JORF n°0229 du 2 octobre 2012

Ce chapitre présente les principes et la mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire imposée à Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
Dans un premier temps, les objectifs, principes (6.1) et référentiels généraux (6.2) de l'obligation de contrôle tarifaire sont rappelés et la pertinence de leur prise en compte dans le cas de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom est évaluée.
Dans un deuxième temps, l'exposé s'attache à analyser les principes spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile des acteurs concernés par le présent projet de décision, conformément au cadre juridique et européen. Les critères énoncés par la recommandation de la Commission européenne du 7 mai 2009 (6.3), puis ceux découlant de la position commune du GRE de 2008 et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009 (6.4) sont analysés.
Enfin, dans un troisième temps, la section 6.5 précise les conditions de mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire, notamment en termes d'horizon temporel, de niveaux tarifaires et de répartition entre charge à l'usage et charge à la capacité.

6.1. Objectifs et principes généraux du contrôle tarifaire
6.1.1. Les objectifs du cadre européen et national

Lorsque l'Autorité fixe des obligations tarifaires sur le fondement du 4° de l'article L. 38 du CPCE, elle doit, conformément à l'article L. 32-1 du CPCE qui transpose l'article 8 de la directive « cadre », prendre des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis, dans des conditions objectives et transparentes, et doit veiller notamment :
« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ; (...)
4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ; (...)
9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».
En outre et conformément à l'article D. 312 du CPCE qui transpose l'article 13, paragraphe 2, de la directive « accès », l'Autorité veille à ce que les méthodes retenues pour déterminer les plafonds tarifaires applicables « promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur ».
Enfin, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 36-5 du CPCE, qui transpose l'article 8, paragraphe 3 d, de la directive « cadre », les mesures envisagées par l'Autorité visent à contribuer au développement du marché intérieur et que, dans ce cadre, « l'Autorité coopère avec les autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, avec la Commission européenne et avec l'organe des régulateurs européens des communications électroniques afin de veiller à une application coordonnée et cohérente de la réglementation ».

6.1.2. Finalités de l'encadrement tarifaire pluriannuel de la prestation
de terminaison d'appel vocal mobile

Comme l'Autorité l'a rappelé, la prestation de terminaison d'appel vocal mobile a un caractère de facilité essentielle, dont le tarif n'est soumis à aucune pression concurrentielle suffisante pour empêcher, en l'absence de régulation, l'opérateur mobile de le fixer à un niveau très élevé. Dès lors, les conditions d'accès à cette prestation doivent être transparentes, objectives, non discriminatoires et permettre aux compétiteurs d'exercer une concurrence effective sur les marchés aval, à travers un processus d'encadrement des niveaux de charge de terminaison d'appel au regard des structures et des niveaux de coûts pertinents, processus qui vise à les orienter, à terme, vers des références de coûts pertinentes. L'Autorité de la concurrence (alors Conseil de la concurrence) a d'ailleurs rappelé, dans son avis n° 07-A-01, que « s'agissant des remèdes propres au droit de la concurrence, le Conseil a déjà souligné (avis n° 05-A-10 du 11 mai 2005) que le caractère de facilité essentielle de la terminaison d'appel sur les réseaux tiers, pour les opérateurs qui doivent faire aboutir les appels de leurs abonnés, permet d'imposer aux opérateurs de terminer les appels à des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires. En ce qui concerne le prix auquel cette prestation doit être fournie, le droit de la concurrence exige qu'il soit orienté vers les coûts supportés par l'opérateur en monopole lorsque celui-ci utilise la même prestation pour faire des offres sur un marché aval sur lequel il est en concurrence avec les opérateurs qui veulent terminer les appels ».
L'encadrement tarifaire des niveaux des terminaisons d'appel que l'Autorité spécifie pour les opérateurs consiste à fixer des plafonds pluriannuels que les tarifs de ces prestations ne doivent pas dépasser. L'Autorité insiste donc sur le fait qu'elle fixe des plafonds tarifaires, qui doivent s'entendre comme des limites supérieures laissant la liberté aux opérateurs de positionner leurs tarifs, sous ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinent. En particulier, il est de la seule responsabilité de l'opérateur de vérifier que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence pour pratique anticoncurrentielle sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante.
A l'instar de la décision n° 2011-0483 de l'Autorité en date du 5 mai 2011 (21) et des décisions d'encadrement tarifaire précédentes, Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom verront également leur tarif de terminaison d'appel être régulé sous la forme d'un plafond pluriannuel qu'ils ne pourront dépasser.

6.1.3. Modalités de l'encadrement sous forme d'une orientation vers les coûts du tarif
de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile

La directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») précise qu' « [u]n contrôle des prix peut se révéler nécessaire lorsque l'analyse d'un marché donné met en évidence un manque d'efficacité de la concurrence. Les autorités réglementaires nationales peuvent intervenir de manière relativement limitée, par exemple en imposant une obligation concernant la fixation de prix raisonnables pour la sélection de l'opérateur, comme le prévoit la directive 97/33/CE, ou de manière beaucoup plus contraignante, en obligeant, par exemple, les opérateurs à orienter les prix en fonction des coûts afin qu'ils soient entièrement justifiés lorsque la concurrence n'est pas suffisamment vive pour éviter la tarification excessive » (considérant 20).
Le paragraphe 1 de l'article 13 de la directive « accès », modifiée par la directive 2009/140/CE précitée, prévoit que « [l]es autorités réglementaires nationales peuvent, conformément aux dispositions de l'article 8, imposer des obligations liées à la récupération des coûts et au contrôle des prix, y compris des obligations concernant l'orientation des prix en fonction des coûts et des obligations concernant les systèmes de comptabilisation des coûts, pour la fourniture de types particuliers d'interconnexion et/ou d'accès, lorsqu'une analyse du marché indique que l'opérateur concerné peut, en l'absence de concurrence efficace, maintenir des prix à un niveau excessivement élevé, ou comprimer les prix, au détriment des utilisateurs finals. Afin d'encourager l'opérateur à investir notamment dans les réseaux de prochaine génération, les autorités réglementaires nationales tiennent compte des investissements qu'il a réalisés, et lui permettent une rémunération raisonnable du capital adéquat engagé, compte tenu de tout risque spécifiquement lié à un nouveau projet d'investissement particulier ».
L'article L. 38 (I-4°) du CPCE prévoit ainsi que l'Autorité peut imposer « de ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ».
Conformément à la décision n° 2010-1149 du 2 novembre 2010 (22), l'Autorité a notamment imposé, dans le cadre de son analyse de marché, une obligation de contrôle tarifaire sous la forme d'une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts aux trois opérateurs de réseau mobile métropolitains alors commercialement actifs.
L'Autorité avait alors estimé cette modalité d'encadrement tarifaire proportionnée aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », « au développement (...) de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques » ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Elle avait noté par ailleurs que la majorité des régulateurs de l'Union européenne imposent l'obligation d'orientation vers les coûts dans le cadre de la régulation du marché de la terminaison d'appel vocal mobile.
Enfin, dans cette même décision, l'Autorité avait précisé que l'entrée d'un nouvel acteur sur le marché de détail de la téléphonie mobile n'est pas de nature à modifier les raisonnements relatifs aux obligations tarifaires, et notamment l'imposition d'une obligation d'orientation des tarifs vers les coûts visés par la présente analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur leur réseau.
Ainsi, Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom verront également leurs tarifs de terminaison d'appel régulés en orientation vers les coûts.

6.1.4. L'obligation d'orientation vers les coûts est en référence
aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace

L'Autorité se fonde sur le II de l'article D. 311 du CPCE pour préciser la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts imposée aux opérateurs. Elle définit ainsi les méthodes de recouvrement des coûts et de tarification, conformément à cet article :
« Pour la mise en œuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur. »
Dans ses décisions n° 2010-1149 et n° 2011-0483 susmentionnées, l'Autorité a détaillé les raisons pour lesquelles elle estime que la référence de coûts pertinents pour la terminaison d'appel est le coût incrémental de long terme d'un opérateur générique efficace.
L'Autorité invite donc les acteurs à se reporter aux passages correspondants dans ces deux décisions pour le détail des propriétés concurrentielles d'une référence au coût incrémental, justifiant sa pertinence.
Ainsi, l'orientation vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel fournie par Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, tout comme par de futurs nouveaux acteurs sur le marché de gros de la terminaison d'appel mobile vocal, se fera, à terme, en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace.
Pour les opérateurs nouvellement entrés sur le marché comme pour les opérateurs établis, le réseau mobile est utilisé pour fournir plusieurs types de services (par exemple voix, SMS, data mobile), correspondant à des prestations fournies sur les marchés de gros (par exemple terminaison d'appel vocal entrant) et sur les marchés de détail (par exemple appel vocal sortant). Le coût du réseau mobile est ainsi un coût joint dont le recouvrement peut être réparti entre plusieurs prestations, et il n'y a donc pas de risque de non-recouvrement de l'ensemble des coûts encourus.
Etablir une référence de coût différente de celle des opérateurs mobiles établis, par exemple en revenant à une orientation vers les coûts complets, reviendrait à une subvention de l'entrée de ces nouveaux opérateurs. Une telle approche présente un risque significatif d'encourager des entrées inefficaces sur le marché et ainsi d'entraîner une hausse des tarifs de détail, plutôt que de contribuer à l'augmentation de la pression concurrentielle. De plus, cette subvention de l'entrée de nouveaux acteurs pourrait réduire l'incitation à investir pour les opérateurs établis, avec les effets qui s'en suivent sur les marchés de détail.
La référence aux coûts incrémentaux garde ainsi tout son sens, y compris dans un contexte de nouvelle entrée sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal mobile. Ce contexte d'entrée peut néanmoins justifier de s'appuyer transitoirement sur des coûts incrémentaux de nouvel entrant efficace, en lieu et place des coûts incrémentaux de l'opérateur générique efficace, ainsi que cela sera examiné et justifié par la suite (cf. 6.3.2).
L'Autorité note que ce choix de référence est cohérent avec la recommandation susvisée de la Commission européenne sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne.

6.1.5. Prévisibilité pour le secteur

L'importance d'une visibilité donnée au secteur à travers une prévisibilité des tarifs de cette prestation s'inscrit de manière pleinement cohérente avec les objectifs assignés à l'Autorité, notamment celui de veiller « 2° [à] l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ; 3° [a]u développement de [...] l'investissement efficace notamment dans les infrastructures [...] » (art. L. 32-1 du CPCE).
En outre, dans le cadre des précédents exercices d'analyse, les acteurs, les opérateurs mobiles et l'Autorité de la concurrence, ont souligné le caractère nécessaire de cette prévisibilité.
L'Autorité s'attache donc à donner le maximum de prévisibilité au secteur. En effet, dans le cadre de ce processus d'analyse des marchés, l'Autorité mènera deux consultations publiques avant d'adopter sa décision d'analyse de marché dans laquelle les plafonds tarifaires explicites de la terminaison d'appel vocal des opérateurs concernés seront définis, et ce pour une période allant jusqu'au 31 décembre 2013.

6.2. Références utilisées par l'Autorité

Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les éléments apportés par les acteurs n'ont pas remis en cause les développements suivants concernant la comparaison internationale. Les acteurs ne se sont prononcés ni sur les éléments portant sur les états de comptabilisation des coûts, ni sur ceux portant sur le modèle technico-économique. Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.

6.2.1. Comparaison européenne

Les comparaisons à l'échelle européenne des niveaux de terminaison d'appel forment généralement un des éléments pertinents des exercices de tarifications menés par l'Autorité, bien qu'il convienne de les mettre en perspective au regard de la situation des marchés mobiles considérés (taille du marché, intensité concurrentielle, fluidité du marché...).

Comparaison des tarifs de terminaison d'appel mobile publiée
par l'organe des régulateurs européens des communications électroniques

Les comparaisons européennes incluent notamment les éléments publiés par l'organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE).
L'Autorité a détaillé dans sa décision n° 2010-1149 les raisons pour lesquelles elle estime que cette comparaison internationale des tarifs de terminaison d'appel ne donne qu'indirectement des informations sur les coûts, ne peut apporter dans la phase de transition actuelle qu'un éclairage très partiel sur les coûts incrémentaux d'un opérateur de réseau mobile français et apporte principalement des éléments de contexte sur l'évolution générale des tarifs de terminaison d'appel en Europe. La position de l'Autorité relative à cette comparaison n'ayant pas évolué, elle renvoie à cette décision pour davantage de détails.

Comparaison européenne des tarifs de terminaison d'appel mobile
de nouveaux entrants 3G et de full-MVNO

Par ailleurs, dans le cas des opérateurs concernés par la présente décision, il convient de considérer plus précisément l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile de nouveaux entrants 3G européens, dans le cas de Free Mobile, et de full-MVNO européens, dans le cas de Lycamobile et Oméa Télécom.
L'Autorité s'est ainsi attachée à étudier la manière dont la régulation de ces deux types de nouveaux acteurs sur le marché de gros de terminaison d'appel vocal mobile a notamment été menée en Autriche, au Danemark, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Suède.
Concernant les nouveaux entrants 3G, il est à noter que, dans chacun de ces pays, le nouvel entrant a ouvert commercialement son réseau entre 2003 et 2006, période à laquelle les réseaux 3G commençaient à peine à se lancer, soit plus de six ans avant Free Mobile ; en outre, dans la plupart de ces pays, le début de la régulation du niveau de terminaison d'appel du nouvel entrant étant antérieur à la recommandation européenne du 7 mai 2009, la référence de coûts pertinents correspond à celle des coûts complets. Il en ressort que toutes les autorités de régulation nationales ont introduit une asymétrie en faveur de ces nouveaux entrants, et ce pour une durée allant de deux ans à six ans selon les pays.
Le tableau suivant résume ces différents éléments :

| PAYS |OPÉRATEUR|DATE
de lancement
commercial|ITINÉRANCE
nationale|DATE DE DÉBUT
de la fixation
de plafonds|DÉLAI
après entrée|DATE
de fin
de l'asymétrie|DURÉE
de l'asymétrie| |-----------|---------|----------------------------------------|--------------------------|----------------------------------------------------|------------------------|--------------------------------------|--------------------------| | Autriche | H3G | 2003 | Oui | NC | NC | 2008 | 5 ans max | | Danemark | H3G | 2003 | Oui | 2009 | 5 ans | 2011 | 2 ans | | Espagne | Yoigo | 2006 | Oui | 2007 | 1 an | 2013 | 6 ans | | Italie | H3G | 2003 | NC | 2008 | 5 ans | 2014 | 6 ans | |Royaume-Uni| H3G | 2003 | Oui | 2007 | 4 ans | 2011 | 4 ans | | Suède | H3G | 2003 | Oui | 2004 | 1 an | 2007 | 3 ans |

En termes de niveau tarifaire, comme on peut le voir sur la figure 2, l'Autorité relève qu'à sa connaissance l'écart relatif de terminaison d'appel mobile entre celle du nouvel entrant 3G et celle des opérateurs historiques est très disparate selon les pays étudiés.

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 229 du 02/10/2012 texte numéro 43

Sources : Comparaison européenne publiée par l'ORECE (23)
Figure 2. ― Comparaison de l'écart relatif de terminaison d'appel mobile
entre nouvel entrant opérant un réseau 3G et opérateur historique (01/2005 - 01/2015)

Concernant les full-MVNO, l'Autorité relève qu'à sa connaissance, dans ces six mêmes pays, lorsque les autorités de régulation nationales ont été amenées à réguler le niveau de terminaison d'appel de ces acteurs, elles l'ont fait soit symétriquement à celui de leur opérateur hôte, soit en alignant le niveau de terminaison d'appel de ces acteurs sur celui fixé pour les derniers opérateurs de réseau arrivés sur le marché.
Néanmoins, il convient de préciser que, dans certains de ces pays, le modèle full-MVNO a vu le jour dès 2005 ou 2006, qu'une régulation du marché du départ d'appel y a été menée et que, par conséquent, les marchés de gros de l'accès et du départ d'appel semblent y être plus dynamiques et concurrentiels en amoindrissant donc les éventuelles barrières à l'entrée sur le marché.
Il convient donc de noter qu'il n'y a pas de cas pertinent comparable d'entrée sur le marché mobile soit d'un opérateur de réseau, soit d'un MVNO, dans un autre pays européen dans le contexte communautaire actuel d'orientation vers les coûts incrémentaux, tel que recommandé par la Commission européenne.

6.2.2. Etats de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés
selon le référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité

Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés selon le référentiel réglementaire constituent une référence de coûts fiable, au regard notamment de leur source, i.e. la comptabilité sociale de l'entreprise soumise au contrôle des commissaires aux comptes de l'entreprise. En outre, conformément aux dispositions des articles L. 38 (notamment le 5° du I) et D. 312 du CPCE, les comptes produits au titre des obligations comptables et les systèmes de comptabilisation des coûts sont audités annuellement par des organismes indépendants désignés par l'Autorité.
La comptabilité réglementaire apporte un éclairage important sur la modélisation des coûts d'un opérateur efficace. Ces données permettent notamment le calibrage des grandes masses de coûts en sortie du modèle technico-économique afin d'en assurer la robustesse.
Au regard des obligations de restitution comptable de Free Mobile, établies au 5.5.1 et conformément à la décision n° 2010-0200, les premiers éléments de coûts concernant cet opérateur devraient être restitués en juin 2012. Ces informations seront notamment utiles aux travaux de préparation du prochain cycle de régulation.

6.2.3. Modèle technico-économique des coûts d'un réseau mobile

L'Autorité dispose depuis 2007 d'un modèle technico-économique des coûts de réseau d'un opérateur mobile métropolitain. Ce modèle a été mis à jour au cours de l'année 2010, tant en ce qui concerne sa structure que son paramétrage, afin d'évaluer le coût incrémental des prestations de terminaison d'appel vocal mobile pour un opérateur générique efficace.
Ces éléments ont notamment permis de conclure que 0,8 c€/min représente un niveau cible raisonnable en référence aux coûts incrémentaux de long terme de terminaison d'appel vocal mobile pour un opérateur générique efficace sur la période allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013.

6.3. Les critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile,
Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la recommandation de la Commission européenne

La recommandation de la Commission européenne prévoit que l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile, fixé en référence aux coûts incrémentaux de long terme, doit par principe être symétrique. La fixation d'un tarif asymétrique peut néanmoins être acceptable, dans les deux exceptions suivantes :
― sans condition de durée, dans les conditions prévues à l'article 9, concernant les cas de différences de coût objectives échappant au contrôle des opérateurs concernés, en particulier celui d'un opérateur dont les attributions de fréquences seraient insuffisantes, tel que discuté dans la section 6.3.1 ci-après ;
― temporairement, à l'occasion d'une nouvelle entrée, dans les conditions prévues à l'article 10, cité dans la section 1.2.3 et discuté en section 6.3.2 ci-après.
Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les éléments apportés par les acteurs ont montré que :
― les opérateurs alternatifs se considèrent comme des nouveaux entrants au sens de la recommandation européenne du 7 mai 2009 car ils n'auront, au moment de leur lancement commercial, aucun client et devront donc totalement construire leur base clientèle ;
― les obstacles à l'entrée sur le marché de détail sont confirmés par les opérateurs alternatifs, mais réfutés par les trois opérateurs de réseau historiques et Lebara Mobile ;
― les opérateurs alternatifs estiment faire face à des coûts incrémentaux inévitables pour fournir le service de terminaison d'appel qui entraînent des surcoûts par rapport à l'opérateur générique efficace, point qui n'est cependant pas partagé par les opérateurs historiques et Lebara Mobile.
Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.
Les éléments de réponse aux commentaires des acteurs relatifs aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la recommandation de la Commission européenne sont présentés à la fin de cette partie.

6.3.1. Prise en compte de l'article 9 de la recommandation

La terminaison d'appel constituant un monopole structurel, il apparaît légitime d'interdire à chaque opérateur de répercuter ses inefficacités sur les autres opérateurs. Dans un marché ouvert et libre, l'optimum d'efficacité atteignable n'a pas de raison de différer d'un opérateur à un autre. Cela conduit à imposer une obligation symétrique d'orientation vers les coûts d'un opérateur générique efficace.
Dans les marchés mobiles, la mise en place des réseaux est cependant conditionnée par l'obtention de fréquences, qui constituent une ressource rare à laquelle l'accès n'est pas libre et ne dépend pas uniquement de l'opérateur. Des répartitions inégales de fréquences peuvent ainsi conduire à des différences entre opérateurs sur l'optimum d'efficacité qu'ils peuvent atteindre. Dans un tel cas de figure, il peut apparaître légitime et proportionné d'autoriser une asymétrie pour l'opérateur concerné, en orientant le tarif de sa terminaison d'appel vers les coûts de l'optimum d'efficacité correspondant à son portefeuille de fréquences, dès lors que celui-ci diffère de celui de l'opérateur générique et que cette différence ne résulte pas de sa volonté mais échappe à son contrôle.
Ceci correspond à l'un des cas prévus par l'article 9 de la recommandation, qui prévoit que :
« Dans la détermination des niveaux de coût efficace, tout écart par rapport aux principes susmentionnés doit se justifier par des différences de coût objectives échappant au contrôle des opérateurs concernés. De telles différences de coût objectives peuvent être constatées sur les marchés de la terminaison d'appel mobile en raison d'une répartition inégale des fréquences. »
Il convient donc de s'interroger sur les attributions de fréquences de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
En vertu de ses autorisations d'utilisation de fréquences, Free Mobile dispose de 5 MHz dans la bande 900 MHz, 5 MHz dans la bande 2,1 GHz et 20 MHz dans la bande 2,6 GHz. Il dispose par ailleurs, et dès lors que son réseau sur la bande 2,1 GHz aura atteint une couverture de 25 % de la population, d'un droit à l'itinérance 2G dans la bande 900 MHz, pour une période de six ans après l'attribution de l'autorisation d'utilisation de fréquences. Il dispose également, et dès lors que son réseau sur la bande 2,6 GHz aura atteint une couverture de 25 % de la population, d'un droit à l'itinérance dans la bande 800 MHz en zone de déploiement prioritaire sur le réseau de SFR, correspondant aux parties les moins denses du territoire métropolitain (24).
Au regard des quantités de fréquences dont disposent les quatre opérateurs de réseaux mobiles sur le marché français et des conditions d'utilisation propres à chaque bande attribuée, il n'y a pas de répartition inégale des fréquences de nature à justifier l'établissement d'un encadrement tarifaire asymétrique pour Free Mobile.
Il convient toutefois de préciser que l'utilisation par Free Mobile des fréquences qui lui ont été attribuées dans la bande 900 MHz, après avoir été libérées par les trois opérateurs historiques (25), est contrainte dans le temps : si l'opérateur peut utiliser ces fréquences depuis le 12 juillet 2011 sur le territoire métropolitain en dehors des zones très denses, il ne pourra les utiliser, en zones très denses, qu'à compter du 1er janvier 2013 (26). Pour autant, cette restriction transitoire n'est pas d'ampleur à affecter l'appréciation d'un déséquilibre dans la durée. Elle pourra néanmoins influer sur les conditions d'acheminement en propre du trafic en 2012, comme il sera précisé infra (partie 6.3.5.2.2).
Par ailleurs, Lycamobile et Oméa Télécom, en vertu de leur modèle de full-MVNO, ne disposent d'aucun spectre. Le lancement d'un opérateur reposant sur une architecture full-MVNO peut être considéré comme un choix stratégique de ces acteurs, étant donné que l'attribution des autorisations d'utilisation de fréquences 3G ont fait l'objet de cinq appels à candidatures en 2000, 2001, 2007, 2009 et 2010 auxquels ces deux acteurs ne se sont pas portés candidats. Les éventuelles différences de structure de coûts liées à l'absence de spectre n'échappent donc pas au contrôle des opérateurs concernés, et ce critère ne peut justifier l'établissement d'un encadrement tarifaire asymétrique.

6.3.2. Prise en compte de l'article 10 de la recommandation

Dans un secteur caractérisé par des économies d'échelle significatives, l'optimum d'efficacité atteignable par les opérateurs, qui caractérise l'opérateur générique efficace, ne peut être immédiatement atteint par un nouvel entrant, dont la part de marché croît progressivement en partant de zéro. Dès lors que l'échelle de référence constituée par l'opérateur générique efficace est hors d'atteinte d'un nouvel entrant dans les premiers temps de son entrée sur le marché, il peut apparaître légitime et proportionné d'autoriser une asymétrie pour le nouvel entrant concerné, en orientant le tarif de sa terminaison d'appel vers les coûts de l'optimum d'efficacité atteignable dans sa situation d'entrée sur le marché.
C'est le sens de l'article 10 de la recommandation européenne qui prévoit une exception dans le traitement symétrique de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal de nouveaux entrants sur le marché de la téléphonie mobile, dont l'activité est en deçà de l'échelle minimale efficace, pendant un délai ne devant pas dépasser quatre ans après leur arrivée sur le marché :
« S'il peut être démontré qu'un nouveau venu sur le marché de la téléphonie mobile, dont l'activité est en deçà de l'échelle minimale efficace, encourt des coûts incrémentaux unitaires plus élevés que l'opérateur modélisé, les ARN peuvent, après avoir déterminé qu'il existe des obstacles sur le marché de détail qui entravent l'entrée sur le marché et l'expansion, autoriser la récupération de ces coûts plus élevés par des tarifs réglementés de terminaison d'appel, pendant une période transitoire. Cette période ne doit pas dépasser quatre ans après l'entrée sur le marché. »
L'échelle minimale efficace d'un opérateur de téléphonie mobile est définie en annexe de la recommandation :
« Pour déterminer l'échelle minimale efficace aux fins du modèle de calcul des coûts, et compte tenu de l'évolution des parts de marché dans plusieurs Etats membres de l'UE, l'approche recommandée consiste à établir cette échelle à 20 % du marché. »
Il est néanmoins précisé que :
« Au cas où une ARN pourrait démontrer que les conditions du marché sur le territoire d'un Etat membre exigent une autre échelle minimale efficace, elle pourrait s'écarter de l'approche recommandée. »
Le marché de la téléphonie mobile, au regard des infrastructures sous-jacentes nécessaires, repose sur une économie dans laquelle les coûts fixes représentent une part importante. Plusieurs années apparaissent donc nécessaires pour que la structure de coûts de nouveaux venus sur ce marché puisse converger vers une structure de coûts efficace. Ce constat est vérifié pour les nouveaux opérateurs de réseau disposant d'une boucle locale radio mobile, comme dans le cas de nouveaux entrants reposant sur une architecture full-MVNO :
― dans le cas d'un nouvel opérateur de réseau, celui-ci est dans la nécessité d'avoir recours à un contrat d'accès avec un opérateur tiers, afin d'assurer la continuité des services de téléphonie mobile dans les zones où il n'aura pas pu déployer son réseau pendant les premières années d'opération (cf. 6.3.5.2.2) ;
― dans le cas d'un opérateur nouvellement full-MVNO, bien que celui-ci aura recours pendant toute la durée de ces opérations à un contrat d'accès avec un opérateur tiers pour assurer la terminaison sur boucle locale radio, il convient néanmoins de noter que les conditions de ce contrat d'accès sont susceptibles d'être moins favorables pendant les premières années d'exploitation (cf. 6.3.5.2.2).
Les difficultés structurelles des nouveaux entrants à leur arrivée sur le marché de la téléphonie mobile, notamment en termes de surcoûts les premières années, sont prises en compte par la recommandation de la Commission européenne, qui prévoit des conditions spécifiques pendant cette période transitoire suivant le lancement.
Ainsi que le prévoit l'article 10 de la recommandation de la Commission européenne, il convient, d'une part, d'analyser le statut de nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile des opérateurs concernés par le présent projet de décision (6.3.3), d'autre part, de constater l'existence d'obstacles entravant l'entrée et l'expansion sur le marché de détail (6.3.4), et, enfin, de déterminer si les coûts incrémentaux unitaires de ces acteurs sont plus élevés que ceux de l'opérateur générique efficace (6.3.5).

6.3.3. Statut de nouvel entrant

L'objet de cette section est de vérifier le statut de nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile, respectivement pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
A titre liminaire, s'agissant des trois acteurs dont le statut de nouvel entrant sur les marchés de détail est discuté ci-après, il convient de souligner qu'ils sont tous trois des nouveaux entrants sur les marchés de gros de téléphonie mobile, étant donné qu'ils offrent pour la première fois une prestation de terminaison d'appel vocal mobile et qu'en conséquence le présent projet de décision représente une première régulation de ces acteurs sur cette prestation.

Free Mobile

Free Mobile est une société du groupe Iliad, qui opère également sous la marque Free sur le marché français de la téléphonie fixe et du haut-débit, en tant que troisième acteur sur ces marchés. A son lancement, l'opérateur Free Mobile dispose donc d'une base de clients adressable grâce à ses activités sur le marché fixe.
L'Autorité reconnait cet avantage mais souligne que, disposer d'une base de clients adressable ne remet pas en cause son statut de nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile. En effet, avant son lancement début janvier 2012, Free Mobile n'opérait pas sur le marché de la téléphonie mobile. Il y a débuté, pour sa nouvelle activité, avec une base de clients nulle et est donc en deçà de l'échelle minimale efficace telle que définie par l'annexe de la recommandation.

Lycamobile

Lycamobile est une société du groupe paneuropéen du même nom. Le groupe Lyca opère en tant que MVNO dans onze pays européens où il dispose d'une base de [SDA] millions de clients.
Cette expérience dans d'autres pays est un avantage, mais ne remet pas en cause le statut de nouvel entrant de Lycamobile sur le marché de la téléphonie mobile française, sur lequel Lycamobile a lancé ses opérations en juillet 2011, avec une base de clients nulle. La part de marché de Lycamobile est ainsi toujours largement en deçà de l'échelle minimale efficace telle que définie par l'annexe de la recommandation.

