de critères de financement. Il souhaite à ce titre pouvoir bénéficier de l'expérience du CNC.
Il constate par ailleurs que la valorisation de ces dépenses ne relève que du champ de la convention, à l'exclusion du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, ce qui semble contradictoire avec le périmètre couvert par l'article 14. Il préconise de remédier à cette différence de traitement.

- Diversité des œuvres financées (III de l'article 9)

Le Conseil accueille favorablement les dispositions du III de l'article 9, en vertu desquelles les conventions et cahiers des charges devront déterminer les conditions dans lesquelles est assurée la diversité des œuvres cinématographiques comme audiovisuelles. Il suggère que la clause de diversité pour les œuvres cinématographiques s'apprécie au regard des seules dépenses de préfinancement telles que définies aux 1° et 2° du I de l'article 9, et non de l'ensemble des dépenses listées à ce même I.
2.4. Exercice de rattachement des dépenses (article 11)
L'article 11 prévoit que les dépenses valorisées par l'éditeur d'un SMAD « sont prises en compte au titre de l'exercice au cours duquel le service a commencé à exécuter l'engagement financier correspondant ». Le Conseil souhaite que le décret comporte les précisions nécessaires afin de lever toute ambiguïté sur l'application de cette disposition. Il pourrait ainsi prévoir, par parallélisme avec les dispositions applicables aux éditeurs de services linéaires, que les sommes prises en compte correspondent « au montant total de l'engagement correspondant à chacune des œuvres identifiées dans le contrat ».
2.5. Sous-quotas EOF et européen (article 5)
La contribution des éditeurs de services par abonnement à la production audiovisuelle et cinématographique peut porter alternativement sur des œuvres européennes ou d'expression originale française (EOF).

- Les œuvres d'expression originale française non européennes devront être réalisées et leur production supervisée et effectivement contrôlée par un ou des producteurs établis sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou à la convention européenne sur la télévision transfrontalière. Le Conseil relève ainsi l'introduction d'un critère d'établissement visant les producteurs au sens de la directive pour la prise en compte des œuvres EOF non européennes.

Sous réserve du respect de ce critère, les productions déléguées des SMAD étrangers ou celles de leurs filiales réalisées en langue française pourraient être prises en compte, bien qu'elles soient inéligibles à la qualification européenne telle que prévue à l'article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990.
Le Conseil relève que ce régime prend en compte le modèle de production des SMAD étrangers tout en garantissant le concours de producteurs locaux.

- Pour ce qui concerne les œuvres qualifiées d'européennes, les articles 12 et 13 du projet de décret prévoient que seules ces dernières peuvent être valorisées au titre de la contribution des SMAD à la production indépendante. L'imbrication entre production indépendante et œuvre européenne renforce l'importance du respect des critères de qualification européenne figurant à l'article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990, en vertu duquel les entreprises et coproducteurs « européens » ne doivent pas être contrôlés par un « producteur » extra-européen. Le Conseil souligne à ce égard la complexité croissante à caractériser les entreprises contrôlant celles éditant les services de vidéo à la demande par abonnement en Europe au regard de la qualité de « producteur » au sens de cet article.

2.6. Production indépendante (articles 12 et 13)

- Le Conseil approuve l'équilibre retenu dans le projet de décret quant aux taux et aux critères de la production indépendante, respectivement pour la production cinématographique d'une part, et audiovisuelle d'autre part. Il relève que les taux de production indépendante et les dépenses éligibles à ce titre sont différents pour la production cinématographique et la production audiovisuelle. Ils emportent par conséquent des parts minimales au titre du sous-quota européen différentes d'une catégorie d'œuvres à l'autre.
- Il relève que les articles 71 et 71-1 de la loi de la loi du 30 septembre 1986 modifiée qui définissent les conditions d'indépendance en matière de production cinématographique et audiovisuelle pour les services linéaires ne renvoient pas à l'article 33-2 de la loi, lequel confie au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités de contribution des SMAD à la production, notamment indépendante. Dès lors, il considère que la définition de la production indépendante retenue pour les SMAD n'a pas vocation à être étendue aux décrets TNT et CabSat actuellement en cours de révision.
- Il relève par ailleurs que la part de la contribution consacrée à la production indépendante peut être modulée dans la convention signée par l'éditeur avec le CSA. Le texte prévoit expressément qu'elle peut être abaissée en contrepartie de l'application de critères d'indépendance liés à l'œuvre et à l'entreprise de production plus exigeants que ceux inscrits aux articles 12 et 13. Le Conseil souhaite s'assurer qu'à l'inverse, la part de production indépendante pourrait être augmentée en contrepartie de l'application de critères assouplis.
- S'agissant de la contribution à la production indépendante cinématographique, la durée des droits exclusifs d'exploitation ne peut excéder 12 mois sur chaque territoire sur lesquels ces droits ont été acquis. Le Conseil considère que, dès lors que les droits acquis pour une exploitation en dehors du territoire français ne peuvent être valorisés par les services de VàDA au titre des obligations de production cinématographique, il n'y a pas lieu de soumettre leur durée à l'encadrement prévu au titre de la production indépendante.

En outre, le 2° du II de l'article 13 prévoyant expressément pour les œuvres audiovisuelles que « L'éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, ni de parts de producteur ni de droit à recettes afférents à l'œuvre (…) », le Conseil en conclut que le 2° du II de l'article 12 n'interdit pas la détention par l'éditeur de droits à recettes sur les œuvres cinématographiques répondant aux critères de l'indépendance.
2.7. Sous-quota en matière de préfinancement (article 9)
L'article 9 du projet de décret prévoit que les éditeurs de services de vidéo par abonnement dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 M€ doivent consacrer une part de leur contribution à des dépenses de préfinancement telles que définies aux 1° et 2° du même article.
Le Conseil approuve l'instauration de ce sous-quota en faveur de la création. Il s'interroge sur l'opportunité de prévoir une montée en charge par seuils de chiffre d'affaires intermédiaires afin de prendre en compte la diversité des moyens financiers des acteurs concernés.
Il considère par ailleurs que les dépenses de financement de travaux d'écriture et de développement prévues au 4° de ce même article devraient pouvoir être valorisées au titre de ce sous-quota, dès lors qu'elles interviennent en amont de la prise de vues de l'œuvre.
2.8. Déclenchement des obligations (articles 2 et 15)

- Le projet de décret prévoit un seuil de déclenchement des obligations de production et d'exposition des œuvres fondé sur l'audience réalisée par les services dans leur catégorie. Si, en vertu de l'article 13, paragraphe 7, de la directive SMA, les lignes directrices de la Commission européenne présentent une méthodologie pour la détermination de l'audience des éditeurs de SMAD que les Etats membres peuvent utiliser, le Conseil souhaite cependant rappeler qu'il n'existe, à ce jour, aucune méthode uniforme et certifiée de mesure de cette audience. Il relève donc que cette méthode est à définir et devra probablement être mise en œuvre et certifiée par un organisme tiers. Il souhaite par conséquent appeler l'attention du Gouvernement sur les difficultés d'application de ce critère à court et moyen termes, notamment au cours de l'exercice 2021.
- En outre, le Conseil note que la catégorie de « services autres » prévue à l'article 7 du projet de décret ne permet pas de distinguer la vidéo à la demande payante à l'acte de la vidéo à la demande gratuite, alors qu'il s'agit bien de deux catégories distinctes justifiant des mesures d'audience distinctes. Le premier alinéa de l'article 7 pourrait ainsi être complété : « Les services autres que ceux mentionnés aux articles 4 et 5, notamment les services payants à l'acte ou les services gratuits, consacrent respectivement chaque année : »
- L'article 1er du projet de décret prévoit la possibilité pour le Conseil de demander à l'éditeur une déclaration certifiée du chiffre d'affaires du service afin de vérifier la situation de ce dernier au regard des dispositions relatives à la contribution au développement de la production prévues au chapitre Ier. Le Conseil considère que cette faculté pourrait être utilement élargie à la vérification de l'assujettissement aux obligations d'exposition et de mise en avant des œuvres prévues au chapitre II et, de ce fait, à la procédure de conventionnement inscrite à l'article 2. Ainsi propose-t-il l'ajout suivant au sein de cet article : « Cette déclaration peut également être demandée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à tout éditeur de services afin de vérifier qu'il n'est pas assujetti aux dispositions des chapitres Ier et II ».
- Le Conseil souhaite appeler à nouveau l'attention du Gouvernement sur l'inadaptation de la réglementation en matière d'exposition des œuvres au modèle éditorial de certains services, qui proposent majoritairement à leurs utilisateurs des œuvres non européennes (ex. : cinéma africain, mangas japonais, etc.). Ainsi qu'il l'avait indiqué dans son rapport au Gouvernement sur l'application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 publié en novembre 2013, il considère qu'« il importe de ne pas vider la réglementation de son contenu en ouvrant la possibilité à tous les services non généralistes de bénéficier d'un régime d'exception. Pour autant, il considère opportun, notamment au regard de la diversité culturelle de l'offre éditoriale aux utilisateurs, de tenir compte de la nature d'un service à la demande, qui peut s'adresser à un public plus segmenté et cibler un type de programmes en particulier recherché par celui-ci ».

