JORF n°0009 du 11 janvier 2012

Décision n° 2011-1469 du

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l'Autorité),

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), et notamment ses articles L. 36-8 et L. 36-11 ;

Vu la décision de l'Autorité n° 2010-1179 en date du 4 novembre 2010 se prononçant sur deux demandes de règlement de différend opposant, d'une part, la société France Télécom à la société NC Numericable, d'autre part, la société France Télécom à la société Numericable SAS ;

Vu le règlement intérieur de l'Autorité, tel que modifié en dernier lieu par la décision n° 2010-1354 de l'Autorité en date du 16 décembre 2010 ;

Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l'Autorité en date du 21 octobre 2011 adressé aux sociétés NC Numericable et Numericable SAS les informant de l'ouverture d'une procédure sur le fondement de l'article L. 36-11 du CPCE et désignant les rapporteurs ;

Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l'Autorité en date du 15 novembre 2011 notifiant aux sociétés NC Numericable et Numericable SAS le rapport établi par les rapporteurs exposant les faits et les griefs ;

Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l'Autorité en date du 15 novembre 2011 transmettant à la société France Télécom le rapport établi par les rapporteurs exposant les faits et les griefs ;

Vu le courrier de la société France Télécom, enregistré à l'Autorité le 21 novembre 2011, indiquant que le rapport exposant les faits et les griefs n'appelait aucun commentaire de sa part ;

Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l'Autorité, en date du 21 novembre 2011, transmettant aux sociétés NC Numericable et Numericable SAS le courrier de France Télécom par lequel celle-ci a indiqué que le rapport exposant les faits et les griefs n'appelait aucun commentaire de sa part ;

Vu le courriel des sociétés NC Numericable et Numericable SAS au directeur des affaires juridiques de l'Autorité du 24 novembre 2011 transmettant un projet d'avenant à un contrat de cession ;

Vu le courrier des sociétés NC Numericable et Numericable SAS au directeur des affaires juridiques de l'Autorité, enregistré à l'Autorité le 29 novembre 2011, transmettant les projets d'avenant aux contrats de cession de réseaux câblés conclus entre France Télécom et les sociétés Numericable ;

Vu les observations en réponse des sociétés NC Numericable et Numericable SAS au rapport exposant les faits et griefs enregistré à l'Autorité le 1er décembre 2011 ;

Vu le courrier des sociétés NC Numericable et Numericable SAS au président de l'Autorité, enregistré à l'Autorité le 7 décembre 2011, indiquant que la société France Télécom n'avait pas réagi, à cette date, aux projets d'avenants transmis par les sociétés NC Numericable et Numericable SAS ;

Vu le courrier des sociétés NC Numericable et Numericable SAS au président de l'Autorité, enregistré à l'Autorité le 16 décembre 2011, transmettant des éléments d'échanges avec la société France Télécom ;

Vu l'ensemble des autres pièces versées au dossier ;

Après avoir entendu, le 15 décembre 2011, lors de l'audience devant le collège (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Marie-Laure Denis, Joëlle Toledano, et MM. Daniel-Georges Courtois, Jérôme Coutant, Nicolas Curien et Denis Rapone) :

― le rapport de M. Ghislain Heude, rapporteur ;

― les observations de MM. Eric Denoyer, Jérôme Yomtov, Laurent Bauer, Philippe Le May et Jérôme Michel pour les sociétés NC Numericable et Numericable SAS.

Cette audience s'est déroulée en présence de MM. Philippe Distler, François Lions, Michel Combot, Stéphane Hoynck, Antoine Darodes de Tailly, Laurent Perrin, Christian Guenod, Mme Patricia Lewin, M. Daniel Miara et Mme Natacha Dubois, agents de l'Autorité.

Sur la publicité de l'audience :

Au début de l'audience, le président de l'Autorité a rappelé qu'en application de l'article 24 du règlement intérieur celle-ci était publique.

En conséquence, l'audience a été publique.

Le collège de l'Autorité (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Marie-Laure Denis, Joëlle Toledano et MM. Jérôme Coutant, Nicolas Curien et Denis Rapone) en ayant délibéré le 20 décembre 2011, hors la présence des rapporteurs et des agents de l'Autorité, adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

Exposé des faits et de la procédure

Par un courrier en date du 21 octobre 2011 susvisé, le directeur des affaires juridiques de l'Autorité a ouvert, à l'encontre des sociétés NC Numericable (1) et Numericable SAS (2), la procédure prévue à l'article L. 36-11 du CPCE, pour un éventuel défaut d'exécution de la décision n° 2010-1179 du 4 novembre 2010.
Les sociétés NC Numericable et Numericable SAS sont chacune cocontractantes de France Télécom dans le cadre des contrats de cession de réseaux câblés qui étaient en cause dans la décision n° 2010-1179 de l'Autorité. Chacune de ces deux sociétés était donc tenue d'appliquer cette décision, s'agissant des contrats (3) auxquels elle est partie.
Il convient de souligner que, dans le cadre des échanges relatifs à l'exécution de cette décision, tout comme dans les différents recours engagés contre elle devant la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, les deux sociétés NC Numericable et Numericable SAS ont constamment agi, par l'intermédiaire de leurs dirigeants qui sont communs aux deux sociétés, comme si elles formaient une seule et même entité.
Dans ce contexte, une procédure commune à l'égard de ces deux sociétés a été ouverte sur le fondement de l'article L. 36-11.
Dans le cadre de la présente décision, l'expression « les sociétés Numericable » désigne la société NC Numericable ainsi que la société Numericable SAS.

(1) Immatriculée au RCS de Meaux n° 400 461 950, et dont le siège social est situé 10, rue Albert-Einstein, 77420 Champs-sur-Marne. (2) Immatriculée au RCS de Meaux n° 379 229 529, et dont le siège social est situé 10, rue Albert-Einstein, 77420 Champs-sur-Marne. (3) Liste des contrats de cession visés par la décision n° 2010-1179 : ― le contrat de cession du réseau « 1G » en date du 6 mai 1999 entre France Télécom et la société NTL Incorporated aux droits de laquelle vient la société NC Numericable ; ― le contrat de cession en date du 18 mai 2001 entre France Télécom et la société RAPP 16 aux droits de laquelle vient la société NC Numericable ; ― le contrat de cession en date du 2 juillet 2004 modifié par un avenant en date du 21 décembre 2004 entre France Télécom et la société France Télécom Câble (FTC) aux droits de laquelle vient la société Numericable SAS ; ― le contrat de cession en date du 21 décembre 2004 entre France Télécom et la société NCN aux droits de laquelle vient la société Numericable SAS.

1.1. Rappel des faits préalables à l'ouverture de la procédure
prévue par l'article L. 36-11 du CPCE
1.1.1. La décision n° 2010-1179 de l'Autorité du 4 novembre 2010