Oméa Télécom

Le groupe Oméa Télécom opère plusieurs light-MVNO sur le marché de la téléphonie mobile français, mais ne maîtrise pas les cartes SIM des clients recrutés sur l'architecture light-MVNO. Une migration des clients de l'architecture light-MVNO vers l'architecture full-MVNO n'est donc pas possible sans remplacer la carte SIM de chacun des clients sur l'architecture light-MVNO. Une telle opération est coûteuse et chronophage et engendre, par ailleurs, un risque de départ du client au moment de la migration. Le processus de migration d'un client de l'architecture light-MVNO à l'architecture full-MVNO s'apparente donc à une nouvelle acquisition de clientèle.
De plus, le lien entre les conditions tarifaires du contrat de light-MVNO et les volumes de trafic rend une migration progressive des clients de l'architecture light-MVNO à l'architecture full-MVNO particulièrement coûteuse. En effet, dans l'hypothèse où les volumes de trafic sur l'activité light-MVNO viendraient à diminuer, les tarifs de gros pourraient être impactés à la hausse du fait de l'existence de mécanismes indexant les tarifs sur les volumes (sous différentes formes). Dans la phase de lancement de l'activité de full-MVNO, cela constitue un frein sérieux au fait de faire migrer ses clients dans la mesure où une telle migration progressive viendrait diminuer les volumes sur l'architecture light-MVNO et par conséquent augmenter significativement les tarifs applicables pour les clients restant sur cette architecture.
La base de clients existante sur l'architecture light-MVNO d'Oméa Télécom ne pouvant migrer qu'à un coût prohibitif, dans des délais longs et avec un risque important, il est pertinent de considérer les parcs de clients sur l'architecture light-MVNO et sur l'architecture full-MVNO comme appartenant à deux entités différentes du groupe Oméa Télécom.
L'Autorité relève que l'autorité de la concurrence reconnaît ces difficultés dans son avis n° 11-A-19 susvisé.
Ainsi, Oméa Télécom ne disposant d'aucun client sur son architecture d'opérateur autonome (full-MVNO), il est considéré comme un nouvel entrant à ce titre.
A cet égard, dans son avis n° 11-A-19, l'Autorité de la concurrence reconnaît pleinement le statut de nouvel entrant des full-MVNO concernés par le présent projet de décision, y compris pour Oméa Télécom. L'Autorité de la concurrence indique ainsi qu'elle « se félicite de l'arrivée de nouveaux entrants, en particulier du quatrième opérateur de réseau mobile et des opérateurs full MVNO ».
Enfin, on peut souligner que, quand bien même on confondrait la part de marché d'Oméa Télécom sur son architecture d'opérateur autonome et sur son modèle de light-MVNO, soit de l'ordre de [SDA] % au 31 décembre 2011, l'opérateur reste en deçà de l'échelle minimale efficace telle que définie par l'annexe de la recommandation.

6.3.4. Existence d'obstacles à l'entrée sur le marché

Comme l'Autorité l'a relevé dans son rapport de juillet 2010 sur l'impact de l'article 17 de la loi du 3 janvier 2008 (27) pour le développement de la concurrence au bénéfice des consommateurs, l'analyse de la situation du marché a permis de constater un maintien, voire une accentuation, de la fluidité limitée du marché mobile et des politiques fortes d'engagement et de réengagement.
L'Autorité avait relevé les faits suivants :
― une très légère augmentation des résiliations provenant de clients engagés auprès de leur opérateur (28) ;
― la croissance du marché de la téléphonie mobile grand public s'orientant de plus en plus vers des contrats de type postpayé, représentant 65 % à fin 2009 ;
― un manque de fluidité de ce segment du postpayé compte tenu de durées d'engagement longues, voire rigides, avec toujours de plus en plus de clients sous engagement :
― les ventes brutes d'abonnements postpayés avec engagement représentant 98 % des ventes brutes d'abonnement postpayées, parmi lesquelles 73 % correspondaient à un engagement supérieur à 1 an ;
― un plus grand nombre de ventes d'offres postpayées avec engagement et en particulier un engagement long, se traduit mécaniquement par une dégradation du parc d'abonnés libre d'engagement, qui ne représentait plus que 20 % au début de l'année 2010. En conséquence, 80 % des abonnés postpayés étaient engagés auprès de leur opérateur mobile, principalement pour une durée supérieure à douze mois.
En analysant les données collectées auprès des acteurs au cours des années 2010 et 2011, l'Autorité relève notamment qu'entre début 2010 et la fin du troisième trimestre 2011 :
― le taux de résiliation sur le segment du postpayé s'est maintenu entre 45 % et 50 % tout au long de l'année 2010. Ce phénomène s'est accru au premier trimestre 2011 pour atteindre 57 %, avant de revenir à 42 % puis 46 % au deuxième et troisième trimestre 2011. En effet, l'augmentation du taux de TVA survenu en cours d'année a, pendant un temps, été répercuté par Orange France et SFR. Cela a provoqué une hausse des prix, constitutive de modification significative de contrat, ce qui a donné l'opportunité aux clients de résilier leur abonnement sans frais ;
― le taux d'abonnements postpayés est resté stable autour de 67 % ;
― le taux de ventes brutes d'abonnements postpayés avec engagement s'est maintenu à plus de 95 %, tandis que le taux de ventes brutes avec engagement supérieur à 1 an est passé de 65 % à 83 % sur la période, avec un maintien autour de 80 % entre le troisième trimestre 2010 et le troisième trimestre 2011 ;
― le taux d'abonnés postpayés engagés auprès de leur opérateur, principalement pour une durée supérieure à douze mois, est resté stable autour de 80 %.
Parallèlement à leurs offres avec durées d'engagement, la plupart des opérateurs ont mis en place des programmes de réengagement et de fidélisation des clients. L'ensemble de ces pratiques sont décrites en détail dans les propositions et recommandations visant à améliorer les offres faites aux consommateurs de services de communications électroniques et postales publiées par l'ARCEP en février 2011.
Dans ce même document, l'Autorité a estimé que l'avènement des offres multiservices (internet + téléphone fixe + télévision + téléphone mobile) risquerait d'entraîner une propagation réciproque des freins au changement d'opérateur entre les services triple play et mobile. Ainsi, même si les offres multiservices présentent des avantages indéniables pour le consommateur, elles peuvent présenter des risques potentiels pour la concurrence en accentuant la rigidité du marché dans certaines circonstances.
Enfin, l'Autorité relève que le réseau de distribution est un des éléments clés dans la pénétration du marché mobile. Or, le terminal va encore jouer pendant plusieurs années un rôle important dans le choix de leurs offres, même si des offres sans terminaux, dont la commercialisation peut se faire notamment par internet, ont été lancées depuis peu, et vont se développer. De ce fait, les acteurs qui ne disposeraient pas ou très peu de boutiques physiques pourraient être pénalisés par rapport aux trois opérateurs historiques qui disposent de nombreux points de ventes physiques.
En outre, l'Autorité de la concurrence, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, constate la persistance de barrières à l'entrée sur le marché mobile : « A cet égard, si elle note avec satisfaction que des changements significatifs, matérialisés par l'arrivée de nouveaux acteurs et le lancement de nouvelles gammes d'offres, sont intervenus sur les marchés mobiles depuis le lancement de la première consultation publique de l'ARCEP initiant le troisième cycle d'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile, l'Autorité de la concurrence souligne que des barrières à l'entrée demeurent du fait du niveau élevé des charges de terminaison d'appel. » L'Autorité de la concurrence souligne à ce titre qu'« Il est par exemple difficile pour un acteur naissant souhaitant se positionner sur le segment des offres postpayées, de proposer des offres d'abondance sans mettre en péril ses soldes d'interconnexion qui dépendent à la fois de lui, mais également de la politique adoptée par ses concurrents. »
Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'Autorité estime que ses conclusions de février 2011 restent toujours valables, à savoir que le marché postpayé reste peu fluide compte tenu de durées d'engagement longues, voire se rigidifie, avec toujours plus de clients sous engagement.
L'Autorité estime donc que la présence d'obstacles qui pourraient entraver l'entrée et l'expansion sur le marché mobile est avérée.

6.3.5. Comparaison du coût incrémental de la terminaison d'appel vocal de l'opérateur générique
avec celui des opérateurs concernés par le présent projet de décision

Il convient de s'interroger sur le niveau des coûts incrémentaux unitaires de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, en tant que nouveaux acteurs sur le marché de gros de la terminaison d'appel mobile vocal, afin de déterminer s'il est plus élevé que celui de l'opérateur générique efficace modélisé. Dans cette démarche, l'Autorité s'attache à évaluer les facteurs pouvant écarter le niveau de coût incrémental de ces trois acteurs du niveau générique, au regard des principes de pertinence et d'efficacité qui guident son action en matière d'analyse des coûts.
Cette approche est conforme aux dispositions de l'article 10 de la recommandation de la Commission européenne. En effet, dans le cas de nouveaux entrants sur le marché de la téléphonie mobile, l'article 10 de la recommandation prévoit qu'il convient de déterminer si ceux-ci encourent « des coûts différentiels unitaires plus élevés que l'opérateur modélisé » (29).
Les sous-sections suivantes ont ainsi pour objectif de répondre à la question de l'existence d'une différence entre le coût incrémental de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom et le coût incrémental de l'opérateur générique efficace, étape par étape.
Le coût incrémental de l'opérateur générique efficace est évalué à 0,8 c€ par minute sur la période considérée par la décision de l'Autorité n° 2011-0483 susmentionnée. En vertu de cette décision, le plafond encadrant les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs mobiles déjà présents sur le marché atteindra ce niveau au 1er janvier 2013.
Le coût incrémental de terminaison d'appel vocal mobile de Free Mobile est une pondération, en fonction des volumes de trafic correspondants, entre :
― le coût incrémental de terminaison d'appel sur son propre réseau (cf. 6.3.5.1) ;
― le coût incrémental de terminaison d'appel en itinérance sur le réseau d'Orange France (cf. 6.3.5.2).
Le coût incrémental de terminaison d'appel vocal mobile de Lycamobile et d'Oméa Télécom est exclusivement composé d'un coût incrémental de terminaison d'appel en itinérance sur le réseau de leur opérateur hôte respectif (cf. 6.3.5.2).

6.3.5.1. Coût incrémental de la terminaison d'appel vocal en propre de Free Mobile

Le coût incrémental du trafic terminé en propre sur la boucle locale radio de Free Mobile n'est pas supérieur à celui de l'opérateur générique : il est tout au plus comparable et potentiellement inférieur.
Des coûts unitaires comparables et potentiellement inférieurs :
Les coûts de l'opérateur générique reposent sur les données constatées pour les opérateurs en place, et notamment sur leurs coûts unitaires.
Or, Free Mobile a commencé le déploiement de son réseau mobile en 2010, alors que les opérateurs mobiles historiques ont initié leurs premiers déploiements GSM près de vingt ans auparavant et leurs déploiements de réseaux mobiles de technologie 3G, plus de cinq ans auparavant.
Le progrès technique des technologies de réseau mobile impliquant des baisses de coûts et des gains d'efficacité appréciables chaque année, les coûts d'équipement du réseau de Free Mobile sont logiquement inférieurs à ceux encourus par les opérateurs mobiles historiques.
D'autres facteurs peuvent cependant contrebalancer cet effet, notamment : l'augmentation du coût des personnels spécialistes des technologies mobiles ― généralement constatée, et particulièrement notable à l'occasion d'une nouvelle entrée sur le marché, ou encore les difficultés pour accéder aux sites pertinents pour l'implantation d'antennes, qu'il s'agisse d'équipements de couverture ou de montée en capacité, causées notamment par la présence des trois opérateurs historiques sur certains de ces sites.
Un réseau moins rempli :
La capacité totale disponible sur le réseau d'un opérateur commençant ses opérations n'est pas totalement exploitée. En particulier, les premières années, l'opérateur déploie un important réseau de couverture, dont le coût est non évitable, donc non incrémental au trafic entrant, mais dont la capacité inexploitée peut néanmoins être utilisée pour ce même trafic entrant (et donc à coût incrémental nul).
Par conséquent, le coût incrémental en propre d'un opérateur en phase de lancement aura tendance à être inférieur au coût incrémental d'un opérateur ayant atteint une phase de maturité. Cette sensibilité du coût incrémental de la terminaison d'appel vocal au volume de trafic total sur le réseau a notamment été relevée dans l'analyse présentée dans la consultation publique sur le modèle technico-économique des coûts de réseau d'un opérateur mobile métropolitain calibré, menée du 22 décembre 2010 au 31 janvier 2011, laquelle précise que le coût incrémental de la terminaison d'appel vocal mobile augmente lorsque les volumes de trafic augmentent et inversement baisse lorsque les volumes de trafic se réduisent.
Conclusion :
Le coût incrémental de terminaison d'appel vocal sur le propre réseau de Free Mobile ne présente pas de surcoût par rapport au coût incrémental générique efficace. Conformément aux principes appliqués aux autres opérateurs mobiles, il apparait donc pertinent de prendre le coût incrémental générique efficace comme référence pour le coût incrémental en propre de Free Mobile.

6.3.5.2. Coût incrémental de la terminaison d'appel
en itinérance de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom

Free Mobile, lors des premières années de son activité commerciale, Lycamobile et Oméa Télécom, de manière pérenne, ont recours à l'accès au réseau d'un autre opérateur mobile afin de fournir leurs services à leurs clients de détail. Comme vu au 1.1.2, il s'agit de l'opérateur Orange France dans le cas de Free Mobile, de Bouygues Telecom dans le cas de Lycamobile et de SFR dans le cas d'Oméa Télécom. En terminant un appel vers un de ses clients, dont le numéro est ouvert à l'interconnexion sur son réseau, Free Mobile aura ainsi parfois recours à la boucle locale radio d'Orange France, dans des proportions qui devraient s'amenuiser au fil du temps. En terminant un appel vers un de ses clients, dont le numéro est ouvert à l'interconnexion sur son réseau, Lycamobile et Oméa Télécom auront systématiquement recours à la boucle locale radio de leur opérateur hôte (respectivement Bouygues Telecom et SFR), de manière pérenne, mais dans des conditions contractuelles et tarifaires susceptibles de varier dans le temps.
Le coût incrémental de la terminaison d'appel vocal en itinérance de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom se compose :
― de coûts internes supportés sur leurs propres réseaux (cf. 6.3.5.2.1) ;
― de coûts liés à l'accès au réseau d'un opérateur hôte ou d'itinérance (cf. 6.3.5.2.2).

6.3.5.2.1. Coût incrémental en propre de la terminaison d'appel vocal en itinérance

Lors de la terminaison d'un appel en itinérance sur le réseau radio de leur opérateur hôte, Free Mobile tout comme les full-MVNO supportent un coût interne sur leur propre cœur de réseau. Ce coût correspond à un coût de transit et d'utilisation des plates-formes, serveurs et commutateurs.
Il a été démontré ci-avant en 6.3.5.1 que le coût incrémental en propre d'un nouvel entrant ne présente pas de surcoût par rapport au coût incrémental de l'opérateur générique et que cette référence reste donc pertinente pour évaluer les coûts en propre de ces acteurs.
Etant donné qu'il est possible d'isoler, dans cette référence de coûts, la part correspondant à l'utilisation du cœur de réseau d'un opérateur générique efficace, c'est donc cette part du coût incrémental générique qui sera retenue comme pertinente.

6.3.5.2.2. Coût incrémental lié à la prestation d'itinérance
de la terminaison d'appel vocal en itinérance

Les conditions d'accès, et notamment les conditions économiques, ont un impact sur le coût global du service de terminaison d'appel vocal fourni sur leurs marchés de gros respectifs par Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom. Ces conditions sont négociées commercialement par ces trois opérateurs avec leurs opérateurs hôtes ou d'itinérance respectifs.
Ainsi, le coût incrémental de la terminaison d'appel fournie en ayant recours aux services de ces opérateurs dépend, entre autre, des niveaux tarifaires et de la structure tarifaire résultant de la négociation commerciale. En fonction de ces éléments, et en particulier en fonction de la répartition entre tarification forfaitaire et tarification à la minute de l'accès, la prestation de terminaison d'appel vocal fournie en ayant recours à cet accès pourra ainsi correspondre à un coût incrémental différent pour chaque opérateur ayant recours à l'itinérance pouvant même tendre, dans un cas théorique où la tarification serait uniquement forfaitaire, vers zéro.
Par ailleurs, ces conditions d'accès peuvent être sujettes à renégociation et donc évoluer dans le temps. De telles renégociations pourraient notamment être la conséquence des encadrements tarifaires réglementaires. Ces différents éléments doivent conduire à appréhender les coûts découlant de ces conditions d'accès avec certaines précautions.
Les coûts découlant de ces conditions d'accès représentent néanmoins dans la pratique, pour les opérateurs qui y ont recours, un coût supérieur par rapport au coût générique, dans la mesure où l'itinérance fait intervenir un acteur supplémentaire dans la chaine de production du service de terminaison d'appel (i.e. l'opérateur hôte ou d'itinérance).
La prise en compte de ce coût respectivement pour un nouvel opérateur de boucle radio mobile et pour un nouveau full-MVNO est donc discutée en détail ci-après.
Pertinence de la prise en compte des coûts de l'itinérance pour un nouvel opérateur de réseau mobile :
Le marché métropolitain de la téléphonie mobile est désormais un marché développé, tant au niveau de la pénétration que de la couverture de la population par les opérateurs de réseau en place. Si, au début de ce marché, notamment au milieu des années 90, il pouvait être perçu comme acceptable, par les clients sur la marché de détail, de n'avoir qu'un accès partiel aux services de téléphonie mobile, en 2012 un opérateur mobile ne pourrait pas se lancer sur le marché grand public sans une couverture de service large, au risque de voir son image de marque et la perception de la qualité de ses services sérieusement endommagées.
Ainsi, comme vu au paragraphe 6.3.2, un nouvel opérateur de réseau mobile sur le territoire métropolitain devra nécessairement avoir recours à l'accès au réseau d'un opérateur mobile tiers, en vue d'assurer la continuité de ses services au cours de la période transitoire pendant laquelle il déploie son réseau de couverture. En théorie, l'opérateur pourrait faire le choix de déployer d'abord totalement son réseau, puis de lancer ses services. Mais outre le fait qu'une telle approche n'a jamais été observée sur les marchés de télécommunications, elle a l'inconvénient prohibitif de retarder le lancement commercial de plusieurs années et d'entraîner pendant cette période des investissements très importants sans aucun retour, et donc une augmentation significative du risque associé.
Ainsi, le fait de ne pouvoir proposer au détail, dès l'ouverture commerciale du service, une offre vocale couvrant une partie substantielle du territoire métropolitain constituerait un handicap concurrentiel dirimant. A cet égard, le Conseil d'Etat relève que l'itinérance au bénéfice du nouvel entrant trouve sa justification notamment dans « la nécessité d'offrir aux nouveaux opérateurs qui se verraient, le cas échéant, attribuer une licence pour l'exploitation d'un réseau de téléphonie mobile en norme 3G, la possibilité de bénéficier d'une telle prestation afin de concurrencer de façon effective les opérateurs qui exploitent conjointement un réseau en norme 2G et un réseau en norme 3G (30) ». Le Conseil d'Etat souligne ainsi la nécessité du droit à l'itinérance sur le territoire métropolitain « pour permettre l'entrée sur le marché de la téléphonie mobile d'un opérateur ne disposant, comme cela devait être le cas d'un nouvel entrant, que d'une autorisation 3G et non, en outre, comme les opérateurs existants, d'une autorisation d'exploitation d'un réseau en norme 2G (31) ».
Toutefois, pour la préservation de l'équilibre concurrentiel et pour inciter le nouvel entrant à véritablement investir dans le déploiement de son propre réseau 3G, Free Mobile doit, pour bénéficier de l'itinérance, assurer une couverture pour le service vocal d'au moins 25 % de la population en France métropolitaine. En outre, Free Mobile est lui-même tenu à des obligations de couverture inscrites dans son autorisation et doit, à ce titre, respecter un rythme minimal de déploiement de son réseau (32). Enfin, l'exercice de ce droit à l'itinérance sur le réseau 2G est limité à une période de six ans à compter de la date d'attribution de l'autorisation 3G. Dès lors que Free Mobile est tenu d'ouvrir commercialement son service deux ans après l'attribution de son autorisation 3G (soit au plus tard le 12 janvier 2012), il ne bénéficiera de l'obligation s'imposant aux opérateurs de réseaux mobiles tiers d'accorder l'itinérance que pendant quatre ans après son lancement commercial.
Le recours à l'itinérance est ainsi nécessaire à l'entrée sur le marché, tout en étant structurellement décroissant au fil du temps tant en raison des obligations de couverture que des incitations économiques fortes à déployer qui pèsent sur Free Mobile.
Le recours temporaire et partiel à l'itinérance, dans les limites temporelles et spatiales strictement nécessaires au complément du déploiement réglementairement imposé à Free Mobile, peut donc être considéré comme efficace pendant la période de plusieurs années au cours de laquelle l'opérateur déploie son réseau et développe en parallèle ses activités sur le marché de détail. L'itinérance représente logiquement un coût lié au statut de nouvel entrant, dont il convient de tenir compte, notamment au regard de la recommandation de la Commission européenne.
Pertinence de la prise en compte des coûts d'accès au réseau de l'opérateur hôte pour un nouveau full-MVNO :
Comme vu au paragraphe 6.3.2, le modèle full-MVNO repose sur l'utilisation permanente et durable de l'accès au réseau d'un opérateur hôte. De ce fait, la capacité de l'opérateur à faire jouer la concurrence sur le marché de l'accès, en utilisant la possibilité de faire migrer sa base de clients d'un réseau d'accès à l'autre, est essentielle. Les full-MVNO doivent donc nécessairement développer la capacité d'avoir recours à un ou plusieurs accès au réseau d'un ou plusieurs opérateurs hôtes.
En revanche, la possibilité de faire migrer la base de clients du full-MVNO d'un réseau d'accès à l'autre n'apparaît qu'à partir du moment où celui-ci dispose d'une base de clients significative sur son architecture d'opérateur autonome.
Ainsi, un opérateur lançant des opérations de full-MVNO devra nécessairement passer par une phase de montée en puissance de son pouvoir de négociation. Ce n'est qu'à l'issue de cette période transitoire au cours de laquelle il constitue sa clientèle que ses conditions économiques d'accès au réseau de son (ou de ses) opérateur(s) hôte(s) pourront devenir plus avantageuses.
Ce constat est d'autant plus vrai aujourd'hui alors qu'apparaissent les premiers full-MVNO et que le marché de l'accès pour ces full-MVNO est naissant et nécessairement accompagné d'une phase d'apprentissage et de maturation, caractérisée par une asymétrie d'information importante au détriment des candidats full-MVNO venant s'ajouter aux contraintes de la phase de lancement traversée à titre individuel par chaque full-MVNO.
Par ailleurs, les engagements sur les conditions d'accueil des MVNO, notamment tarifaires, pris, d'une part, par Free Mobile dans le cadre de l'attribution de la quatrième licence puis, d'autre part, par les quatre opérateurs de réseau dans le cadre de l'attribution des fréquences dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz ne seront que pleinement effectifs qu'à compter de 2013 au plus tôt, soit le temps pour Free Mobile d'avoir un réseau suffisamment déployé et pour les réseaux 4G d'être ouvert commercialement (l'obligation ne rentrant en vigueur qu'au moment de l'utilisation effective des fréquences).
Ainsi, s'il peut apparaître fondé de tenir compte du coût engendré par cet accès, ce n'est que pendant une période transitoire dans le contexte actuel de l'émergence des premiers opérateurs full-MVNO et dans une période où les obligations liées aux licences 4G ne sont pas encore entrées en vigueur.
Par ailleurs, seule une certaine proportion de ce coût pourra être prise en compte. En effet, dès lors que ces opérateurs ont eu la possibilité d'acquérir des fréquences mais ont fait le choix stratégique d'entrer sur le modèle full-MVNO, le coût pris en compte ne doit pas dépasser celui d'une entrée avec acquisition de fréquences et déploiement d'un réseau en propre qui constitue le scénario d'entrée le plus efficace. Le constat des difficultés à l'entrée des full-MVNO ne remet ainsi pas en cause la définition du modèle d'entrée efficace et du coût générique associé dont il est question dans la suite de cette sous-partie.
Principe et intérêts de l'évaluation du coût incrémental lié à la prestation d'itinérance en fonction des coûts efficaces d'un accès générique, au sein du scénario d'entrée le plus efficace :
La nécessité d'accéder au réseau d'un opérateur tiers représente un coût contraint dans les premières années, dont une partie peut donc être prise en compte dans la définition de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile, dans le cas particulier d'une nouvelle entrée sur le marché.
Les conditions d'accès de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom en vigueur à ce jour, résultant de négociations commerciales entre deux parties, et dont l'Autorité dispose, présentent [SDA]. Il revient à l'Autorité, afin de tenir compte, d'une part, pertinente du coût lié à cet accès, d'évaluer quels seraient les coûts efficaces d'un accès générique au réseau d'un opérateur tiers pour un nouvel entrant générique efficace.
Les coûts efficaces ainsi définis équivalent aux coûts incrémentaux efficaces supportés par un opérateur ayant recours à l'accès au réseau d'un opérateur tiers pour chaque minute de communication vocale à destination de chacun de ses abonnés. Ces coûts incrémentaux efficaces en itinérance seront ensuite considérés comme supportés dans les conditions d'entrée les plus efficaces, c'est-à-dire en complément de la mise en place d'un réseau radio en propre et donc dans des proportions décroissantes au fil du temps, selon une courbe issue des obligations de déploiement et de couverture imposées à un nouvel entrant générique efficace.
Le recours aux « coûts efficaces d'un d'accès générique au réseau d'un opérateur tiers », tant par son caractère générique ― et donc distinct des conditions économiques d'accès individuelles de chacun des acteurs concernés ― que par son caractère efficace, présente ainsi l'avantage de ne pas avoir d'effet de rétroaction que ce soit sur les conditions économiques de ces contrats individuels ou par effet de circularité sur les niveaux de terminaison d'appel qui en résultent.
En particulier :
― un acteur ayant négocié des conditions d'accès coûteuses, sous-efficaces, ne pourra pas faire porter le poids de cette inefficacité aux autres opérateurs au travers d'un tarif de terminaison d'appel élevé étant donné que ces conditions d'accès ne seront pas considérées comme efficaces ;
― a contrario, une baisse des coûts d'accès n'ayant pas de répercussion sur le niveau des tarifs de terminaison d'appel, les opérateurs hébergés conservent toutes les incitations à négocier les meilleures conditions possibles ;
― enfin, cela permet de prévenir toute stratégie concertée entre un nouvel entrant et son opérateur hôte visant à obtenir un tarif de terminaison d'appel élevé au moyen de conditions d'accès coûteuses, en vue de se partager les revenus afférents.
De la même manière, pour déterminer la proportion de trafic terminée au moyen de l'itinérance, le recours à une courbe issue des obligations de déploiement et de couverture imposées à un nouvel entrant générique efficace, apparaît pertinent afin d'inciter à l'efficacité. En retenant un rythme de déploiement efficace et indépendant du rythme réel de déploiement constaté pour l'opérateur, on évite le risque d'une compensation trop importante liée à un recours excessif à l'itinérance du fait de retards à l'investissement.
A titre incident, il est utile de noter que, même si un opérateur couvrait via le tarif de terminaison d'appel tous ses coûts induits par l'itinérance pour le trafic de terminaison d'appel en itinérance, il conserverait néanmoins toujours des incitations fortes à obtenir les coûts d'accès les plus bas et à y recourir dans les proportions les plus faibles possibles. En effet, il subit ces mêmes coûts dans des conditions et des proportions identiques pour les appels sortants, qui représentent pour un nouvel entrant des volumes très généralement supérieurs au trafic entrant. Il ne peut être conclu qu'un tarif de terminaison d'appel prenant en compte ces coûts désinciterait l'opérateur à s'affranchir de l'itinérance.
Evaluation du coût incrémental lié à la prestation d'itinérance en fonction des coûts efficaces d'un accès générique :
Les contrats d'accès de l'ensemble des acteurs concernés sont mis à la disposition de l'Autorité en vertu des articles L. 32-4 et D. 98-11 du CPCE. L'Autorité dispose ainsi des contrats d'accès existants et est informée de la signature de nouveaux contrats et de la rupture éventuelle de certains contrats.
Afin de bénéficier du meilleur niveau d'information possible dans le cadre de cette analyse de marché, l'Autorité impose, par la présente décision, à Free Mobile, Lycamobile et Oméa Telecom, sur le fondement de l'article D. 98-11 (1°, d), de l'informer dans un délai de sept jours des modifications de leurs contrats d'accès existants, de la signature de nouveaux contrats ou de l'éventuelle résiliation de leurs contrats et de lui communiquer les documents pertinents tels que les avenants annexés à leur contrat d'accès.
En conséquence, l'Autorité dispose d'une information complète et permanente sur les conditions économiques de l'accès au réseau d'un opérateur tiers sur le marché de la téléphonie mobile. Ces conditions restent néanmoins soumises au secret des affaires et ne sont par conséquent pas communicables.
C'est au regard de l'ensemble des éléments d'information restitués par les acteurs du marché concernant leurs conditions d'accès ainsi que des résultats du modèle de l'opérateur générique efficace que l'Autorité définit les coûts efficaces d'un accès générique couvrant les années 2012 et 2013.
A cette fin, l'Autorité a notamment analysé les conditions économiques de ces contrats d'accès, s'agissant tant de leur structure (différentes formes de coûts fixes et de coûts variables) que de leurs niveaux. Cette analyse a permis de mettre en avant les conditions les plus avantageuses économiquement pour la prestation de voix, évaluées pour un volume correspondant au strict besoin de complément transitoire d'un réseau déployé en propre.
Ces conditions économiques caractérisent ainsi le maximum d'efficacité qu'a pu atteindre un opérateur nouvel entrant dans sa négociation avec son (ou ses) éventuels futur(s) opérateur(s) hôte(s). Il ne paraît pas fondé de défendre qu'un acteur aurait pu ou aurait dû obtenir des conditions économiques plus favorables que celles-ci, dès lors que les incitations à obtenir les conditions économiques les plus avantageuses sont caractérisées, ainsi que souligné plus haut, et que des telles conditions n'ont pas pu être obtenues. C'est d'ailleurs l'opinion exprimée par l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 11-1-19 qui souligne à cet égard qu'« il y a toutes les raisons de penser que les tarifs de gros amont actuels résultent d'un processus d'achat efficace de la part des nouveaux entrants et qu'ils peuvent donc être pris en compte à court terme dans l'appréciation de leurs coûts de terminaison des appels ».
Le niveau de ces conditions économiques a donc servi de référence à la détermination des coûts efficaces d'un accès générique.
A partir de ce niveau et au regard des différentes structures tarifaires des différents contrats d'accès dont elle dispose, l'Autorité estime pertinent et efficace au regard des coûts de production sous-jacents que ces conditions économiques se décomposent en une structure comportant à la fois une part de coûts fixes, indépendants du trafic, et des coûts variables, directement dépendants du trafic. Les coûts fixes, indépendants du trafic, n'interviennent donc pas dans le coût incrémental de terminaison d'appel lié à la prestation d'itinérance. A contrario, les coûts variables constituent pour l'opérateur le coût incrémental lié à la prestation d'itinérance ; ils viendront en sus des autres coûts pertinents (en propre) dans la détermination des coûts incrémentaux liés à la terminaison d'appel en itinérance.
Par ailleurs, ces conditions économiques ont été confrontées aux résultats du modèle de coût d'un opérateur générique efficace afin de s'assurer de l'adéquation entre les coûts efficaces de production de la prestation pour l'opérateur hôte ou d'itinérance et les conditions économiques d'accès à cette prestation pour le nouvel entrant générique efficace. Le niveau des coûts résultant de cette confrontation a servi de référence aux coûts efficaces d'un accès générique.
Cette méthode apparaît la plus appropriée pour évaluer les coûts incrémentaux efficaces en itinérance.
Les coûts efficaces résultant de cette évaluation ne sont pas communiqués aux acteurs du marché afin de ne pas influer sur les négociations commerciales entre opérateurs et, en particulier, ne pas constituer un plancher freinant les négociations entre opérateurs hôtes et opérateurs hébergés.
Proportion de trafic terminée en itinérance :
Les obligations de couverture minimale, pour le service de voix, qui étaient inscrites dans l'appel à candidatures pour la quatrième licence 3G de téléphonie mobile prévoyaient que les niveaux de couverture de population suivants devaient être atteints : 25 % puis 80 % de la population respectivement deux ans et huit ans après l'attribution de l'autorisation d'utilisation de fréquences.
En complément, les candidats devaient s'engager dans leur dossier de candidature sur des taux de couverture pour les échéances de deux ans, cinq ans et huit ans au moins égaux à ceux susmentionnés s'agissant de la première et de la dernière échéance.
L'Autorité estime que les engagements pris par Free Mobile dans son dossier de candidature et repris dans son autorisation d'utilisation de fréquences (27 % [à deux ans], 75 % [à cinq ans] puis 90 % [à huit ans]) correspondent à un niveau de déploiement efficace, sensiblement équivalent à celui de l'opérateur générique efficace métropolitain tel que prévu dans le modèle technico-économique des coûts de terminaison d'appel. En ce qui concerne le rythme de déploiement, l'Autorité estime efficace que la courbe issue du rythme de déploiement permettant de répondre aux obligations de couverture susmentionnées soit de forme convexe, soit plus rapide pendant les premières années de déploiement.
Le nouvel entrant générique efficace aura donc recours à l'accès en itinérance (pour les appels entrants comme sortants) pour le seul complément de couverture qu'il n'atteint pas en propre sur son réseau.
Toutefois, le nouvel entrant fait face à certaines contraintes qui pourraient être susceptibles, à tout le moins au début de son déploiement, d'augmenter la proportion de trafic terminée en itinérance.
L'Autorité rappelle que les fréquences acquises par le nouvel entrant ne lui permettent que de déployer un réseau 3G et non pas un réseau 2G. Ainsi, tous les abonnés de l'opérateur qui seront équipés d'un terminal 2G communiqueront intégralement en itinérance sur le réseau de l'opérateur hôte.
Les fréquences 3G acquises se divisent en une bande de 5 MHz duplex dans la bande 2,1 GHz (utilisables dès l'attribution de son autorisation, soit depuis le 12 janvier 2010) et une bande de 5 MHz duplex dans la bande 900 MHz (utilisables sur le territoire métropolitain en dehors des zones très denses depuis le 12 juillet 2011 et en zones très denses à compter du 1er janvier 2013).
Les caractéristiques de propagation de ces deux bandes de fréquences sont très différentes : à puissance équivalente, la bande 900 MHz permet de couvrir une superficie du territoire plus importante et de mieux pénétrer à l'intérieur des bâtiments. Ainsi, il peut être considéré qu'un déploiement efficace, notamment d'un point de vue technique et économique, résulte en une utilisation de la bande 900 MHz en zones rurales et peu denses pour des raisons de couverture et en zones denses et très denses pour des raisons de pénétration.
Or, en vertu de son autorisation d'utilisation de fréquences 3G, Free Mobile ne peut utiliser les fréquences de la bande 900 MHz, depuis son ouverture commerciale, qu'en dehors des zones très denses. L'opérateur ne pourra utiliser ces fréquences en zones très denses qu'à compter du 1er janvier 2013. De telles contraintes, imposées à Free Mobile, sont liées à la libération par les opérateurs historiques des fréquences nécessaires pour l'attribution au nouvel entrant du bloc de 5 MHz dans la bande 900 MHz. Elles permettent, pour partie, d'expliquer le faible niveau de pénétration du réseau 3G de Free Mobile à l'intérieur des bâtiments dans les agglomérations et, par suite, le fort niveau de trafic des appels des clients de Free Mobile en zones très denses passant sur le réseau de l'opérateur hôte.
De plus, le parc de terminaux 3G évoluant dans la bande 900 MHz est encore, en proportion du parc total de terminaux, relativement faible. Ainsi, dans le cas où un abonné du nouvel entrant se trouve sous couverture 3G 900 (en 2012, uniquement en zones rurales ou peu denses), mais sans le terminal compatible, alors le trafic qu'il émet ou reçoit passe également intégralement en itinérance sur le réseau de l'opérateur hôte.
Enfin, pendant le début du déploiement, la couverture du nouvel entrant sera par définition moins dense que celle de l'opérateur avec lequel il a signé le contrat d'itinérance et, de ce fait, un abonné en mobilité pourra être amené à passer d'une zone de couverture de l'opérateur hôte à une zone de couverture du nouvel entrant sans pour autant que son terminal ne resélectionne immédiatement le réseau du nouvel entrant, de telle sorte qu'une partie du trafic généré par cet abonné transite en itinérance sur le réseau de l'opérateur hôte.
L'Autorité estime donc que, dans la phase de démarrage du déploiement, la proportion de trafic en itinérance peut être considérée comme supérieure au seul complément de couverture du réseau en propre du nouvel entrant générique efficace au regard de ses obligations de couverture.
Toutefois, l'Autorité doit se baser non sur le déploiement réel de l'opérateur en cause mais sur un déploiement efficace qui peut être atteint par cet opérateur, afin d'écarter une compensation trop importante qui serait due à un recours excessif à l'itinérance résultant de choix volontairement arbitrés par l'opérateur. Une telle approche conduit à atténuer certains des effets précédemment cités.
6.3.6. Prise en compte des commentaires des acteurs formulés en réponse aux consultations publiques relatives aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la recommandation de la Commission européenne

