JORF n°0009 du 11 janvier 2012

1.8. Conclusion

Dans leurs observations du 30 novembre 2011, les sociétés Numericable indiquent que, dès lors qu'elles ont communiqué, le 29 novembre 2011, des avenants à France Télécom, elles estiment s'être entièrement conformées à leur obligation d'exécution de la décision, et qu'il serait par conséquent inéquitable que l'Autorité prononce une sanction à leur encontre.
Cependant, la circonstance que les sociétés Numericable, après avoir systématiquement refusé la modification des contrats de cession pendant plus de dix mois, aient finalement accepté, dans le contexte de la procédure ouverte à leur encontre sur le fondement de l'article L. 36-11, de se conformer à l'obligation, qui leur incombe au titre de l'article 1er de la décision, d'adapter ces contrats ne signifie nullement que la procédure ouverte à leur encontre soit devenue sans objet.
En effet, l'article L. 36-11 prévoit que l'Autorité peut sanctionner les manquements des opérateurs à leurs obligations résultant du cadre applicable aux communications électroniques, et notamment le fait pour un opérateur de ne pas se conformer « dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 ».
Il en résulte que l'Autorité est fondée à sanctionner le retard avec lequel la décision n° 2010-1179 serait finalement exécutée ― et qui est imputable aux sociétés Numericable. Ce retard est constitutif d'une violation de l'article 2 de cette décision.
Au surplus, il convient de souligner que, dans le cas d'une décision de règlement de différend, la loi ne prévoit pas qu'une mise en demeure soit adressée à l'opérateur pour lui donner l'occasion de se conformer à ses obligations. Cette spécificité procédurale se justifie par :
― la nécessité d'assurer l'exécution des décisions de l'Autorité dans des délais qui soient compatibles avec l'effectivité de cette procédure, ce qui implique notamment une intervention rapide du régulateur ;
― le fait qu'un opérateur ne peut se méprendre sur la portée des obligations que fait spécifiquement peser sur lui une décision de règlement de différend, dans le cadre d'un différend le concernant directement.
L'article L. 36-11 consacre donc l'importance particulière qui s'attache à l'exécution, dans les délais fixés par l'Autorité, de ses décisions de règlement de différend et qui justifie que l'Autorité puisse sanctionner tout retard dans l'exécution imputable à un opérateur.
L'article L. 36-11 prévoit que l'Autorité peut, lorsqu'un opérateur « ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 », sanctionner ce manquement en prononçant à son encontre « une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ».
Ces dispositions doivent être lues à la lumière du cadre européen des communications électroniques : les dernières directives adoptées fin 2009 précisent que les sanctions prononcées par les autorités de régulation nationales doivent avoir un caractère dissuasif (11).
L'Autorité estime que le manquement imputé aux sociétés Numericable est particulièrement grave compte tenu de l'intérêt général qui s'attache, au regard de l'ordre public économique, à l'exécution, dans les délais prescrits, de ses décisions de règlement de différend.
A cet égard, il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise de refuser de se conformer à des injonctions qui lui ont été imposées par une autorité compétente constitue un manquement d'une particulière gravité.
La cour d'appel de Paris a ainsi considéré, dans un arrêt en date du 11 janvier 2005, que le fait pour une entreprise de ne pas avoir respecté une injonction du Conseil de la concurrence constituait « en soi [...], une pratique d'une gravité exceptionnelle ». La cour d'appel de Paris a, dans cette affaire, doublé le montant de la sanction infligée à France Télécom par le Conseil de la concurrence, le portant à 40 millions d'euros, au motif de « la gravité de la pratique poursuivie, caractérisée par le non-respect délibéré d'une injonction claire, précise et dépourvue d'ambiguïté et par la persistance du comportement anticoncurrentiel de France Télécom ».
Une amende du même montant ― 40 millions d'euros ― a également été infligée à France Télécom par le Conseil de la concurrence (12) pour sanctionner en particulier le non-respect par cette dernière des injonctions formulées à son encontre par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 en ce qui concerne l'orientation vers les coûts des tarifs de l'activité de gestionnaire de fichiers. Dans un arrêt du 6 avril 2004, la cour d'appel a approuvé le Conseil de la concurrence, en relevant notamment « que la société France Télécom n'avait pas respecté une injonction sur le sens de laquelle elle n'a pu se méprendre [...] ».
Si les sociétés Numericable ont fini par se conformer à la décision n° 2010-1179 dans le contexte de la présente procédure, il n'en demeure pas moins que le retard qui leur est imputable constitue un manquement grave et délibéré. En effet, la décision, qui était immédiatement exécutoire et aurait dû être mise en exécution dans un délai de deux mois maximum à compter de sa notification, ne sera finalement mise en exécution que plus de treize mois après sa notification aux parties, soit un retard de plus de dix mois. Ce retard est d'autant plus grave qu'il s'est prolongé, en dépit du rejet par la cour d'appel de Paris, de la demande de sursis à exécution puis du recours au fond déposés par les sociétés Numericable.
Les chiffres d'affaires des deux sociétés Numericable en 2010 atteignaient au total 920 745 800 euros, répartis comme suit :
342 691 000 euros pour la société NC Numericable ;
578 054 800 euros pour la société Numericable SAS.
Comme cela a été rappelé au point 1.1 de la présente décision, les deux sociétés Numericable SAS et NC Numericable ont constamment agi, dans le cadre des échanges relatifs à l'exécution de la décision n° 2010-1179, tout comme dans les différents recours engagés contre elle devant la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, par l'intermédiaire de leurs dirigeants qui sont communs aux deux sociétés, comme si elles formaient une seule et même entité. Le retard dans l'exécution de la décision n° 2010-1179 constitue donc un manquement imputable à chacune de ces deux sociétés.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il est proportionné d'infliger une sanction financière d'un montant global de 5 millions d'euros aux sociétés Numericable.
Il convient de répartir ce montant global entre chacune de ces deux sociétés en fonction de l'importance de leur chiffre d'affaires respectif, soit :
1 860 000 euros pour la société NC Numericable ;
3 140 000 euros pour la société Numericable SAS.