A partir de 2009, France Télécom a souhaité modifier certaines des dispositions contenues dans les contrats de cession de réseaux câblés signés avec les sociétés Numericable en 1999, 2001 et 2004.
Les modifications demandées par France Télécom visaient à ce que les sociétés Numericable, lorsqu'elles procèdent, dans le cadre prévu par les quatre contrats de cession signés avec France Télécom, à de nouveaux déploiements de câbles en fibre optique, ou procèdent à leur exploitation, respectent des processus opérationnels et des règles d'intervention désormais identiques à ceux et celles s'imposant aux autres utilisateurs du génie civil déployant des réseaux Fttx.
Les négociations commerciales engagées entre France Télécom et les sociétés Numericable sur la modification des contrats ayant échoué, l'Autorité a été saisie le 7 juillet 2010 de deux demandes de règlement de différend par France Télécom.
Dans sa décision n° 2010-1179 en date du 4 novembre 2010, l'Autorité a fait droit à l'essentiel des demandes de France Télécom, en décidant :
« Art. 1er. ― Dans le cadre des opérations de déploiement et de maintenance de réseaux en fibre optique réalisées par les sociétés Numericable SAS et NC Numericable en application des contrats de cession objets de la présente saisine de la société France Télécom, les modalités opérationnelles d'accès aux infrastructures de génie civil prévues dans ces contrats, relatives :
― aux déclarations précédant toute intervention sur le génie civil de France Télécom ;
― aux principes généraux des commandes ;
― à la fourniture de la documentation préalable ;
― à la phase d'études ;
― à la commande d'accès ;
― à la phase de travaux ;
― aux prestations complémentaires pendant la phase étude et/ou la phase travaux, à l'exception de la prestation d'accompagnement pour accéder aux chambres sécurisées ; et
― à la maintenance,
doivent être mises en conformité avec les modalités opérationnelles prévues dans l'"offre d'accès aux installations de génie civil de France Télécom pour les réseaux Fttx”.
« Art. 2. ― La présente décision doit être mise en application dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
« Art. 3. ― Le surplus des conclusions des saisines de France Télécom est rejeté [...]. »
Cette décision, notifiée aux parties le 8 novembre 2010, aurait dû être mise en application au plus tard le 8 janvier 2011, conformément à son article 2.
Par un recours déposé devant la cour d'appel de Paris le 8 décembre 2010, les sociétés Numericable ont demandé l'annulation de la décision n° 2010-1179. Ce recours, conformément au III de l'article L. 36-8 du CPCE, n'avait pas de caractère suspensif. Les sociétés Numericable ont assorti ce recours d'une demande de sursis à exécution le 20 décembre 2010.
La cour d'appel de Paris a rejeté la demande de sursis à exécution dans une ordonnance du 3 février 2011. La cour d'appel de Paris a notamment considéré que :
« [...] Numericable ne peut démontrer que la modification contractuelle imposée par la décision aura des conséquences négatives irréversibles sur sa situation ;
Que la signature et l'exécution d'avenants ne sont certes pas des dispositions de moyen de long terme et laisseraient à une éventuelle annulation de la décision une large potentialité d'effets concrets ; [...]
Que de même, les adaptations, humaines et matérielles, que Numericable devra mettre en œuvre en son sein ne relèvent pas de circonstances exceptionnelles ou irréversibles mais constituent au contraire la conséquence la plus ordinaire d'une modification contractuelle dans une immédiateté qu'a voulue le législateur ; [...]. »
La cour d'appel de Paris a ensuite rejeté, dans un arrêt du 23 juin 2011, le recours en annulation, et ainsi confirmé dans son l'intégralité la décision n° 2010-1179. La cour d'appel a notamment relevé que :
« [...] la mission régulatrice confiée par la loi à l'ARCEP lui donne notamment le pouvoir d'imposer aux opérateurs relevant de son autorité des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l'exécution de leurs conventions et de restreindre ainsi, pour des motifs d'ordre public économique, le principe de liberté contractuelle dont ils bénéficient ;
[...] qu'il en résulte que le moyen d'annulation pris du fait que l'ARCEP aurait excédé la compétence qui lui est dévolue par l'article L. 36-8 du CPCE en matière de règlement de différend au détriment de la compétence du juge du contrat doit être rejeté ; ».
Les sociétés Numericable ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt le 21 juillet 2011. L'affaire est pendante à ce jour.
Les sociétés Numericable ont, en outre, engagé deux procédures supplémentaires devant le tribunal de commerce de Paris le 7 octobre 2010, d'une part, et devant la chambre de commerce internationale le 21 octobre 2010, d'autre part, aux fins d'obtenir réparation du préjudice que leur aurait, selon elles, causé la modification unilatérale des contrats de cession résultant des saisines introduites par France Télécom devant l'autorité.
1.1.2. Les échanges intervenus entre France Télécom et les sociétés Numericable depuis l'adoption de la décision n° 2010-1179 et préalablement à l'ouverture de la procédure prévue à l'article L. 36-11 à l'encontre des sociétés Numericable
Par trois courriers en date du 7 janvier 2011, France Télécom a transmis aux sociétés Numericable des projets d'avenants aux quatre contrats de cession visant à adapter ces contrats conformément à la décision.
Par un courrier en date du 10 février 2011, les sociétés Numericable ont fait part à France Télécom de leur refus de consentir à une modification des contrats de cession. Ces sociétés estimaient, en particulier, que certaines des clauses proposées par France Télécom n'étaient pas conformes à la décision de l'Autorité et qu'il était, par conséquent, nécessaire que France Télécom et les sociétés Numericable se rencontrent « pour examiner ensemble la situation sur le plan des modalités opérationnelles ».
Par ailleurs, les sociétés Numericable soutenaient dans leur courrier que :
« [...] la décision de l'ARCEP n'indique nullement qu'il serait question de signer des avenants, précisément dans la mesure où nos "droits acquis” sont supposés ne pas être remis en cause.
Vous comprendrez dès lors qu'il soit impossible en l'état actuel que nous signions des avenants à nos contrats de cession, [...] dans la mesure où cela reviendrait pour nous à consentir à la modification de nos droits d'accès au génie civil.
Nous vous rappelons à cet égard, ainsi que cela a été clairement explicité dans notre assignation devant le tribunal de commerce de Paris et dans notre demande d'arbitrage, que la modification unilatérale de ces contrats par France Télécom entraîne pour le groupe Numericable un préjudice évalué à hauteur de 3 124 890 000 euros, tenant essentiellement compte de l'actualisation de la valeur de ces contrats, de la perte des projets industriels construits autour de ceux-ci, et de la perte de valeur de notre fonds de commerce.
Par conséquent, si vous entendez modifier nos contrats de cession et d'accès au génie civil, il conviendra que vous nous indemnisiez sur les bases indiquées ci-dessus [...] ».
Dans un courrier en date du 9 mars 2011 adressé aux sociétés Numericable, France Télécom a pris acte du refus de ces dernières de signer les contrats d'avenants communiqués le 7 janvier 2011 et a rappelé aux sociétés Numericable que, selon elle, les procédures engagées devant d'autres juridictions ne faisaient pas obstacle au caractère exécutoire de la décision de l'ARCEP :
« La décision n° 2010-1179 de l'ARCEP du 4 novembre 2010 impose la mise en conformité pour les opérations de déploiement et de maintenance réalisées dans le cadre des contrats de cession entre nos sociétés, sous un délai de deux mois, des modalités opérationnelles d'accès au génie civil prévues par ces contrats et énumérées à l'article 1er avec les modalités opérationnelles prévues dans l'offre Fttx.
Conformément à cette décision, France Télécom a proposé par un courrier en date du 7 janvier 2011 des avenants aux contrats de cession, solution qui a été rejetée par votre société.
Nous pensons utile de vous rappeler que les procédures judiciaires dont vous faites état dans votre courrier n'ont aucun effet sur l'application de la décision de l'ARCEP. En effet, dès lors qu'un sursis à exécution de la décision n'a pas été ordonné, celle-ci reste pleinement exécutoire, et son non-respect sanctionnable. »
Dans ce même courrier, France Télécom a accepté le principe d'une rencontre avec les sociétés Numericable ayant pour objectif l'application de la décision de l'ARCEP, et notamment la formalisation des modifications contractuelles retenues dans celle-ci :
« Nous sommes bien évidemment favorables à la rencontre que vous proposez dès lors qu'elle a pour seule finalité la mise en œuvre de la décision de l'ARCEP, et la formalisation sans délai des évolutions contractuelles nécessaires. »
Lors d'une réunion entre France Télécom et les sociétés Numericable qui s'est tenue le 27 mai 2011, les sociétés Numericable ont présenté à France Télécom la méthodologie qu'elles souhaitaient mettre en œuvre pour appliquer la décision de l'Autorité. Cette méthodologie avait été présentée précédemment par les sociétés Numericable aux services de l'Autorité lors d'une réunion qui s'est tenue le 16 mai 2011.
Lors de cette réunion, les sociétés Numericable ont proposé à France Télécom que soient conduits quatre ateliers de travail traitant respectivement des processus GC Fttx, des systèmes d'information, des limites volumétriques, de la maintenance des réseaux hybrides. Lors de cette réunion, France Télécom a accepté le principe d'une participation à ces ateliers de travail mais a rappelé à cette occasion qu'il importait que les modifications opérationnelles soient formalisées contractuellement et a demandé, à ce titre, aux sociétés Numericable de lui indiquer la manière dont elles entendaient procéder en la matière.
En réponse à cette question, les sociétés Numericable lui ont indiqué dans un courrier en date du 7 juin 2011 qu'elles estimaient avoir démontré, notamment au travers de la méthodologie proposée lors de la réunion du 27 mai 2011, qu'elles respectaient la décision de l'ARCEP. Dans ce même courrier, après avoir rappelé leur refus de signer les avenants aux contrats de cession proposés par France Télécom, les sociétés Numericable ont indiqué qu'elles ne formaliseraient aucun écrit relatif aux nouvelles modalités d'intervention dans le génie civil en l'absence d'une indemnisation de la part de France Télécom :
« [...] Le fait (i) que vous ayez imposé vos "règles d'ingénierie” unilatéralement depuis plus de deux ans, (ii) que l'ARCEP ait désormais validé votre demande d'alignement s'agissant des modalités opérationnelles, et enfin le fait (iii) que les sociétés Numericable prouvent qu'elles modifient concrètement leurs processus d'intervention sur leurs réseaux câblés suffisent amplement à entériner la modification de nos contrats, modification que nous contestons et dont nous demandons réparation.
Compte tenu des litiges en cours devant le tribunal de commerce de Paris et la chambre de commerce internationale, nous maintenons qu'il n'est évidemment pas question de signer un avenant ou tout autre document qui aurait pour effet de marquer notre accord à la modification de nos contrats.
En d'autres termes, nous ne formaliserons aucun écrit en l'absence d'une indemnisation juste de la part de France Télécom [...] ».
Dans un courrier électronique du 9 juin 2011, France Télécom a fait part aux sociétés Numericable de ses réserves quant à la méthodologie proposée par ces dernières lors de la réunion du 27 mai 2011 relative à l'organisation d'ateliers de travail.
Dans ce courrier, France Télécom a indiqué notamment qu'elle ne partageait pas l'appréciation des sociétés Numericable quant à la particulière complexité que supposerait l'application de la décision de l'ARCEP et qu'elle estimait que nombre des questions soulevées par les sociétés Numericable lui apparaissaient soit comme hors sujet, soit comme devant être maîtrisées par un opérateur partageant de longue date le génie civil de France Télécom.
Dans ce même courrier électronique, France Télécom a néanmoins fait part de sa volonté d'avancer rapidement dans la mise en œuvre de la décision de l'ARCEP, et à ce titre, a proposé des interlocuteurs aux sociétés Numericable pour la conduite des ateliers de travail. France Télécom a ajouté toutefois que ceux-ci ne pourraient « perdurer au-delà du 31 juillet 2011, sauf à caractériser une attitude dilatoire de la part de Numericable ».
Enfin, France Télécom a rappelé « la nécessité absolue de formaliser » avec les sociétés Numericable « les processus opérationnels qui seront modifiés, conformément à la décision de l'ARCEP, dans les contrats en cours ».
En réponse à ce courrier électronique, les sociétés Numericable, dans un courrier adressé à France Télécom le 23 juin 2011, lui ont indiqué qu'elles considéraient le délai proposé pour la tenue des ateliers de travail comme irréaliste. Dans ce même courrier, les sociétés Numericable ont indiqué que :
« [...] Cette décision [la décision n° 2010-1179] n'impose donc la signature d'aucun accord écrit quel qu'il soit, notamment dans la mesure où l'ARCEP ne dispose pas d'un tel pouvoir ; il s'agit uniquement d'appliquer les modalités de l'offre "GC Fttx” comme cela nous a été imposé par l'ARCEP à votre demande.
[...] Si France Télécom entend obtenir l'accord formel des sociétés Numericable sur la modification des contrats d'accès au génie civil, modification imposée par France Télécom, il appartient à cette dernière de proposer une compensation financière appropriée, constituant la juste contrepartie de cette modification substantielle des contrats et l'indemnisation du préjudice subi par Numericable. A défaut, vous savez pertinemment que Numericable ne peut pas accéder à vos demandes, pour les raisons évidentes développées dans le cadre de nos contentieux en cours devant le tribunal de commerce de Paris et la chambre de commerce internationale. »
Dans un courrier à France Télécom en date du 28 juillet 2011, les sociétés Numericable ont une nouvelle fois fait valoir que, selon elles, « la signature d'avenants n'est en aucune manière prévue par la décision de l'ARCEP, même si les modalités de l'offre "GC Fttx” s'imposent désormais à Numericable ».
Les sociétés Numericable estimaient en outre dans ce courrier que « [...] l'ARCEP n'est pas le juge du contrat et n'a en toute hypothèse aucun pouvoir pour intervenir dans les rapports contractuels qui existent entre France Télécom et les sociétés Numericable concernant notamment l'indemnisation et les restitutions auxquelles Numericable est en droit de prétendre du fait de l'inexécution par France Télécom de ses obligations au titre des contrats précités : en ne permettant plus aux sociétés Numericable d'accéder aux installations de génie civil de France Télécom dans les conditions prévues à ces contrats ».
Les sociétés Numericable ont réaffirmé par conséquent qu'elles n'accepteraient de signer des avenants aux contrats de cession « qu'en contrepartie d'une juste indemnisation par France Télécom ».
Par un courrier en date du 29 juillet 2011, France Télécom a indiqué aux sociétés Numericable :
« [...] Je dois constater qu'au terme de nos échanges, vous rejetez désormais par principe toute évolution des contrats nous liant, et donc toute formalisation des modifications contractuelles imposées par la décision de l'ARCEP. Un tel rejet est évidemment inacceptable, ne serait-ce que pour d'évidentes raisons de responsabilité contractuelle, d'opposabilité des évolutions à intervenir et de transparence des relations entre nos entités. [...] Je ne peux donc que prendre acte de ce rejet, qui prive désormais de tout objet les workshops auxquels nous avions pourtant accepté de participer [...]. Au total, je dois constater qu'à ce jour et de votre seul fait, les modifications contractuelles que l'ARCEP a prescrites ne sont toujours pas intervenues et ne semblent devoir intervenir à horizon raisonnable ; qu'ainsi la décision n° 2010-1179 de l'ARCEP n'est toujours pas exécutée, mettant les demandes de France Télécom auxquelles elle a fait droit en situation d'échec. »
Par un courrier en date du 1er septembre 2011 adressé au directeur des affaires juridiques de l'ARCEP et à France Télécom, les sociétés Numericable ont proposé d'établir un engagement écrit par lequel elles s'engageraient à respecter « formellement les modalités opérationnelles de l'offre Fttx conformément aux prescriptions de la décision de l'ARCEP. Sur le plan pratique, la mise en œuvre de cet engagement impliquera bien entendu que France Télécom accepte de coopérer dans le cadre des quatre ateliers-workshops prévus depuis le mois de mai dernier ».
Les sociétés Numericable indiquaient en outre dans ce courrier que France Télécom refusait de leur délivrer le code d'accès « FCI » « empêchant par là-même non seulement la bonne exécution de la décision de l'ARCEP mais également la poursuite normale de l'activité de Numericable ».
Dans un courrier adressé au directeur juridique de l'ARCEP et aux sociétés Numericable en date du 8 septembre 2011, France Télécom a réaffirmé sa position en indiquant que « seuls des ajustements traduits dans des contrats signés entre France Télécom et Numericable seront à même d'assurer la bonne exécution de leurs obligations par les deux parties et ce, de manière pérenne ».
Par ce même courrier, France Télécom a rappelé par ailleurs avoir proposé, dès le 7 janvier 2011, aux sociétés Numericable une convention, lui permettant d'obtenir le code FCI :
« [...] [le code FCI] est délivré sur simple signature d'une convention qui a été adressée à Numericable dès le 7 janvier 2011. Numericable a pour l'heure purement et simplement refusé de signer cette convention, sans aucune justification particulière [...]. »
Par deux courriers en date du 14 septembre 2011, le directeur des affaires juridiques de l'Autorité, constatant que la décision de l'Autorité demeurait inexécutée, a demandé à chacune des deux parties de lui indiquer quels étaient les moyens précis qu'elles proposaient ou avaient proposé de mettre en œuvre « pour assurer sans délai l'exécution de la décision et quels sont les obstacles concrets qui ont été rencontrés ».
En réponse à ce courrier, les sociétés Numericable ont transmis au directeur des affaires juridiques de l'Autorité le projet d'engagement (courrier en date du 27 septembre 2011 également adressé à France Télécom). Le document ainsi transmis à l'Autorité et à France Télécom prévoit que :
« Numericable s'engage à mobiliser les moyens humains et matériels nécessaires à la mise en conformité des modalités opérationnelles d'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom avec celles prévues dans l'offre "GC fttx” (figurant en annexe 1 ci-après), pour les opérations de modernisation des réseaux câblés en fibre optique », tout en précisant que la bonne fin de cet engagement est subordonnée à la condition « que France Télécom mobilise également, de son côté et de bonne foi, les moyens nécessaires pour rendre possible cette mise en conformité dans le délai prévu de douze (12) mois, et en particulier qu'elle participe activement et de manière diligente aux workshops dont la présentation et le rôle sont joints en annexe 2 (ou à toute autre forme de collaboration qui se révélerait utile ou adaptée pour parvenir à cette mise en conformité des modalités opérationnelles d'accès à son génie civil par Numericable) ».
Enfin, dans un courrier en date du 29 septembre 2011 adressé au directeur des affaires juridiques de l'Autorité, France Télécom a réaffirmé sa position, en indiquant notamment que « [s]eule une modification des contrats en cours garantit [l'] opposabilité entre parties [...]. Quelle que soit l'appellation du document appelé à formaliser les modifications induites par la décision de l'ARCEP, ce document doit être de nature contractuelle, signé des deux parties, daté, et doit modifier expressément les conventions en cours ».