Il relève à cet égard que le paragraphe 6 de l'article 13 de la directive SMA prévoit la possibilité pour les Etats membres de renoncer aux obligations d'exposition et de mise en avant des œuvres lorsque celles-ci « seraient impossible à respecter ou injustifiées en raison de la nature ou du thème des services de médias audiovisuels ».
Le Conseil réitère donc la proposition qu'il formulait dans son rapport au Gouvernement d'assouplir les obligations d'exposition de certains services thématiques, en contrepartie d'obligations d'investissement dans d'autres formes de soutien à l'industrie de la création française ou européenne.
Il propose que l'article 15 du projet de décret soit ainsi complété : « Pour les services dont la nature ou le thème rendraient impossibles à respecter les dispositions du présent chapitre, les conventions et les cahiers des charges peuvent fixer la part des obligations prévues aux articles 16 et 17 à un niveau inférieur, en contrepartie de l'engagement pris par l'éditeur de service d'investir dans d'autres formes de soutien à l'industrie de la création française ou européenne. »
2.9. Conventionnement

- De nombreux acteurs sont présents en télévision linéaire tout en proposant une offre de services de médias audiovisuels à la demande. Le Conseil appelle donc l'attention du Gouvernement sur la nécessaire articulation à prévoir entre le régime de contribution à la production applicables aux SMAD et celui, en cours d'évolution, applicable aux éditeurs de services de télévision en cas de mise en commun de leurs contributions. Si certaines modalités diffèrent d'un régime à l'autre, il conviendrait que le projet de décret soumis pour avis ou les futurs décrets en cours de révision, soit précisent le régime qui, en cas de mise en commun entre services linéaires et non linéaires, hors services de télévision de rattrapage, devra prévaloir, soit renvoient expressément à l'accord professionnel le soin de déterminer le régime applicable.
- Le projet de décret définit les services de télévision de rattrapage (TVR) comme des « services de médias audiovisuels à la demande permettant de regarder, pendant une durée limitée, des programmes diffusés sur un service de télévision ».

Ces services ne sont pas soumis à la procédure de conventionnement prévue à l'article 33-3 de la loi du 30 septembre 1986. Ils sont en effet couverts par la convention du service de télévision auquel ils se rattachent, en application des dispositions du 14 bis de l'article 28 de cette même loi, pour les services de télévision autorisés, et du I de l'article 33-1 pour les services de télévision conventionnés.
De surcroît, aux termes du projet de décret, ces services sont soumis, pour les dépenses contribuant au développement de la production, à un régime d'obligations régi par les articles 3 et 4, distinct de celui des services de VàDA (article 5) et des autres services (article 7).
Le Conseil constate toutefois que, dans les faits, certains services de TVR peuvent être enrichis de programmes n'ayant pas fait l'objet d'une diffusion sur un service de télévision. Cette offre constitue ainsi un catalogue relevant de plusieurs catégories, soit TVR et VàD gratuite, soit TVR et VàDA. Par ailleurs, le Conseil relève l'existence d'offres de TVR proposant à l'utilisateur un catalogue global composé de programmes diffusés sur différents services de télévision d'un même groupe.
Or, les programmes de telles offres de TVR enrichie, bien que relevant de catégories juridiques différentes, peuvent être présentés sur les mêmes pages, qu'il s'agisse de la page d'accueil comme des autres pages du catalogue, sans distinction apparente pour l'utilisateur et de façon cohérente d'un point de vue éditorial.
Le Conseil suggère donc de traiter une offre de TVR enrichie comme un service unique. La définition des services de TVR inscrite au 1° du I de l'article 3 du projet de décret pourrait ainsi être complétée : « Est également considéré comme service de TVR, les catalogues édités par un éditeur unique incluant, d'une part et de façon substantielle, des programmes diffusés sur un ou différents services de télévision pendant une durée limitée et, d'autre part, des programmes commandés et proposés en vidéo à la demande gratuite ou en vidéo à la demande payante sans préjudice des droits acquis pour leur exposition ».

- En outre et à toutes fins utiles, au 1° du I de l'article 3 du projet de décret, il convient de viser le onzième alinéa du I de l'article 33-1 de la loi de 86 et non le dernier alinéa pour faire référence à la télévision de rattrapage des services conventionnés.
- Enfin, le Conseil relève que les modulations susceptibles d'être apportées par voie conventionnelle aux sous-quotas de production ne semblent pas suffisantes pour permettre à l'éditeur de SMAD TV5, dont France Télévisions est l'actionnaire de référence, de respecter ses obligations. Il apparaît au Conseil que la mission de service public international confiée à TV5 Monde devrait être mieux prise en compte dans le projet de décret.

2.10. Garantie de l'offre d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes et d'expression originale française et sa mise en valeur effective (chapitre II ; articles 15, 16 et 17)
Le Conseil accueille avec satisfaction la latitude accordée au régulateur pour la fixation des obligations d'exposition et de mise en avant des œuvres dans les conventions signées avec les éditeurs de services. Ce nouveau dispositif appelle néanmoins plusieurs observations.

- Ce dispositif d'ensemble est applicable, en vertu de l'article 15 du projet de décret, aux services de médias audiovisuels à la demande proposant « au moins 10 œuvres cinématographiques de longue durée ou 10 œuvres audiovisuelles », réalisant « un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 1 million d'euros » et dont l'« audience est supérieure à 0,1 % de l'audience totale en France de la catégorie dont ils relèvent ».