(11) A cet égard, voir l'article 21 bis de la directive « cadre » modifiée, qui dispose que « Les sanctions ainsi prévues doivent être appropriées, effectives, proportionnées et dissuasives », ainsi que l'article 10 de la directive « autorisation » modifiée qui prévoit que « les Etats membres habilitent les autorités compétentes à imposer [...] des sanctions financières dissuasives s'il y a lieu ». (12) Décision du Conseil de la concurrence n° 03-D-43 du 12 septembre 2003.


Historique des versions

Version 1

1.8. Conclusion

Dans leurs observations du 30 novembre 2011, les sociétés Numericable indiquent que, dès lors qu'elles ont communiqué, le 29 novembre 2011, des avenants à France Télécom, elles estiment s'être entièrement conformées à leur obligation d'exécution de la décision, et qu'il serait par conséquent inéquitable que l'Autorité prononce une sanction à leur encontre.

Cependant, la circonstance que les sociétés Numericable, après avoir systématiquement refusé la modification des contrats de cession pendant plus de dix mois, aient finalement accepté, dans le contexte de la procédure ouverte à leur encontre sur le fondement de l'article L. 36-11, de se conformer à l'obligation, qui leur incombe au titre de l'article 1er de la décision, d'adapter ces contrats ne signifie nullement que la procédure ouverte à leur encontre soit devenue sans objet.

En effet, l'article L. 36-11 prévoit que l'Autorité peut sanctionner les manquements des opérateurs à leurs obligations résultant du cadre applicable aux communications électroniques, et notamment le fait pour un opérateur de ne pas se conformer « dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 ».

Il en résulte que l'Autorité est fondée à sanctionner le retard avec lequel la décision n° 2010-1179 serait finalement exécutée ― et qui est imputable aux sociétés Numericable. Ce retard est constitutif d'une violation de l'article 2 de cette décision.

Au surplus, il convient de souligner que, dans le cas d'une décision de règlement de différend, la loi ne prévoit pas qu'une mise en demeure soit adressée à l'opérateur pour lui donner l'occasion de se conformer à ses obligations. Cette spécificité procédurale se justifie par :

― la nécessité d'assurer l'exécution des décisions de l'Autorité dans des délais qui soient compatibles avec l'effectivité de cette procédure, ce qui implique notamment une intervention rapide du régulateur ;

― le fait qu'un opérateur ne peut se méprendre sur la portée des obligations que fait spécifiquement peser sur lui une décision de règlement de différend, dans le cadre d'un différend le concernant directement.

L'article L. 36-11 consacre donc l'importance particulière qui s'attache à l'exécution, dans les délais fixés par l'Autorité, de ses décisions de règlement de différend et qui justifie que l'Autorité puisse sanctionner tout retard dans l'exécution imputable à un opérateur.