6.3.6.1. Sur le statut de nouvel entrant

Comme détaillé en annexe B (B-3.1), les opérateurs historiques considèrent qu'aucun des opérateurs concernés par la présente décision ne peut être considéré comme un nouvel entrant au sens de la recommandation de la Commission européenne. A contrario, les opérateurs alternatifs estiment tous devoir être considérés comme des nouveaux entrants.
L'Autorité entend maintenir sa position en considérant que Free Mobile et les full-MVNO sont des nouveaux entrants au sens de la recommandation de la Commission européenne et renvoie à son argumentaire dans la partie 6.3.3.

6.3.6.2. Sur l'existence d'obstacles à l'entrée sur le marché

Comme détaillé en annexe B (B-3.2), l'existence d'obstacles sur le marché de détail est confirmée par les opérateurs alternatifs, mais réfutée par les trois opérateurs historiques.
L'Autorité a mis à jour son analyse de la situation concurrentielle du marché avec les dernières données dont elle dispose, datant du troisième trimestre 2011. L'Autorité maintient sa position en considérant que l'existence d'obstacles à l'entrée sur le marché était avérée et renvoie à son argumentaire dans la partie 6.3.3. L'Autorité estime, en outre, que Free Mobile a dû proposer des tarifs de détails très agressifs, des offres sans engagements et SIM Only afin d'attirer les clients, et notamment ceux déjà clients d'un opérateur concurrent. Par ailleurs, les opérateurs historiques ont largement communiqué sur le fait qu'ils n'avaient perdu que de l'ordre de 1 % de leur parc, grâce à leur réplique rapide sur leurs offres « low cost ». Enfin, l'Autorité estime que ces obstacles sont également présents pour les full-MVNO non encore actifs commercialement à ce stade.

6.3.6.3. Sur la comparaison du coût incrémental de la terminaison d'appel vocal
de l'opérateur générique avec celui des opérateurs concernés par le présent projet de décision

Sur le coût de la terminaison d'appel vocale en propre de Free Mobile :
Bouygues Télécom partage l'analyse de l'ARCEP qui conduit à considérer qu'un nouvel entrant ne subit pas sur son réseau en propre des coûts incrémentaux supérieurs à ceux de l'opérateur générique efficace.
Pour sa part, Free Mobile considère que ses coûts incrémentaux de terminaison d'appel sur son réseau propre seront sensiblement supérieurs à ceux des opérateurs historiques.
L'Autorité estime que ces éléments ne remettent pas en cause son analyse développée précédemment.
Sur le coût de la terminaison d'appel vocale en itinérance des nouveaux entrants :
Comme détaillé en annexe B (B-3.3), les opérateurs historiques estiment, pour diverses raisons, que les nouveaux entrants, dans une référence aux coûts incrémentaux de long terme, ne feront pas face à des coûts unitaires plus élevés que ceux de l'opérateur hôte pour la partie liée à l'itinérance et qui échapperaient à leur contrôle. A l'inverse, les opérateurs alternatifs rappellent le caractère subi et non choisi de ces coûts, qui sont par ailleurs pour une grande part variables et donc incrémentaux au trafic entrant.
Au vu des éléments avancés, l'Autorité indique, comme exposé précédemment, que pour s'en tenir à une stricte compensation de coûts efficaces et contraints :
― elle est partie des conditions économiques d'accès les plus avantageux économiquement pour la prestation de voix, spécifiquement pour un volume correspondant au strict besoin de complément transitoire d'un réseau déployé en propre ;
― elle a retenu une structure comportant à la fois une part de coûts fixes et des coûts variables, correspondant à un opérateur qui ne recherche pas des coûts purement variables, mais investit durablement en recherchant des coûts unitaires incrémentaux plus faibles ;
― elle a confronté le résultat au modèle de coût d'opérateur générique efficace.
Concernant la pondération entre le coût en propre du nouvel entrant et le coût lié à l'accès en itinérance, l'Autorité a retenu à la fois un déploiement de réseau efficace et un rythme de déploiement efficace pour supprimer le risque d'une compensation trop importante liée à un recours excessif à l'itinérance.

6.3.7. Conclusions

Au regard des éléments présentés dans cette section, les critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de l'article 10 de la recommandation de la Commission européenne justifient la fixation d'une asymétrie transitoire pour ces opérateurs.
A cet égard, la première phrase de l'article 9 de la recommandation prévoit que la fixation d'un tarif asymétrique peut être justifiée sans condition de durée « par des différences de coût objectives échappant au contrôle des opérateurs concernés ». Le coût lié aux conditions d'accès au réseau de leur opérateur hôte ou d'itinérance de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Telecom pourrait ainsi entrer dans ce cadre en raison du recours contraint de ces opérateurs à l'itinérance. Toutefois, cet article visant des hypothèses pérennes de différences de coûts, l'Autorité estime disproportionné de se fonder sur cet article pour justifier l'asymétrie de terminaison d'appel mobile, eu égard au caractère transitoire du surcoût subi par les acteurs concernés (cf. 6.3.5.2.2).
Il ressort ainsi des développements précédents que l'existence d'obstacles à l'entrée et l'expansion sur le marché de détail est avérée et que ces nouveaux entrants subissent également un coût structurel au cours des premières années d'exploitation, en raison de leur recours contraint à l'itinérance.
L'Autorité souligne que ses conclusions concernant la prise en compte des conditions économiques d'accès sont partagées par l'Autorité de la concurrence qui, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, « relève qu'il y a toutes les raisons de penser que les tarifs de gros amont actuels résultent d'un processus d'achat efficace de la part des nouveaux entrants et qu'ils peuvent donc être pris en compte à court terme dans l'appréciation de leurs coûts de terminaison des appels, [...] ».
La prise en compte d'une partie du coût lié au contrat d'accès repose ainsi sur la définition des coûts efficaces d'un accès générique, identiques pour les trois opérateurs concernés par le présent projet de décision. Une situation d'entrée efficace sur un même marché ne doit, en effet, pas être dépendante des conditions négociées commercialement par chaque acteur.
De plus, il convient de tenir compte du fait qu'une partie croissante du trafic de Free Mobile doit être terminée en propre sur son réseau au fil du temps et que la prise en compte d'une part du coût lié aux conditions d'accès doit être pondérée par une répartition entre trafic terminé en itinérance et trafic terminé en propre résultant d'un déploiement effectué par un opérateur efficace.
Cette pondération conduit à une décroissance progressive du coût lié à l'itinérance pris en compte, à mesure que l'opérateur déploie son réseau. Par ailleurs, l'alignement de l'évolution du coût des full-MVNO sur cette pondération permet de prendre en compte l'amélioration de leur pouvoir de négociation à mesure que leur base de clients croît et que les conditions sur le marché de gros s'améliorent et de réduire ainsi progressivement l'asymétrie correspondante dans une logique de compensation transitoire.
Enfin, au regard du caractère générique de l'évaluation des coûts encourus par ces nouveaux acteurs, l'Autorité souligne que, dans le cas où d'autres opérateurs mobiles virtuels entreraient sur le marché et ouvriraient des numéros mobiles à l'interconnexion sur leurs réseaux, les principes et résultats détaillés ci-dessus resteraient valables, résultant notamment, sauf circonstances spécifiques, en un encadrement tarifaire identique dans son calendrier et dans ses niveaux à celui défini dans la présente décision. Le plafond de terminaison d'appel qui leur serait appliqué serait celui en vigueur à cette date pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, tel que défini à la partie 6.5.3.
6.4. Les critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la position commune du GRE et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009
La recommandation de la Commission européenne du 7 mai 2009 portant sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne a, pour une large part, repris et étendu les préconisations de la position commune du GRE du 12 mars 2008 sur la symétrie des services de terminaison d'appel fixe et la symétrie des services de terminaison d'appel mobile. Cette recommandation s'appliquera pleinement à partir du 1er janvier 2013, date à laquelle les tarifs de terminaison d'appel devront avoir atteint les coûts incrémentaux d'un opérateur générique efficace.
Dans l'intervalle, et tant que les terminaisons d'appel n'ont pas encore atteint le niveau des coûts incrémentaux, certaines préconisations de la position commune du GRE restent valables. C'est en particulier le cas de celles portant sur les déséquilibres élevés de trafic amenant à des déséquilibres financiers importants dans les soldes d'interconnexion, en raison d'un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents et la possibilité de fixer une asymétrie tarifaire transitoire afin d'en compenser les conséquences concurrentielles indésirables.
Dès lors que les tarifs de terminaison d'appel auront atteint les coûts incrémentaux au 1er janvier 2013, ces éléments perdront tout fondement. Mais en l'état actuel d'un écart existant entre les tarifs et les coûts, écart qui persistera tout au long de l'année 2012, ces éléments restent fondés.
Sur la base de la position commune du groupe des régulateurs européens (GRE ― aujourd'hui remplacé par l'ORECE) et de la décision du Conseil d'Etat en date du 24 juillet 2009, présentées dans les parties 1.2.2 et 1.2.3, il convient ainsi également de vérifier si ces nouveaux acteurs vont subir des déséquilibres de trafic amenant à des déficits financiers importants dans les soldes d'interconnexion. En effet, cette position commune préconise la symétrie des tarifs de terminaison d'appel, mais considère l'asymétrie acceptable dans certains cas, position validée par la décision du Conseil d'Etat susmentionnée. A titre de rappel, dans sa décision n° 2010-1149 précitée, l'Autorité avait considéré que, « dans le cas d'un opérateur présentant des déséquilibres de trafic d'interconnexion, il est nécessaire de maintenir transitoirement, tant que les tarifs de terminaison d'appel ne sont pas aux coûts, une asymétrie du plafond tarifaire de cet opérateur. Cependant, dans la mesure où cela est compatible avec le principe de proportionnalité des baisses imposées à un opérateur, l'asymétrie fixée à cet égard ne devrait pas aboutir à une compensation totale de la contrevaleur monétaire des déséquilibres de trafic d'interconnexion en sa défaveur en raison de l'écart persistant entre tarifs et coûts de terminaison.
L'Autorité confirme en particulier qu'une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer, dès lors que les tarifs de terminaison d'appel seront alignés sur le concept de coûts pertinents et qu'ils n'induiront ainsi plus de biais concurrentiel artificiel sur le marché de détail au détriment des opérateurs à plus faibles parts de marché ».
Ainsi, l'Autorité estime pertinent de s'interroger sur la présence de déséquilibres de trafic qui pourraient être subis par les nouveaux entrants et qui pourraient donc avoir un fort impact sur leur EBITDA, notamment dans une phase de lancement d'activité.
Sur ces bases, il convient donc de vérifier, d'une part, s'il existe un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents, et, d'autre part, si les nouveaux acteurs seront susceptibles de subir des déséquilibres de trafic.
Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les opérateurs alternatifs anticipent qu'ils vont subir des déséquilibres de trafic, tandis que les opérateurs historiques et Lebara Mobile ont souligné qu'il s'agira selon eux de déséquilibres choisis. Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.
Les éléments de réponse aux commentaires des acteurs relatifs aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, au regard de la position commune du GRE et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009, sont présentés à la fin de cette partie.

6.4.1. Ecart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents

Dès lors que les terminaisons d'appels ne sont pas encore au niveau des coûts, les opérateurs subissant des déséquilibres de trafic auront un solde financier d'interconnexion plus fortement négatif, qu'il pourrait donc convenir de partiellement compenser.
Ainsi, pour qu'une asymétrie puisse être fixée sur cette base, il faut qu'il y ait un écart entre le niveau régulé des terminaisons d'appel et les coûts de cette même prestation.
Ce point est vérifié pour l'année 2012 car la terminaison d'appel des trois opérateurs de réseaux mobiles historiques n'atteindra le niveau des coûts qu'au 1er janvier 2013 (cf. décision n° 2011-0483 du 5 mai 2011 susvisée). Il ne le sera plus à partir du 1er janvier 2013.

6.4.2. Déséquilibres de trafic

L'Autorité relève que ce sont principalement les types d'offres commerciales qui vont entraîner ou non des déséquilibres de trafic.
Comme l'Autorité l'a déjà présenté, le marché de détail de la téléphonie mobile a subi une évolution majeure avec la multiplication des gammes d'offres incluant de l'abondance. Ces offres, qui permettent de communiquer de façon illimitée pour un prix forfaitaire, se sont en effet fortement développées depuis leur apparition en 2004, et ce particulièrement au cours des trois dernières années comme le montre la figure 3. Elles ont dans un premier temps majoritairement concerné des offres on net pour quelques numéros favoris, avant de progressivement basculer vers des offres all net pour tous numéros au cours des deux dernières années.

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 229 du 02/10/2012 texte numéro 43

Sources : étude « Suivi des tarifs » pour le compte de l'ARCEP, sites internet des opérateurs, communiqués de presse, sites internet spécialisés (limité aux offres grand public, une gamme est comptée comme une seule offre)

Figure 3. ― Evolution du nombre de gammes d'offres d'abondance présentes
sur le marché de détail mobile métropolitain (T3 2004 - T3 2011)

Il convient de préciser que le nombre d'offres post-payées avec de l'illimité voix vers mobile était, en janvier 2012, de 51 % par rapport au nombre total d'offre post-payées sur le marché, et que le niveau était de 43 % en janvier 2010. Ainsi, la plupart des offres de détail ne sont pas des offres incluant des volumes d'appel en illimités, mais sont limités à des volumes d'appel allant majoritairement de 1 heure à 5 ou 6 heures de communication.
Par ailleurs, il convient de préciser que, parmi les offres post-payées avec de l'illimité voix, en janvier 2010, 42 % d'entre elles étaient de l'illimité on net (33). Même si ce nombre est descendu à 11 % en janvier 2012, étant donné qu'à mi-2011, 50 % des clients engagés l'étaient depuis plus d'un an, on peut considérer qu'il y a aujourd'hui en parc encore de nombreux clients rattachées à une offre comprenant de l'illimité on net.
De ce fait, un nouvel acteur se devra de suivre cette évolution des offres d'abondance mais en proposant principalement des offres d'abondance all net (vers tous les réseaux mobiles métropolitains) étant donné que, dans une phase de lancement de leur activité d'opérateur mobile, ils ne pourront faire bénéficier leurs clients des « effets de club » dont disposent les trois opérateurs mobiles actifs.
Ainsi, en disposant d'offres voix d'abondance all net, les clients sont mécaniquement incités à communiquer et devraient donc nettement plus appeler qu'être appelés. Dans le cas où l'opérateur offrant ce type d'offres ne dispose, lors des premières années, que de peu de clients, les appels émis devraient principalement l'être à destination des clients des opérateurs concurrents, et non de ses propres clients, engendrant ainsi un fort volume d'appels sortant off net (vers un client d'un autre réseau). En contrepartie, les opérateurs concurrents, bénéficiant d'un parc de clients plus important, peuvent eux jouer sur des « effets clubs » ; ils n'ont ainsi pas le besoin de n'offrir que des offres d'abondance all net mais peuvent également commercialiser des offres d'abondance on net (appels illimités vers un autre client du même réseau) qui sont très attractives pour les clients, mais par lesquelles les opérateurs concurrents ne recevront que très peu d'appels entrants off net. A cet égard, il faut noter que si le nombre d'offres illimitées on net s'est récemment réduit au profit d'offres illimitées all net, à la faveur de la baisse des terminaisons d'appel, les opérateurs mobiles historiques conservent des parcs de clients importants abonnés à ces offres illimité on net.
Ces deux éléments combinés devraient donc tendre à créer des déséquilibres de trafic des appels entrants sur sortants pour les nouveaux acteurs. Dans la mesure où les niveaux de terminaison d'appels des trois opérateurs métropolitains actifs ne sont pas au niveau des coûts, ces déséquilibres de trafic pourraient amener des déséquilibres financiers dans les soldes d'interconnexion entre opérateurs mobiles.
Toutefois, il convient de fixer les niveaux tarifaires de la terminaison d'appel mobile en tenant compte de leur impact sur l'équilibre concurrentiel de l'ensemble du marché et, entre autres, sur le marché fixe vers mobile. Or, au début de l'année 2011, les opérateurs fixe ont annoncé et lancé des offres de « box internet » incluant les appels en abondance vers les mobiles métropolitains. Dans ce contexte, les volumes d'appels fixe vers mobile devraient nettement croître dans les années à venir, entraînant des évolutions significatives dans le ratio global (mobile vers mobile et fixe vers mobile) des volumes de minutes entrantes sur le volume de minutes sortantes des opérateurs mobile, dont les nouveaux entrants. Cet effet doit être pris en compte dans la détermination d'une éventuelle compensation.
6.4.3. Prise en compte des commentaires des acteurs formulés en réponse aux consultations publiques relatives aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la position commune du GRE et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009
Comme détaillé en annexe B (B-4), les opérateurs alternatifs anticipent des déséquilibres de trafic, tandis que les opérateurs historiques soulignent qu'il s'agira de déséquilibres choisis.
L'Autorité a soumis un questionnaire d'interconnexion à l'ensemble des opérateurs afin d'obtenir des données de trafic constatées entre, d'une part, Free Mobile et l'ensemble des opérateurs, et, d'autre part, Lycamobile et l'ensemble des opérateurs. Les résultats de ce questionnaire montrent que Free Mobile connait bien des déséquilibres importants de trafic entrant sur sortant, alors même qu'il a également lancé des offres pour « petits » utilisateurs mais qui pèsent peu dans le résultat final du fait que ces offres représentent par nature un volume par utilisateur beaucoup plus faible. A l'inverse, Lycamobile, pour son activité nationale, qui représente une part très faible de ces communications, ne connaît pas de déséquilibre de trafic entrant sur sortant.
L'Autorité rappelle que dès lors que des déséquilibres subis de trafic entrant sur sortant sont avérés, seule une compensation partielle de ces déséquilibres est considérée, afin de refléter la nature en partie choisie de ces déséquilibres.
Bouygues Telecom ajoute qu'en considérant les opérateurs en place dans leur ensemble, sans distinction de situation entre Bouygues Telecom, d'une part, et Orange et SFR, d'autre part, l'ARCEP fait supporter à Bouygues Telecom une deuxième fois l'effet de la rétention de trafic initiée par Orange et SFR du fait de la généralisation de leurs offres on net et que si les éventuels déséquilibres de trafic de Free et des full-MVNO justifient un différentiel, il devrait en être de même pour Bouygues Telecom.
L'Autorité renvoie à sa décision d'encadrement tarifaire n° 2011-0483 en date du 5 mai 2011 dans laquelle sont largement détaillées les raisons ayant conduit à supprimer l'asymétrie de terminaison d'appel appliquée à Bouygues Telecom jusqu'alors.

6.4.4. Conclusion

Premièrement, un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents est bien avéré sur l'année 2012, mais ne le sera plus à partir du 1er janvier 2013.
Deuxièmement, l'Autorité prévoit qu'au cours de l'année 2012, le nouvel entrant générique efficace se devra de commercialiser des offres venant concurrencer également les opérateurs en place et subira donc des déséquilibres de trafic.
Ces deux phénomènes vont engendrer des déséquilibres financiers qui seront pour partie subis par les nouveaux entrants.
A cet égard, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, l'Autorité de la concurrence rejoint les conclusions tirées par l'Autorité et invite à la fixation d'une asymétrie : « Par conséquent, tant que les terminaisons d'appels mobiles ne sont pas strictement égales aux coûts incrémentaux de long terme, les opérateurs disposant d'une taille de marché significative disposeront d'un avantage concurrentiel sur les opérateurs nouveaux arrivants. Dans ce cadre, si la baisse continue des terminaisons d'appels doit rester l'objectif de premier rang du régulateur sectoriel, la fixation d'une terminaison d'appel asymétrique au profit d'un opérateur nouvel entrant peut, sous certaines conditions (34), constituer un optimum de second rang afin de rétablir l'équité concurrentielle entre les différents acteurs. »
L'Autorité estime donc justifié et proportionné, comme mentionné dans la position commune du GRE et confirmé dans la décision du Conseil d'Etat, qu'une asymétrie de la terminaison d'appel des nouveaux entrants vienne compenser partiellement, uniquement sur l'année 2012 ce déséquilibre financier, tout en tenant compte du développement des offres sur le marché fixe.
Il convient par ailleurs de noter que cette compensation, dès lors qu'elle est strictement limitée à l'année 2012, reste compatible avec la recommandation de la Commission européenne sur les terminaisons d'appel puisque, d'une part, la date limite d'application de cette dernière est le 31 décembre 2012 et que, d'autre part, cette compensation se justifie par la persistance transitoire d'un écart entre le tarif de terminaison d'appel et les coûts sous-jacents, étant précisé que cet écart disparaîtra au 1er janvier 2013.

6.5. Mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire

La terminaison d'appel mobile vocal de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom sera fixée sous la forme d'un plafond tarifaire orienté, à terme, vers les coûts en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace (6.1.4) et tenant compte pendant une période transitoire d'une partie des surcoûts encourus du fait de leur statut de nouvel entrant (6.3 et 6.4).
L'Autorité relève, à cet égard, que, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, l'Autorité de la concurrence rejoint ces conclusions, en concluant que : « [...] si la baisse continue des terminaisons d'appels doit rester au cœur des préoccupations du régulateur sectoriel, la fixation ― à titre transitoire ― d'une terminaison d'appel asymétrique au profit des nouveaux entrants, notamment de Free Mobile, peut permettre de rétablir l'équité concurrentielle entre les différents acteurs ».
L'objet de cette section est de préciser les conditions de mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire, conformément à ces principes, tout en veillant au maintien de la cohérence avec les conditions établies pour les trois opérateurs mobiles historiques.
Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les opérateurs historiques n'estiment aucunement justifiée qu'une asymétrie de tarifs soit établie en faveur des nouveaux entrants. A l'inverse, les opérateurs alternatifs estiment que les niveaux de terminaison d'appel proposés par l'Autorité ne leur permettront pas de recouvrer les coûts auxquels ils vont faire face à chaque minute entrante vers un de leurs abonnés. Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.
Les éléments de réponse aux commentaires des acteurs relatifs à la mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire sont présentés à la fin de cette partie.