1.2. Rappel de l'exposé des faits et des griefs contenus dans le rapport des rapporteurs
1.2.1. Les faits exposés

Dans le rapport exposant les faits et les griefs adressés aux sociétés Numericable le 15 novembre 2011, les rapporteurs ont exposé les éléments suivants :

1.2.1.1. En contradiction avec l'obligation posée par la décision n° 2010-1179,
les sociétés Numericable se sont délibérément opposées à toute modification des contrats de cession

Alors que France Télécom a transmis aux sociétés Numericable dès le 7 janvier 2011 des avenants aux contrats de cession, ces sociétés ont refusé le 10 février 2011, par un courrier adressé à France Télécom, de procéder à une modification de ces contrats. Par la suite, ces sociétés ont constamment maintenu leur opposition de principe à toute modification des contrats de cession objet de la décision n° 2010-1179. Le rapport fait ainsi état de quatre autres courriers des sociétés Numericable par lesquels elles s'opposent résolument à toute modification des contrats de cession (4).
Au regard de ces éléments, les rapporteurs ont conclu qu'en contradiction avec la décision n° 2010-1179 de l'Autorité qui venait régler les différends survenus entre France Télécom et les sociétés Numericable quant à la modification des contrats de cession signés entre elles en 1999, 2001 et 2004, et imposait de ce fait une modification contractuelle limitée à un ensemble de modalités dont elle a arrêté la liste, et ce dans un délai de deux mois, les sociétés Numericable ont opposé, de manière répétée, un refus à toute modification desdits contrats.

(4) Extraits des échanges cités dans le rapport exposant les faits et les griefs en date du 15 novembre 2011 : ― courrier du 7 juin 2011 adressé à France Télécom : « [...] nous maintenons qu'il n'est évidemment pas question de signer un avenant ou tout autre document qui aurait pour effet de marquer notre accord à la modification de nos contrats. » ; ― courrier du 23 juin 2011 adressé à France Télécom : « [...] Cette décision n'impose donc la signature d'aucun accord écrit quel qu'il soit, notamment dans la mesure où l'ARCEP ne dispose pas d'un tel pouvoir [...] » ; ― courrier du 28 juillet 2011 adressé à France Télécom : « [...] la signature d'avenants n'est en aucune manière prévue par la décision de l'ARCEP [...] » ; ― courrier du 1er septembre 2011 adressé au directeur des affaires juridiques de l'ARCEP et à France Télécom (en copie) : « France Télécom voudrait de son côté imposer au préalable à Numericable, pour appliquer l'offre Fttx et pour exécuter votre décision, de signer des avenants aux contrats de cession et d'accès de 1999 à 2004. [...] le groupe Numericable ne peut pas accepter de signer des avenants aux contrats de cession et d'accès. »

1.2.1.2. Sur les raisons avancées par les sociétés Numericable pour expliquer et justifier leur refus

En premier lieu, sur la présence, dans les avenants communiqués par France Télécom le 7 janvier 2011, de clauses non conformes à la décision n° 2010-1179 :
Les sociétés Numericable ont systématiquement opposé un refus de principe à la modification des contrats de cession, et n'ont donc jamais souhaité négocier avec France Télécom le contenu des modifications à apporter à ces contrats ; par ailleurs, cet argument n'a plus jamais été évoqué par ces sociétés dans le cadre des échanges ultérieurs.
En deuxième lieu, sur le fait que la modification des contrats de cession aurait été rendue impossible en raison des deux procédures engagées devant le tribunal de commerce de Paris et la Chambre de commerce internationale :
A l'occasion des échanges intervenus avec France Télécom, les sociétés Numericable ont indiqué qu'une modification des contrats ne pouvait intervenir que postérieurement à l'indemnisation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait de cette modification, et qu'elles évaluent à hauteur de 3 124 890 000 euros. Ces mêmes sociétés ont expliqué avoir engagé à ce titre deux procédures, l'une devant le Tribunal de commerce de Paris, l'autre devant la Chambre de commerce internationale, visant à obtenir une telle indemnisation, et ont soutenu que la signature d'avenants équivaudrait à signifier leur accord à cette modification et à compromettre ainsi toute possibilité d'indemnisation dans le cadre de ces procédures.
Le rapport souligne que les recours intentés devant plusieurs instances afin d'obtenir réparation du préjudice que leur causerait, selon elles, l'adaptation des contrats de cession ne sauraient faire obstacle à l'exécution de la décision de l'ARCEP, qui est exécutoire depuis sa notification aux parties, et qu'il appartenait le cas échéant à ces sociétés d'assortir leur signature des avenants aux contrats de toutes les réserves nécessaires pour ne pas compromettre les chances de succès des contentieux indemnitaires engagés par elles.
En troisième lieu, sur le fait que la décision n° 2010-1179 n'imposerait aucune modification des contrats, mais uniquement la mise en œuvre des effets qui devraient découler d'une telle modification contractuelle :
Les rapporteurs ont rappelé que la décision n° 2010-1179 ne souffrait d'aucune ambiguïté quant aux obligations qu'elle impose aux parties. En effet, d'une part, le dispositif de cette décision prévoit, de manière claire et non équivoque, la modification de certaines modalités prévues dans les contrats de cession, et, d'autre part, cette décision venait régler un différend survenu précisément sur l'évolution des contrats. Au surplus, les sociétés Numericable auraient pu, s'il subsistait pour elles des difficultés de compréhension, se référer à la lecture parfaitement claire qu'en faisait la cour d'appel de Paris dans le cadre de leur demande de sursis à exécution.
Par ailleurs, les sociétés Numericable ayant cherché à contester, dans le cadre des échanges intervenus avec France Télécom, la compétence de l'ARCEP pour imposer une modification des contrats, les rapporteurs ont rappelé que celle-ci ne pouvait être remise en cause au regard de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris, au demeurant confirmée par celle-ci dans son arrêt du 23 juin 2011 rejetant le recours au fond contre la décision n° 2010-1179. Dans cet arrêt, la cour souligne en effet que « la mission régulatrice confiée par la loi à l'ARCEP lui donne notamment le pouvoir d'imposer aux opérateurs relevant de son autorité des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l'exécution de leurs conventions et de restreindre ainsi, pour des motifs d'ordre public économique, le principe de liberté contractuelle dont ils bénéficient ».
En quatrième lieu, sur le fait que les sociétés Numericable auraient entendu appliquer les modifications prescrites en proposant, en dehors de toute modification contractuelle, l'organisation d'ateliers de travail à France Télécom et la signature d'un engagement unilatéral :
Comme le rappelle le rapport, l'exécution de la décision impliquait la modification des contrats de cession et ne pouvait se réduire à la mise en œuvre des nouvelles modalités d'accès au génie civil.
Au surplus, les sociétés Numericable conditionnaient l'effectivité de ces nouvelles modalités à la conduite préalable de travaux intermédiaires pour lesquels elles exigeaient une participation diligente de France Télécom. Or, comme le soulignent les rapporteurs, la décision de l'ARCEP ne prévoit pas que la modification effective des modalités d'intervention dans le génie civil de France Télécom soit conditionnée par le déroulement de quelconques travaux intermédiaires. En revanche, rien n'interdit que France Télécom propose aux sociétés Numericable un accompagnement de leurs équipes lors de la mise en œuvre des nouveaux processus et des nouvelles règles. Il apparaît d'ailleurs que c'est bien là ce qu'a proposé France Télécom aux sociétés Numericable dès le 7 janvier 2011.
Sur le projet d'engagement de respecter la décision n° 2010-1179 proposé par les sociétés Numericable en septembre 2011, le rapport souligne que cet engagement ne pouvait pas être considéré comme procédant d'une exécution effective de la décision, ni comme pouvant se substituer à la modification des contrats de cession. Le rapport relève également que l'application de cet engagement demeurait conditionnée par la réalisation au préalable d'un ensemble de travaux intermédiaires pendant une période de douze mois nécessitant la participation diligente de France Télécom.

1.2.1.3. Sur la gravité du manquement imputé aux sociétés Numericable

Les rapporteurs ont constaté qu'à ce stade, les sociétés Numericable avaient délibérément, et sans justifier de motif légitime, refusé d'exécuter depuis plus de dix mois une décision de l'Autorité leur imposant des obligations spécifiques. Ils ajoutaient qu'il ressortait de la jurisprudence que le fait pour une entreprise de refuser de se conformer à des injonctions qui lui ont été imposées par une autorité compétente constitue un manquement d'une particulière gravité.
Après avoir rappelé la jurisprudence de la cour d'appel de Paris dans des affaires où était en cause l'inexécution, par des entreprises, d'injonctions prononcées à leur encontre par le Conseil de la concurrence, les rapporteurs ont estimé que ces éléments de comparaison illustraient le fait que de tels manquements étaient susceptibles de conduire, dans les limites fixées par la loi, à sanctionner leur auteur avec une sévérité particulière, à défaut de quoi le pouvoir d'injonction confié par le législateur aux autorités compétentes serait privé de toute effectivité.