En prévoyant un seuil relatif au chiffre d'affaires et à l'audience réalisés par le service, le nouveau régime répond aux objectifs de la directive SMA de ne pas soumettre aux exigences de promotion des œuvres « les fournisseurs sans présence significative sur le marché » et ce, pour ne pas compromettre « le développement des marchés et afin de permettre l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché ».
Néanmoins, le Conseil relève que ces seuils s'appliquent, en l'état du projet, à tous les SMAD, y compris aux services de télévision de rattrapage. Or, leur application à ces derniers serait complexe à déterminer. En effet, l'audience de ces services et celle des services de télévision auquel ils se rattachent font l'objet d'une mesure consolidée pour les programmes visionnés sur le téléviseur. Leur chiffre d'affaires peut quant à lui être inclus dans celui du service de télévision, et ils peuvent faire l'objet d'une commercialisation conjointe auprès des distributeurs avec d'autres services complémentaires.
Par ailleurs, le Conseil salue le fait que le projet de décret prévoie que les obligations d'exposition des œuvres des services de télévision de rattrapage, prévues à l'article 16, soient identiques à celles applicables au service de télévision dont ils sont issus.
Enfin, il note que l'application de ces seuils aux services de télévision de rattrapage amènerait à exclure du périmètre du chapitre II un certain nombre de ces services. Or, les services exclus peuvent être rattachés à des services de télévision proposant des œuvres et eux-mêmes soumis à des obligations de diffusion. Il apparaît important que cette exposition d'œuvres européennes et d'expression originale française assurée à l'antenne trouve son prolongement sur le service de télévision de rattrapage, dès lors qu'il met à disposition du public des œuvres audiovisuelles ou cinématographiques.
Pour ces trois motifs, le Conseil propose de ne pas subordonner le déclenchement des obligations des services de télévision de rattrapage aux seuils d'audience et de chiffre d'affaires.
Ainsi, propose-t-il la rédaction suivante : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables :
1° Aux services de télévision de rattrapage dont l'offre comporte au moins 10 œuvres cinématographiques de longue durée ou 10 œuvres audiovisuelles ;
2° aux autres services de médias audiovisuels à la demande dont l'offre comporte au moins 10 œuvres cinématographiques de longue durée ou 10 œuvres audiovisuelles et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 1 million d'euros et une audience supérieure à 0,1 % de l'audience totale en France de la catégorie de services de médias audiovisuels à la demande dont ils relèvent.
Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux services de média audiovisuels à la demande principalement consacrés aux programmes mentionnés au premier alinéa du V de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts.
Les œuvres mentionnées dans le présent chapitre s'entendent hors celles mentionnées au premier alinéa du V de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts ».

- S'agissant des obligations d'exposition des œuvres en catalogue, le projet de décret prévoit que les conventions ou cahiers des charges peuvent fixer des taux d'exposition des œuvres audiovisuelles plus bas, sans que la proportion prévue pour les œuvres européennes puisse être inférieure à 50 %. En contrepartie, l'éditeur s'engage à investir dans la production d'œuvres audiovisuelles d'expression originale française inédites produites par des entreprises de production indépendantes.

Le Conseil rappelle que cette faculté est appliquée, de longue date, aux obligations de diffusion de certains services de télévision.
Il souscrit pleinement à la possibilité offerte à l'éditeur de bénéficier de taux réduits. Il regrette néanmoins que la nouvelle rédaction du décret ne permette plus au Conseil de contrôler les obligations d'exposition des œuvres globalement sur l'ensemble des œuvres audiovisuelles et cinématographiques proposées par le service. Cette souplesse, permise par la rédaction actuelle du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010, est utilisée par l'ensemble des services contrôlés par le CSA disposant d'obligations à la fois sur les œuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Le Conseil propose donc que le premier alinéa de l'article 16 soit ainsi modifié : « I. - Les éditeurs de services réservent respectivement dans le nombre total d'œuvres cinématographiques de longue durée et audiovisuelles mises à disposition du public une part au moins égale à : »
En outre, par souci de clarté, il suggère qu'au II de cet article les termes « de diffusion » soient remplacés par ceux « d'exposition ».
Le Conseil considère par ailleurs utile que le décret prévoit une montée en charge de ces obligations d'exposition afin de tenir compte de l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs. Dans cette perspective, il propose l'ajout à l'article 16 d'un alinéa ainsi rédigé : « Toutefois ces proportions sont, pendant une durée de trois ans à compter de leur première application aux services atteignant les seuils mentionnés à l'article 15, fixées respectivement à 50 % et 35 % ».
Le projet de décret prévoit que « le Conseil supérieur de l'audiovisuel précise la période de référence prise en compte pour le respect de cette obligation [d'exposition] ».
Dans la version en vigueur du décret SMAD, cette obligation doit être vérifiée « à tout moment ». Le Conseil a pu constater, dans l'exercice de sa mission de contrôle, que certains éditeurs éprouvaient des difficultés à justifier du respect de leurs obligations. Il avait indiqué dans son rapport au Gouvernement de novembre 2013 sur l'application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 que « le respect “à tout moment” des obligations d'exposition s'est avéré complexe pour les éditeurs de TVR comme de VàD. Cette difficulté a semblé plus grande concernant la garantie d'une offre d'œuvres européennes et d'expression originale française en catalogue. Atteindre les objectifs fixés par le décret exige[ait] en effet la mise en place de mécanismes de suivi de la programmation. Selon les éditeurs, ceux-ci peuvent s'avérer complexes et coûteux (logiciel, équipes dédiées, etc.) ».
Par ailleurs, le Conseil relevait également « que les obligations d'exposition s'appliquaient aux SMAD de façon permanente, tandis que les quotas de diffusion imposés aux chaînes de télévision s'apprécient sur la base d'une moyenne annuelle. Les possibilités offertes aux SMAD de lisser dans le temps leurs obligations étaient nettement limitées au regard de celles dont disposent les services linéaires ».
Le Conseil note que, dans les lignes directrices adoptées en vertu de l'article 13, paragraphe 7, de la directive SMA, la Commission européenne considère que « lorsqu'ils décident de la méthode de suivi à appliquer, les États membres devraient tenir compte de la nécessité de réduire la charge administrative associée au respect de la conformité et au contrôle de l'application et de garantir également la transparence et la sécurité juridique pour les fournisseurs de services de VOD ».
Il salue la latitude qui lui est donné par le projet de décret pour fixer la période de référence, afin de mieux adapter la règle aux pratiques des éditeurs.

- L'article 17 du projet de décret relatif à la mise en avant des œuvres européennes et d'expression originale française reprend les recommandations formulées dans le considérant 35 de la directive SMA, selon lesquelles « la mise en valeur peut être assurée par différents moyens, comme consacrer aux œuvres européennes une rubrique spécifique accessible depuis la page d'accueil du service, prévoir un critère de recherche “œuvres européennes” dans l'outil de recherche de ce service, utiliser des œuvres européennes dans les campagnes promotionnelles de ce service ou promouvoir un pourcentage minimal d'œuvres européennes du catalogue de ce service, par exemple à l'aide de bannières ou d'outils similaires ».

Il salue cette conception plus large de la mise en avant des œuvres et la latitude qui lui est donnée pour préciser cette obligation dans les conventions signées avec les éditeurs. Il note que la rédaction retenue à cet article permet de considérer que les quatre moyens de mise en avant énumérés dans le texte ne sont ni exhaustifs ni cumulatifs.
Le Conseil souligne enfin que la notion de « à tout moment » est difficilement applicable à l'ensemble des moyens de mise en avant prévus par le projet de décret, notamment aux campagnes promotionnelles du service. Il suggère qu'une souplesse puisse être introduite dans le texte à cet égard.
2.11. Modalités d'entrée en vigueur et dispositions transitoires (articles 8, 27 et 28)

- Le Conseil a bien relevé que l'entrée en vigueur du décret SMAD soumis à son appréciation est fixée au 1er juillet 2021. Toutefois, jusqu'à la conclusion de leur convention avec le Conseil, incluant le cas échéant certaines dispositions relevant d'accords professionnels, les éditeurs n'auront pas une connaissance complète des modalités de l'obligation de contribution à la production applicable en 2021 et se trouveront confrontés à des difficultés pour le pilotage de leurs investissements. Dès lors, le Conseil estime que la montée en charge des obligations de production prévue à l'article 8 alinéa 2 du projet de décret devrait s'appliquer à l'ensemble des services assujettis. A tout le moins, le Conseil souhaite que l'article 14 prévoie qu'une montée en charge sur une période de 3 ans s'applique aux obligations de production indépendante de l'ensemble de ces services.
- Par ailleurs, le Conseil souhaiterait que les modalités d'application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, qui sera applicable jusqu'au 30 juin 2021 (article 27), soient précisées.