6.5.1. Horizon temporel de l'encadrement tarifaire

Conformément à la section 1.3.1, l'horizon temporel de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom sera aligné sur l'échéance de la décision d'analyse des marchés déjà en vigueur pour Bouygues Telecom, Orange France et SFR, qui prend fin au 31 décembre 2013.
En outre, restreindre à deux ans au plus l'horizon temporel du présent projet d'encadrement tarifaire présente également l'avantage de limiter l'impact des hypothèses de croissance formulées par les différentes parties, puisque la sensibilité de l'impact financier aux volumes de trafic totaux restera limitée pendant les deux premières années d'exploitation.

6.5.2. Structuration tarifaire selon le point de livraison du trafic entrant
(intra zone arrière et extra zone arrière)

A ce jour, les trois opérateurs de réseau mobile historiques distinguent le tarif de la terminaison d'appel selon que le point d'interconnexion auquel l'opérateur de l'appelant livre le trafic à l'opérateur de l'appelé, qui termine l'appel sur son réseau, se situe dans la même zone arrière que l'appelant ou dans une zone arrière différente. Dans le premier cas, il s'agit du tarif dit « intra zone arrière » (IZA) (livraison au point d'interconnexion « pertinent »), encadré par un plafond tarifaire fixé par l'Autorité (décision n° 2011-0483) ; dans le second cas, il s'agit du tarif dit « extra zone arrière » (EZA), soumis à une obligation d'orientation vers les coûts, mais sans précision d'un plafond (décision n° 2010-1149). Le tarif EZA est supérieur au tarif IZA d'environ 0,4 c€/min en moyenne.
Dans sa décision n° 2011-0483, l'Autorité a imposé aux opérateurs une adaptation des architectures d'interconnexion qu'ils imposent aux acheteurs de leur prestation de terminaison d'appel, notamment en exploitant les dernières évolutions technologiques des réseaux de transmission. Les trois opérateurs mobiles métropolitains sont ainsi appelés à faire évoluer leurs conditions d'accès et d'interconnexion pour la prestation de « simple » terminaison d'appel (anciennement « IZA »), de manière à assurer que tout opérateur désirant accéder directement au tarif régulé explicitement par l'Autorité en orientation vers les coûts par la fixation d'un plafond tarifaire puisse le faire dans des conditions raisonnables. Ceci, qu'il s'agisse du nombre de points d'interconnexion composant l'architecture de leur réseau de collecte ou de l'ensemble des conditions techniques ou tarifaires associées à l'accès à leur réseau dans le cadre de cette interconnexion. Il revient ainsi à chacun des opérateurs de démontrer, notamment au regard de critères techniques et économiques, en quoi les nouvelles conditions qu'il fixera sont raisonnables. Conformément à cette même décision, cette évolution devra être effective au 1er janvier 2013.
L'Autorité rappelle que les trois opérateurs historiques restent soumis à une obligation d'orientation vers les coûts pour les tarifs de l'ensemble de leurs prestations associées à la terminaison d'appel vocal mobile, y compris celles dont les tarifs ne sont pas explicitement encadrés par un plafond. En particulier, pendant la période de transition, le tarif de la prestation « EZA » continue à être soumis à une obligation d'orientation vers les coûts.
Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, en tant que nouveaux entrants sur les marchés de gros de l'interconnexion mobile, devront établir leur architecture d'interconnexion et les conditions contractuelles et tarifaires associées.
Si l'Autorité ne préjuge pas des choix d'architecture et contractuels qui seront faits par ces trois acteurs avant le lancement de leurs opérations, elle souhaite néanmoins rappeler quelques principes de régulation afin d'éclairer les travaux de ces nouveaux acteurs, en cohérence avec la régulation imposée aux opérateurs en place.
Au regard du statut de nouvel entrant de ces opérateurs, et donc des volumes de trafic totaux structurellement limités pendant l'horizon temporel du présent projet de décision (i.e. au plus les deux premières années après le lancement), le nombre de points de leur architecture d'interconnexion devrait logiquement être raisonnablement limité. Ce constat est renforcé par le coût, notamment opérationnel, représenté par l'ouverture de nombreux points d'interconnexion.
En raison de ces questions opérationnelles, il est également possible que certains nouveaux acteurs aient recours à une architecture reposant sur l'interconnexion avec un tiers transitaire pendant une période transitoire suivant leur lancement. Une telle approche ne saurait remettre en cause les obligations prévues dans le présent projet de décision.
Enfin, dans un souci de transparence, et en raison d'un nombre de points d'interconnexion logiquement limité, l'Autorité invite les nouveaux entrants à opter pour la simplicité dans la définition des conditions tarifaires de leur offre d'interconnexion.

6.5.3. Encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile par minute

Pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2012, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile devrait s'établir à 2,4 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
Pour la période allant du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile s'établit à 1,6 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
Pour la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2013, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile s'établit à 1,1 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
Pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile s'établit à 0,8 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, selon les motifs exposés en partie 6.6.3.

6.5.4. Encadrement tarifaire des blocs primaires numériques (BPN)

Structuration tarifaire en deux composantes (à la capacité et au volume) :
A ce jour, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel des opérateurs en place porte sur deux composantes, encadrées via deux plafonds tarifaires distincts : la charge d'usage, dont l'unité de mesure est la minute de communication, et une charge de capacité, dont l'unité de mesure est le BPN.
Dans sa décision n° 2011-0483, l'Autorité a prévu de ne plus fixer, dès lors que le niveau des coûts aura été atteint au 1er janvier 2013, qu'un plafond global, portant à la fois sur la composante à l'usage et sur la composante capacitaire. L'Autorité rappelle que l'objectif de cette évolution est de s'assurer que le niveau des coûts soit bien atteint par le tarif moyen de la terminaison d'appel.
Tant que le niveau des coûts de l'opérateur générique efficace n'est pas atteint, il est cohérent de conserver un encadrement tarifaire en deux composantes pour les opérateurs concernés. Dès lors que le niveau des coûts est atteint par le plafond tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, la structure de l'encadrement tarifaire s'appliquant à ces acteurs doit s'aligner sur l'évolution prévue par la décision n° 2011-0483, rappelée ci-avant.
Le niveau des plafonds encadrant le tarif de la prestation BPN est défini ci-après, en cohérence avec les principes établis dans ce chapitre et avec le poids représenté par cette composante pour les trois opérateurs mobiles en place. Ainsi, à mesure que le niveau de la composante à l'usage diminue, il convient que l'encadrement de la composante à la capacité comprenne des baisses comparables, notamment afin que le poids de cette dernière composante ne fasse pas l'objet d'une évolution subite à la hausse. Un changement soudain et significatif de la pondération de chaque composante doit être évité, dans la mesure où il ne faciliterait pas l'évolution progressive de la structure tarifaire de la terminaison d'appel mobile souhaitée par l'Autorité.
Encadrement tarifaire :
Pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2012, l'Autorité estime que le prix annuel maximum d'un BPN devrait s'établir à 2 400 € pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
Pour la période allant du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, l'Autorité estime que le prix annuel maximum d'un BPN s'établit à 1 600 € pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
Pour la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2013, l'Autorité estime que le prix annuel maximum d'un BPN s'établit à 1 100 € pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.
Pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013, le prix annuel d'un BPN devra être fixé de manière à ce que le couple des composantes à l'usage et à la capacité respecte le plafond global de 0,8 c€/mn défini en 6.5.3.

6.5.5. Prestations d'accès aux sites

Pour les mêmes raisons que celles évoquées en section 6.1, en cohérence avec les obligations de contrôle tarifaire envisagées pour les prestations d'acheminement du trafic de terminaison, l'Autorité estime nécessaire d'imposer, pour les prestations connexes d'accès aux sites d'interconnexion, à Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants.
Au regard de leur statut de nouvel entrant, et dans un souci d'efficacité, Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom pourront, dans un premier temps, avoir recours à des modalités d'interconnexion adaptées passant notamment par un opérateur transitaire et n'impliquant donc pas nécessairement la fourniture de la prestation d'accès au site.
En revanche, dès lors que ces opérateurs disposeront d'un monopole sur la fourniture des prestations de colocalisation, l'Autorité considère qu'il est important que le tarif associé à ces prestations ne s'éloigne pas du niveau des coûts correspondant à cette prestation minimale d'accès et que, pour ce faire, les prix de ces prestations doivent refléter les coûts des ressources réellement utilisées.
S'agissant des autres prestations d'accès aux sites, pour lesquels il s'avérerait que seul l'opérateur mobile est à même de fournir le service le plus efficace économiquement, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur demandant l'interconnexion ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. L'Autorité considère donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts correspondants.
Enfin, l'opérateur doit veiller à proposer des tarifs qui reflètent les coûts correspondants pour toutes les prestations à l'acte en relation avec la terminaison d'appel vocal, qu'il est le seul à pouvoir fournir.

6.6. Evaluation des mesures envisagées
6.6.1. Conformité avec le cadre réglementaire européen et national

Comme détaillé dans la partie 6.1.1, l'Autorité doit s'assurer que les mesures imposées aux opérateurs considérés comme puissants sur un marché soient conformes au cadre réglementaire européen et au cadre réglementaire national qui en découle.
L'Autorité va donc notamment s'attacher, dans la présente partie, à vérifier que :
― les mécanismes de récupération des coûts choisis visent à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à optimiser les avantages pour le consommateur (article D. 311 du CPCE et article 13, paragraphe 2, de la directive « accès ») ;
― les mesures envisagées promeuvent une concurrence effective et loyale entre les opérateurs, et notamment conduisent à une concurrence qui ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques (article L. 32-1 du CPCE et article 8, paragraphe 2, de la directive « cadre ») ;
― les mesures envisagées contribuent au développement du marché intérieur au bénéfice des utilisateurs de l'Union européenne (articles L. 32-1 et L. 36-5 du CPCE, article 8, paragraphes 2 [a] et 3 de la directive « cadre ») ;
― les mesures envisagées doivent être objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées (article L. 32-1 du CPCE et article 8, paragraphe 5, de la directive « cadre »).
En préalable, et de manière commune à ces développements, il convient de souligner que les niveaux tarifaires de la terminaison d'appel pour les nouveaux entrants résultant de l'analyse de l'ARCEP font apparaître un écart avec les opérateurs historiques de 0,9 c€/min au premier semestre 2012, puis 0,6 c€/min au second semestre 2012 et enfin 0,3 c€/min au premier semestre 2013, avant une complète symétrie au second semestre 2013.
Ces écarts doivent être relativisés compte tenu de la faible part de marché que ces opérateurs nouveaux entrants connaîtront sur cette période. En effet, même en prenant, pour ces nouveaux entrants, une part de marché ambitieuse de 10 %, le tarif moyen de terminaison d'appel qu'un opérateur sera amené à payer au second semestre 2012 sera au maximum de 1,06c€/min, puis de 0,83c€/min au premier semestre 2013, contre 1c€/min puis 0,8c€/min si les niveaux avaient été symétriques.

6.6.1.1. Sur l'efficacité économique, la concurrence durable et les avantages pour le consommateur

Comme l'Autorité l'a présenté dans l'ensemble de la partie 6.3, les mécanismes de récupération des coûts ont été définis :
― d'une part, dans le cadre d'une entrée efficace sur le marché de la téléphonie mobile en France, c'est-à-dire via l'acquisition de fréquences pour déployer un réseau en propre tout en ayant recours, pendant les premières années d'activité, à un accès en itinérance sur le réseau d'un des opérateurs historiques ;
― d'autre part, en considérant, pour cet accès en itinérance, des conditions économiques génériques efficaces qu'un opérateur nouvel entrant aurait négocié, sur la base des contrats existants et des coûts des opérateurs de réseau.
Ainsi, les mécanismes choisis, en référence aux coûts incrémentaux, n'ont pris en compte que les coûts efficaces supportés par un opérateur nouvel entrant générique efficace. Par ailleurs, le contexte comme les modalités retenues, qui s'abstraient des conditions individuelles d'accès négociées par chacun des nouveaux entrants, évitent que les niveaux de terminaison d'appel ne rétroagissent sur les conditions économiques d'accès au détriment des nouveaux entrants et préservent les incitations et la capacité de ces derniers à obtenir les conditions les plus favorables.
Au vu de ces éléments, les mécanismes choisis de récupération des coûts apparaissent bien promouvoir l'efficacité économique.
Ces mécanismes compensent partiellement et transitoirement des handicaps temporaires subis par les nouveaux entrants, sous la forme de coûts de production supérieurs par rapport aux opérateurs établis. Ils ne constituent pas une subvention indûment consentie aux nouveaux entrants, mais contribuent à rétablir des conditions plus équitables de concurrence sur le marché de détail, à la fois à court terme au moment d'une entrée sur le marché, comme à moyen terme en permettant à de nouveaux acteurs d'entrer sur le marché, de le rendre contestable et de contribuer à son animation concurrentielle. Au vu des écarts minimes de niveau moyen de terminaison d'appel qui en résultent (+ 0,06 c€/mn au second semestre 2012 puis + 0,03 c€/mn au premier semestre 2013), les niveaux retenus n'impactent par ailleurs pas significativement les opérateurs existants. Ces mécanismes apparaissent ainsi également bien promouvoir une concurrence durable.
Dans le même temps, ces mécanismes n'apparaissent pas défavorables à l'investissement. Les différents opérateurs ont ainsi investi collectivement environ 3,6 milliards d'euros pour l'acquisition de licences 4G dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz. Depuis l'entrée effective sur le marché de Free Mobile, qu'avait précédé de quelques semaines l'annonce et la mise en consultation publique des mesures proposées, les différents opérateurs historiques ont annoncé des calendriers volontaristes de déploiement des réseaux 4G, avec de premiers déploiements dès l'année 2012, afin de mieux se différencier sur le marché.
En outre, les terminaisons d'appel asymétriques retenues ne sont pas susceptibles de réduire les avantages pour le consommateur.
Les différences de niveau moyen de terminaison d'appel qui en résultent, minimes (+ 0,06 c€/mn au second semestre 2012 puis + 0,03 c€/mn au premier semestre 2013), ne sont pas susceptibles d'avoir un impact direct significatif à la hausse sur le niveau des tarifs de détail. Au contraire, alors même que les TA pratiquées aujourd'hui sur le marché sont asymétriques en faveur des nouveaux entrants, étant donné que les opérateurs se facturent au premier semestre le niveau proposé par l'ARCEP dans la consultation publique qu'elle a menée du 13 décembre 2011 au 27 janvier 2012, le marché français de la téléphonie mobile a connu, ces derniers mois, d'importantes baisses de prix, du fait de l'accroissement de la pression concurrentielle. L'ARCEP estime que la mesure proposée constitue l'un des instruments d'une politique d'ensemble visant à favoriser l'intensification de la concurrence sur ce marché, l'innovation et les investissements. Elle contribue indirectement, via l'accroissement de la pression concurrentielle, à une augmentation des avantages pour les consommateurs.

6.6.1.2. Sur la promotion de la concurrence

Au vu des écarts minimes de niveau moyen de terminaison d'appel qui résultent de l'asymétrie proposée, sur une période limitée (+ 0,06 c€/mn au second semestre 2012 puis + 0,03 c€/mn au premier semestre 2013), les opérateurs historiques ne connaîtront pas des coûts nettement plus élevés par rapport à des tarifs qui auraient été fixés de manière symétrique. Ceci ne remettra donc pas en cause le développement des offres d'abondance all net agressives qui peuvent permettre à un opérateur d'acquérir ou de conserver des clients.
Par ailleurs, les opérateurs nouveaux entrants se verront, comme indiqué précédemment, compenser partiellement et transitoirement des handicaps temporaires subis, ce qui leur permettra d'être aussi compétitifs.
Ainsi, les niveaux de terminaison d'appel proposés ne sont pas susceptibles de venir fausser ni entraver la concurrence sur le marché mobile français.

6.6.1.3. Sur la contribution au développement du marché intérieur
au bénéfice des utilisateurs de l'Union européenne

L'Autorité rappelle que les niveaux de terminaison d'appel du marché français sont désormais les plus bas d'Europe (1 c€/mn) et qu'ils continueront à baisser début 2013, pour atteindre le niveau des coûts incrémentaux (0,8 c€/min) au 1er janvier 2013. Les niveaux de terminaison d'appel proposés pour les opérateurs nouveaux entrants (2,4 c€/min, puis 1,6 c€/min à partir du 1er juillet 2012 et 1,1 c€/min en 2013) et le tarif moyen de marché qui en résulte, demeurent également inférieurs à ceux constatés début 2012 dans la très grande majorité des Etats membres (cf. graphique suivant), ainsi qu'à ceux annoncés pour début 2013 dans les Etats membres qui ont déjà adopté un encadrement tarifaire pour l'année prochaine. En effet, comme détaillé précédemment, le tarif moyen de terminaison d'appel qu'un opérateur sera amené à payer, pour appeler la France, au second semestre 2012 sera de 1,06 c€/min, puis de à 0,83 c€/min au premier semestre 2013.

TAM et asymétrie au 1er janvier 2012

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 229 du 02/10/2012 texte numéro 43

|PLAFONDS DE TERMINAISON D'APPEL ANNONCÉS POUR DÉBUT 2013 DANS LES ÉTATS MEMBRES
qui ont déjà adopté un encadrement tarifaire basé sur une approche BU-LRIC| | | |----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|---------------------|--------------------| | Etat membre |Premier semestre 2013|Second semestre 2013| | France | 0,80 c€/mn | 0,80 c€/mn | | Belgique | 1,08 c€/mn | 1,08 c€/mn | | Portugal | 1,27 c€/mn | 1,27 c€/mn | | Italie | 1,52 c€/mn | 0,98 c€/mn | | Espagne | 2,90 c€/mn | 1,09 c€/mn | | Royaume-Uni | 1,67 c€/mn | 0,95 c€/mn |

Dans ces conditions, étant donné que les niveaux proposés pour les nouveaux entrants sont inférieurs à la moyenne des niveaux européens et que le niveau de terminaison d'appel moyen du marché français restera parmi les plus bas d'Europe tout en respectant le principe d'orientation vers les coûts incrémentaux, il n'y aura ni risque de création d'obstacle au marché intérieur, ni risque de discrimination entre opérateurs européens, ni risque de distorsion de concurrence. Ces risques seront d'autant plus circonscrits que les nouveaux entrants présentent, comme détaillé ci-dessus, des parts de marché très réduites et que les communications internationales représentent une faible part du trafic (en 2010, les communications internationales représentaient pour un opérateur, en moyenne, de l'ordre de 10 % de son trafic entrant).
Par ailleurs, du fait de ces mêmes facteurs et du fait que les opérateurs étrangers ne différencient pas les tarifs des communications vers la France, ou d'autres pays, en fonction de l'opérateur appelé, le risque peut être écarté d'une hausse des tarifs de détail pour appeler un abonné mobile français depuis l'étranger. La mesure proposée n'est donc en rien contraire aux intérêts des utilisateurs de l'Union européenne.

6.6.1.4. Conclusion sur la conformité au cadre réglementaire

Ainsi, au vu des raisonnements exposés en parties 6.2 à 6.4, et des éléments apportées ci-dessus, les mesures envisagées apparaissent à la fois :
― objectives puisque fondées sur la situation des nouveaux entrants et les conditions rencontrées à l'occasion de leur entrée sur le marché ;
― transparentes puisque exposées, expliquées et justifiées dans la présente décision ;
― non discriminatoires puisque basées sur des différences objectives de situation entre les nouveaux entrants et les opérateurs historiques, en particulier en ce qui concerne les conditions économiques de production des services de détail qu'ils commercialisent et sur lesquels ils sont en concurrence ;
― proportionnées puisqu'ils répondent à des déséquilibres réels et sérieux constatés sur le marché, tout en restant limités au strict nécessaire en particulier au travers d'une compensation des coûts supérieurs subis qui ne reste que partielle.
Il apparaît donc au vu de l'ensemble de ces faits que les mesures envisagées sont conformes aux cadres réglementaires européen et national.

6.6.2. Prise en compte des commentaires des acteurs formulés en réponse aux consultations publiques
relatives à la mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire

Comme détaillé en annexe B (B-5), les opérateurs historiques n'estiment aucunement justifiée au regard de la recommandation de la Commission européenne qu'une asy-métrie de trafic soit accordée à Free Mobile comme aux full-MVNO, car cela pourrait leur permettre de pratiquer des prix abusivement bas sur le marché de détail. En outre, ils considèrent qu'un traitement à l'identique de ces deux types d'acteurs ne semble pas proportionné. A l'inverse, Free Mobile et les full-MVNO estiment que les niveaux de terminaison d'appel proposés par l'Autorité ne leur permettront pas de recouvrer les coûts auxquels ils vont faire face à chaque minute entrante vers un de leurs abonnés, qui ne sont pas nécessairement ceux retenus pour le nouvel entrant générique efficace, car spécifiques à chaque acteur.
L'Autorité ne fait pas de différence au niveau tarifaire entre Free Mobile et les full-MVNO car elle considère qu'un nouvel entrant générique efficace est un opérateur de réseau ayant recours, de manière transitoire pendant la phase de déploiement de son réseau, à un accès en itinérance sur le réseau d'un des opérateurs de réseau historiques afin d'être en mesure de proposer des offres commerciales sur l'ensemble du territoire. L'Autorité renvoie à la partie 6.3.5.2.2 pour la justification de la prise en compte des coûts liés à l'accès en itinérance.
Concernant les coûts spécifiques supportés en itinérance par les nouveaux entrants, l'Autorité a défini, en fonction de l'ensemble des éléments d'information restitués par les acteurs du marché concernant les contrats d'accès signés, ainsi qu'en fonction des résultats du modèle de l'opérateur générique efficace, les coûts efficaces d'un contrat d'accès générique couvrant les années 2012 et 2013. Le but recherché est de pallier toutes les inefficacités possibles.
Concernant l'éventualité, pour les nouveaux entrants, de pouvoir pratiquer des prix abusivement bas compte tenu des niveaux proposés, l'Autorité estime que les compensations restent partielles, sont transitoires et ne sauraient donc en aucun cas être considérées comme des avantages permettant de pratiquer des prix abusivement bas.
6.6.3. Prise en compte de la décision de la Commission européenne et de l'avis de l'organe des régulateurs européens des communications électroniques à la suite de la notification du projet de décision
En conclusion de sa décision du 13 avril 2012 susvisée, la Commission « note que la notification de l'ARCEP ne propose pas une justification adéquate expliquant pourquoi l'approche proposée concernant le contrôle tarifaire du service de terminaison d'appel fourni par Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom répond aux objectifs politiques et aux principes réglementaires énoncés à l'article 8 de la directive "cadre” et peut être considérée comme conforme à l'article 13, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 4, de la directive "accès” ».
Dans son avis, en date du 23 mai 2012, l'organe des régulateurs européens des communications électroniques conclut que « the Commission's serious doubts on the asymmetry that is based on national roaming costs are justified while the serious doubts on the asymmetry that is based on traffic imbalance costs are not justified. », proposant ainsi que l'ARCEP, pour prendre en compte cet avis, modifie son projet de régulation en limitant l'asymétrie initialement retenue. En ce qui concerne l'asymétrie basée sur l'itinérance, l'ORECE se prononce cependant sur une base générale (« these effects are certainly relevant for future regulation »), en reconnaissant que, dans le cas soumis par l'ARCEP, les effets de circularité évoqués par la Commission ne se posent pas du fait du contexte et des précautions prises par l'ARCEP (« it is not a direct circularity that will create effects within this regulatory period for these operators and will therefore not create an uncontrolled feedback loop within regulatory period »).
Pour répondre à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité a donc estimé devoir :
― en partie 6.4.2, davantage développer les raisons justifiant une asymétrie du fait de la présence de déséquilibres de trafic subis, tout en exposant l'absence de conflit avec la recommandation de la Commission sur les terminaisons d'appel, s'agissant d'une asymétrie cantonnée à l'année 2012 et essentiellement justifiée par le fait que les tarifs n'auront pas encore atteint les coûts incrémentaux, ce qui se produira au 1er janvier 2013 ;
― en partie 6.6.1, justifier la conformité des mesures proposées avec le cadre réglementaire européen, en particulier en ce qui concerne la promotion de l'efficacité économique, de la concurrence durable, des avantages pour le consommateur, d'une concurrence non faussée ni entravée, du développement du marché intérieur et des intérêts des citoyens de l'Union européenne ; notamment, l'Autorité a apporté des éléments établissant l'évolution favorable des tarifs de détail y compris en présence de tarifs de terminaison d'appel en réalité asymétriques depuis début janvier 2012, et a justifié l'absence d'impacts réels sur le marché intérieur.
De plus, en accord avec les recommandations formulées par la Commission européenne et l'ORECE au cours des discussions tripartites prévues à l'article 7a de la directive « accès », l'ARCEP a décidé de modifier les deux points suivants :
― en partie 6.3.7, en explicitant davantage le fait que l'asymétrie bénéficiant aux nouveaux entrants full MVNO était pour partie circonstancielle, et que l'amélioration des conditions attendues sur le marché de l'accès ne serait donc plus susceptible de justifier de nouvelles asymétries pour de futurs entrants au-delà de la période d'asymétrie prévue par la présente décision ; en particulier, dans le cas où d'autres opérateurs mobiles virtuels entreraient sur le marché et ouvriraient des numéros mobiles à l'interconnexion sur leurs réseaux, l'ensemble des principes et résultats détaillés dans la présente décision resteraient valables, résultant notamment en un encadrement tarifaire identique dans son calendrier et dans ses niveaux à celui défini ici ;
― dans le dispositif en limitant l'asymétrie à une période de dix-huit mois, se terminant au 30 juin 2013, pour revenir à un régime symétrique au 1er juillet 2013 ; le montant financier de la compensation qu'aurait représenté une asymétrie au second semestre 2013 et que n'auront pas à supporter les autres opérateurs du marché se situera ainsi entre 5 et 20 M€ suivant la part de marché que les nouveaux entrants auront atteinte à cet horizon et les hypothèses de trafic, qui pourrait donc se traduire par un équilibre accru entre promotion de la concurrence et avantages pour le consommateur.

6.6.4. Prise en compte de la décision de lever les réserves
de la Commission européenne qu'elle avait émises en date du 13 avril 2012

Par sa décision en date du 20 juillet 2012 susvisée, la Commission européenne estime qu'« en conséquence de l'évaluation qui précède concernant le respect du cadre réglementaire de l'Union européenne et la création d'obstacles au marché intérieur, la Commission a décidé, en tenant le plus grand compte de l'avis émis par l'ORECE, de lever avec effet immédiat, conformément à l'article 7 bis, paragraphe 5, point b, de la directive "cadre”, les réserves qu'elle avait émises. ».
Il ressort notamment de cette décision que :
― « La Commission souligne que les mesures modifiées mettent fin à la perspective d'une asymétrie ultérieure des TAM et donc au risque que les opérateurs s'accordent sur des tarifs commerciaux d'accès élevés qui, selon l'argument de la circularité, pourraient à leur tour provoquer une hausse des TAM. » ;
― « la Commission estime que le projet de mesures modifié tient à présent dûment compte à la fois du bénéfice du consommateur et de la limitation de l'effet perturbateur que les mesures modifiées auront sur les nouveaux entrants. » ;
― « la Commission estime que les mesures modifiées de l'ARCEP respectent l'article 8, paragraphe 4, de la directive "accès” parce qu'elles sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l'article 8 de la directive "cadre”. » ;
― « la Commission conclut que les contrôles tarifaires modifiés veillent à ce que les mécanismes de récupération des coûts choisis visent à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à optimiser les avantages pour le consommateur, conformément à l'article 13, paragraphe 2, de la directive "accès”. » ;
― « Dès lors que la Commission constate que les mesures modifiées de l'ARCEP sont conformes à l'article 8, paragraphe 4, et à l'article 13, paragraphe 2, de la directive "accès”, il y a lieu de conclure que ces mesures modifiées sont également conformes à l'article 16, paragraphe 4, de la directive "cadre”, qui exige des ANR qu'elles imposent aux entreprises ayant une puissance significative sur le marché des obligations réglementaires appropriées. » ;
― « la Commission admet qu'un changement aussi limité du TAM moyen [le TAM moyen n'augmenterait que de 0,06 c€/min au second semestre 2012 et de 0,03 c€/min au premier semestre 2013] n'incitera pas les opérateurs étrangers à augmenter leurs tarifs de détail pour les appels à destination de numéros mobiles français. L'incidence sur le marché intérieur d'une asymétrie réduite telle que proposée par l'ARCEP dans son projet de mesures modifié sera donc également faible. [...] La Commission conclut qu'elle peut lever les doutes sérieux qu'elle avait émis à cet égard. »
L'Autorité prend acte de la décision de la Commission de lever les réserves qu'elle avait précédemment émises.
Par ces motifs, décide :

Définition des marchés pertinents de gros


Historique des versions

Version 1

Ce chapitre présente les principes et la mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire imposée à Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

Dans un premier temps, les objectifs, principes (6.1) et référentiels généraux (6.2) de l'obligation de contrôle tarifaire sont rappelés et la pertinence de leur prise en compte dans le cas de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom est évaluée.