L'article L. 36-11 prévoit que l'Autorité peut, lorsqu'un opérateur « ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 », sanctionner ce manquement en prononçant à son encontre « une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ».

Ces dispositions doivent être lues à la lumière du cadre européen des communications électroniques : les dernières directives adoptées fin 2009 précisent que les sanctions prononcées par les autorités de régulation nationales doivent avoir un caractère dissuasif (11).

L'Autorité estime que le manquement imputé aux sociétés Numericable est particulièrement grave compte tenu de l'intérêt général qui s'attache, au regard de l'ordre public économique, à l'exécution, dans les délais prescrits, de ses décisions de règlement de différend.

A cet égard, il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise de refuser de se conformer à des injonctions qui lui ont été imposées par une autorité compétente constitue un manquement d'une particulière gravité.

La cour d'appel de Paris a ainsi considéré, dans un arrêt en date du 11 janvier 2005, que le fait pour une entreprise de ne pas avoir respecté une injonction du Conseil de la concurrence constituait « en soi [...], une pratique d'une gravité exceptionnelle ». La cour d'appel de Paris a, dans cette affaire, doublé le montant de la sanction infligée à France Télécom par le Conseil de la concurrence, le portant à 40 millions d'euros, au motif de « la gravité de la pratique poursuivie, caractérisée par le non-respect délibéré d'une injonction claire, précise et dépourvue d'ambiguïté et par la persistance du comportement anticoncurrentiel de France Télécom ».

Une amende du même montant ― 40 millions d'euros ― a également été infligée à France Télécom par le Conseil de la concurrence (12) pour sanctionner en particulier le non-respect par cette dernière des injonctions formulées à son encontre par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 en ce qui concerne l'orientation vers les coûts des tarifs de l'activité de gestionnaire de fichiers. Dans un arrêt du 6 avril 2004, la cour d'appel a approuvé le Conseil de la concurrence, en relevant notamment « que la société France Télécom n'avait pas respecté une injonction sur le sens de laquelle elle n'a pu se méprendre [...] ».

Si les sociétés Numericable ont fini par se conformer à la décision n° 2010-1179 dans le contexte de la présente procédure, il n'en demeure pas moins que le retard qui leur est imputable constitue un manquement grave et délibéré. En effet, la décision, qui était immédiatement exécutoire et aurait dû être mise en exécution dans un délai de deux mois maximum à compter de sa notification, ne sera finalement mise en exécution que plus de treize mois après sa notification aux parties, soit un retard de plus de dix mois. Ce retard est d'autant plus grave qu'il s'est prolongé, en dépit du rejet par la cour d'appel de Paris, de la demande de sursis à exécution puis du recours au fond déposés par les sociétés Numericable.

Les chiffres d'affaires des deux sociétés Numericable en 2010 atteignaient au total 920 745 800 euros, répartis comme suit :

342 691 000 euros pour la société NC Numericable ;

578 054 800 euros pour la société Numericable SAS.

Comme cela a été rappelé au point 1.1 de la présente décision, les deux sociétés Numericable SAS et NC Numericable ont constamment agi, dans le cadre des échanges relatifs à l'exécution de la décision n° 2010-1179, tout comme dans les différents recours engagés contre elle devant la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, par l'intermédiaire de leurs dirigeants qui sont communs aux deux sociétés, comme si elles formaient une seule et même entité. Le retard dans l'exécution de la décision n° 2010-1179 constitue donc un manquement imputable à chacune de ces deux sociétés.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il est proportionné d'infliger une sanction financière d'un montant global de 5 millions d'euros aux sociétés Numericable.

Il convient de répartir ce montant global entre chacune de ces deux sociétés en fonction de l'importance de leur chiffre d'affaires respectif, soit :

1 860 000 euros pour la société NC Numericable ;

3 140 000 euros pour la société Numericable SAS.

(11) A cet égard, voir l'article 21 bis de la directive « cadre » modifiée, qui dispose que « Les sanctions ainsi prévues doivent être appropriées, effectives, proportionnées et dissuasives », ainsi que l'article 10 de la directive « autorisation » modifiée qui prévoit que « les Etats membres habilitent les autorités compétentes à imposer [...] des sanctions financières dissuasives s'il y a lieu ». (12) Décision du Conseil de la concurrence n° 03-D-43 du 12 septembre 2003.