En effet, le calcul du montant de l'obligation de contribution à la production en 2021 au titre du nouveau texte s'effectuera « sur la base du chiffre d'affaires réalisé en 2020 au prorata de la fraction d'année 2021 restant à courir à compter de la publication du présent décret et que les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2021 sont prises en compte au titre de la contribution ». Le Conseil considère que l'obligation de contribution à la production régie par les dispositions actuellement en vigueur ne devrait être assise que sur la seule la fraction du chiffre d'affaires réalisé en 2020 qui ne servira pas de base au calcul de l'obligation applicable à compter du 1er juillet 2021 au titre du nouveau décret.
2.12. Modifications subséquentes des autres décrets (articles 25 et 26)
Le projet de décret prévoit dans ses articles 14, 25 et 26 la faculté de mutualiser entre plusieurs services de télévision et/ou de vidéo à la demande leurs obligations de contribution à la production audiovisuelle, d'une part, et à la production cinématographique, d'autre part. Le Conseil relève qu'il a appelé cette réforme de ses vœux.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.


Historique des versions

Version 1

Par un courrier en date du 18 décembre 2020, la ministre de la culture, a saisi pour avis le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après : « le Conseil »), conformément à l'article 9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, d'un projet de décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande. Le Conseil, après en avoir délibéré le 17 mars 2021, émet un avis favorable, assorti des observations suivantes.

I. - Observations générales

Ce texte marque une étape majeure dans l'adaptation et la modernisation du dispositif de financement de la création française et européenne, dans un contexte de mutation profonde du secteur audiovisuel. Il fixe en particulier les modalités de l'assujettissement aux obligations de contribution au financement de la production audiovisuelle et cinématographique des éditeurs établis hors du territoire national et ciblant la France. Le Conseil souligne la détermination du Gouvernement à porter une ambition forte dans l'élaboration de ce texte face à la diversité des intérêts en jeu et à l'intensité des forces concurrentielles à l'œuvre dans ce secteur.

Dans son économie générale, le projet de décret répond à la préoccupation exprimée à plusieurs reprises par le Conseil en matière d'articulation des différentes sources de normes. Il ménage ainsi au régulateur le pouvoir de moduler certaines modalités des obligations applicables aux éditeurs afin de tenir compte de leurs caractéristiques. Le Conseil pourra à cet égard s'appuyer sur les accords interprofessionnels susceptibles d'être conclus entre éditeurs et organisations professionnelles du secteur de la création. Il pourra également user de cette faculté de modulation en l'absence de tels accords.

Le Conseil souligne toutefois la complexité des dispositions résultant de cette démarche d'ensemble, ainsi que les difficultés susceptibles d'être soulevées par leur mise en œuvre. Il souhaite à cet égard formuler trois observations.

En premier lieu, le projet de décret intervient dans un contexte marqué par deux autres réformes majeures pour le secteur audiovisuel. D'une part, les règles relatives à la chronologie des médias, étroitement imbriquées avec celles proposées dans ce projet, font actuellement l'objet d'une renégociation. D'autre part, des discussions ont été engagées par le Gouvernement pour la révision des textes réglementaires relatifs aux obligations des éditeurs de services de télévision - « décret TNT » et « décret Cabsat ». Le Conseil estime que la pleine portée du présent texte ne pourra être appréciée qu'à l'aune des équilibres déterminés par le nouveau paysage réglementaire résultant de ces réformes.

A cet égard, le Conseil invite à la vigilance quant à la cohérence d'ensemble du futur cadre rénové, qui doit répondre à la nécessité de corriger les asymétries réglementaires entre les catégories d'éditeurs de services de médias audiovisuels, au bénéfice notamment de la compétitivité des acteurs nationaux et du financement de la création. Le Conseil y sera particulièrement attentif.

Par ailleurs, le Conseil relève la complexité et les difficultés auxquelles pourraient être confrontés les éditeurs, les producteurs et, pour la partie qui affecte directement leurs intérêts, les organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs, pour mener à bien leurs négociations professionnelles. En conséquence, il suggère de leur laisser un délai raisonnable pour la conclusion des accords interprofessionnels ou, à tout le moins, d'aménager certaines des dispositions transitoires et de montée en charge prévues par le texte.

En second lieu, le régulateur attire l'attention du Gouvernement sur la préservation de la cohérence d'ensemble du système de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique. Celui-ci repose, d'une part, sur les obligations de contribution au financement de la création des éditeurs, et, d'autre part, sur un système d'aides financières accordées en particulier aux producteurs indépendants, administré par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et financé par des taxes prélevées sur les opérateurs économiques exploitant les œuvres.

Le Conseil, conscient des tensions budgétaires sérieuses qui affectent le budget du CNC en raison des effets de la crise sanitaire, considère néanmoins que ce système a vocation à être progressivement étendu aux œuvres financées par l'ensemble des éditeurs de SMAD soumis aux obligations de contribution au financement de la création. Il souligne qu'il sera naturellement attentif au respect par les éditeurs concernés, dès l'entrée en vigueur du décret, de leurs obligations en matière de production indépendante.

La troisième observation du Conseil porte sur certaines difficultés importantes susceptibles de relever de la mise en application concrète du projet de décret, sans préjudice des remarques plus détaillées qui figurent dans la suite de son avis.

La première porte sur la complexité du mécanisme de répartition des obligations de chaque éditeur entre leur composante audiovisuelle et leur composante cinématographique. De même, le Conseil souligne que le critère de l'audience, qui conditionne l'assujettissement des éditeurs de services de vidéo à la demande aux obligations de financement comme d'exposition des œuvres, sera difficile à appliquer, compte tenu de l'absence de mesure d'audience fiable et consensuelle de ces services.

Enfin, la fixation du chiffre d'affaires de référence (l'« assiette ») des éditeurs, sur lequel repose le calcul de leurs obligations de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique, est susceptible de soulever de sérieuses difficultés. Lorsque le service de vidéo à la demande est commercialisé au sein d'un ensemble plus large de services, le Conseil devra en effet déterminer cette assiette en prenant en compte notamment la « valeur économique du service ». Cette opération pourrait s'avérer délicate, d'autant que les dispositions de la directive « Services de médias audiovisuels » excluent de pouvoir fonder le calcul des obligations sur un minimum garanti par abonné.

Au-delà de ces observations générales, le Conseil souhaite formuler un ensemble d'observations spécifiques à plusieurs dispositions du projet de décret.

II. - Observations détaillées

2.1. Assiette des obligations (IV de l'article 1er)

Afin de déterminer l'assiette des obligations, le projet de décret prévoit la communication par les éditeurs au Conseil de déclarations d'éléments financiers certifiées par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes. Le Conseil souhaite que les données qui lui seront transmises soient certifiées par un commissaire aux comptes.

2.2. Taux de contribution (I de l'article 5)

Le taux de contribution au développement de la production applicable aux services de médias audiovisuels à la demande par abonnement est fixé à 20% des ressources totales annuelles ou à 25 % lorsque le service « propose annuellement au moins une œuvre cinématographique de longue durée dans un délai inférieur à douze mois après sa sortie en salles en France ». La mise en œuvre concrète de ce mécanisme est conditionnée à l'évolution concomitante des règles relatives à la chronologie des medias.

A ce titre, le Conseil considère que le critère de différenciation retenu introduit une instabilité dans la fixation de l'un ou l'autre des taux alternatifs puisque son appréciation doit être établie « annuellement » et que le seuil du nombre de films prévu est très bas (un seul sous le délai de 12 mois). Pour limiter cette fluctuation, le Conseil souhaite qu'un mécanisme soit mis en place pour garantir la stabilité du taux applicable à chaque éditeur dans leurs conventions respectives.

S'agissant de la ventilation de cette contribution entre les œuvres cinématographiques et audiovisuelles, il revient à la convention de la déterminer, la part du genre minoritaire ne pouvant être inférieure à une proportion de 20 % de la contribution totale. Cette proportion minimale peut être portée à 30% pour la part consacrée aux œuvres cinématographiques dans le cas où le taux de contribution applicable s'élève à 25%. La ventilation doit prendre en compte trois critères : la proportion des deux genres dans le téléchargement ou le visionnage, leur proportion dans l'offre au sein du catalogue et leur mise en valeur.