Dans un deuxième temps, l'exposé s'attache à analyser les principes spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile des acteurs concernés par le présent projet de décision, conformément au cadre juridique et européen. Les critères énoncés par la recommandation de la Commission européenne du 7 mai 2009 (6.3), puis ceux découlant de la position commune du GRE de 2008 et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009 (6.4) sont analysés.

Enfin, dans un troisième temps, la section 6.5 précise les conditions de mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire, notamment en termes d'horizon temporel, de niveaux tarifaires et de répartition entre charge à l'usage et charge à la capacité.

6.1. Objectifs et principes généraux du contrôle tarifaire

6.1.1. Les objectifs du cadre européen et national

Lorsque l'Autorité fixe des obligations tarifaires sur le fondement du 4° de l'article L. 38 du CPCE, elle doit, conformément à l'article L. 32-1 du CPCE qui transpose l'article 8 de la directive « cadre », prendre des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis, dans des conditions objectives et transparentes, et doit veiller notamment :

« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ; (...)

4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ; (...)

9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».

En outre et conformément à l'article D. 312 du CPCE qui transpose l'article 13, paragraphe 2, de la directive « accès », l'Autorité veille à ce que les méthodes retenues pour déterminer les plafonds tarifaires applicables « promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur ».

Enfin, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 36-5 du CPCE, qui transpose l'article 8, paragraphe 3 d, de la directive « cadre », les mesures envisagées par l'Autorité visent à contribuer au développement du marché intérieur et que, dans ce cadre, « l'Autorité coopère avec les autorités compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, avec la Commission européenne et avec l'organe des régulateurs européens des communications électroniques afin de veiller à une application coordonnée et cohérente de la réglementation ».

6.1.2. Finalités de l'encadrement tarifaire pluriannuel de la prestation

de terminaison d'appel vocal mobile

Comme l'Autorité l'a rappelé, la prestation de terminaison d'appel vocal mobile a un caractère de facilité essentielle, dont le tarif n'est soumis à aucune pression concurrentielle suffisante pour empêcher, en l'absence de régulation, l'opérateur mobile de le fixer à un niveau très élevé. Dès lors, les conditions d'accès à cette prestation doivent être transparentes, objectives, non discriminatoires et permettre aux compétiteurs d'exercer une concurrence effective sur les marchés aval, à travers un processus d'encadrement des niveaux de charge de terminaison d'appel au regard des structures et des niveaux de coûts pertinents, processus qui vise à les orienter, à terme, vers des références de coûts pertinentes. L'Autorité de la concurrence (alors Conseil de la concurrence) a d'ailleurs rappelé, dans son avis n° 07-A-01, que « s'agissant des remèdes propres au droit de la concurrence, le Conseil a déjà souligné (avis n° 05-A-10 du 11 mai 2005) que le caractère de facilité essentielle de la terminaison d'appel sur les réseaux tiers, pour les opérateurs qui doivent faire aboutir les appels de leurs abonnés, permet d'imposer aux opérateurs de terminer les appels à des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires. En ce qui concerne le prix auquel cette prestation doit être fournie, le droit de la concurrence exige qu'il soit orienté vers les coûts supportés par l'opérateur en monopole lorsque celui-ci utilise la même prestation pour faire des offres sur un marché aval sur lequel il est en concurrence avec les opérateurs qui veulent terminer les appels ».

L'encadrement tarifaire des niveaux des terminaisons d'appel que l'Autorité spécifie pour les opérateurs consiste à fixer des plafonds pluriannuels que les tarifs de ces prestations ne doivent pas dépasser. L'Autorité insiste donc sur le fait qu'elle fixe des plafonds tarifaires, qui doivent s'entendre comme des limites supérieures laissant la liberté aux opérateurs de positionner leurs tarifs, sous ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinent. En particulier, il est de la seule responsabilité de l'opérateur de vérifier que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence pour pratique anticoncurrentielle sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante.

A l'instar de la décision n° 2011-0483 de l'Autorité en date du 5 mai 2011 (21) et des décisions d'encadrement tarifaire précédentes, Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom verront également leur tarif de terminaison d'appel être régulé sous la forme d'un plafond pluriannuel qu'ils ne pourront dépasser.

6.1.3. Modalités de l'encadrement sous forme d'une orientation vers les coûts du tarif

de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile

La directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») précise qu' « [u]n contrôle des prix peut se révéler nécessaire lorsque l'analyse d'un marché donné met en évidence un manque d'efficacité de la concurrence. Les autorités réglementaires nationales peuvent intervenir de manière relativement limitée, par exemple en imposant une obligation concernant la fixation de prix raisonnables pour la sélection de l'opérateur, comme le prévoit la directive 97/33/CE, ou de manière beaucoup plus contraignante, en obligeant, par exemple, les opérateurs à orienter les prix en fonction des coûts afin qu'ils soient entièrement justifiés lorsque la concurrence n'est pas suffisamment vive pour éviter la tarification excessive » (considérant 20).

Le paragraphe 1 de l'article 13 de la directive « accès », modifiée par la directive 2009/140/CE précitée, prévoit que « [l]es autorités réglementaires nationales peuvent, conformément aux dispositions de l'article 8, imposer des obligations liées à la récupération des coûts et au contrôle des prix, y compris des obligations concernant l'orientation des prix en fonction des coûts et des obligations concernant les systèmes de comptabilisation des coûts, pour la fourniture de types particuliers d'interconnexion et/ou d'accès, lorsqu'une analyse du marché indique que l'opérateur concerné peut, en l'absence de concurrence efficace, maintenir des prix à un niveau excessivement élevé, ou comprimer les prix, au détriment des utilisateurs finals. Afin d'encourager l'opérateur à investir notamment dans les réseaux de prochaine génération, les autorités réglementaires nationales tiennent compte des investissements qu'il a réalisés, et lui permettent une rémunération raisonnable du capital adéquat engagé, compte tenu de tout risque spécifiquement lié à un nouveau projet d'investissement particulier ».

L'article L. 38 (I-4°) du CPCE prévoit ainsi que l'Autorité peut imposer « de ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ».

Conformément à la décision n° 2010-1149 du 2 novembre 2010 (22), l'Autorité a notamment imposé, dans le cadre de son analyse de marché, une obligation de contrôle tarifaire sous la forme d'une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts aux trois opérateurs de réseau mobile métropolitains alors commercialement actifs.

L'Autorité avait alors estimé cette modalité d'encadrement tarifaire proportionnée aux objectifs du II de l'article L. 32-1 du CPCE, et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », « au développement (...) de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques » ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Elle avait noté par ailleurs que la majorité des régulateurs de l'Union européenne imposent l'obligation d'orientation vers les coûts dans le cadre de la régulation du marché de la terminaison d'appel vocal mobile.

Enfin, dans cette même décision, l'Autorité avait précisé que l'entrée d'un nouvel acteur sur le marché de détail de la téléphonie mobile n'est pas de nature à modifier les raisonnements relatifs aux obligations tarifaires, et notamment l'imposition d'une obligation d'orientation des tarifs vers les coûts visés par la présente analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur leur réseau.

Ainsi, Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom verront également leurs tarifs de terminaison d'appel régulés en orientation vers les coûts.

6.1.4. L'obligation d'orientation vers les coûts est en référence

aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace

L'Autorité se fonde sur le II de l'article D. 311 du CPCE pour préciser la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts imposée aux opérateurs. Elle définit ainsi les méthodes de recouvrement des coûts et de tarification, conformément à cet article :

« Pour la mise en œuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur. »

Dans ses décisions n° 2010-1149 et n° 2011-0483 susmentionnées, l'Autorité a détaillé les raisons pour lesquelles elle estime que la référence de coûts pertinents pour la terminaison d'appel est le coût incrémental de long terme d'un opérateur générique efficace.

L'Autorité invite donc les acteurs à se reporter aux passages correspondants dans ces deux décisions pour le détail des propriétés concurrentielles d'une référence au coût incrémental, justifiant sa pertinence.

Ainsi, l'orientation vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel fournie par Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, tout comme par de futurs nouveaux acteurs sur le marché de gros de la terminaison d'appel mobile vocal, se fera, à terme, en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace.

Pour les opérateurs nouvellement entrés sur le marché comme pour les opérateurs établis, le réseau mobile est utilisé pour fournir plusieurs types de services (par exemple voix, SMS, data mobile), correspondant à des prestations fournies sur les marchés de gros (par exemple terminaison d'appel vocal entrant) et sur les marchés de détail (par exemple appel vocal sortant). Le coût du réseau mobile est ainsi un coût joint dont le recouvrement peut être réparti entre plusieurs prestations, et il n'y a donc pas de risque de non-recouvrement de l'ensemble des coûts encourus.

Etablir une référence de coût différente de celle des opérateurs mobiles établis, par exemple en revenant à une orientation vers les coûts complets, reviendrait à une subvention de l'entrée de ces nouveaux opérateurs. Une telle approche présente un risque significatif d'encourager des entrées inefficaces sur le marché et ainsi d'entraîner une hausse des tarifs de détail, plutôt que de contribuer à l'augmentation de la pression concurrentielle. De plus, cette subvention de l'entrée de nouveaux acteurs pourrait réduire l'incitation à investir pour les opérateurs établis, avec les effets qui s'en suivent sur les marchés de détail.

La référence aux coûts incrémentaux garde ainsi tout son sens, y compris dans un contexte de nouvelle entrée sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal mobile. Ce contexte d'entrée peut néanmoins justifier de s'appuyer transitoirement sur des coûts incrémentaux de nouvel entrant efficace, en lieu et place des coûts incrémentaux de l'opérateur générique efficace, ainsi que cela sera examiné et justifié par la suite (cf. 6.3.2).

L'Autorité note que ce choix de référence est cohérent avec la recommandation susvisée de la Commission européenne sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne.

6.1.5. Prévisibilité pour le secteur

L'importance d'une visibilité donnée au secteur à travers une prévisibilité des tarifs de cette prestation s'inscrit de manière pleinement cohérente avec les objectifs assignés à l'Autorité, notamment celui de veiller « 2° [à] l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ; 3° [a]u développement de [...] l'investissement efficace notamment dans les infrastructures [...] » (art. L. 32-1 du CPCE).

En outre, dans le cadre des précédents exercices d'analyse, les acteurs, les opérateurs mobiles et l'Autorité de la concurrence, ont souligné le caractère nécessaire de cette prévisibilité.

L'Autorité s'attache donc à donner le maximum de prévisibilité au secteur. En effet, dans le cadre de ce processus d'analyse des marchés, l'Autorité mènera deux consultations publiques avant d'adopter sa décision d'analyse de marché dans laquelle les plafonds tarifaires explicites de la terminaison d'appel vocal des opérateurs concernés seront définis, et ce pour une période allant jusqu'au 31 décembre 2013.

6.2. Références utilisées par l'Autorité

Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les éléments apportés par les acteurs n'ont pas remis en cause les développements suivants concernant la comparaison internationale. Les acteurs ne se sont prononcés ni sur les éléments portant sur les états de comptabilisation des coûts, ni sur ceux portant sur le modèle technico-économique. Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.

6.2.1. Comparaison européenne

Les comparaisons à l'échelle européenne des niveaux de terminaison d'appel forment généralement un des éléments pertinents des exercices de tarifications menés par l'Autorité, bien qu'il convienne de les mettre en perspective au regard de la situation des marchés mobiles considérés (taille du marché, intensité concurrentielle, fluidité du marché...).

Comparaison des tarifs de terminaison d'appel mobile publiée

par l'organe des régulateurs européens des communications électroniques

Les comparaisons européennes incluent notamment les éléments publiés par l'organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE).

L'Autorité a détaillé dans sa décision n° 2010-1149 les raisons pour lesquelles elle estime que cette comparaison internationale des tarifs de terminaison d'appel ne donne qu'indirectement des informations sur les coûts, ne peut apporter dans la phase de transition actuelle qu'un éclairage très partiel sur les coûts incrémentaux d'un opérateur de réseau mobile français et apporte principalement des éléments de contexte sur l'évolution générale des tarifs de terminaison d'appel en Europe. La position de l'Autorité relative à cette comparaison n'ayant pas évolué, elle renvoie à cette décision pour davantage de détails.

Comparaison européenne des tarifs de terminaison d'appel mobile

de nouveaux entrants 3G et de full-MVNO

Par ailleurs, dans le cas des opérateurs concernés par la présente décision, il convient de considérer plus précisément l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile de nouveaux entrants 3G européens, dans le cas de Free Mobile, et de full-MVNO européens, dans le cas de Lycamobile et Oméa Télécom.

L'Autorité s'est ainsi attachée à étudier la manière dont la régulation de ces deux types de nouveaux acteurs sur le marché de gros de terminaison d'appel vocal mobile a notamment été menée en Autriche, au Danemark, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Suède.

Concernant les nouveaux entrants 3G, il est à noter que, dans chacun de ces pays, le nouvel entrant a ouvert commercialement son réseau entre 2003 et 2006, période à laquelle les réseaux 3G commençaient à peine à se lancer, soit plus de six ans avant Free Mobile ; en outre, dans la plupart de ces pays, le début de la régulation du niveau de terminaison d'appel du nouvel entrant étant antérieur à la recommandation européenne du 7 mai 2009, la référence de coûts pertinents correspond à celle des coûts complets. Il en ressort que toutes les autorités de régulation nationales ont introduit une asymétrie en faveur de ces nouveaux entrants, et ce pour une durée allant de deux ans à six ans selon les pays.

Le tableau suivant résume ces différents éléments :

PAYS

OPÉRATEUR

DATE

de lancement

commercial

ITINÉRANCE

nationale

DATE DE DÉBUT

de la fixation

de plafonds

DÉLAI

après entrée

DATE

de fin

de l'asymétrie

DURÉE

de l'asymétrie

Autriche

H3G

2003

Oui

NC

NC

2008

5 ans max

Danemark

H3G

2003

Oui

2009

5 ans

2011

2 ans

Espagne

Yoigo

2006

Oui

2007

1 an

2013

6 ans

Italie

H3G

2003

NC

2008

5 ans

2014

6 ans

Royaume-Uni

H3G

2003

Oui

2007

4 ans

2011

4 ans

Suède

H3G

2003

Oui

2004

1 an

2007

3 ans

En termes de niveau tarifaire, comme on peut le voir sur la figure 2, l'Autorité relève qu'à sa connaissance l'écart relatif de terminaison d'appel mobile entre celle du nouvel entrant 3G et celle des opérateurs historiques est très disparate selon les pays étudiés.

Vous pouvez consulter le tableau dans le

JOn° 229 du 02/10/2012 texte numéro 43

Sources : Comparaison européenne publiée par l'ORECE (23)

Figure 2. ― Comparaison de l'écart relatif de terminaison d'appel mobile

entre nouvel entrant opérant un réseau 3G et opérateur historique (01/2005 - 01/2015)

Concernant les full-MVNO, l'Autorité relève qu'à sa connaissance, dans ces six mêmes pays, lorsque les autorités de régulation nationales ont été amenées à réguler le niveau de terminaison d'appel de ces acteurs, elles l'ont fait soit symétriquement à celui de leur opérateur hôte, soit en alignant le niveau de terminaison d'appel de ces acteurs sur celui fixé pour les derniers opérateurs de réseau arrivés sur le marché.

Néanmoins, il convient de préciser que, dans certains de ces pays, le modèle full-MVNO a vu le jour dès 2005 ou 2006, qu'une régulation du marché du départ d'appel y a été menée et que, par conséquent, les marchés de gros de l'accès et du départ d'appel semblent y être plus dynamiques et concurrentiels en amoindrissant donc les éventuelles barrières à l'entrée sur le marché.

Il convient donc de noter qu'il n'y a pas de cas pertinent comparable d'entrée sur le marché mobile soit d'un opérateur de réseau, soit d'un MVNO, dans un autre pays européen dans le contexte communautaire actuel d'orientation vers les coûts incrémentaux, tel que recommandé par la Commission européenne.

6.2.2. Etats de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés

selon le référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité

Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés selon le référentiel réglementaire constituent une référence de coûts fiable, au regard notamment de leur source, i.e. la comptabilité sociale de l'entreprise soumise au contrôle des commissaires aux comptes de l'entreprise. En outre, conformément aux dispositions des articles L. 38 (notamment le 5° du I) et D. 312 du CPCE, les comptes produits au titre des obligations comptables et les systèmes de comptabilisation des coûts sont audités annuellement par des organismes indépendants désignés par l'Autorité.

La comptabilité réglementaire apporte un éclairage important sur la modélisation des coûts d'un opérateur efficace. Ces données permettent notamment le calibrage des grandes masses de coûts en sortie du modèle technico-économique afin d'en assurer la robustesse.

Au regard des obligations de restitution comptable de Free Mobile, établies au 5.5.1 et conformément à la décision n° 2010-0200, les premiers éléments de coûts concernant cet opérateur devraient être restitués en juin 2012. Ces informations seront notamment utiles aux travaux de préparation du prochain cycle de régulation.

6.2.3. Modèle technico-économique des coûts d'un réseau mobile

L'Autorité dispose depuis 2007 d'un modèle technico-économique des coûts de réseau d'un opérateur mobile métropolitain. Ce modèle a été mis à jour au cours de l'année 2010, tant en ce qui concerne sa structure que son paramétrage, afin d'évaluer le coût incrémental des prestations de terminaison d'appel vocal mobile pour un opérateur générique efficace.

Ces éléments ont notamment permis de conclure que 0,8 c€/min représente un niveau cible raisonnable en référence aux coûts incrémentaux de long terme de terminaison d'appel vocal mobile pour un opérateur générique efficace sur la période allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013.

6.3. Les critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile,

Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la recommandation de la Commission européenne

La recommandation de la Commission européenne prévoit que l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile, fixé en référence aux coûts incrémentaux de long terme, doit par principe être symétrique. La fixation d'un tarif asymétrique peut néanmoins être acceptable, dans les deux exceptions suivantes :

― sans condition de durée, dans les conditions prévues à l'article 9, concernant les cas de différences de coût objectives échappant au contrôle des opérateurs concernés, en particulier celui d'un opérateur dont les attributions de fréquences seraient insuffisantes, tel que discuté dans la section 6.3.1 ci-après ;

― temporairement, à l'occasion d'une nouvelle entrée, dans les conditions prévues à l'article 10, cité dans la section 1.2.3 et discuté en section 6.3.2 ci-après.

Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les éléments apportés par les acteurs ont montré que :

― les opérateurs alternatifs se considèrent comme des nouveaux entrants au sens de la recommandation européenne du 7 mai 2009 car ils n'auront, au moment de leur lancement commercial, aucun client et devront donc totalement construire leur base clientèle ;

― les obstacles à l'entrée sur le marché de détail sont confirmés par les opérateurs alternatifs, mais réfutés par les trois opérateurs de réseau historiques et Lebara Mobile ;

― les opérateurs alternatifs estiment faire face à des coûts incrémentaux inévitables pour fournir le service de terminaison d'appel qui entraînent des surcoûts par rapport à l'opérateur générique efficace, point qui n'est cependant pas partagé par les opérateurs historiques et Lebara Mobile.

Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.

Les éléments de réponse aux commentaires des acteurs relatifs aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la recommandation de la Commission européenne sont présentés à la fin de cette partie.

6.3.1. Prise en compte de l'article 9 de la recommandation

La terminaison d'appel constituant un monopole structurel, il apparaît légitime d'interdire à chaque opérateur de répercuter ses inefficacités sur les autres opérateurs. Dans un marché ouvert et libre, l'optimum d'efficacité atteignable n'a pas de raison de différer d'un opérateur à un autre. Cela conduit à imposer une obligation symétrique d'orientation vers les coûts d'un opérateur générique efficace.

Dans les marchés mobiles, la mise en place des réseaux est cependant conditionnée par l'obtention de fréquences, qui constituent une ressource rare à laquelle l'accès n'est pas libre et ne dépend pas uniquement de l'opérateur. Des répartitions inégales de fréquences peuvent ainsi conduire à des différences entre opérateurs sur l'optimum d'efficacité qu'ils peuvent atteindre. Dans un tel cas de figure, il peut apparaître légitime et proportionné d'autoriser une asymétrie pour l'opérateur concerné, en orientant le tarif de sa terminaison d'appel vers les coûts de l'optimum d'efficacité correspondant à son portefeuille de fréquences, dès lors que celui-ci diffère de celui de l'opérateur générique et que cette différence ne résulte pas de sa volonté mais échappe à son contrôle.

Ceci correspond à l'un des cas prévus par l'article 9 de la recommandation, qui prévoit que :

« Dans la détermination des niveaux de coût efficace, tout écart par rapport aux principes susmentionnés doit se justifier par des différences de coût objectives échappant au contrôle des opérateurs concernés. De telles différences de coût objectives peuvent être constatées sur les marchés de la terminaison d'appel mobile en raison d'une répartition inégale des fréquences. »

Il convient donc de s'interroger sur les attributions de fréquences de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

En vertu de ses autorisations d'utilisation de fréquences, Free Mobile dispose de 5 MHz dans la bande 900 MHz, 5 MHz dans la bande 2,1 GHz et 20 MHz dans la bande 2,6 GHz. Il dispose par ailleurs, et dès lors que son réseau sur la bande 2,1 GHz aura atteint une couverture de 25 % de la population, d'un droit à l'itinérance 2G dans la bande 900 MHz, pour une période de six ans après l'attribution de l'autorisation d'utilisation de fréquences. Il dispose également, et dès lors que son réseau sur la bande 2,6 GHz aura atteint une couverture de 25 % de la population, d'un droit à l'itinérance dans la bande 800 MHz en zone de déploiement prioritaire sur le réseau de SFR, correspondant aux parties les moins denses du territoire métropolitain (24).

Au regard des quantités de fréquences dont disposent les quatre opérateurs de réseaux mobiles sur le marché français et des conditions d'utilisation propres à chaque bande attribuée, il n'y a pas de répartition inégale des fréquences de nature à justifier l'établissement d'un encadrement tarifaire asymétrique pour Free Mobile.

Il convient toutefois de préciser que l'utilisation par Free Mobile des fréquences qui lui ont été attribuées dans la bande 900 MHz, après avoir été libérées par les trois opérateurs historiques (25), est contrainte dans le temps : si l'opérateur peut utiliser ces fréquences depuis le 12 juillet 2011 sur le territoire métropolitain en dehors des zones très denses, il ne pourra les utiliser, en zones très denses, qu'à compter du 1er janvier 2013 (26). Pour autant, cette restriction transitoire n'est pas d'ampleur à affecter l'appréciation d'un déséquilibre dans la durée. Elle pourra néanmoins influer sur les conditions d'acheminement en propre du trafic en 2012, comme il sera précisé infra (partie 6.3.5.2.2).

Par ailleurs, Lycamobile et Oméa Télécom, en vertu de leur modèle de full-MVNO, ne disposent d'aucun spectre. Le lancement d'un opérateur reposant sur une architecture full-MVNO peut être considéré comme un choix stratégique de ces acteurs, étant donné que l'attribution des autorisations d'utilisation de fréquences 3G ont fait l'objet de cinq appels à candidatures en 2000, 2001, 2007, 2009 et 2010 auxquels ces deux acteurs ne se sont pas portés candidats. Les éventuelles différences de structure de coûts liées à l'absence de spectre n'échappent donc pas au contrôle des opérateurs concernés, et ce critère ne peut justifier l'établissement d'un encadrement tarifaire asymétrique.

6.3.2. Prise en compte de l'article 10 de la recommandation

Dans un secteur caractérisé par des économies d'échelle significatives, l'optimum d'efficacité atteignable par les opérateurs, qui caractérise l'opérateur générique efficace, ne peut être immédiatement atteint par un nouvel entrant, dont la part de marché croît progressivement en partant de zéro. Dès lors que l'échelle de référence constituée par l'opérateur générique efficace est hors d'atteinte d'un nouvel entrant dans les premiers temps de son entrée sur le marché, il peut apparaître légitime et proportionné d'autoriser une asymétrie pour le nouvel entrant concerné, en orientant le tarif de sa terminaison d'appel vers les coûts de l'optimum d'efficacité atteignable dans sa situation d'entrée sur le marché.

C'est le sens de l'article 10 de la recommandation européenne qui prévoit une exception dans le traitement symétrique de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal de nouveaux entrants sur le marché de la téléphonie mobile, dont l'activité est en deçà de l'échelle minimale efficace, pendant un délai ne devant pas dépasser quatre ans après leur arrivée sur le marché :

« S'il peut être démontré qu'un nouveau venu sur le marché de la téléphonie mobile, dont l'activité est en deçà de l'échelle minimale efficace, encourt des coûts incrémentaux unitaires plus élevés que l'opérateur modélisé, les ARN peuvent, après avoir déterminé qu'il existe des obstacles sur le marché de détail qui entravent l'entrée sur le marché et l'expansion, autoriser la récupération de ces coûts plus élevés par des tarifs réglementés de terminaison d'appel, pendant une période transitoire. Cette période ne doit pas dépasser quatre ans après l'entrée sur le marché. »

L'échelle minimale efficace d'un opérateur de téléphonie mobile est définie en annexe de la recommandation :

« Pour déterminer l'échelle minimale efficace aux fins du modèle de calcul des coûts, et compte tenu de l'évolution des parts de marché dans plusieurs Etats membres de l'UE, l'approche recommandée consiste à établir cette échelle à 20 % du marché. »

Il est néanmoins précisé que :

« Au cas où une ARN pourrait démontrer que les conditions du marché sur le territoire d'un Etat membre exigent une autre échelle minimale efficace, elle pourrait s'écarter de l'approche recommandée. »

Le marché de la téléphonie mobile, au regard des infrastructures sous-jacentes nécessaires, repose sur une économie dans laquelle les coûts fixes représentent une part importante. Plusieurs années apparaissent donc nécessaires pour que la structure de coûts de nouveaux venus sur ce marché puisse converger vers une structure de coûts efficace. Ce constat est vérifié pour les nouveaux opérateurs de réseau disposant d'une boucle locale radio mobile, comme dans le cas de nouveaux entrants reposant sur une architecture full-MVNO :

― dans le cas d'un nouvel opérateur de réseau, celui-ci est dans la nécessité d'avoir recours à un contrat d'accès avec un opérateur tiers, afin d'assurer la continuité des services de téléphonie mobile dans les zones où il n'aura pas pu déployer son réseau pendant les premières années d'opération (cf. 6.3.5.2.2) ;

― dans le cas d'un opérateur nouvellement full-MVNO, bien que celui-ci aura recours pendant toute la durée de ces opérations à un contrat d'accès avec un opérateur tiers pour assurer la terminaison sur boucle locale radio, il convient néanmoins de noter que les conditions de ce contrat d'accès sont susceptibles d'être moins favorables pendant les premières années d'exploitation (cf. 6.3.5.2.2).

Les difficultés structurelles des nouveaux entrants à leur arrivée sur le marché de la téléphonie mobile, notamment en termes de surcoûts les premières années, sont prises en compte par la recommandation de la Commission européenne, qui prévoit des conditions spécifiques pendant cette période transitoire suivant le lancement.

Ainsi que le prévoit l'article 10 de la recommandation de la Commission européenne, il convient, d'une part, d'analyser le statut de nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile des opérateurs concernés par le présent projet de décision (6.3.3), d'autre part, de constater l'existence d'obstacles entravant l'entrée et l'expansion sur le marché de détail (6.3.4), et, enfin, de déterminer si les coûts incrémentaux unitaires de ces acteurs sont plus élevés que ceux de l'opérateur générique efficace (6.3.5).

6.3.3. Statut de nouvel entrant

L'objet de cette section est de vérifier le statut de nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile, respectivement pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

A titre liminaire, s'agissant des trois acteurs dont le statut de nouvel entrant sur les marchés de détail est discuté ci-après, il convient de souligner qu'ils sont tous trois des nouveaux entrants sur les marchés de gros de téléphonie mobile, étant donné qu'ils offrent pour la première fois une prestation de terminaison d'appel vocal mobile et qu'en conséquence le présent projet de décision représente une première régulation de ces acteurs sur cette prestation.

Free Mobile

Free Mobile est une société du groupe Iliad, qui opère également sous la marque Free sur le marché français de la téléphonie fixe et du haut-débit, en tant que troisième acteur sur ces marchés. A son lancement, l'opérateur Free Mobile dispose donc d'une base de clients adressable grâce à ses activités sur le marché fixe.

L'Autorité reconnait cet avantage mais souligne que, disposer d'une base de clients adressable ne remet pas en cause son statut de nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile. En effet, avant son lancement début janvier 2012, Free Mobile n'opérait pas sur le marché de la téléphonie mobile. Il y a débuté, pour sa nouvelle activité, avec une base de clients nulle et est donc en deçà de l'échelle minimale efficace telle que définie par l'annexe de la recommandation.

Lycamobile

Lycamobile est une société du groupe paneuropéen du même nom. Le groupe Lyca opère en tant que MVNO dans onze pays européens où il dispose d'une base de [SDA] millions de clients.

Cette expérience dans d'autres pays est un avantage, mais ne remet pas en cause le statut de nouvel entrant de Lycamobile sur le marché de la téléphonie mobile française, sur lequel Lycamobile a lancé ses opérations en juillet 2011, avec une base de clients nulle. La part de marché de Lycamobile est ainsi toujours largement en deçà de l'échelle minimale efficace telle que définie par l'annexe de la recommandation.