1.2.2. Les griefs notifiés aux sociétés Numericable

Par sa décision n° 2010-1179 en date du 4 novembre 2010, l'Autorité a fait droit à certaines demandes de France Télécom visant à modifier des stipulations des contrats de cession signés avec les sociétés NC Numericable et Numericable SAS en 1999, 2001 et 2004.
Depuis lors, les sociétés Numericable ont opposé de manière répétée à France Télécom un refus de consentir à une modification des contrats en question.
Alors que la décision de l'Autorité devait être mise en application au plus tard le 8 janvier 2011, conformément à son article 2, le rapport relève que les sociétés Numericable ont fait obstacle de manière délibérée et répétée à la mise en œuvre de la décision n° 2010-1179 de l'ARCEP.

1.3. Les faits intervenus postérieurement à la transmission aux sociétés Numericable
du rapport exposant les faits et les griefs

Par un courriel envoyé le 24 novembre 2011 au directeur des affaires juridiques de l'ARCEP, les sociétés Numericable ont communiqué un projet d'avenant à l'un des contrats de cession objet de la décision n° 2010-1179. Les sociétés Numericable expliquent que ce projet d'avenant a vocation à être décliné à l'identique en ce qui concerne les autres contrats :
« [...] je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint l'un des avenants aux différents contrats de cession liant Numericable et NC Numericable à France Télécom.
L'annexe de ce document est, à l'identique, l'annexe fournie par France Télécom avec son projet d'avenant daté du 7 janvier dernier et qui figure parmi les pièces de la procédure en cours.
Ce document sera décliné pour couvrir, dans des termes similaires, les autres contrats de cession. »
Par un courrier adressé le 29 novembre 2011 au directeur des affaires juridiques de l'ARCEP, les sociétés Numericable ont transmis une copie des avenants adressés le même jour à France Télécom. Dans ce courrier, il est indiqué que :
« Ces documents viennent amender les contrats de cession portant sur les réseaux câblés conformément à la demande de l'ARCEP.
Les annexes des avenants sont celles préparées par France Télécom. Quant aux avenants stricto sensu, ils reprennent en grande partie les documents rédigés par France Télécom, auxquels ont toutefois été ajoutées les réserves que nous avons exprimées et dont France Télécom a accepté la présence par lettre du 8 septembre dernier. »
Par un courrier en date du 6 décembre 2011, adressé au président de l'ARCEP, les sociétés Numericable ont indiqué qu'elles constataient que la communication des avenants, modifiés et signés par elles, à France Télécom le 29 novembre 2011 n'avait donné lieu à aucune réaction de la part de France Télécom. Les sociétés Numericable ont indiqué qu'elles récusaient « par avance toute réaction ou commentaire tardif de France Télécom sur ces propositions d'avenants, [et réservaient leurs] droits sur les conséquences que cela pourrait avoir dans le cadre de la procédure de sanction en cours ».
Lors de l'audience du 15 décembre 2011, les sociétés Numericable ont indiqué que France Télécom avait accepté et signé les avenants proposés le 29 novembre 2011.

1.4. Observations des sociétés Numericable
1.4.1. Observations communiquées le 1er décembre 2011 en réponse au rapport exposant les faits et les griefs

En réponse au rapport exposant les faits et les griefs, les sociétés Numericable ont produit les observations suivantes dans un courrier enregistré par l'Autorité le 1er décembre 2011 :

1.4.1.1. Observations des sociétés Numericable sur les faits

Les sociétés Numericable soutiennent que la présentation des faits effectuée par les rapporteurs dans le rapport exposant les faits et les griefs est orientée en faveur de France Télécom. Elles indiquent avoir commencé à travailler sur les conditions d'exécution de la décision dès le rejet de leur demande de sursis à exécution par l'ordonnance de la cour d'appel de Paris du 3 février 2011. Les sociétés Numericable indiquent avoir élaboré une méthodologie à suivre afin de mettre en œuvre la décision, au travers notamment de l'organisation de travaux intermédiaires (ateliers de travail).
Les sociétés Numericable indiquent que le rapport exposant les faits et les griefs passe sous silence une réunion qui s'est tenue le 16 mai 2011 avec l'ARCEP au cours de laquelle la méthodologie proposée par les sociétés Numericable lui a été présentée. Les sociétés Numericable estiment que l'ARCEP n'a pas émis de réserves sur cette méthodologie mais qu'elle a simplement demandé à être tenue informée des suites de la présentation de ce programme à France Télécom et à disposer rapidement d'un calendrier de mise en œuvre des modalités prévues par la décision.
En outre, les sociétés Numericable estiment qu'à ce stade, c'est-à-dire en mai 2011, l'ARCEP n'avait jamais indiqué aux sociétés Numericable qu'il fallait modifier leurs contrats par le biais d'avenants.
Les sociétés Numericable indiquent avoir soulevé une première série de questions relatives à la mise en œuvre de la décision et à l'application des dispositions concernées de l'offre GC Fttx lors de la réunion du 27 mai 2011 réunissant France Télécom et les sociétés Numericable. Les sociétés Numericable estiment que le rapport exposant les faits et les griefs se contente sur ce point de reprendre les arguments de France Télécom, qui aurait refusé par la suite de répondre aux questions soulevées et dont les sociétés Numericable estiment qu'elles étaient pertinentes.
Les sociétés Numericable estiment que France Télécom avait entendu leur imposer les avenants transmis le 7 janvier 2011 sans leur permettre d'en discuter le contenu, et donc sans garantie sur la concertation et les aménagements indispensables à la mise en œuvre des nouvelles procédures d'accès au génie civil.
Les sociétés Numericable soutiennent que l'adhésion à ces avenants risquait de mettre en péril les demandes indemnitaires introduites contre France Télécom.
Les sociétés Numericable estiment que ce n'est que dans une lettre du 8 septembre 2011 que France Télécom aurait enfin accepté que des avenants signés par les sociétés Numericable puissent comporter toutes les réserves nécessaires afin de préserver les droits de celles-ci dans le cadre des demandes indemnitaires en cours. Les sociétés Numericable estiment qu'il s'agit là d'un « élément capital », qui a permis aux parties d'avancer significativement sur la question de la formalisation de la mise en œuvre de la décision par les sociétés Numericable.
Les sociétés Numericable indiquent que c'est à la suite de cette lettre, et après une entrevue avec le directeur des affaires juridiques de l'ARCEP pour évoquer la marche à suivre, qu'elles ont transmis à l'Autorité et à France Télécom le projet d'engagement mentionné dans le rapport exposant les faits et les griefs.
Pour les sociétés Numericable, cet engagement est présenté dans le rapport exposant les faits et les griefs comme un simple engagement de moyen et de peu de valeur alors qu'elles estiment qu'il s'agissait d'un engagement ferme, opposable et sanctionnable, impliquant simplement que France Télécom accepte de son côté de participer aux processus de mise en œuvre nécessaires.
Les sociétés Numericable indiquent ne pas avoir reçu de retour, ni de France Télécom, ni de l'ARCEP, à la suite de cette proposition d'engagement, alors qu'elles avaient proposé que son contenu puisse être examiné.
Les sociétés Numericable ajoutent qu'elles n'ont pu prendre connaissance de la lettre de France Télécom à l'ARCEP en date du 29 septembre 2011 par laquelle France Télécom semble rejeter la proposition de Numericable et dont elles n'étaient pas destinataires que dans le cadre de la procédure ouverte à leur encontre sur le fondement de l'article L. 36-11. Elles estiment qu'il s'agit là d'un manquement au principe du contradictoire de cette procédure, qui n'a été ouverte qu'à l'encontre des sociétés Numericable, « sans que l'ARCEP estime donc que France Télécom ait aucune part de responsabilité dans le retard d'exécution de la décision ».

1.4.1.2. Observations des sociétés Numericable sur l'analyse développée par les rapporteurs

De manière générale, les sociétés Numericable estiment que le rapport exposant les faits et les griefs se concentre exclusivement sur les manquements imputés aux sociétés Numericable.
Sur les délais de mise en œuvre de la décision :
Les sociétés Numericable indiquent que ses réseaux câblés sont présents dans le génie civil de France Télécom depuis de nombreuses années, et qu'ils ont fait l'objet d'une cession par France Télécom assortie d'un droit de modernisation au profit de Numericable reposant sur des conditions particulières d'accès au génie civil. Les sociétés Numericable estiment que la décision a constitué un bouleversement fondamental des modes opératoires et du modèle économique, ce qui justifie selon elles une série d'actions « aussi bien indemnitaires que sursitaires et au fond » à la suite de cette décision.
Les sociétés Numericable indiquent que ce n'est qu'en février 2011 que « la question de la mise en œuvre de son dispositif s'est imposée à Numericable ».
Dès lors, les sociétés Numericable indiquent avoir travaillé pour proposer à France Télécom une « méthodologie propre à assurer la bonne exécution de la décision » et que ces travaux et les échanges qui s'en sont suivis ont conduit les parties au mois de mai 2011, ce qui n'est pas, selon les sociétés Numericable, un délai excessif au regard des enjeux et de la complexité des questions.
Les sociétés Numericable considèrent que c'est aux mois de juin et juillet 2011 que le processus s'est « "grippé”, du fait de l'exigence de la signature préalable d'avenants que France Télécom a ― de manière tout à fait contestable et retorse [...] ― entendu imposer ».
Selon les sociétés Numericable, le délai de mise en exécution de deux mois prévu par la décision ne permettait pas d'appliquer les nouvelles règles d'accès, de même que le délai de trois mois prévu par les avenants proposés par France Télécom. Les sociétés Numericable considèrent en effet que ces délais ne pouvaient convenir « s'agissant des réseaux déjà déployés de Numericable, (i) qui sont très nombreux et denses (5,3 millions de foyers desservis), (ii) qui exigent des opérations de travaux et de maintenance et font l'objet de transformations vers des câblages en fibre optique et (iii) dont les modes opératoires existants se trouvent profondément désorganisés par les nouvelles règles d'accès et doivent donc être entièrement revus ».
Les sociétés Numericable estiment que France Télécom elle-même a mis de longs mois à organiser et tester les nouvelles règles d'accès à son génie civil issues de l'offre GC Fttx et plus encore à se les appliquer à elle-même, comme le montre selon elles la décision n° 2010-0854 de l'Autorité du 20 juillet 2010 (5). Cette décision montre également, selon les sociétés Numericable, que France Télécom a pu bénéficier, pendant un laps de temps, de processus qui différaient sensiblement de ceux imposés aux autres opérateurs. Les sociétés Numericable indiquent ne pas critiquer ces délais supplémentaires et ces processus différents, mais considèrent qu'elles auraient dû bénéficier de tels aménagements.
Sur les modalités de mise en œuvre de la décision :
Les sociétés Numericable estiment que la décision ne fixe pas de règles sur les modalités selon lesquelles les parties devront la mettre en œuvre et soutiennent que la rédaction n'impliquait et n'imposait pas que la mise en conformité prenne la forme d'avenants.
D'autre part, elles considèrent que l'exécution pouvait être assurée par d'autres moyens et impliquait surtout « une concertation préalable réelle et efficace entre les deux parties, pour prendre en compte les difficultés opérationnelles concrètes se posant dans le cas de Numericable ».
Elles indiquent avoir par conséquent proposé une méthodologie et des ateliers de travail et expliquent avoir eu « de grandes réticences » face à la volonté de France Télécom de « contractualiser avant même d'avoir pu discuter utilement du fond ». Pour les sociétés Numericable, France Télécom cherchait ainsi à disposer d'un argument contre les réclamations indemnitaires de Numericable. Les sociétés Numericable indiquent à cet égard que « Numericable ne pouvait prendre le risque, en signant les avenants aux contrats de cession préparés par France Télécom, qu'on lui oppose son plein accord aux modifications contractuelles concernées ».
Les sociétés Numericable ajoutent à ce propos que « France Télécom [qui] le savait du reste très bien, [...] a attendu le 8 septembre 2011 et le blocage de la situation dénoncé par Numericable pour admettre enfin que Numericable assortisse la signature d'un engagement contractuel de toutes les réserves nécessaires pour préserver ses intérêts dans le cadre des contentieux en cours, notamment devant le tribunal de commerce de Paris et la chambre de commerce internationale ».
Les sociétés Numericable jugent par ailleurs que les services de l'Autorité ont écarté hâtivement leur proposition d'engagement unilatéral du 27 septembre 2011, et considèrent :
« Cet engagement ferme, opposable (puisque destiné à être contresigné et par France Télécom et par l'ARCEP) et sanctionnable, répondait simplement aux deux problématiques essentielles exposées depuis l'origine par Numericable : d'une part, la nécessité de réserver ses droits dans le cadre des contentieux en cours, d'autre part, celle de régler les problèmes opérationnels en concertation avec France Télécom.
Cela n'a absolument rien de dilatoire, et la démarche inverse consistant à vouloir imposer d'abord la signature d'un avenant sans s'être d'abord ou dans le même temps entendu sur les modes opératoires laisse évidemment les mains entièrement libres à France Télécom tandis qu'elle lie celles de Numericable. »
Les sociétés Numericable indiquent par ailleurs, en réponse au rapport exposant les faits et les griefs, que cet engagement avalisait dès sa signature « les modalités de mise en conformité dont il prévoit qu'elles soient discutées entre les parties, et il n'appelle donc en rien un accord formel subséquent sur ces modalités ».
Les sociétés Numericable estiment qu'à l'inverse de celles de France Télécom, leurs positions n'ont jamais été entendues par les services, qui n'ont notamment pas répondu à leur projet d'engagement.
Les sociétés Numericable estiment qu'il aurait été « finalement plus simple que la décision ou à défaut les services de l'Autorité imposent d'emblée la signature d'avenants, montrant par là clairement que les parties (et notamment Numericable) n'avaient pas le choix sur les modalités de mise en œuvre des nouvelles règles ».