En outre, des majorations du taux de contribution au développement de la production cinématographique pourront être opérées « pour tenir compte du positionnement des œuvres cinématographiques du service dans la chronologie des médias, sans que cette majoration n'affecte la contribution réservée aux œuvres audiovisuelles », ce qui conduirait à la fixation d'un taux de contribution global supérieur au taux de droit commun (20 % ou 25 %). Le Conseil s'interroge sur les conditions de mise en œuvre pratique de cette disposition, qui peut être source d'incertitude pour les éditeurs.

2.3. Nature des dépenses

- Service à l'origine des investissements (article 9)

Le projet de décret assujettit aux obligations de contribution à la production de nouveaux services, dont certains sont établis hors de France, et qui sont parfois filiales de sociétés extra-européennes. Ces services peuvent en outre être liés à des structures de production françaises ou étrangères. Compte tenu de ces caractéristiques, le Conseil estime utile d'inscrire dans le décret que les dépenses d'investissements susceptibles d'être valorisées au titre des obligations doivent relever de contrats signés par la société éditrice du service. Il propose à cette fin que l'article 9 du projet de décret soit complété comme suit : « I. - Constituent des dépenses contribuant au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d'expression originale française, les sommes consacrées par la société éditant le service assujetti (…) ».

- Droits d'exploitation hors de la France (III de l'article 5)

La prise en compte des droits d'exploitation sur d'autres territoires que la France au titre des dépenses consacrées aux œuvres audiovisuelles devrait contribuer à la meilleure exposition de la création française à l'étranger.

Le choix retenu pour les œuvres cinématographiques, compte tenu des spécificités de leur financement, consiste à ne prendre en compte que les seuls droits d'exploitation sur le territoire français, dans la limite de 75 % du montant de l'ensemble des droits lorsque des dépenses sont engagées au titre de l'exploitation sur d'autres territoires. A ce titre, le Conseil estime nécessaire de préciser que ce plafonnement s'applique aux dépenses déclarées au Conseil et ne s'impose pas dans le cadre de la négociation contractuelle.

Le Conseil estime en outre que la valeur forfaitaire unique de ce plafond pourrait s'avérer inadaptée aux services établis en France et destinés aux seuls marchés francophones. En conséquence, il suggère qu'il soit porté à 85 % lorsque le service acquiert les droits d'exploitation d'une œuvre pour la France et les territoires francophones.

- Préfinancement : définition et échéancier de paiement (1° et 2° du I de l'article 9)

L'article 9 du projet de décret précise la nature des dépenses susceptibles d'être valorisées par les éditeurs au titre de leurs obligations. Les dépenses de préfinancement sont définies aux 1° et 2° du I de cet article.

Le Conseil propose, à l'instar de ce qui figure dans certaines dispositions des décrets « TNT » et « CabSat », que le projet de décret SMAD précise que le critère retenu pour qualifier une dépense de préfinancement est la date du contrat.

Par ailleurs, le texte ne prévoit aucune obligation à la charge des éditeurs en matière d'échéancier de paiement de leurs dépenses de préfinancement, ces versements pouvant de ce fait être décorrélés des besoins de trésorerie des producteurs. Le Conseil préconise qu'il y soit remédié. Les préachats de droits d'exploitation devraient ainsi être versés intégralement dans les 30 jours après la sortie en salle du film ou en tout état de cause au plus tard dans les 30 jours de l'ouverture des droits, sous réserve de la livraison d'un matériel de diffusion conforme aux normes professionnelles en vigueur. Les investissements en parts de producteur devraient, quant à eux, être versés, à concurrence d'au moins 90 % de leur montant, au plus tard le dernier jour de tournage.

- Apport de producteur (2° du I de l'article 9)

Le projet de décret ouvre la possibilité pour le service d'intervenir en tant que producteur délégué dans le cadre de son couloir de production dépendante et de comptabiliser à ce titre en préfinancement l'investissement de sa part producteur.

Le Conseil relève que ce financement pourrait ne pas revêtir un caractère forfaitaire, comme il est d'usage pour un apport de coproduction, mais que son montant pourrait évoluer entre la conclusion du préfinancement établi sur la base de budget et du plan de financement prévisionnels et l'arrêté des comptes définitifs du film. La possibilité sera ainsi donnée à l'éditeur de valoriser au titre de ses obligations la variation correspondante du montant de la part de producteur délégué, ce qui sera source de complexité dans le pilotage et le contrôle des obligations.

En outre, il conviendrait que le décret précise que l'apport en production déléguée doit être valorisé sur la base de comptes définitifs des films certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, et que son périmètre correspond à l'investissement « net » du service, déduction faite d'éventuels autres préfinancements externes.

- Préachats et achats de droits d'exploitation (1° et 3° du I de l'article 9)

S'agissant des dépenses de préachats et d'achat de droits d'exploitation engagés par l'éditeur visées aux 1° et 3° de l'article 9, le Conseil souhaite qu'il soit précisé qu'elles concernent une « exploitation sur le service qu'il [l'éditeur] exploite ». Il s'agit ainsi d'éviter que des droits acquis par un SMAD et destinés à être revendus, par exemple à un éditeur de service de télévision, puissent être valorisés au titre des obligations ou soient gelés, sans préjudice des clauses de protection qui pourraient avoir été négociées vis-à-vis d'autres modes d'exploitation.

- Bonus en faveur films de patrimoine (5° de l'article 14)

Le Conseil souligne le caractère vertueux pour la préservation et la valorisation de notre patrimoine cinématographique de la possibilité de « valoriser avec un coefficient multiplicateur, dans la limite du double de leur montant, les dépenses dans des œuvres cinématographiques sorties en salle en France depuis au moins 30 ans ». Il suggère que ce mécanisme soit encore plus incitatif pour les films sortis en salle en France depuis au moins 50 ans en donnant la possibilité de valoriser les dépenses correspondantes dans la limite du triple de leur montant.

- Part des œuvres patrimoniales au sein de la contribution à la production audiovisuelle (article 6)

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 du projet de décret, la contribution des éditeurs de services de vidéo par abonnement à la production audiovisuelle portera exclusivement sur les œuvres patrimoniales (fiction, d'animation, documentaires de création, etc.).

Toutefois, en application du 3° de l'article 14, la faculté sera donnée au régulateur de convenir avec l'éditeur d'une part d'œuvres patrimoniales d'un niveau inférieur, sans qu'elle puisse descendre en dessous de 70 %. Le Conseil approuve la souplesse ainsi introduite, qui permettra, au regard de l'équilibre d'ensemble des engagements pris par l'éditeur, de tenir compte de la stratégie éditoriale de ce dernier.

- Coefficient multiplicateur en faveur d'un préfinancement conjoint

Le Conseil estime qu'il serait pertinent d'encourager la coopération entre les SMAD étrangers ciblant le territoire français et les chaînes de télévision établies en France. Il suggère donc d'instaurer un coefficient multiplicateur pour les dépenses engagées par un SMAD dans le cadre d'un cofinancement avec l'éditeur d'un tel service.

- Bonus en faveur du spectacle vivant « de qualité » (5° de l'article 14)

Le projet de décret prévoit au 5° de son article 14 la faculté de valoriser les dépenses des éditeurs de services consacrées aux captations ou recréations de spectacles vivants « satisfaisant à un niveau de qualité artistique et technique apprécié dans les conditions définies par la convention ». Le Conseil ne s'estime pas légitime à apprécier la qualité des captations et recréations de spectacle vivant autrement que sur le fondement de critères de financement. Il souhaite à ce titre pouvoir bénéficier de l'expérience du CNC.

Il constate par ailleurs que la valorisation de ces dépenses ne relève que du champ de la convention, à l'exclusion du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, ce qui semble contradictoire avec le périmètre couvert par l'article 14. Il préconise de remédier à cette différence de traitement.

- Diversité des œuvres financées (III de l'article 9)

Le Conseil accueille favorablement les dispositions du III de l'article 9, en vertu desquelles les conventions et cahiers des charges devront déterminer les conditions dans lesquelles est assurée la diversité des œuvres cinématographiques comme audiovisuelles. Il suggère que la clause de diversité pour les œuvres cinématographiques s'apprécie au regard des seules dépenses de préfinancement telles que définies aux 1° et 2° du I de l'article 9, et non de l'ensemble des dépenses listées à ce même I.