Oméa Télécom

Le groupe Oméa Télécom opère plusieurs light-MVNO sur le marché de la téléphonie mobile français, mais ne maîtrise pas les cartes SIM des clients recrutés sur l'architecture light-MVNO. Une migration des clients de l'architecture light-MVNO vers l'architecture full-MVNO n'est donc pas possible sans remplacer la carte SIM de chacun des clients sur l'architecture light-MVNO. Une telle opération est coûteuse et chronophage et engendre, par ailleurs, un risque de départ du client au moment de la migration. Le processus de migration d'un client de l'architecture light-MVNO à l'architecture full-MVNO s'apparente donc à une nouvelle acquisition de clientèle.

De plus, le lien entre les conditions tarifaires du contrat de light-MVNO et les volumes de trafic rend une migration progressive des clients de l'architecture light-MVNO à l'architecture full-MVNO particulièrement coûteuse. En effet, dans l'hypothèse où les volumes de trafic sur l'activité light-MVNO viendraient à diminuer, les tarifs de gros pourraient être impactés à la hausse du fait de l'existence de mécanismes indexant les tarifs sur les volumes (sous différentes formes). Dans la phase de lancement de l'activité de full-MVNO, cela constitue un frein sérieux au fait de faire migrer ses clients dans la mesure où une telle migration progressive viendrait diminuer les volumes sur l'architecture light-MVNO et par conséquent augmenter significativement les tarifs applicables pour les clients restant sur cette architecture.

La base de clients existante sur l'architecture light-MVNO d'Oméa Télécom ne pouvant migrer qu'à un coût prohibitif, dans des délais longs et avec un risque important, il est pertinent de considérer les parcs de clients sur l'architecture light-MVNO et sur l'architecture full-MVNO comme appartenant à deux entités différentes du groupe Oméa Télécom.

L'Autorité relève que l'autorité de la concurrence reconnaît ces difficultés dans son avis n° 11-A-19 susvisé.

Ainsi, Oméa Télécom ne disposant d'aucun client sur son architecture d'opérateur autonome (full-MVNO), il est considéré comme un nouvel entrant à ce titre.

A cet égard, dans son avis n° 11-A-19, l'Autorité de la concurrence reconnaît pleinement le statut de nouvel entrant des full-MVNO concernés par le présent projet de décision, y compris pour Oméa Télécom. L'Autorité de la concurrence indique ainsi qu'elle « se félicite de l'arrivée de nouveaux entrants, en particulier du quatrième opérateur de réseau mobile et des opérateurs full MVNO ».

Enfin, on peut souligner que, quand bien même on confondrait la part de marché d'Oméa Télécom sur son architecture d'opérateur autonome et sur son modèle de light-MVNO, soit de l'ordre de [SDA] % au 31 décembre 2011, l'opérateur reste en deçà de l'échelle minimale efficace telle que définie par l'annexe de la recommandation.

6.3.4. Existence d'obstacles à l'entrée sur le marché

Comme l'Autorité l'a relevé dans son rapport de juillet 2010 sur l'impact de l'article 17 de la loi du 3 janvier 2008 (27) pour le développement de la concurrence au bénéfice des consommateurs, l'analyse de la situation du marché a permis de constater un maintien, voire une accentuation, de la fluidité limitée du marché mobile et des politiques fortes d'engagement et de réengagement.

L'Autorité avait relevé les faits suivants :

― une très légère augmentation des résiliations provenant de clients engagés auprès de leur opérateur (28) ;

― la croissance du marché de la téléphonie mobile grand public s'orientant de plus en plus vers des contrats de type postpayé, représentant 65 % à fin 2009 ;

― un manque de fluidité de ce segment du postpayé compte tenu de durées d'engagement longues, voire rigides, avec toujours de plus en plus de clients sous engagement :

― les ventes brutes d'abonnements postpayés avec engagement représentant 98 % des ventes brutes d'abonnement postpayées, parmi lesquelles 73 % correspondaient à un engagement supérieur à 1 an ;

― un plus grand nombre de ventes d'offres postpayées avec engagement et en particulier un engagement long, se traduit mécaniquement par une dégradation du parc d'abonnés libre d'engagement, qui ne représentait plus que 20 % au début de l'année 2010. En conséquence, 80 % des abonnés postpayés étaient engagés auprès de leur opérateur mobile, principalement pour une durée supérieure à douze mois.

En analysant les données collectées auprès des acteurs au cours des années 2010 et 2011, l'Autorité relève notamment qu'entre début 2010 et la fin du troisième trimestre 2011 :

― le taux de résiliation sur le segment du postpayé s'est maintenu entre 45 % et 50 % tout au long de l'année 2010. Ce phénomène s'est accru au premier trimestre 2011 pour atteindre 57 %, avant de revenir à 42 % puis 46 % au deuxième et troisième trimestre 2011. En effet, l'augmentation du taux de TVA survenu en cours d'année a, pendant un temps, été répercuté par Orange France et SFR. Cela a provoqué une hausse des prix, constitutive de modification significative de contrat, ce qui a donné l'opportunité aux clients de résilier leur abonnement sans frais ;

― le taux d'abonnements postpayés est resté stable autour de 67 % ;

― le taux de ventes brutes d'abonnements postpayés avec engagement s'est maintenu à plus de 95 %, tandis que le taux de ventes brutes avec engagement supérieur à 1 an est passé de 65 % à 83 % sur la période, avec un maintien autour de 80 % entre le troisième trimestre 2010 et le troisième trimestre 2011 ;

― le taux d'abonnés postpayés engagés auprès de leur opérateur, principalement pour une durée supérieure à douze mois, est resté stable autour de 80 %.

Parallèlement à leurs offres avec durées d'engagement, la plupart des opérateurs ont mis en place des programmes de réengagement et de fidélisation des clients. L'ensemble de ces pratiques sont décrites en détail dans les propositions et recommandations visant à améliorer les offres faites aux consommateurs de services de communications électroniques et postales publiées par l'ARCEP en février 2011.

Dans ce même document, l'Autorité a estimé que l'avènement des offres multiservices (internet + téléphone fixe + télévision + téléphone mobile) risquerait d'entraîner une propagation réciproque des freins au changement d'opérateur entre les services triple play et mobile. Ainsi, même si les offres multiservices présentent des avantages indéniables pour le consommateur, elles peuvent présenter des risques potentiels pour la concurrence en accentuant la rigidité du marché dans certaines circonstances.

Enfin, l'Autorité relève que le réseau de distribution est un des éléments clés dans la pénétration du marché mobile. Or, le terminal va encore jouer pendant plusieurs années un rôle important dans le choix de leurs offres, même si des offres sans terminaux, dont la commercialisation peut se faire notamment par internet, ont été lancées depuis peu, et vont se développer. De ce fait, les acteurs qui ne disposeraient pas ou très peu de boutiques physiques pourraient être pénalisés par rapport aux trois opérateurs historiques qui disposent de nombreux points de ventes physiques.

En outre, l'Autorité de la concurrence, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, constate la persistance de barrières à l'entrée sur le marché mobile : « A cet égard, si elle note avec satisfaction que des changements significatifs, matérialisés par l'arrivée de nouveaux acteurs et le lancement de nouvelles gammes d'offres, sont intervenus sur les marchés mobiles depuis le lancement de la première consultation publique de l'ARCEP initiant le troisième cycle d'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile, l'Autorité de la concurrence souligne que des barrières à l'entrée demeurent du fait du niveau élevé des charges de terminaison d'appel. » L'Autorité de la concurrence souligne à ce titre qu'« Il est par exemple difficile pour un acteur naissant souhaitant se positionner sur le segment des offres postpayées, de proposer des offres d'abondance sans mettre en péril ses soldes d'interconnexion qui dépendent à la fois de lui, mais également de la politique adoptée par ses concurrents. »

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'Autorité estime que ses conclusions de février 2011 restent toujours valables, à savoir que le marché postpayé reste peu fluide compte tenu de durées d'engagement longues, voire se rigidifie, avec toujours plus de clients sous engagement.

L'Autorité estime donc que la présence d'obstacles qui pourraient entraver l'entrée et l'expansion sur le marché mobile est avérée.

6.3.5. Comparaison du coût incrémental de la terminaison d'appel vocal de l'opérateur générique

avec celui des opérateurs concernés par le présent projet de décision

Il convient de s'interroger sur le niveau des coûts incrémentaux unitaires de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, en tant que nouveaux acteurs sur le marché de gros de la terminaison d'appel mobile vocal, afin de déterminer s'il est plus élevé que celui de l'opérateur générique efficace modélisé. Dans cette démarche, l'Autorité s'attache à évaluer les facteurs pouvant écarter le niveau de coût incrémental de ces trois acteurs du niveau générique, au regard des principes de pertinence et d'efficacité qui guident son action en matière d'analyse des coûts.

Cette approche est conforme aux dispositions de l'article 10 de la recommandation de la Commission européenne. En effet, dans le cas de nouveaux entrants sur le marché de la téléphonie mobile, l'article 10 de la recommandation prévoit qu'il convient de déterminer si ceux-ci encourent « des coûts différentiels unitaires plus élevés que l'opérateur modélisé » (29).

Les sous-sections suivantes ont ainsi pour objectif de répondre à la question de l'existence d'une différence entre le coût incrémental de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom et le coût incrémental de l'opérateur générique efficace, étape par étape.

Le coût incrémental de l'opérateur générique efficace est évalué à 0,8 c€ par minute sur la période considérée par la décision de l'Autorité n° 2011-0483 susmentionnée. En vertu de cette décision, le plafond encadrant les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs mobiles déjà présents sur le marché atteindra ce niveau au 1er janvier 2013.

Le coût incrémental de terminaison d'appel vocal mobile de Free Mobile est une pondération, en fonction des volumes de trafic correspondants, entre :

― le coût incrémental de terminaison d'appel sur son propre réseau (cf. 6.3.5.1) ;

― le coût incrémental de terminaison d'appel en itinérance sur le réseau d'Orange France (cf. 6.3.5.2).

Le coût incrémental de terminaison d'appel vocal mobile de Lycamobile et d'Oméa Télécom est exclusivement composé d'un coût incrémental de terminaison d'appel en itinérance sur le réseau de leur opérateur hôte respectif (cf. 6.3.5.2).

6.3.5.1. Coût incrémental de la terminaison d'appel vocal en propre de Free Mobile

Le coût incrémental du trafic terminé en propre sur la boucle locale radio de Free Mobile n'est pas supérieur à celui de l'opérateur générique : il est tout au plus comparable et potentiellement inférieur.

Des coûts unitaires comparables et potentiellement inférieurs :

Les coûts de l'opérateur générique reposent sur les données constatées pour les opérateurs en place, et notamment sur leurs coûts unitaires.

Or, Free Mobile a commencé le déploiement de son réseau mobile en 2010, alors que les opérateurs mobiles historiques ont initié leurs premiers déploiements GSM près de vingt ans auparavant et leurs déploiements de réseaux mobiles de technologie 3G, plus de cinq ans auparavant.

Le progrès technique des technologies de réseau mobile impliquant des baisses de coûts et des gains d'efficacité appréciables chaque année, les coûts d'équipement du réseau de Free Mobile sont logiquement inférieurs à ceux encourus par les opérateurs mobiles historiques.

D'autres facteurs peuvent cependant contrebalancer cet effet, notamment : l'augmentation du coût des personnels spécialistes des technologies mobiles ― généralement constatée, et particulièrement notable à l'occasion d'une nouvelle entrée sur le marché, ou encore les difficultés pour accéder aux sites pertinents pour l'implantation d'antennes, qu'il s'agisse d'équipements de couverture ou de montée en capacité, causées notamment par la présence des trois opérateurs historiques sur certains de ces sites.

Un réseau moins rempli :

La capacité totale disponible sur le réseau d'un opérateur commençant ses opérations n'est pas totalement exploitée. En particulier, les premières années, l'opérateur déploie un important réseau de couverture, dont le coût est non évitable, donc non incrémental au trafic entrant, mais dont la capacité inexploitée peut néanmoins être utilisée pour ce même trafic entrant (et donc à coût incrémental nul).

Par conséquent, le coût incrémental en propre d'un opérateur en phase de lancement aura tendance à être inférieur au coût incrémental d'un opérateur ayant atteint une phase de maturité. Cette sensibilité du coût incrémental de la terminaison d'appel vocal au volume de trafic total sur le réseau a notamment été relevée dans l'analyse présentée dans la consultation publique sur le modèle technico-économique des coûts de réseau d'un opérateur mobile métropolitain calibré, menée du 22 décembre 2010 au 31 janvier 2011, laquelle précise que le coût incrémental de la terminaison d'appel vocal mobile augmente lorsque les volumes de trafic augmentent et inversement baisse lorsque les volumes de trafic se réduisent.

Conclusion :

Le coût incrémental de terminaison d'appel vocal sur le propre réseau de Free Mobile ne présente pas de surcoût par rapport au coût incrémental générique efficace. Conformément aux principes appliqués aux autres opérateurs mobiles, il apparait donc pertinent de prendre le coût incrémental générique efficace comme référence pour le coût incrémental en propre de Free Mobile.

6.3.5.2. Coût incrémental de la terminaison d'appel

en itinérance de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom

Free Mobile, lors des premières années de son activité commerciale, Lycamobile et Oméa Télécom, de manière pérenne, ont recours à l'accès au réseau d'un autre opérateur mobile afin de fournir leurs services à leurs clients de détail. Comme vu au 1.1.2, il s'agit de l'opérateur Orange France dans le cas de Free Mobile, de Bouygues Telecom dans le cas de Lycamobile et de SFR dans le cas d'Oméa Télécom. En terminant un appel vers un de ses clients, dont le numéro est ouvert à l'interconnexion sur son réseau, Free Mobile aura ainsi parfois recours à la boucle locale radio d'Orange France, dans des proportions qui devraient s'amenuiser au fil du temps. En terminant un appel vers un de ses clients, dont le numéro est ouvert à l'interconnexion sur son réseau, Lycamobile et Oméa Télécom auront systématiquement recours à la boucle locale radio de leur opérateur hôte (respectivement Bouygues Telecom et SFR), de manière pérenne, mais dans des conditions contractuelles et tarifaires susceptibles de varier dans le temps.

Le coût incrémental de la terminaison d'appel vocal en itinérance de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom se compose :

― de coûts internes supportés sur leurs propres réseaux (cf. 6.3.5.2.1) ;

― de coûts liés à l'accès au réseau d'un opérateur hôte ou d'itinérance (cf. 6.3.5.2.2).

6.3.5.2.1. Coût incrémental en propre de la terminaison d'appel vocal en itinérance

Lors de la terminaison d'un appel en itinérance sur le réseau radio de leur opérateur hôte, Free Mobile tout comme les full-MVNO supportent un coût interne sur leur propre cœur de réseau. Ce coût correspond à un coût de transit et d'utilisation des plates-formes, serveurs et commutateurs.

Il a été démontré ci-avant en 6.3.5.1 que le coût incrémental en propre d'un nouvel entrant ne présente pas de surcoût par rapport au coût incrémental de l'opérateur générique et que cette référence reste donc pertinente pour évaluer les coûts en propre de ces acteurs.

Etant donné qu'il est possible d'isoler, dans cette référence de coûts, la part correspondant à l'utilisation du cœur de réseau d'un opérateur générique efficace, c'est donc cette part du coût incrémental générique qui sera retenue comme pertinente.

6.3.5.2.2. Coût incrémental lié à la prestation d'itinérance

de la terminaison d'appel vocal en itinérance

Les conditions d'accès, et notamment les conditions économiques, ont un impact sur le coût global du service de terminaison d'appel vocal fourni sur leurs marchés de gros respectifs par Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom. Ces conditions sont négociées commercialement par ces trois opérateurs avec leurs opérateurs hôtes ou d'itinérance respectifs.

Ainsi, le coût incrémental de la terminaison d'appel fournie en ayant recours aux services de ces opérateurs dépend, entre autre, des niveaux tarifaires et de la structure tarifaire résultant de la négociation commerciale. En fonction de ces éléments, et en particulier en fonction de la répartition entre tarification forfaitaire et tarification à la minute de l'accès, la prestation de terminaison d'appel vocal fournie en ayant recours à cet accès pourra ainsi correspondre à un coût incrémental différent pour chaque opérateur ayant recours à l'itinérance pouvant même tendre, dans un cas théorique où la tarification serait uniquement forfaitaire, vers zéro.

Par ailleurs, ces conditions d'accès peuvent être sujettes à renégociation et donc évoluer dans le temps. De telles renégociations pourraient notamment être la conséquence des encadrements tarifaires réglementaires. Ces différents éléments doivent conduire à appréhender les coûts découlant de ces conditions d'accès avec certaines précautions.

Les coûts découlant de ces conditions d'accès représentent néanmoins dans la pratique, pour les opérateurs qui y ont recours, un coût supérieur par rapport au coût générique, dans la mesure où l'itinérance fait intervenir un acteur supplémentaire dans la chaine de production du service de terminaison d'appel (i.e. l'opérateur hôte ou d'itinérance).

La prise en compte de ce coût respectivement pour un nouvel opérateur de boucle radio mobile et pour un nouveau full-MVNO est donc discutée en détail ci-après.

Pertinence de la prise en compte des coûts de l'itinérance pour un nouvel opérateur de réseau mobile :

Le marché métropolitain de la téléphonie mobile est désormais un marché développé, tant au niveau de la pénétration que de la couverture de la population par les opérateurs de réseau en place. Si, au début de ce marché, notamment au milieu des années 90, il pouvait être perçu comme acceptable, par les clients sur la marché de détail, de n'avoir qu'un accès partiel aux services de téléphonie mobile, en 2012 un opérateur mobile ne pourrait pas se lancer sur le marché grand public sans une couverture de service large, au risque de voir son image de marque et la perception de la qualité de ses services sérieusement endommagées.

Ainsi, comme vu au paragraphe 6.3.2, un nouvel opérateur de réseau mobile sur le territoire métropolitain devra nécessairement avoir recours à l'accès au réseau d'un opérateur mobile tiers, en vue d'assurer la continuité de ses services au cours de la période transitoire pendant laquelle il déploie son réseau de couverture. En théorie, l'opérateur pourrait faire le choix de déployer d'abord totalement son réseau, puis de lancer ses services. Mais outre le fait qu'une telle approche n'a jamais été observée sur les marchés de télécommunications, elle a l'inconvénient prohibitif de retarder le lancement commercial de plusieurs années et d'entraîner pendant cette période des investissements très importants sans aucun retour, et donc une augmentation significative du risque associé.

Ainsi, le fait de ne pouvoir proposer au détail, dès l'ouverture commerciale du service, une offre vocale couvrant une partie substantielle du territoire métropolitain constituerait un handicap concurrentiel dirimant. A cet égard, le Conseil d'Etat relève que l'itinérance au bénéfice du nouvel entrant trouve sa justification notamment dans « la nécessité d'offrir aux nouveaux opérateurs qui se verraient, le cas échéant, attribuer une licence pour l'exploitation d'un réseau de téléphonie mobile en norme 3G, la possibilité de bénéficier d'une telle prestation afin de concurrencer de façon effective les opérateurs qui exploitent conjointement un réseau en norme 2G et un réseau en norme 3G (30) ». Le Conseil d'Etat souligne ainsi la nécessité du droit à l'itinérance sur le territoire métropolitain « pour permettre l'entrée sur le marché de la téléphonie mobile d'un opérateur ne disposant, comme cela devait être le cas d'un nouvel entrant, que d'une autorisation 3G et non, en outre, comme les opérateurs existants, d'une autorisation d'exploitation d'un réseau en norme 2G (31) ».

Toutefois, pour la préservation de l'équilibre concurrentiel et pour inciter le nouvel entrant à véritablement investir dans le déploiement de son propre réseau 3G, Free Mobile doit, pour bénéficier de l'itinérance, assurer une couverture pour le service vocal d'au moins 25 % de la population en France métropolitaine. En outre, Free Mobile est lui-même tenu à des obligations de couverture inscrites dans son autorisation et doit, à ce titre, respecter un rythme minimal de déploiement de son réseau (32). Enfin, l'exercice de ce droit à l'itinérance sur le réseau 2G est limité à une période de six ans à compter de la date d'attribution de l'autorisation 3G. Dès lors que Free Mobile est tenu d'ouvrir commercialement son service deux ans après l'attribution de son autorisation 3G (soit au plus tard le 12 janvier 2012), il ne bénéficiera de l'obligation s'imposant aux opérateurs de réseaux mobiles tiers d'accorder l'itinérance que pendant quatre ans après son lancement commercial.

Le recours à l'itinérance est ainsi nécessaire à l'entrée sur le marché, tout en étant structurellement décroissant au fil du temps tant en raison des obligations de couverture que des incitations économiques fortes à déployer qui pèsent sur Free Mobile.

Le recours temporaire et partiel à l'itinérance, dans les limites temporelles et spatiales strictement nécessaires au complément du déploiement réglementairement imposé à Free Mobile, peut donc être considéré comme efficace pendant la période de plusieurs années au cours de laquelle l'opérateur déploie son réseau et développe en parallèle ses activités sur le marché de détail. L'itinérance représente logiquement un coût lié au statut de nouvel entrant, dont il convient de tenir compte, notamment au regard de la recommandation de la Commission européenne.

Pertinence de la prise en compte des coûts d'accès au réseau de l'opérateur hôte pour un nouveau full-MVNO :

Comme vu au paragraphe 6.3.2, le modèle full-MVNO repose sur l'utilisation permanente et durable de l'accès au réseau d'un opérateur hôte. De ce fait, la capacité de l'opérateur à faire jouer la concurrence sur le marché de l'accès, en utilisant la possibilité de faire migrer sa base de clients d'un réseau d'accès à l'autre, est essentielle. Les full-MVNO doivent donc nécessairement développer la capacité d'avoir recours à un ou plusieurs accès au réseau d'un ou plusieurs opérateurs hôtes.

En revanche, la possibilité de faire migrer la base de clients du full-MVNO d'un réseau d'accès à l'autre n'apparaît qu'à partir du moment où celui-ci dispose d'une base de clients significative sur son architecture d'opérateur autonome.

Ainsi, un opérateur lançant des opérations de full-MVNO devra nécessairement passer par une phase de montée en puissance de son pouvoir de négociation. Ce n'est qu'à l'issue de cette période transitoire au cours de laquelle il constitue sa clientèle que ses conditions économiques d'accès au réseau de son (ou de ses) opérateur(s) hôte(s) pourront devenir plus avantageuses.

Ce constat est d'autant plus vrai aujourd'hui alors qu'apparaissent les premiers full-MVNO et que le marché de l'accès pour ces full-MVNO est naissant et nécessairement accompagné d'une phase d'apprentissage et de maturation, caractérisée par une asymétrie d'information importante au détriment des candidats full-MVNO venant s'ajouter aux contraintes de la phase de lancement traversée à titre individuel par chaque full-MVNO.

Par ailleurs, les engagements sur les conditions d'accueil des MVNO, notamment tarifaires, pris, d'une part, par Free Mobile dans le cadre de l'attribution de la quatrième licence puis, d'autre part, par les quatre opérateurs de réseau dans le cadre de l'attribution des fréquences dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz ne seront que pleinement effectifs qu'à compter de 2013 au plus tôt, soit le temps pour Free Mobile d'avoir un réseau suffisamment déployé et pour les réseaux 4G d'être ouvert commercialement (l'obligation ne rentrant en vigueur qu'au moment de l'utilisation effective des fréquences).

Ainsi, s'il peut apparaître fondé de tenir compte du coût engendré par cet accès, ce n'est que pendant une période transitoire dans le contexte actuel de l'émergence des premiers opérateurs full-MVNO et dans une période où les obligations liées aux licences 4G ne sont pas encore entrées en vigueur.

Par ailleurs, seule une certaine proportion de ce coût pourra être prise en compte. En effet, dès lors que ces opérateurs ont eu la possibilité d'acquérir des fréquences mais ont fait le choix stratégique d'entrer sur le modèle full-MVNO, le coût pris en compte ne doit pas dépasser celui d'une entrée avec acquisition de fréquences et déploiement d'un réseau en propre qui constitue le scénario d'entrée le plus efficace. Le constat des difficultés à l'entrée des full-MVNO ne remet ainsi pas en cause la définition du modèle d'entrée efficace et du coût générique associé dont il est question dans la suite de cette sous-partie.

Principe et intérêts de l'évaluation du coût incrémental lié à la prestation d'itinérance en fonction des coûts efficaces d'un accès générique, au sein du scénario d'entrée le plus efficace :

La nécessité d'accéder au réseau d'un opérateur tiers représente un coût contraint dans les premières années, dont une partie peut donc être prise en compte dans la définition de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile, dans le cas particulier d'une nouvelle entrée sur le marché.

Les conditions d'accès de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom en vigueur à ce jour, résultant de négociations commerciales entre deux parties, et dont l'Autorité dispose, présentent [SDA]. Il revient à l'Autorité, afin de tenir compte, d'une part, pertinente du coût lié à cet accès, d'évaluer quels seraient les coûts efficaces d'un accès générique au réseau d'un opérateur tiers pour un nouvel entrant générique efficace.

Les coûts efficaces ainsi définis équivalent aux coûts incrémentaux efficaces supportés par un opérateur ayant recours à l'accès au réseau d'un opérateur tiers pour chaque minute de communication vocale à destination de chacun de ses abonnés. Ces coûts incrémentaux efficaces en itinérance seront ensuite considérés comme supportés dans les conditions d'entrée les plus efficaces, c'est-à-dire en complément de la mise en place d'un réseau radio en propre et donc dans des proportions décroissantes au fil du temps, selon une courbe issue des obligations de déploiement et de couverture imposées à un nouvel entrant générique efficace.

Le recours aux « coûts efficaces d'un d'accès générique au réseau d'un opérateur tiers », tant par son caractère générique ― et donc distinct des conditions économiques d'accès individuelles de chacun des acteurs concernés ― que par son caractère efficace, présente ainsi l'avantage de ne pas avoir d'effet de rétroaction que ce soit sur les conditions économiques de ces contrats individuels ou par effet de circularité sur les niveaux de terminaison d'appel qui en résultent.

En particulier :

― un acteur ayant négocié des conditions d'accès coûteuses, sous-efficaces, ne pourra pas faire porter le poids de cette inefficacité aux autres opérateurs au travers d'un tarif de terminaison d'appel élevé étant donné que ces conditions d'accès ne seront pas considérées comme efficaces ;

― a contrario, une baisse des coûts d'accès n'ayant pas de répercussion sur le niveau des tarifs de terminaison d'appel, les opérateurs hébergés conservent toutes les incitations à négocier les meilleures conditions possibles ;

― enfin, cela permet de prévenir toute stratégie concertée entre un nouvel entrant et son opérateur hôte visant à obtenir un tarif de terminaison d'appel élevé au moyen de conditions d'accès coûteuses, en vue de se partager les revenus afférents.

De la même manière, pour déterminer la proportion de trafic terminée au moyen de l'itinérance, le recours à une courbe issue des obligations de déploiement et de couverture imposées à un nouvel entrant générique efficace, apparaît pertinent afin d'inciter à l'efficacité. En retenant un rythme de déploiement efficace et indépendant du rythme réel de déploiement constaté pour l'opérateur, on évite le risque d'une compensation trop importante liée à un recours excessif à l'itinérance du fait de retards à l'investissement.

A titre incident, il est utile de noter que, même si un opérateur couvrait via le tarif de terminaison d'appel tous ses coûts induits par l'itinérance pour le trafic de terminaison d'appel en itinérance, il conserverait néanmoins toujours des incitations fortes à obtenir les coûts d'accès les plus bas et à y recourir dans les proportions les plus faibles possibles. En effet, il subit ces mêmes coûts dans des conditions et des proportions identiques pour les appels sortants, qui représentent pour un nouvel entrant des volumes très généralement supérieurs au trafic entrant. Il ne peut être conclu qu'un tarif de terminaison d'appel prenant en compte ces coûts désinciterait l'opérateur à s'affranchir de l'itinérance.

Evaluation du coût incrémental lié à la prestation d'itinérance en fonction des coûts efficaces d'un accès générique :

Les contrats d'accès de l'ensemble des acteurs concernés sont mis à la disposition de l'Autorité en vertu des articles L. 32-4 et D. 98-11 du CPCE. L'Autorité dispose ainsi des contrats d'accès existants et est informée de la signature de nouveaux contrats et de la rupture éventuelle de certains contrats.

Afin de bénéficier du meilleur niveau d'information possible dans le cadre de cette analyse de marché, l'Autorité impose, par la présente décision, à Free Mobile, Lycamobile et Oméa Telecom, sur le fondement de l'article D. 98-11 (1°, d), de l'informer dans un délai de sept jours des modifications de leurs contrats d'accès existants, de la signature de nouveaux contrats ou de l'éventuelle résiliation de leurs contrats et de lui communiquer les documents pertinents tels que les avenants annexés à leur contrat d'accès.

En conséquence, l'Autorité dispose d'une information complète et permanente sur les conditions économiques de l'accès au réseau d'un opérateur tiers sur le marché de la téléphonie mobile. Ces conditions restent néanmoins soumises au secret des affaires et ne sont par conséquent pas communicables.

C'est au regard de l'ensemble des éléments d'information restitués par les acteurs du marché concernant leurs conditions d'accès ainsi que des résultats du modèle de l'opérateur générique efficace que l'Autorité définit les coûts efficaces d'un accès générique couvrant les années 2012 et 2013.

A cette fin, l'Autorité a notamment analysé les conditions économiques de ces contrats d'accès, s'agissant tant de leur structure (différentes formes de coûts fixes et de coûts variables) que de leurs niveaux. Cette analyse a permis de mettre en avant les conditions les plus avantageuses économiquement pour la prestation de voix, évaluées pour un volume correspondant au strict besoin de complément transitoire d'un réseau déployé en propre.