(5) Décision n° 2010-0854 en date du 20 juillet 2010 clôturant l'enquête administrative ouverte en application de l'article L. 32-4 du CPCE portant sur les conditions d'utilisation des infrastructures de génie civil de France Télécom pour le déploiement de la fibre dans la boucle locale.

1.4.1.3. Sur le règlement proposé par les sociétés Numericable

Les sociétés Numericable indiquent avoir soumis à l'ARCEP et à France Télécom le 29 novembre 2011 des projets d'avenants modifiés et signés qui pourront entrer en vigueur dès lors que France Télécom y consentira.
Pour les sociétés Numericable, ces avenants sont conformes à ceux adressés par France Télécom le 7 janvier 2011, avec deux ajouts importants :
― un préambule complété qui présente les conditions dans lesquelles interviennent ces avenants ;
― une clause de réserve relative aux droits de Numericable dans les actions judiciaires en cours.
Par ailleurs, les sociétés Numericable indiquent que ces avenants prévoient un aménagement limité de certains délais de mise en œuvre en ce qui concerne les opérations de travaux.
Les sociétés Numericable estiment que France Télécom ne devrait avoir aucune difficulté pour signer ces avenants. Elles ajoutent que : « Dès lors, l'ensemble des parties devrait pouvoir considérer que le problème soulevé par l'exécution de la décision se trouve réglé, et l'ARCEP décider qu'il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, d'appliquer une sanction. »
En conclusion, les sociétés Numericable estiment que le retard pris dans l'exécution de la décision n'est pas imputable à une mauvaise volonté de Numericable, ni à des manœuvres ou refus d'exécution, et que l'exécution a soulevé de nombreuses difficultés « du fait des positions longtemps irréconciliables des parties ».
Elles indiquent que ce retard leur a été préjudiciable car il a retardé leur programme de modernisation de leurs réseaux. Elles considèrent que « Numericable ne peut donc être suspectée d'en avoir profité, et encore moins de l'avoir suscité à dessein ».
Les sociétés Numericable jugent que France Télécom, en position de force, a systématiquement entendu imposer à Numericable des solutions défavorables (signature des avenants, sans accord préalable sur les questions opérationnelles), ce qui « n'a pas facilité les choses ».
Elles estiment avoir montré qu'elles ont réellement cherché de bonne foi à permettre cette bonne exécution et « qu'il serait particulièrement inéquitable de considérer qu'[elles] [ont] commis un manquement dans le cadre de l'exécution de la décision et de [leur] infliger une sanction à ce titre ».
Les sociétés Numericable estiment enfin qu'il est inéquitable « que la présente procédure n'ait pas été engagée également à l'encontre de France Télécom, dont les actions et réactions ont largement pesé dans le délai pris pour assurer cette exécution et s'en trouvent directement à l'origine, et alors que par définition la question de la mise en conformité de contrats bilatéraux requiert l'implication et la bonne foi des deux parties ».

1.4.2. Observations formulées lors de l'audience du 15 décembre 2011

Lors de l'audience du 15 décembre 2011, les sociétés Numericable ont formulé des observations reprenant pour l'essentiel les arguments mis en avant dans leurs observations écrites. Elles ont tout particulièrement souhaité mettre en avant les points rapportés ci-après.
A titre liminaire, les sociétés Numericable ont indiqué que, de 2005 à 2010, elles avaient mené un programme de modernisation des réseaux câblés ayant permis l'équipement de 4,5 millions de foyers en connexions très haut débit de type Fttb, et qu'elles disposaient, à ce titre, d'un avantage concurrentiel important sur ce marché, qui constituait le principal vecteur de leur valorisation vis-à-vis de leurs actionnaires.
Les sociétés Numericable ont ensuite rappelé que leurs droits d'accès au génie civil de France Télécom étaient fondamentaux dans leur modèle économique, ce qui expliquait que leur éventuelle remise en cause ait conduit à engager un certain nombre d'actions contentieuses au cours des dix-huit derniers mois.
Ces sociétés ont rappelé qu'il était essentiel que le programme de modernisation des réseaux puisse se poursuivre, ce qui n'était plus le cas depuis la mi-2010. Alors que l'objectif initial était de rénover [...] prises par an, environ seulement [...] prises l'avaient été depuis la mi-2010. Cette situation, extrêmement dommageable pour les sociétés Numericable, s'explique par la situation de blocage entraînée par le règlement de différend, et ensuite les difficultés relatives à la mise en œuvre de la décision de l'Autorité.
A ce titre, les sociétés Numericable ont rappelé qu'il leur était impossible de renoncer à leurs droits à indemnisation, et que c'est précisément ce à quoi aurait abouti le fait de suivre la position initiale de France Télécom, mais que la solution finalement trouvée a permis de lever ce risque dès lors qu'il est clair désormais que les sociétés Numericable n'ont accepté ces avenants que contraintes.
Elles ont également réaffirmé que c'est à partir du moment où France Télécom leur a proposé d'émettre des réserves que la situation de blocage a pu être surmontée, et que si elles avaient, de leur côté, initialement proposé de telles réserves, cela aurait été rejeté par France Télécom car leur pouvoir de négociation vis-à-vis de France Télécom a toujours été inexistant.
Les représentants des sociétés Numericable ont indiqué que les nouveaux avenants avaient été acceptés et signés la veille de l'audience par France Télécom.
Les sociétés Numericable ont par ailleurs affirmé qu'elles avaient toujours souhaité exécuter la décision n° 2010-1179 mais que cette exécution impliquait la participation des deux parties, et qu'il avait été impossible d'en discuter avec France Télécom. Ainsi, les sociétés Numericable ont indiqué que France Télécom, après avoir accepté de participer aux travaux proposés par les sociétés Numericable au mois de mai 2011, avait finalement refusé d'y donner suite.
Les sociétés Numericable, après avoir indiqué :
― qu'elles pouvaient être considérées, après France Télécom, comme l'acteur connaissant le mieux le génie civil accueillant les réseaux de communication électroniques ;
― bien connaître le contenu de l'offre GC Fttx grâce à la société Completel, appartenant au même groupe qu'elles, signataire de cette offre,
ont expliqué qu'elles en avaient tiré comme conclusion que les modalités prévues par cette offre n'étaient pas transposables en l'état dans le cas de la modernisation des réseaux câblés, et que la question des adaptations propres à leur situation particulière devait nécessairement être traitée au préalable avec France Télécom.
C'est ce constat qui explique, selon les sociétés Numericable, la volonté qu'elles ont eu de travailler avec France Télécom pour adapter les modalités opérationnelles, et ainsi, selon elles, de rendre possible l'exécution de la décision. Les sociétés Numericable ont ainsi rappelé que, selon elles, les avenants communiqués par France Télécom étaient imprécis et ne prenaient pas en compte leur situation particulière, notamment en ce qui concerne les parties coaxiales de leurs réseaux.
Les sociétés Numericable ont indiqué que, jusqu'à l'été 2011, elles avaient cherché à éviter une application de la décision n° 2010-1179 consistant en une modification des contrats d'accès car elles estimaient que cela aurait affaibli leur position dans le cadre des contentieux indemnitaires. Elles ont reconnu, dès lors, avoir eu, initialement, une démarche peu proactive en ce qui concerne la modification des contrats.
Elles ont également affirmé que, selon elles, l'objet de la décision n° 2010-1179 demeurait fondamentalement l'alignement des modalités opérationnelles, et qu'il aurait suffi, pour exécuter la décision, de modifier les seules annexes techniques des contrats d'accès existants, ce qui aurait conduit à des modifications mieux adaptées à la situation particulière des sociétés Numericable.
Les sociétés Numericable ont par ailleurs indiqué avoir réalisé de leur côté tous les travaux qu'elles pouvaient réaliser seules pour adapter leurs processus aux nouvelles modalités d'accès.
Enfin, les sociétés Numericable ont estimé que, dès lors qu'elles n'avaient pas poursuivi la modernisation des réseaux câblés depuis notification de la décision n° 2010-1179, elles n'avaient pas méconnu les obligations posées par cette décision et n'avaient ainsi pas créé de préjudice pour des tiers.

1.5. Observations de la société France Télécom

Dans un courrier du 18 novembre 2011 adressé au directeur des affaires juridiques de l'ARCEP, France Télécom a indiqué n'avoir aucun commentaire à faire sur le rapport exposant les faits et les griefs retenus à l'encontre de Numericable SAS et de NC Numericable, rapport qui lui a été adressé par un courrier en date du 15 novembre 2011.