2.4. Exercice de rattachement des dépenses (article 11)

L'article 11 prévoit que les dépenses valorisées par l'éditeur d'un SMAD « sont prises en compte au titre de l'exercice au cours duquel le service a commencé à exécuter l'engagement financier correspondant ». Le Conseil souhaite que le décret comporte les précisions nécessaires afin de lever toute ambiguïté sur l'application de cette disposition. Il pourrait ainsi prévoir, par parallélisme avec les dispositions applicables aux éditeurs de services linéaires, que les sommes prises en compte correspondent « au montant total de l'engagement correspondant à chacune des œuvres identifiées dans le contrat ».

2.5. Sous-quotas EOF et européen (article 5)

La contribution des éditeurs de services par abonnement à la production audiovisuelle et cinématographique peut porter alternativement sur des œuvres européennes ou d'expression originale française (EOF).

- Les œuvres d'expression originale française non européennes devront être réalisées et leur production supervisée et effectivement contrôlée par un ou des producteurs établis sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou à la convention européenne sur la télévision transfrontalière. Le Conseil relève ainsi l'introduction d'un critère d'établissement visant les producteurs au sens de la directive pour la prise en compte des œuvres EOF non européennes.

Sous réserve du respect de ce critère, les productions déléguées des SMAD étrangers ou celles de leurs filiales réalisées en langue française pourraient être prises en compte, bien qu'elles soient inéligibles à la qualification européenne telle que prévue à l'article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990.

Le Conseil relève que ce régime prend en compte le modèle de production des SMAD étrangers tout en garantissant le concours de producteurs locaux.

- Pour ce qui concerne les œuvres qualifiées d'européennes, les articles 12 et 13 du projet de décret prévoient que seules ces dernières peuvent être valorisées au titre de la contribution des SMAD à la production indépendante. L'imbrication entre production indépendante et œuvre européenne renforce l'importance du respect des critères de qualification européenne figurant à l'article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990, en vertu duquel les entreprises et coproducteurs « européens » ne doivent pas être contrôlés par un « producteur » extra-européen. Le Conseil souligne à ce égard la complexité croissante à caractériser les entreprises contrôlant celles éditant les services de vidéo à la demande par abonnement en Europe au regard de la qualité de « producteur » au sens de cet article.

2.6. Production indépendante (articles 12 et 13)

- Le Conseil approuve l'équilibre retenu dans le projet de décret quant aux taux et aux critères de la production indépendante, respectivement pour la production cinématographique d'une part, et audiovisuelle d'autre part. Il relève que les taux de production indépendante et les dépenses éligibles à ce titre sont différents pour la production cinématographique et la production audiovisuelle. Ils emportent par conséquent des parts minimales au titre du sous-quota européen différentes d'une catégorie d'œuvres à l'autre.

- Il relève que les articles 71 et 71-1 de la loi de la loi du 30 septembre 1986 modifiée qui définissent les conditions d'indépendance en matière de production cinématographique et audiovisuelle pour les services linéaires ne renvoient pas à l'article 33-2 de la loi, lequel confie au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités de contribution des SMAD à la production, notamment indépendante. Dès lors, il considère que la définition de la production indépendante retenue pour les SMAD n'a pas vocation à être étendue aux décrets TNT et CabSat actuellement en cours de révision.

- Il relève par ailleurs que la part de la contribution consacrée à la production indépendante peut être modulée dans la convention signée par l'éditeur avec le CSA. Le texte prévoit expressément qu'elle peut être abaissée en contrepartie de l'application de critères d'indépendance liés à l'œuvre et à l'entreprise de production plus exigeants que ceux inscrits aux articles 12 et 13. Le Conseil souhaite s'assurer qu'à l'inverse, la part de production indépendante pourrait être augmentée en contrepartie de l'application de critères assouplis.

- S'agissant de la contribution à la production indépendante cinématographique, la durée des droits exclusifs d'exploitation ne peut excéder 12 mois sur chaque territoire sur lesquels ces droits ont été acquis. Le Conseil considère que, dès lors que les droits acquis pour une exploitation en dehors du territoire français ne peuvent être valorisés par les services de VàDA au titre des obligations de production cinématographique, il n'y a pas lieu de soumettre leur durée à l'encadrement prévu au titre de la production indépendante.

En outre, le 2° du II de l'article 13 prévoyant expressément pour les œuvres audiovisuelles que « L'éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, ni de parts de producteur ni de droit à recettes afférents à l'œuvre (…) », le Conseil en conclut que le 2° du II de l'article 12 n'interdit pas la détention par l'éditeur de droits à recettes sur les œuvres cinématographiques répondant aux critères de l'indépendance.

2.7. Sous-quota en matière de préfinancement (article 9)

L'article 9 du projet de décret prévoit que les éditeurs de services de vidéo par abonnement dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 M€ doivent consacrer une part de leur contribution à des dépenses de préfinancement telles que définies aux 1° et 2° du même article.

Le Conseil approuve l'instauration de ce sous-quota en faveur de la création. Il s'interroge sur l'opportunité de prévoir une montée en charge par seuils de chiffre d'affaires intermédiaires afin de prendre en compte la diversité des moyens financiers des acteurs concernés.

Il considère par ailleurs que les dépenses de financement de travaux d'écriture et de développement prévues au 4° de ce même article devraient pouvoir être valorisées au titre de ce sous-quota, dès lors qu'elles interviennent en amont de la prise de vues de l'œuvre.

2.8. Déclenchement des obligations (articles 2 et 15)

- Le projet de décret prévoit un seuil de déclenchement des obligations de production et d'exposition des œuvres fondé sur l'audience réalisée par les services dans leur catégorie. Si, en vertu de l'article 13, paragraphe 7, de la directive SMA, les lignes directrices de la Commission européenne présentent une méthodologie pour la détermination de l'audience des éditeurs de SMAD que les Etats membres peuvent utiliser, le Conseil souhaite cependant rappeler qu'il n'existe, à ce jour, aucune méthode uniforme et certifiée de mesure de cette audience. Il relève donc que cette méthode est à définir et devra probablement être mise en œuvre et certifiée par un organisme tiers. Il souhaite par conséquent appeler l'attention du Gouvernement sur les difficultés d'application de ce critère à court et moyen termes, notamment au cours de l'exercice 2021.

- En outre, le Conseil note que la catégorie de « services autres » prévue à l'article 7 du projet de décret ne permet pas de distinguer la vidéo à la demande payante à l'acte de la vidéo à la demande gratuite, alors qu'il s'agit bien de deux catégories distinctes justifiant des mesures d'audience distinctes. Le premier alinéa de l'article 7 pourrait ainsi être complété : « Les services autres que ceux mentionnés aux articles 4 et 5, notamment les services payants à l'acte ou les services gratuits, consacrent respectivement chaque année : »

- L'article 1er du projet de décret prévoit la possibilité pour le Conseil de demander à l'éditeur une déclaration certifiée du chiffre d'affaires du service afin de vérifier la situation de ce dernier au regard des dispositions relatives à la contribution au développement de la production prévues au chapitre Ier. Le Conseil considère que cette faculté pourrait être utilement élargie à la vérification de l'assujettissement aux obligations d'exposition et de mise en avant des œuvres prévues au chapitre II et, de ce fait, à la procédure de conventionnement inscrite à l'article 2. Ainsi propose-t-il l'ajout suivant au sein de cet article : « Cette déclaration peut également être demandée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à tout éditeur de services afin de vérifier qu'il n'est pas assujetti aux dispositions des chapitres Ier et II ».