Ces conditions économiques caractérisent ainsi le maximum d'efficacité qu'a pu atteindre un opérateur nouvel entrant dans sa négociation avec son (ou ses) éventuels futur(s) opérateur(s) hôte(s). Il ne paraît pas fondé de défendre qu'un acteur aurait pu ou aurait dû obtenir des conditions économiques plus favorables que celles-ci, dès lors que les incitations à obtenir les conditions économiques les plus avantageuses sont caractérisées, ainsi que souligné plus haut, et que des telles conditions n'ont pas pu être obtenues. C'est d'ailleurs l'opinion exprimée par l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 11-1-19 qui souligne à cet égard qu'« il y a toutes les raisons de penser que les tarifs de gros amont actuels résultent d'un processus d'achat efficace de la part des nouveaux entrants et qu'ils peuvent donc être pris en compte à court terme dans l'appréciation de leurs coûts de terminaison des appels ».

Le niveau de ces conditions économiques a donc servi de référence à la détermination des coûts efficaces d'un accès générique.

A partir de ce niveau et au regard des différentes structures tarifaires des différents contrats d'accès dont elle dispose, l'Autorité estime pertinent et efficace au regard des coûts de production sous-jacents que ces conditions économiques se décomposent en une structure comportant à la fois une part de coûts fixes, indépendants du trafic, et des coûts variables, directement dépendants du trafic. Les coûts fixes, indépendants du trafic, n'interviennent donc pas dans le coût incrémental de terminaison d'appel lié à la prestation d'itinérance. A contrario, les coûts variables constituent pour l'opérateur le coût incrémental lié à la prestation d'itinérance ; ils viendront en sus des autres coûts pertinents (en propre) dans la détermination des coûts incrémentaux liés à la terminaison d'appel en itinérance.

Par ailleurs, ces conditions économiques ont été confrontées aux résultats du modèle de coût d'un opérateur générique efficace afin de s'assurer de l'adéquation entre les coûts efficaces de production de la prestation pour l'opérateur hôte ou d'itinérance et les conditions économiques d'accès à cette prestation pour le nouvel entrant générique efficace. Le niveau des coûts résultant de cette confrontation a servi de référence aux coûts efficaces d'un accès générique.

Cette méthode apparaît la plus appropriée pour évaluer les coûts incrémentaux efficaces en itinérance.

Les coûts efficaces résultant de cette évaluation ne sont pas communiqués aux acteurs du marché afin de ne pas influer sur les négociations commerciales entre opérateurs et, en particulier, ne pas constituer un plancher freinant les négociations entre opérateurs hôtes et opérateurs hébergés.

Proportion de trafic terminée en itinérance :

Les obligations de couverture minimale, pour le service de voix, qui étaient inscrites dans l'appel à candidatures pour la quatrième licence 3G de téléphonie mobile prévoyaient que les niveaux de couverture de population suivants devaient être atteints : 25 % puis 80 % de la population respectivement deux ans et huit ans après l'attribution de l'autorisation d'utilisation de fréquences.

En complément, les candidats devaient s'engager dans leur dossier de candidature sur des taux de couverture pour les échéances de deux ans, cinq ans et huit ans au moins égaux à ceux susmentionnés s'agissant de la première et de la dernière échéance.

L'Autorité estime que les engagements pris par Free Mobile dans son dossier de candidature et repris dans son autorisation d'utilisation de fréquences (27 % [à deux ans], 75 % [à cinq ans] puis 90 % [à huit ans]) correspondent à un niveau de déploiement efficace, sensiblement équivalent à celui de l'opérateur générique efficace métropolitain tel que prévu dans le modèle technico-économique des coûts de terminaison d'appel. En ce qui concerne le rythme de déploiement, l'Autorité estime efficace que la courbe issue du rythme de déploiement permettant de répondre aux obligations de couverture susmentionnées soit de forme convexe, soit plus rapide pendant les premières années de déploiement.

Le nouvel entrant générique efficace aura donc recours à l'accès en itinérance (pour les appels entrants comme sortants) pour le seul complément de couverture qu'il n'atteint pas en propre sur son réseau.

Toutefois, le nouvel entrant fait face à certaines contraintes qui pourraient être susceptibles, à tout le moins au début de son déploiement, d'augmenter la proportion de trafic terminée en itinérance.

L'Autorité rappelle que les fréquences acquises par le nouvel entrant ne lui permettent que de déployer un réseau 3G et non pas un réseau 2G. Ainsi, tous les abonnés de l'opérateur qui seront équipés d'un terminal 2G communiqueront intégralement en itinérance sur le réseau de l'opérateur hôte.

Les fréquences 3G acquises se divisent en une bande de 5 MHz duplex dans la bande 2,1 GHz (utilisables dès l'attribution de son autorisation, soit depuis le 12 janvier 2010) et une bande de 5 MHz duplex dans la bande 900 MHz (utilisables sur le territoire métropolitain en dehors des zones très denses depuis le 12 juillet 2011 et en zones très denses à compter du 1er janvier 2013).

Les caractéristiques de propagation de ces deux bandes de fréquences sont très différentes : à puissance équivalente, la bande 900 MHz permet de couvrir une superficie du territoire plus importante et de mieux pénétrer à l'intérieur des bâtiments. Ainsi, il peut être considéré qu'un déploiement efficace, notamment d'un point de vue technique et économique, résulte en une utilisation de la bande 900 MHz en zones rurales et peu denses pour des raisons de couverture et en zones denses et très denses pour des raisons de pénétration.

Or, en vertu de son autorisation d'utilisation de fréquences 3G, Free Mobile ne peut utiliser les fréquences de la bande 900 MHz, depuis son ouverture commerciale, qu'en dehors des zones très denses. L'opérateur ne pourra utiliser ces fréquences en zones très denses qu'à compter du 1er janvier 2013. De telles contraintes, imposées à Free Mobile, sont liées à la libération par les opérateurs historiques des fréquences nécessaires pour l'attribution au nouvel entrant du bloc de 5 MHz dans la bande 900 MHz. Elles permettent, pour partie, d'expliquer le faible niveau de pénétration du réseau 3G de Free Mobile à l'intérieur des bâtiments dans les agglomérations et, par suite, le fort niveau de trafic des appels des clients de Free Mobile en zones très denses passant sur le réseau de l'opérateur hôte.

De plus, le parc de terminaux 3G évoluant dans la bande 900 MHz est encore, en proportion du parc total de terminaux, relativement faible. Ainsi, dans le cas où un abonné du nouvel entrant se trouve sous couverture 3G 900 (en 2012, uniquement en zones rurales ou peu denses), mais sans le terminal compatible, alors le trafic qu'il émet ou reçoit passe également intégralement en itinérance sur le réseau de l'opérateur hôte.

Enfin, pendant le début du déploiement, la couverture du nouvel entrant sera par définition moins dense que celle de l'opérateur avec lequel il a signé le contrat d'itinérance et, de ce fait, un abonné en mobilité pourra être amené à passer d'une zone de couverture de l'opérateur hôte à une zone de couverture du nouvel entrant sans pour autant que son terminal ne resélectionne immédiatement le réseau du nouvel entrant, de telle sorte qu'une partie du trafic généré par cet abonné transite en itinérance sur le réseau de l'opérateur hôte.

L'Autorité estime donc que, dans la phase de démarrage du déploiement, la proportion de trafic en itinérance peut être considérée comme supérieure au seul complément de couverture du réseau en propre du nouvel entrant générique efficace au regard de ses obligations de couverture.

Toutefois, l'Autorité doit se baser non sur le déploiement réel de l'opérateur en cause mais sur un déploiement efficace qui peut être atteint par cet opérateur, afin d'écarter une compensation trop importante qui serait due à un recours excessif à l'itinérance résultant de choix volontairement arbitrés par l'opérateur. Une telle approche conduit à atténuer certains des effets précédemment cités.

6.3.6. Prise en compte des commentaires des acteurs formulés en réponse aux consultations publiques relatives aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la recommandation de la Commission européenne

6.3.6.1. Sur le statut de nouvel entrant

Comme détaillé en annexe B (B-3.1), les opérateurs historiques considèrent qu'aucun des opérateurs concernés par la présente décision ne peut être considéré comme un nouvel entrant au sens de la recommandation de la Commission européenne. A contrario, les opérateurs alternatifs estiment tous devoir être considérés comme des nouveaux entrants.

L'Autorité entend maintenir sa position en considérant que Free Mobile et les full-MVNO sont des nouveaux entrants au sens de la recommandation de la Commission européenne et renvoie à son argumentaire dans la partie 6.3.3.

6.3.6.2. Sur l'existence d'obstacles à l'entrée sur le marché

Comme détaillé en annexe B (B-3.2), l'existence d'obstacles sur le marché de détail est confirmée par les opérateurs alternatifs, mais réfutée par les trois opérateurs historiques.

L'Autorité a mis à jour son analyse de la situation concurrentielle du marché avec les dernières données dont elle dispose, datant du troisième trimestre 2011. L'Autorité maintient sa position en considérant que l'existence d'obstacles à l'entrée sur le marché était avérée et renvoie à son argumentaire dans la partie 6.3.3. L'Autorité estime, en outre, que Free Mobile a dû proposer des tarifs de détails très agressifs, des offres sans engagements et SIM Only afin d'attirer les clients, et notamment ceux déjà clients d'un opérateur concurrent. Par ailleurs, les opérateurs historiques ont largement communiqué sur le fait qu'ils n'avaient perdu que de l'ordre de 1 % de leur parc, grâce à leur réplique rapide sur leurs offres « low cost ». Enfin, l'Autorité estime que ces obstacles sont également présents pour les full-MVNO non encore actifs commercialement à ce stade.

6.3.6.3. Sur la comparaison du coût incrémental de la terminaison d'appel vocal

de l'opérateur générique avec celui des opérateurs concernés par le présent projet de décision

Sur le coût de la terminaison d'appel vocale en propre de Free Mobile :

Bouygues Télécom partage l'analyse de l'ARCEP qui conduit à considérer qu'un nouvel entrant ne subit pas sur son réseau en propre des coûts incrémentaux supérieurs à ceux de l'opérateur générique efficace.

Pour sa part, Free Mobile considère que ses coûts incrémentaux de terminaison d'appel sur son réseau propre seront sensiblement supérieurs à ceux des opérateurs historiques.

L'Autorité estime que ces éléments ne remettent pas en cause son analyse développée précédemment.

Sur le coût de la terminaison d'appel vocale en itinérance des nouveaux entrants :

Comme détaillé en annexe B (B-3.3), les opérateurs historiques estiment, pour diverses raisons, que les nouveaux entrants, dans une référence aux coûts incrémentaux de long terme, ne feront pas face à des coûts unitaires plus élevés que ceux de l'opérateur hôte pour la partie liée à l'itinérance et qui échapperaient à leur contrôle. A l'inverse, les opérateurs alternatifs rappellent le caractère subi et non choisi de ces coûts, qui sont par ailleurs pour une grande part variables et donc incrémentaux au trafic entrant.

Au vu des éléments avancés, l'Autorité indique, comme exposé précédemment, que pour s'en tenir à une stricte compensation de coûts efficaces et contraints :

― elle est partie des conditions économiques d'accès les plus avantageux économiquement pour la prestation de voix, spécifiquement pour un volume correspondant au strict besoin de complément transitoire d'un réseau déployé en propre ;

― elle a retenu une structure comportant à la fois une part de coûts fixes et des coûts variables, correspondant à un opérateur qui ne recherche pas des coûts purement variables, mais investit durablement en recherchant des coûts unitaires incrémentaux plus faibles ;

― elle a confronté le résultat au modèle de coût d'opérateur générique efficace.

Concernant la pondération entre le coût en propre du nouvel entrant et le coût lié à l'accès en itinérance, l'Autorité a retenu à la fois un déploiement de réseau efficace et un rythme de déploiement efficace pour supprimer le risque d'une compensation trop importante liée à un recours excessif à l'itinérance.

6.3.7. Conclusions

Au regard des éléments présentés dans cette section, les critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de l'article 10 de la recommandation de la Commission européenne justifient la fixation d'une asymétrie transitoire pour ces opérateurs.

A cet égard, la première phrase de l'article 9 de la recommandation prévoit que la fixation d'un tarif asymétrique peut être justifiée sans condition de durée « par des différences de coût objectives échappant au contrôle des opérateurs concernés ». Le coût lié aux conditions d'accès au réseau de leur opérateur hôte ou d'itinérance de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Telecom pourrait ainsi entrer dans ce cadre en raison du recours contraint de ces opérateurs à l'itinérance. Toutefois, cet article visant des hypothèses pérennes de différences de coûts, l'Autorité estime disproportionné de se fonder sur cet article pour justifier l'asymétrie de terminaison d'appel mobile, eu égard au caractère transitoire du surcoût subi par les acteurs concernés (cf. 6.3.5.2.2).

Il ressort ainsi des développements précédents que l'existence d'obstacles à l'entrée et l'expansion sur le marché de détail est avérée et que ces nouveaux entrants subissent également un coût structurel au cours des premières années d'exploitation, en raison de leur recours contraint à l'itinérance.

L'Autorité souligne que ses conclusions concernant la prise en compte des conditions économiques d'accès sont partagées par l'Autorité de la concurrence qui, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, « relève qu'il y a toutes les raisons de penser que les tarifs de gros amont actuels résultent d'un processus d'achat efficace de la part des nouveaux entrants et qu'ils peuvent donc être pris en compte à court terme dans l'appréciation de leurs coûts de terminaison des appels, [...] ».

La prise en compte d'une partie du coût lié au contrat d'accès repose ainsi sur la définition des coûts efficaces d'un accès générique, identiques pour les trois opérateurs concernés par le présent projet de décision. Une situation d'entrée efficace sur un même marché ne doit, en effet, pas être dépendante des conditions négociées commercialement par chaque acteur.

De plus, il convient de tenir compte du fait qu'une partie croissante du trafic de Free Mobile doit être terminée en propre sur son réseau au fil du temps et que la prise en compte d'une part du coût lié aux conditions d'accès doit être pondérée par une répartition entre trafic terminé en itinérance et trafic terminé en propre résultant d'un déploiement effectué par un opérateur efficace.

Cette pondération conduit à une décroissance progressive du coût lié à l'itinérance pris en compte, à mesure que l'opérateur déploie son réseau. Par ailleurs, l'alignement de l'évolution du coût des full-MVNO sur cette pondération permet de prendre en compte l'amélioration de leur pouvoir de négociation à mesure que leur base de clients croît et que les conditions sur le marché de gros s'améliorent et de réduire ainsi progressivement l'asymétrie correspondante dans une logique de compensation transitoire.

Enfin, au regard du caractère générique de l'évaluation des coûts encourus par ces nouveaux acteurs, l'Autorité souligne que, dans le cas où d'autres opérateurs mobiles virtuels entreraient sur le marché et ouvriraient des numéros mobiles à l'interconnexion sur leurs réseaux, les principes et résultats détaillés ci-dessus resteraient valables, résultant notamment, sauf circonstances spécifiques, en un encadrement tarifaire identique dans son calendrier et dans ses niveaux à celui défini dans la présente décision. Le plafond de terminaison d'appel qui leur serait appliqué serait celui en vigueur à cette date pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, tel que défini à la partie 6.5.3.

6.4. Les critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la position commune du GRE et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009

La recommandation de la Commission européenne du 7 mai 2009 portant sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne a, pour une large part, repris et étendu les préconisations de la position commune du GRE du 12 mars 2008 sur la symétrie des services de terminaison d'appel fixe et la symétrie des services de terminaison d'appel mobile. Cette recommandation s'appliquera pleinement à partir du 1er janvier 2013, date à laquelle les tarifs de terminaison d'appel devront avoir atteint les coûts incrémentaux d'un opérateur générique efficace.

Dans l'intervalle, et tant que les terminaisons d'appel n'ont pas encore atteint le niveau des coûts incrémentaux, certaines préconisations de la position commune du GRE restent valables. C'est en particulier le cas de celles portant sur les déséquilibres élevés de trafic amenant à des déséquilibres financiers importants dans les soldes d'interconnexion, en raison d'un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents et la possibilité de fixer une asymétrie tarifaire transitoire afin d'en compenser les conséquences concurrentielles indésirables.

Dès lors que les tarifs de terminaison d'appel auront atteint les coûts incrémentaux au 1er janvier 2013, ces éléments perdront tout fondement. Mais en l'état actuel d'un écart existant entre les tarifs et les coûts, écart qui persistera tout au long de l'année 2012, ces éléments restent fondés.

Sur la base de la position commune du groupe des régulateurs européens (GRE ― aujourd'hui remplacé par l'ORECE) et de la décision du Conseil d'Etat en date du 24 juillet 2009, présentées dans les parties 1.2.2 et 1.2.3, il convient ainsi également de vérifier si ces nouveaux acteurs vont subir des déséquilibres de trafic amenant à des déficits financiers importants dans les soldes d'interconnexion. En effet, cette position commune préconise la symétrie des tarifs de terminaison d'appel, mais considère l'asymétrie acceptable dans certains cas, position validée par la décision du Conseil d'Etat susmentionnée. A titre de rappel, dans sa décision n° 2010-1149 précitée, l'Autorité avait considéré que, « dans le cas d'un opérateur présentant des déséquilibres de trafic d'interconnexion, il est nécessaire de maintenir transitoirement, tant que les tarifs de terminaison d'appel ne sont pas aux coûts, une asymétrie du plafond tarifaire de cet opérateur. Cependant, dans la mesure où cela est compatible avec le principe de proportionnalité des baisses imposées à un opérateur, l'asymétrie fixée à cet égard ne devrait pas aboutir à une compensation totale de la contrevaleur monétaire des déséquilibres de trafic d'interconnexion en sa défaveur en raison de l'écart persistant entre tarifs et coûts de terminaison.

L'Autorité confirme en particulier qu'une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer, dès lors que les tarifs de terminaison d'appel seront alignés sur le concept de coûts pertinents et qu'ils n'induiront ainsi plus de biais concurrentiel artificiel sur le marché de détail au détriment des opérateurs à plus faibles parts de marché ».

Ainsi, l'Autorité estime pertinent de s'interroger sur la présence de déséquilibres de trafic qui pourraient être subis par les nouveaux entrants et qui pourraient donc avoir un fort impact sur leur EBITDA, notamment dans une phase de lancement d'activité.

Sur ces bases, il convient donc de vérifier, d'une part, s'il existe un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents, et, d'autre part, si les nouveaux acteurs seront susceptibles de subir des déséquilibres de trafic.

Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les opérateurs alternatifs anticipent qu'ils vont subir des déséquilibres de trafic, tandis que les opérateurs historiques et Lebara Mobile ont souligné qu'il s'agira selon eux de déséquilibres choisis. Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.

Les éléments de réponse aux commentaires des acteurs relatifs aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, au regard de la position commune du GRE et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009, sont présentés à la fin de cette partie.

6.4.1. Ecart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents

Dès lors que les terminaisons d'appels ne sont pas encore au niveau des coûts, les opérateurs subissant des déséquilibres de trafic auront un solde financier d'interconnexion plus fortement négatif, qu'il pourrait donc convenir de partiellement compenser.

Ainsi, pour qu'une asymétrie puisse être fixée sur cette base, il faut qu'il y ait un écart entre le niveau régulé des terminaisons d'appel et les coûts de cette même prestation.

Ce point est vérifié pour l'année 2012 car la terminaison d'appel des trois opérateurs de réseaux mobiles historiques n'atteindra le niveau des coûts qu'au 1er janvier 2013 (cf. décision n° 2011-0483 du 5 mai 2011 susvisée). Il ne le sera plus à partir du 1er janvier 2013.

6.4.2. Déséquilibres de trafic

L'Autorité relève que ce sont principalement les types d'offres commerciales qui vont entraîner ou non des déséquilibres de trafic.

Comme l'Autorité l'a déjà présenté, le marché de détail de la téléphonie mobile a subi une évolution majeure avec la multiplication des gammes d'offres incluant de l'abondance. Ces offres, qui permettent de communiquer de façon illimitée pour un prix forfaitaire, se sont en effet fortement développées depuis leur apparition en 2004, et ce particulièrement au cours des trois dernières années comme le montre la figure 3. Elles ont dans un premier temps majoritairement concerné des offres on net pour quelques numéros favoris, avant de progressivement basculer vers des offres all net pour tous numéros au cours des deux dernières années.

Vous pouvez consulter le tableau dans le

JOn° 229 du 02/10/2012 texte numéro 43

Sources : étude « Suivi des tarifs » pour le compte de l'ARCEP, sites internet des opérateurs, communiqués de presse, sites internet spécialisés (limité aux offres grand public, une gamme est comptée comme une seule offre)

Figure 3. ― Evolution du nombre de gammes d'offres d'abondance présentes

sur le marché de détail mobile métropolitain (T3 2004 - T3 2011)

Il convient de préciser que le nombre d'offres post-payées avec de l'illimité voix vers mobile était, en janvier 2012, de 51 % par rapport au nombre total d'offre post-payées sur le marché, et que le niveau était de 43 % en janvier 2010. Ainsi, la plupart des offres de détail ne sont pas des offres incluant des volumes d'appel en illimités, mais sont limités à des volumes d'appel allant majoritairement de 1 heure à 5 ou 6 heures de communication.

Par ailleurs, il convient de préciser que, parmi les offres post-payées avec de l'illimité voix, en janvier 2010, 42 % d'entre elles étaient de l'illimité on net (33). Même si ce nombre est descendu à 11 % en janvier 2012, étant donné qu'à mi-2011, 50 % des clients engagés l'étaient depuis plus d'un an, on peut considérer qu'il y a aujourd'hui en parc encore de nombreux clients rattachées à une offre comprenant de l'illimité on net.

De ce fait, un nouvel acteur se devra de suivre cette évolution des offres d'abondance mais en proposant principalement des offres d'abondance all net (vers tous les réseaux mobiles métropolitains) étant donné que, dans une phase de lancement de leur activité d'opérateur mobile, ils ne pourront faire bénéficier leurs clients des « effets de club » dont disposent les trois opérateurs mobiles actifs.

Ainsi, en disposant d'offres voix d'abondance all net, les clients sont mécaniquement incités à communiquer et devraient donc nettement plus appeler qu'être appelés. Dans le cas où l'opérateur offrant ce type d'offres ne dispose, lors des premières années, que de peu de clients, les appels émis devraient principalement l'être à destination des clients des opérateurs concurrents, et non de ses propres clients, engendrant ainsi un fort volume d'appels sortant off net (vers un client d'un autre réseau). En contrepartie, les opérateurs concurrents, bénéficiant d'un parc de clients plus important, peuvent eux jouer sur des « effets clubs » ; ils n'ont ainsi pas le besoin de n'offrir que des offres d'abondance all net mais peuvent également commercialiser des offres d'abondance on net (appels illimités vers un autre client du même réseau) qui sont très attractives pour les clients, mais par lesquelles les opérateurs concurrents ne recevront que très peu d'appels entrants off net. A cet égard, il faut noter que si le nombre d'offres illimitées on net s'est récemment réduit au profit d'offres illimitées all net, à la faveur de la baisse des terminaisons d'appel, les opérateurs mobiles historiques conservent des parcs de clients importants abonnés à ces offres illimité on net.

Ces deux éléments combinés devraient donc tendre à créer des déséquilibres de trafic des appels entrants sur sortants pour les nouveaux acteurs. Dans la mesure où les niveaux de terminaison d'appels des trois opérateurs métropolitains actifs ne sont pas au niveau des coûts, ces déséquilibres de trafic pourraient amener des déséquilibres financiers dans les soldes d'interconnexion entre opérateurs mobiles.

Toutefois, il convient de fixer les niveaux tarifaires de la terminaison d'appel mobile en tenant compte de leur impact sur l'équilibre concurrentiel de l'ensemble du marché et, entre autres, sur le marché fixe vers mobile. Or, au début de l'année 2011, les opérateurs fixe ont annoncé et lancé des offres de « box internet » incluant les appels en abondance vers les mobiles métropolitains. Dans ce contexte, les volumes d'appels fixe vers mobile devraient nettement croître dans les années à venir, entraînant des évolutions significatives dans le ratio global (mobile vers mobile et fixe vers mobile) des volumes de minutes entrantes sur le volume de minutes sortantes des opérateurs mobile, dont les nouveaux entrants. Cet effet doit être pris en compte dans la détermination d'une éventuelle compensation.

6.4.3. Prise en compte des commentaires des acteurs formulés en réponse aux consultations publiques relatives aux critères spécifiques à l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom au regard de la position commune du GRE et de la décision du Conseil d'Etat du 24 juillet 2009

Comme détaillé en annexe B (B-4), les opérateurs alternatifs anticipent des déséquilibres de trafic, tandis que les opérateurs historiques soulignent qu'il s'agira de déséquilibres choisis.

L'Autorité a soumis un questionnaire d'interconnexion à l'ensemble des opérateurs afin d'obtenir des données de trafic constatées entre, d'une part, Free Mobile et l'ensemble des opérateurs, et, d'autre part, Lycamobile et l'ensemble des opérateurs. Les résultats de ce questionnaire montrent que Free Mobile connait bien des déséquilibres importants de trafic entrant sur sortant, alors même qu'il a également lancé des offres pour « petits » utilisateurs mais qui pèsent peu dans le résultat final du fait que ces offres représentent par nature un volume par utilisateur beaucoup plus faible. A l'inverse, Lycamobile, pour son activité nationale, qui représente une part très faible de ces communications, ne connaît pas de déséquilibre de trafic entrant sur sortant.

L'Autorité rappelle que dès lors que des déséquilibres subis de trafic entrant sur sortant sont avérés, seule une compensation partielle de ces déséquilibres est considérée, afin de refléter la nature en partie choisie de ces déséquilibres.

Bouygues Telecom ajoute qu'en considérant les opérateurs en place dans leur ensemble, sans distinction de situation entre Bouygues Telecom, d'une part, et Orange et SFR, d'autre part, l'ARCEP fait supporter à Bouygues Telecom une deuxième fois l'effet de la rétention de trafic initiée par Orange et SFR du fait de la généralisation de leurs offres on net et que si les éventuels déséquilibres de trafic de Free et des full-MVNO justifient un différentiel, il devrait en être de même pour Bouygues Telecom.

L'Autorité renvoie à sa décision d'encadrement tarifaire n° 2011-0483 en date du 5 mai 2011 dans laquelle sont largement détaillées les raisons ayant conduit à supprimer l'asymétrie de terminaison d'appel appliquée à Bouygues Telecom jusqu'alors.

6.4.4. Conclusion

Premièrement, un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents est bien avéré sur l'année 2012, mais ne le sera plus à partir du 1er janvier 2013.

Deuxièmement, l'Autorité prévoit qu'au cours de l'année 2012, le nouvel entrant générique efficace se devra de commercialiser des offres venant concurrencer également les opérateurs en place et subira donc des déséquilibres de trafic.

Ces deux phénomènes vont engendrer des déséquilibres financiers qui seront pour partie subis par les nouveaux entrants.

A cet égard, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, l'Autorité de la concurrence rejoint les conclusions tirées par l'Autorité et invite à la fixation d'une asymétrie : « Par conséquent, tant que les terminaisons d'appels mobiles ne sont pas strictement égales aux coûts incrémentaux de long terme, les opérateurs disposant d'une taille de marché significative disposeront d'un avantage concurrentiel sur les opérateurs nouveaux arrivants. Dans ce cadre, si la baisse continue des terminaisons d'appels doit rester l'objectif de premier rang du régulateur sectoriel, la fixation d'une terminaison d'appel asymétrique au profit d'un opérateur nouvel entrant peut, sous certaines conditions (34), constituer un optimum de second rang afin de rétablir l'équité concurrentielle entre les différents acteurs. »

L'Autorité estime donc justifié et proportionné, comme mentionné dans la position commune du GRE et confirmé dans la décision du Conseil d'Etat, qu'une asymétrie de la terminaison d'appel des nouveaux entrants vienne compenser partiellement, uniquement sur l'année 2012 ce déséquilibre financier, tout en tenant compte du développement des offres sur le marché fixe.

Il convient par ailleurs de noter que cette compensation, dès lors qu'elle est strictement limitée à l'année 2012, reste compatible avec la recommandation de la Commission européenne sur les terminaisons d'appel puisque, d'une part, la date limite d'application de cette dernière est le 31 décembre 2012 et que, d'autre part, cette compensation se justifie par la persistance transitoire d'un écart entre le tarif de terminaison d'appel et les coûts sous-jacents, étant précisé que cet écart disparaîtra au 1er janvier 2013.

6.5. Mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire

La terminaison d'appel mobile vocal de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom sera fixée sous la forme d'un plafond tarifaire orienté, à terme, vers les coûts en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace (6.1.4) et tenant compte pendant une période transitoire d'une partie des surcoûts encourus du fait de leur statut de nouvel entrant (6.3 et 6.4).

L'Autorité relève, à cet égard, que, dans son avis n° 11-A-19 susvisé, l'Autorité de la concurrence rejoint ces conclusions, en concluant que : « [...] si la baisse continue des terminaisons d'appels doit rester au cœur des préoccupations du régulateur sectoriel, la fixation ― à titre transitoire ― d'une terminaison d'appel asymétrique au profit des nouveaux entrants, notamment de Free Mobile, peut permettre de rétablir l'équité concurrentielle entre les différents acteurs ».

L'objet de cette section est de préciser les conditions de mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire, conformément à ces principes, tout en veillant au maintien de la cohérence avec les conditions établies pour les trois opérateurs mobiles historiques.