Analyse de l'Autorité
1.6. Sur la procédure

Dans leurs observations en réponse au rapport exposant les faits et les griefs, les sociétés Numericable indiquent qu'elles n'ont pas été destinataires en copie du courrier en date du 29 septembre 2011 adressé par France Télécom à l'Autorité, dans lequel France Télécom semble, selon elles, rejeter la proposition d'engagement formulée par les sociétés Numericable le 27 septembre 2011, et qu'elles n'ont appris l'existence de ce courrier qu'en prenant connaissance du rapport exposant les faits et les griefs.
Néanmoins, le principe du contradictoire a été parfaitement respecté dès lors que Numericable a pu prendre connaissance de ce courrier lors de la consultation du dossier d'instruction le 18 novembre 2011.
Par ailleurs, les sociétés Numericable critiquent dans leurs observations le fait que le rapport exposant les faits et les griefs ne fasse pas mention d'une réunion qui s'est tenue le 16 mai 2011 avec les services de l'ARCEP, réunion au cours de laquelle ces sociétés ont présenté la méthodologie qu'elles comptaient soumettre le 27 mai suivant à France Télécom, et indiquent que cette réunion a ensuite donné lieu à un projet de compte rendu établi par les services de l'ARCEP dont il n'est pas davantage fait mention.
Il ressort toutefois du rapport exposant les faits et les griefs que celui-ci décrit les échanges intervenus entre les parties et mentionne la réunion s'étant tenue le 27 mai 2011 au cours de laquelle les sociétés Numericable ont soumis à France Télécom le même document de présentation de méthodologie que celui présenté lors de la réunion du 16 mai 2011. Ce document de présentation est bien présent dans le dossier d'instruction, à la différence du projet de compte rendu de la réunion du 16 mai 2011, qui n'a été jamais été validé par les sociétés Numericable et qui n'y figure donc pas. Ces éléments figurant dans les observations des sociétés Numericable du 30 novembre 2011, ils sont en tout état de cause pris en compte par l'Autorité dans le cadre de la présente analyse.

1.7. Sur les manquements imputés aux sociétés Numericable
1.7.1. Sur l'existence, dans la décision n° 2010-1179,
d'une obligation de modifier les contrats de cession dans un délai de deux mois

L'Autorité a été saisie, le 7 juillet 2010, de deux demandes de règlement de différend par France Télécom à l'encontre des sociétés Numericable. Ces demandes sont intervenues à la suite de l'échec des négociations visant la modification d'un ensemble de stipulations contenues dans les quatre contrats de cession de réseaux câblés conclus entre France Télécom et les sociétés Numericable en 1999, 2001 et 2002. Les demandes de France Télécom visaient à ce que l'Autorité imposât une modification des stipulations desdits contrats pour les mettre en conformité avec les modalités d'intervention dans le génie civil de France Télécom prévues par l'offre GC Fttx.
C'est bien comme cela que les sociétés Numericable ont interprété les demandes de France Télécom dans le cadre du règlement de différend. Ces sociétés ont ainsi indiqué dans leurs observations en réponse devant l'Autorité que les demandes de France Télécom conduiraient à « une remise en cause totalement déséquilibrée des conventions d'accès » (6), ou encore dans leur réponse au questionnaire des rapporteurs (7) que « [...] C'est bien pour cela que les contrats de cession ne sauraient être modifiés sans l'accord des deux parties [...] ».
Après avoir analysé le caractère nécessaire et équitable des demandes de France Télécom, par sa décision n° 2010-1179 en date du 4 novembre 2010, l'Autorité a fait droit à l'essentiel des demandes de France Télécom. L'Autorité a retenu qu'un ensemble précis de modalités d'accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom prévues dans les contrats de cession devaient être modifiées, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.
Les modalités devant être modifiées étaient explicitement et limitativement indiquées dans l'article 1er de la décision n° 2010-1179. Il s'agissait des modalités relatives :
« [...]
― aux déclarations précédant toute intervention sur le génie civil de France Télécom ;
― aux principes généraux des commandes ;
― à la fourniture de la documentation préalable ;
― à la phase d'études ;
― à la commande d'accès ;
― à la phase de travaux ;
― aux prestations complémentaires pendant la phase études et/ou la phase travaux, à l'exception de la prestation d'accompagnement pour accéder aux chambres sécurisées, et ;
― à la maintenance [...]. »
Le contenu des modifications contractuelles attendues était en outre précisément défini dans les demandes de France Télécom.
L'Autorité souligne que sa décision n° 2010-1179 ne pouvait donc donner lieu à aucune difficulté d'interprétation quant aux obligations qu'elle posait, qu'il s'agisse des modifications contractuelles attendues ou du délai dans lequel celles-ci devaient intervenir.
Cette absence de difficulté d'interprétation a été confirmée dans le cadre des contentieux engagés par les sociétés Numericable devant la cour d'appel de Paris.
Dans ses observations du 18 janvier 2011, dans le cadre de la procédure de sursis à exécution engagée par les sociétés Numericable devant la cour d'appel de Paris, l'Autorité écrivait notamment que sa décision imposait « une obligation de faire pesant sur Numericable consistant à se rapprocher de France Télécom pour procéder à ces modifications contractuelles ». L'Autorité indiquait encore que « [L]e délai de deux mois pour modifier une convention, lorsque le sens de l'adaptation contractuelle est déjà défini, n'est nullement déraisonnable ».
L'ordonnance de la cour d'appel de Paris du 3 février 2011, rejetant la demande de sursis à exécution, indiquait que la décision de l'Autorité n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives pour les sociétés Numericable, au motif, notamment, que celles-ci « ne [peuvent] démontrer que la modification contractuelle imposée par la décision aura des conséquences négatives irréversibles sur [leur] situation » et que « la signature et l'exécution d'avenants ne sont certes pas des dispositions de moyen et long terme et laisseraient à une éventuelle annulation de la décision une large potentialité d'effets concrets ».
Or, il apparaît que, jusqu'au 29 novembre 2011, les sociétés Numericable ont constamment indiqué à France Télécom qu'elles considéraient que la décision n° 2010-1179 n'imposait pas une modification des contrats de cession mais uniquement la mise en œuvre des nouvelles modalités opérationnelles d'accès au génie civil de France Télécom dans la cadre de la modernisation de leurs réseaux câblés, étant précisé par ces sociétés que cette mise en œuvre ne pouvait pas être conduite sans l'implication diligente de France Télécom dans un ensemble de travaux intermédiaires, et notamment d'ateliers de travail, visant notamment à définir des adaptations spécifiques à la situation particulière des sociétés Numericable.
Dans leurs observations en réponse au rapport exposant les faits et les griefs, les sociétés Numericable indiquent qu'à l'occasion d'une réunion s'étant tenue le 16 mai 2011 avec l'ARCEP elles ont présenté une synthèse des questions et des travaux intermédiaires (ateliers de travail) qu'elles entendaient proposer à France Télécom et « que rien, à ce stade des contacts avec l'Autorité (soit au mois de mai 2011), ne semblait indiquer que l'application de sa décision exigerait la signature d'avenants avec France Télécom ».
Il apparaît donc que les sociétés Numericable ont délibérément et constamment dénaturé les obligations parfaitement claires qui leur incombaient aux termes de la décision n° 2010-1179 de l'Autorité.

(6) Paragraphe 198 des observations de NC Numericable en date du 9 août 2010 et paragraphe 200 des observations de Numericable SAS en date du 9 août 2010. (7) Page 9 des réponses de Numericable SAS et de NC Numericable au questionnaire adressé aux parties en date du 20 septembre 2011.

1.7.2. Sur le refus des sociétés Numericable de procéder à une modification
des contrats de cession et les raisons mises en avant pour justifier ce refus