- Le Conseil souhaite appeler à nouveau l'attention du Gouvernement sur l'inadaptation de la réglementation en matière d'exposition des œuvres au modèle éditorial de certains services, qui proposent majoritairement à leurs utilisateurs des œuvres non européennes (ex. : cinéma africain, mangas japonais, etc.). Ainsi qu'il l'avait indiqué dans son rapport au Gouvernement sur l'application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 publié en novembre 2013, il considère qu'« il importe de ne pas vider la réglementation de son contenu en ouvrant la possibilité à tous les services non généralistes de bénéficier d'un régime d'exception. Pour autant, il considère opportun, notamment au regard de la diversité culturelle de l'offre éditoriale aux utilisateurs, de tenir compte de la nature d'un service à la demande, qui peut s'adresser à un public plus segmenté et cibler un type de programmes en particulier recherché par celui-ci ».

Il relève à cet égard que le paragraphe 6 de l'article 13 de la directive SMA prévoit la possibilité pour les Etats membres de renoncer aux obligations d'exposition et de mise en avant des œuvres lorsque celles-ci « seraient impossible à respecter ou injustifiées en raison de la nature ou du thème des services de médias audiovisuels ».

Le Conseil réitère donc la proposition qu'il formulait dans son rapport au Gouvernement d'assouplir les obligations d'exposition de certains services thématiques, en contrepartie d'obligations d'investissement dans d'autres formes de soutien à l'industrie de la création française ou européenne.

Il propose que l'article 15 du projet de décret soit ainsi complété : « Pour les services dont la nature ou le thème rendraient impossibles à respecter les dispositions du présent chapitre, les conventions et les cahiers des charges peuvent fixer la part des obligations prévues aux articles 16 et 17 à un niveau inférieur, en contrepartie de l'engagement pris par l'éditeur de service d'investir dans d'autres formes de soutien à l'industrie de la création française ou européenne. »

2.9. Conventionnement

- De nombreux acteurs sont présents en télévision linéaire tout en proposant une offre de services de médias audiovisuels à la demande. Le Conseil appelle donc l'attention du Gouvernement sur la nécessaire articulation à prévoir entre le régime de contribution à la production applicables aux SMAD et celui, en cours d'évolution, applicable aux éditeurs de services de télévision en cas de mise en commun de leurs contributions. Si certaines modalités diffèrent d'un régime à l'autre, il conviendrait que le projet de décret soumis pour avis ou les futurs décrets en cours de révision, soit précisent le régime qui, en cas de mise en commun entre services linéaires et non linéaires, hors services de télévision de rattrapage, devra prévaloir, soit renvoient expressément à l'accord professionnel le soin de déterminer le régime applicable.

- Le projet de décret définit les services de télévision de rattrapage (TVR) comme des « services de médias audiovisuels à la demande permettant de regarder, pendant une durée limitée, des programmes diffusés sur un service de télévision ».

Ces services ne sont pas soumis à la procédure de conventionnement prévue à l'article 33-3 de la loi du 30 septembre 1986. Ils sont en effet couverts par la convention du service de télévision auquel ils se rattachent, en application des dispositions du 14 bis de l'article 28 de cette même loi, pour les services de télévision autorisés, et du I de l'article 33-1 pour les services de télévision conventionnés.

De surcroît, aux termes du projet de décret, ces services sont soumis, pour les dépenses contribuant au développement de la production, à un régime d'obligations régi par les articles 3 et 4, distinct de celui des services de VàDA (article 5) et des autres services (article 7).

Le Conseil constate toutefois que, dans les faits, certains services de TVR peuvent être enrichis de programmes n'ayant pas fait l'objet d'une diffusion sur un service de télévision. Cette offre constitue ainsi un catalogue relevant de plusieurs catégories, soit TVR et VàD gratuite, soit TVR et VàDA. Par ailleurs, le Conseil relève l'existence d'offres de TVR proposant à l'utilisateur un catalogue global composé de programmes diffusés sur différents services de télévision d'un même groupe.

Or, les programmes de telles offres de TVR enrichie, bien que relevant de catégories juridiques différentes, peuvent être présentés sur les mêmes pages, qu'il s'agisse de la page d'accueil comme des autres pages du catalogue, sans distinction apparente pour l'utilisateur et de façon cohérente d'un point de vue éditorial.

Le Conseil suggère donc de traiter une offre de TVR enrichie comme un service unique. La définition des services de TVR inscrite au 1° du I de l'article 3 du projet de décret pourrait ainsi être complétée : « Est également considéré comme service de TVR, les catalogues édités par un éditeur unique incluant, d'une part et de façon substantielle, des programmes diffusés sur un ou différents services de télévision pendant une durée limitée et, d'autre part, des programmes commandés et proposés en vidéo à la demande gratuite ou en vidéo à la demande payante sans préjudice des droits acquis pour leur exposition ».

- En outre et à toutes fins utiles, au 1° du I de l'article 3 du projet de décret, il convient de viser le onzième alinéa du I de l'article 33-1 de la loi de 86 et non le dernier alinéa pour faire référence à la télévision de rattrapage des services conventionnés.

- Enfin, le Conseil relève que les modulations susceptibles d'être apportées par voie conventionnelle aux sous-quotas de production ne semblent pas suffisantes pour permettre à l'éditeur de SMAD TV5, dont France Télévisions est l'actionnaire de référence, de respecter ses obligations. Il apparaît au Conseil que la mission de service public international confiée à TV5 Monde devrait être mieux prise en compte dans le projet de décret.

2.10. Garantie de l'offre d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes et d'expression originale française et sa mise en valeur effective (chapitre II ; articles 15, 16 et 17)

Le Conseil accueille avec satisfaction la latitude accordée au régulateur pour la fixation des obligations d'exposition et de mise en avant des œuvres dans les conventions signées avec les éditeurs de services. Ce nouveau dispositif appelle néanmoins plusieurs observations.

- Ce dispositif d'ensemble est applicable, en vertu de l'article 15 du projet de décret, aux services de médias audiovisuels à la demande proposant « au moins 10 œuvres cinématographiques de longue durée ou 10 œuvres audiovisuelles », réalisant « un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 1 million d'euros » et dont l'« audience est supérieure à 0,1 % de l'audience totale en France de la catégorie dont ils relèvent ».

En prévoyant un seuil relatif au chiffre d'affaires et à l'audience réalisés par le service, le nouveau régime répond aux objectifs de la directive SMA de ne pas soumettre aux exigences de promotion des œuvres « les fournisseurs sans présence significative sur le marché » et ce, pour ne pas compromettre « le développement des marchés et afin de permettre l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché ».

Néanmoins, le Conseil relève que ces seuils s'appliquent, en l'état du projet, à tous les SMAD, y compris aux services de télévision de rattrapage. Or, leur application à ces derniers serait complexe à déterminer. En effet, l'audience de ces services et celle des services de télévision auquel ils se rattachent font l'objet d'une mesure consolidée pour les programmes visionnés sur le téléviseur. Leur chiffre d'affaires peut quant à lui être inclus dans celui du service de télévision, et ils peuvent faire l'objet d'une commercialisation conjointe auprès des distributeurs avec d'autres services complémentaires.

Par ailleurs, le Conseil salue le fait que le projet de décret prévoie que les obligations d'exposition des œuvres des services de télévision de rattrapage, prévues à l'article 16, soient identiques à celles applicables au service de télévision dont ils sont issus.

Enfin, il note que l'application de ces seuils aux services de télévision de rattrapage amènerait à exclure du périmètre du chapitre II un certain nombre de ces services. Or, les services exclus peuvent être rattachés à des services de télévision proposant des œuvres et eux-mêmes soumis à des obligations de diffusion. Il apparaît important que cette exposition d'œuvres européennes et d'expression originale française assurée à l'antenne trouve son prolongement sur le service de télévision de rattrapage, dès lors qu'il met à disposition du public des œuvres audiovisuelles ou cinématographiques.

Pour ces trois motifs, le Conseil propose de ne pas subordonner le déclenchement des obligations des services de télévision de rattrapage aux seuils d'audience et de chiffre d'affaires.