Dans le cadre des réponses aux consultations menées par l'Autorité, les opérateurs historiques n'estiment aucunement justifiée qu'une asymétrie de tarifs soit établie en faveur des nouveaux entrants. A l'inverse, les opérateurs alternatifs estiment que les niveaux de terminaison d'appel proposés par l'Autorité ne leur permettront pas de recouvrer les coûts auxquels ils vont faire face à chaque minute entrante vers un de leurs abonnés. Une synthèse des commentaires des acteurs est disponible en annexe B.

Les éléments de réponse aux commentaires des acteurs relatifs à la mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire sont présentés à la fin de cette partie.

6.5.1. Horizon temporel de l'encadrement tarifaire

Conformément à la section 1.3.1, l'horizon temporel de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom sera aligné sur l'échéance de la décision d'analyse des marchés déjà en vigueur pour Bouygues Telecom, Orange France et SFR, qui prend fin au 31 décembre 2013.

En outre, restreindre à deux ans au plus l'horizon temporel du présent projet d'encadrement tarifaire présente également l'avantage de limiter l'impact des hypothèses de croissance formulées par les différentes parties, puisque la sensibilité de l'impact financier aux volumes de trafic totaux restera limitée pendant les deux premières années d'exploitation.

6.5.2. Structuration tarifaire selon le point de livraison du trafic entrant

(intra zone arrière et extra zone arrière)

A ce jour, les trois opérateurs de réseau mobile historiques distinguent le tarif de la terminaison d'appel selon que le point d'interconnexion auquel l'opérateur de l'appelant livre le trafic à l'opérateur de l'appelé, qui termine l'appel sur son réseau, se situe dans la même zone arrière que l'appelant ou dans une zone arrière différente. Dans le premier cas, il s'agit du tarif dit « intra zone arrière » (IZA) (livraison au point d'interconnexion « pertinent »), encadré par un plafond tarifaire fixé par l'Autorité (décision n° 2011-0483) ; dans le second cas, il s'agit du tarif dit « extra zone arrière » (EZA), soumis à une obligation d'orientation vers les coûts, mais sans précision d'un plafond (décision n° 2010-1149). Le tarif EZA est supérieur au tarif IZA d'environ 0,4 c€/min en moyenne.

Dans sa décision n° 2011-0483, l'Autorité a imposé aux opérateurs une adaptation des architectures d'interconnexion qu'ils imposent aux acheteurs de leur prestation de terminaison d'appel, notamment en exploitant les dernières évolutions technologiques des réseaux de transmission. Les trois opérateurs mobiles métropolitains sont ainsi appelés à faire évoluer leurs conditions d'accès et d'interconnexion pour la prestation de « simple » terminaison d'appel (anciennement « IZA »), de manière à assurer que tout opérateur désirant accéder directement au tarif régulé explicitement par l'Autorité en orientation vers les coûts par la fixation d'un plafond tarifaire puisse le faire dans des conditions raisonnables. Ceci, qu'il s'agisse du nombre de points d'interconnexion composant l'architecture de leur réseau de collecte ou de l'ensemble des conditions techniques ou tarifaires associées à l'accès à leur réseau dans le cadre de cette interconnexion. Il revient ainsi à chacun des opérateurs de démontrer, notamment au regard de critères techniques et économiques, en quoi les nouvelles conditions qu'il fixera sont raisonnables. Conformément à cette même décision, cette évolution devra être effective au 1er janvier 2013.

L'Autorité rappelle que les trois opérateurs historiques restent soumis à une obligation d'orientation vers les coûts pour les tarifs de l'ensemble de leurs prestations associées à la terminaison d'appel vocal mobile, y compris celles dont les tarifs ne sont pas explicitement encadrés par un plafond. En particulier, pendant la période de transition, le tarif de la prestation « EZA » continue à être soumis à une obligation d'orientation vers les coûts.

Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, en tant que nouveaux entrants sur les marchés de gros de l'interconnexion mobile, devront établir leur architecture d'interconnexion et les conditions contractuelles et tarifaires associées.

Si l'Autorité ne préjuge pas des choix d'architecture et contractuels qui seront faits par ces trois acteurs avant le lancement de leurs opérations, elle souhaite néanmoins rappeler quelques principes de régulation afin d'éclairer les travaux de ces nouveaux acteurs, en cohérence avec la régulation imposée aux opérateurs en place.

Au regard du statut de nouvel entrant de ces opérateurs, et donc des volumes de trafic totaux structurellement limités pendant l'horizon temporel du présent projet de décision (i.e. au plus les deux premières années après le lancement), le nombre de points de leur architecture d'interconnexion devrait logiquement être raisonnablement limité. Ce constat est renforcé par le coût, notamment opérationnel, représenté par l'ouverture de nombreux points d'interconnexion.

En raison de ces questions opérationnelles, il est également possible que certains nouveaux acteurs aient recours à une architecture reposant sur l'interconnexion avec un tiers transitaire pendant une période transitoire suivant leur lancement. Une telle approche ne saurait remettre en cause les obligations prévues dans le présent projet de décision.

Enfin, dans un souci de transparence, et en raison d'un nombre de points d'interconnexion logiquement limité, l'Autorité invite les nouveaux entrants à opter pour la simplicité dans la définition des conditions tarifaires de leur offre d'interconnexion.

6.5.3. Encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile par minute

Pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2012, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile devrait s'établir à 2,4 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

Pour la période allant du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile s'établit à 1,6 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

Pour la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2013, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile s'établit à 1,1 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

Pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013, l'Autorité estime que le prix maximum de la terminaison d'appel vocal mobile s'établit à 0,8 c€/min pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, selon les motifs exposés en partie 6.6.3.

6.5.4. Encadrement tarifaire des blocs primaires numériques (BPN)

Structuration tarifaire en deux composantes (à la capacité et au volume) :

A ce jour, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel des opérateurs en place porte sur deux composantes, encadrées via deux plafonds tarifaires distincts : la charge d'usage, dont l'unité de mesure est la minute de communication, et une charge de capacité, dont l'unité de mesure est le BPN.

Dans sa décision n° 2011-0483, l'Autorité a prévu de ne plus fixer, dès lors que le niveau des coûts aura été atteint au 1er janvier 2013, qu'un plafond global, portant à la fois sur la composante à l'usage et sur la composante capacitaire. L'Autorité rappelle que l'objectif de cette évolution est de s'assurer que le niveau des coûts soit bien atteint par le tarif moyen de la terminaison d'appel.

Tant que le niveau des coûts de l'opérateur générique efficace n'est pas atteint, il est cohérent de conserver un encadrement tarifaire en deux composantes pour les opérateurs concernés. Dès lors que le niveau des coûts est atteint par le plafond tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile de Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom, la structure de l'encadrement tarifaire s'appliquant à ces acteurs doit s'aligner sur l'évolution prévue par la décision n° 2011-0483, rappelée ci-avant.

Le niveau des plafonds encadrant le tarif de la prestation BPN est défini ci-après, en cohérence avec les principes établis dans ce chapitre et avec le poids représenté par cette composante pour les trois opérateurs mobiles en place. Ainsi, à mesure que le niveau de la composante à l'usage diminue, il convient que l'encadrement de la composante à la capacité comprenne des baisses comparables, notamment afin que le poids de cette dernière composante ne fasse pas l'objet d'une évolution subite à la hausse. Un changement soudain et significatif de la pondération de chaque composante doit être évité, dans la mesure où il ne faciliterait pas l'évolution progressive de la structure tarifaire de la terminaison d'appel mobile souhaitée par l'Autorité.

Encadrement tarifaire :

Pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2012, l'Autorité estime que le prix annuel maximum d'un BPN devrait s'établir à 2 400 € pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

Pour la période allant du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, l'Autorité estime que le prix annuel maximum d'un BPN s'établit à 1 600 € pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

Pour la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2013, l'Autorité estime que le prix annuel maximum d'un BPN s'établit à 1 100 € pour Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom.

Pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013, le prix annuel d'un BPN devra être fixé de manière à ce que le couple des composantes à l'usage et à la capacité respecte le plafond global de 0,8 c€/mn défini en 6.5.3.

6.5.5. Prestations d'accès aux sites

Pour les mêmes raisons que celles évoquées en section 6.1, en cohérence avec les obligations de contrôle tarifaire envisagées pour les prestations d'acheminement du trafic de terminaison, l'Autorité estime nécessaire d'imposer, pour les prestations connexes d'accès aux sites d'interconnexion, à Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants.

Au regard de leur statut de nouvel entrant, et dans un souci d'efficacité, Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom pourront, dans un premier temps, avoir recours à des modalités d'interconnexion adaptées passant notamment par un opérateur transitaire et n'impliquant donc pas nécessairement la fourniture de la prestation d'accès au site.

En revanche, dès lors que ces opérateurs disposeront d'un monopole sur la fourniture des prestations de colocalisation, l'Autorité considère qu'il est important que le tarif associé à ces prestations ne s'éloigne pas du niveau des coûts correspondant à cette prestation minimale d'accès et que, pour ce faire, les prix de ces prestations doivent refléter les coûts des ressources réellement utilisées.

S'agissant des autres prestations d'accès aux sites, pour lesquels il s'avérerait que seul l'opérateur mobile est à même de fournir le service le plus efficace économiquement, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur demandant l'interconnexion ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. L'Autorité considère donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts correspondants.

Enfin, l'opérateur doit veiller à proposer des tarifs qui reflètent les coûts correspondants pour toutes les prestations à l'acte en relation avec la terminaison d'appel vocal, qu'il est le seul à pouvoir fournir.

6.6. Evaluation des mesures envisagées

6.6.1. Conformité avec le cadre réglementaire européen et national

Comme détaillé dans la partie 6.1.1, l'Autorité doit s'assurer que les mesures imposées aux opérateurs considérés comme puissants sur un marché soient conformes au cadre réglementaire européen et au cadre réglementaire national qui en découle.

L'Autorité va donc notamment s'attacher, dans la présente partie, à vérifier que :

― les mécanismes de récupération des coûts choisis visent à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à optimiser les avantages pour le consommateur (article D. 311 du CPCE et article 13, paragraphe 2, de la directive « accès ») ;

― les mesures envisagées promeuvent une concurrence effective et loyale entre les opérateurs, et notamment conduisent à une concurrence qui ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques (article L. 32-1 du CPCE et article 8, paragraphe 2, de la directive « cadre ») ;

― les mesures envisagées contribuent au développement du marché intérieur au bénéfice des utilisateurs de l'Union européenne (articles L. 32-1 et L. 36-5 du CPCE, article 8, paragraphes 2 [a] et 3 de la directive « cadre ») ;

― les mesures envisagées doivent être objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées (article L. 32-1 du CPCE et article 8, paragraphe 5, de la directive « cadre »).

En préalable, et de manière commune à ces développements, il convient de souligner que les niveaux tarifaires de la terminaison d'appel pour les nouveaux entrants résultant de l'analyse de l'ARCEP font apparaître un écart avec les opérateurs historiques de 0,9 c€/min au premier semestre 2012, puis 0,6 c€/min au second semestre 2012 et enfin 0,3 c€/min au premier semestre 2013, avant une complète symétrie au second semestre 2013.

Ces écarts doivent être relativisés compte tenu de la faible part de marché que ces opérateurs nouveaux entrants connaîtront sur cette période. En effet, même en prenant, pour ces nouveaux entrants, une part de marché ambitieuse de 10 %, le tarif moyen de terminaison d'appel qu'un opérateur sera amené à payer au second semestre 2012 sera au maximum de 1,06c€/min, puis de 0,83c€/min au premier semestre 2013, contre 1c€/min puis 0,8c€/min si les niveaux avaient été symétriques.

6.6.1.1. Sur l'efficacité économique, la concurrence durable et les avantages pour le consommateur

Comme l'Autorité l'a présenté dans l'ensemble de la partie 6.3, les mécanismes de récupération des coûts ont été définis :

― d'une part, dans le cadre d'une entrée efficace sur le marché de la téléphonie mobile en France, c'est-à-dire via l'acquisition de fréquences pour déployer un réseau en propre tout en ayant recours, pendant les premières années d'activité, à un accès en itinérance sur le réseau d'un des opérateurs historiques ;

― d'autre part, en considérant, pour cet accès en itinérance, des conditions économiques génériques efficaces qu'un opérateur nouvel entrant aurait négocié, sur la base des contrats existants et des coûts des opérateurs de réseau.

Ainsi, les mécanismes choisis, en référence aux coûts incrémentaux, n'ont pris en compte que les coûts efficaces supportés par un opérateur nouvel entrant générique efficace. Par ailleurs, le contexte comme les modalités retenues, qui s'abstraient des conditions individuelles d'accès négociées par chacun des nouveaux entrants, évitent que les niveaux de terminaison d'appel ne rétroagissent sur les conditions économiques d'accès au détriment des nouveaux entrants et préservent les incitations et la capacité de ces derniers à obtenir les conditions les plus favorables.

Au vu de ces éléments, les mécanismes choisis de récupération des coûts apparaissent bien promouvoir l'efficacité économique.

Ces mécanismes compensent partiellement et transitoirement des handicaps temporaires subis par les nouveaux entrants, sous la forme de coûts de production supérieurs par rapport aux opérateurs établis. Ils ne constituent pas une subvention indûment consentie aux nouveaux entrants, mais contribuent à rétablir des conditions plus équitables de concurrence sur le marché de détail, à la fois à court terme au moment d'une entrée sur le marché, comme à moyen terme en permettant à de nouveaux acteurs d'entrer sur le marché, de le rendre contestable et de contribuer à son animation concurrentielle. Au vu des écarts minimes de niveau moyen de terminaison d'appel qui en résultent (+ 0,06 c€/mn au second semestre 2012 puis + 0,03 c€/mn au premier semestre 2013), les niveaux retenus n'impactent par ailleurs pas significativement les opérateurs existants. Ces mécanismes apparaissent ainsi également bien promouvoir une concurrence durable.

Dans le même temps, ces mécanismes n'apparaissent pas défavorables à l'investissement. Les différents opérateurs ont ainsi investi collectivement environ 3,6 milliards d'euros pour l'acquisition de licences 4G dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz. Depuis l'entrée effective sur le marché de Free Mobile, qu'avait précédé de quelques semaines l'annonce et la mise en consultation publique des mesures proposées, les différents opérateurs historiques ont annoncé des calendriers volontaristes de déploiement des réseaux 4G, avec de premiers déploiements dès l'année 2012, afin de mieux se différencier sur le marché.

En outre, les terminaisons d'appel asymétriques retenues ne sont pas susceptibles de réduire les avantages pour le consommateur.

Les différences de niveau moyen de terminaison d'appel qui en résultent, minimes (+ 0,06 c€/mn au second semestre 2012 puis + 0,03 c€/mn au premier semestre 2013), ne sont pas susceptibles d'avoir un impact direct significatif à la hausse sur le niveau des tarifs de détail. Au contraire, alors même que les TA pratiquées aujourd'hui sur le marché sont asymétriques en faveur des nouveaux entrants, étant donné que les opérateurs se facturent au premier semestre le niveau proposé par l'ARCEP dans la consultation publique qu'elle a menée du 13 décembre 2011 au 27 janvier 2012, le marché français de la téléphonie mobile a connu, ces derniers mois, d'importantes baisses de prix, du fait de l'accroissement de la pression concurrentielle. L'ARCEP estime que la mesure proposée constitue l'un des instruments d'une politique d'ensemble visant à favoriser l'intensification de la concurrence sur ce marché, l'innovation et les investissements. Elle contribue indirectement, via l'accroissement de la pression concurrentielle, à une augmentation des avantages pour les consommateurs.

6.6.1.2. Sur la promotion de la concurrence

Au vu des écarts minimes de niveau moyen de terminaison d'appel qui résultent de l'asymétrie proposée, sur une période limitée (+ 0,06 c€/mn au second semestre 2012 puis + 0,03 c€/mn au premier semestre 2013), les opérateurs historiques ne connaîtront pas des coûts nettement plus élevés par rapport à des tarifs qui auraient été fixés de manière symétrique. Ceci ne remettra donc pas en cause le développement des offres d'abondance all net agressives qui peuvent permettre à un opérateur d'acquérir ou de conserver des clients.

Par ailleurs, les opérateurs nouveaux entrants se verront, comme indiqué précédemment, compenser partiellement et transitoirement des handicaps temporaires subis, ce qui leur permettra d'être aussi compétitifs.

Ainsi, les niveaux de terminaison d'appel proposés ne sont pas susceptibles de venir fausser ni entraver la concurrence sur le marché mobile français.

6.6.1.3. Sur la contribution au développement du marché intérieur

au bénéfice des utilisateurs de l'Union européenne

L'Autorité rappelle que les niveaux de terminaison d'appel du marché français sont désormais les plus bas d'Europe (1 c€/mn) et qu'ils continueront à baisser début 2013, pour atteindre le niveau des coûts incrémentaux (0,8 c€/min) au 1er janvier 2013. Les niveaux de terminaison d'appel proposés pour les opérateurs nouveaux entrants (2,4 c€/min, puis 1,6 c€/min à partir du 1er juillet 2012 et 1,1 c€/min en 2013) et le tarif moyen de marché qui en résulte, demeurent également inférieurs à ceux constatés début 2012 dans la très grande majorité des Etats membres (cf. graphique suivant), ainsi qu'à ceux annoncés pour début 2013 dans les Etats membres qui ont déjà adopté un encadrement tarifaire pour l'année prochaine. En effet, comme détaillé précédemment, le tarif moyen de terminaison d'appel qu'un opérateur sera amené à payer, pour appeler la France, au second semestre 2012 sera de 1,06 c€/min, puis de à 0,83 c€/min au premier semestre 2013.

TAM et asymétrie au 1er janvier 2012

Vous pouvez consulter le tableau dans le

JOn° 229 du 02/10/2012 texte numéro 43

PLAFONDS DE TERMINAISON D'APPEL ANNONCÉS POUR DÉBUT 2013 DANS LES ÉTATS MEMBRES

qui ont déjà adopté un encadrement tarifaire basé sur une approche BU-LRIC

Etat membre

Premier semestre 2013

Second semestre 2013

France

0,80 c€/mn

0,80 c€/mn

Belgique

1,08 c€/mn

1,08 c€/mn

Portugal

1,27 c€/mn

1,27 c€/mn

Italie

1,52 c€/mn

0,98 c€/mn

Espagne

2,90 c€/mn

1,09 c€/mn

Royaume-Uni

1,67 c€/mn

0,95 c€/mn

Dans ces conditions, étant donné que les niveaux proposés pour les nouveaux entrants sont inférieurs à la moyenne des niveaux européens et que le niveau de terminaison d'appel moyen du marché français restera parmi les plus bas d'Europe tout en respectant le principe d'orientation vers les coûts incrémentaux, il n'y aura ni risque de création d'obstacle au marché intérieur, ni risque de discrimination entre opérateurs européens, ni risque de distorsion de concurrence. Ces risques seront d'autant plus circonscrits que les nouveaux entrants présentent, comme détaillé ci-dessus, des parts de marché très réduites et que les communications internationales représentent une faible part du trafic (en 2010, les communications internationales représentaient pour un opérateur, en moyenne, de l'ordre de 10 % de son trafic entrant).

Par ailleurs, du fait de ces mêmes facteurs et du fait que les opérateurs étrangers ne différencient pas les tarifs des communications vers la France, ou d'autres pays, en fonction de l'opérateur appelé, le risque peut être écarté d'une hausse des tarifs de détail pour appeler un abonné mobile français depuis l'étranger. La mesure proposée n'est donc en rien contraire aux intérêts des utilisateurs de l'Union européenne.

6.6.1.4. Conclusion sur la conformité au cadre réglementaire

Ainsi, au vu des raisonnements exposés en parties 6.2 à 6.4, et des éléments apportées ci-dessus, les mesures envisagées apparaissent à la fois :

― objectives puisque fondées sur la situation des nouveaux entrants et les conditions rencontrées à l'occasion de leur entrée sur le marché ;

― transparentes puisque exposées, expliquées et justifiées dans la présente décision ;

― non discriminatoires puisque basées sur des différences objectives de situation entre les nouveaux entrants et les opérateurs historiques, en particulier en ce qui concerne les conditions économiques de production des services de détail qu'ils commercialisent et sur lesquels ils sont en concurrence ;

― proportionnées puisqu'ils répondent à des déséquilibres réels et sérieux constatés sur le marché, tout en restant limités au strict nécessaire en particulier au travers d'une compensation des coûts supérieurs subis qui ne reste que partielle.

Il apparaît donc au vu de l'ensemble de ces faits que les mesures envisagées sont conformes aux cadres réglementaires européen et national.

6.6.2. Prise en compte des commentaires des acteurs formulés en réponse aux consultations publiques

relatives à la mise en œuvre de l'obligation de contrôle tarifaire

Comme détaillé en annexe B (B-5), les opérateurs historiques n'estiment aucunement justifiée au regard de la recommandation de la Commission européenne qu'une asy-métrie de trafic soit accordée à Free Mobile comme aux full-MVNO, car cela pourrait leur permettre de pratiquer des prix abusivement bas sur le marché de détail. En outre, ils considèrent qu'un traitement à l'identique de ces deux types d'acteurs ne semble pas proportionné. A l'inverse, Free Mobile et les full-MVNO estiment que les niveaux de terminaison d'appel proposés par l'Autorité ne leur permettront pas de recouvrer les coûts auxquels ils vont faire face à chaque minute entrante vers un de leurs abonnés, qui ne sont pas nécessairement ceux retenus pour le nouvel entrant générique efficace, car spécifiques à chaque acteur.

L'Autorité ne fait pas de différence au niveau tarifaire entre Free Mobile et les full-MVNO car elle considère qu'un nouvel entrant générique efficace est un opérateur de réseau ayant recours, de manière transitoire pendant la phase de déploiement de son réseau, à un accès en itinérance sur le réseau d'un des opérateurs de réseau historiques afin d'être en mesure de proposer des offres commerciales sur l'ensemble du territoire. L'Autorité renvoie à la partie 6.3.5.2.2 pour la justification de la prise en compte des coûts liés à l'accès en itinérance.

Concernant les coûts spécifiques supportés en itinérance par les nouveaux entrants, l'Autorité a défini, en fonction de l'ensemble des éléments d'information restitués par les acteurs du marché concernant les contrats d'accès signés, ainsi qu'en fonction des résultats du modèle de l'opérateur générique efficace, les coûts efficaces d'un contrat d'accès générique couvrant les années 2012 et 2013. Le but recherché est de pallier toutes les inefficacités possibles.

Concernant l'éventualité, pour les nouveaux entrants, de pouvoir pratiquer des prix abusivement bas compte tenu des niveaux proposés, l'Autorité estime que les compensations restent partielles, sont transitoires et ne sauraient donc en aucun cas être considérées comme des avantages permettant de pratiquer des prix abusivement bas.

6.6.3. Prise en compte de la décision de la Commission européenne et de l'avis de l'organe des régulateurs européens des communications électroniques à la suite de la notification du projet de décision

En conclusion de sa décision du 13 avril 2012 susvisée, la Commission « note que la notification de l'ARCEP ne propose pas une justification adéquate expliquant pourquoi l'approche proposée concernant le contrôle tarifaire du service de terminaison d'appel fourni par Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom répond aux objectifs politiques et aux principes réglementaires énoncés à l'article 8 de la directive "cadre” et peut être considérée comme conforme à l'article 13, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 4, de la directive "accès” ».

Dans son avis, en date du 23 mai 2012, l'organe des régulateurs européens des communications électroniques conclut que « the Commission's serious doubts on the asymmetry that is based on national roaming costs are justified while the serious doubts on the asymmetry that is based on traffic imbalance costs are not justified. », proposant ainsi que l'ARCEP, pour prendre en compte cet avis, modifie son projet de régulation en limitant l'asymétrie initialement retenue. En ce qui concerne l'asymétrie basée sur l'itinérance, l'ORECE se prononce cependant sur une base générale (« these effects are certainly relevant for future regulation »), en reconnaissant que, dans le cas soumis par l'ARCEP, les effets de circularité évoqués par la Commission ne se posent pas du fait du contexte et des précautions prises par l'ARCEP (« it is not a direct circularity that will create effects within this regulatory period for these operators and will therefore not create an uncontrolled feedback loop within regulatory period »).

Pour répondre à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité a donc estimé devoir :

― en partie 6.4.2, davantage développer les raisons justifiant une asymétrie du fait de la présence de déséquilibres de trafic subis, tout en exposant l'absence de conflit avec la recommandation de la Commission sur les terminaisons d'appel, s'agissant d'une asymétrie cantonnée à l'année 2012 et essentiellement justifiée par le fait que les tarifs n'auront pas encore atteint les coûts incrémentaux, ce qui se produira au 1er janvier 2013 ;

― en partie 6.6.1, justifier la conformité des mesures proposées avec le cadre réglementaire européen, en particulier en ce qui concerne la promotion de l'efficacité économique, de la concurrence durable, des avantages pour le consommateur, d'une concurrence non faussée ni entravée, du développement du marché intérieur et des intérêts des citoyens de l'Union européenne ; notamment, l'Autorité a apporté des éléments établissant l'évolution favorable des tarifs de détail y compris en présence de tarifs de terminaison d'appel en réalité asymétriques depuis début janvier 2012, et a justifié l'absence d'impacts réels sur le marché intérieur.

De plus, en accord avec les recommandations formulées par la Commission européenne et l'ORECE au cours des discussions tripartites prévues à l'article 7a de la directive « accès », l'ARCEP a décidé de modifier les deux points suivants :

― en partie 6.3.7, en explicitant davantage le fait que l'asymétrie bénéficiant aux nouveaux entrants full MVNO était pour partie circonstancielle, et que l'amélioration des conditions attendues sur le marché de l'accès ne serait donc plus susceptible de justifier de nouvelles asymétries pour de futurs entrants au-delà de la période d'asymétrie prévue par la présente décision ; en particulier, dans le cas où d'autres opérateurs mobiles virtuels entreraient sur le marché et ouvriraient des numéros mobiles à l'interconnexion sur leurs réseaux, l'ensemble des principes et résultats détaillés dans la présente décision resteraient valables, résultant notamment en un encadrement tarifaire identique dans son calendrier et dans ses niveaux à celui défini ici ;

― dans le dispositif en limitant l'asymétrie à une période de dix-huit mois, se terminant au 30 juin 2013, pour revenir à un régime symétrique au 1er juillet 2013 ; le montant financier de la compensation qu'aurait représenté une asymétrie au second semestre 2013 et que n'auront pas à supporter les autres opérateurs du marché se situera ainsi entre 5 et 20 M€ suivant la part de marché que les nouveaux entrants auront atteinte à cet horizon et les hypothèses de trafic, qui pourrait donc se traduire par un équilibre accru entre promotion de la concurrence et avantages pour le consommateur.

6.6.4. Prise en compte de la décision de lever les réserves

de la Commission européenne qu'elle avait émises en date du 13 avril 2012

Par sa décision en date du 20 juillet 2012 susvisée, la Commission européenne estime qu'« en conséquence de l'évaluation qui précède concernant le respect du cadre réglementaire de l'Union européenne et la création d'obstacles au marché intérieur, la Commission a décidé, en tenant le plus grand compte de l'avis émis par l'ORECE, de lever avec effet immédiat, conformément à l'article 7 bis, paragraphe 5, point b, de la directive "cadre”, les réserves qu'elle avait émises. ».

Il ressort notamment de cette décision que :

― « La Commission souligne que les mesures modifiées mettent fin à la perspective d'une asymétrie ultérieure des TAM et donc au risque que les opérateurs s'accordent sur des tarifs commerciaux d'accès élevés qui, selon l'argument de la circularité, pourraient à leur tour provoquer une hausse des TAM. » ;

― « la Commission estime que le projet de mesures modifié tient à présent dûment compte à la fois du bénéfice du consommateur et de la limitation de l'effet perturbateur que les mesures modifiées auront sur les nouveaux entrants. » ;

― « la Commission estime que les mesures modifiées de l'ARCEP respectent l'article 8, paragraphe 4, de la directive "accès” parce qu'elles sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l'article 8 de la directive "cadre”. » ;

― « la Commission conclut que les contrôles tarifaires modifiés veillent à ce que les mécanismes de récupération des coûts choisis visent à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à optimiser les avantages pour le consommateur, conformément à l'article 13, paragraphe 2, de la directive "accès”. » ;

― « Dès lors que la Commission constate que les mesures modifiées de l'ARCEP sont conformes à l'article 8, paragraphe 4, et à l'article 13, paragraphe 2, de la directive "accès”, il y a lieu de conclure que ces mesures modifiées sont également conformes à l'article 16, paragraphe 4, de la directive "cadre”, qui exige des ANR qu'elles imposent aux entreprises ayant une puissance significative sur le marché des obligations réglementaires appropriées. » ;

― « la Commission admet qu'un changement aussi limité du TAM moyen [le TAM moyen n'augmenterait que de 0,06 c€/min au second semestre 2012 et de 0,03 c€/min au premier semestre 2013] n'incitera pas les opérateurs étrangers à augmenter leurs tarifs de détail pour les appels à destination de numéros mobiles français. L'incidence sur le marché intérieur d'une asymétrie réduite telle que proposée par l'ARCEP dans son projet de mesures modifié sera donc également faible. [...] La Commission conclut qu'elle peut lever les doutes sérieux qu'elle avait émis à cet égard. »

L'Autorité prend acte de la décision de la Commission de lever les réserves qu'elle avait précédemment émises.

Par ces motifs, décide :

Définition des marchés pertinents de gros