La traduction contractuelle des modifications des modalités d'accès au génie civil retenues dans la décision de l'Autorité incombait aux parties, étant entendu que leur marge de négociation dans ce cadre était limitée par les termes de la décision de l'Autorité relative au différend en cause.
C'est à ce titre que France Télécom a communiqué à Numericable, par trois courriers en date du 7 janvier 2011, des avenants, signés par elle, aux contrats de cession visant à adapter ces contrats conformément à la décision. Par la suite, France Télécom a maintenu sa volonté de voir les sociétés Numericable signer des avenants aux contrats de cession.
Il ressort des échanges entre les parties que les sociétés Numericable ont, de manière répétée, refusé le principe même d'une modification des contrats de cession, jusqu'à ce qu'elles décident, dans le contexte de la présente procédure, de transmettre à l'ARCEP (le 24 novembre 2011) puis à France Télécom (courrier en date du 29 novembre 2011) des avenants, signés par elles, reprenant l'essentiel des dispositions contenues dans ceux communiqués par France Télécom plus de dix mois auparavant.
Il convient d'analyser les motifs de refus avancés par les sociétés Numericable.
Sur le fait que l'Autorité n'aurait pas eu la compétence pour imposer une modification de leurs contrats de cession :
Dans un courrier adressé à France Télécom en date du 23 juin 2011, les sociétés Numericable ont indiqué qu'il était « absurde de nous opposer, dans le même délai, une prétendue "nécessité absolue de formaliser [...] les processus opérationnels qui seront modifiés, conformément au dispositif de la décision de l'ARCEP, dans les contrats en cours” » dès lors, expliquent-elles plus loin, que « [c]ette décision n'impose donc la signature d'aucun accord écrit quel qu'il soit, notamment dans la mesure ou l'ARCEP ne dispose pas d'un tel pouvoir ; [...] ».
L'Autorité considère que cette analyse, déjà mise en avant par les sociétés Numericable dans le cadre de la procédure de règlement de différend, revenait à remettre en cause l'application de la décision n° 2010-1179.
Or, la cour d'appel de Paris, dans son arrêt en date du 23 juin 2011, a rejeté le recours formé par les sociétés Numericable contre la décision n° 2010-1179, en soulignant précisément que « la mission régulatrice confiée par la loi à l'ARCEP lui donne notamment le pouvoir d'imposer aux opérateurs relevant de son autorité des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l'exécution de leurs conventions et de restreindre ainsi, pour des motifs d'ordre public économique, le principe de liberté contractuelle dont ils bénéficient ».
L'Autorité rappelle que, conformément à l'article L. 36-8, les recours dirigés contre ses décisions de règlement de différend n'ont pas de caractère suspensif et que celles-ci sont par conséquent immédiatement exécutoires, sauf à ce qu'un sursis à exécution soit prononcé par la cour d'appel de Paris.
Dans le cas d'espèce, préjugeant ainsi de l'issue du recours en annulation qu'elles avaient introduit devant la cour d'appel de Paris, les sociétés Numericable ont refusé à la décision n° 2010-1179 son caractère pleinement exécutoire, et ce depuis sa notification aux parties le 8 novembre 2010.
Sur le fait que la modification contractuelle proposée par France Télécom le 7 janvier 2011 n'aurait pas été conforme à la décision n° 2010-1179 :
Dans leur courrier du 10 février 2011, premier courrier par lequel les sociétés Numericable ont fait part à France Télécom de leur refus de signer les avenants qui leur étaient proposés, celles-ci ont mis en avant le fait que ces avenants contenaient des clauses non conformes à la décision n° 2010-1179.
L'Autorité estime que si les avenants communiqués le 7 janvier 2011 par France Télécom avaient contenu des stipulations qu'elles analysaient comme non conformes à sa décision, il incombait aux sociétés Numericable de proposer à France Télécom les amendements qu'elles jugeaient adéquats pour assurer cette mise en conformité.
Il apparaît que les sociétés Numericable n'ont jamais cherché à discuter avec France Télécom du contenu des modifications à apporter aux contrats de cession jusqu'au 29 novembre 2011, date à laquelle elles ont finalement, sur les deux stipulations considérées par elles comme litigieuses, retenu une rédaction similaire à celle de France Télécom, sauf en ce qui concerne l'évolution des modalités d'accès dans le temps, dont elles ont accepté le principe mais n'ont pas retenu le processus de notification par courrier recommandé avec accusé de réception qui était prévu initialement par France Télécom.
L'argument tiré de la non-conformité de la proposition de France Télécom à la décision de l'Autorité ne peut donc justifier le refus d'accepter une modification des contrats de cession, d'autant plus qu'il n'a plus jamais été mis en avant par les sociétés Numericable dans la suite de leurs échanges avec France Télécom.
Sur le fait qu'une telle modification contractuelle était rendue impossible par les contentieux ouverts par les sociétés Numericable devant le tribunal de commerce de Paris et la chambre de commerce internationale :
Les sociétés Numericable indiquent, dans leur courrier du 10 février 2011, avoir déposé des demandes indemnitaires devant le tribunal de commerce de Paris et la chambre de commerce internationale en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait de la modification unilatérale de leurs contrats de session, préjudice qu'elles évaluent à hauteur de 3 124 890 000 euros.
Dans la suite des échanges avec France Télécom et les services de l'ARCEP, les sociétés Numericable indiquent qu'elles ne pourront consentir à la modification des contrats de cession que postérieurement au versement de l'indemnisation demandée et soutiennent que la signature d'avenants avec France Télécom équivaudrait à signifier leur accord pour cette modification et ainsi compromettre toute possibilité d'indemnisation dans le cadre de ces procédures.
L'Autorité rappelle que l'existence de procédures ouvertes par ailleurs devant d'autres instances ne saurait faire aucunement obstacle à l'exécution de sa décision.
Il appartenait en effet, le cas échéant, aux sociétés Numericable, si elles le jugeaient pertinent, d'assortir leur signature des avenants aux contrats de cession de toutes les réserves nécessaires pour ne pas compromettre les chances de succès des contentieux indemnitaires engagés. A ce titre, et contrairement à ce qu'avancent les sociétés Numericable dans leurs observations du 30 novembre 2011, il n'apparaît nullement dans les échanges entre les parties que France Télécom se soit opposée, jusqu'à son courrier en date du 8 septembre 2011, à ce que les sociétés Numericable assortissent la signature des avenants aux contrats de modification de telles réserves.
Ainsi, les sociétés Numericable indiquent dans leurs observations que « [c]e n'est que par lettre du 8 septembre 2011 que France Télécom a enfin accepté que des avenants signés par Numericable puissent comporter toutes les réserves nécessaires afin de préserver les droits de celle-ci dans le cadre des demandes indemnitaires en cours. C'est pourtant là un élément capital, qui a permis aux parties d'avancer significativement sur la question de la formalisation de la mise en œuvre de la décision par Numericable ».
Mais il n'est pas contesté que les sociétés Numericable n'ont jamais présenté une telle demande dans leurs échanges avec France Télécom, puisqu'elles se sont toujours opposées par principe à ce que les contrats de cession soient modifiés.
C'est précisément face à ce refus, justifié selon les sociétés Numericable par la nécessité de ne pas compromettre les contentieux indemnitaires introduits par elles, que France Télécom leur a indiqué qu'elles pouvaient recourir à ce procédé dans son courrier du 8 septembre 2011 :
« Numericable affirme encore et toujours pour refuser de signer les avenants qui lui ont été proposés que France Télécom chercherait à se prévaloir du fait que Numericable "en signant de tels avenants aurait accepté la modification de ces contrats et ne pourrait donc plus faire valoir ses droits”. A supposer même, quod non, que les modifications contractuelles à intervenir puissent ouvrir un quelconque droit à indemnité au profit de Numericable, l'on ne voit pas en quoi la signature d'avenant l'en priverait. En tant que de besoin, il suffirait d'ailleurs à Numericable d'assortir sa signature d'une réserve formelle sur ce point pour lever toute ambiguïté. [...] »
L'Autorité estime donc que cet argument n'était pas davantage de nature à l'exonérer de son obligation d'exécuter la décision.
Sur le fait que les délais d'exécution imposés par la décision n° 2010-1179 ne pouvaient pas matériellement être respectés par les sociétés Numericable :
Dans leurs observations du 30 novembre 2011, les sociétés Numericable font valoir que la décision n° 2010-1179 prévoyait des délais d'exécution qui ne pouvaient matériellement être respectés.
Ces sociétés avancent qu'elles sont dans une situation particulière en comparaison des autres opérateurs déployant des boucles optiques dans le génie civil de France Télécom en ce qu'elles exploitent des réseaux déjà présents dans le génie civil. Dès lors, selon ces sociétés, les modifications imposées par la décision de l'Autorité constitueraient un « bouleversement fondamental, non seulement de ses modes opératoires, mais, au-delà, de son modèle économique même ».
Par ailleurs, les sociétés Numericable considèrent qu'il ressort de la décision n° 2010-0854 de l'Autorité (8) que France Télécom s'est temporairement appliqué des processus dérogatoires et s'est octroyé des délais plus importants pour mettre en œuvre ces nouvelles modalités d'accès. Les sociétés Numericable estiment que cet état de fait n'est pas critiquable, qu'il se justifie pour un opérateur exploitant des réseaux déjà existants et qu'elles auraient dû bénéficier des mêmes facilités.
L'Autorité considère, en premier lieu, que les sociétés Numericable entretiennent une confusion dans leurs observations entre le délai de deux mois fixé dans sa décision, pour mettre en conformité les contrats de cession et le délai, pouvant être négocié entre les parties, pour mettre en œuvre de façon opérationnelle les nouvelles modalités d'accès dans le génie civil. En l'espèce, il avait été prévu dans les projets d'avenants communiqués par France Télécom le 7 janvier 2011 que ce délai de mise en œuvre, qui courait à compter de la signature des avenants, serait de trois mois. Dans les avenants finalement proposés par Numericable le 29 novembre 2011 et signés par France Télécom le 12 décembre 2011, ce délai de trois mois a été maintenu, sauf pour un des processus (la phase de travaux) pour lequel les sociétés Numericable ont proposé un délai de six mois que France Télécom a accepté.
L'Autorité rappelle qu'il n'a pas été demandé aux sociétés Numericable de mettre en œuvre de façon opérationnelle dans un délai de deux mois l'ensemble des modalités visées par sa décision mais de consentir, dans ce délai, à ce que ces modalités soient modifiées dans leurs contrats de cession. En ce qui concerne la mise en œuvre effective des nouvelles modalités, il appartenait aux sociétés Numericable, comme l'a souligné la cour d'appel dans son ordonnance du 3 février 2011, de « se rapprocher de France Télécom pour négocier un délai raisonnable de transition, ce qu'elle[s] ne démontre[nt] pas avoir fait [...] ».
L'Autorité considère donc enfin que les sociétés Numericable ne sauraient utilement se prévaloir des éventuels délais et processus dérogatoires, qu'elles n'établissent, en tout état de cause, aucunement, que France Télécom se serait appliqué pour mettre en œuvre les nouvelles modalités d'accès à son génie civil, puisque le retard imputé à ces sociétés concerne la signature des avenants et non la mise en œuvre de ces derniers.
L'Autorité estime donc qu'aucune difficulté sérieuse d'exécution ne s'opposait à l'exécution, dans les délais prévus, de la décision n° 2010-1179. L'Autorité relève à cet égard que, dans le contexte de la procédure ouverte à leur encontre sur le fondement de l'article L. 36-11, les sociétés Numericable ont communiqué à France Télécom, le 29 novembre 2011, des projets d'avenants et de leurs annexes, qui sont quasiment identiques à ceux communiqués initialement par France Télécom et intègrent des réserves par lesquelles les sociétés Numericable précisent que ces avenants ne sauraient être interprétés comme une renonciation de leur part aux contentieux indemnitaires qu'elles ont engagés. Lors de l'audience du 15 décembre 2011, les sociétés Numericable ont d'ailleurs indiqué que France Télécom avait signé les avenants proposés par les sociétés Numericable.

(8) Décision n° 2010-0854 en date du 20 juillet 2010 clôturant l'enquête administrative ouverte en application de l'article L. 32-4 du CPCE portant sur les conditions d'utilisation des infrastructures de génie civil de France Télécom pour le déploiement de la fibre dans la boucle locale.