Ainsi, propose-t-il la rédaction suivante : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables :

1° Aux services de télévision de rattrapage dont l'offre comporte au moins 10 œuvres cinématographiques de longue durée ou 10 œuvres audiovisuelles ;

2° aux autres services de médias audiovisuels à la demande dont l'offre comporte au moins 10 œuvres cinématographiques de longue durée ou 10 œuvres audiovisuelles et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 1 million d'euros et une audience supérieure à 0,1 % de l'audience totale en France de la catégorie de services de médias audiovisuels à la demande dont ils relèvent.

Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux services de média audiovisuels à la demande principalement consacrés aux programmes mentionnés au premier alinéa du V de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts.

Les œuvres mentionnées dans le présent chapitre s'entendent hors celles mentionnées au premier alinéa du V de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts ».

- S'agissant des obligations d'exposition des œuvres en catalogue, le projet de décret prévoit que les conventions ou cahiers des charges peuvent fixer des taux d'exposition des œuvres audiovisuelles plus bas, sans que la proportion prévue pour les œuvres européennes puisse être inférieure à 50 %. En contrepartie, l'éditeur s'engage à investir dans la production d'œuvres audiovisuelles d'expression originale française inédites produites par des entreprises de production indépendantes.

Le Conseil rappelle que cette faculté est appliquée, de longue date, aux obligations de diffusion de certains services de télévision.

Il souscrit pleinement à la possibilité offerte à l'éditeur de bénéficier de taux réduits. Il regrette néanmoins que la nouvelle rédaction du décret ne permette plus au Conseil de contrôler les obligations d'exposition des œuvres globalement sur l'ensemble des œuvres audiovisuelles et cinématographiques proposées par le service. Cette souplesse, permise par la rédaction actuelle du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010, est utilisée par l'ensemble des services contrôlés par le CSA disposant d'obligations à la fois sur les œuvres audiovisuelles et cinématographiques.

Le Conseil propose donc que le premier alinéa de l'article 16 soit ainsi modifié : « I. - Les éditeurs de services réservent respectivement dans le nombre total d'œuvres cinématographiques de longue durée et audiovisuelles mises à disposition du public une part au moins égale à : »

En outre, par souci de clarté, il suggère qu'au II de cet article les termes « de diffusion » soient remplacés par ceux « d'exposition ».

Le Conseil considère par ailleurs utile que le décret prévoit une montée en charge de ces obligations d'exposition afin de tenir compte de l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs. Dans cette perspective, il propose l'ajout à l'article 16 d'un alinéa ainsi rédigé : « Toutefois ces proportions sont, pendant une durée de trois ans à compter de leur première application aux services atteignant les seuils mentionnés à l'article 15, fixées respectivement à 50 % et 35 % ».

Le projet de décret prévoit que « le Conseil supérieur de l'audiovisuel précise la période de référence prise en compte pour le respect de cette obligation [d'exposition] ».

Dans la version en vigueur du décret SMAD, cette obligation doit être vérifiée « à tout moment ». Le Conseil a pu constater, dans l'exercice de sa mission de contrôle, que certains éditeurs éprouvaient des difficultés à justifier du respect de leurs obligations. Il avait indiqué dans son rapport au Gouvernement de novembre 2013 sur l'application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 que « le respect “à tout moment” des obligations d'exposition s'est avéré complexe pour les éditeurs de TVR comme de VàD. Cette difficulté a semblé plus grande concernant la garantie d'une offre d'œuvres européennes et d'expression originale française en catalogue. Atteindre les objectifs fixés par le décret exige[ait] en effet la mise en place de mécanismes de suivi de la programmation. Selon les éditeurs, ceux-ci peuvent s'avérer complexes et coûteux (logiciel, équipes dédiées, etc.) ».

Par ailleurs, le Conseil relevait également « que les obligations d'exposition s'appliquaient aux SMAD de façon permanente, tandis que les quotas de diffusion imposés aux chaînes de télévision s'apprécient sur la base d'une moyenne annuelle. Les possibilités offertes aux SMAD de lisser dans le temps leurs obligations étaient nettement limitées au regard de celles dont disposent les services linéaires ».

Le Conseil note que, dans les lignes directrices adoptées en vertu de l'article 13, paragraphe 7, de la directive SMA, la Commission européenne considère que « lorsqu'ils décident de la méthode de suivi à appliquer, les États membres devraient tenir compte de la nécessité de réduire la charge administrative associée au respect de la conformité et au contrôle de l'application et de garantir également la transparence et la sécurité juridique pour les fournisseurs de services de VOD ».

Il salue la latitude qui lui est donné par le projet de décret pour fixer la période de référence, afin de mieux adapter la règle aux pratiques des éditeurs.

- L'article 17 du projet de décret relatif à la mise en avant des œuvres européennes et d'expression originale française reprend les recommandations formulées dans le considérant 35 de la directive SMA, selon lesquelles « la mise en valeur peut être assurée par différents moyens, comme consacrer aux œuvres européennes une rubrique spécifique accessible depuis la page d'accueil du service, prévoir un critère de recherche “œuvres européennes” dans l'outil de recherche de ce service, utiliser des œuvres européennes dans les campagnes promotionnelles de ce service ou promouvoir un pourcentage minimal d'œuvres européennes du catalogue de ce service, par exemple à l'aide de bannières ou d'outils similaires ».

Il salue cette conception plus large de la mise en avant des œuvres et la latitude qui lui est donnée pour préciser cette obligation dans les conventions signées avec les éditeurs. Il note que la rédaction retenue à cet article permet de considérer que les quatre moyens de mise en avant énumérés dans le texte ne sont ni exhaustifs ni cumulatifs.

Le Conseil souligne enfin que la notion de « à tout moment » est difficilement applicable à l'ensemble des moyens de mise en avant prévus par le projet de décret, notamment aux campagnes promotionnelles du service. Il suggère qu'une souplesse puisse être introduite dans le texte à cet égard.

2.11. Modalités d'entrée en vigueur et dispositions transitoires (articles 8, 27 et 28)

- Le Conseil a bien relevé que l'entrée en vigueur du décret SMAD soumis à son appréciation est fixée au 1er juillet 2021. Toutefois, jusqu'à la conclusion de leur convention avec le Conseil, incluant le cas échéant certaines dispositions relevant d'accords professionnels, les éditeurs n'auront pas une connaissance complète des modalités de l'obligation de contribution à la production applicable en 2021 et se trouveront confrontés à des difficultés pour le pilotage de leurs investissements. Dès lors, le Conseil estime que la montée en charge des obligations de production prévue à l'article 8 alinéa 2 du projet de décret devrait s'appliquer à l'ensemble des services assujettis. A tout le moins, le Conseil souhaite que l'article 14 prévoie qu'une montée en charge sur une période de 3 ans s'applique aux obligations de production indépendante de l'ensemble de ces services.

- Par ailleurs, le Conseil souhaiterait que les modalités d'application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, qui sera applicable jusqu'au 30 juin 2021 (article 27), soient précisées.

En effet, le calcul du montant de l'obligation de contribution à la production en 2021 au titre du nouveau texte s'effectuera « sur la base du chiffre d'affaires réalisé en 2020 au prorata de la fraction d'année 2021 restant à courir à compter de la publication du présent décret et que les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2021 sont prises en compte au titre de la contribution ». Le Conseil considère que l'obligation de contribution à la production régie par les dispositions actuellement en vigueur ne devrait être assise que sur la seule la fraction du chiffre d'affaires réalisé en 2020 qui ne servira pas de base au calcul de l'obligation applicable à compter du 1er juillet 2021 au titre du nouveau décret.

2.12. Modifications subséquentes des autres décrets (articles 25 et 26)

Le projet de décret prévoit dans ses articles 14, 25 et 26 la faculté de mutualiser entre plusieurs services de télévision et/ou de vidéo à la demande leurs obligations de contribution à la production audiovisuelle, d'une part, et à la production cinématographique, d'autre part. Le Conseil relève qu'il a appelé cette réforme de ses vœux.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.