1.7.3. Sur l'imputabilité aux sociétés Numericable
du retard constaté dans l'exécution de la décision n° 2010-1179

Dans leurs observations du 30 novembre 2011, les sociétés Numericable font valoir qu'elles ont démontré leur volonté constante d'appliquer de bonne foi la décision n° 2010-1179, et que le « retard pris dans l'exécution de la décision n'est imputable ni à une mauvaise volonté de [leur] part ni à des manœuvres ou refus d'exécution de [leur] fait ».
Les sociétés Numericable mettent notamment en avant le fait :
― qu'à l'issue du rejet de leur demande de sursis à exécution en février 2011, elles ont entamé des travaux internes visant à recenser l'ensemble des questions et adaptations internes que supposait la mise en œuvre des nouvelles modalités d'accès au génie civil ;
― qu'elles en ont tiré une méthodologie de travail, qu'elles ont soumise à France Télécom et à l'ARCEP, dont la mise en œuvre nécessitait une participation diligente de France Télécom qui leur a été rapidement refusée, celle-ci exigeant au préalable la modification des contrats ;
― qu'elles ont ensuite, en septembre 2011, proposé la signature d'un engagement de respecter la décision, et que celui-ci était tout à la fois sérieux et opposable contrairement à qu'indique le rapport exposant les faits et les griefs communiqué le 15 novembre 2011 ;
― que cet engagement n'a suscité aucune réaction de la part de l'ARCEP et de France Télécom qui n'a jugé utile d'en signifier le rejet qu'auprès de l'Autorité ;
― que, finalement elles se sont résolues à signer des avenants modifiant les contrats de cession dès lors qu'elles ont constaté que France Télécom acceptait enfin qu'elles assortissent leur signature de réserves pour préserver leurs intérêts dans le cadre des actions engagées devant d'autres juridictions.
En définitive, les sociétés Numericable soutiennent que leur attitude depuis le prononcé de la décision ne peut être qualifiée de dilatoire et que l'« exécution de cette décision a soulevé des difficultés nombreuses, que les positions longtemps irréconciliables de France Télécom et de Numericable n'ont pas permis de surmonter rapidement ».
Cependant, et comme cela ressort des éléments analysés par l'Autorité, notamment au point 1.7.1 de la présente décision, les sociétés Numericable n'étaient pas fondées à soutenir qu'elles pouvaient exécuter la décision n° 2010-1179 sans consentir à la modification des contrats de cession. Ces sociétés ne sont pas davantage fondées à soutenir que le retard constaté dans l'exécution de la décision n° 2010-1179 résulterait de l'attitude de France Télécom.
Sur l'attitude des sociétés Numericable jusqu'au mois de septembre 2011 :
L'Autorité ne peut considérer que l'attitude des sociétés Numericable consistant à attendre le 3 février 2011, date à laquelle leur demande de sursis à exécution a été rejetée par la cour d'appel de Paris, pour considérer que « c'est donc à compter de cette date que la question de la mise en œuvre de son dispositif s'est imposée à Numericable », constitue la démonstration d'une volonté d'appliquer de bonne foi une décision exécutoire depuis le 8 novembre 2010.
Comme analysé précédemment, ces sociétés ne pouvaient ignorer que la décision de l'Autorité posait une obligation de modification des contrats de cession. Si les sociétés Numericable étaient parfaitement libres de mener des travaux visant à préparer la mise en œuvre des nouvelles modalités opérationnelles et d'inviter France Télécom à y participer, ces travaux pouvaient se dérouler parallèlement ou postérieurement à la modification des contrats.
Les réticences, et l'attitude prétendument non diligente de France Télécom à participer à ces travaux, ne sont nullement démontrées dès lors que France Télécom :
― a proposé dès le mois de janvier 2011 des projets d'avenants ;
― a accepté, tout en continuant à exiger que les contrats d'accès soient modifiés, de participer aux travaux intermédiaires qui visaient pourtant, pour l'essentiel, à adapter des processus internes à ces sociétés ; et
― a finalement accepté de signer, moins de deux semaines après leur communication, les avenants proposés par les sociétés Numericable.
Sur l'attitude des sociétés Numericable depuis le mois de septembre 2011 :
En ce qui concerne la proposition d'engagement communiquée en septembre 2011, et outre le caractère a priori redondant d'un engagement à respecter une décision de règlement de différend, l'Autorité estime que cet engagement ne pouvait être compris ni comme une application en soi de la décision en question ni même comme la démonstration d'une volonté d'appliquer in fine cette décision de bonne foi.
En effet, l'Autorité constate que ce projet, en dépit de la rédaction de son article 1er, aux termes duquel les sociétés Numericable s'engageaient « à se conformer en tous points et de bonne foi à la décision de l'ARCEP », comportait pourtant des dispositions immédiatement contraires à cette décision :
― en premier lieu, il ressort que cet engagement unilatéral n'avait pas pour objet de modifier les contrats de cession alors que cette modification était prescrite par la décision de l'Autorité ; à cet égard, si les parties étaient libres de définir quelle forme précise cette modification devait prendre, il était, en tout état de cause, indispensable que cette forme revête un caractère contractuel, dès lors que seul un nouveau contrat entre les parties concernées pouvait permettre de modifier le contenu des contrats de cession (9) ; il apparaît en outre que cette contractualisation formelle constitue une obligation au regard des dispositions du CPCE : il ressort en effet de l'article L. 34-8 du CPCE que « l'interconnexion ou l'accès font l'objet d'une convention de droit privé entre les parties concernées. Cette convention détermine, dans le respect des dispositions du présent code et des décisions prises pour son application, les conditions techniques et financières de l'interconnexion ou de l'accès. » (10) ;
― en deuxième lieu, cet engagement subordonnait la mise en œuvre des nouvelles modalités opérationnelles à la conduite préalable des travaux intermédiaires précités imposant la participation diligente de France Télécom (article 1er, point 1.2).
Il résulte de ce qui précède que cette proposition d'engagement n'était pas de nature à permettre l'exécution pleine et entière de la décision n° 2010-1179 et que c'est seulement une fois que la présente procédure a été ouverte à l'encontre des sociétés Numericable que cette décision a été mise en exécution.
Par conséquent, l'Autorité ne considère pas que les sociétés Numericable aient entendu appliquer de bonne foi la décision n° 2010-1179 jusqu'au 24 novembre 2011, qui ne présentait pourtant aucune difficulté sérieuse d'interprétation ou d'application. Alors que France Télécom n'a jamais entretenu de confusion quant à sa volonté de voir les contrats de cession être modifiés conformément à ses demandes initiales dans le cadre du différend réglé par l'Autorité, les sociétés Numericable s'y sont systématiquement opposées. Celles-ci ont choisi de déplacer les discussions avec France Télécom sur le terrain des adaptations internes que supposait l'éventuelle application des nouvelles modalités opérationnelles et tenté de qualifier la prudence et la réserve de France Télécom à participer à ces travaux comme constitutive d'une volonté d'entraver la bonne exécution de cette même décision.
Au regard de ce qui précède, l'Autorité constate que le retard d'exécution de la décision est entièrement imputable aux sociétés Numericable qui, pendant plus de dix mois, ont refusé délibérément, et sans raison valable, toute modification de leurs contrats de cession.
En réponse à un argument des sociétés Numericable, qui considèrent inéquitable que n'ait pas été ouverte une procédure, sur le fondement de l'article L. 36-11, à l'encontre de France Télécom, l'Autorité relève que cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation qui est faite, dans le cadre de la présente décision, des manquements imputés aux sociétés Numericable et de leur gravité.

(9) Comme le relevaient elles-mêmes les sociétés Numericable dans le cadre de la procédure de règlement de différend : « C'est bien pour cela que les contrats de cession ne sauraient être modifiés sans l'accord des deux parties » (page 9 des réponses de Numericable SAS et de NC Numericable au questionnaire adressé aux parties, en date du 20 septembre 2011). (10) L'article D. 99-6 du CPCE définit d'ailleurs les clauses devant figurer a minima dans ces conventions.

1.8. Conclusion

Dans leurs observations du 30 novembre 2011, les sociétés Numericable indiquent que, dès lors qu'elles ont communiqué, le 29 novembre 2011, des avenants à France Télécom, elles estiment s'être entièrement conformées à leur obligation d'exécution de la décision, et qu'il serait par conséquent inéquitable que l'Autorité prononce une sanction à leur encontre.
Cependant, la circonstance que les sociétés Numericable, après avoir systématiquement refusé la modification des contrats de cession pendant plus de dix mois, aient finalement accepté, dans le contexte de la procédure ouverte à leur encontre sur le fondement de l'article L. 36-11, de se conformer à l'obligation, qui leur incombe au titre de l'article 1er de la décision, d'adapter ces contrats ne signifie nullement que la procédure ouverte à leur encontre soit devenue sans objet.
En effet, l'article L. 36-11 prévoit que l'Autorité peut sanctionner les manquements des opérateurs à leurs obligations résultant du cadre applicable aux communications électroniques, et notamment le fait pour un opérateur de ne pas se conformer « dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 ».
Il en résulte que l'Autorité est fondée à sanctionner le retard avec lequel la décision n° 2010-1179 serait finalement exécutée ― et qui est imputable aux sociétés Numericable. Ce retard est constitutif d'une violation de l'article 2 de cette décision.
Au surplus, il convient de souligner que, dans le cas d'une décision de règlement de différend, la loi ne prévoit pas qu'une mise en demeure soit adressée à l'opérateur pour lui donner l'occasion de se conformer à ses obligations. Cette spécificité procédurale se justifie par :
― la nécessité d'assurer l'exécution des décisions de l'Autorité dans des délais qui soient compatibles avec l'effectivité de cette procédure, ce qui implique notamment une intervention rapide du régulateur ;
― le fait qu'un opérateur ne peut se méprendre sur la portée des obligations que fait spécifiquement peser sur lui une décision de règlement de différend, dans le cadre d'un différend le concernant directement.
L'article L. 36-11 consacre donc l'importance particulière qui s'attache à l'exécution, dans les délais fixés par l'Autorité, de ses décisions de règlement de différend et qui justifie que l'Autorité puisse sanctionner tout retard dans l'exécution imputable à un opérateur.
L'article L. 36-11 prévoit que l'Autorité peut, lorsqu'un opérateur « ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 », sanctionner ce manquement en prononçant à son encontre « une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ».
Ces dispositions doivent être lues à la lumière du cadre européen des communications électroniques : les dernières directives adoptées fin 2009 précisent que les sanctions prononcées par les autorités de régulation nationales doivent avoir un caractère dissuasif (11).
L'Autorité estime que le manquement imputé aux sociétés Numericable est particulièrement grave compte tenu de l'intérêt général qui s'attache, au regard de l'ordre public économique, à l'exécution, dans les délais prescrits, de ses décisions de règlement de différend.
A cet égard, il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise de refuser de se conformer à des injonctions qui lui ont été imposées par une autorité compétente constitue un manquement d'une particulière gravité.
La cour d'appel de Paris a ainsi considéré, dans un arrêt en date du 11 janvier 2005, que le fait pour une entreprise de ne pas avoir respecté une injonction du Conseil de la concurrence constituait « en soi [...], une pratique d'une gravité exceptionnelle ». La cour d'appel de Paris a, dans cette affaire, doublé le montant de la sanction infligée à France Télécom par le Conseil de la concurrence, le portant à 40 millions d'euros, au motif de « la gravité de la pratique poursuivie, caractérisée par le non-respect délibéré d'une injonction claire, précise et dépourvue d'ambiguïté et par la persistance du comportement anticoncurrentiel de France Télécom ».
Une amende du même montant ― 40 millions d'euros ― a également été infligée à France Télécom par le Conseil de la concurrence (12) pour sanctionner en particulier le non-respect par cette dernière des injonctions formulées à son encontre par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 en ce qui concerne l'orientation vers les coûts des tarifs de l'activité de gestionnaire de fichiers. Dans un arrêt du 6 avril 2004, la cour d'appel a approuvé le Conseil de la concurrence, en relevant notamment « que la société France Télécom n'avait pas respecté une injonction sur le sens de laquelle elle n'a pu se méprendre [...] ».
Si les sociétés Numericable ont fini par se conformer à la décision n° 2010-1179 dans le contexte de la présente procédure, il n'en demeure pas moins que le retard qui leur est imputable constitue un manquement grave et délibéré. En effet, la décision, qui était immédiatement exécutoire et aurait dû être mise en exécution dans un délai de deux mois maximum à compter de sa notification, ne sera finalement mise en exécution que plus de treize mois après sa notification aux parties, soit un retard de plus de dix mois. Ce retard est d'autant plus grave qu'il s'est prolongé, en dépit du rejet par la cour d'appel de Paris, de la demande de sursis à exécution puis du recours au fond déposés par les sociétés Numericable.
Les chiffres d'affaires des deux sociétés Numericable en 2010 atteignaient au total 920 745 800 euros, répartis comme suit :
342 691 000 euros pour la société NC Numericable ;
578 054 800 euros pour la société Numericable SAS.
Comme cela a été rappelé au point 1.1 de la présente décision, les deux sociétés Numericable SAS et NC Numericable ont constamment agi, dans le cadre des échanges relatifs à l'exécution de la décision n° 2010-1179, tout comme dans les différents recours engagés contre elle devant la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, par l'intermédiaire de leurs dirigeants qui sont communs aux deux sociétés, comme si elles formaient une seule et même entité. Le retard dans l'exécution de la décision n° 2010-1179 constitue donc un manquement imputable à chacune de ces deux sociétés.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il est proportionné d'infliger une sanction financière d'un montant global de 5 millions d'euros aux sociétés Numericable.
Il convient de répartir ce montant global entre chacune de ces deux sociétés en fonction de l'importance de leur chiffre d'affaires respectif, soit :
1 860 000 euros pour la société NC Numericable ;
3 140 000 euros pour la société Numericable SAS.

(11) A cet égard, voir l'article 21 bis de la directive « cadre » modifiée, qui dispose que « Les sanctions ainsi prévues doivent être appropriées, effectives, proportionnées et dissuasives », ainsi que l'article 10 de la directive « autorisation » modifiée qui prévoit que « les Etats membres habilitent les autorités compétentes à imposer [...] des sanctions financières dissuasives s'il y a lieu ». (12) Décision du Conseil de la concurrence n° 03-D-43 du 12 septembre 2003.

Décide :
Une sanction pécuniaire de 1 860 000 euros est prononcée à l'encontre de la société NC Numericable.
Une sanction pécuniaire de 3 140 000 euros est prononcée à l'encontre de la société Numericable SAS.
La présente décision sera notifiée aux sociétés NC Numericable et Numericable SAS et publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 20 décembre 2011.

Le président,

J.-L. Silicani

[...] passages relevant des secrets protégés par la loi.